Histoire de la dermatologie latino-américaine - Bibliothèque ...
Histoire de la dermatologie latino-américaine - Bibliothèque ...
Histoire de la dermatologie latino-américaine - Bibliothèque ...
Create successful ePaper yourself
Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.
JULIO CORREA<br />
298<br />
suite, tout le corps, y compris le visage, présentait un teint rougeâtre c<strong>la</strong>ir spécial, assez<br />
luisant, étrange, mais qui n’était pas désagréable à <strong>la</strong> vue ni au toucher, puisque toute<br />
tache <strong>de</strong> <strong>la</strong> peau ou toute cicatrice s’effaçait et <strong>la</strong> peau restait très finement satinée, plus<br />
souple et plus résistante à <strong>la</strong> fois. Cette opération leur fournissait les moyens <strong>de</strong> se défendre<br />
<strong>de</strong>s effets nocifs <strong>de</strong> <strong>la</strong> pluie, <strong>de</strong>s brûlures du soleil et du froid certaines nuits, et elle<br />
les préservait enfin <strong>de</strong>s piqûres <strong>de</strong>s insectes. La « rocourisation » préservait aussi <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
transpiration excessive pouvant être à l’origine d’affaiblissements et, en <strong>la</strong> renouve<strong>la</strong>nt <strong>de</strong><br />
jour en jour, par un <strong>la</strong>vage énergique, elle <strong>de</strong>vait également éliminer toutes les impuretés<br />
<strong>de</strong> <strong>la</strong> peau. Cette friction huileuse tellement répétée <strong>de</strong>vait aussi endiguer le processus <strong>de</strong><br />
vieillissement, aussi bien superficiel et veineux qu’interne, à <strong>la</strong> suite <strong>de</strong>s exercices que<br />
leur flexibilité corporelle leur permettait <strong>de</strong> faire jusqu’à un âge avancé.<br />
D’un bout à l’autre du domaine karaive-guarani, <strong>la</strong> scarification était une pratique<br />
générale et caractéristique. Elle <strong>de</strong>meure au moins partiellement conservée dans toutes<br />
les entités libres actuelles. Elle visait à plusieurs objectifs, au moyen <strong>de</strong> plusieurs procédures<br />
et d’un rituel spécial pour chacun <strong>de</strong>s buts qu’elle poursuivait. Ceux-ci furent au<br />
moins six : trois curatifs, <strong>de</strong>ux mystiques, et un d’ordre hygiénique pour combattre <strong>la</strong> fatigue<br />
excessive. La scarification se réalisait au moyen d’une <strong>de</strong>nt d’akutí, <strong>de</strong> silex, <strong>de</strong><br />
côtes <strong>de</strong> tacuarembó ou <strong>de</strong> feuilles coupantes, d’aiguillons <strong>de</strong> palmier, d’arêtes <strong>de</strong> poisson<br />
ou <strong>de</strong> matières semb<strong>la</strong>bles, selon les régions. Suivant leur profon<strong>de</strong>ur, les incisions<br />
se divisaient en tugwihkih et tugwihka ; dans le premier cas, le sang est assez abondant<br />
pour tremper toute <strong>la</strong> zone affectée ; dans le second cas, le sang cou<strong>la</strong>it abondamment<br />
ou à petits jets. La première forme suffisait en général pour remédier à <strong>la</strong> fatigue et elle<br />
pouvait être souvent réitérée. La <strong>de</strong>uxième entraînait <strong>de</strong>s ma<strong>la</strong>ises pendant une ou <strong>de</strong>ux<br />
semaines, et parfois le patient <strong>de</strong>vait rester au lit pendant plusieurs jours, à p<strong>la</strong>t ventre.<br />
La partie postérieure, du dos jusqu’aux fesses, et dans quelque cas les mollets, était <strong>la</strong><br />
partie <strong>la</strong> plus souvent sacrifiée. Seulement en cas <strong>de</strong> ma<strong>la</strong>die, on <strong>la</strong> pratiquait là où se<br />
trouvait le mal, comme on le faisait avec les sangsues et les ventouses scarifiées. Avec <strong>la</strong><br />
scarification, une décongestion locale était évi<strong>de</strong>mment effectuée. Pour expliquer comment<br />
<strong>la</strong> décongestion pouvait éliminer <strong>la</strong> fatigue, il semblerait que <strong>la</strong> seule explication<br />
soit <strong>la</strong> suivante : les toxines et certains résidus qui se fixent progressivement dans les<br />
muscles soumis à un travail excessif sont éliminés avec le sang et <strong>la</strong> lymphe.<br />
Admis quand il <strong>de</strong>venait majeur, l’homme <strong>de</strong>vait se soumettre au préa<strong>la</strong>ble à l’un <strong>de</strong>s<br />
traitements les plus rigoureux, qui <strong>de</strong>vait aussi mettre à l’épreuve sa résistance aux souffrances,<br />
et il était pour ce<strong>la</strong> vite soigné, mais très douloureusement. À <strong>la</strong> naissance <strong>de</strong><br />
chaque enfant mâle, le père se faisait une autre scarification, plus rigoureuse pour l’aîné.<br />
Dans quelques collectivités — sinon dans toutes —, il fal<strong>la</strong>it recueillir du sang pour faire<br />
une marque au nouveau-né et lui communiquer ainsi une partie <strong>de</strong> l’esprit du père, puisqu’il<br />
était admis que <strong>la</strong> vie se trouvait essentiellement dans le sang, et l’âme dans le<br />
cœur. La scarification expiatoire revêtait différentes formes et présentait différentes intensités,<br />
selon <strong>la</strong> faute à expier, l’erreur à purger, le danger métapsychique à éviter ou<br />
d’autres motifs <strong>de</strong> ce genre. Il faut signaler que les scarifications étaient à <strong>la</strong> fois <strong>de</strong> longs<br />
révulsifs, et comme elles étaient assez fréquentes, elles <strong>de</strong>vaient contribuer à <strong>la</strong> conservation<br />
<strong>de</strong> <strong>la</strong> santé générale du corps, même si elles n’étaient pas curatives. Lorsque <strong>la</strong><br />
cicatrisation n’était pas activée par <strong>de</strong>s moyens artificiels, <strong>la</strong> révulsion était plus puissante<br />
encore parce que, dans ce cas, les blessures guérissaient plus lentement et toujours<br />
avec un écoulement <strong>de</strong> pus. Dans quelques régions, celui-ci semble avoir été le cas<br />
le plus fréquent, à en juger par les nombreux signes indélébiles que présentaient les habitants.<br />
Mais on savait, et on le sait encore aujourd’hui, comment soigner <strong>de</strong> telles blessures<br />
<strong>de</strong> sorte que ne subsiste presque aucune cicatrice. Certaines substances étaient<br />
employées comme désinfectants. Par exemple, le jus du fruit du ñandihpa-guazú ou genipapo<br />
(Genipa americana) était fréquemment utilisé comme désinfectant <strong>de</strong> <strong>la</strong> peau<br />
pour certaines ma<strong>la</strong>dies, au point qu’on s’en teignait tout le corps, coutume conservée