Le pape Benoît XVI à Chypre Le pape Benoît XVI à Chypre
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jérusalem BULLETIN DIOCESAIN DU PATRIARCAT LATIN<br />
<strong>Le</strong> <strong>pape</strong> <strong>Benoît</strong> <strong>XVI</strong><br />
<strong>à</strong> <strong>Chypre</strong><br />
4-6 juin 2010<br />
Numéro spécial ANNÉE 76
Jérusalem<br />
Année 76<br />
Numéro spécial<br />
<strong>Le</strong> <strong>pape</strong><br />
<strong>Benoît</strong> <strong>XVI</strong><br />
<strong>à</strong> <strong>Chypre</strong><br />
4-6 mai 2010<br />
Patriarcat Latin<br />
B.P. 14152<br />
Jérusalem 91141<br />
Office des Communications<br />
Sociales du Patriarcat<br />
Tél : +972-(0)2-628 23 23<br />
+972-(0)2-627 22 80<br />
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Mounir Hodaly<br />
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www.lpj.org<br />
IMPRIMERIE DU PATRIARCAT LATIN<br />
BEIT JALA — 2010<br />
Sommaire<br />
Editorial de S.B. le Patriarche Fouad Twal 2<br />
___________________________________________________________________________________________<br />
Discours du Saint-Père <strong>à</strong> l’aéroport de Paphos 4<br />
Annonce de la venue 8<br />
A la découverte de la présence latine <strong>à</strong> <strong>Chypre</strong> 10<br />
___________________________________________________________________________________________<br />
Récit du voyage<br />
• <strong>Benoît</strong> <strong>XVI</strong> arrive <strong>à</strong> <strong>Chypre</strong> 18<br />
• Cérémonie œcuménique <strong>à</strong> Paphos 20<br />
• <strong>Le</strong> Pape témoin des souffrances et de l’espérance<br />
de la communauté catholique de <strong>Chypre</strong> 26<br />
• « En embrassant la croix, les chrétiens du Moyen-Orient<br />
peuvent faire rayonner l’espérance » 33<br />
• <strong>Le</strong> Pape exhorte <strong>à</strong> la communion dans la diversité 40<br />
• La tristesse de <strong>Benoît</strong> <strong>XVI</strong> devant la division de <strong>Chypre</strong> 45<br />
____________________________________________________________________________________________<br />
Discours<br />
• Discours de S.B. Chrysostomos II,<br />
Archevêque orthodoxe de <strong>Chypre</strong> 50<br />
• Discours de S.B. le Patriarche Fouad Twal 54<br />
• Homélie du Saint-Père <strong>à</strong> l’église paroissiale latine<br />
de Sainte-Croix, Nicosie 58<br />
____________________________________________________________________________________________<br />
Message du Pape <strong>Benoît</strong> <strong>XVI</strong> <strong>à</strong> <strong>Chypre</strong><br />
• Rôle du Saint-Siège dans la situation politique du Moyen-Orient 64<br />
• Sur la situation politique de l’île 65<br />
• Place prédominante de <strong>Chypre</strong> dans l’histoire de la chrétienté 66<br />
• <strong>Le</strong> Saint-Père aux Chypriotes 66<br />
• La mission des chypriotes 69<br />
• Unité des chrétiens, œcuménisme 70<br />
____________________________________________________________________________________________<br />
Dossier spécial : Remise de l’Instrumentum Laboris<br />
par le Pape <strong>Benoît</strong> <strong>XVI</strong> 74<br />
• Conférence de Mgr Shomali sur le Synode 75<br />
• <strong>Le</strong> Saint-Père s’exprime sur le Synode 81<br />
• Synthèse de l’Instrumentum Laboris 84<br />
____________________________________________________________________________________________<br />
<strong>Le</strong>ttre du Pape <strong>Benoît</strong> <strong>XVI</strong> après sa visite <strong>à</strong> <strong>Chypre</strong> 94<br />
Réponse du Patriarche Fouad Twal 95<br />
Jérusalem remercie chaleureusement Madame Gabriela Mihlig ainsi que le Press and<br />
Information Office of Cyprus qui ont gracieusement mis leurs clichés <strong>à</strong> sa disposition.
« En mettant mes pas dans ceux<br />
des saints Paul et Barnabé, je viens<br />
parmi vous en pèlerin et comme<br />
le serviteur des serviteurs de Dieu. »<br />
† <strong>Benoît</strong> <strong>XVI</strong><br />
« Une fois de plus, alors<br />
que nous vivons un<br />
moment difficile, votre<br />
visite nous réconforte »<br />
† Fouad Twal
2<br />
Editorial<br />
de S.B. le Patriarche Fouad Twal<br />
Chers amis et fidèles du Patriarcat latin !<br />
<strong>Le</strong> <strong>pape</strong> <strong>Benoît</strong> <strong>XVI</strong> <strong>à</strong> <strong>Chypre</strong><br />
Du 4 au 6 juin derniers, Sa Sainteté le Pape<br />
<strong>Benoît</strong> <strong>XVI</strong> a rendu visite aux chrétiens de <strong>Chypre</strong>.<br />
C’est la première fois de toute l’histoire de l’Eglise<br />
qu’un Pape vient dans l’île. Plusieurs se sont étonnés<br />
de ce voyage, et <strong>à</strong> juste titre ! Alors que nous nous<br />
attendons plutôt <strong>à</strong> voir le Saint-Père l<strong>à</strong> où les fidèles<br />
de l’Eglise de Rome sont nombreux : aux Etats-Unis,<br />
en Pologne, ou encore récemment en Angleterre, le<br />
Pape vient <strong>à</strong> <strong>Chypre</strong>, où la communauté catholique<br />
est toute petite.<br />
Cependant, il s’agit d’une visite significative <strong>à</strong><br />
bien des égards :<br />
1) Cette magnifique île, et cela est trop souvent oublié, fait partie intégrante du<br />
Patriarcat latin de Jérusalem et plus largement de la Terre Sainte. En s’y rendant,<br />
le Pape parachevait donc son voyage de l’année dernière.<br />
2) <strong>Le</strong> Saint-Père désirait rencontrer les évêques du Moyen-Orient et leur remettre<br />
l’Instrumentum Laboris, document qui servira de base <strong>à</strong> toutes les discussions du<br />
prochain Synode, qui aura lieu <strong>à</strong> Rome, du 10 au 24 octobre prochain.<br />
3) <strong>Benoît</strong> <strong>XVI</strong> souhaitait aussi rencontrer la communauté orthodoxe de <strong>Chypre</strong>, et<br />
notamment son archevêque, Chrysostomos II, très ouvert au rapprochement des<br />
Eglises. Il s’agissait donc de poser un acte œcuménique.<br />
4) Enfin, il ne faut pas oublier que le Pape est d’abord un père, un père qui vient visiter<br />
ses enfants pour les réconforter et les encourager ! De même que dans le cœur de<br />
Dieu chacun a une place unique, notre Saint-Père ne regarde pas au nombre et<br />
vient rencontrer chacun. C’est ainsi qu’il a su se montrer proche de la communauté
Du 4 au 6 juin 2010 3<br />
chypriote, compatissant notamment au problème politique grave de l’invasion par<br />
la Turquie de la partie nord de l’île. La visite du Pape était également une façon<br />
d’attirer les regards sur ce problème et d’inciter les hommes de bonne volonté <strong>à</strong><br />
œuvrer pour le résoudre rapidement. <strong>Le</strong> Saint-Père a notamment rencontré, bien<br />
que cela n’ait pas fait grand bruit, une personnalité musulmane chypriote turque :<br />
le cheikh Nazim Haqqani, résidant dans la partie nord de l’île.<br />
Dans le même sens, le Saint-Père a tenu <strong>à</strong> rencontrer la communauté catholique<br />
des travailleurs étrangers de l’île, visitant <strong>à</strong> travers eux les un million et demi de<br />
travailleurs immigrés du Moyen-Orient.<br />
Dans ce que nous venons d’évoquer, la perspective du prochain Synode a tenu<br />
une place toute particulière. <strong>Le</strong> Pape venait remettre aux évêques catholiques du<br />
Moyen-Orient l’Instrumentum Laboris et les inciter <strong>à</strong> se préparer au mieux <strong>à</strong> cet<br />
évènement ecclésial inédit qui ne se reproduira peut-être jamais. Si chaque évêque<br />
ouvre son cœur et que chaque fidèle prie de toute son âme, une «nouvelle Pentecôte»<br />
sera possible pour le Moyen-Orient.<br />
Voici 5 points principaux qui feront l’objet de notre travail au Synode :<br />
– comment renforcer la foi de nos fidèles, et notamment leur redonner le goût de la<br />
Parole de Dieu ?<br />
– comment renforcer les liens de communion entre les différentes Eglises catholiques?<br />
– comment favoriser le dialogue œcuménique ?<br />
– comment favoriser le dialogue interreligieux, notamment avec les musulmans et<br />
les Juifs ?<br />
– comment lutter contre l’émigration.<br />
Ces 5 points sont évidemment liés, mais le premier tient parmi eux une place<br />
primordiale. Si nous n’avons pas la foi et l’amour du Christ, rien de bon n’adviendra!<br />
«En dehors de moi, vous ne pouvez rien faire», nous dit Jésus (Jn 15, 5).<br />
L’enjeu est également de convaincre les fidèles du Christ qu’être chrétien au<br />
Moyen-Orient n’est pas une fatalité mais une vocation.<br />
Chers amis, vous recevrez ce numéro spécial après la fin de notre Synode. Je<br />
vous prie instamment de supplier le Seigneur pour que notre travail porte les fruits<br />
attendus dans nos cœurs et dans le cœur de tous nos fidèles au Moyen-Orient ! Sans<br />
votre prière, notre mission ne peut réussir.<br />
De grand cœur, je vous bénis et vous remercie de nouveau pour votre soutien !<br />
Bien <strong>à</strong> vous.<br />
† Fouad Twal<br />
Patriarche latin de Jérusalem
4<br />
<strong>Le</strong> <strong>pape</strong> <strong>Benoît</strong> <strong>XVI</strong> <strong>à</strong> <strong>Chypre</strong><br />
« Je ne viens pas avec un message politique,<br />
mais avec un message religieux, qui devrait<br />
préparer davantage les âmes <strong>à</strong> trouver<br />
l’ouverture <strong>à</strong> la paix. »<br />
Interview au cours du vol vers <strong>Chypre</strong>,<br />
vendredi 4 juin 2010<br />
1 er discours du Saint-Père<br />
<strong>à</strong> son arrivée <strong>à</strong> l’aéroport international de Paphos<br />
<strong>Le</strong> Pape y expose le sens de son voyage <strong>à</strong> <strong>Chypre</strong>.<br />
« Comme Successeur de Pierre, je viens rencontrer d’une manière particulière<br />
les Catholiques de <strong>Chypre</strong> et les affermir dans leur foi. »<br />
Monsieur le Président, Béatitude Chrysostomos, Béatitudes et Excellences,<br />
Illustres Autorités, Mesdames et Messieurs, Χαίρετε ! Ειρήνη μαζί σας ! Еίναι<br />
μεγάλη η χαρά μου που είμαι σήμερα μαζί σας (Je vous salue ! La paix soit avec<br />
vous ! C’est un grand plaisir d’être avec vous aujourd’hui.)<br />
Monsieur le Président, je vous suis reconnaissant pour votre aimable invitation<br />
<strong>à</strong> visiter la République de <strong>Chypre</strong>. Je vous exprime mes salutations cordiales, <strong>à</strong> Vous,<br />
au Gouvernement, aux hommes et aux femmes de cette nation, et je vous remercie<br />
pour vos chaleureuses paroles de bienvenue. Je me rappelle aussi avec gratitude votre<br />
récente visite au Vatican et j’attends avec plaisir notre rencontre de demain <strong>à</strong> Nicosie.<br />
<strong>Chypre</strong> est au carrefour de cultures et de religions, d’histoires anciennes et<br />
épiques qui conservent encore un impact important et visible dans la vie de votre
Du 4 au 6 juin 2010 5<br />
pays. Entrée récemment dans l’Union Européenne, la République de <strong>Chypre</strong> a<br />
commencé <strong>à</strong> percevoir les avantages de posséder des liens économiques et politiques<br />
plus étroits avec les autres pays européens. Cette adhésion a déj<strong>à</strong> permis <strong>à</strong> votre pays<br />
d’accéder <strong>à</strong> des marchés, <strong>à</strong> de la technologie et <strong>à</strong> du savoir-faire. Il est vivement<br />
souhaitable que cette appartenance contribue <strong>à</strong> la prospérité chez vous, et que les<br />
autres pays européens puissent, <strong>à</strong> leur tour, s’enrichir de votre héritage spirituel et<br />
culturel qui reflète votre rôle historique, favorisé par votre position entre l’Europe,<br />
l’Asie et l’Afrique.<br />
Puissent l’amour pour votre patrie et pour vos familles, et le désir de vivre en<br />
harmonie avec vos voisins sous la protection bienveillante du Dieu tout-puissant, vous<br />
inspirer dans vos efforts patients pour résoudre les problèmes restés en suspens que<br />
vous partagez avec la Communauté internationale concernant l’avenir de votre île.<br />
En mettant mes pas dans ceux de nos pères communs dans la foi, les saints<br />
Paul et Barnabé, je viens parmi vous comme un pèlerin et comme le serviteur des<br />
serviteurs de Dieu. Depuis que les Apôtres ont porté le message chrétien sur ces côtes,<br />
<strong>Chypre</strong> a été bénie par un grand héritage chrétien qui a résisté au temps. Je salue,<br />
comme un frère dans la foi, Sa Béatitude Chrysostomos II, Archevêque de Nouvelle<br />
Justinienne et de tout <strong>Chypre</strong> ; j’attends avec joie de rencontrer bientôt beaucoup de<br />
chrétiens de l’Eglise Orthodoxe de <strong>Chypre</strong>.
6<br />
<strong>Le</strong> <strong>pape</strong> <strong>Benoît</strong> <strong>XVI</strong> <strong>à</strong> <strong>Chypre</strong><br />
C’est aussi avec impatience<br />
que j’attends de pouvoir saluer<br />
les autres responsables religieux<br />
chypriotes. J’espère pouvoir contribuer<br />
au renforcement de nos<br />
liens de communion et réaffirmer<br />
la nécessité de faire croître<br />
davantage la confiance réciproque<br />
et l’amitié durable entre ceux qui<br />
adorent le Dieu Unique.<br />
Comme Successeur de Pierre,<br />
je viens rencontrer d’une manière<br />
particulière les Catholiques de<br />
<strong>Chypre</strong>, les affermir dans leur<br />
foi (Lc 22,32) et les encourager <strong>à</strong><br />
être des chrétiens et des citoyens<br />
exemplaires, en jouant pleinement<br />
leur rôle dans la société pour le<br />
bien de l’Eglise et de l’État.
