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de Saxe. En l’occurrence, il s’agissait de l’anniversaire ou de la fête<br />
d’Auguste II, au cours des années 730. Le livret de ce « dramma per<br />
musica » repose sur un dialogue entre des personnages mythologiques<br />
représentant diverses rivières : la Vistule, l’Elbe, le Pleisse et le Danube.<br />
Elbe, Vistule et Danube se disputent le privilège de s’attirer vers elles<br />
l’auguste personne royale et sa famille. La Pleisse (un affluent de la<br />
Weisse Elster qui traverse Leipzig) assume le rôle d’arbitre.<br />
On peut se demander pourquoi le Danube apparaît aux côtés de fleuves<br />
réellement placés sous l’autorité d’Auguste : il suffit de savoir que son<br />
épouse, Maria Josepha, était une princesse autrichienne.<br />
En premier, la Vistule loue le caractère de pacificateur d’Auguste. Après<br />
s’être comparée au Cocyte, le fleuve du Royaume des Morts au bord<br />
duquel les âmes qui ne pouvaient payer Charon devaient attendre un<br />
siècle en poussant des lamentations, elle annonce que les portes du<br />
temple de Janus peuvent se fermer (dans la Rome ancienne, cela ne<br />
pouvait se produire qu’en temps de paix). Là-dessus, l’Elbe se joint<br />
avec éloquence au discours : n’est-il pas le fleuve principal de Saxe ?<br />
Même le Danube, le domaine de la « belle Josephine », fait entendre ses<br />
prétentions. Mais en fin de compte la Pleisse décide que le Danube doit<br />
abandonner ses prérogatives, tandis que les deux autres fleuves doivent<br />
se partager les faveurs royales.<br />
La merveilleuse harmonie, fluviale autant que musicale, donne lieu<br />
à un extraordinaire rondo conclusif d’une invention mélodique<br />
éblouissante.<br />
CD 15 : Cantates profanes, BWV 211 & 212<br />
Schweigt stille, plaudert nicht, BWV , cantate du café<br />
Mer hahn en neue Oberkeet, BWV , cantate des paysans<br />
Les deux présentes cantates attestent de la place que tenait Bach dans<br />
la classe bourgeoise de Leipzig. Alors qu’il avait déjà écrit la majeure<br />
partie de ses cantates sacrées, il prit en charge le Collegium Musicum en<br />
739, un ensemble instrumental fondé dès 70 par le jeune Telemann<br />
encore étudiant. Bach se tourna progressivement vers la composition<br />
de musique orchestrale et de chambre ; au passage, il développa sa<br />
propre forme de concerto pour clavier et écrivit de nombreuses cantates<br />
profanes pour toutes sortes d’occasions.<br />
Beaucoup de ces cantates profanes furent présentées dans les cafés de<br />
Leipzig : c’est dans l’un d’eux que fut créée la Cantate du café Schweigt<br />
stille, plaudert nicht (Gardez le silence, ne bavardez pas), BWV 211 de<br />
73 . Le texte avait été publié la même année par Christian Friederich<br />
Henr<strong>ici</strong> – sous le pseudonyme « Picander » –, dans son troisième<br />
volume de poésie. En dehors de Bach, deux autres compositeurs ont<br />
mis en musique ce texte.<br />
L’action se déroule dans une famille bourgeoise de Leipzig. La fille de<br />
Herr Schlendrian a développé une dépendance au café ; la perspective<br />
du mariage semble faire diversion, mais elle laisse subitement entendre<br />
qu’elle refusera tout prétendant qui lui interdirait de s’adonner à sa<br />
passion. La morale de l’histoire est résumée dans le trio final : « Die<br />
Katze lässt das Mausen nicht, die Jungfern bleiben Coffeeschwestern »<br />
(Le chat ne peut s’empêcher de chasser les souris, et les jeunes femmes<br />
resteront les épouses du café »).<br />
En plus de la fille Liesgen (soprano) et de son père Schlendrian (basse),<br />
Bach ajoute un narrateur (ténor) qui ne fait qu’apparaître lors des<br />
récitatifs de début et de fin. La musique dépeint les caractères des deux<br />
protagonistes avec une imagination folle, sans aucune complaisance<br />
mais toujours avec bon goût. Schlendrian campe un père coléreux,<br />
ainsi que l’évoque l’ostinato vraiment obstiné de sa première aria, tandis<br />
que Liesgen représente la fille au cœur léger dont le seul souci dans la<br />
vie est le café et le choix d’un mari ; tous ses sentiments s’expriment en<br />
rythmes ternaires, 3/8 ou 6/8. Ce n’est qu’au trio final que toutes les voix<br />
et tous les instruments se trouvent enfin rassemblés pour une bourrée<br />
structurée, chose curieuse, par groupes de trois mesures.<br />
La Cantate paysanne Mer hahn en neue Oberkeet (V’la qu’on a un<br />
nouveau chambellan), BWV 212 date de 74 : elle fut composée à<br />
l’occasion de l’installation d’un noble saxon, Carl Heinrich von Dieskau,<br />
comme seigneur du manoir de Kleinzschocher qu’il venait d’hériter de<br />
sa mère. En accord avec les usages, on organisa une grande cérémonie<br />
à laquelle la musique de Bach venait ajouter une touche musicale. En<br />
réalité, il n’y avait pas un seul paysan en vue lors des réjouissances ; l’on