Les Mystère de Paris par Eugène Sue

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Les mystères de Paris (Tome I) - Eugène Sue l'abbé de leurs secrets desseins. Au retour de Rodolphe et du squire, tous trois, rassemblés par leur intérêt commun, s'étaient tacitement ligués contre Murph, leur ennemi le plus redoutable. 304

Les mystères de Paris (Tome I) - Eugène Sue XIV Un premier amour. À son retour, Rodolphe, voyant chaque jour Sarah, en devint follement épris. Bientôt elle lui avoua qu'elle partageait son amour, quoiqu'il dût, prévoyaitelle, leur causer de violents chagrins. Ils ne pouvaient jamais être heureux; une trop grande distance les séparait. Aussi recommanda-t-elle à Rodolphe la plus profonde discrétion, de peur d'éveiller les soupçons du grand-duc, qui serait inexorable et les priverait de leur seul bonheur, celui de se voir chaque jour. Rodolphe promit de s'observer et de cacher son amour. L'Écossaise était trop ambitieuse, trop sûre d'elle-même, pour se compromettre et se trahir aux yeux de la cour. Le jeune prince sentait aussi le besoin de la dissimulation; il imita la prudence de Sarah. L'amoureux secret fut parfaitement gardé pendant quelque temps. Lorsque le frère et la sœur virent la passion effrénée de Rodolphe arrivée à son paroxysme, et son exaltation croissante, plus difficile à contenir de jour en jour, sur le point d'éclater et de tout perdre, ils portèrent le grand coup. Le caractère de l'abbé autorisant cette confidence, d'ailleurs toute de moralité, Tom lui fit les premières ouvertures sur la nécessité d'un mariage entre Rodolphe et Sarah: sinon, ajoutait-il très-sincèrement, lui et sa sœur quitteraient immédiatement Gerolstein. Sarah partageait l'amour du prince, mais elle préférait la mort au déshonneur et ne pouvait être que la femme de Son Altesse. Ces prétentions stupéfièrent le prêtre; il n'avait jamais cru Sarah si audacieusement ambitieuse. Un tel mariage, entouré de difficultés sans nombre, de dangers de toute sorte, parut impossible à l'abbé; il dit franchement à Tom les raisons pour lesquelles le grand-duc ne consentirait jamais à une telle union. Tom accepta ces raisons, en reconnut l'importance; mais il proposa, comme un mezzo termine qui pouvait tout concilier, un mariage secret bien en règle et seulement déclaré après la mort du grand-duc régnant. Sarah était de noble et ancienne maison; une telle union ne manquait pas de précédents. Tom donnait à l'abbé, et conséquemment au prince, huit jours pour se décider: sa sœur ne supporterait pas plus longtemps les cruelles angoisses de l'incertitude; s'il lui fallait renoncer à l'amour de Rodolphe, elle prendrait cette 305

<strong>Les</strong> mystères <strong>de</strong> <strong>Paris</strong> (Tome I) - <strong>Eugène</strong> <strong>Sue</strong><br />

XIV Un premier amour.<br />

À son retour, Rodolphe, voyant chaque jour Sarah, en <strong>de</strong>vint follement épris.<br />

Bientôt elle lui avoua qu'elle <strong>par</strong>tageait son amour, quoiqu'il dût, prévoyaitelle,<br />

leur causer <strong>de</strong> violents chagrins. Ils ne pouvaient jamais être heureux; une<br />

trop gran<strong>de</strong> distance les sé<strong>par</strong>ait. Aussi recommanda-t-elle à Rodolphe la plus<br />

profon<strong>de</strong> discrétion, <strong>de</strong> peur d'éveiller les soupçons du grand-duc, qui serait<br />

inexorable et les priverait <strong>de</strong> leur seul bonheur, celui <strong>de</strong> se voir chaque jour.<br />

Rodolphe promit <strong>de</strong> s'observer et <strong>de</strong> cacher son amour. L'Écossaise était trop<br />

ambitieuse, trop sûre d'elle-même, pour se compromettre et se trahir aux yeux<br />

<strong>de</strong> la cour. Le jeune prince sentait aussi le besoin <strong>de</strong> la dissimulation; il imita<br />

la pru<strong>de</strong>nce <strong>de</strong> Sarah. L'amoureux secret fut <strong>par</strong>faitement gardé pendant<br />

quelque temps.<br />

Lorsque le frère et la sœur virent la passion effrénée <strong>de</strong> Rodolphe arrivée à son<br />

<strong>par</strong>oxysme, et son exaltation croissante, plus difficile à contenir <strong>de</strong> jour en<br />

jour, sur le point d'éclater et <strong>de</strong> tout perdre, ils portèrent le grand coup.<br />

Le caractère <strong>de</strong> l'abbé autorisant cette confi<strong>de</strong>nce, d'ailleurs toute <strong>de</strong> moralité,<br />

Tom lui fit les premières ouvertures sur la nécessité d'un mariage entre<br />

Rodolphe et Sarah: sinon, ajoutait-il très-sincèrement, lui et sa sœur<br />

quitteraient immédiatement Gerolstein. Sarah <strong>par</strong>tageait l'amour du prince,<br />

mais elle préférait la mort au déshonneur et ne pouvait être que la femme <strong>de</strong><br />

Son Altesse.<br />

Ces prétentions stupéfièrent le prêtre; il n'avait jamais cru Sarah si<br />

audacieusement ambitieuse. Un tel mariage, entouré <strong>de</strong> difficultés sans<br />

nombre, <strong>de</strong> dangers <strong>de</strong> toute sorte, <strong>par</strong>ut impossible à l'abbé; il dit franchement<br />

à Tom les raisons pour lesquelles le grand-duc ne consentirait jamais à une<br />

telle union.<br />

Tom accepta ces raisons, en reconnut l'importance; mais il proposa, comme un<br />

mezzo termine qui pouvait tout concilier, un mariage secret bien en règle et<br />

seulement déclaré après la mort du grand-duc régnant.<br />

Sarah était <strong>de</strong> noble et ancienne maison; une telle union ne manquait pas <strong>de</strong><br />

précé<strong>de</strong>nts. Tom donnait à l'abbé, et conséquemment au prince, huit jours pour<br />

se déci<strong>de</strong>r: sa sœur ne supporterait pas plus longtemps les cruelles angoisses <strong>de</strong><br />

l'incertitu<strong>de</strong>; s'il lui fallait renoncer à l'amour <strong>de</strong> Rodolphe, elle prendrait cette<br />

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