Du 4 au 6 juin 2010 7<br />
Durant mon séjour parmi vous, je remettrai l’Instrumentum Laboris, un<br />
document de travail pour préparer l’Assemblée spéciale du Synode des évêques<br />
pour le Moyen-Orient, qui se réunira prochainement <strong>à</strong> Rome. Cette Assemblée<br />
examinera plusieurs aspects de la présence de l’Eglise dans cette région et les défis<br />
que les catholiques affrontent, parfois dans des circonstances éprouvantes, en<br />
exprimant visiblement leur communion au sein de l’Eglise Catholique et en donnant<br />
leur témoignage dans le service de la société et du monde. <strong>Chypre</strong> est donc un lieu<br />
approprié pour lancer la réflexion de l’Eglise sur la pluri-centenaire Communauté<br />
catholique au Moyen-Orient, pour exprimer notre solidarité avec tous les Chrétiens<br />
de la région et notre conviction qu’ils ont un rôle irremplaçable <strong>à</strong> jouer pour la paix<br />
et la réconciliation auprès de tous les peuples qui y vivent.<br />
Monsieur le Président, chers amis, par ces réflexions, je confie mon pèlerinage<br />
<strong>à</strong> Marie, Mère de Dieu, et <strong>à</strong> l’intercession des saints Paul et Barnabé.<br />
О Θεός ας ευλογήση τον Κυπριακό Λαό. Η Παναγία ας σας προστατεύει<br />
πάντα ! (Que Dieu bénisse le Peuple chypriote. Que la Sainte Vierge vous protège<br />
toujours !)<br />
† <strong>Benoît</strong> <strong>XVI</strong>
8<br />
Annonce de la venue :<br />
• Annonce de la venue<br />
<strong>Le</strong> <strong>pape</strong> <strong>Benoît</strong> <strong>XVI</strong> <strong>à</strong> <strong>Chypre</strong><br />
«Aujourd’hui jeudi 1 er octobre, Sa Béatitude Fouad Twal, Patriarche latin de<br />
Jérusalem, Son Excellence Joseph Soueif, archevêque maronite de <strong>Chypre</strong>, et le Père<br />
Pierbattista Pizzaballa, o.f.m., Custode de Terre Sainte, ont annoncé que Sa Sainteté<br />
le Pape <strong>Benoît</strong> <strong>XVI</strong> avait accepté l’invitation de M. Dimítris Khristófias, Président<br />
de la République de <strong>Chypre</strong>, et des Ordinaires de l’Eglise locale, <strong>à</strong> se rendre sur l’île.<br />
<strong>Le</strong> voyage pontifical aura lieu <strong>à</strong> la fin du printemps, vraisemblablement au mois de<br />
juin. <strong>Le</strong> motif de cette visite pourrait être la convocation officielle du prochain<br />
Synode des évêques du Moyen-Orient.» Telle fut la communication officielle du<br />
Patriarcat latin, le 1 er octobre 2009.<br />
• <strong>Le</strong> programme :<br />
Vendredi 4 juin (Paphos)<br />
– 14h : Arrivée de <strong>Benoît</strong> <strong>XVI</strong> <strong>à</strong> <strong>Chypre</strong> - Cérémonie de bienvenue <strong>à</strong> l’aéroport<br />
international de Paphos<br />
– 15h30 : Célébration œcuménique sur le site archéologique de Agia Kiriaki<br />
Chrysopolitissa (Paphos)<br />
Samedi 5 juin (Nicosie et Larnaca)<br />
– 9h15 : Visite de courtoisie au Président de la République au Palais présidentiel<br />
de Nicosie<br />
– 9h45 : Rencontre avec les autorités civiles et le corps diplomatique dans le<br />
grand jardin du Palais présidentiel de Nicosie<br />
– 10h45 : Rencontre avec la communauté catholique de <strong>Chypre</strong> sur le terrain de<br />
sport de l’école élémentaire de St Maroun <strong>à</strong> Nicosie<br />
– 12h15 : Visite de courtoisie <strong>à</strong> S.B. Chrysostomos II, archevêque de <strong>Chypre</strong>, <strong>à</strong><br />
l’archevêché de Nicosie<br />
– 13h30 : Déjeuner avec S.B. Chrysostomos II et les différentes délégations <strong>à</strong><br />
l’archevêché de Nicosie<br />
– 17h45 : Messe avec les prêtres, religieux, religieuses, diacres et représentants<br />
des mouvements ecclésiaux de <strong>Chypre</strong>
Du 4 au 6 juin 2010 9<br />
Dimanche 6 juin (Nicosie)<br />
– 9h30 : Messe <strong>à</strong> l’occasion de la publication de l’Instrumentum Laboris de<br />
l’Assemblée spéciale du Synode des évêques pour le Moyen-Orient au Palais<br />
des Sports Elefteria de Nicosie - Prière de l’Angelus Domini<br />
– 13h : Déjeuner avec les patriarches et évêques du Conseil spécial pour le<br />
futur Synode, S.B. Chrysostomos II, et les membres de la Suite papale <strong>à</strong> la<br />
nonciature apostolique de Nicosie<br />
– 16h30 : Visite de la cathédrale maronite de <strong>Chypre</strong> <strong>à</strong> Nicosie<br />
– 17h45 : Cérémonie de congé <strong>à</strong> l’Aéroport International de Larnaca<br />
• Pourquoi le Pape va-t-il <strong>à</strong> <strong>Chypre</strong> ?<br />
De toute l’histoire de l’Eglise, la venue de <strong>Benoît</strong> <strong>XVI</strong> est la 1 ère visite d’un<br />
Pape <strong>à</strong> <strong>Chypre</strong> ! Avant toute autre raison, le Saint-Père s’y rendra en qualité de<br />
pèlerin souligne le porte-parole du Saint-Siège. «Beaucoup se demandent pourquoi<br />
le Pape doit précisément aller <strong>à</strong> <strong>Chypre</strong> pour rencontrer les évêques du Moyen-<br />
Orient et leur remettre le document de travail du prochain Synode», admet le père<br />
Federico Lombardi, directeur du Bureau de presse du Saint-Siège. La réponse, ditil,<br />
«est simple : il suffit de lire les Actes des Apôtres, le récit des premiers pas de<br />
l’annonce de l’Evangile dans le monde après la Résurrection de Jésus. <strong>Chypre</strong> y<br />
apparaît au moins six fois».<br />
«Barnabé, un des premiers <strong>à</strong> s’unir <strong>à</strong> la communauté des apôtres <strong>à</strong> Jérusalem,<br />
est originaire de <strong>Chypre</strong>. <strong>Chypre</strong> est la première étape, <strong>à</strong> la fois tourmentée et<br />
féconde, du premier voyage missionnaire de Paul, Barnabé et du futur évangéliste<br />
Marc», souligne le porte-parole du Saint-Siège. «Barnabé, après s’être séparé de<br />
Paul, reviendra y évangéliser. Paul, durant ses voyages successifs, y compris le<br />
dernier, qui le conduira <strong>à</strong> Malte et <strong>à</strong> Rome, passera et repassera le long des côtes de<br />
<strong>Chypre</strong>».<br />
«Du reste, un seul regard sur la carte géographique suffit pour comprendre<br />
que <strong>Chypre</strong>, au plan également culturel et spirituel, est un carrefour stratégique dans<br />
la région, avec une histoire qui, pour nous, est étroitement liée <strong>à</strong> celle de la Terre<br />
Sainte». «C’est par l<strong>à</strong> que passaient les pèlerins juifs et chrétiens allant et venant de<br />
Jérusalem, les navigateurs entre l’Orient et l’Occident, entre l’Asie et l’Europe».<br />
«Donc, ajoute le père Lombardi, si d’une part on peut s’étonner que Jean-<br />
Paul II n’y ait jamais mis les pieds, on ne peut être surpris que <strong>Benoît</strong> <strong>XVI</strong> ait<br />
accueilli volontiers l’invitation <strong>à</strong> s’y rendre. Il entreprend ainsi en visiteur et<br />
pèlerin, un voyage qui, idéalement et dans la continuité de celui de Malte, remonte<br />
la Méditerranée vers l’Orient, tout en renvoyant au voyage fondamental de l’année<br />
dernière, en Terre Sainte».<br />
D’après Zenit
10<br />
A la découverte<br />
de la présence latine <strong>à</strong> <strong>Chypre</strong>,<br />
<strong>Le</strong> <strong>pape</strong> <strong>Benoît</strong> <strong>XVI</strong> <strong>à</strong> <strong>Chypre</strong><br />
partie intégrante du Patriarcat latin de Jérusalem<br />
<strong>Chypre</strong> est, pourrait-on dire, la grande inconnue du Patriarcat latin de Jérusalem.<br />
Quand les pèlerins se posent la question du territoire diocésain, ils pensent d’emblée <strong>à</strong><br />
Jérusalem, puis <strong>à</strong> Israël et <strong>à</strong> la Palestine, même s’il faut préciser que cela s’étend du Mont<br />
Hermon jusqu’<strong>à</strong> Eilat. Et la Jordanie ? Oui, ils le conçoivent également : il y a des Lieux<br />
Saints importants, notamment le site du baptême. Mais <strong>Chypre</strong>, c’est toujours la grande<br />
surprise !<br />
A l’occasion de la venue du Saint-Père <strong>à</strong> <strong>Chypre</strong>, du 4 au 6 juin 2010, nous<br />
voudrions vous faire découvrir cette île magnifique – partie intégrante du Patriarcat latin<br />
de Jérusalem – et ses chrétiens. Nous espérons notamment que la lecture de ce numéro<br />
spécial vous fera prendre la mesure de l’importance de cette petite île.<br />
La très grande majorité des chrétiens de l’île sont orthodoxes. <strong>Le</strong> père Umberto<br />
Barato, o.f.m., vicaire patriarcal de S.B. Fouad Twal <strong>à</strong> <strong>Chypre</strong>, a rédigé pour le site du<br />
Patriarcat (www.lpj.org) une série d’articles présentant les latins de <strong>Chypre</strong>, minorité<br />
dans l’île. Nous en rapportons ici l’essentiel.<br />
1. les minorités chrétiennes de <strong>Chypre</strong><br />
La Constitution de 1960 reconnaît que <strong>Chypre</strong> est formée des deux ethnies<br />
grecque et turque. Trois minorités sont également reconnues : les Maronites, les<br />
Arméniens et les Latins (catholiques latins). Toutes trois élisent un représentant au<br />
Parlement.<br />
a) <strong>Le</strong>s Maronites<br />
<strong>Le</strong>s Maronites ont débarqué <strong>à</strong> <strong>Chypre</strong> aux VIIème et VIIIème siècles. Dans le<br />
passé, ils ont constitué une part importante de la population de l’île : on comptait<br />
jusqu’<strong>à</strong> soixante villages. Puis leur nombre a diminué peu <strong>à</strong> peu, jusqu’<strong>à</strong> n’atteindre<br />
guère plus de cinq mille personnes.
Du 4 au 6 juin 2010 11<br />
À l’heure actuelle, <strong>Chypre</strong> ne compte plus que quatre villages maronites,<br />
situés dans le nord-ouest et en partie occupés par les Turcs : Kormakiti, Assomatos,<br />
Karpash et Agia Marina.<br />
Au cours de l’invasion de 1974, la plupart des Maronites, en particulier les<br />
jeunes, les ont fuis pour s’installer dans le sud de l’île où ils ont peu <strong>à</strong> peu refait leur<br />
vie. Ne sont restés dans les villages que les plus âgés, <strong>à</strong> l’exception d’Agia Marina<br />
qui a été complètement abandonné.<br />
Depuis 1988, <strong>Chypre</strong> des Maronite est un diocèse appartenant au Patriarcat<br />
maronite du Liban. Mgr Joseph Soueif en est l’archevêque actuel.<br />
<strong>Le</strong>s paroisses maronites sont actuellement au nombre de huit : trois dans le nord,<br />
trois <strong>à</strong> Nicosie, une <strong>à</strong> Larnaca et une <strong>à</strong> Limassol.<br />
A <strong>Chypre</strong>, la liturgie maronite est célébrée en arabe et en araméen, mais<br />
aujourd’hui de nombreuses parties sont traduites en grec.<br />
b) <strong>Le</strong>s Arméniens orthodoxes<br />
<strong>Le</strong>s Arméniens ont vécu <strong>à</strong> <strong>Chypre</strong> pendant des siècles. Ceux qui y vivent<br />
actuellement sont venus d’Arménie et de Turquie après le génocide de 1915-1923.<br />
Ils sont environ deux mille et vivent principalement <strong>à</strong> Nicosie, Larnaca et Limassol.<br />
Actuellement, les Arméniens orthodoxes possèdent trois églises et trois écoles <strong>à</strong><br />
Nicosie. Depuis 1997, un évêque y réside : Mgr Varoujan Hergelian, vicaire du<br />
Catholicossat de la Cilicie (siège <strong>à</strong> Beyrouth).<br />
c) <strong>Le</strong>s Latins<br />
<strong>Le</strong>s catholiques latins ont une longue histoire <strong>à</strong> <strong>Chypre</strong>. Elle commence<br />
avec l’occupation de l’île par les Templiers <strong>à</strong> la fin du Xème siècle et se poursuit<br />
avec l’établissement du Royaume de Lusignan (1191-1489) puis la domination<br />
vénitienne (<strong>à</strong> partir de 1489). La présence latine se termine brutalement avec<br />
l’invasion ottomane de l’île en 1571. <strong>Le</strong>s Turcs n’autorisèrent <strong>à</strong> rester sur l’île que<br />
les orthodoxes et les maronites. Tous les religieux et religieuses latins furent forcés<br />
d’abandonner leurs monastères et leurs églises, qui furent occupés par les orthodoxes<br />
ou convertis en mosquées. De nombreux fidèles latins quittèrent également l’île.<br />
Parmi ceux qui restèrent, beaucoup devinrent orthodoxes et même musulmans, en<br />
raison des pressions et difficultés en tous genres.<br />
<strong>Le</strong>s Franciscains s’installèrent après le passage de saint François, lorsque<br />
celui-ci alla rencontrer le sultan d’Egypte (1219). La tradition veut que le saint ait<br />
laissé deux ou trois frères dans l’île. En 1593, après l’expulsion des latins par les<br />
Turcs, les Franciscains de Terre Sainte obtinrent du sultan d’Istanbul le droit de<br />
retourner <strong>à</strong> <strong>Chypre</strong>. Pendant des siècles, l’île a été pour les frères de la Custodie de<br />
Terre Sainte un lieu de refuge.
