Histoire de la dermatologie latino-américaine - Bibliothèque ...

E. SILVA-LIZAMA, P.H. URQUIZU, P. GREENBERG, S. DE LEÓN
260
Le maire Becerril sollicita un rapport médical, préparé par le médecin Juan Santos
Antequera, qui reconnut la maladie d’Imery. En mai 1796, Imery fut transféré chez lui.
La nouvelle de son emprisonnement se répandit rapidement dans toute la province : elle
fut accueillie avec un mécontentement général car tout le peuple bénéficiait de ses services
médicaux et encourrait la mort si le secours de l’éminent professeur irlandais venait
à faire défaut. La municipalité reprocha vigoureusement l’emprisonnement d’Imery et
demanda qu’il ne fût pas envoyé au Guatemala ; sa présence était indispensable dans une
ville où personne n’exerçait l’humble métier de saigneur. Le prêtre García Ramos s’unit
aux protestations et annonça qu’il suivrait Imery n’importe où, car il souffrait d’une
grave affection considérablement améliorée grâce aux remarquables soins du médecin.
La municipalité considéra le cas extrêmement grave pour la santé publique. Toute la
province de San Miguel était infestée du mal vénérien, qui évoluait vers des formes malignes
à cause du climat. Le mal fut si grave qu’on ne voyait que des « hommes à plaies »
dans les rues. La maison du médecin Imery était un véritable hôpital de vénériens. Le
malheur et la mort se rueraient sur le peuple si on le laissait sans assistance médicale.
La peste luétique avantagea Dom Marcos Imery, dans tous les sens : elle lui procura liberté
et grands bénéfices. Les voisins souffrant de plaies eurent plus d’influence que la
justice accusatrice ; les rapports erronés du voisin Lorenzo Moreno adressés à Domás y
Valle ne servirent à rien. Ce voisin rendait compte dans une note accusatrice des fautes
d’Imery, un empiriste sans conscience, qui ne guérissait personne et exploitait tout le
monde. Malgré tout, le chirurgien et médecin irlandais Marcos Imery continua de soigner
les syphilitiques. Le gouvernement du Guatemala oublia toutes les circonstances du procès.
Imery, riche, estimé, libre de la syphilis, entreprit alors son voyage à León dans l’espoir
d’y trouver une nouvelle clientèle, de nouvelles lues (autre dénomination de la
syphilis) et de nouvelles monnaies 29, 30 .
La dermatologie populaire
MÉDICAMENTS À EMPLOI LOCAL
Le très ancien « onguent du soldat » également connu comme « onguent napolitain »,
à base de mercure simple (1 once), de graisse de porc (15 onces) et de noir de fumée pour
colorer, était prescrit pour le traitement local de la syphilis ou mal gaulois. L’« huile grise »
à base de mercure purifié (40 g), de graisse de laine (26 g) et d’huile de vaseline (60 g)
à usage intramusculaire — formule qui fut plus tard remplacée par le biyodure de mercure
à 1 % administré par voie orale —, la « solution de Van Swieten » ou les pilules de
Ricord étaient des médicaments antiluétiques.
Des pommades antiseptiques étaient employées contre la pyodermite :
- la « pommade jaune », à base d’oxyde jaune de mercure (2 g), d’oxyde de zinc (5 g),
de résorcine et d’acide salicylique (5 g), de baume du Pérou (6 g) et de beurre (35 g),
- la « pommade de Reclus » avec de l’acide phénique et salicylique (1 g), de la résorcine
(2 g), du camphre pilé et de l’antipirine (5 g), du baume du Pérou (6 g) et de la vaseline
de Chesebrough (81 g),
- la « pommade de Whitfield », préparée avec de l’acide salicylique (2 g), de l’acide
benzoïque (4 g) et du beurre (24 g), formule également employée pour les mycoses superficielles.
La pommade à précipité blanc, composée de protochlorure de mercure, et la « pommade
de régent », avec de l’oxyde rouge de mercure, de l’acétate de plomb (10 g) et de
la graisse de porc (120 g), étaient également employées pour le traitement de la gale et
d’autres parasitoses.
La « pommade rouge », vulgairement appelée colorada, fabriquée avec du tartare
émétique (3 g), de l’oxyde rouge de mercure (1 g) et du beurre (30 g), fut employée pour
traiter l’oreille du chiclero ou leishmaniose américaine avec des résultats probants.