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tumescente, bordée de nuages. Tous <strong>le</strong>s marins présents<br />

comprirent que <strong>le</strong> temps n'allait pas rester longtemps inchangé.<br />

Vautrés de tous côtés sur <strong>le</strong> gaillard d'avant, occupés à démê<strong>le</strong>r<br />

<strong>le</strong>urs longs cheveux ou à se refaire mutuel<strong>le</strong>ment des nattes, ils<br />

expliquèrent aux terriens que cette longue hou<strong>le</strong> au sud et à<br />

l'est, cette étrange cha<strong>le</strong>ur poisseuse qui venait autant du ciel<br />

que de la mer vitreuse et agitée, l'air horrib<strong>le</strong>ment menaçant<br />

que prenait <strong>le</strong> so<strong>le</strong>il... que cela annonçait une dissolution de<br />

tous <strong>le</strong>s liens naturels, un cataclysme, l'apocalypse — en un<br />

mot, une nuit d'épouvante. Les marins avaient tout <strong>le</strong> temps<br />

nécessaire pour déprimer <strong>le</strong>ur audience, déjà d'humeur sinistre<br />

après la mort si peu naturel<strong>le</strong> de Henry Gouges. Celui-ci avait<br />

en effet déclaré : « Ha, ha, camarades, j'ai aujourd'hui<br />

cinquante ans ! » avant de tomber raide mort sans lâcher sa<br />

tasse de grog inentamée... Ils avaient tout <strong>le</strong> temps, car c'était<br />

dimanche après-midi : <strong>le</strong> gaillard d'avant était peuplé de<br />

matelots au repos, <strong>le</strong>s tresses défaites. Certains avaient des<br />

nattes si longues qu'ils pouvaient <strong>le</strong>s passer sous <strong>le</strong>ur ceinture.<br />

Pour <strong>le</strong> moment, <strong>le</strong>urs cheveux étaient détachés, démêlés —<br />

raides et ternes s'ils étaient encore mouillés, touffus s'ils étaient<br />

secs avant d'être enduits de graisse. Ils donnaient à <strong>le</strong>urs<br />

propriétaires un air étrange et terrib<strong>le</strong> : ils semblaient aussi<br />

menaçants que des orac<strong>le</strong>s, ce qui augmentait encore <strong>le</strong> malaise<br />

des terriens.<br />

Les marins n'y allèrent pas de main morte. Mais en dépit<br />

de <strong>le</strong>urs efforts, ils ne purent exagérer l'importance de<br />

l'événement : <strong>le</strong> vent du sud-est, qui avait donné ses premiers<br />

coups de semonce à la fin du deuxième petit quart, s'était mué<br />

avant la fin du quart d'après-minuit en une trombe rugissante,<br />

un torrent chargé d'embruns tièdes qui obligea <strong>le</strong>s hommes de<br />

barre à garder la tête baissée et à se protéger la bouche de la<br />

main pour respirer. Les lames étaient de plus en plus hautes.

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