12<br />
Combien sont les catholiques latins de <strong>Chypre</strong> ?<br />
2. les paroisses latines de l’île<br />
<strong>Le</strong> <strong>pape</strong> <strong>Benoît</strong> <strong>XVI</strong> <strong>à</strong> <strong>Chypre</strong><br />
Il est difficile de déterminer le nombre exact des fidèles latins de <strong>Chypre</strong>.<br />
– <strong>Le</strong>s latins natifs de <strong>Chypre</strong> sont peu, environ un millier, et leur nombre est<br />
en baisse continuelle, principalement en raison des mariages mixtes.<br />
– Vers la fin du XXème siècle, l’Eglise latine, a été enrichie de nouveaux fidèles<br />
originaires d’Asie : principalement Philippins (environ 7.000, presque tous<br />
latins), Srilankais (généralement bouddhistes mais quelques latins ; environ<br />
1.500) et Indiens (200-300 latins). Il s’agit surtout de femmes, travaillant dans<br />
les familles chypriotes, auprès des ambassades ou <strong>à</strong> l’ONU. On peut dire que<br />
le nombre de travailleurs étrangers latins est de 9 <strong>à</strong> 10.000 personnes, peutêtre<br />
plus. S’y ajoutent de nombreux étudiants en provenance d’Asie, et plus<br />
récemment d’Afrique, en particulier du Nigeria et du Cameroun.<br />
– A ces chiffres, il faut ajouter environ 2.000 expatriés (techniciens,<br />
professeurs et hommes d’affaires occidentaux installés <strong>à</strong> <strong>Chypre</strong> pour quelques<br />
années).<br />
– On compte également beaucoup de retraités, généralement en provenance<br />
de Grande-Bretagne, qui vivent en permanence <strong>à</strong> <strong>Chypre</strong>. Ils sont installés<br />
principalement le long de la côte, <strong>à</strong> Paphos, Limassol, Larnaca, mais aussi<br />
dans le nord, <strong>à</strong> Kyrenia. La majorité d’entre eux sont anglicans, mais il y a<br />
aussi beaucoup de catholiques latins. Il est difficile d’en proposer un chiffre.<br />
Il existe <strong>à</strong> <strong>Chypre</strong> quatre paroisses latines, toutes placées sous la juridiction<br />
du Patriarche latin de Jérusalem : la Sainte-Croix <strong>à</strong> Nicosie, Sainte-Catherine<br />
d’Alexandrie <strong>à</strong> Limassol, Notre-Dame des Grâces <strong>à</strong> Larnaca et Saint-Paul <strong>à</strong> Paphos.<br />
<strong>Le</strong>s trois premières paroisses ont été créées au <strong>XVI</strong>I ème siècle, après le retour des<br />
Franciscains dans l’île en 1593 ; la quatrième, celle de Paphos, a été établie par le<br />
Patriarcat en 1992 et confiée <strong>à</strong> un prêtre du diocèse.<br />
a) Sainte-Croix <strong>à</strong> Nicosie, Sainte-Catherine <strong>à</strong> Limassol<br />
et Sainte-Marie-des-Grâces <strong>à</strong> Larnaca<br />
La paroisse Sainte-Croix de Nicosie est comme un havre de paix au cœur d’une<br />
ville divisée. L’église et le couvent se trouvent dans une situation particulière : ils<br />
sont en effet situés <strong>à</strong> l’intérieur de la «zone tampon» de Nicosie, zone démilitarisée<br />
sous juridiction de l’ONU. Rappelons ici que Nicosie, la capitale chypriote, est
Du 4 au 6 juin 2010 13<br />
divisée en deux par une «ligne verte» avec 3 check-points qui sépare la partie<br />
grecque de la ville de la partie turque. L’ensemble du complexe de la Sainte-Croix<br />
est entouré de rues dans lesquelles patrouille l’armée turque. Seul l’accès <strong>à</strong> l’église<br />
et au couvent est libre. Actuellement la paroisse est administrée par trois pères<br />
franciscains.<br />
<strong>Le</strong>s paroisses de Limassol et Larnaca vivent dans un contexte plus apaisé.<br />
Limassol étant l’un des principaux centres touristiques de l’île, l’église Sainte-<br />
Catherine est très fréquentée par les touristes venus d’Europe, en plus bien sûr des<br />
travailleurs étrangers. C’est également le cas de l’église Notre-Dame des Grâces <strong>à</strong><br />
Larnaca.<br />
Ces 3 paroisses se caractérisent par une grande diversité d’origine et de langue.<br />
<strong>Le</strong> touriste entrant dans l’église paroissiale pourra assister <strong>à</strong> une liturgie célébrée en<br />
français, en anglais, en grec, ou même en polonais. La grand-messe du dimanche<br />
est souvent l’occasion pour les grands groupes immigrés de se retrouver et de prier<br />
ensemble : messe pour les Philippins, pour les Indiens, les Srilankais, les Polonais.<br />
Deux autres éléments caractérisent ces paroisses : la ferveur de ces<br />
communautés, notamment due <strong>à</strong> la présence de mouvements ecclésiaux actifs et<br />
dynamiques (groupes issus du Renouveau charismatique, Chemin néo-cathécuménal,<br />
Légion de Marie…), et leur action auprès des populations immigrées ou réfugiées<br />
(centre Saint-Joseph-le-Migrant <strong>à</strong> Nicosie, inauguré en septembre 2000, refuge<br />
saint François <strong>à</strong> Limassol).<br />
b) Paphos : église Saint-Paul-au-Pilier (Agia Kyriaki)<br />
La paroisse de Paphos a été établie récemment. Au début des années 80,<br />
les pères Franciscains de Limassol ont commencé <strong>à</strong> aller tous les dimanches <strong>à</strong><br />
Paphos célébrer la messe pour les nombreux touristes qui visitent cette partie de<br />
<strong>Chypre</strong>, surtout pendant l’été. Ils célébraient alors dans une chambre d’hôtel. En<br />
1987, le métropolite orthodoxe de Paphos, S.E. Mgr Chrysostomos (devenu depuis<br />
archevêque de <strong>Chypre</strong>), a permis aux pères franciscains d’utiliser la magnifique<br />
église du XIIème siècle dédiée <strong>à</strong> la Vierge, appelée Agia Kyriaki Chrysopolitissa.<br />
Cette église fut construite au milieu de ruines gréco-romaines, dans un endroit<br />
communément appelé «colonne de saint Paul». On peut y voir aujourd’hui encore<br />
la base de la colonne où l’apôtre Paul aurait été fouetté.<br />
En 1988, l’Eglise catholique a invité l’Eglise anglicane <strong>à</strong> utiliser l’édifice<br />
pour ses services religieux ; l’Eglise luthérienne, quant <strong>à</strong> elle, y célèbre le service<br />
une fois par mois.<br />
En 1992, S.B. Michel Sabbah, Patriarche latin de Jérusalem, décida d’envoyer<br />
un prêtre du Patriarcat <strong>à</strong> Paphos en même temps qu’il érigeait la communauté<br />
catholique locale en quasi-paroisse. Tel est encore son statut aujourd’hui.
14<br />
<strong>Le</strong> <strong>pape</strong> <strong>Benoît</strong> <strong>XVI</strong> <strong>à</strong> <strong>Chypre</strong><br />
La communauté catholique de Paphos se compose d’un grand groupe de<br />
fidèles anglais. Ce sont généralement des retraités qui aiment le soleil et la vie restée<br />
simple des Chypriotes de cette région. Il y a également des travailleurs étrangers et<br />
des réfugiés, principalement philippins et srilankais.<br />
Par ailleurs, le tourisme, surtout européen et moyen-oriental, est en plein<br />
essor dans l’île. <strong>Chypre</strong> est une destination de plus en plus prisée : elle reçoit<br />
entre 2.5 et 3 millions de vacanciers chaque année ! Paphos étant la principale<br />
destination touristique de l’île, la pastorale du tourisme est la première activité de<br />
la paroisse. <strong>Le</strong>s nombreuses messes qui y sont célébrées dans différentes langues<br />
le montrent bien.<br />
Cette paroisse se caractérise par son grand dynamisme. Notons 3 exemples<br />
pour l’illustrer :<br />
– une école maternelle a récemment été ouverte, pour des enfants de toute<br />
nationalité ;<br />
– <strong>à</strong> Messa Chorió, en face du cimetière, est en train d’être bâtie une clinique<br />
de soins palliatifs pour les malades en phase terminale ;<br />
– un «Centre de la Communauté latine» a également été ouvert, ainsi que,<br />
non loin de la ville, un centre paroissial.<br />
3. <strong>Le</strong>s 4 communautés religieuses latines de <strong>Chypre</strong><br />
a) La Congrégation de Saint-Joseph de l’Apparition<br />
Cette congrégation a été fondée au XIXème siècle en France par sainte Emilie<br />
de Vialar.<br />
<strong>Le</strong>s premières sœurs sont arrivées <strong>à</strong> Larnaca en 1844, du vivant de leur<br />
fondatrice. Elles y ont ouvert un dispensaire – le premier de <strong>Chypre</strong> – pour soigner<br />
les pauvres et les malades. <strong>Le</strong>s sœurs se consacrent aujourd’hui principalement<br />
<strong>à</strong> la protection et au soin des travailleurs immigrés. Elles visitent également les<br />
prisons où de nombreux jeunes étrangers sont détenus, souvent faute de permis de<br />
séjour.<br />
En 1884, les sœurs se sont également installées <strong>à</strong> Nicosie, <strong>à</strong> quelques mètres de<br />
l’église de la Sainte-Croix. Elles assistent principalement les travailleurs immigrés<br />
au Centre social Saint-Joseph-le-Migrant, <strong>à</strong> la paroisse.<br />
b) La Congrégation des Franciscaines Missionnaires du Sacré-Cœur<br />
Cette congrégation a été fondée en 1861 en Italie.<br />
• Limassol. <strong>Le</strong>s premières sœurs sont arrivées <strong>à</strong> <strong>Chypre</strong> en 1923, appelées par la<br />
Custodie de Terre Sainte pour ouvrir une école de filles. En 1965, les sœurs ont
Du 4 au 6 juin 2010 15<br />
Saint Epiphane de Salamine<br />
<strong>Le</strong> 12 mai, soit moins de 3 semaines avant<br />
l’arrivé du Saint-Père dans l’île de <strong>Chypre</strong>, le<br />
diocèse de Jérusalem fête saint Epiphane, évêque<br />
de Salamine, originaire de Palestine. A <strong>Chypre</strong>,<br />
où il a été évêque pendant plus de 30 ans, sa<br />
mémoire est obligatoire.<br />
Epiphane (315-403 environ) est né dans une<br />
pauvre famille chrétienne près de Eleutheropolis<br />
(actuellement Beit Jibrin), en Palestine. Il passa sa jeunesse comme moine<br />
en Egypte, avant de revenir dans sa patrie en 333, année de son ordination<br />
sacerdotale. Il fonda dans son village – peut-être même dans sa propre maison<br />
– un monastère qu’il gouverna pendant plus de 30 ans. En 367, Epiphane fut<br />
élu évêque de Costanza (aujourd’hui Salamine) <strong>à</strong> <strong>Chypre</strong>.<br />
L’épiscopat d’Épiphane fut marqué par un grand amour des pauvres, une<br />
profonde connaissance de l’Ecriture sainte et un grand zèle <strong>à</strong> préserver la pureté<br />
de la foi menacés par diverses hérésies, en particulier l’arianisme. Il acquit la<br />
réputation d’intraitable défenseur de l’orthodoxie. Son zèle pouvait cependant<br />
parfois aveugler son jugement. C’est ainsi, par exemple, qu’il se rendit <strong>à</strong><br />
Constantinople pour demander la déposition de saint Jean Chrysostome pour<br />
hérésie !<br />
Saint Epiphane a laissé un vaste recueil de textes, parmi lesquels les plus<br />
célèbres sont l’Ancoratus (374-377) et le Panarion (377). Ses écrits ont été – et<br />
sont encore – une source importante pour les études théologiques, notamment<br />
pour la connaissance et la compréhension des dizaines d’hérésies encore<br />
vivaces <strong>à</strong> son époque.<br />
Demandons-lui d’intercéder pour cette belle île de <strong>Chypre</strong> et le prochain<br />
Synode pour le Moyen-Orient.<br />
construit leur propre école, la Saint Mary’s School, avec un foyer et une école<br />
primaire et secondaire de filles. En 2000, elle a été ouverte aux garçons.<br />
• <strong>Le</strong> "Terra Santa College" <strong>à</strong> Nicosie. <strong>Le</strong>s sœurs y ont été appelées, une fois<br />
encore, par les pères de la Custodie, en 1951. Elles s’y occupent des enfants qui<br />
sont en pension pendant la semaine.<br />
• <strong>Le</strong> "Terra Santa Rest House" <strong>à</strong> Larnaca. La Custodie de Terre Sainte avait<br />
acheté <strong>à</strong> Larnaca une vieille maison pour accueillir quelques personnes âgées et<br />
dans le besoin. En 1960, les frères ont demandé aux Franciscaines Missionnaires
16<br />
<strong>Le</strong> <strong>pape</strong> <strong>Benoît</strong> <strong>XVI</strong> <strong>à</strong> <strong>Chypre</strong><br />
du Sacré-Cœur de prendre la tête de cette institution. <strong>Le</strong> bâtiment actuel peut<br />
accueillir 38 personnes en chambres individuelles. Six sœurs, dont deux<br />
infirmières, dirigent la maison.<br />
c) La Congrégation de Notre-Dame du Perpétuel Secours<br />
Trois de ces sœurs sont venues s’installer <strong>à</strong> Nicosie en 2003, <strong>à</strong> deux pas de<br />
l’église de la Sainte-Croix. Elles assurent un apostolat auprès des Srilankais, dont<br />
beaucoup ne parlent pas anglais, par le catéchisme, la préparation au baptême, <strong>à</strong> la<br />
confirmation et au mariage. Elles vont une fois par mois dans chacune des quatre<br />
paroisses latines pour y rencontrer les fidèles Srilankais.<br />
d) <strong>Le</strong>s sœurs de Bethléem, de l’Assomption de la Vierge<br />
et de Saint-Bruno<br />
C’est une congrégation fondée en 1940 en France.<br />
<strong>Le</strong>s trois premières sœurs sont venues s’installer <strong>à</strong> <strong>Chypre</strong> en 2004. Elles<br />
ont élu domicile <strong>à</strong> Messa Chorió, un petit village situé <strong>à</strong> environ 10 km au nord de<br />
Paphos, dans les collines. <strong>Le</strong>ur intention est de construire un monastère qui leur<br />
permette de vivre leur vie solitaire et de prier en silence, conformément <strong>à</strong> leur appel.<br />
L’actuel archevêque orthodoxe de <strong>Chypre</strong>, Mgr Chrysostomos, leur a promis de les<br />
aider <strong>à</strong> trouver un terrain approprié.
