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les paroles du chœur d’ouverture – sur la même musique – avant qu’un<br />
dél<strong>ici</strong>eux duo d’amour ne place les voix en miroir l’une en face de<br />
l’autre. Suit une aria pour soprano dont le texte « Ich bin herrlich, ich<br />
bin schön » (« Grande est ma splendeur, grande ma beauté ») inspire<br />
à Bach une musique autant « herrlich » que « schön » à Bach, un<br />
merveilleux accompagnement de hautbois d’amour et de violoncello<br />
piccolo. Un nouveau récitatif en duo se termine par un motif ascendant<br />
sur « me vo<strong>ici</strong>, Jésus », tandis que le duo final emprunte un joyeux<br />
rythme de danse caractérisé par sa partie d’orgue obligé fort virtuose,<br />
sur laquelle la voix de soprano énonce le choral « Wie bin ich denn so<br />
herzlich froh » (« Que je suis heureuse au plus profond de mon cœur »).<br />
Et lorsque la basse annonce sur des motifs dansants et joyeux « zieh ich<br />
dich zu mir » (« je te fais venir à moi »), la soprano lui répond sur les<br />
notes chastes et imperturbables, assurées, éprise de certitudes du choral<br />
« aufnehmen in das Paradis » ( « me faire accéder au Paradis »). Une<br />
dernière modulation quasiment sensuelle témoigne que la communion<br />
a eu lieu, avant que l’ouvrage s’achève sur le retour de l’orgue obligé :<br />
une fin somptueuse digne de cette cantate qui compte parmi les plus<br />
extraordinaires de Bach.<br />
Dingeman van Wijnen<br />
CD 11 : Cantates, BWV 195, 1 & 63<br />
Dem Gerechten muss das Licht immer wieder aufgehen, BWV<br />
95, cantate de mariage<br />
Wie schön leuchtet der Morgenstern, BWV , pour l’Annonciation<br />
de Marie<br />
Christen, ätzet diesen Tag, BWV 63, pour le jour de Noël<br />
Selon certains, cette cantate de mariage, BWV 195, Dem Gerechten<br />
muss das Licht immer wieder aufgehen (La lumière doit se lever pour<br />
le juste), daterait des dernières années de la vie de Bach, 748 ou 749 ;<br />
le catalogue BWV penche plutôt pour les années 730. Il est vrai que<br />
le compositeur écrivit quelques nouvelles cantates très tard dans sa<br />
carrière, mais en puisant dans des œuvres plus anciennes. Ainsi la<br />
présente Cantate BWV 195 existe-t-elle sous la forme de la Cantate 30a,<br />
elle-même une cantate de mariage de 737 dont Alfred Dürr soupçonne<br />
fortement qu’elle provient à son tour d’un ouvrage encore plus ancien…<br />
À en juger par le texte du chœur d’ouverture, tiré du Psaume 97, ainsi<br />
que celui du récitatif qui le suit, il conclut que le marié devait être<br />
juriste : « sowohl Gerechtigkeit als Tugend ehrt », ce qui signifie en effet<br />
« dont on honore tout autant l’honnêteté que la vertu ».<br />
Avec un tel effectif instrumental, le couple devait appartenir à la frange<br />
la plus aisée de la bourgeoisie de la ville : deux flûtes, deux hautbois<br />
d’amour, deux cors, trois trompettes, timbales, cordes et continuo,<br />
que l’on entend tous ensemble d’entrée dans l’imposante ouverture,<br />
comprenant deux fugues monumentales. Seuls les deux récitatifs, en<br />
réalité, furent composés pour l’occasion, le reste étant du recyclage ;<br />
ils encadrent l’unique aria de l’ouvrage. Pour ce premier récitatif, le<br />
texte « Dem Freudenlicht gerechter Frommen, muss stets ein neuer<br />
Zuwachs kommen » (« La lumière de joie doit s’accroître constamment<br />
pour les croyants fidèles ») donne naissance à une subite guirlande<br />
de triolets à la basse, alors que dans le second, les flûtes et hautbois<br />
s’offrent une étonnante série d’ornements tellement fouillés qu’ils se<br />
croisent continuellement pour générer d’invraisemblables frottements<br />
harmoniques d’un effet stupéfiant. L’aria n° 3, elle, atteste que Bach ne<br />
craignait pas de se perdre dans les méandres de la musique de danse<br />
de son temps, faisant taire ses détracteurs qui voyaient en lui le tenant<br />
d’un langage suranné.<br />
Au cours de sa seconde année comme Kantor de Saint-Thomas à Leipzig,<br />
Bach s’embarqua dans un monumental cycle de cantates toutes écrites<br />
sur des thèmes et des textes repris des chorals luthériens, datant surtout<br />
du 7 e siècle. Chaque cantate emprunte le choral adapté précisément<br />
pour la période de l’année liturgique à laquelle elle s’adressait. Les<br />
premier et dernier versets des chorals servaient pour le chœur d’entrée<br />
et de fin, tandis que les autres versets se voyaient paraphrasés, modifiés,<br />
raccourcis ou librement adaptés dans la forme poétique qu’exigeaient<br />
les récitatifs et arias. Etant donné que les thèmes et textes des chorals<br />
représentaient l’élément saillant des cantates en question, on a fini par<br />
les présenter sous le nom de « cantates chorales », ce qui n’implique pas<br />
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