24.06.2013 Views

Grave%20sur%20Chrome%20-%20William%20Gibson.pdf

Grave%20sur%20Chrome%20-%20William%20Gibson.pdf

Grave%20sur%20Chrome%20-%20William%20Gibson.pdf

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

ton, nulle rougeur ne leur vint aux joues, et quand enfin ils se<br />

levèrent, ce fut sans montrer la moindre trace d’ivresse – une<br />

faiblesse, estima Coretti, une faille dans leur camouflage.<br />

Ils ne lui prêtèrent pas la plus petite attention tandis qu’il les<br />

filait dans trois bars successifs.<br />

Lorsqu’ils entrèrent chez Waylon, leur métamorphose fut si<br />

rapide que Coretti eut du mal à en suivre les phases. C’était le<br />

genre de boîte où les portes des toilettes étaient marquées<br />

respectivement Pointers et Setters, où les pots de hachis et de<br />

saucisses à cocktail étaient surmontés d’une petite plaque en<br />

simili-pin : La Maison a passé un accord avec les banques : làbas,<br />

on ne sert pas de bière, ici, on ne prend pas les chèques.<br />

Chez Waylon, elle était grassouillette, avec des cernes<br />

sombres sous les yeux. Il y avait des taches de café sur ses<br />

jambes de combinaison en polyester. Son compagnon était en<br />

jean, T-shirt et casquette de base-ball rouge ornée de l’insigne<br />

rouge et noir des camions Peterbilt. Coretti prit le risque de les<br />

perdre lorsqu’il dut filer en hâte se soulager une minute chez les<br />

« Pointers », louchant avec perplexité sur une pancarte en<br />

carton qui rappelait :<br />

LE SERVICE EST BIEN, ÇA VOUS PLAÎT ?<br />

ALORS VISEZ BIEN, S’IL VOUS PLAÎT !<br />

La Troisième Avenue allait se perdre près des quais dans un<br />

dédale pétrifié de bâtisses en briques. Après le dernier<br />

carrefour, des traces luisantes de vomissures maculaient<br />

régulièrement la chaussée, et l’on voyait des vieux somnoler<br />

devant l’écran de téléviseurs noir et blanc, à jamais scellés<br />

derrière les baies embuées d’hôtels défraîchis.<br />

Le bar qu’ils dénichèrent n’avait pas de nom. Un as de<br />

carreau s’écaillait graduellement sur la vitrine mal tenue et le<br />

serveur avait une tronche de poing fermé. Une radio FM en<br />

plastique ivoire déversait de la soupe rock sur les rangées<br />

inégales de tables désertes. Ils alternaient alcool et bière.<br />

Ils étaient vieux à présent, deux zéros qui s’imbibaient et<br />

fumaient sous l’éclat d’ampoules nues, crachaient leurs<br />

- 49 -

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!