Du 4 au 6 juin 2010 17
18<br />
Récit du voyage<br />
VENDREDI 4 JUIN<br />
<strong>Le</strong> <strong>pape</strong> <strong>Benoît</strong> <strong>XVI</strong> <strong>à</strong> <strong>Chypre</strong><br />
<strong>Benoît</strong> <strong>XVI</strong> arrive <strong>à</strong> <strong>Chypre</strong>,<br />
carrefour entre l’Europe, l’Asie et l’Afrique<br />
A sa descente d’avion, le Saint-Père a été accueilli par le président Demetrias<br />
Christofias et son épouse ainsi que par les représentants de l’Eglise de <strong>Chypre</strong> : le<br />
nonce apostolique, Mgr Antonio Franco ; l’archevêque de <strong>Chypre</strong> des Maronites,<br />
Mgr Joseph Soueif ; le patriarche de Jérusalem des Latins, S.B. Fouad Twal ; le<br />
Custode de Terre Sainte, le P. Pierbattista Pizzaballa, o.f.m. et S.B. Chrysostomos II,
Du 4 au 6 juin 2010 19<br />
archevêque de Nouvelle Justinienne<br />
et de tout <strong>Chypre</strong>.<br />
Après un mot de bienvenue<br />
prononcé par le président, <strong>Benoît</strong><br />
<strong>XVI</strong>, dans son premier discours, a<br />
déclaré que <strong>Chypre</strong> était «un lieu<br />
approprié pour lancer la réflexion<br />
de l’Eglise sur la pluri-centenaire<br />
Communauté catholique au Moyen-<br />
Orient, pour exprimer notre solidarité<br />
avec tous les Chrétiens de la région<br />
et notre conviction qu’ils ont un rôle<br />
irremplaçable <strong>à</strong> jouer pour la paix et<br />
la réconciliation auprès de tous les<br />
peuples qui y vivent.»<br />
L’Assemblée spéciale pour<br />
le Moyen-Orient du Synode des<br />
évêques «examinera plusieurs<br />
aspects de la présence de l’Eglise<br />
dans cette région et les défis que les<br />
catholiques affrontent, parfois dans des circonstances éprouvantes, en exprimant<br />
visiblement leur communion au sein de l’Eglise catholique et en donnant leur<br />
témoignage dans le service de la société et du monde», a précisé le Pape.<br />
<strong>Benoît</strong> <strong>XVI</strong> a expliqué qu’il venait <strong>à</strong> <strong>Chypre</strong> «comme un pèlerin et comme<br />
le serviteur des serviteurs de Dieu», en mettant ses pas «dans ceux de nos pères<br />
communs dans la foi, les saints Paul et Barnabé».<br />
Il a dit sa joie de rencontrer les «chrétiens de l’Eglise orthodoxe de <strong>Chypre</strong>»,<br />
et son impatience de rencontrer également «les autres responsables religieux».<br />
«Je salue, comme un frère dans la foi, Sa Béatitude Chrysostomos II,<br />
Archevêque de Nouvelle Justinienne et de tout <strong>Chypre</strong>», a-t-il affirmé.<br />
Après avoir prononcé son discours, le Pape a béni un olivier, symbole de paix,<br />
avant de se diriger vers la sortie de l’aéroport.<br />
La deuxième étape de son pèlerinage <strong>à</strong> <strong>Chypre</strong> est l’église d’Agia Kyriakis<br />
Chrysopolitissa, située <strong>à</strong> environ 25 kilomètres de l’aéroport, pour une célébration<br />
œcuménique en présence de S.B. Chrysostomos II.<br />
D’après Gisèle Plantec, dans Zenit
20<br />
Cérémonie œcuménique <strong>à</strong> Paphos :<br />
sur le chemin de la communion<br />
<strong>Le</strong> <strong>pape</strong> <strong>Benoît</strong> <strong>XVI</strong> <strong>à</strong> <strong>Chypre</strong><br />
Vendredi 4 juin, plus de 4000 personnes se sont réunies sur le site archéologique<br />
d’Agia Kiriaki Chrysopolitissa pour accueillir le Pape <strong>Benoît</strong> <strong>XVI</strong>. La foule,<br />
très bigarrée, donne une bonne idée de<br />
la réalité ethno-religieuse chypriote :<br />
Chypriotes orthodoxes – majoritaires<br />
dans l’île, présents en nombre –, mais<br />
aussi catholiques maronites et latins<br />
autochtones, ainsi qu’une large population<br />
de travailleurs immigrés philippins,<br />
srilankais, indiens et autres. En attendant<br />
le Saint-Père, la foule reprend le refrain<br />
composé pour l’occasion, qui est aussi<br />
le slogan de la visite papale <strong>à</strong> <strong>Chypre</strong> :<br />
«Bienvenue au Pape ! Un seul cœur, une<br />
seule âme !»<br />
Sur le podium, installé devant la<br />
magnifique petite église du XII ème siècle
Du 4 au 6 juin 2010 21<br />
<strong>à</strong> proximité de la fameuse colonne où, selon<br />
la tradition, saint Paul a été fouetté, plusieurs<br />
chefs d’Eglises attendent le Pape. Un peu<br />
plus loin, sous une tente, des personnalités<br />
civiles.<br />
A 15h, <strong>Benoît</strong> <strong>XVI</strong> se présente sur le site,<br />
accompagné de S.B. Fouad Twal, Patriarche<br />
latin de Jérusalem, de chefs religieux<br />
maronites et syriaques, et des quatre cardinaux<br />
Bertone, Kasper, Sandri et Foley. <strong>Le</strong> Pape est<br />
accueilli <strong>à</strong> l’entrée de l’église par le P. Elias<br />
Odeh, prêtre du Patriarcat latin de Jérusalem,<br />
qui représente pour l’occasion le P. Johnny<br />
Sansour, curé latin de Paphos, immobilisé <strong>à</strong><br />
l’hôpital suite <strong>à</strong> une grave attaque cérébrale<br />
survenue il y a quelques mois. Rappelons ici<br />
que l’église d’Agia Kiriaki Chrysopolitissa a été mise en 1987 <strong>à</strong> la disposition des<br />
communautés latine et anglicane de Paphos par le métropolite orthodoxe d’alors,<br />
qui n’est autre que l’actuel archevêque de <strong>Chypre</strong> Chrysostomos II, celui qui a<br />
invité <strong>Benoît</strong> <strong>XVI</strong> sur l’île au nom de l’église orthodoxe autocéphale chypriote.<br />
<strong>Le</strong> Pape a pénétré dans l’église, où il a été accueilli entre autres par des<br />
représentantes des congrégations religieuses latines présentes <strong>à</strong> <strong>Chypre</strong> : les sœurs<br />
de Saint-Joseph de l’Apparition, les Franciscaines du Sacré-Cœur et les moniales de<br />
Bethléem, de l’Assomption de la Vierge et de Saint Bruno («sœurs de Bethléem»).
22<br />
<strong>Le</strong> <strong>pape</strong> <strong>Benoît</strong> <strong>XVI</strong> <strong>à</strong> <strong>Chypre</strong><br />
<strong>Le</strong> Saint-Père s’est recueilli un moment devant l’iconostase pendant que la<br />
foule chantait en plusieurs langues : «Nous vous annonçons la paix en Jésus.»<br />
Au bout d’un quart d’heure, <strong>Benoît</strong> <strong>XVI</strong> est sorti de l’église au devant de la<br />
foule, qui l’a acclamé chaleureusement. Il a salué les fidèles en ouvrant les bras,<br />
dans un geste désormais célèbre. Remarquant la présence d’une délégation d’une<br />
soixantaine de chevaliers et dames du Saint-Sépulcre de Jérusalem, venus de plus<br />
de dix pays, il leur a souri et les a salués d’une manière particulière. En tout, ce sont<br />
61 chevaliers et dames de différentes lieutenances qui ont fait le déplacement pour<br />
cet événement très important dans la vie du Patriarcat latin de Jérusalem. Parmi eux<br />
figuraient notamment le cardinal John-Patrick Foley, Grand Maître de l’Ordre, et<br />
plusieurs membres du grand Magistère : le comte Agostino Borromeo, Gouverneur
Du 4 au 6 juin 2010 23<br />
général ; Adolfo Rinaldi, Vice-gouverneur ; le P. Brouwers, Chancelier ; Mons.<br />
Kelly, cérémoniaire du grand Magistère.<br />
<strong>Benoît</strong> <strong>XVI</strong> a ouvert la célébration œcuménique en grec, un signe d’ouverture<br />
et de communion applaudi par les fidèles chypriotes.<br />
Puis Chrysostome II, archevêque de <strong>Chypre</strong>, a prononcé un discours de<br />
bienvenue au Pape en italien, traduit en grec (lire le discours p. 50). Il a commencé<br />
par rappeler que <strong>Chypre</strong> était «la première église fondée parmi les nations par<br />
Barnabé – un Chypriote –, Paul et Marc», évoquant la prédication des apôtres <strong>à</strong><br />
la synagogue et le discours devant les Romains, rapportés dans le livre des Actes.<br />
Faisant indirectement allusion <strong>à</strong> l’entrée de <strong>Chypre</strong> dans l’Union européenne en<br />
2004, Chrysostomos II a déclaré : «C’est ici que se trouvent les fondements de la<br />
culture chrétienne et européenne», et : «C’est d’ici qu’est partie l’évangélisation<br />
de l’Europe». Dans un registre plus politique, l’archevêque a exprimé avec une<br />
véhémente douleur les souffrances de l’île depuis 1974, date de la conquête turque<br />
de la partie nord, conquête effectuée «par la violence et la force des armes». Depuis<br />
lors, a-t-il dit, «<strong>Chypre</strong> et son Eglise passent par la période la plus difficile de leur<br />
histoire», un véritable «martyre». Chrysostomos a évoqué l’occupation, l’expulsion<br />
des chrétiens orthodoxes de leurs maisons, le changement des noms historiques des<br />
différents lieux et le pillage du patrimoine religieux et culturel du nord de l’île par<br />
les Turcs, n’hésitant pas <strong>à</strong> parler d’un «plan de destruction nationale» et demandant<br />
au Vatican «sa protection». <strong>Le</strong> chef de l’Eglise orthodoxe chypriote a fini sur une<br />
note plus légère et joyeuse en exprimant «sa grande joie pour la présence» du Pape<br />
<strong>Benoît</strong>. <strong>Le</strong>s deux hommes se sont ensuite donné l’accolade.<br />
Après le discours de Chrysostomos, l’assemblée a entendu la lecture de<br />
l’extrait des Actes des Apôtres racontant l’arrivée de Paul et Barnabé <strong>à</strong> <strong>Chypre</strong> (Ac<br />
13, 1-12).
24<br />
<strong>Le</strong> <strong>pape</strong> <strong>Benoît</strong> <strong>XVI</strong> <strong>à</strong> <strong>Chypre</strong><br />
Dans son discours, le Pape a remercié l’archevêque de <strong>Chypre</strong> Chrysostomos<br />
et le métropolite de Paphos Georgios pour leur accueil.<br />
<strong>Le</strong>s trois points les plus forts de son discours ont porté sur la communion<br />
d’une part, le rôle très apprécié de <strong>Chypre</strong> comme «pont entre l’Est et l’Ouest»<br />
et fer de lance de la «réconciliation» œcuménique d’autre part, enfin le prochain<br />
Synode pour le Moyen-Orient :<br />
«La communion [dans<br />
la foi apostolique] réelle,<br />
bien qu’imparfaite, nous<br />
unit déj<strong>à</strong>, et nous pousse<br />
<strong>à</strong> surmonter nos divisions<br />
et <strong>à</strong> œuvrer pour restaurer<br />
l’unité pleine et visible qui<br />
est la volonté du Seigneur<br />
pour tous ses disciples».<br />
«L’Eglise <strong>à</strong> <strong>Chypre</strong>,<br />
qui a servi de pont entre<br />
l’Est et l’Ouest, a beaucoup<br />
contribué <strong>à</strong> ce processus de<br />
réconciliation. <strong>Le</strong> chemin<br />
qui a pour but la pleine com- Mgr Marcuzzo et le maire de Paphos présentant le cadeau fait au Pape
Du 4 au 6 juin 2010 25<br />
munion ne sera certainement pas exempt de difficultés, cependant l’Eglise Catholique<br />
et l’Eglise Orthodoxe de <strong>Chypre</strong> se sont engagées <strong>à</strong> avancer sur le chemin du<br />
dialogue et de la coopération fraternelle.»<br />
«L’Assemblé spéciale du Synode des évêques pour le Moyen-Orient, qui<br />
se réunira <strong>à</strong> Rome, en octobre prochain, réfléchira sur le rôle vital des Chrétiens<br />
dans cette région, elle les encouragera dans leur témoignage de l’Évangile, et elle<br />
contribuera <strong>à</strong> promouvoir un dialogue et une coopération plus grandes entre les<br />
Chrétiens de la région. De manière significative, les travaux de ce Synode seront<br />
enrichis par la présence fraternelle de délégués d’autres Eglises et communautés<br />
chrétiennes de cette région, en signe de notre engagement commun au service<br />
de la Parole de Dieu et de notre ouverture <strong>à</strong> la puissance de la grâce de la<br />
réconciliation.»<br />
<strong>Le</strong> Pape a terminé son discours par les trois mots «unité, charité, paix». Puis<br />
il a entonné le Notre-Père en grec, suivi par la foule.<br />
Rentrant <strong>à</strong> nouveau dans l’église, le Pape a béni une image qui sera envoyée<br />
au P. Johnny Sansour, <strong>à</strong> l’hôpital de Beit Jala (Palestine), qui a beaucoup œuvré pour<br />
la communauté chrétienne de Paphos. Il a été entre autres l’initiateur de l’Hôpital<br />
de soins palliatifs latin Saint-Michel, en cours de construction, dont le Pape a béni<br />
la première pierre.<br />
A sa sortie de l’église d’Agia Kiriaki Chrysopolitissa, les évêques orthodoxes<br />
ont fait une haie d’honneur <strong>à</strong> <strong>Benoît</strong> <strong>XVI</strong>, signe fort du désir de progresser encore<br />
dans le dialogue, la réconciliation et la communion, «pour que tous soient un !»
