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vie qu'il aimait si passionnément. Le voyant tituber de fatigue,<br />

Marshall l'avait envoyé en bas. C'est ainsi qu'il se trouvait là,<br />

sur son coffre de marin, <strong>le</strong> visage dans <strong>le</strong>s mains, à trois heures<br />

et demie du matin, trop épuisé pour monter dans son hamac.<br />

Les larmes coulaient entre ses doigts.<br />

À l'avant du navire, on était moins triste, même si quelques<br />

hommes d'équipage (plus nombreux que d'habitude) voyaient<br />

sans plaisir approcher <strong>le</strong> jeudi matin, car ils devaient recevoir <strong>le</strong><br />

fouet. Rien de particulier n'aurait dû donner aux autres des<br />

idées noires, sauf l'excès de travail et la pauvreté de la chère.<br />

Mais la Sophie constituait une vraie communauté, au point que<br />

chacun était conscient qu'il s'y passait quelque chose de mal,<br />

quelque chose d'autre que la mauvaise humeur des officiers —<br />

quelque chose qu'ils ne pouvaient définir. Ce sentiment<br />

emporta un peu de <strong>le</strong>ur bonne humeur coutumière. La<br />

mélancolie du pont supérieur s'infiltra vers l'avant, el<strong>le</strong> parvint<br />

à 1'étab<strong>le</strong>, à la mangeoire, et jusqu'aux trous d'écubier.<br />

Considérée globa<strong>le</strong>ment, la Sophie n'était donc pas au<br />

mieux de sa forme lorsqu'el<strong>le</strong> filait dans la nuit sous <strong>le</strong>s<br />

derniers souff<strong>le</strong>s de la tramontane. Cela n'allait pas mieux au<br />

matin, quand <strong>le</strong> vent du nord laissa la place, comme c'est<br />

souvent <strong>le</strong> cas dans la région, à ces brumes enveloppantes du<br />

sud-ouest (très jolies pour qui ne doit pas gouverner un<br />

vaisseau à proximité des côtes, el<strong>le</strong>s sont <strong>le</strong> présage d'une<br />

journée éclatante). Mais tout cela n'était rien en comparaison de<br />

la tension et de l'inquiétude, pour ne pas dire l'abattement —<br />

voire la terreur — que Stephen découvrit, à l'aurore, lorsqu'il<br />

monta sur la plage arrière.<br />

Réveillé par <strong>le</strong> tambour qui appelait au rassemb<strong>le</strong>ment, il<br />

s'était immédiatement rendu au cockpit et avait commencé à<br />

préparer ses instruments avec l'aide de Cheslin. D'une voix<br />

gaie, un homme des gréements lui avait annoncé la présence «

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