Histoire de la dermatologie latino-américaine - Bibliothèque ...
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Les indigènes <strong>de</strong> l’Uruguay et leur rapport à <strong>la</strong> <strong>de</strong>rmatologie<br />
Ils enduisaient leur corps avec <strong>de</strong> <strong>la</strong> graisse animale et « ils s’allongeaient ensuite au<br />
soleil pour qu’elle pénètre », raconte le colonel Díaz (1812) dans <strong>la</strong> Historia <strong>de</strong> <strong>la</strong>s Repúblicas<br />
<strong>de</strong>l P<strong>la</strong>ta [<strong>Histoire</strong> <strong>de</strong>s Républiques du P<strong>la</strong>ta]. La graisse <strong>de</strong> tigre était employée<br />
pour soigner plusieurs ma<strong>la</strong>dies <strong>de</strong> <strong>la</strong> peau. « C’était un médicament infaillible contre les<br />
vers <strong>de</strong> terre » car on présumait qu’ils « abandonnaient les cavités à cause <strong>de</strong> l’o<strong>de</strong>ur<br />
nauséabon<strong>de</strong> dégagée par <strong>la</strong> substance ». Comme ils étaient souvent au contact <strong>de</strong> l’eau<br />
ils utilisaient aussi d’autres graisses, qu’ils mé<strong>la</strong>ngeaient parfois avec <strong>de</strong>s herbes afin <strong>de</strong><br />
repousser les insectes 22, 34 .<br />
Les Charruas s’infligeaient <strong>de</strong> multiples incisions sur <strong>la</strong> peau soit pour <strong>de</strong>s mortifications<br />
funéraires, soit pour indiquer le nombre d’ennemis tués.<br />
Le régime <strong>de</strong>s aborigènes était riche en protéines grâce à <strong>la</strong> consommation <strong>de</strong> cerf,<br />
<strong>de</strong> nandou, <strong>de</strong> tatou, <strong>de</strong> perdrix, <strong>de</strong> din<strong>de</strong> <strong>de</strong>s bois, <strong>de</strong> poisson et <strong>de</strong> mollusques; le régime<br />
se complétait <strong>de</strong> fruits : butiá arazá, mburucuyá, cœur <strong>de</strong> ceibo et du miel <strong>de</strong> lechiguana,<br />
camoatí et camoatá en abondance 43 . Le bois indigène était un<br />
« supermarché » dont ils profitaient doublement : le bois fruitier et à miel, source <strong>de</strong><br />
protéines, fournisseur <strong>de</strong> boisson, et le bois comme pharmacie, avec quarante-huit espèces<br />
<strong>de</strong> p<strong>la</strong>ntes médicinales connues 44 .<br />
Les indigènes américains eurent un rapport « religieux » avec les arbres natifs. Dans<br />
notre région les Charruas et les Guaranis vénéraient l’higuerón, l’ombu et l’aruera,<br />
considérant que chaque espèce avait un esprit gardien. Ils respectaient et préservaient<br />
les légen<strong>de</strong>s sur les arbres sacrées, les p<strong>la</strong>ntes magiques ou diaboliques, les herbes médicinales<br />
ou hallucinogènes, les transmettant à leurs <strong>de</strong>scendants.<br />
Gonzalo Abel<strong>la</strong> rapportait les paroles d’un voisin <strong>de</strong> <strong>la</strong> ville <strong>de</strong> Artigas : « Ma grandmère<br />
charrua me racontait <strong>de</strong>s choses et me <strong>de</strong>mandait <strong>de</strong> ne pas oublier… après elle<br />
m’emmenait dans <strong>la</strong> campagne et m’obligeait à saluer certains arbres et je <strong>de</strong>vais me rappeler<br />
qu’ils étaient sacrés 6 . » Des <strong>de</strong>scendants charruas qui habitent actuellement dans <strong>la</strong><br />
province d’Entre Ríos, en Argentine, parlent du caroubier b<strong>la</strong>nc comme d’un « arbre<br />
sacré pour ses dons » 45 .<br />
Plus <strong>de</strong> 170 espèces <strong>de</strong> <strong>la</strong> flore autochtone uruguayenne ont <strong>de</strong>s vertus médicinales,<br />
dont plus <strong>de</strong> 40 pour le traitement <strong>de</strong>s affections <strong>de</strong> <strong>la</strong> peau. La compi<strong>la</strong>tion consultée,<br />
rassemb<strong>la</strong>nt une longue tradition orale, dénote leur application pour <strong>de</strong> multiples lésions<br />
<strong>de</strong> <strong>la</strong> peau — blessures, « p<strong>la</strong>ies », ulcères, éruptions, inf<strong>la</strong>mmations <strong>de</strong> <strong>la</strong> peau et<br />
<strong>de</strong>s muqueuses, teigne, gale, furonculose et « boutons », « durillons » et verrues,<br />
« p<strong>la</strong>ies syphilitiques » — comme cicatrisant, astringent, etc.<br />
Parmi ces p<strong>la</strong>ntes, notons quelques-unes <strong>de</strong>s plus importantes : tribule, f<strong>la</strong>mboyant<br />
d’Hyères, agarrabicho, absinthe, ambroise, pied-<strong>de</strong>-mouton, faux poivrier, angico, araza<br />
bardana, mburucuyá, ca<strong>la</strong>gua<strong>la</strong>, centáurea, caraguatá, carqueja, ceibo, barraco, cipo,<br />
cu<strong>la</strong>, curupí, charrúa, épine-vinette, espinillo (Acacia caven), guaycurú, higuerón, huevo<br />
<strong>de</strong> gallo, mauve, mio-mio, ortie, pa<strong>la</strong>n-palán, paja brava, jambe-<strong>de</strong>-vache, saule, sureau<br />
noir, vergerette du Canada, salsepareille 45, 46 .<br />
Les préparations <strong>de</strong>s herbes médicinales suivaient les métho<strong>de</strong>s traditionnelles d’infusion,<br />
<strong>de</strong> cuisson et <strong>de</strong> macération, soit <strong>de</strong> <strong>la</strong> tige, soit <strong>de</strong>s feuilles, soit <strong>de</strong>s fleurs, soit<br />
<strong>de</strong> l’écorce ou <strong>de</strong> <strong>la</strong> racine, avant application sur <strong>la</strong> zone à traiter.<br />
La mé<strong>de</strong>cine popu<strong>la</strong>ire développée par les Charruas et les Guaranis <strong>de</strong> <strong>la</strong> province <strong>de</strong><br />
Misiones connut une vaste diffusion et une forte imp<strong>la</strong>ntation en Uruguay. Elle fut pratiquée<br />
si intensément qu’elle fut employée pendant plusieurs années non seulement par<br />
les guérisseurs mais aussi par <strong>la</strong> plupart <strong>de</strong> <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion rurale et dans bien d’autres<br />
secteurs <strong>de</strong> <strong>la</strong> société. Elle fut également assimilée dans <strong>la</strong> communauté afro; <strong>de</strong> ce fait,<br />
le Noir yuyero et <strong>la</strong> guérisseuse noire sont <strong>de</strong>s personnages caractéristiques, représentés<br />
aujourd’hui par les personnages du carnaval, tel le sympathique negro gramillero 16 .<br />
La Mésopotamie argentine hébergea <strong>de</strong>s Charruas; elle abrite actuellement leurs <strong>de</strong>scendants.<br />
Un site Internet édité par l’association Pueblo Jaguar, située à Vil<strong>la</strong>guay<br />
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