26<br />
SAMEDI 5 JUIN<br />
<strong>Le</strong> Pape témoin des souffrances<br />
et de l’espérance de la communauté<br />
catholique de <strong>Chypre</strong><br />
<strong>Le</strong> <strong>pape</strong> <strong>Benoît</strong> <strong>XVI</strong> <strong>à</strong> <strong>Chypre</strong><br />
Samedi 5 juin, deuxième jour de la visite du Saint-Père, <strong>Benoît</strong> <strong>XVI</strong> a rencontré<br />
la petite communauté catholique multi-rituelle de <strong>Chypre</strong> <strong>à</strong> l’école élémentaire<br />
maronite Saint-Maroun, dans la banlieue de Nicosie. Il a encouragé les milliers de<br />
fidèles réunis dans la cour de l’école «<strong>à</strong> demeurer un seul cœur et une seule âme».<br />
Bien avant son arrivée, les fidèles catholiques avaient commencé d’affluer<br />
vers la cour de l’école pour y attendre le Pape. Depuis de longs mois, la communauté<br />
maronite chypriote prépare cet événement, une occasion pour elle de manifester son<br />
existence, l’ancienneté de sa présence dans l’île (depuis 1200 ans) et sa vitalité<br />
malgré son petit nombre.<br />
<strong>Le</strong> cardinal Pierre Nasrallah Sfeir, Patriarche d’Antioche des Maronites,<br />
accompagné de 16 évêques, a fait le déplacement pour accueillir le Saint-Père.<br />
Outre la remise de l’Instrumentum Laboris du Synode pour le Moyen-Orient, deux
Du 4 au 6 juin 2010 27<br />
raisons expliquent cette participation massive de l’Eglise maronite : l’île de <strong>Chypre</strong><br />
constitue un archidiocèse maronite <strong>à</strong> part entière depuis 1988 (Mgr Joseph Soueif<br />
en est l’archevêque actuel) et le <strong>pape</strong> effectuera une visite <strong>à</strong> la cathédrale maronite<br />
de Nicosie dimanche après-midi.<br />
Dans l’assistance, de nombreuses sœurs maronites antonines sont présentes.<br />
Sr Maria Wehbeh, enthousiaste, n’hésite pas <strong>à</strong> déclarer : «C’est un jour de gloire !»<br />
Une autre religieuse antonine, Sr Judith Haroun, considère que «ce jour est très<br />
important pour toute la communauté catholique de <strong>Chypre</strong> : maronites, latins<br />
et arméniens.» La visite du Pape l’encourage et lui donne une reconnaissance,
28<br />
<strong>Le</strong> <strong>pape</strong> <strong>Benoît</strong> <strong>XVI</strong> <strong>à</strong> <strong>Chypre</strong><br />
notamment au milieu des orthodoxes, l’Eglise chrétienne majoritaire dans l’île. Sr<br />
Nasha Khoury, qui fait partie de la délégation des 400 fidèles maronites venus du<br />
Liban avec leur patriarche, S.B. Pierre Nasrallah Sfeir, souligne elle aussi l’ampleur<br />
de l’événement pour toute la communauté catholique chypriote. Faisant allusion<br />
<strong>à</strong> la présence autour du Pape du Patriarche latin de Jérusalem, Fouad Twal, et du<br />
Patriarche maronite d’Antioche, Nasrallah Sfeir, elle déclare : «Cet événement est<br />
très important. Jérusalem et le Liban sont l<strong>à</strong> aujourd’hui, autour du Pape. C’est très<br />
symbolique : c’est l’Europe avec l’Orient».<br />
Antonis Haji Roussos, le député représentant la communauté maronite<br />
au Parlement chypriote, partage l’opinion des religieuses quant <strong>à</strong> l’importance
Du 4 au 6 juin 2010 29<br />
de l’événement. Il insiste davantage sur la dimension politique de l’événement.<br />
«Tout le monde est très enthousiaste. Nous espérons des bénéfices politiques de<br />
cette visite. Nos 4 villages maronites – Kormakiti, Assomatos, Karpasha et Agia<br />
Marina – sont occupés par les Turcs, et deux sont inaccessibles, même pour la<br />
messe dominicale.» Dans ces conditions, M. Roussos craint pour la survie même de<br />
la communauté maronite chypriote, 80% des mariages étant mixtes. «Sans le droit<br />
de revenir dans nos villages, nous ne pouvons survivre. Nous sommes menacés<br />
comme communauté.» <strong>Le</strong> député a montré le cadeau qu’il donnerait au Saint-Père<br />
au cours de la cérémonie : un beau plat en argent avec le nom des quatre villages et<br />
des médaillons représentant leurs Eglises. Sur le pourtour du plat, cette phrase qui<br />
résonne comme un cri : «Nous réclamons le retour <strong>à</strong> nos racines». M. Roussos a<br />
conclu en déclarant : «Nous espérons que le Pape donnera un message de paix et de<br />
réconciliation, et que les Turcs entendront ce message.»<br />
A 10h45, le Pape pénètre dans l’enceinte de l’école, acclamé par la foule qui<br />
chante l’hymne officielle de la visite : «Un seul cœur, une seule âme».<br />
C’est Mgr Joseph Soueif,<br />
l’archevêque maronite de <strong>Chypre</strong><br />
qui, au nom de la communauté<br />
maronite, mais aussi «du Patriarcat<br />
latin, du Custode, de toutes les<br />
communautés et de tous les gens<br />
qui l’aiment», accueille le Pape<br />
comme «un précieux don fait <strong>à</strong><br />
<strong>Chypre</strong>». Il rappelle la situation<br />
de minorité dans laquelle vivent<br />
les catholiques de l’île, pris au
30<br />
<strong>Le</strong> <strong>pape</strong> <strong>Benoît</strong> <strong>XVI</strong> <strong>à</strong> <strong>Chypre</strong><br />
milieu de deux majorités : les Grecs orthodoxes et les Turcs musulmans. Faisant<br />
allusion au passé glorieux de l’Eglise maronite locale, présente sur l’île depuis le<br />
VII ème siècle, Mgr Soueif évoque la mémoire de son fondateur, saint Maroun, dont<br />
elle fête le jubilé cette année. Puis l’évêque cite par leur nom les quatre villages<br />
maronites occupés par les Turcs, les comparant aux «quatre bras de la croix».<br />
Comme Chrysostomos II, la veille, demandant au Pape d’aider les orthodoxes <strong>à</strong><br />
protéger leur patrimoine aujourd’hui sous occupation turque, Mgr Soueif a lui aussi
Du 4 au 6 juin 2010 31<br />
adressé la même requête :<br />
«Aidez-nous <strong>à</strong> retourner<br />
dans nos villages, ces<br />
lieux où nous préservons<br />
notre identité.»<br />
Dans son discours,<br />
le Pape a insisté sur trois<br />
points principaux : la foi,<br />
la fidélité <strong>à</strong> l’Evangile et<br />
<strong>à</strong> la tradition apostolique<br />
d’une part ; l’importance<br />
de continuer dans la<br />
voie de l’œcuménisme<br />
«pour une plus grande unité dans la charité» d’autre part ; enfin la nécessité du<br />
dialogue interreligieux, en l’occurrence avec les musulmans, que le Pape a posé<br />
implicitement comme terrain favorable au règlement de la question politique<br />
chypriote : «Je vous encourage <strong>à</strong> favoriser la création de la confiance mutuelle<br />
entre chrétiens et non-chrétiens, comme une base pour fonder une paix durable et<br />
une entente harmonieuse entre les personnes appartenant <strong>à</strong> des religions, <strong>à</strong> des aires<br />
politiques et <strong>à</strong> des origines différentes».<br />
Dans un passage particulièrement applaudi, <strong>Benoît</strong> <strong>XVI</strong> a eu un mot spécial<br />
pour les anciens habitants des quatre villages maronites aujourd’hui sous occupation<br />
turque. Il les a assurés de sa prière et de sa communion paternelle dans leur épreuve.<br />
Devant le podium, une immense banderole porte cette inscription : «Liberté pour<br />
Agia Marina» [l’un des 4 villages].<br />
Après la remise des cadeaux –dont celui du député Roussos et une icône de la<br />
Vierge offerte conjointement par les Sœurs maronites antonines et les Franciscains–,<br />
le Pape a assisté avec un plaisir visible <strong>à</strong> un grand spectacle interprété par des<br />
enfants de l’école et des jeunes. Sur des musiques chypriotes traditionnelles et avec<br />
des costumes colorés, ce magnifique spectacle a su exprimer mieux que tous les<br />
discours les richesses, la foi, les souffrances et l’espérance du peuple catholique de<br />
<strong>Chypre</strong>. L’aspiration <strong>à</strong> la paix et <strong>à</strong> la liberté était le message dominant.<br />
<strong>Le</strong> refrain de l’hymne officielle de la visite résume bien l’état d’esprit de<br />
la communauté catholique chypriote, mélange de fierté apostolique, d’amour du<br />
Christ et d’espérance universelle :<br />
«Je viens de <strong>Chypre</strong> ou du monde entier,<br />
J’ai le regard pur, le front altier.<br />
Seigneur Jésus, <strong>à</strong> l’encre de tes yeux,<br />
Fais-moi tien en tout temps, en tout lieu».
32<br />
<strong>Le</strong> <strong>pape</strong> <strong>Benoît</strong> <strong>XVI</strong> <strong>à</strong> <strong>Chypre</strong>
Du 4 au 6 juin 2010 33<br />
« En embrassant la croix,<br />
les chrétiens du Moyen-Orient<br />
peuvent faire rayonner l’espérance »<br />
Lors de la messe<br />
qu’il a célébrée <strong>à</strong> l’Eglise<br />
latine de la Sainte-Croix,<br />
<strong>à</strong> Nicosie, <strong>Benoît</strong> <strong>XVI</strong> a<br />
livré une méditation très<br />
profonde sur le mystère de<br />
la croix comme «triomphe<br />
définitif de l’amour de Dieu<br />
sur toutes les formes de<br />
mal dans le monde» (lire le<br />
texte dans la partie : Discours).<br />
Devant les prêtres, religieux,<br />
religieuses, diacres, catéchistes<br />
et membres des mouvements catholiques réunis dans la petite église, le<br />
Pape a pointé l’enjeu essentiel de la présence des chrétiens <strong>à</strong> <strong>Chypre</strong> et dans tout le<br />
Moyen-Orient : sans une espérance ancrée en Dieu, leur croix quotidienne sera trop<br />
lourde <strong>à</strong> porter. Au contraire, s’ils accueillent souffrances et difficultés non comme<br />
une fatalité mais comme une vocation, alors tout devient possible. «En embrassant<br />
la croix, les chrétiens du Moyen-Orient peuvent faire rayonner l’espérance».<br />
L’église latine de la Sainte-Croix, située au beau milieu de la zone tampon<br />
de Nicosie sous surveillance de l’ONU,<br />
est <strong>à</strong> l’image de la communauté catholique<br />
de <strong>Chypre</strong> : petite. Aussi, pour avoir le<br />
privilège de vivre la messe avec le Pape,<br />
les places étaient-elles comptées. <strong>Le</strong> Pape<br />
ayant voulu prier et célébrer la messe avec<br />
les prêtres, religieux, religieuses, diacres,<br />
catéchistes et membres des mouvements<br />
catholiques de l’île, ces derniers ont eu la<br />
priorité. Aux premiers rangs, juste derrière<br />
les bancs des concélébrants – Patriarches,
34<br />
<strong>Le</strong> <strong>pape</strong> <strong>Benoît</strong> <strong>XVI</strong> <strong>à</strong> <strong>Chypre</strong><br />
évêques et prêtres –, les cinq congrégations religieuses catholiques de <strong>Chypre</strong><br />
étaient dignement représentées : Franciscaines missionnaires du Sacré-Cœur (42<br />
dans le pays), les sœurs de Saint-Joseph de l’Apparition (8), les sœurs de Notre-<br />
Dame du Perpétuel Secours (3), les sœurs de Bethléem (5) et les sœurs Antonines<br />
maronites (3).<br />
<strong>Le</strong> reste de l’assistance était composée de fidèles impliqués dans la pastorale,<br />
notamment la catéchèse, l’animation liturgique et les multiples services rendus<br />
aux personnes dans les domaines de la santé, de l’enseignement et de l’aide aux<br />
travailleurs étrangers essentiellement.<br />
Comme <strong>à</strong> chaque célébration, les chevaliers et dames de l’ordre du Saint-<br />
Sépulcre, principal soutien du Patriarcat latin de Jérusalem, étaient également<br />
présents, de même que quelques familles catholiques de l’ONU.<br />
La chorale, remarquable, était composée de Latins – locaux et immigrés – et<br />
de Maronites, symbole de la riche diversité de la petite<br />
communauté catholique chypriote.<br />
Juste avant la messe, il s’est produit un<br />
événement remarquable : <strong>Benoît</strong> <strong>XVI</strong> a parlé quelques<br />
minutes avec le cheikh turco-chypriote Nazim Mehmet<br />
Nâzim Adil, l’un des leaders de l’islam soufi les plus<br />
importants au monde, âgé de 90 ans. L’entrevue, qui<br />
n’était pas prévue dans l’agenda, a été très cordiale,<br />
comme en témoigne son entame : «Je suis très âgé,<br />
aussi vous ai-je attendu assis», a lancé le cheikh au<br />
Pape ; <strong>à</strong> quoi ce dernier a répondu : «Je suis âgé
Du 4 au 6 juin 2010 35<br />
aussi». Plus tard, en privé, le cheikh a confié que pour lui le Pape <strong>Benoît</strong> était l’un<br />
des hommes les plus sages au monde, un homme qui savait écouter.<br />
Dans la procession d’entrée, les quatre cardinaux Bertone, Foley, Sandri et<br />
Kasper, accompagnés du P. Pierbattista Pizzaballa, o.f.m., custode de Terre Sainte,<br />
de Mgr Antonio Franco, nonce en Israël et <strong>à</strong> <strong>Chypre</strong> et délégué apostolique en<br />
Palestine, de l’archevêque maronite de <strong>Chypre</strong> Joseph Soueif et du Patriarche latin<br />
Fouad Twal, précédaient le Pape.<br />
Parmi les concélébrants assis au premier rang, on pouvait reconnaître, côte-<strong>à</strong>côte,<br />
quatre des Patriarches catholiques d’Orient : S.B. Pierre Nasrallah Sfeir (maronite),<br />
S.B. Gregorios III Lahham (melkite), S.B. Emmanuel III Delly (chaldéen)<br />
et S.B. Nerses Bedros XIX Tarmouni (arménien). Etaient présents également le P.<br />
Umberto Barato, o.f.m., vicaire du Patriarche latin de Jérusalem pour <strong>Chypre</strong>, les<br />
PP. Humam Khzouz, Rif’at Bader et Elias Odeh, du Patriarcat latin, et de nombreux<br />
prêtres maronites.<br />
En sa qualité d’évêque de <strong>Chypre</strong> pour les Latins, c’est S.B. le Patriarche Fouad<br />
qui a prononcé le discours de bienvenue au Pape. Il l’a remercié de «parachever<br />
ainsi sa visite pastorale aux fidèles du Patriarcat latin de Jérusalem, ces hommes<br />
et ces femmes qui ont le privilège de vivre sur la Terre Sainte, terre sanctifiée par<br />
les événements de l’histoire biblique du salut». Comme lors de la visite de <strong>Benoît</strong><br />
<strong>XVI</strong> en Jordanie, Palestine et Israël l’année dernière, le Patriarche s’est adressé <strong>à</strong><br />
lui avant tout comme <strong>à</strong> un père, déclarant : «Nous nous tournons vers vous comme<br />
vers un père, avec nos peines, nos peurs et nos douleurs, et nous attendons de vous<br />
une parole de réconfort et d’encouragement.» Evoquant l’histoire de la présence
36<br />
<strong>Le</strong> <strong>pape</strong> <strong>Benoît</strong> <strong>XVI</strong> <strong>à</strong> <strong>Chypre</strong><br />
chrétienne <strong>à</strong> <strong>Chypre</strong> et les blessures<br />
du passé et du présent, il s’est<br />
tourné vers l’avenir, affirmant :<br />
«Nous cherchons aujourd’hui <strong>à</strong><br />
mettre en place les fondations d’un<br />
avenir différent, celui du dialogue,<br />
du pardon et de la réconciliation<br />
qui réunira tous les habitants de<br />
cette île : orthodoxes, musulmans,<br />
catholiques, ainsi que les autres<br />
communautés chrétiennes. C’est<br />
bien dans cet esprit que vous êtes<br />
venu rencontrer le chef de l’Eglise<br />
orthodoxe de <strong>Chypre</strong>, ainsi que ses fidèles, nos frères et sœurs, qui ont toujours été<br />
en majorité ici, et avec qui nous entretenons aujourd’hui des relations fraternelles.»<br />
<strong>Le</strong> Patriarche Fouad a également décliné tous les services de charité mis par la<br />
communauté catholique de <strong>Chypre</strong> <strong>à</strong> la disposition de tous, témoignage de sa<br />
vitalité et de son dynamisme malgré sa petitesse. Enfin, il a fait allusion <strong>à</strong> la grande<br />
espérance suscitée chez les fidèles catholiques par le futur Synode pour le Moyen-<br />
Orient, dont le Saint-Père remettra demain l’Instrumentum Laboris.<br />
Toute la liturgie de la Parole a eu pour thème la Croix : préfigurée par le<br />
serpent d’airain élevé par Moïse dans le désert pour guérir les Hébreux de leurs
Du 4 au 6 juin 2010 37<br />
blessures, elle est révélée au Golgotha où Jésus «est élevé pour que tout homme qui<br />
croit en lui ne périsse pas, mais ait la vie éternelle.»<br />
Dans son homélie, le Pape a médité sur le mystère de la croix (voir le texte<br />
dans la partie Discours). Toute sa méditation a porté sur le paradoxe suivant : la croix,<br />
symbole de souffrance et de mort <strong>à</strong> première vue, est en fait plus profondément «le<br />
triomphe définitif de l’amour de Dieu sur toutes les formes du mal dans le monde»<br />
et la manifestation du «pouvoir de l’amour qui s’offre en sacrifice». La perspective<br />
est ainsi retournée : la croix devient «le symbole d’espérance le plus éloquent que le<br />
monde ait jamais vu», spécialement pour ceux qui souffrent le plus, et elle «offre une<br />
espérance sans limite <strong>à</strong> notre<br />
monde déchu». <strong>Le</strong> Pape n’a pas<br />
hésité <strong>à</strong> conclure cette première<br />
partie de son homélie par cette<br />
affirmation audacieuse : «<strong>Le</strong><br />
monde a besoin de la croix».<br />
Il a ensuite appliqué sa<br />
méditation <strong>à</strong> la situation des<br />
chrétiens du Moyen-Orient.<br />
Conscient des souffrances et<br />
des épreuves qu’ils traversent<br />
quotidiennement, le Pape les a
38<br />
<strong>Le</strong> <strong>pape</strong> <strong>Benoît</strong> <strong>XVI</strong> <strong>à</strong> <strong>Chypre</strong><br />
encouragés non pas <strong>à</strong> subir la croix dans leur vie, mais <strong>à</strong> l’«embrasser» généreusement,<br />
certains qu’en elle réside le salut du monde et la véritable espérance, celle qui a<br />
sa source en Dieu. Evoquant le drame de l’émigration des chrétiens d’Orient, il<br />
a déclaré : «Un prêtre, une communauté religieuse, une paroisse qui reste ferme<br />
[malgré les difficultés] et qui continue <strong>à</strong> rendre témoignage au Christ est un signe<br />
extraordinaire d’espérance, non seulement pour les chrétiens mais aussi pour tous<br />
ceux qui vivent dans la région. […] En embrassant la Croix qui leur est tendue, les<br />
prêtres et les religieux du Moyen-Orient peuvent vraiment faire rayonner l’espérance
Du 4 au 6 juin 2010 39<br />
qui est au cœur du mystère que<br />
nous célébrons dans la liturgie de<br />
ce jour.»<br />
En disant ces paroles, sans<br />
doute <strong>Benoît</strong> <strong>XVI</strong> pensait-il <strong>à</strong> ces<br />
prêtres qui étaient allés jusqu’au<br />
martyre de sang par fidélité et<br />
amour du Seigneur, et notamment <strong>à</strong> Mgr Luigi Padovese, vicaire apostolique en<br />
Anatolie, assassiné la veille de son arrivée <strong>à</strong> <strong>Chypre</strong>…<br />
La messe s’est poursuivie dans un esprit de prière et de recueillement.<br />
Plusieurs beaux signes d’unité ont été donnés, notamment lorsque, dans la prière<br />
eucharistique, les trois saints Barnabé, Maroun et François d’Assise, patrons des<br />
différentes communautés catholiques chypriotes, ont été invoqués ensemble.<br />
La messe s’est conclue par une ovation au Saint-Père, qui est sorti de l’église<br />
de la Sainte-Croix sous les applaudissements et les vivats de l’assemblée.<br />
A la sortie de l’église, c’était comme si personne ne voulait rentrer chez lui ;<br />
au contraire, tout le monde, fidèles, prêtres, évêques et patriarches, se congratulaient<br />
et échangeaient paroles et sourires. Un groupe de fidèles camerounais, chantant et<br />
dansant sous l’œil bienveillant des soldats de l’ONU postés sur les toits de la zonetampon,<br />
en ont entraîné plus d’un dans leur ronde… symbole de la joie partagée<br />
autour du Saint-Père, l’évêque de Rome qui confirme ses frères dans la foi, «préside<br />
<strong>à</strong> la charité» et invite <strong>à</strong> faire tomber les murs !
