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s’inscrit stylistiquement dans les premières années de Leipzig mais<br />
l’unique manuscrit existant semble attester qu’elle serait plus ancienne,<br />
sans autre précision. Par contre, on sait que les noces eurent lieu au<br />
printemps, puisque le texte mentionne le renouveau de la nature :<br />
les jours ne sont plus froids, les fleurs éclosent et Amor cherche ses<br />
plaisirs. Ses plaisirs, par contre, et à la différence de la nature, restent<br />
permanents, de sorte que le couple peut s’attendre à « mille jours<br />
ensoleillés d’abondance ».<br />
L’instrumentation, encore plus modeste que celle de la cantate précédente,<br />
ne fait appel qu’aux cordes et à un hautbois pour accompagner la soprano<br />
solo – notons que dans le présent enregistrement, l’une des arias est<br />
accompagnée au basson obligé à la place du violoncelle –. Encore une<br />
fois, Bach obtient une variété de textures, de styles, d’atmosphères, avec<br />
un minimum de moyens. Les dernières brumes de l’hiver sont figurées<br />
de manière absolument magique par les lents accords de cordes<br />
ascendants au tout début, Apollon Phoebus se presse « avec ses chevaux<br />
rapides »… L’aria introductive, de forme tripartite selon le modèle<br />
de l’Ouverture à la française, vient en contraste saisissant avec l’aria<br />
suivante, réservée au seul continuo (pour lequel l’enregistrement, ainsi<br />
que précédemment indiqué, utilise le basson solo), tandis que les deux<br />
arias suivantes se présentent comme des trios : la voix, un instrument<br />
solo (violon puis hautbois), et la basse. Seul le dernier mouvement<br />
réunit tous les protagonistes, dans une dél<strong>ici</strong>euse gavotte – une danse<br />
par laquelle Bach exprime le plus souvent la joie la plus céleste.<br />
CD 12 : Cantates profanes, BWV 204 & 208<br />
Was mir behagt, ist nur die muntre Jagd, BWV 08, cantate de la<br />
chasse<br />
Ich bin in mir vergnügt, BWV 04<br />
Le concept de « plaisir » comportait à l’époque baroque un sens<br />
bien différent de ce que nous entendons de nos jours. L’amusement<br />
exubérant n’était pas de mise, plutôt que la capacité à être en paix<br />
avec soi-même et à profiter des richesses spirituelles. Cet idéal était<br />
considérablement chéri, ainsi que le démontre d’ailleurs la poésie<br />
baroque. Christian Friederich Hunold ( 680- 7 ), connu sous le nom<br />
de plume « Menantes », s’en est lui-même préoccupé dans des poèmes<br />
parus en 7 3.<br />
Plusieurs années plus tard, Bach les utilisa comme livret pour des<br />
cantates, sous une forme légèrement modifiée et augmentée – par<br />
lui-même ? – de quelques vers supplémentaires d’un auteur nonidendifié.<br />
Le contenu textuel de cette Cantate Ich bin in mir vergnügt<br />
(Je suis heureux de mon sort), BWV 204, écrite vers 7 6, ne permet<br />
pas réellement de deviner l’occasion spécifique pour laquelle elle<br />
était conçue ; peut-être même la réservait-il pour l’usage strictement<br />
familial, si l’on en juge par la très modeste instrumentation : soprano<br />
solo, flûte, hautbois, cordes et continuo.<br />
Plusieurs difficultés d’ordre structurel se posèrent à Bach : en premier<br />
lieu, la rigidité métrique du texte, qui ne s’accordait guère avec le style<br />
du récitatif et de l’aria. Ensuite, il ne pouvait pas modifier le sens du<br />
texte mais devait malgré tout atteindre un objectif de divertissement. La<br />
solution consistait à varier les traitements de chaque morceau séparé ;<br />
le second mouvement s’ouvre par une s<strong>ici</strong>lienne assez plaintive inspirée<br />
par le concept de « pauvre cœur » du texte. Dans le quatrième volet, il<br />
déroule une riche ornementation violonistique sous laquelle s’insère la<br />
partie vocale. Le sixième mouvement se présente sous forme de trio<br />
avec flûte, voix et continuo, tandis que le huitième mouvement conclut<br />
l’ouvrage en tutti dans un quasi-rondo festif et jubilatoire.<br />
La Cantate de chasse Was mir behagt, ist nur muntre Jagd (Seule la<br />
chasse joyeuse me convient), BWV 208, est considérablement plus<br />
ancienne que l’œuvre décrite précédemment : en effet, il la composa en<br />
7 3, alors qu’il était encore organiste à la cour de Weimar, mais pour<br />
la cour voisine de Weissenfels. Le prince de cette cour, Christian von<br />
Sachsen-Weissenfels ( 68 - 736), était un chasseur fanatique, mais la<br />
poursuite de cette passion et de quelques autres – le luxe parfaitement<br />
insolent, entre autres – mena à la ruine du Palais et finalement à sa mise<br />
sous tutelle.<br />
C’est Salomo Franck, secrétaire au Consistoire de Weimar, qui écrivit<br />
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