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des trois mouvements se découpe lui-même en trois volets, les trois<br />
tonalités s’étagent selon une tierce… Le premier mouvement ne fait<br />
appel qu’aux claviers, une sorte d’Invention avec le cantus firmus<br />
disposé à la voix intermédiaire. Le second, un élégant trio, permet<br />
au thème de papillonner d’une voix à l’autre, tandis que le dernier<br />
offre un fugato assez épineux sur la première et troisième phrase du<br />
choral de base.<br />
Dies sind die heilgen zehn Gebote (Vo<strong>ici</strong> les dix commandements),<br />
BWV 678 & 679<br />
L’un des principaux enseignements du catéchisme traite des Dix<br />
commandements : le texte du choral luthérien en est une digression<br />
poétique. Ecrit à cinq voix, le premier des deux arrangements<br />
ressemble à une pastorale à l’italienne mais bientôt la tristesse<br />
s’installe, entraînée par des motifs en sanglots et des dessins<br />
chromatiques descendants. Le cantus firmus garde son statut de<br />
strict canon en valeurs longues entre les deux parties que joue la<br />
main gauche. On peut analyser le morceau de diverses manières mais<br />
il semble établi que le canon représente l’image des commandements<br />
de Dieu, immuables et incontournables. Les autres aspects ont été<br />
interprétés par certains comme « le chaos moral régnant sur terre<br />
avant la Création du monde » selon Albert Schweitzer, ou encore<br />
« l’image de l’œuvre d’amour du Christ en opposition au rigide<br />
canon représentant la loi de l’Ancien Testament », d’après l’organiste<br />
et musicologue Hermann Keller, grand spécialiste de la musique<br />
d’orgue de Bach.<br />
Wir glauben alle an einen Gott (Nous croyons tous en un seul Dieu),<br />
BWV 680 & 681<br />
Une ligne mélodique d’origine grégorienne représente <strong>ici</strong> la foi<br />
inébranlable, mais dans l’interprétation de Luther du Credo nicéen.<br />
Etant donné que le choral est très long, Bach écrit une fugue sur la<br />
première phrase, la première réponse étant adaptée d’après la seconde<br />
phrase du choral. Le dernier verset – dont le texte dit « es stehet alles in<br />
serier Macht » (« tout est en Son pouvoir ») – apparaît dans les dernières<br />
mesures, afin de refermer le cercle. L’adaptation a ceci d’unique qu’elle<br />
présente un motif en ostinato au pédalier, peut-être en figuration de<br />
l’immuable force de la foi. Par ailleurs, la dernière entrée du pédalier<br />
compte 43 notes, qui correspond, selon l’alphabet numérique (A = , B<br />
= , C = 3 etc.) aux lettres formant le mot CREDO. La fuguette, toujours<br />
sur le même choral, imite le style français avec ses rythmes pointés et<br />
ses traits rapides. Ces deux aspects eux-mêmes peuvent représenter la<br />
puissance et la force que donne la foi en Dieu. Notons que la fuguette<br />
est la quatorzième pièce du recueil, donc son pivot central ; chacun des<br />
recueils de Clavierübung comporte en son milieu une pièce en style<br />
français…<br />
Vater unser im Himmelreich (Notre Père au royaume du ciel), BWV<br />
682 & 683<br />
Le troisième grand volet du catéchisme traite de la prière : ainsi, Bach<br />
choisit le psaume dans lequel Luther a composé une traduction poétique<br />
de la Prière du Seigneur. Parmi tous les chorals d’orgue de Bach, celui-ci<br />
est sans conteste le plus complexe et imbriqué. En réalité, il s’agit d’un<br />
trio dans un style galant et très moderne pour son époque, dont les<br />
figurations rappellent parfois la musique de flûte. Mais en plus du trio<br />
– à trois voix, évidemment –, Bach intègre simultanément le thème du<br />
choral en canon strict à deux voix ! L’atmosphère sombre est encore<br />
soulignée par de nombreux sanglots en rythme lombard (un rythme<br />
dit aussi « rythme boiteux », dans lequel la première note, très brève,<br />
est suivie d’une autre trois fois plus longue, comme par exemple dans le<br />
couple double-croche - croche pointée), des chromatismes descendants<br />
et des sauts sur des intervalles diminués. Quant à la partie de basse, elle<br />
égrène obstinément ses croches sauf dans la mesure 4 (4 = J + S + B<br />
+ A + C + H, selon le code alphabétique numérique) où, subitement,<br />
apparaît le motif de sanglot. Serait-ce là par hasard la propre prière de<br />
J. S. Bach ? La même mesure contient d’ailleurs les intervalles formés<br />
par les notes BACH (si bémol, la, ut, si), transposés un demi-ton plus<br />
haut. De nombreux commentateurs ont vu dans cette merveilleuse<br />
variation de choral une sorte de prière pour délivrer le monde du mal ;<br />
le cantus firmus représenterait l’aide divine. Par contraste, le très bref<br />
et très doux BWV 683 semble droit sorti du Orgelbüchlein : le thème<br />
choral apparaît en valeurs longues dans le soprano, tandis que les<br />
parties d’accompagnement proposent des mouvements de gammes