40<br />
DIMANCHE 6 JUIN<br />
<strong>Le</strong> Pape exhorte <strong>à</strong> la communion<br />
dans la diversité<br />
<strong>Le</strong> <strong>pape</strong> <strong>Benoît</strong> <strong>XVI</strong> <strong>à</strong> <strong>Chypre</strong><br />
Dimanche 6 juin. La messe célébrée par le Pape dans la salle des sports Elefteria<br />
de Nicosie devait être le grand rassemblement de l’Eglise catholique chypriote.<br />
Et elle l’a été ! Contrairement <strong>à</strong> la messe de la veille, inaccessible au plus grand<br />
nombre <strong>à</strong> cause de l’exiguïté de l’église de la Sainte-Croix, l’Eucharistie dominicale<br />
a rassemblé plus de 12.000<br />
fidèles. La célébration a<br />
été l’occasion de deux<br />
moments remarquables<br />
: la méditation du Pape<br />
sur la communion dans la<br />
diversité et la remise de<br />
l’Instrumentum Laboris<br />
de la prochaine Assemblée<br />
spéciale pour le Moyen-<br />
Orient du Synode des<br />
évêques. La mémoire de
Du 4 au 6 juin 2010 41<br />
Mgr Luigi Padovese, l’un des principaux artisans du Synode, assassiné en Turquie<br />
la veille de la visite du Pape, a été spécialement évoquée par le Pape.<br />
Au beau milieu de la salle de sport aménagée pour l’occasion, les apôtres<br />
Barnabé et Paul, représentés par des icônes sur un grand décor mural, accueillent les<br />
milliers de fidèles rassemblés pour cette grande fête de la petite Eglise catholique<br />
chypriote. Lorsque l’on regarde les gradins où ils sont massés, c’est d’abord leur
42<br />
<strong>Le</strong> <strong>pape</strong> <strong>Benoît</strong> <strong>XVI</strong> <strong>à</strong> <strong>Chypre</strong><br />
diversité qui frappe, diversité<br />
qui éclate dans les drapeaux<br />
– chypriote et européen bien<br />
sûr, mais aussi libanais, grec,<br />
philippin, bulgare, égyptien –,<br />
la couleur de peau, les langues,<br />
les costumes… Une impression<br />
d’universalité et de fraîcheur se<br />
dégage de cette assemblée, dont<br />
beaucoup de membres sont des<br />
travailleurs immigrés, notamment<br />
philippins et srilankais.<br />
Pour Louis Biteranta, prédicateur de la communauté charismatique catholique<br />
d’origine philippine El Shaddai, très présente <strong>à</strong> <strong>Chypre</strong>, venu avec un groupe de<br />
plusieurs centaines de personnes : «<strong>Le</strong>s gens viennent de partout, parlent toutes les<br />
langues et sont unis ensemble : c’est la Pentecôte !».<br />
Un peu plus bas, des représentants de la petite communauté d’origine indienne<br />
(500 membres environ) ne cachent pas leur joie. Deux jeunes femmes, Prima<br />
Baretto et Rina Poojary se disent «très heureuses d’avoir cette occasion de voir le
Du 4 au 6 juin 2010 43<br />
Pape». Elles racontent qu’<strong>à</strong> leur arrivée dans l’île en 2004, elles ont été aidées par<br />
les centres catholiques d’aide sociale aux migrants. A leur tour, elles y aident les<br />
nouveaux arrivants.<br />
En bas des gradins, le président Christofias, son épouse et plusieurs membres<br />
du gouvernement sont l<strong>à</strong>. L’archevêque orthodoxe de <strong>Chypre</strong>, Chrysostomos II,<br />
arrive <strong>à</strong> son tour avec une délégation. Longuement applaudi par l’assistance, il<br />
va s’asseoir au premier rang, non sans avoir salué les représentants des Eglises<br />
anglicane, copte et arménienne orthodoxes.<br />
Dans la procession d’entrée, le séminaire latin de Beit Jala est dignement<br />
représenté ! Tamer Haddad, Marwan Hassan et Johnny Bahbah sont porte-croix et<br />
porte-cierges, tandis que le diacre Farah Bader est aux côtés du Pape…<br />
Une longue file d’évê-ques, dont les patriarches catholiques d’Orient ou leurs<br />
représentants, précède le Pape, avant-goût du Synode pour le Moyen-Orient qui<br />
se tiendra en octobre 2010 <strong>à</strong> Rome. A la fin de la messe, le Pape leur remettra<br />
l’Instrumentum Laboris. Sont présents les Patriarches Twal (latin), Sfeir (maronite),<br />
Gregorios (melkite), Delly (chaldéen), Nerses (arménien) et Naguib (copte). La<br />
diversité de leurs ornements liturgiques est <strong>à</strong> elle seule le signe de la riche diversité<br />
de l’Eglise catholique d’Orient…<br />
Dans son discours de bienvenue, l’archevêque maronite de <strong>Chypre</strong> Joseph<br />
Soueif a ces mots : «L’Eglise catholique de <strong>Chypre</strong>, Maronites et Latins, accueille<br />
son père et pasteur». Il reprend le thème de <strong>Chypre</strong> comme «pont entre Orient et
44<br />
<strong>Le</strong> <strong>pape</strong> <strong>Benoît</strong> <strong>XVI</strong> <strong>à</strong> <strong>Chypre</strong><br />
Occident», ajoutant que l’île est<br />
une «oasis de dialogue entre les<br />
cultures qui doit être préservée<br />
au niveau international».<br />
En cette solennité du Corps<br />
et du Sang du Seigneur, <strong>Benoît</strong><br />
<strong>XVI</strong> a médité sur l’Eglise<br />
comme mystère de communion<br />
et a lancé un appel pressant<br />
<strong>à</strong> surmonter les divisions<br />
entre confessions chrétiennes.<br />
S’appuyant sur un commentaire<br />
où saint Augustin compare<br />
l’Eglise au pain, fabriqué non<br />
pas <strong>à</strong> partir d’un seul grain, mais<br />
d’une multitude de grains fondus ensemble, le Pape a appelé <strong>à</strong> dépasser les barrières<br />
des particularismes qui isolent les communautés chrétiennes les unes des autres :<br />
«Chacun de nous qui appartenons <strong>à</strong> l’Eglise a besoin de sortir du monde clos de<br />
son individualité et d’accepter le «compagnonnage» des autres, qui «partagent le<br />
pain» avec nous. Nous devons penser non plus <strong>à</strong> partir du ‘moi’ mais du ‘nous’» ;<br />
et encore : «Nous avons besoin d’être libérés de tout ce qui nous enferme et nous<br />
isole : crainte et défiance vis-<strong>à</strong>-vis des autres, avidité et égoïsme, mauvaise volonté<br />
pour prendre le risque de la vulnérabilité <strong>à</strong> laquelle nous nous exposons lorsque<br />
nous nous ouvrons <strong>à</strong> l’amour». <strong>Le</strong> Pape a insisté une dernière fois sur cet enjeu<br />
fondamental de l’œcuménisme, particulièrement important <strong>à</strong> <strong>Chypre</strong>, en faisant<br />
allusion au règlement du conflit entre les frères de langue grecque et hébraïque dans<br />
la première communauté chrétienne de Jérusalem. Il a terminé en souhaitant que le<br />
monde, de plus en plus, puisse dire des chrétiens : «Voyez comme ils s’aiment les<br />
uns les autres, et comme ils sont prêts <strong>à</strong> mourir les uns pour les autres.»<br />
Après la communion, Mgr Nikola Eterović, secrétaire du Synode des évêques,<br />
s’est adressé au Pape pour introduire le futur Synode pour le Moyen-Orient. Il en<br />
a rappelé le thème, celui-l<strong>à</strong> même choisi par l’Eglise catholique de <strong>Chypre</strong> pour<br />
cette visite papale : «Un seul cœur et une seule âme». <strong>Le</strong> Saint-Père, après un bref<br />
encouragement aux Pères synodaux et aux Eglises d’Orient (lire le texte p. 82), a<br />
remis aux patriarches et évêques concernés l’Instrumentum Laboris.<br />
Après la visite de <strong>Benoît</strong> <strong>XVI</strong> en Terre Sainte l’année dernière et celle qu’il<br />
achève <strong>à</strong> <strong>Chypre</strong> aujourd’hui, le Synode sera la prochaine étape importante pour<br />
les Eglises d’Orient, Eglises envers lesquelles le successeur de Pierre montre une<br />
sollicitude toute particulière.
Du 4 au 6 juin 2010 45<br />
• La tristesse de <strong>Benoît</strong> <strong>XVI</strong><br />
devant la division de <strong>Chypre</strong><br />
<strong>Le</strong> même jour, dans<br />
l’après-midi, <strong>à</strong> l’aéroport<br />
de Larnaca, lors de son<br />
discours d’adieu au peuple<br />
chypriote, le Pape <strong>Benoît</strong><br />
<strong>XVI</strong> a évoqué en termes<br />
très clairs la division de<br />
l’île, la destruction par<br />
les Turcs d’une partie<br />
du patrimoine chrétien<br />
et les souffrances des<br />
Chypriotes du nord qui ne<br />
peuvent retourner chez<br />
eux. Mais, comme il<br />
l’avait déj<strong>à</strong> fait au moment de quitter la Terre Sainte le 15 mai 2009, plutôt que de<br />
condamner la partie fautive, le Saint-Père a choisi d’exprimer les sentiments qu’il<br />
éprouve devant cet état des choses. Et son sentiment, c’est «la tristesse». Manifestant<br />
sa compassion, <strong>Benoît</strong> <strong>XVI</strong> en appelle <strong>à</strong> l’humanité plutôt qu’<strong>à</strong> la froide raison de<br />
ses interlocuteurs. Il laisse ainsi ouvert le dialogue et presse tous les Chypriotes<br />
de bonne volonté, chrétiens et musulmans, <strong>à</strong> construire la paix. C’est ce qu’il a<br />
souhaité <strong>à</strong> tous, au terme de son discours d’adieu : «La paix soit avec vous», a-t-il<br />
clamé, en grec.<br />
« Soyez assuré de mes prières pour la paix de <strong>Chypre</strong> entière »<br />
« Monsieur le Président, Illustres Autorités, Mesdames et Messieurs,<br />
<strong>Le</strong> temps est venu pour moi de vous quitter, après mon bref mais fructueux<br />
voyage apostolique <strong>à</strong> <strong>Chypre</strong>. Monsieur le Président, je vous remercie pour vos<br />
paroles aimables et je suis heureux de vous exprimer ma gratitude pour tout ce que<br />
vous-même, votre Gouvernement et les autorités civiles et militaires avez fait pour<br />
que ma visite soit mémorable et couronnée d’un grand succès.
46<br />
<strong>Le</strong> <strong>pape</strong> <strong>Benoît</strong> <strong>XVI</strong> <strong>à</strong> <strong>Chypre</strong><br />
En quittant vos rivages, comme beaucoup de pèlerins avant moi, il m’est<br />
venu <strong>à</strong> l’esprit, une fois encore, combien la Méditerranée est composée d’une riche<br />
mosaïque de peuples ayant leurs propres cultures et leur beauté, leur cordialité et<br />
leur humanité. En même temps et en dépit de cette réalité, l’Orient méditerranéen<br />
n’est pas épargné par les conflits et le sang qui coule, comme nous en avons été<br />
témoins tragiquement ces jours<br />
derniers. Redoublons nos efforts<br />
pour construire une paix réelle et<br />
durable pour tous les peuples de<br />
la région.<br />
Dans cet objectif général,<br />
<strong>Chypre</strong> peut jouer un rôle<br />
particulier dans la promotion du<br />
dialogue et de la coopération. En<br />
œuvrant patiemment pour la paix<br />
sur votre sol et pour la prospérité de<br />
vos voisins, vous serez alors bien<br />
placés pour écouter et comprendre<br />
tous les aspects des nombreuses<br />
questions dans leur complexité,<br />
afin d’aider les peuples <strong>à</strong> atteindre<br />
une plus grande compréhension<br />
mutuelle. <strong>Le</strong> chemin que vous
Du 4 au 6 juin 2010 47<br />
empruntez, Monsieur le Président,<br />
est l’un de ceux que la communauté<br />
internationale regarde avec un grand<br />
intérêt et une grande espérance, et<br />
je relève avec satisfaction tous les<br />
efforts effectués en faveur de la<br />
paix pour votre peuple et l’île toute<br />
entière de <strong>Chypre</strong>.<br />
Tout en remerciant Dieu pour<br />
ces journées durant lesquelles la<br />
Communauté catholique chypriote<br />
a vécu, sur son propre sol, sa<br />
première rencontre avec le Successeur<br />
de Pierre, je me rappelle<br />
aussi avec gratitude, de mes rencontres avec les responsables des autres Eglises<br />
chrétiennes, en particulier avec Sa Béatitude Chrysostomos II et avec les autres<br />
représentants de l’Eglise de <strong>Chypre</strong>, que je remercie pour leur accueil fraternel.<br />
J’espère que ma visite, ici <strong>à</strong> <strong>Chypre</strong>, sera vue comme un autre pas du parcours initié<br />
avant nous <strong>à</strong> Jérusalem, par l’accolade entre le regretté Patriarche Athenagoras et<br />
mon vénéré prédécesseur le Pape Paul VI. Ces premiers pas prophétiques nous<br />
indiquent le chemin que nous devons aussi emprunter. Nous sommes appelés par
48<br />
<strong>Le</strong> <strong>pape</strong> <strong>Benoît</strong> <strong>XVI</strong> <strong>à</strong> <strong>Chypre</strong><br />
Dieu <strong>à</strong> être frères, en marchant côte <strong>à</strong> côte dans la foi, humblement devant le Dieu<br />
tout-puissant, unis par des liens indestructibles d’affection les uns pour les autres.<br />
Alors que j’invite mes frères chrétiens <strong>à</strong> poursuivre cette marche, j’aimerais les<br />
assurer que l’Eglise Catholique, avec la grâce de Dieu, poursuivra elle-même la<br />
recherche de l’unité parfaite dans la charité, <strong>à</strong> travers une valorisation toujours plus<br />
profonde de ce que les Catholiques et les Orthodoxes ont de plus cher.<br />
Qu’il me soit permis d’exprimer encore mon espérance et mon vœu sincère<br />
que les Chrétiens et les Musulmans deviennent un levain pour la paix et pour la<br />
réconciliation parmi les Chypriotes, et servent ainsi d’exemple pour les autres pays.<br />
Pour conclure, Monsieur le Président, je désire vous encourager, vous et votre<br />
gouvernement dans vos hautes responsabilités. Comme vous le savez bien, parmi<br />
vos tâches les plus importantes figure la recherche de la paix et de la sécurité pour<br />
tous les Chypriotes. Ayant passé les dernières nuits dans la Nonciature apostolique,<br />
qui se trouve dans la zone tampon sous le contrôle des Nations unies, j’ai vu de<br />
mes propres yeux quelque chose de la triste division de l’île, et je me suis rendu<br />
compte de la perte d’une partie significative d’un héritage culturel qui appartient <strong>à</strong><br />
toute l’humanité. J’ai également pu entendre les Chypriotes du nord qui souhaitent<br />
retourner en paix dans leurs maisons et leurs lieux de culte, et j’ai été profondément<br />
touché par leurs requêtes. La vérité et la réconciliation, ainsi que le respect,<br />
sont certainement les fondations les plus sûres pour un avenir uni et pacifique<br />
de cette île, et pour la stabilité et la prospérité de tout votre peuple. Au cours de<br />
ces dernières années, beaucoup de bien a été accompli dans ce sens <strong>à</strong> travers un<br />
dialogue substantiel, cependant beaucoup encore demeure <strong>à</strong> faire pour surmonter
Du 4 au 6 juin 2010 49<br />
les divisions. Qu’il me soit permis de vous encourager, ainsi que vos concitoyens,<br />
<strong>à</strong> travailler patiemment avec vos voisins <strong>à</strong> l’édification d’un avenir meilleur et plus<br />
assuré pour tous vos enfants.<br />
Faisant ainsi, soyez assuré de mes prières pour la paix de <strong>Chypre</strong> entière.<br />
Κύριε Πρόεδρε και αγαπητοί φίλοι, με αυτά τα σύντομα λόγια, σας αποχαιρετώ. Σας<br />
ευχαριστώ πάρα πολύ και εύχομαι<br />
ο Τριαδικός Θεος και η Παναγία<br />
να σας ευλογούν πάντα. Χαίρετε<br />
! Ειρήνη μαξί σας ! (Monsieur le<br />
Président, chers amis, je vous dis<br />
au revoir avec ces quelques paroles.<br />
Merci beaucoup et que Dieu trois<br />
fois Saint vous bénisse toujours.<br />
Adieu ! La paix soit avec vous !) »<br />
† <strong>Benoît</strong> <strong>XVI</strong><br />
Montant alors dans l’avion<br />
qui devait le séparer de ses fidèles<br />
reconnaissants, <strong>Benoît</strong> <strong>XVI</strong> est<br />
reparti pour le Saint-Siège, après<br />
avoir semé dans les cœurs la paix et<br />
l’amour du Christ.
