Histoire de la dermatologie latino-américaine - Bibliothèque ...
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ROBERTO RAMPOLDI BESTARD<br />
408<br />
En 1570 Philippe II exprima dans une <strong>de</strong>s lois <strong>de</strong>s In<strong>de</strong>s (tome V titre VI) ses souhaits<br />
d’envoyer en Espagne un ensemble <strong>de</strong>s connaissances <strong>de</strong>s indigènes sur les p<strong>la</strong>ntes, les<br />
herbes et les graines médicinales, ainsi que sur <strong>la</strong> façon <strong>de</strong> les préparer, les ingérer, les<br />
appliquer et les cultiver. Il décida avec le Conseil <strong>de</strong>s In<strong>de</strong>s d’envoyer son propre mé<strong>de</strong>cin,<br />
Francisco Hernán<strong>de</strong>z, lors d’une <strong>de</strong>s multiples expéditions, accompagné <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux <strong>de</strong>ssinateurs<br />
mexicains chargés <strong>de</strong> répertorier 3 000 p<strong>la</strong>ntes à travers 2 000 illustrations.<br />
Vers <strong>la</strong> fin du XVIII e<br />
siècle, le 24 avril 1793, le Dr Antonio Lamel<strong>la</strong>, installé à Montevi<strong>de</strong>o,<br />
reçut une pension pour se consacrer aux étu<strong>de</strong>s botaniques, en raison <strong>de</strong> <strong>la</strong> gran<strong>de</strong><br />
quantité <strong>de</strong> p<strong>la</strong>ntes médicinales qui existaient dans <strong>la</strong> région37 .<br />
L’expédition du naturaliste Ma<strong>la</strong>spina (1779) permit <strong>de</strong> découvrir plus <strong>de</strong> 500 p<strong>la</strong>ntes<br />
répertoriées dans le sud-est <strong>de</strong> notre pays, dont 50 étaient inconnues <strong>de</strong>s Européens38 .<br />
Dom Pernetty — connu comme l’« Abbé curieux » — voyagea avec le capitaine Bougainville<br />
(1767) et décrivit minutieusement <strong>de</strong>s p<strong>la</strong>ntes médicinales cultivées dans un<br />
jardin appartenant à <strong>la</strong> rési<strong>de</strong>nce d’un officier espagnol (mío-mio, ronce, herbe<br />
meona, paico carqueja, guaycurú, charrua, higuerita, ca<strong>la</strong>gua<strong>la</strong>). Ses chroniques firent<br />
référence à un traité médical sur <strong>la</strong> flore <strong>américaine</strong> publié par Nicolás Monar<strong>de</strong>s<br />
au XVI e<br />
siècle, dans lequel était exposé « un mé<strong>la</strong>nge pilé <strong>de</strong> carapace <strong>de</strong> tatou cuit en<br />
sève qui guérit les ma<strong>la</strong>dies vénériennes et fait sortir les épines <strong>de</strong> n’importe quel endroit39<br />
.»<br />
La biogéographie est <strong>la</strong> science qui étudie les différentes zones écologiques présentant<br />
<strong>de</strong>s caractéristiques données. Elle permit d’effectuer <strong>de</strong>s c<strong>la</strong>ssifications territoriales<br />
mondiales40 . Ces zones, appelées phytogéographies, ne coïnci<strong>de</strong>nt pas avec les frontières<br />
politiques d’Amérique; on les appelle provinces phytogéographiques41 . La province uruguayense<br />
s’étend vers <strong>la</strong> Mésopotamie argentine et vers Rio Gran<strong>de</strong> do Sul; elle ne correspond<br />
pas à <strong>la</strong> zone du Parana. Notre zone est subsidiaire à une zone subtropicale<br />
humi<strong>de</strong>, avec <strong>de</strong>s forêts appauvries si on les compare aux zones situées plus au nord<br />
(province paranaense). Nos p<strong>la</strong>ntes partagent les caractéristiques <strong>de</strong> celles <strong>de</strong>s pays voisins,<br />
dans une même région phytogéographique. Plusieurs zones possè<strong>de</strong>nt <strong>de</strong>s p<strong>la</strong>ntes<br />
ayant une gran<strong>de</strong> capacité à s’adapter.<br />
D’après le récit <strong>de</strong> A. Ribeiro, lors <strong>de</strong> son exil au Paraguay, Artigas soignait les ulcères<br />
<strong>de</strong> ses jambes avec du tapacué (Acanthospermum australe), connu chez nous comme<br />
agarrabicho ou yerba <strong>de</strong> <strong>la</strong> oveja (herbe <strong>de</strong> <strong>la</strong> brebis). Le même auteur mentionne <strong>la</strong><br />
connaissance d’Artigas <strong>de</strong>s p<strong>la</strong>ntes médicinales42 . Au cours <strong>de</strong>s batailles pour l’indépendance,<br />
lui et ses Indiens durent sans doute avoir recours plusieurs fois à ces « pharmacies<br />
<strong>de</strong> chemin » citées dans les travaux d’Abel<strong>la</strong>6 .<br />
PHARMACIES DE CHEMIN<br />
La plupart <strong>de</strong>s chroniques s’accor<strong>de</strong>nt à souligner <strong>la</strong> bonne santé <strong>de</strong>s Charruas :<br />
« Une constitution corporelle telle et une santé très soli<strong>de</strong>, que <strong>la</strong> plupart <strong>de</strong>s Européens<br />
envieraient », affirme Dobrizhoffer 34 . Azara écrit (1786) : « J’ai remarqué qu’ils ne souffrent<br />
pas <strong>de</strong> ma<strong>la</strong>die particulière ni <strong>de</strong> celle <strong>de</strong>s Gaulois, et je crois qu’ils vivent plus longtemps<br />
que nous 38 .»<br />
Les Charruas vivaient extrêmement vieux, leurs corps se détériorant moins que ceux<br />
<strong>de</strong>s Européens; leurs cheveux ne <strong>de</strong>venaient jamais complètement b<strong>la</strong>ncs. Leur peau<br />
était d’une couleur foncée, brun olive, tel que D’Orbigny le décrivit en 1829. Le Dr Fleurens<br />
mena en 1833 une étu<strong>de</strong> anatomique <strong>de</strong> <strong>la</strong> peau <strong>de</strong>s Charruas qui avaient été<br />
conduits à Paris, révé<strong>la</strong>nt qu’elle ressemb<strong>la</strong>it à celle <strong>de</strong>s Noirs. Fleurens précise qu’il fait<br />
référence à l’i<strong>de</strong>ntité <strong>de</strong> <strong>la</strong> structure histologique plutôt qu’à <strong>la</strong> couleur et il ajoute : « Le<br />
bulbe pileux est normal, légèrement plus petit que celui <strong>de</strong>s Européens; il présente dans<br />
sa partie supérieure un gros cumul <strong>de</strong> pigment, <strong>la</strong> partie inférieure étant moins pigmentée…<br />
<strong>la</strong> tige est plus fine que celle <strong>de</strong>s Européens 11, 22 .»