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tonnerre et la foudre. Après que l’alto a chanté son avertissement, Bach<br />
nous offre l’une de ses plus remarquables arias : deux oboe da caccia,<br />
joints aux flûtes à bec, créent une sonorité inouïe et merveilleuse sensée<br />
décrire la mère poule rassemblant ses poussins. Dans le chœur final,<br />
le choral est magnifié par les amples lignes de flûtes à bec survolant<br />
littéralement la musique telles des colombes de miséricorde.<br />
L’intégralité de la Cantate Was willst du dich betrüben (Pourquoi<br />
vouloir t’attrister), BWV 107, donnée pour la première fois le 3 juillet<br />
7 4, septième dimanche après la Trinité, repose sur un seul et unique<br />
choral dont les textes sont utilisés verbatim. Dans le chœur d’ouverture,<br />
le thème est esquissé aux instruments avant d’être confié aux sopranos ;<br />
une étonnante dentelle mélodique se tisse au fur et à mesure, jusqu’à ce<br />
que l’on atteigne le nom « Immanuel » – signifiant, à l’origine, « Dieu<br />
avec nous » – qui bénéf<strong>ici</strong>e d’une attention toute particulière. Bach<br />
démontre tout son génie à transformer la structure compacte d’une<br />
mélodie chorale en un récitatif parfaitement libre. Suivent quatre arias,<br />
chacune abordant une des sections du choral à sa manière. L’aria de<br />
basse dansant, dans laquelle les croyants sont exhortés à écarter le<br />
doute, est introduite par un extraordinaire dessin au continuo. Après<br />
un air de ténor accompagné du continuo seul, puis un air de soprano<br />
reprenant le dernier passage du choral, on retrouve l’atmosphère<br />
dansante pour le dernier air confié au ténor dont les mots « warte »<br />
(« [j’]attends ») et « feste » (« fermement ») sont soulignés de longues<br />
notes tenues. L’ouvrage s’achève sur une s<strong>ici</strong>lienne de toute beauté,<br />
reprenant le choral initial dans un foisonnement d’ornements affirmant<br />
à nouveau la foi en Dieu.<br />
La Cantate Siehe zu, daß deine Gottesfurcht nicht Heuchelei sei (Veille<br />
à ce que ta crainte de Dieu ne soit pas hypocrisie), BWV 179 destinée<br />
à célébrer le onzième dimanche après la Trinité de 7 4 – le 8 août,<br />
cette année-là – commence par une très austère fugue, que Bach<br />
réutilisera par la suite dans la Messe en si mineur : le prêche s’en prend à<br />
l’hypocrisie, soulignés par de durs demi-tons sur « falsches » (« fausse<br />
») et Heuchelei » (hypocrisie). Le sujet de la fugue se voit répondre<br />
par son propre renversement, peut-être est-ce là un symbole pour la<br />
dupl<strong>ici</strong>té des hypocrites… Suit un récitatif pour ténor d’une grande<br />
charge émotionnelle, également réutilisée par la suite, en l’occurrence<br />
dans la Messe en sol mineur, BWV 236. Le péager au Temple, dont<br />
parlent les Evangiles, est ainsi donné en exemple d’humilité et de vertu.<br />
Par la suite, dans l’aria de soprano, deux hautbois da caccia chantent un<br />
thème profondément émouvant tandis que la voix demande pitié ; cette<br />
dernière aria se retrouve également dans la Messe en la majeur, BWV<br />
234. Au titre de final, Bach propose un choral, mais dans l’une de ses<br />
harmonisations les plus bizarres, détournées, fuyantes, chromatiques,<br />
d’une modernité époustouflante.<br />
CD 22 : Cantates, BWV 6, 163 & 96<br />
Bleib bei uns, denn es will Abend werden, BWV 6, pour le lundi<br />
de Pâques<br />
Nur jedem das Seine, BWV 63, pour le 3 e dimanche après la<br />
Trinité<br />
Herr Christ, der einge Gottessohn, BWV 96, pour le 8 e dimanche<br />
après la Trinité<br />
La Cantate Bleib bei uns, denn es will Abend werden (Reste auprès<br />
de nous, car le soir va tomber), BWV 6, écrite pour le lundi de Pâques<br />
7 5, relate l’histoire des deux disciples du Christ qui, en chemin pour<br />
Emmaüs après la Résurrection, rencontrent le Christ sans le reconnaître<br />
et lui proposent de se joindre à eux. L’appel « Bleib bei uns » (« Reste<br />
avec nous ») imprègne le chœur d’ouverture ainsi qu’aux violons et<br />
au hautbois. Le mot « bleib », plus particulièrement, se voit traiter de<br />
longues notes, tenues autant au chœur qu’à l’orchestre. L’atmosphère<br />
crépusculaire est <strong>ici</strong> décrite avec une irréelle beauté. Vient ensuite<br />
une aria d’alto dans les couleurs les plus sombres, d’autant que le mot<br />
« Finsterniss » (« obscurité, crépuscule ») ne manque pas d’être répété à<br />
l’envi, toujours sur des mouvements en demi-tons. Le récitatif de basse<br />
reprend l’idée d’obscurité, à telle enseigne que la voix descend au plus<br />
bas sur le mot « Dunkelheit » (« obscurité [totale] »), fidèle au style<br />
de peinture musicale chère à l’époque baroque. Entre temps, le chœur