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et ni le manuscrit, ni l’édition établie par Kirnberger en 75 , après la<br />

mort de Bach, ne purent donner une idée précise des intentions du<br />

compositeur. De nombreux doutes subsistent, par exemple, sur l’ordre<br />

des différentes fugues. On ne savait pas même à quoi devait servir<br />

l’ouvrage, et le titre lui-même n’est peut-être pas de Bach. Mais malgré<br />

toutes ces zones d’ombre, L’Art de la fugue reste l’une des plus étonnantes<br />

créations de l’esprit humain.<br />

Il n’est pas aberrant de voir dans L’Art de la fugue une sorte de continuation<br />

de L’Offrande musicale : les deux œuvres consistent en une série de<br />

variations contrapuntiques sur un sujet unique, toutes dans la même<br />

tonalité. On peut même déceler des similitudes mélodiques entre les<br />

deux sujets : celui de L’Art de la fugue représente une sorte de concentré<br />

du « sujet royal » de L’Offrande musicale. Dans la majeure partie des<br />

variations, Bach omet de spécifier l’instrumentation mais les dernières<br />

recherches musicologiques ont démontré qu’il avait certainement<br />

destiné son chant du cygne à un instrument à clavier, probablement le<br />

clavecin. Ce n’est qu’au cours des années 9 0 que L’Art de la fugue fut<br />

adapté et arrangé pour toutes sortes d’instrumentations, dans l’optique<br />

de la première exécution publique de l’ouvrage à cette même époque.<br />

Depuis ces vingt décennies, on a pris l’habitude de jouer cet ouvrage,<br />

conçu pour le clavecin, dans diverses formations.<br />

Alors que L’Offrande musicale se concentre sur la forme contrapuntique<br />

la plus stricte qui soit, le canon, L’Art de la fugue explore toutes les<br />

possibilités offertes par le traitement fugué. Même les quatre canons<br />

sont en réalité destinés à démontrer de nouvelles possibilités d’écriture<br />

de la fugue. Malgré la relative simpl<strong>ici</strong>té et la modestie du sujet – ou<br />

bien en est-ce la raison ? –, celui-ci représente la pierre de touche de<br />

tout ce monumental édifice. Ledit sujet présente une forme régulière<br />

et symétrique ; lorsqu’on le joue en renversement – comme s’il était<br />

retourné selon un axe horizontal, de sorte qu’un mouvement montant<br />

se transforme en mouvement descendant, même si ce n’est pas toujours<br />

exactement selon le même intervalle, pour des raisons d’équilibre<br />

harmonique –, la majorité des intervalles reste inchangée. Ainsi,<br />

lorsque l’on combine le sujet et son renversement, on obtient, par effet<br />

de miroir, un contrepoint à deux voix pratiquement parfait.<br />

À mesure que Bach traite son sujet dans un foisonnement de<br />

nouveaux rythmes et de nouvelles tournures mélodiques, il développe<br />

graduellement une sorte de manuel complet de la composition fuguée.<br />

Chacun des « contrapunctus », ainsi qu’il dénomme les variations<br />

individuelles afin de souligner leur aspect « savant », offre la solution<br />

définitive à chaque problème de base posé par la forme de la fugue.<br />

L’œuvre commence par un groupe de fugues basées sur le sujet dans<br />

sa forme initiale puis en renversement. Suivent des contre-fugues,<br />

des fugues en strette, qui exploitent le sujet non seulement pur et en<br />

renversement, mais en diminution, en augmentation : de la sorte, les<br />

valeurs sont soit divisées par moitié, soit doublées en durée. Bach<br />

démontre également le potentiel du sujet dans des fugues à deux ou trois<br />

sujets, mais c’est bien le sublime Contrapunctus 4 (une triple fugue,<br />

donc avec trois sujets) qui devait représenter le point culminant de<br />

l’ouvrage. Juste après qu’il eut apposé sa signature – de la même manière<br />

que les peintres médiévaux se représentaient souvent eux-mêmes dans<br />

un coin de la toile – B.A.C.H. (soit si bémol, la, ut, si bécarre) dans<br />

la toile musicale, la musique cesse subitement à la 39 ème mesure. Les<br />

générations suivantes furent confrontées à la lourde mais fascinante<br />

tâche de savoir ce que Bach avait à l’esprit ; dans cette optique, il est à<br />

remarquer que le sujet principal de L’Art de la fugue peut se combiner<br />

avec les trois sujets de cette fugue incomplète. Par conséquent, il n’est<br />

pas interdit d’imaginer qu’il avait envisagé de développer une fugue à<br />

quatre sujets qui aurait représenté la clef de voûte de l’ouvrage.<br />

Le « contrapunctus » le plus fascinant – mais pas le plus complexe,<br />

pourtant – reste la fugue-miroir à quatre voix, le n° . Bach écrit<br />

d’abord toutes les parties « rectus », c’est-à-dire dans leur forme<br />

normale, puis en « inversus », en inversant l’ordre des notes du thème.<br />

Et afin de rendre l’impression de miroir encore plus complète, il fait en<br />

sorte que le « rectus » du soprano devienne l’« inversus » de la basse et<br />

inversement, et il fait de même entre le ténor et l’alto. Ainsi, la première<br />

moitié du « contrapunctus » se trouve complètement retournée tel un<br />

gant, dans la seconde partie.<br />

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