Les Mystère de Paris par Eugène Sue
Les Mystère de Paris par Eugène Sue Les Mystère de Paris par Eugène Sue
Les mystères de Paris (Tome I) - Eugène Sue sait porter plus gravement une croix d'émail au cou et plus majestueusement une clef d'or au dos? —À propos, baron, monseigneur prétend que le dos d'un chambellan a une physionomie toute particulière: c'est, dit-il, une expression à la fois contrainte et révoltée, qui fait peine à voir; car, ô douleur! c'est au dos du chambellan que brille le signe symbolique de sa charge; et, selon monseigneur, ce digne d'Harneim semble toujours tenté de se présenter à reculons, pour que l'on juge tout de suite de son importance. —Le fait est que le sujet incessant des méditations du comte est la question de savoir par quelle fatale imagination on a placé la clef de chambellan derrière le dos; car, ainsi qu'il le dit très-sensément, avec une sorte de douleur courroucée: «Que diable! On n'ouvre pas une porte avec le dos, pourtant!» —Baron! le courrier, le courrier! dit Murph en montrant la pendule au baron. —Maudit homme, qui me fait causer! C'est votre faute. Présentez mes respects à Son Altesse, dit M. de Graün, en courant prendre son chapeau; et à ce soir, mon cher Murph. —À ce soir, mon cher baron; un peu tard, car je suis sûr que monseigneur voudra visiter aujourd'hui même la mystérieuse maison de la rue du Temple. 246
Les mystères de Paris (Tome I) - Eugène Sue VIII Une maison de la rue du Temple. Afin d'utiliser les renseignements que le baron de Graün avait recueillis sur la Goualeuse et sur Germain, fils du Maître d'école, Rodolphe devait se rendre rue du Temple, et chez le notaire Jacques Ferrand: Chez celui-ci, pour tâcher d'obtenir de M me Séraphin quelques indices sur la famille de Fleur-de-Marie. À la maison de la rue du Temple, récemment habitée par Germain, afin de tenter de découvrir la retraite de ce jeune homme par l'intermédiaire de M lle Rigolette; tâche assez difficile, cette grisette sachant peut-être que le fils du Maître d'école avait le plus grand intérêt à laisser complètement ignorer sa nouvelle demeure. En louant dans la maison de la rue du Temple la chambre naguère occupée par Germain, Rodolphe facilitait ainsi ses recherches et se mettait à même d'observer de près les différentes classes de gens qui occupaient cette demeure. Le jour même de l'entretien du baron de Graün et de Murph, Rodolphe se rendit, vers les trois heures, à la rue du Temple, par une triste journée d'hiver. Située au centre d'un quartier marchand et populeux, cette maison n'offrait rien de particulier dans son aspect; elle se composait d'un rez-de-chaussée occupé par un rogomiste, et de quatre étages surmontés de mansardes. Une allée sombre, étroite, conduisait à une petite cour ou plutôt à une espèce de puits carré de cinq ou six pieds de large, complètement privé d'air, de lumière, réceptacle infect de toutes les immondices de la maison, qui y pleuvaient des étages supérieurs, car des lucarnes sans vitres s'ouvraient audessus du plomb de chaque palier. Au pied d'un escalier humide et noir, une lueur rougeâtre annonçait la loge du portier; loge enfumée par la combustion d'une lampe, nécessaire même en plein midi pour éclairer cet antre obscur où nous suivrons Rodolphe, à peu près vêtu en commis marchand non endimanché. Il portait un paletot de couleur douteuse, un chapeau quelque peu déformé, une cravate rouge, un parapluie et d'immenses socques articulés. Pour compléter l'illusion de son rôle, Rodolphe tenait sous le bras un grand rouleau d'étoffes 247
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VIII Une maison <strong>de</strong> la rue du Temple.<br />
Afin d'utiliser les renseignements que le baron <strong>de</strong> Graün avait recueillis sur la<br />
Goualeuse et sur Germain, fils du Maître d'école, Rodolphe <strong>de</strong>vait se rendre<br />
rue du Temple, et chez le notaire Jacques Ferrand:<br />
Chez celui-ci, pour tâcher d'obtenir <strong>de</strong> M me Séraphin quelques indices sur la<br />
famille <strong>de</strong> Fleur-<strong>de</strong>-Marie.<br />
À la maison <strong>de</strong> la rue du Temple, récemment habitée <strong>par</strong> Germain, afin <strong>de</strong><br />
tenter <strong>de</strong> découvrir la retraite <strong>de</strong> ce jeune homme <strong>par</strong> l'intermédiaire <strong>de</strong> M lle<br />
Rigolette; tâche assez difficile, cette grisette sachant peut-être que le fils du<br />
Maître d'école avait le plus grand intérêt à laisser complètement ignorer sa<br />
nouvelle <strong>de</strong>meure.<br />
En louant dans la maison <strong>de</strong> la rue du Temple la chambre naguère occupée <strong>par</strong><br />
Germain, Rodolphe facilitait ainsi ses recherches et se mettait à même<br />
d'observer <strong>de</strong> près les différentes classes <strong>de</strong> gens qui occupaient cette <strong>de</strong>meure.<br />
Le jour même <strong>de</strong> l'entretien du baron <strong>de</strong> Graün et <strong>de</strong> Murph, Rodolphe se<br />
rendit, vers les trois heures, à la rue du Temple, <strong>par</strong> une triste journée d'hiver.<br />
Située au centre d'un quartier marchand et populeux, cette maison n'offrait rien<br />
<strong>de</strong> <strong>par</strong>ticulier dans son aspect; elle se composait d'un rez-<strong>de</strong>-chaussée occupé<br />
<strong>par</strong> un rogomiste, et <strong>de</strong> quatre étages surmontés <strong>de</strong> mansar<strong>de</strong>s.<br />
Une allée sombre, étroite, conduisait à une petite cour ou plutôt à une espèce<br />
<strong>de</strong> puits carré <strong>de</strong> cinq ou six pieds <strong>de</strong> large, complètement privé d'air, <strong>de</strong><br />
lumière, réceptacle infect <strong>de</strong> toutes les immondices <strong>de</strong> la maison, qui y<br />
pleuvaient <strong>de</strong>s étages supérieurs, car <strong>de</strong>s lucarnes sans vitres s'ouvraient au<strong>de</strong>ssus<br />
du plomb <strong>de</strong> chaque palier.<br />
Au pied d'un escalier humi<strong>de</strong> et noir, une lueur rougeâtre annonçait la loge du<br />
portier; loge enfumée <strong>par</strong> la combustion d'une lampe, nécessaire même en<br />
plein midi pour éclairer cet antre obscur où nous suivrons Rodolphe, à peu près<br />
vêtu en commis marchand non endimanché.<br />
Il portait un paletot <strong>de</strong> couleur douteuse, un chapeau quelque peu déformé, une<br />
cravate rouge, un <strong>par</strong>apluie et d'immenses socques articulés. Pour compléter<br />
l'illusion <strong>de</strong> son rôle, Rodolphe tenait sous le bras un grand rouleau d'étoffes<br />
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