50<br />
Discours<br />
<strong>Le</strong> <strong>pape</strong> <strong>Benoît</strong> <strong>XVI</strong> <strong>à</strong> <strong>Chypre</strong><br />
« Dans cette lutte qui est la nôtre, Votre Sainteté, nous<br />
vous serions reconnaissants de votre soutien actif ».<br />
Discours de S.B. Chrysostomos II,<br />
Archevêque orthodoxe de <strong>Chypre</strong>, <strong>à</strong> S.S. le Pape <strong>Benoît</strong> <strong>XVI</strong> ; église<br />
de l’Agia Kyriaki Chrysopolitissa, Paphos ; Vendredi 4 juin 2010<br />
Votre Sainteté, Pape <strong>Benoît</strong> de la vieille Rome,<br />
Bienvenue dans l’île des Saints et des<br />
Martyrs !<br />
Bienvenue dans la première Eglise fondée<br />
parmi les Nations, par les Apôtres Barnabé,<br />
Paul et Marc !<br />
Bienvenue dans l’Eglise des Apôtres, d’où<br />
ceux-ci ont été appelés par l’Esprit Saint <strong>à</strong> se<br />
séparer de leurs frères et envoyés <strong>à</strong> toutes les<br />
Nations !<br />
«Quant <strong>à</strong> eux, ainsi envoyés en mission par<br />
le Saint-Esprit, ils descendirent jusqu’<strong>à</strong> Séleucie,<br />
et de l<strong>à</strong> prirent un bateau pour l’île de <strong>Chypre</strong> ;<br />
arrivés <strong>à</strong> Salamine, ils annonçaient la parole de<br />
Dieu dans les synagogues. […] Ils traversèrent<br />
toute l’île jusqu’<strong>à</strong> Paphos» (Ac 13,4).<br />
C’est en ce lieu-même, Votre Sainteté, que<br />
se trouvait la synagogue des Juifs et de ce lieumême<br />
que St Barnabé et St Paul ont prêché la<br />
Parole de Dieu aux Juifs.<br />
Mais, «on n’enchaîne pas la parole de Dieu»<br />
(2 Tm 2,9). Il n’aurait pas été possible <strong>à</strong> l’Esprit
Du 4 au 6 juin 2010 51<br />
d’amour du Seigneur incarné, crucifié et ressuscité, de se limiter au monde juif.<br />
Jésus-Christ est venu dans le monde afin que «quiconque croie en lui ne périsse pas<br />
mais obtienne la vie éternelle» (Jn 3,16).<br />
<strong>Le</strong> commandement du Saint-Esprit pour eux était de prêcher aux Nations.<br />
Aussi, lorsque le proconsul Sergius Paulus, «homme intelligent» selon St Luc, a<br />
invité les Apôtres afin d’ «écouter la parole de Dieu» (Ac 12,7), ils se rendirent avec<br />
joie au siège du pouvoir politique de l’île et annoncèrent, pour la première fois, la<br />
parole du Seigneur aux Gentils.<br />
A ce moment-l<strong>à</strong>, «Barnabé et Paul échangèrent leurs rôles. C’était une mission<br />
non pour le Chypriote, mais pour le citoyen romain».<br />
Aussi, Paul devint le chef de la mission. Il changea aussi de nom. C’est <strong>à</strong> partir de<br />
l<strong>à</strong> qu’il fut appelé non plus Saul, mais Paul !<br />
C’est dans cette ville que les apôtres, comme cela nous est rapporté dans le<br />
Nouveau Testament, ont accompli leur premier miracle ; ici que le premier citoyen<br />
européen a été baptisé au nom de la Sainte Trinité ; ici encore que la première<br />
citadelle de l’idolâtrie est tombée, et <strong>à</strong> sa place fut élevée la gloire de la Croix<br />
dans toute sa splendeur, avant de se répandre petit <strong>à</strong> petit dans l’Europe entière,<br />
façonnant ainsi ce qu’elle allait devenir.<br />
C’est ici, Votre Sainteté, que les racines chrétiennes de l’Europe se sont<br />
implantées, et que ses surgeons spirituels ont poussé. <strong>Le</strong>s fondations de la civilisation<br />
chrétienne européenne ont été posées sur le lieu-même où nous nous trouvons en ce
52<br />
<strong>Le</strong> <strong>pape</strong> <strong>Benoît</strong> <strong>XVI</strong> <strong>à</strong> <strong>Chypre</strong><br />
moment […]. C’est pour cela que <strong>Chypre</strong> est nommée <strong>à</strong> juste titre «la Porte de la<br />
Chrétienté de l’Europe».<br />
C’est ici également, <strong>à</strong> Paphos, après les merveilleux évènements qui y ont eu<br />
lieu, que Paul fut établi Apôtre des Nations et est allé semer les graines du pain de<br />
vie chez vous, <strong>à</strong> Rome, et dans toute l’Europe.<br />
Votre Sainteté,<br />
Depuis 45 ap. J.-C, date <strong>à</strong> laquelle les Apôtres ont posé pour la première fois<br />
leur pied sur cette île, jusqu’<strong>à</strong> aujourd’hui, l’Eglise de <strong>Chypre</strong> a connu un long et<br />
fructueux chemin. Tout au long de son histoire, elle a enduré bien des troubles et<br />
des difficultés, traversé de sombres nuits, vécu de nombreuses conquêtes, «traversé<br />
l’eau et le feu» ; mais toujours guidée par l’Esprit Saint, elle a non seulement<br />
survécu mais continué <strong>à</strong> donner son témoignage de foi orthodoxe et <strong>à</strong> remplir sa<br />
mission confiée par Dieu.<br />
Mais, hélas, depuis 1974, <strong>Chypre</strong> et son Eglise expérimentent les temps les<br />
plus difficiles de leur Histoire.<br />
La Turquie, qui nous a attaqués par les armes de façon barbare, a occupé 37%<br />
de notre territoire et cherche désormais <strong>à</strong> l’annexer, avant de s’emparer de l’île<br />
toute entière, mettant en œuvre ses plans impies et comptant sur la tolérance du soidisant<br />
«monde civilisé».<br />
Dans notre île, comme elle l’a fait ailleurs, la Turquie a mis en place un<br />
plan de nettoyage ethnique. Elle a chassé les chrétiens orthodoxes de leurs foyers<br />
ancestraux et a placé - et continue <strong>à</strong> le faire - des centaines de milliers de colons
Du 4 au 6 juin 2010 53<br />
venus d’Anatolie, modifiant ainsi la démographie de <strong>Chypre</strong>. En outre, elle a changé<br />
tous les noms de lieux historiques en noms turcs.<br />
Notre patrimoine culturel a été pillé sans relâche et nos monuments chrétiens<br />
sont en train d’être détruits ou vendus sur les marchés des antiquaires illégaux, dans<br />
une tentative de débarrasser l’île de toute trace grecque ou chrétienne.<br />
Nous espérons que, dans cette terrible épreuve qui a causé tant de souffrances<br />
aux chrétiens de notre Eglise depuis 1974, le Bon et Très Miséricordieux Seigneur<br />
ne détournera pas sa face de notre peuple qui souffre mais nous accordera la paix,<br />
la liberté, et la justice, […].<br />
Dans cette lutte qui est la nôtre, Votre Sainteté, celle que le peuple chypriote<br />
mène sous la direction de leurs chefs, nous vous serions reconnaissants de<br />
votre soutien actif. Nous escomptons votre aide afin d’assurer la protection et<br />
le respect de nos monuments sacrés et de notre patrimoine culturel, afin que les<br />
valeurs universelles de notre esprit chrétien puissent l’emporter. Ces valeurs sont<br />
actuellement brutalement violées par la Turquie - un pays désireux de rejoindre<br />
l’Union Européenne.<br />
Votre Sainteté,<br />
En ce joyeux moment de votre présence ainsi que celle de votre entourage<br />
parmi nous, nous, le Président de la République, le Gouvernement, le Saint-Synode,<br />
l’assemblée pieuse de notre Eglise, et moi-même, tenons une fois encore <strong>à</strong> vous<br />
souhaiter de tout cœur la bienvenue et un agréable séjour.<br />
† Chrysostomos II, archevêque de <strong>Chypre</strong>
54<br />
<strong>Le</strong> <strong>pape</strong> <strong>Benoît</strong> <strong>XVI</strong> <strong>à</strong> <strong>Chypre</strong><br />
« Nous nous tournons vers vous comme vers un père, avec<br />
nos peines, nos peurs et nos douleurs, et nous attendons<br />
de vous une parole de réconfort et d’encouragement. »<br />
Discours de S.B. le Patriarche Fouad Twal<br />
Lors de la messe avec les prêtres, religieux et religieuses, diacres<br />
et représentants des mouvements ecclésiaux de <strong>Chypre</strong> ; église<br />
paroissiale latine de Sainte-Croix, Nicosie, Samedi 5 juin 2010<br />
Saint-Père,<br />
Soyez chaleureusement le bienvenu <strong>à</strong> <strong>Chypre</strong> !<br />
Par votre arrivée aujourd’hui sur cette île, vous parachevez votre visite pastorale<br />
aux fidèles du Patriarcat latin de Jérusalem, ces hommes et ces femmes qui ont<br />
le privilège de vivre sur la Terre Sainte, terre sanctifiée par les événements de<br />
l’histoire biblique du salut. Une fois de plus, alors que nous vivons un moment
Du 4 au 6 juin 2010 55<br />
difficile – notre région est en effet menacée par la violence et nous ne pouvons que<br />
pleurer ceux qui sont morts, notamment ceux qui sont morts en essayant d’apporter<br />
la justice et la paix (entre autres, Mgr Padovese, ndlr) – votre visite nous réconforte.<br />
Elle nous encourage <strong>à</strong> redoubler d’efforts pour ne pas nous taire et travailler<br />
<strong>à</strong> la justice et <strong>à</strong> la paix, qui peuvent et doivent finir par régner dans notre région<br />
et transformer notre Eglise du Calvaire en Eglise de la Résurrection. Nous nous<br />
tournons vers vous comme vers un père, avec nos peines, nos peurs et nos douleurs,<br />
et nous attendons de vous une parole de réconfort et d’encouragement.<br />
Ici <strong>à</strong> <strong>Chypre</strong>, comme en Jordanie, en Palestine et en Israël, s’est forgée<br />
l’identité chrétienne. C’est de <strong>Chypre</strong> que Joseph Barnabé partit pour nous donner<br />
l’exemple lumineux de sa vie chrétienne en déposant tout ce qu’il avait aux pieds<br />
des apôtres (Ac 4, 36-37). Il allait devenir le proche collaborateur de saint Paul. Ce<br />
furent également des croyants de <strong>Chypre</strong> qui arrivèrent <strong>à</strong> Antioche et commencèrent<br />
<strong>à</strong> prêcher la Bonne Nouvelle aux païens, faisant de nous ce que nous sommes<br />
aujourd’hui : une Eglise catholique, c’est-<strong>à</strong>-dire universelle (Ac 11, 20). L’Apôtre<br />
des Nations lui-même a visité l’île : Saul il y est arrivé, Paul il en est reparti. Ce<br />
changement de nom, signe de la mission universelle qui était la sienne désormais,<br />
eut lieu <strong>à</strong> Paphos (Ac 13, 4-12).<br />
Saint-Père, c’est mon privilège, en tant que Patriarche latin de Jérusalem, de<br />
vous souhaiter la bienvenue, <strong>à</strong> vous et <strong>à</strong> votre honorable délégation, dans cette belle<br />
île, lieu de résidence de petites communautés catholiques, essentiellement latines et<br />
maronites.
