Les Mystère de Paris par Eugène Sue

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25.06.2013 Views

—Eh bien! alors que crains-tu? Les mystères de Paris (Tome I) - Eugène Sue —Je maintiens, monseigneur, qu'il n'est pas convenable que vous prêtiez le collet au premier goujat venu. Je ne vous dis pas cela à cause de l'inconvénient qu'il y a pour un honorable gentilhomme de ma connaissance à se noircir la figure avec du charbon et à avoir l'air d'un diable: malgré mes cheveux gris, mon embonpoint et ma gravité, je me déguiserais en danseur de corde, si cela pouvait vous servir; mais j'en suis pour ce que j'ai dit. —Oh! je le sais bien, vieux Murph, lorsqu'une idée est rivée sous ton crâne de fer, lorsque le dévouement est implanté dans ton ferme et vaillant cœur, le démon userait ses dents et ses ongles à les en retirer. —Vous me flattez, monseigneur, vous méditez quelque... —Ne te gêne pas. —Quelque folie, monseigneur. —Mon pauvre Murph, tu prends mal ton temps pour me sermonner. —Pourquoi? —Je suis dans un de mes meilleurs moments d'orgueil et de bonheur... je suis ici... —Dans un endroit où vous avez fait du bien? —C'est un lieu de refuge contre tes homélies, c'est mon Temple-Bar... —S'il en est ainsi, où diable voulez-vous que je vous prenne, monseigneur? —Maître Murph, vous me flattez, vous voulez m'empêcher de faire quelque folie. —Monseigneur, il y a des folies pour lesquelles je suis indulgent. —Les folies d'argent? —Oui, car, après tout, avec près de deux millions de revenu... —On est souvent bien gêné, mon pauvre Murph. 112

—À qui le dites-vous, monseigneur! Les mystères de Paris (Tome I) - Eugène Sue —Et pourtant il y a des plaisirs si vifs, si purs, si profonds, qui coûtent si peu! Qu'y a-t-il de comparable à ce que j'ai éprouvé tout à l'heure, lorsque cette malheureuse créature s'est vue en sûreté ici, et que dans sa reconnaissance elle m'a baisé la main? Ce n'est pas tout: mon bonheur a un long avenir: demain, après-demain, pendant bien des jours, enfin, je pourrai songer avec délices à ce qu'éprouvera cette pauvre enfant en se réveillant dans cette tranquille retraite, auprès de cette excellente M me Georges, qui l'aimera tendrement; car le malheur est sympathique au malheur. —Oh! pour M me Georges, jamais bienfaits n'ont été mieux placés. Noble, courageuse femme!... un ange de vertu, un ange! Je m'émeus rarement, et je me suis ému aux malheurs de M me Georges... Mais votre nouvelle protégée!... Tenez, ne parlons pas de cela, monseigneur. —Pourquoi, Murph? —Monseigneur, vous faites ce que bon vous semble. —Je fais ce qui est juste, dit Rodolphe avec une nuance d'impatience. —Ce qui est juste... selon vous. —Ce qui est juste devant Dieu et devant ma conscience, reprit sévèrement Rodolphe. —Tenez, monseigneur, nous ne nous entendrons pas. Je vous le répète, ne parlons plus de cela. —Et moi, je vous ordonne de parler! s'écria impérieusement Rodolphe. —Je ne me suis jamais exposé à ce que monseigneur m'ordonnât de me taire: j'espère qu'il ne m'ordonnera pas de parler, répondit fièrement Murph. —Monsieur Murph!!! s'écria Rodolphe avec un accent d'irritation croissante. —Monseigneur!... —Vous le savez, monsieur, je n'aime pas les réticences. —Il me convient d'avoir des réticences, dit brusquement Murph. 113

—À qui le dites-vous, monseigneur!<br />

<strong>Les</strong> mystères <strong>de</strong> <strong>Paris</strong> (Tome I) - <strong>Eugène</strong> <strong>Sue</strong><br />

—Et pourtant il y a <strong>de</strong>s plaisirs si vifs, si purs, si profonds, qui coûtent si peu!<br />

Qu'y a-t-il <strong>de</strong> com<strong>par</strong>able à ce que j'ai éprouvé tout à l'heure, lorsque cette<br />

malheureuse créature s'est vue en sûreté ici, et que dans sa reconnaissance elle<br />

m'a baisé la main? Ce n'est pas tout: mon bonheur a un long avenir: <strong>de</strong>main,<br />

après-<strong>de</strong>main, pendant bien <strong>de</strong>s jours, enfin, je pourrai songer avec délices à ce<br />

qu'éprouvera cette pauvre enfant en se réveillant dans cette tranquille retraite,<br />

auprès <strong>de</strong> cette excellente M me Georges, qui l'aimera tendrement; car le<br />

malheur est sympathique au malheur.<br />

—Oh! pour M me Georges, jamais bienfaits n'ont été mieux placés. Noble,<br />

courageuse femme!... un ange <strong>de</strong> vertu, un ange! Je m'émeus rarement, et je<br />

me suis ému aux malheurs <strong>de</strong> M me Georges... Mais votre nouvelle protégée!...<br />

Tenez, ne <strong>par</strong>lons pas <strong>de</strong> cela, monseigneur.<br />

—Pourquoi, Murph?<br />

—Monseigneur, vous faites ce que bon vous semble.<br />

—Je fais ce qui est juste, dit Rodolphe avec une nuance d'impatience.<br />

—Ce qui est juste... selon vous.<br />

—Ce qui est juste <strong>de</strong>vant Dieu et <strong>de</strong>vant ma conscience, reprit sévèrement<br />

Rodolphe.<br />

—Tenez, monseigneur, nous ne nous entendrons pas. Je vous le répète, ne<br />

<strong>par</strong>lons plus <strong>de</strong> cela.<br />

—Et moi, je vous ordonne <strong>de</strong> <strong>par</strong>ler! s'écria impérieusement Rodolphe.<br />

—Je ne me suis jamais exposé à ce que monseigneur m'ordonnât <strong>de</strong> me taire:<br />

j'espère qu'il ne m'ordonnera pas <strong>de</strong> <strong>par</strong>ler, répondit fièrement Murph.<br />

—Monsieur Murph!!! s'écria Rodolphe avec un accent d'irritation croissante.<br />

—Monseigneur!...<br />

—Vous le savez, monsieur, je n'aime pas les réticences.<br />

—Il me convient d'avoir <strong>de</strong>s réticences, dit brusquement Murph.<br />

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