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Grave%20sur%20Chrome%20-%20William%20Gibson.pdf

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Burroughs, Jayne Anne Phillip4. Et c’est un fervent lecteur de ce<br />

que J.G. Ballard a pertinemment baptisé la « littérature<br />

invisible » : ce flot envahissant de rapports scientifiques,<br />

4 Si le traducteur peut se permettre de donner son point de vue, afin d’élargir<br />

le domaine et d’offrir quelques autres points de repère, on peut dire qu’en<br />

dehors de la littérature, cet univers est à merveille illustré par les bandes<br />

dessinées de Tanino Liberatore (Ranxerox), ou l’ambiance du cinéma de<br />

« nouvelle SF » (Alien, Mad Max, Blade Runner ou Terminus) et les décors de<br />

certains vidéoclips (« TV Dinner » ou « Rough Boy » de ZZ Top) : découverte<br />

de la poésie d’un monde outrancièrement désigné (au sens propre du terme)<br />

comme étant industriel, utilitaire, mais où le fonctionnel n’a plus la beauté<br />

lisse et dépouillée des créations de Raymond Loewy, mais l’esthétique quasi<br />

organique, un peu sale, de viscères d’acier s’épanchant entre de monumentaux<br />

bricolages de récupération. En l’occurrence, cette découverte est presque une<br />

redécouverte : c’est l’esthétique de la locomotive à vapeur, des halètements<br />

érotiques et machinaux de la Pacific 231 d’Arthur Honegger, des éjaculations<br />

de vapeur que crachent les sirènes phalliques ou les bielles en folie de la<br />

Metropolis de Fritz Lang : un film qui, dans ce domaine, constitue une balise<br />

esthétique et que l’on ne cesse de redécouvrir (ce n’est certainement pas un<br />

hasard si Giorgio Moroder compositeur et aussi producteur, entre autres, d’un<br />

film comme Electric Dreams l’a remonté comme un rock-opera somptueux),<br />

de citer (le clip « Metropolis » de Kraftwerk) ou de plagier (« Cargo » d’Axel<br />

Bauer tourné par Jean-Baptiste Mondino et quantité de séquences<br />

publicitaires).<br />

Car cet univers est également fort proche de la musique comme de la<br />

thématique de certains groupes de rock « techno-pop » ou « électro-punk »,<br />

une voie frayée naguère par Devo, The Residents, Talking Heads (des<br />

Américains), Kraftwerk (des Allemands) ou Yellow Magic Orchestra (des<br />

Japonais : Chiba, nous voilà), et poursuivie aujourd’hui par des groupes (pas<br />

seulement musicaux : leur approche est conceptuelle, globalisante, leur projet<br />

est de dépeindre sous toutes ses formes l’esthétique de la fin de notre siècle,<br />

pour reprendre les termes de Trevor Horn, l’initiateur des « actions »<br />

vidéo/discographiques/esthétiques de son label Zang Tuum Tumb), des<br />

groupes qui répondent à des noms aussi improbables que : Sigue Sigue<br />

Sputnik (produit, tiens tiens, par Giorgio Moroder), The Art of Noise,<br />

Propaganda, ou Frankie Goes to Hollywood (tous trois sortis du moule ZTT).<br />

Climat également évoqué par certaines chansons d’Hubert-Félix Thiéfaine,<br />

ainsi « Precox ejaculator » : « Le garçon vipère vidéo / Qui contrôlait tout mon<br />

réseau / a sauté sur la minut’rie / en câblant la copie-sosie », où, pour citer<br />

Gibson lui-même, l’on se retrouve « happé par ce brassage des corps, des<br />

modes et des incantations urbaines mécaniques pulsées par les énormes hautparleurs<br />

».<br />

Jean Bonnefoy<br />

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