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des douze tonalités majeures et mineures. Les tonalités s’enchaînent<br />
chromatiquement ; par conséquent, les préludes et fugues paires sont<br />
en mineur, les impaires en majeur. Le premier prélude et fugue est en<br />
ut majeur, le dernier en si mineur.<br />
Le titre complet original du Premier cahier, en allemand, peut se<br />
traduire ainsi : « Clavier bien tempéré, ou préludes et fugues dans tous<br />
les tons et demi-tons, tous deux avec la tierce majeure ou Ut, Ré, Mi et<br />
avec la tierce mineure ou Ré, Mi, Fa. Pour la pratique et le profit des<br />
jeunes mus<strong>ici</strong>ens désireux de s’instruire et pour la jouissance de ceux qui<br />
sont déjà rompus à cet art. Johann Sebastian Bach, Anno 1722 ». Une<br />
apologie plutôt didactique pour une œuvre marquante de l’histoire de<br />
la musique.<br />
Le terme « bien tempéré » fait référence au système nouvellement<br />
développé à l’époque selon lequel tous les intervalles entre notes sont<br />
égaux, ou presque égaux, de sorte que l’octave se trouve coupée en<br />
demi-tons quasiment égaux. Ce principe permet de jouer dans n’importe<br />
quelle tonalité, alors que le tempérament inégal crée des tensions<br />
harmoniques qui ne sont pas transposables. Le Clavier bien tempéré<br />
fut le premier ouvrage à explorer systématiquement toutes les tonalités<br />
possibles et imaginables, l’apothéose du système de tempérament égal<br />
qui est devenu la base de la musique pour clavier. La première édition<br />
ne parut qu’un siècle après la mort de Bach, en 799 chez Kollman<br />
à Londres. Il faut préciser que Bach fut précédé par un mus<strong>ici</strong>en du<br />
nom de Johann Kaspar Ferdinand Fischer qui avait fait paraître, 5 ans<br />
auparavant, une collection de 0 préludes et fugues dans 9 différentes<br />
tonalités – mais pas les 4 ! Il appela le recueil Ariadne Musicae, faisant<br />
ainsi allusion à Ariane de la mythologie grecque dont le fil conducteur<br />
permit à Thésée de retrouver son chemin dans le labyrinthe crétois.<br />
Selon toute évidence, Bach connaissait l’ouvrage de Fischer d’autant<br />
que certains de ses sujets de fugue en reprennent quelques tournures,<br />
plus particulièrement de la Fugue en sol mineur WTC1, la Fugue en<br />
mi majeur WTC2 et la Fugue en fa majeur WTC1, des similitudes qui<br />
ne doivent rien au hasard. Par contre, la collection de 4 Préludes et<br />
Fugues écrits par B. C. Weber sous le même titre que Bach ne sont<br />
pas un travail de précurseur mais bien d’imitateur. La date de 689 qui<br />
apparaît sur le manuscrit conservé à la Bibliothèque du Conservatoire<br />
de Bruxelles est fausse puisque Weber vécut de 7 à 758.<br />
On estime que le tempérament égal fut développé par Andreas<br />
Weckmeister aux alentours de 700, mais la réalité est tout autre.<br />
L’histoire du tempérament égal remonte à 5 8 lorsqu’un certain H.<br />
Grammateus recommanda de diviser les octaves en 0 demi-tons<br />
égaux et demi-tons quelque peu plus petits. Dans son Dialogo de<br />
58 , Vincenzo Galilei propose d’utiliser un demi-ton de la fréquence<br />
8/ 7 très approchant du demi-ton bien tempéré. Par ailleurs, le<br />
principe du tempérament égal fut énoncé par le prince chinois Tsaiyu<br />
en 596 puis par le Français Mersenne en 635. Contrairement à<br />
ce que l’on affirme généralement, Werckmeister n’a jamais « inventé »<br />
le demi-ton tempéré : son introduction dans le monde de la musique<br />
découla d’un lent processus d’acclimatation. On ne peut pas affirmer<br />
que le Clavier bien tempéré de Bach ou le Ariadne Musica de Fischer<br />
faisaient allusion à un tempérament strictement égal ou à un accord<br />
approchant, en cours de perfection. Quoi qu’il en soit, le système ne<br />
fut définitivement adopté en Allemagne que vers 800, et vers 850 en<br />
France et en Angleterre.<br />
Le Premier livre du Clavier bien tempéré présente une plus grande unité<br />
de style et d’objectif que le second, qui comprend des pièces de diverses<br />
époques de la vie de Bach. En plus de démontrer qu’il était possible,<br />
avec le nouveau mode d’accord tempéré, d’utiliser toutes les tonalités, il<br />
poursuivait un but didactique évident : dans presque chaque prélude,<br />
l’exécutant se voit confier une tâche technique bien précise, de sorte<br />
que l’on pourrait aisément les appeler « Etudes ». Dans cette optique,<br />
les Inventions et les Sinfoniae respectivement à deux ou trois voix, ainsi<br />
que les Petits préludes BWV 933-934 seraient des études préparatoires.<br />
Naturellement, l’objectif éducatif du Clavier bien tempéré dépasse de<br />
loin la seule technique du clavier, d’autant qu’il ne se trouve pas deux<br />
préludes ou deux fugues de caractère, de construction ou de modèle<br />
similaire ou même approchant. C’est plus particulièrement dans les<br />
préludes qu’apparaissent les différences les plus flagrantes : chacun<br />
d’eux illustre un type bien spécifique de composition pour clavier du<br />
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