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À Leipzig, l’une des principales tâches du Kantor Bach était de composer<br />
et faire jouer quelques 60 cantates par an, les dimanches et les jours de<br />
fêtes religieuses. Par évident manque de temps, il n’avait parfois d’autre<br />
choix que de réutiliser des matériaux plus anciens : mouvements de<br />
concertos ou de sonates, ou même d’autres airs ou chœurs de cantates<br />
dont il changeait simplement le texte. Mais s’il s’agissait là d’un expédient<br />
commode, Bach manifeste également l’estime dans laquelle il tient telle<br />
ou telle de ses œuvres plus anciennes, puisqu’il n’a jamais « recyclé » de<br />
la musique d’importance secondaire.<br />
L’un des meilleurs exemples se trouve dans la Cantate Am Abend aber<br />
desselbigen Sabbats (Mais le soir de ce même Sabbat), BWV 42, destiné<br />
au dimanche 8 avril 7 5, le premier dimanche après Pâques, connu<br />
également sous le nom de Quasimodogeniti. Le nom provient du texte<br />
latin de cette messe : « Quasimodo geniti infantes », « Tel des enfants<br />
nouveaux-nés ». Bach ouvre la cantate avec une sinfonia instrumentale<br />
qui n’est pas sans rappeler les Concertos Brandebourgeois, et<br />
assurément reprise d’une œuvre instrumentale perdue. Dans le cas<br />
présent, un ensemble de bois – deux hautbois et basson – s’opposent<br />
en joute musicale aux cordes. L’ouvrage comporte sept mouvements ;<br />
la Sinfonia est suivie de deux récitatifs, deux arias et deux chorals, l’un<br />
sur « Verzage nicht, du Häuflein klein », et le dernier sur « Verleih’ uns<br />
Frieden gnädiglich ».<br />
CD 5 : Cantates, BWV 33, 56 & 37<br />
Allein zu dir, Herr Jesu Christ, BWV 33 pour le 3 e Dimanche<br />
après la Trinité<br />
Ich will den Kreuzstab gerne Tragen, BWV 56 pour le 7 e<br />
dimanche après la Trinité<br />
Wer da gläubet und getauft wird, BWV 37 pour le jour de<br />
l’Ascension<br />
La Cantate Allein zu dir, Herr Jesu Christ (Rien que vers toi, Seigneur<br />
Jésus Christ), BWV 33 était destinée à être jouée le 3 septembre 7 4,<br />
le treizième dimanche après la Trinité. Elle appartient au second cycle<br />
de cantates écrites pour Leipzig, dont la majorité emprunte la forme de<br />
la cantate chorale. « Allein zu dir, Herr Jesu Christ » est, à l’origine, un<br />
choral de Konrad Hubert écrit en 540 ; Bach l’intègre en canon dans le<br />
chœur d’ouverture, et l’utilise à nouveau dans le chœur final.<br />
La Cantate Ich will den Kreuzstab gerne Tragen (Je veux bien porter<br />
la croix), BWV 56, est sans conteste l’une de ses plus célèbres œuvres.<br />
Destinée à être jouée le dimanche 7 octobre 7 6, le dix-septième<br />
dimanche après la Trinité, cette pièce tout en intimité était initialement<br />
écrite pour Anna Magdalena, la seconde Madame Bach, qui possédait<br />
un joli brin de soprano et qui chantait souvent la musique de son<br />
mari, mais la version la plus connue est celle pour basse. Plus tard,<br />
vers 73 -3 , Bach en réalisa une adaptation pour alto, en réponse à<br />
l’extraordinaire renommée de l’ouvrage de son vivant.<br />
L’œuvre reprend les textes sacrés pour le dix-neuvième dimanche après<br />
la Trinité (saint Matthieu 9: -8) qui raconte comment le Christ avait<br />
guéri un paralytique puis lui avait pardonné tous ses péchés. Dans la<br />
première aria, Bach utilise de nombreux artifices de « peinture sonore » :<br />
« Kreuzstab » (« la Croix ») est représenté par un ut dièse entièrement<br />
hors l’harmonie, tandis que « Tragen » (« porter ») se traduit par des<br />
motifs de déchirants soupirs à la voix autant qu’aux instruments. En<br />
arrivant au texte « Da leg ich den Kummer auf einmal ins Grab » (« Là<br />
je laisserai dans la tombe toutes mes peines »), le chanteur se lance dans<br />
d’étonnants triolets qui se terminent sur une sixte descendante sur le<br />
mot « Grab » (« la tombe »). Cette magnifique phrase de résignation<br />
se trouve renforcée par de longues notes de basse, d’innombrables<br />
soupirs de désespoir aux cordes et au hautbois, et la juxtaposition<br />
de croches et de triolets, provoquant une douloureuse sensation de<br />
déséquilibre.<br />
Le récitatif suivant nous rappelle à nouveau le même passage de saint<br />
Matthieu, lorsque le Christ emprunte la barque pour arriver à sa<br />
destination ultime. Aux mots « Mein Wandel auf der Welt ist einer<br />
Schiffart gleich » (« Mon passage sur cette terre est semblable à une<br />
traversée en barque »), Bach évoque les vagues d’un motif ondulatoire<br />
au violoncelle solo. L’accompagnement cesse subitement au moment<br />
où le voyageur arrive à sa destination, quitte son embarcation et trouve