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version nouvelle BWV 0 7. Par ailleurs, le manuscrit autographe de<br />
la Première sonate date du début des années 740. Et le style des trois<br />
sonates semble plus s’apparenter au processus compositionnel du milieu<br />
de l’époque de Leipzig, plutôt qu’à la période durant laquelle il écrivit<br />
la majeure partie de sa musique de chambre, à savoir les années 7 7 à<br />
7 3 à Cöthen. De nombreux musicologues actuels se sont penchés sur<br />
le problème, en particulier Laurence Dreyfus, et on ne peut que constater<br />
que les conceptions plus anciennes ont été sérieusement ébranlées, en<br />
particulier pour la datation des sonates pour viole de gambe.<br />
L’hypothèse d’une genèse assez tardive est encore renforcée par une<br />
supposition – légèrement tirée par les cheveux, certes – soutenue par<br />
Dreyfus et Lucy Robinson selon laquelle Bach aurait écrit les sonates pour<br />
gambe pour le célèbre virtuose Carl Friederich Abel, installé à Leipzig<br />
un certain temps entre 737 et 743, qui avait probablement étudié avec<br />
Bach. Il est évident que l’exquise qualité graphique du manuscrit, non<br />
seulement d’une beauté étonnante mais aussi jud<strong>ici</strong>eusement disposé<br />
de sorte à permettre une tourne facile des pages pour le soliste, laisse<br />
accroire que la partition était conçue autant pour la présentation<br />
que pour l’exécution. Si l’on considère, de surcroît, les innombrables<br />
détails d’articulation et d’ornementation (extraordinairement précis),<br />
on imagine aisément que le compositeur a, là, préparé un manuscrit<br />
pour l’un des concerts de Abel au Collegium Musicum de Leipzig.<br />
D’après ce que l’on sait, le manuscrit aujourd’hui perdu de la Troisième<br />
sonate devait ressembler à celui de la précédente. Mais malgré tout le<br />
soin apporté par Bach à sa partition, il ne devait pas travailler avec le<br />
même degré de méticulosité qu’un éditeur moderne spécialisé dans le<br />
« Urtext » : à son époque, on ne considérait guère une œuvre comme<br />
étant définitivement achevée et parfaite une fois terminée. Le problème<br />
est d’autant plus aigu lorsqu’il s’agit de partitions établies par des copistes<br />
postérieurs et souvent peu méticuleux, ainsi que c’est le cas pour les<br />
Seconde et Troisième sonates. Il arrive fréquemment que différentes<br />
sources offrent des lectures bien divergentes et il échoit à l’exécutant<br />
moderne de prendre les décisions, exactement comme devaient le faire<br />
les mus<strong>ici</strong>ens à l’époque.<br />
Les titres eux-mêmes laissent quelque peu perplexes : « Sonates pour<br />
viole de gambe et clavecin obligé ». En premier lieu, la viole de gambe<br />
commençait à tomber en désuétude du temps de Bach, et si un<br />
compositeur allemand faisait appel à l’instrument, c’était soit au titre de<br />
continuo, soit pour des pièces en solo à caractère royal ou à caractère<br />
de lamento. À la limite, une grande œuvre en solo pourrait représenter<br />
une sorte de pastiche de Suite dans le style français du 7 ème siècle, mais<br />
en aucun cas le style moderne de la sonate. Plus étonnant encore, le rôle<br />
du clavecin qui tient <strong>ici</strong> une partie « obbligato » (c’est-à-dire que la main<br />
droite du clavecin se voit confier une voix à part entière, intégralement<br />
écrite par le compositeur, et pas seulement la réalisation des harmonies<br />
chiffrées laissées à sa fantaisie d’improvisateur), ce que Bach fut l’un des<br />
rares mus<strong>ici</strong>ens à faire de manière assez fréquente – on se souvient des<br />
parties obligées de clavecin dans les sonates pour flûte et pour violon –.<br />
Les Sonates BWV 1027 et BWV 1028 sont écrites dans le genre de Corelli :<br />
quatre mouvements (lent, rapide, lent, rapide), mais Bach ne se contente<br />
pas d’installer un style monolithique dans chacun des morceaux. Leurs<br />
premiers mouvements se réfèrent au langage mélodique représentatif<br />
de la sonate en trio traditionnelle, mais l’atmosphère pastorale de la<br />
Première sonate intègre également de nombreux éléments chromatiques<br />
et contrapuntiques, parfois même entre les trois voix. La Seconde sonate<br />
s’ouvre sur une mélodie courte, presque galante, accompagnée d’une<br />
basse dans le genre « moderne » appelé basse d’Alberti. Mais bientôt<br />
la gambe et le clavecin développent un discours en imitation – parfois<br />
même en canon rigoureux –, des éléments musicaux qui sembleraient<br />
bien trop « sérieux » considérant la légèreté du discours mélodique.<br />
Alors que le second mouvement de la Sonate BWV 1027 reprend le<br />
style conventionnel de la fugue, Bach lui donne un tour singulièrement<br />
galant, une tendance encore accentuée dans le second mouvement de la<br />
Sonate BWV 1028 écrit sous forme binaire (plus adapté à la danse) et<br />
dont les éléments fugués sont relégués au second plan à la faveur d’une<br />
texture insouciante et légère.<br />
L’œuvre la plus marquante reste la Sonate BWV 1029, qui ne comporte<br />
que trois mouvements au lieu des quatre habituels. Cela ressemble