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Au milieu de ces intenses réexamens des sources, il reste toujours un
point crucial à éclaircir : où, dans quelle ville Bach a-t-il écrit telle et
telle œuvre, et à quel âge ? Bach a quitté Ohrdruf au printemps 700
pour s’installer à Lüneburg (Ouverture en sol mineur, BWV 822). À
cette époque, il rendait fréquemment visite à ses maîtres, Böhm et
Buxtehude.
En mars 703 il eut l’occasion d’entendre Reinken à Hambourg ; à Celle,
il se familiarisa avec la musique française, puis il s’arrêta à Weimar
où il s’installa (Concerto e fuga, BWV 909). Mais après avoir passé
seulement quatre mois auprès de la cour, il partit pour Arnstadt ; c’est
probablement là que, ému par le départ de son frère Johann Jacob,
hautboïste pour Charles XII de Suède, il écrivit le Capriccio sopra la
Lontaneza, BWV 992 (CD 9).
Après avoir obtenu quatre semaines de congé pour voir Buxtehude à
Lübeck, il y resta d’octobre 705 à février 706, puis rentra à Lüneburg
jusqu’en juin 707. Les œuvres BWV 820, 821, 823, 832, 833, 955,
963, 967 et 993 datent, sans erreur possible, de cette époque. Ensuite,
le 5 juin 707, il fut engagé comme organiste à l’église Saint-Blaise de
Mühlhausen (en Thuringe ; aucun rapport avec Mulhouse dont le nom,
en allemand, est également Mühlhausen !) Le 7 octobre il épousa sa
cousine Maria Barbara, la fille de l’organiste de Gehren, Johann Michael
Bach. Il s’installa ensuite à Weimar le 5 juin 708, âgé de 3 ans : toute
cette époque représente l’évolution de sa jeunesse.
Sa fille Catharina Dorothea naquit en 708, puis son premier fils
Wilhelm Friedemann en 7 0. Les œuvres BWV 917, 922, 923, 946,
947, 948, 949, 950, 951, 951a, 954, 958, 959, 965, 966, 989 et 996
datent toutes de cette époque.
La Suite en mi mineur pour luth, BWV 996, initialement écrite pour
cet instrument, fut réécrite pour clavecin dans la tonalité de la mineur
(CD 8) par Bach lui-même. Ce manuscrit isolé se trouve maintenant à
la Bibliothèque Royale de Bruxelles ; la couverture du cahier représente
le début du « Preludium con la Suite » de cette même œuvre. Emporté
par une passion pour cet art qu’il maîtrisait comme personne ne l’avait
fait jusqu’alors, et que tant d’autres tenteraient en vain d’égaler, Bach
révèle dans ces 9 œuvres de jeunesse (CD 7, 8 & 9) une exubérance
démoniaque, et une volonté de vivre sa musique jusqu’à la lie, mais
également une profondeur d’émotion et de noblesse inégalées.
Jamais, au cours de sa jeunesse, ne cessa-t-il d’étudier, d’apprendre et
d’expérimenter auprès de ses aînés, de se laisser éclairer par la science
d’un ami, de chercher encore et toujours à atteindre la perfection, afin
un jour de pouvoir tous les dépasser. Bach fut l’archétype de l’artisan qui
ne crée jamais rien de quoi il ne puisse être légitimement fier, chaque
pas étant mesuré, pesé et assuré de main de maître. Il ne fut jamais un
Mozart dont la légendaire précocité avait ému toute l’Europe en son
temps. Pourtant, Bach et Mozart ont une chose en commun : il n’y a
pas une seule œuvre de leur jeunesse, considérée comme mineure si
on les mesure à l’aune de la totalité de leurs œuvres, qui n’aurait pas été
considérée comme un immense chef-d’œuvre si un autre compositeur
les avait écrites.
Yves Bessières
CD 10 : Concerto italien, BWV 97 – Ouverture à la
française, BWV 83 – Fantaisie chromatique et Fugue,
BWV 903
Concerto Italien en fa majeur, BWV 97
Ouverture à la française en si mineur, BWV 83
Fantaisie chromatique et fugue en ré mineur, BWV 903
Dans la première biographie de Bach jamais écrite, Johann Nicolaus
Forkel rapporte, en 80 , ce qui suit : « Chromatische Fantasie und
Fuge. Unendliche Mühe habe ich mir gegeben
noch ein Stück dieser Art von Bach zu finden. Aber vergeblich. Diese
Fantasie ist einzig und hat nie ihres Gleichen gehabt. Ich erhielt sie zuerst
von Wilh. Friedemann [Bach] aus Braunschweig. Einer seiner und meiner
Freunde, der gerne Knittelverse machte, schrieb auf ein beygelegtes Blatt
: