Les Mystère de Paris par Eugène Sue
Les Mystère de Paris par Eugène Sue Les Mystère de Paris par Eugène Sue
Les mystères de Paris (Tome I) - Eugène Sue fortune et sur la position de ses anciens clients; il sait maint secret dont il se glorifie effrontément d'avoir trafiqué; deux ou trois fois enrichi et ruiné dans les affaires, trop connu pour tenter de nouvelles spéculations, réduit au jour le jour par une foule de moyens plus ou moins illicites, c'est une espèce de Figaro assez curieux à entendre. Tant que son intérêt le lui commande, il appartient corps et âme à qui le paye, il n'a pas d'intérêt à nous tromper; je le fais d'ailleurs surveiller à son insu; nous n'avons donc aucune raison de nous défier de lui. —Les renseignements qu'il nous a déjà donnés étaient, du reste, fort exacts. —Il a de la probité à sa manière, et je vous assure, mon cher Murph, que M. Badinot est le type très-original d'une de ces existences mystérieuses que l'on ne rencontre et qui ne sont possibles qu'à Paris. Il amuserait fort Son Altesse s'il n'était pas nécessaire qu'il n'eût aucun rapport avec elle. —On pourrait augmenter la paye de M. Badinot; jugez-vous cette gratification nécessaire? —Cinq cents francs par mois et les faux frais... montant à peu près à la même somme, me paraissent suffisants; il semble content: nous verrons plus tard. —Et il n'a pas honte du métier qu'il fait? —Lui? Il s'en honore beaucoup au contraire; il ne manque jamais, en m'apportant ses rapports, de prendre un certain air important... je n'ose dire diplomatique; car le drôle fait semblant de croire qu'il s'agit d'affaires d'État et de s'émerveiller des rapports occultes qui peuvent exister entre les intérêts les plus divers et les destinées des empires. Oui, il a l'impudence de me dire quelquefois: «Que de complications inconnues au vulgaire dans le gouvernement d'un État! Qui dirait pourtant que les notes que je vous remets, monsieur le baron, ont sans doute leur part d'action dans les affaires de l'Europe!» —Allons, les coquins cherchent à faire illusion sur leur bassesse; c'est toujours flatteur pour les honnêtes gens. Mais ces notes, mon cher baron? —Les voici presque entièrement rédigées d'après le rapport de M. Badinot. —Je vous écoute. 224
M. de Graün lut ce qui suit: Les mystères de Paris (Tome I) - Eugène Sue NOTE RELATIVE À FLEUR-DE-MARIE «Vers le commencement de l'année 1827, un homme appelé Pierre Tournemine, actuellement détenu au bagne de Rochefort pour crime de faux, a proposé à la femme Gervais, dite la Chouette, de se charger pour toujours d'une petite fille âgée de cinq ou six ans et de recevoir pour salaire la somme de mille francs une fois payée.» —Hélas! mon cher baron, dit Murph en interrompant M. de Graün... 1827... c'est justement cette année-là que monseigneur a appris la mort de la malheureuse enfant qu'il regrette si douloureusement... Pour cette cause et pour bien d'autres, cette année a été funeste à notre maître. —Les heureuses années sont rares, mon pauvre Murph. Mais je continue: «Le marché conclu, l'enfant est resté avec cette femme pendant deux ans, au bout desquels, voulant échapper aux mauvais traitements dont elle l'accablait, la petite fille a disparu. La Chouette n'en avait pas entendu parler depuis plusieurs années, lorsqu'elle l'a revue pour la première fois dans un cabaret de la Cité, il y a environ six semaines. L'enfant, devenue jeune fille, portait alors le surnom de la Goualeuse. «Peu de jours après cette rencontre, le nommé Tournemine, que le Maître d'école a connu au bagne de Rochefort, avait fait remettre à Bras-Rouge (correspondant mystérieux et habituel des forçats détenus au bagne ou libérés) une lettre détaillée concernant l'enfant autrefois confié à la femme Gervais, dite la Chouette. «De cette lettre et des déclarations de la Chouette, il résulte qu'une M me Séraphin, gouvernante d'un notaire nommé Jacques Ferrand, avait, en 1827, chargé Tournemine de lui trouver une femme qui, pour la somme de mille francs, consentît à se charger d'un enfant de cinq ou six ans, qu'on voulait abandonner, ainsi qu'il a été dit plus haut. «La Chouette accepta cette proposition. «Le but de Tournemine, en adressant ces renseignements à Bras-Rouge, était de mettre ce dernier à même de faire rançonner M me Séraphin par un tiers, en la menaçant d'ébruiter cette aventure depuis longtemps oubliée. Tournemine 225
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NOTE RELATIVE À FLEUR-DE-MARIE<br />
«Vers le commencement <strong>de</strong> l'année 1827, un homme appelé Pierre<br />
Tournemine, actuellement détenu au bagne <strong>de</strong> Rochefort pour crime <strong>de</strong> faux, a<br />
proposé à la femme Gervais, dite la Chouette, <strong>de</strong> se charger pour toujours<br />
d'une petite fille âgée <strong>de</strong> cinq ou six ans et <strong>de</strong> recevoir pour salaire la somme<br />
<strong>de</strong> mille francs une fois payée.»<br />
—Hélas! mon cher baron, dit Murph en interrompant M. <strong>de</strong> Graün... 1827...<br />
c'est justement cette année-là que monseigneur a appris la mort <strong>de</strong> la<br />
malheureuse enfant qu'il regrette si douloureusement... Pour cette cause et pour<br />
bien d'autres, cette année a été funeste à notre maître.<br />
—<strong>Les</strong> heureuses années sont rares, mon pauvre Murph. Mais je continue:<br />
«Le marché conclu, l'enfant est resté avec cette femme pendant <strong>de</strong>ux ans, au<br />
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la petite fille a dis<strong>par</strong>u. La Chouette n'en avait pas entendu <strong>par</strong>ler <strong>de</strong>puis<br />
plusieurs années, lorsqu'elle l'a revue pour la première fois dans un cabaret <strong>de</strong><br />
la Cité, il y a environ six semaines. L'enfant, <strong>de</strong>venue jeune fille, portait alors<br />
le surnom <strong>de</strong> la Goualeuse.<br />
«Peu <strong>de</strong> jours après cette rencontre, le nommé Tournemine, que le Maître<br />
d'école a connu au bagne <strong>de</strong> Rochefort, avait fait remettre à Bras-Rouge<br />
(correspondant mystérieux et habituel <strong>de</strong>s forçats détenus au bagne ou libérés)<br />
une lettre détaillée concernant l'enfant autrefois confié à la femme Gervais,<br />
dite la Chouette.<br />
«De cette lettre et <strong>de</strong>s déclarations <strong>de</strong> la Chouette, il résulte qu'une M me<br />
Séraphin, gouvernante d'un notaire nommé Jacques Ferrand, avait, en 1827,<br />
chargé Tournemine <strong>de</strong> lui trouver une femme qui, pour la somme <strong>de</strong> mille<br />
francs, consentît à se charger d'un enfant <strong>de</strong> cinq ou six ans, qu'on voulait<br />
abandonner, ainsi qu'il a été dit plus haut.<br />
«La Chouette accepta cette proposition.<br />
«Le but <strong>de</strong> Tournemine, en adressant ces renseignements à Bras-Rouge, était<br />
<strong>de</strong> mettre ce <strong>de</strong>rnier à même <strong>de</strong> faire rançonner M me Séraphin <strong>par</strong> un tiers, en<br />
la menaçant d'ébruiter cette aventure <strong>de</strong>puis longtemps oubliée. Tournemine<br />
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