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Le Prélude & Fugue en ut majeur, BWV 531 ne doit pas être bien<br />
postérieur à 700, l’époque de Lüneburg. Cet ouvrage festif, en trois<br />
parties, débute par un magnifique solo de pédalier puis de grands traits<br />
et de somptueuses arpèges. Sur un thème énergique faisant appel à des<br />
octaves brisées, la fugue reste confinée aux claviers, hormis deux courts<br />
passages de pédalier, le premier énonçant le thème simplifié, le second<br />
avec le thème dans son intégralité, une curiosité – voire une incongruité<br />
– en termes techniques. Un des manuscrits existants omet 6 mesures<br />
dont, justement, cette seconde exposition ; on se perd en conjectures<br />
quant à savoir laquelle des deux versions représente l’original : la plus<br />
longue avec son passage de pédalier quasiment injouable, ou la courte,<br />
plus uniforme en termes de difficulté instrumentale. La fugue s’enchaîne<br />
presque imperceptiblement avec le postlude, dans lequel le caractère<br />
dominant de ut majeur est encore souligné par une assez étonnante<br />
déviation vers ut mineur avant que ne triomphe la tonalité de base.<br />
Certes, la forme du Prélude et fugue représente pour Bach un évident<br />
développement de langage, mais la construction tripartite reste la<br />
structure fondamentale, sans oublier la division très claire entre<br />
stylus phantasticus et stylus canonicus. Un fragment de l’ouvrage<br />
nous est parvenu sous forme de manuscrit, une version plus ancienne<br />
et plus courte. De caractère général très mélancolique, il commence<br />
par des accords brisés sur une pédale. Quelques passages virtuoses<br />
laissent rapidement la place à des descentes chromatiques de<br />
septièmes diminuées, à travers toutes les douze notes de la gamme,<br />
ce qui a certainement dû choquer les contemporains de Bach. Chose<br />
remarquable, la fugue comporte une indication de tempo (« allegro »)<br />
; en termes de construction, elle témoigne de sa genèse typiquement<br />
nord-allemande, ne serait-ce que par l’usage fréquent de notes répétées<br />
ou de notes alternées entre les mains. Bach déploie toute sa maîtrise<br />
dans ce puissant mouvement dont l’effet va grandissant du début à la<br />
fin.<br />
Le Prélude et Fugue en ré majeur, BWV 532 nous amène au début<br />
de l’époque de Weimar, une époque fort productive : vers 709- 7 0.<br />
Selon le modèle nord-allemand, le prélude se présente en trois parties,<br />
mais la fugue attendue est remplacée par un alla breve (mesure à deux<br />
temps représentés par une blanche) homophone dans le style italien,<br />
avant que ne survienne une section sous forme de toccata – en réalité,<br />
on peut considérer que l’ouvrage est malgré tout en cinq parties, pour<br />
autant que l’on compte l’alla breve comme la première fugue. Certains<br />
commentateurs ont vu dans ce Prélude et fugue une pièce associée à la<br />
période de Pâques, d’une part à cause de sa nature joyeuse et exubérante,<br />
d’autre part à cause de la gamme ascendante au pédalier dès le début<br />
du Prélude, que l’on peut éventuellement considérer comme un motif<br />
de résurrection. La hardiesse et l’originalité du discours dans le prélude<br />
– en particulier l’adagio servant de conclusion, un étonnant labyrinthe<br />
harmonique – représentent le meilleur exemple du stylus phantasticus ;<br />
quant à la fugue, c’est sans conteste l’une des plus joyeuses et exubérantes<br />
de Bach.<br />
Les deux styles musicaux dominants du début du 8 ème siècle étaient<br />
sans doute le style français et l’italien, que Bach étudia tous deux avec<br />
grande application. Nous savons, par exemple, qu’il copia l’intégralité<br />
du grandiose Livre d’orgue de Grigny et qu’en 7 4, il se procura un<br />
exemplaire des Fiori Musicali que Frescobaldi avait composés en 635.<br />
La Canzona en ré mineur, BWV 588 semble en être un parent proche, à<br />
en juger par la structure formelle dans la droite lignée du style italien. La<br />
première partie de cette œuvre bipartite comporte un thème souple et<br />
cantabile remarquable par ses tristes motifs descendants et son contresujet<br />
chromatique ; la seconde partie, en 3/ alors que la première était<br />
en 4/4, semble plus joyeuse même si les matériaux thématiques de l’une<br />
et l’autre restent très apparentés.<br />
Toujours dans le style italien, vo<strong>ici</strong> l’Alla breve en ré majeur, BWV<br />
589, un splendide morceau pour « organo pleno ». Le modèle en est<br />
probablement Corelli, dont Bach avait étudié les œuvres à maintes<br />
reprises. Il n’est pas impensable que cet Alla breve ait été précédé d’un<br />
prélude désormais perdu.<br />
Les concertos eux-mêmes trahissent leur origine italienne ; on peut les<br />
dater de la période de Weimar – 7 3- 7 4 –, ainsi d’ailleurs que les<br />
transcriptions pour clavecin des concertos pour orgue de J. G. Walther.<br />
Bach était alors organiste à la chapelle du palais et le jeune prince,