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Histoire de la dermatologie latino-américaine - Bibliothèque ...

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JULIO CORREA<br />

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suite, tout le corps, y compris le visage, présentait un teint rougeâtre c<strong>la</strong>ir spécial, assez<br />

luisant, étrange, mais qui n’était pas désagréable à <strong>la</strong> vue ni au toucher, puisque toute<br />

tache <strong>de</strong> <strong>la</strong> peau ou toute cicatrice s’effaçait et <strong>la</strong> peau restait très finement satinée, plus<br />

souple et plus résistante à <strong>la</strong> fois. Cette opération leur fournissait les moyens <strong>de</strong> se défendre<br />

<strong>de</strong>s effets nocifs <strong>de</strong> <strong>la</strong> pluie, <strong>de</strong>s brûlures du soleil et du froid certaines nuits, et elle<br />

les préservait enfin <strong>de</strong>s piqûres <strong>de</strong>s insectes. La « rocourisation » préservait aussi <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

transpiration excessive pouvant être à l’origine d’affaiblissements et, en <strong>la</strong> renouve<strong>la</strong>nt <strong>de</strong><br />

jour en jour, par un <strong>la</strong>vage énergique, elle <strong>de</strong>vait également éliminer toutes les impuretés<br />

<strong>de</strong> <strong>la</strong> peau. Cette friction huileuse tellement répétée <strong>de</strong>vait aussi endiguer le processus <strong>de</strong><br />

vieillissement, aussi bien superficiel et veineux qu’interne, à <strong>la</strong> suite <strong>de</strong>s exercices que<br />

leur flexibilité corporelle leur permettait <strong>de</strong> faire jusqu’à un âge avancé.<br />

D’un bout à l’autre du domaine karaive-guarani, <strong>la</strong> scarification était une pratique<br />

générale et caractéristique. Elle <strong>de</strong>meure au moins partiellement conservée dans toutes<br />

les entités libres actuelles. Elle visait à plusieurs objectifs, au moyen <strong>de</strong> plusieurs procédures<br />

et d’un rituel spécial pour chacun <strong>de</strong>s buts qu’elle poursuivait. Ceux-ci furent au<br />

moins six : trois curatifs, <strong>de</strong>ux mystiques, et un d’ordre hygiénique pour combattre <strong>la</strong> fatigue<br />

excessive. La scarification se réalisait au moyen d’une <strong>de</strong>nt d’akutí, <strong>de</strong> silex, <strong>de</strong><br />

côtes <strong>de</strong> tacuarembó ou <strong>de</strong> feuilles coupantes, d’aiguillons <strong>de</strong> palmier, d’arêtes <strong>de</strong> poisson<br />

ou <strong>de</strong> matières semb<strong>la</strong>bles, selon les régions. Suivant leur profon<strong>de</strong>ur, les incisions<br />

se divisaient en tugwihkih et tugwihka ; dans le premier cas, le sang est assez abondant<br />

pour tremper toute <strong>la</strong> zone affectée ; dans le second cas, le sang cou<strong>la</strong>it abondamment<br />

ou à petits jets. La première forme suffisait en général pour remédier à <strong>la</strong> fatigue et elle<br />

pouvait être souvent réitérée. La <strong>de</strong>uxième entraînait <strong>de</strong>s ma<strong>la</strong>ises pendant une ou <strong>de</strong>ux<br />

semaines, et parfois le patient <strong>de</strong>vait rester au lit pendant plusieurs jours, à p<strong>la</strong>t ventre.<br />

La partie postérieure, du dos jusqu’aux fesses, et dans quelque cas les mollets, était <strong>la</strong><br />

partie <strong>la</strong> plus souvent sacrifiée. Seulement en cas <strong>de</strong> ma<strong>la</strong>die, on <strong>la</strong> pratiquait là où se<br />

trouvait le mal, comme on le faisait avec les sangsues et les ventouses scarifiées. Avec <strong>la</strong><br />

scarification, une décongestion locale était évi<strong>de</strong>mment effectuée. Pour expliquer comment<br />

<strong>la</strong> décongestion pouvait éliminer <strong>la</strong> fatigue, il semblerait que <strong>la</strong> seule explication<br />

soit <strong>la</strong> suivante : les toxines et certains résidus qui se fixent progressivement dans les<br />

muscles soumis à un travail excessif sont éliminés avec le sang et <strong>la</strong> lymphe.<br />

Admis quand il <strong>de</strong>venait majeur, l’homme <strong>de</strong>vait se soumettre au préa<strong>la</strong>ble à l’un <strong>de</strong>s<br />

traitements les plus rigoureux, qui <strong>de</strong>vait aussi mettre à l’épreuve sa résistance aux souffrances,<br />

et il était pour ce<strong>la</strong> vite soigné, mais très douloureusement. À <strong>la</strong> naissance <strong>de</strong><br />

chaque enfant mâle, le père se faisait une autre scarification, plus rigoureuse pour l’aîné.<br />

Dans quelques collectivités — sinon dans toutes —, il fal<strong>la</strong>it recueillir du sang pour faire<br />

une marque au nouveau-né et lui communiquer ainsi une partie <strong>de</strong> l’esprit du père, puisqu’il<br />

était admis que <strong>la</strong> vie se trouvait essentiellement dans le sang, et l’âme dans le<br />

cœur. La scarification expiatoire revêtait différentes formes et présentait différentes intensités,<br />

selon <strong>la</strong> faute à expier, l’erreur à purger, le danger métapsychique à éviter ou<br />

d’autres motifs <strong>de</strong> ce genre. Il faut signaler que les scarifications étaient à <strong>la</strong> fois <strong>de</strong> longs<br />

révulsifs, et comme elles étaient assez fréquentes, elles <strong>de</strong>vaient contribuer à <strong>la</strong> conservation<br />

<strong>de</strong> <strong>la</strong> santé générale du corps, même si elles n’étaient pas curatives. Lorsque <strong>la</strong><br />

cicatrisation n’était pas activée par <strong>de</strong>s moyens artificiels, <strong>la</strong> révulsion était plus puissante<br />

encore parce que, dans ce cas, les blessures guérissaient plus lentement et toujours<br />

avec un écoulement <strong>de</strong> pus. Dans quelques régions, celui-ci semble avoir été le cas<br />

le plus fréquent, à en juger par les nombreux signes indélébiles que présentaient les habitants.<br />

Mais on savait, et on le sait encore aujourd’hui, comment soigner <strong>de</strong> telles blessures<br />

<strong>de</strong> sorte que ne subsiste presque aucune cicatrice. Certaines substances étaient<br />

employées comme désinfectants. Par exemple, le jus du fruit du ñandihpa-guazú ou genipapo<br />

(Genipa americana) était fréquemment utilisé comme désinfectant <strong>de</strong> <strong>la</strong> peau<br />

pour certaines ma<strong>la</strong>dies, au point qu’on s’en teignait tout le corps, coutume conservée

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