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En termes théologiques, les 8 chorals ne suivent aucun plan préétabli<br />
(alors que le Orgelbüchlein s’inscrit dans l’année liturgique, et les<br />
Klavierübung III obéissent à des articles du catéchisme de Luther), même<br />
si la collection commence et s’achève avec une invocation de l’Esprit<br />
saint, et que les trois réalisations de Nun komm der Heiden Heiland<br />
forment une sorte de point central ; on pense également au triple motif<br />
de la Passion (AnWasserfluten Babylon, O Lamm Gottes et Vor deinen<br />
Thron tret’ ich hiermit). Plutôt qu’une œuvre à caractère purement<br />
liturgique, elle semble plutôt représenter une sorte de démonstration,<br />
de « dernier mot », sur l’art d’écrire divers chorals pour orgue selon les<br />
styles qu’il avait pu découvrir au cours de sa jeunesse, à savoir ceux<br />
de Pachelbel, Buxtehude, Böhm etc. Et même si Bach transcende ses<br />
modèles, il ne donne aucun véritable exemple de son langage personnel<br />
tel que dans le Orgelbüchlein, ce qui permet d’imaginer que ces chorals<br />
lui sont antérieurs – avant 7 3/ 5, donc –, à moins qu’ils n’aient été<br />
écrits à la même époque comme une sorte de pendant.<br />
En réalité le recueil semble assez hétérogène : certains chorals<br />
comportent un cantus firmus orné, d’autres des fantaisies, d’autres<br />
encore avec des pré-imitations avant chaque phrase, des sonates en trio<br />
etc. On pourrait avoir l’impression que Bach cherchait ainsi à montrer<br />
ce qu’il savait faire des formes anciennes, au même titre qu’il démontrait<br />
dans le Orgelbüchlein, le Klavierübung III et les Chorals Schübler sa<br />
capacité à créer des genres et à traiter les motifs choraux.<br />
Il apparaît que les symbolismes numériques ont eu une grande<br />
importance pour Bach et ses contemporains. Le chiffre 3 représente<br />
naturellement la Trinité, le 4 la Croix mais également les quatre<br />
Evangiles, le 7 symbolise l’Esprit saint et les Sept dernières paroles<br />
du Christ en croix, le les douze mois ainsi que les douze apôtres et<br />
donc l’Eglise. Ces détails se traduisent musicalement par des nombres<br />
de voix, des nombres d’entrées canoniques, des nombres de notes<br />
etc. En allant plus loin, on peut se prêter à certains exercices, si l’on<br />
transforme l’alphabet en série numérique (A = , B = , C = etc.) on<br />
obtient 4 pour BACH et 4 pour J. Sebastian Bach – l’esprit baroque<br />
se préoccupait énormément de ce genre de correspondances. Dans cet<br />
esprit, les 8 chorals représentent 3 x 6, la Trinité, et si l’on considère<br />
que le premier choral porte en en-tête les lettres « J J » (« Jesu Juva » =<br />
Jésus, aide), ces deux lettres s’additionnent pour former le chiffre 8<br />
(9+9). Le nombre de mouvements des sonates en trio est également 8,<br />
une sorte de symbole chiffré récurrent à travers tout l’ouvrage.<br />
Komm, Heiliger Geist (Viens, ô Saint-Esprit), BWV 651 et BWV 652.<br />
Au début de la collection, on trouve deux arrangements de cet hymne<br />
de la Pentecôte, ainsi que Luther traduisit « Veni sancte spiritus », le<br />
texte le plus important pour cette fête dans le calendrier liturgique<br />
allemand après la Réformation. Dans sa première mise en musique<br />
du choral, BWV 65 , Bach imagine une immense fantasia où le cantus<br />
firmus se retrouve au pédalier : la puissance du thème ainsi exposé<br />
devait certainement évoquer dans l’esprit de l’auditeur de l’époque<br />
une vision très réelle du miracle du premier dimanche de Pentecôte.<br />
On peut imaginer que les accords agités du premier sujet, dérivé de la<br />
première ligne du choral, représente les tenailles de feu. Une version<br />
antérieure ne comporte que 48 mesures et seulement quatre des dix<br />
lignes mélodiques du choral.<br />
La seconde mise en musique de ce choral, BWV 652, souligne combien<br />
un compositeur baroque peut traiter de mille et unes manières une seule<br />
et unique ligne de choral. On entend <strong>ici</strong> une sorte de sarabande lyrique<br />
avec le cantus firmus élégamment ornementé à l’aigu ; chaque phrase<br />
est systématiquement réalisée en pré-imitation minutieuse – tellement<br />
minutieuse que l’on peut d’ailleurs en concevoir une certaine lassitude.<br />
Dans la coda, Bach s’étend largement sur l’Alleluia dans le style cher<br />
aux compositeurs nord-allemands tels que Böhm ou Buxtehude. Selon<br />
toute évidence, cette œuvre est l’une des plus anciennes du cahier.<br />
An Wasserflüssen Babylon (Les rivières de Babylone), BWV 653. Le<br />
texte paraphrase le Psaume 37, tandis que le thème reprend l’hymne<br />
du Vendredi saint « Ein Lämmlein geht und trägt die Schuld ». Il existe<br />
trois versions de ce prélude de choral : a) à cinq voix, avec double<br />
ligne musicale au pédalier et le cantus firmus à l’aigu ; b) à quatre voix,<br />
avec le cantus firmus au ténor ; (c) une version largement remaniée<br />
de la version précédente, sur des rythmes plus serrés et un pédalier