Grave%20sur%20Chrome%20-%20William%20Gibson.pdf
Grave%20sur%20Chrome%20-%20William%20Gibson.pdf
Grave%20sur%20Chrome%20-%20William%20Gibson.pdf
Create successful ePaper yourself
Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.
Molly s’était lancée dans une vague discussion avec les<br />
Sœurs Chiennes Magnétiques et j’en profitai pour faire sortir<br />
Ralfi, lui appuyant discrètement mon sac de sport dans le creux<br />
des reins. Elle semblait les connaître : j’entendis rigoler la<br />
Noire.<br />
Je levai les yeux, simple réflexe, peut-être parce que je ne<br />
suis jamais arrivé à m’y faire, à ces hautes arches lumineuses et<br />
aux ombres du dôme au-dessus. Sans doute est-ce ce qui m’a<br />
sauvé la vie.<br />
Ralfi avait continué d’avancer, mais je ne crois pas qu’il<br />
essayait de s’enfuir. J’ai l’impression qu’il avait déjà renoncé.<br />
Peut-être qu’il avait déjà une idée de l’envergure de notre<br />
adversaire.<br />
Je baissai les yeux juste à temps pour le voir exploser.<br />
Récapitulons la scène : Ralfi avance au moment où le petit<br />
techno jaillit de nulle part, tout sourires. Juste une esquisse de<br />
courbette et son pouce gauche se barre. Le vrai tour de magie.<br />
Le pouce reste suspendu. Le coup du miroir ? Des ficelles ? Et<br />
Ralfi s’immobilise, toujours le dos tourné, la sueur dessine des<br />
croissants sombres aux aisselles de son costume clair d’été. Il<br />
sait. Il a dû savoir. Et puis le pouce de farces et attrapes, lourd<br />
comme du plomb, décrit un fulgurant arc de cercle, comme un<br />
yo-yo, et le fil invisible qui le relie à la main du tueur traverse<br />
latéralement le crâne de Ralfi, juste au-dessus des sourcils puis,<br />
arrivé à bout de course, redescend en découpant de biais le torse<br />
piriforme, de l’épaule à la cage thoracique. Des coupures si fines<br />
que pas une goutte de sang n’en jaillit jusqu’au moment où les<br />
synapses se mettent en court-jus et que les premières<br />
convulsions livrent le corps à la pesanteur.<br />
Ralfi tombe en pièces dans un nuage rose de fluides, les trois<br />
sections dépareillées viennent bouler sur le carrelage du<br />
trottoir. Dans un silence total.<br />
Je ramène vers moi le sac de gym, ma main se crispe. Le<br />
recul faillit me briser le poignet.<br />
Il avait dû pleuvoir ; des rubans liquides cascadaient d’un<br />
dôme fissuré, éclaboussant le carrelage derrière nous. Nous<br />
- 16 -