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Grave%20sur%20Chrome%20-%20William%20Gibson.pdf

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néons. Sur quels autres amers se guider ? Il n’aimait pas<br />

l’argent, en soi ou pour soi, pas assez en tout cas pour suivre ses<br />

feux. Il n’était pas homme à travailler pour le pouvoir sur<br />

d’autres individus ; il détestait la responsabilité qu’il engendrait.<br />

Son talent lui valait un minimum d’orgueil, mais jamais assez<br />

pour le motiver à lui seul.<br />

Alors, il se rabattait sur les femmes.<br />

Quand Rikki se pointa, il lui en fallait une de toute urgence.<br />

Il s’étiolait à vitesse grand V et du côté de l’argent rapide, on<br />

chuchotait qu’il perdait la main. Il avait besoin de ce gros coup,<br />

et vite, parce qu’il ne connaissait pas d’autre mode de vie, que<br />

toutes ses pendules étaient bloquées à l’heure des combines,<br />

calibrées à l’aune du risque et de l’adrénaline, et de ce calme<br />

surnaturel de l’aube qui descend lorsque tous vos mouvements<br />

se sont révélés justes et que la douce masse de crédit d’un tiers<br />

vient se cliquer dans votre compte personnel.<br />

Il était temps pour lui de faire ses paquets et de tirer sa<br />

révérence ; aussi Rikki se trouva-t-elle illico embarquée plus<br />

haut et plus loin que toutes les autres avant elle, même si – et je<br />

me sentais des envies de le lui crier – elle était là, et bien là,<br />

vivante, parfaitement réelle, humaine, affamée, résistante, lasse,<br />

belle, excitée, bref, tout ce qu’elle savait être…<br />

Puis il sortit un après-midi, une semaine à peu près avant<br />

que je n’effectue le voyage de New York pour voir le Finnois.<br />

Sortit et nous laissa là dans l’atelier, dans l’imminence d’un<br />

orage. La moitié du panorama des tours était plongée dans<br />

l’ombre d’un dôme à jamais inachevé et l’autre moitié révélait<br />

un ciel noir et bleu de nuages. Je me tenais près de la paillasse,<br />

les yeux levés vers le ciel, stupéfait de chaleur et d’humidité, et<br />

elle m’effleura, m’effleura l’épaule, cette lisière d’un centimètre<br />

et demi de tissu cicatriciel raide et rose que la prothèse ne<br />

recouvre pas. Quiconque me touchait là s’empressait de glisser<br />

vers l’épaule, le cou…<br />

Pas elle. Ses ongles n’étaient pas pointus mais taillés en<br />

ovale, laqués de noir, d’un vernis à peine plus sombre que le<br />

composite en fibre de carbone qui me gaine le bras. Et sa main<br />

descendit le long de ce bras, ongles noirs dessinant le tracé d’un<br />

joint du revêtement, franchit l’articulation du coude anodisée<br />

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