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Dieu envers les hommes, et comment il nous aide à éviter l’enfer. Le<br />
cantus firmus, immuable, peut évoquer l’image du Sauveur, tandis<br />
que les deux voix « batailleuses » figureraient la colère divine. Peutêtre<br />
aussi les grands intervalles qui s’amenuisent symbolisent-ils le<br />
rapprochement de Dieu et de l’humanité. Le président de l’American<br />
Bach Society, Robin Leaver, évoque également Isaïe 63, -3, dans lequel<br />
il est question du pressoir et de la colère de Dieu. Ce texte est considéré<br />
comme la prophétie de la victoire du Christ en Croix. Par conséquent,<br />
les quatre premières notes représenteraient la Croix.<br />
Fuga super Jesus Christ, unser Heiland, a 4, manualiter, BWV 689 :<br />
L’arrangement le plus simple – même s’il est le plus long des deux – offre<br />
une merveilleuse fugue à quatre voix dont le sujet reprend la première<br />
phrase du choral, dans un luxe d’harmonies plus expressives les unes<br />
que les autres. Suivent une série de strettes puis une présentation du<br />
sujet en augmentation, sur lequel Bach fait entrer les autres voix à<br />
chaque temps de la mesure. L’atmosphère générale évoque une image<br />
de mystère qui peut faire penser aux mystères de l’Eucharistie.<br />
Duos, BWV 802 à 205<br />
Les quatre Duos, d’une exquise qualité, ont toujours posé problème au<br />
sein de cette Clavierübung III : en effet, ils ne « collent » tout simplement<br />
pas dans le cadre de ce recueil si extraordinairement homogène que<br />
Bach avait lui-même publié. On les a souvent considérés comme des<br />
pièces pour clavecin, ajoutées au recueil sans raison apparente. En<br />
fin de compte, ils ont fini par être acceptés au titre de pièces d’orgue,<br />
idéalement adaptés au répertoire assez maigre réservé aux petits orgues.<br />
Aujourd’hui, ils sont rendus à leur destination d’origine, celle de la<br />
célébration de la communion. Selon les analystes, ils symboliseraient les<br />
Quatre apôtres, ou bien encore ils auraient été ajoutés pour compléter<br />
des pages qui seraient sinon restées blanches…<br />
Même s’il n’est pas aisé de déceler des symbolismes clairs dans la musique,<br />
l’image la plus probable serait celle des quatre prières qui suivent<br />
immédiatement les volets principaux du catéchisme : matin, soir, avant<br />
et après le repas. Dans son ouvrage Critica Musica, Mattheson décrit le<br />
duo comme « une aria sous forme de dialogue permettant d’introduire<br />
et de développer deux sujets opposés » (Volume I, 7 ), ou bien<br />
encore « une pièce à deux voix faisant appel à des techniques strictes<br />
de contrepoint en imitation à l’unisson ou à l’octave, exclusivement »<br />
(Volume II, 7 5). Dans les cantates de Bach, les duos se présentent<br />
presque toujours comme des dialogues, par exemple entre Jésus et<br />
l’âme humaine.<br />
La description de Mattheson est on ne peut plus seyante : ce sont là<br />
des inventions à deux voix de grande haleine, de véritables chefsd’œuvre.<br />
Les pièces font appel à tous les genres de techniques fuguées :<br />
canon, inversion, augmentation etc., dans une conduite mélodique et<br />
harmonique hautement développée. Les tonalités s’inscrivent dans un<br />
intervalle de quarte (mi, fa, sol, la), tandis que les valeurs des pulsations<br />
rythmiques augmentent d’une croche à chaque duo : ainsi la pulsation<br />
de la première pièce est-elle à la croche, celle de la seconde à la noire,<br />
la troisième à la noire pointée, la dernière à la blanche. Certains des<br />
duos comportent des allusions à des chorals, comme le troisième en<br />
sol majeur, dans lequel Allein Gott in der Höh sei Ehe est clairement<br />
reconnaissable.<br />
Fugue en mi bémol majeur, BWV 552 (le prélude portant le<br />
même numéro de BWV est présenté dans le Volume 5, en tête du<br />
Clavierübung). La dernière partie du Clavierübung s’achève avec cette<br />
superbe fugue à cinq voix en trois volets, que l’on appelle une triple<br />
fugue. Cela dit, l’appellation ne s’applique pas dans le cas présent<br />
puisque les trois thèmes n’apparaissent jamais simultanément ainsi que<br />
c’est le cas dans la véritable triple fugue. Il semble impossible de ne<br />
pas voir dans cet ouvrage monumental un évident et somptueux tribut<br />
rendu à la Trinité. La première fugue, représentant Dieu le Père, adopte<br />
le plus pur « stile antico », hiératique et strict. La seconde – le Fils –, à<br />
quatre voix, se limite aux claviers, avec un sujet fluide en croches. Enfin,<br />
la troisième et dernière fugue – le Saint Esprit – adopte le ton d’une<br />
gigue vivace et joyeuse au cours laquelle le premier sujet fait également<br />
son apparition dans une démonstration de puissance inouïe.<br />
La symétrie de l’ouvrage dans son ensemble est d’ailleurs remarquable :<br />
les premier et troisième volets comportent exactement le même nombre<br />
de mesures, le rapport de durée entre le premier et le second volet est<br />
le même qu’entre le second et le troisième, et ce rapport correspond<br />
précisément au nombre d’or. De la sorte Bach réussit-il le tour de