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Grave%20sur%20Chrome%20-%20William%20Gibson.pdf

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quand il refusait de manger. Et puis, maintenant, ça lui laissait<br />

plus de temps pour son enquête.<br />

Coretti la retrouva à deux heures quinze du matin le<br />

mercredi, dans un bar pour homos appelé L’Étable. Entre les<br />

frises de bois brut où s’accrochaient licous et outils de ferme<br />

rouillés, la boîte résonnait de rires dans une atmosphère de<br />

parfum et de bière. Elle jouait les frangines gloussantes, en robe<br />

de strass bleu, une plume verte plantée dans sa moumoute<br />

brune. Envahi d’une espèce de soulagement presque cellulaire,<br />

Coretti ressentait comme une admiration pour l’orgueil étrange<br />

qu’il percevait à présent en elle… et ceux de son espèce. Ici<br />

aussi, elle s’intégrait. Elle y était un type caractéristique, la<br />

vieille toupie qui ne constitue aucune menace pour les folles et<br />

leurs machos. Son compagnon était devenu un type sans âge<br />

aux tempes soigneusement argentées, en chandail angora et<br />

trench-coat.<br />

Ils burent et burent encore, et sortirent en riant aux éclats –<br />

riant du rire parfaitement adéquat. Dehors, les essuie-glaces du<br />

taxi qui attendait sous la pluie dupliquaient les battements du<br />

cœur de Coretti.<br />

Enjambant maladroitement les flaques sur le trottoir, Coretti<br />

se glissa dans la voiture, craignant leurs réactions.<br />

Coretti était à l’arrière, à côté d’elle.<br />

L’homme aux tempes argentées parla au chauffeur. Celui-ci<br />

marmonna dans son micro, engagea une vitesse et démarra<br />

dans la pluie et les rues sombres. Le paysage urbain ne laissa<br />

aucun souvenir à Coretti qui s’imaginait déjà que le taxi<br />

s’arrêtait, que l’homme en gris et la femme hilare le poussaient<br />

dehors en désignant, avec le sourire, la porte d’un hôpital<br />

psychiatrique. Ou bien : le taxi s’arrêtait, le couple se retournait<br />

en hochant tristement la tête. Et une douzaine de fois, il lui<br />

sembla voir le véhicule s’immobiliser dans une ruelle vide où ils<br />

l’étranglaient méthodiquement. Coretti laissé pour mort sous la<br />

pluie. Parce qu’il était un étranger.<br />

Mais ils arrivèrent en fait à l’hôtel de Coretti.<br />

À la lueur blafarde du plafonnier, il examina soigneusement<br />

l’homme tandis qu’il cherchait dans son manteau l’argent de la<br />

course. Coretti avait une vue parfaite sur le revers du manteau<br />

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