Les Mystère de Paris par Eugène Sue
Les Mystère de Paris par Eugène Sue Les Mystère de Paris par Eugène Sue
Les mystères de Paris (Tome I) - Eugène Sue VII Histoire de David et de Cecily. —M. Willis, riche planteur américain de la Floride, dit Murph, avait reconnu dans l'un de ses jeunes esclaves noirs, nommé David, attaché à l'infirmerie de son habitation, une intelligence très-remarquable, une commisération profonde et attentive pour les pauvres malades, auxquels il donnait avec amour les soins prescrits par les médecins et enfin une vocation si singulière pour l'étude de la botanique appliquée à la médecine, que, sans aucune instruction, il avait composé et classé une sorte de flore des plantes de l'habitation et de ses environs. L'exploitation de M. Willis, située sur le bord de la mer, était éloignée de quinze ou vingt lieues de la ville la plus prochaine; les médecins du pays, assez ignorants d'ailleurs, se dérangeaient difficilement, à cause des grandes distances et de l'incommodité des voies de communication. Voulant remédier à cet inconvénient si grave dans un pays sujet à de violentes épidémies, et avoir toujours un praticien habile, le colon eut l'idée d'envoyer David en France apprendre la chirurgie et la médecine. Enchanté de cette offre, le jeune Noir partit pour Paris; le planteur paya les frais de ses études, et, au bout de huit années d'un travail prodigieux, David, reçu docteur-médecin avec la plus grande distinction, revint en Amérique mettre son savoir à la disposition de son maître. —Mais David avait dû se regarder comme libre et émancipé de fait et de droit en mettant le pied en France. —Mais David est d'une loyauté rare, il avait promis à M. Willis de revenir; il revint. Puis il ne regardait pas pour ainsi dire comme sienne une instruction acquise avec l'argent de son maître. Et puis enfin il espérait pouvoir adoucir moralement et physiquement les souffrances des esclaves ses anciens compagnons. Il se promettait d'être non-seulement leur médecin, mais leur soutien, mais leur défenseur auprès du colon. —Il faut en effet être doué d'une probité rare et d'un saint amour de ses semblables pour retourner auprès d'un maître, après un séjour de huit années à Paris... au milieu de la jeunesse la plus démocratique de l'Europe. —Par ce trait... jugez de l'homme. Le voilà donc à la Floride, et, il faut le dire, traité par M. Willis avec considération et bonté, mangeant à sa table, logeant sous son toit; du reste, ce colon stupide, méchant, sensuel, despote, comme le sont quelques créoles, se crut très-généreux en donnant à David six cents 238
Les mystères de Paris (Tome I) - Eugène Sue francs de salaire. Au bout de quelques mois un typhus horrible se déclare sur l'habitation; M. Willis en est atteint, mais promptement guéri par les excellents soins de David. Sur trente nègres gravement malades, deux seulement périssent. M. Willis, enchanté des services de David, porte ses gages à mille deux cents francs; le médecin noir se trouvait le plus heureux du monde, ses frères le regardaient comme leur providence; il avait, très-difficilement il est vrai, obtenu du maître quelque amélioration à leur sort, il espérait mieux pour l'avenir, en attendant, il moralisait, il consolait ces pauvres gens, il les exhortait à la résignation; il leur parlait de Dieu, qui veille sur le nègre comme sur le Blanc; d'un autre monde, non plus peuplé de maîtres et d'esclaves, mais de justes et de méchants; d'une autre vie... éternelle celle-là, où les uns n'étaient plus le bétail, la chose des autres, mais où les victimes d'ici-bas étaient si heureuses qu'elles priaient dans le ciel pour leurs bourreaux... Que vous dirai-je? À ces malheureux qui, au contraire des autres hommes, comptent avec une joie amère les pas que chaque jour ils font vers la tombe... à ces malheureux qui n'espéraient que le néant, David fit espérer une liberté immortelle; leurs chaînes leur parurent alors moins lourdes, leurs travaux moins pénibles. David était leur idole. Une année environ se passa de la sorte. Parmi les plus jolies esclaves de cette habitation, on remarquait une métisse de quinze ans, nommée Cecily. M. Willis eut une fantaisie de sultan pour cette jeune fille; pour la première fois de sa vie peut-être il éprouva un refus, une résistance opiniâtre. Cecily aimait... elle aimait David, qui, pendant la dernière épidémie, l'avait soignée et sauvée avec un dévouement admirable; plus tard, l'amour, le plus chaste amour paya la dette de la reconnaissance. David avait des goûts trop délicats pour ébruiter son bonheur avant le jour où il pourrait épouser Cecily; il attendait qu'elle eût seize ans révolus. M. Willis, ignorant cette mutuelle affection, avait jeté superbement son mouchoir à la jolie métisse; celle-ci, tout éplorée, vint raconter à David les tentations brutales auxquelles elle avait à grand-peine échappé. Le Noir la rassure, et va sur-lechamp la demander en mariage à M. Willis. —Diable! mon cher Murph, j'ai bien peur de deviner la réponse du sultan américain... Il refusa? —Il refusa. Il avait, disait-il, du goût pour cette jeune fille; de sa vie il n'avait supporté les dédains d'une esclave: il voulait celle-là, il l'aurait. David choisirait une autre femme ou une autre maîtresse à son goût. Il y avait sur l'habitation dix capresses ou métisses aussi jolies que Cecily. David parla de son amour, que Cecily partageait depuis longtemps; le planteur haussa les 239
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<strong>Les</strong> mystères <strong>de</strong> <strong>Paris</strong> (Tome I) - <strong>Eugène</strong> <strong>Sue</strong><br />
francs <strong>de</strong> salaire. Au bout <strong>de</strong> quelques mois un typhus horrible se déclare sur<br />
l'habitation; M. Willis en est atteint, mais promptement guéri <strong>par</strong> les excellents<br />
soins <strong>de</strong> David. Sur trente nègres gravement mala<strong>de</strong>s, <strong>de</strong>ux seulement<br />
périssent. M. Willis, enchanté <strong>de</strong>s services <strong>de</strong> David, porte ses gages à mille<br />
<strong>de</strong>ux cents francs; le mé<strong>de</strong>cin noir se trouvait le plus heureux du mon<strong>de</strong>, ses<br />
frères le regardaient comme leur provi<strong>de</strong>nce; il avait, très-difficilement il est<br />
vrai, obtenu du maître quelque amélioration à leur sort, il espérait mieux pour<br />
l'avenir, en attendant, il moralisait, il consolait ces pauvres gens, il les<br />
exhortait à la résignation; il leur <strong>par</strong>lait <strong>de</strong> Dieu, qui veille sur le nègre comme<br />
sur le Blanc; d'un autre mon<strong>de</strong>, non plus peuplé <strong>de</strong> maîtres et d'esclaves, mais<br />
<strong>de</strong> justes et <strong>de</strong> méchants; d'une autre vie... éternelle celle-là, où les uns<br />
n'étaient plus le bétail, la chose <strong>de</strong>s autres, mais où les victimes d'ici-bas<br />
étaient si heureuses qu'elles priaient dans le ciel pour leurs bourreaux... Que<br />
vous dirai-je? À ces malheureux qui, au contraire <strong>de</strong>s autres hommes,<br />
comptent avec une joie amère les pas que chaque jour ils font vers la tombe... à<br />
ces malheureux qui n'espéraient que le néant, David fit espérer une liberté<br />
immortelle; leurs chaînes leur <strong>par</strong>urent alors moins lour<strong>de</strong>s, leurs travaux<br />
moins pénibles. David était leur idole. Une année environ se passa <strong>de</strong> la sorte.<br />
Parmi les plus jolies esclaves <strong>de</strong> cette habitation, on remarquait une métisse <strong>de</strong><br />
quinze ans, nommée Cecily. M. Willis eut une fantaisie <strong>de</strong> sultan pour cette<br />
jeune fille; pour la première fois <strong>de</strong> sa vie peut-être il éprouva un refus, une<br />
résistance opiniâtre. Cecily aimait... elle aimait David, qui, pendant la <strong>de</strong>rnière<br />
épidémie, l'avait soignée et sauvée avec un dévouement admirable; plus tard,<br />
l'amour, le plus chaste amour paya la <strong>de</strong>tte <strong>de</strong> la reconnaissance. David avait<br />
<strong>de</strong>s goûts trop délicats pour ébruiter son bonheur avant le jour où il pourrait<br />
épouser Cecily; il attendait qu'elle eût seize ans révolus. M. Willis, ignorant<br />
cette mutuelle affection, avait jeté superbement son mouchoir à la jolie<br />
métisse; celle-ci, tout éplorée, vint raconter à David les tentations brutales<br />
auxquelles elle avait à grand-peine échappé. Le Noir la rassure, et va sur-lechamp<br />
la <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r en mariage à M. Willis.<br />
—Diable! mon cher Murph, j'ai bien peur <strong>de</strong> <strong>de</strong>viner la réponse du sultan<br />
américain... Il refusa?<br />
—Il refusa. Il avait, disait-il, du goût pour cette jeune fille; <strong>de</strong> sa vie il n'avait<br />
supporté les dédains d'une esclave: il voulait celle-là, il l'aurait. David<br />
choisirait une autre femme ou une autre maîtresse à son goût. Il y avait sur<br />
l'habitation dix capresses ou métisses aussi jolies que Cecily. David <strong>par</strong>la <strong>de</strong><br />
son amour, que Cecily <strong>par</strong>tageait <strong>de</strong>puis longtemps; le planteur haussa les<br />
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