56<br />
<strong>Le</strong> <strong>pape</strong> <strong>Benoît</strong> <strong>XVI</strong> <strong>à</strong> <strong>Chypre</strong><br />
La présence catholique sur cette île remonte <strong>à</strong> l’époque des Croisades. Nous<br />
avons connu de longues périodes de turbulence et de souffrance, et ce jusqu’<strong>à</strong><br />
l’époque moderne. <strong>Le</strong> passé n’est pas oublié, mais nous cherchons aujourd’hui <strong>à</strong><br />
mettre en place les fondations d’un avenir différent, celui du dialogue, du pardon<br />
et de la réconciliation qui réunira tous les habitants de cette île : orthodoxes,<br />
musulmans, catholiques, ainsi que les autres communautés chrétiennes. C’est<br />
bien dans cet esprit que vous êtes venu rencontrer le chef de l’Eglise orthodoxe de<br />
<strong>Chypre</strong>, ainsi que ses fidèles, nos frères et sœurs, qui ont toujours été en majorité<br />
ici, et avec qui nous entretenons aujourd’hui des relations fraternelles.<br />
Nous, catholiques latins, n’avons qu’une présence très modeste ici – peu<br />
de gens du pays, un bon nombre de travailleurs étrangers (beaucoup originaires<br />
d’Asie), des étudiants, des réfugiés et des retraités. Malgré notre petit nombre, grâce<br />
<strong>à</strong> nos prêtres dévoués, aux religieux et religieuses, aux catéchistes et aux laïcs, nous<br />
offrons de nombreux services <strong>à</strong> la population de l’île. Nos quatre paroisses, trois<br />
confiées aux Franciscains et une au Patriarcat latin, sont des centres de culte et de<br />
vie communautaire dynamiques. Nos écoles, dirigée <strong>à</strong> Nicosie par les Franciscains<br />
et <strong>à</strong> Limassol par les Franciscaines Missionnaires du Sacré-Cœur, sont ouvertes <strong>à</strong><br />
tous et assurent un niveau élevé d’éducation. Ces dernières tiennent également un<br />
foyer pour personnes infirmes <strong>à</strong> Larnaca. En outre, il existe des centres de soutien<br />
pour les travailleurs étrangers et réfugiés, tenus avec grand dévouement par nos<br />
sœurs de Saint-Joseph de l’Apparition <strong>à</strong> Nicosie, et par la paroisse franciscaine <strong>à</strong><br />
Limassol. Et ces jours, nous mettons la touche finale <strong>à</strong> un hôpital de soins palliatifs<br />
<strong>à</strong> Paphos. Sans oublier de mentionner les débuts d’une communauté monastique,<br />
celle des Sœurs de Bethléem.
Du 4 au 6 juin 2010 57<br />
La communauté catholique latine, dans toutes ses composantes, est ici<br />
aujourd’hui devant vous, Saint-Père : notre vicaire le P. Umberto Barato, les<br />
prêtres, les religieux et religieuses, les contemplatifs, les membres des différents<br />
mouvements ecclésiaux, les catholiques locaux, ainsi que les représentants de<br />
nombreuses communautés étrangères. Tout cela constitue la riche diversité et le<br />
dynamisme de l’Eglise catholique latine de <strong>Chypre</strong>, de plus en plus composite. Pour<br />
elle nous demandons votre bénédiction et votre soutien.<br />
Nous, catholiques, attendons également avec beaucoup d’impatience et<br />
d’espoir la réunion du Synode de l’Eglise catholique au Moyen-Orient. Demain, <strong>à</strong><br />
la Messe, vous nous remettrez l’Instrumentum Laboris, document qui guidera notre<br />
travail synodal. Saint-Père, nous vous remercions encore pour votre sollicitude<br />
paternelle envers les chrétiens de ces terres, si chers au Seigneur, qui ont été ses<br />
témoins depuis l’aube de notre foi.<br />
C’est en intense prière que nous passons ces quelques jours avec vous, afin<br />
que votre mission au service de l’unité et de la réconciliation porte beaucoup de<br />
fruit. Que cet appel <strong>à</strong> la réconciliation et au pardon, <strong>à</strong> la justice et <strong>à</strong> la paix pour<br />
tous les peuples – et en particulier les peuples de Terre Sainte qui vivent encore sans<br />
liberté –, que cet appel lancé <strong>à</strong> nouveau, cette fois-ci en provenance de <strong>Chypre</strong>, soit<br />
entendu ! Que Dieu vous bénisse et vous protège dans toutes vos rencontres, et que<br />
l’Eglise de <strong>Chypre</strong>, ainsi que tous les habitants de cette île magnifique, puisse tirer<br />
d’abondants bénéfices de votre visite.<br />
† Fouad Twal, Patriarche
58<br />
<strong>Le</strong> <strong>pape</strong> <strong>Benoît</strong> <strong>XVI</strong> <strong>à</strong> <strong>Chypre</strong><br />
« En embrassant la Croix qui leur est tendue, les<br />
prêtres et les religieux du Moyen-Orient peuvent<br />
vraiment faire rayonner l’espérance ».<br />
« <strong>Le</strong> monde a besoin de la Croix ».<br />
Homélie du Saint-Père<br />
lors de la messe avec les prêtres, diacres, religieux et religieuses, et<br />
représentants des mouvements ecclésiaux de <strong>Chypre</strong> ; église paroissiale<br />
latine de Sainte-Croix, Nicosie, Samedi 5 juin 2010<br />
Chers frères et sœurs dans le Christ,<br />
<strong>Le</strong> Fils de l’Homme doit être élevé, pour que quiconque croit en lui ait la vie<br />
éternelle (cf. Jn 3, 14-15). Pendant cette messe votive, nous adorons et nous prions<br />
notre Seigneur Jésus-Christ parce que, par sa Sainte Croix, il a racheté le monde.<br />
Par sa mort et sa résurrection, il a ouvert les portes du ciel et il a préparé une place<br />
pour nous afin que nous, ses disciples, nous puissions avoir part <strong>à</strong> sa gloire.<br />
Dans la joie de la victoire du Christ sauveur, je vous salue vous tous qui<br />
êtes ici rassemblés dans l’église de la Sainte Croix, et je vous remercie de votre<br />
présence. J’ai beaucoup apprécié la chaleur de l’accueil que vous m’avez réservé. Je<br />
suis particulièrement reconnaissant <strong>à</strong> Sa Béatitude le Patriarche latin de Jérusalem<br />
pour ses paroles de bienvenue au début de la messe et pour la présence du Frère<br />
Custode de Terre Sainte. Ici <strong>à</strong> <strong>Chypre</strong>, terre qui fut la première escale dans les<br />
voyages missionnaires de saint Paul autour de la Méditerranée, je viens parmi vous<br />
aujourd’hui, en mettant mes pas dans ceux du grand Apôtre, pour vous affermir<br />
dans votre foi chrétienne et pour prêcher l’Évangile qui a donné vie et espérance au<br />
monde.<br />
Au cœur de notre célébration d’aujourd’hui, se trouve la Croix du Christ.<br />
Beaucoup pourraient être tentés de demander pourquoi nous, qui sommes chrétiens,<br />
célébrons un instrument de torture, un signe de souffrance, de défaite et d’échec. Il<br />
est vrai que la Croix exprime tout cela. Et cependant, parce que le Christ a été élevé<br />
sur la Croix pour notre salut, elle représente aussi le triomphe définitif de l’amour<br />
de Dieu sur toutes les formes du mal dans le monde.
Du 4 au 6 juin 2010 59<br />
Selon une ancienne tradition le bois de la Croix viendrait d’un arbre planté<br />
par Seth, le fils d’Adam, sur le lieu où Adam avait été enterré. En cet endroit précis,<br />
connu sous le nom de Golgotha, le lieu du crâne, Seth planta une graine provenant<br />
de l’arbre de la connaissance du bien et du mal, l’arbre qui se trouvait au milieu<br />
du jardin d’Eden. Grâce <strong>à</strong> la Providence divine, l’œuvre du Malin aurait ainsi été<br />
défaite en retournant contre lui ses propres armes.<br />
Séduit par le serpent, Adam avait abandonné sa confiance filiale en Dieu et il<br />
avait péché en mangeant du fruit de l’unique arbre du jardin qui lui était interdit. En<br />
raison de ce péché, la souffrance et la mort sont entrées dans le monde. <strong>Le</strong>s effets<br />
tragiques du péché, la souffrance et la mort, sont trop évidents dans l’histoire de la<br />
descendance d’Adam. Nous le voyons dans la première lecture de ce jour, qui fait<br />
écho <strong>à</strong> la Chute et aux annonces de la rédemption par le Christ.<br />
Comme un châtiment pour leur péché, des membres du peuple d’Israël,<br />
languissant dans le désert, furent mordus par des serpents et ne purent être sauvés de<br />
la mort qu’en regardant le signe que Moïse éleva, préfigurant la Croix qui mettrait<br />
fin au péché et <strong>à</strong> la mort une fois pour toutes. Nous voyons clairement que l’homme<br />
ne peut se sauver lui-même des conséquences de son péché. Il ne peut se sauver luimême<br />
de la mort. Dieu seul peut le libérer de son esclavage physique et moral. Et<br />
parce qu’il a tant aimé le monde, il a envoyé son Fils unique, non pour condamner<br />
le monde – comme la justice semblait le commander – mais pour que, par Lui, le
60<br />
<strong>Le</strong> <strong>pape</strong> <strong>Benoît</strong> <strong>XVI</strong> <strong>à</strong> <strong>Chypre</strong><br />
monde soit sauvé. <strong>Le</strong> Fils unique de Dieu a dû être élevé, tout comme Moïse avait<br />
élevé le serpent dans le désert, pour que tous ceux qui le regarderaient avec foi<br />
puissent avoir la vie.<br />
<strong>Le</strong> bois de la Croix est devenu le moyen de notre rédemption, tout comme<br />
l’arbre duquel elle a été tirée a entraîné la Chute de nos premiers parents. La<br />
souffrance et la mort, qui ont été la conséquence du péché, sont devenues les moyens<br />
mêmes par lesquels le péché a été vaincu. L’agneau innocent fut immolé sur l’autel<br />
de la Croix, et une vie nouvelle a jailli alors de l’immolation de la victime: le<br />
pouvoir du mal était détruit par le pouvoir de l’amour qui s’offre en sacrifice.<br />
La Croix est donc quelque chose de beaucoup plus grand et plus mystérieux<br />
qu’elle ne l’apparait au premier abord. C’est en effet un instrument de torture, de<br />
souffrance et d’échec mais, en même temps, elle exprime la complète transformation,<br />
le renversement définitif de ces afflictions : c’est ce qui en fait le symbole d’espérance<br />
le plus éloquent que le monde ait jamais vu. Elle parle <strong>à</strong> tous ceux qui souffrent –<br />
les opprimés, les malades, les pauvres, les parias, les victimes de la violence – et<br />
elle leur offre l’espérance que Dieu peut transformer leur souffrance en joie, leur<br />
solitude en communion, leur mort en vie. Elle offre une espérance sans limite <strong>à</strong><br />
notre monde déchu.<br />
C’est pourquoi le monde a besoin de la Croix. La Croix n’est pas uniquement<br />
un symbole privé de dévotion. Elle n’est pas seulement l’insigne des membres d’un
Du 4 au 6 juin 2010 61<br />
groupe particulier au sein de la société, et, en son sens le plus profond, elle n’a rien<br />
<strong>à</strong> voir avec l’imposition par la force d’un credo ou d’une philosophie. La Croix<br />
parle d’espérance, elle parle d’amour, elle parle de la victoire de la non-violence sur<br />
l’oppression. Elle dit que Dieu relève celui qui est humble, qu’il fortifie le faible,<br />
qu’il triomphe des divisions et surmonte la haine par l’amour. Un monde sans la<br />
Croix serait un monde sans espérance, un monde dans lequel la torture et la brutalité<br />
seraient sans contrôle, où la faiblesse serait exploitée et l’avidité aurait le dernier<br />
mot. L’inhumanité de l’homme pour l’homme se manifesterait de façon toujours<br />
plus horrible, et il n’y aurait aucune fin au cycle vicieux de la violence. Seule la Croix<br />
y met fin. Alors qu’aucun pouvoir terrestre ne peut nous sauver des conséquences<br />
de nos péchés, et qu’aucun pouvoir terrestre ne peut vaincre l’injustice <strong>à</strong> sa source,<br />
l’intervention salvatrice de notre Dieu d’amour a pourtant transformé la réalité du<br />
péché et de la mort en leur contraire. C’est ce que nous célébrons quand nous nous<br />
glorifions dans la Croix de notre Rédempteur. C’est ce que fait, <strong>à</strong> juste titre, saint<br />
André de Crête en décrivant la croix comme «le meilleur et le plus magnifique de<br />
tous les biens; car c’est en lui, par lui et pour lui que tout l’essentiel de notre salut<br />
consiste et a été restauré pour nous» (Oratio X; PG 97, 1018-1019; trad. Liturgie<br />
des Heures, Office des lectures, 14 septembre).<br />
Chers frères prêtres, chers religieux, chers catéchistes, le message de la Croix<br />
nous a été confié, afin que nous puissions offrir l’espérance au monde. Quand nous<br />
proclamons le Christ crucifié, c’est Lui que nous annonçons et non nous-mêmes.<br />
Nous n’offrons pas notre sagesse au monde, ni ne revendiquons un mérite quelconque<br />
de notre part, mais nous agissons comme des canaux de sa sagesse, de son amour<br />
et de ses mérites salvateurs. Nous savons que nous sommes simplement des vases<br />
d’argile, cependant, étonnamment, nous avons été choisis pour être les hérauts de<br />
la vérité qui sauve et que le monde a besoin d’entendre. Ne cessons jamais de nous<br />
émerveiller de la grâce extraordinaire qui nous a été faite. Ne cessons jamais de<br />
reconnaître notre indignité. Mais, en même temps efforçons-nous de devenir moins<br />
indignes de notre noble appel, de peur que par nos fautes et nos manquements nous<br />
n’affaiblissions la crédibilité de notre témoignage.<br />
En cette Année sacerdotale, permettez-moi de m’adresser en particulier aux<br />
prêtres présents aujourd’hui, et <strong>à</strong> ceux qui se préparent <strong>à</strong> l’ordination. Méditez sur les<br />
mots qui sont adressés au prêtre nouvellement ordonné quand l’évêque lui présente<br />
le calice et la patène : «Comprenez ce que vous faites, imitez ce que vous célébrez, et<br />
conformez votre vie au mystère de la Croix du Seigneur». Quand nous proclamons la<br />
Croix du Christ, efforçons-nous toujours d’imiter l’amour désintéressé de celui qui<br />
s’est offert pour nous sur l’autel de la Croix, de celui qui est <strong>à</strong> la fois prêtre et victime,<br />
de celui en la personne de qui nous parlons et nous agissons lorsque nous exerçons<br />
le ministère que nous avons reçu. Quand nous réfléchissons, individuellement ou
62<br />
<strong>Le</strong> <strong>pape</strong> <strong>Benoît</strong> <strong>XVI</strong> <strong>à</strong> <strong>Chypre</strong><br />
collectivement, sur nos défauts, nous reconnaissons humblement que nous avons<br />
mérité le châtiment que Lui, l’Agneau innocent, a souffert <strong>à</strong> notre place. Et si, selon<br />
ce que nous avons mérité, nous avons part aux souffrances du Christ, réjouissonsnous<br />
car nous jouirons d’une plus grande félicité quand sa gloire se révélera.<br />
J’ai particulièrement conscience, dans mes pensées et dans mes prières, que<br />
beaucoup de prêtres et de religieux au Moyen-Orient font actuellement l’expérience<br />
d’un appel particulier <strong>à</strong> conformer leurs vies au mystère de la Croix du Seigneur.<br />
L<strong>à</strong> où les chrétiens sont une minorité, l<strong>à</strong> où ils souffrent l’épreuve en raison de<br />
tensions ethniques et religieuses, de nombreuses familles prennent la décision de<br />
partir, et il peut être tentant pour leurs pasteurs de faire de même. Néanmoins,<br />
dans des situations de cette nature, un prêtre, une communauté religieuse, une<br />
paroisse qui reste ferme et qui continue <strong>à</strong> rendre témoignage au Christ est un signe<br />
extraordinaire d’espérance, non seulement pour les chrétiens mais aussi pour tous<br />
ceux qui vivent dans la région. <strong>Le</strong>ur seule présence est une expression éloquente de
Du 4 au 6 juin 2010 63<br />
l’Évangile de la paix, de la détermination du Bon Pasteur de prendre soin de tout le<br />
troupeau, de l’engagement inébranlable de l’Eglise au dialogue, <strong>à</strong> la réconciliation<br />
et <strong>à</strong> la reconnaissance bienveillante de l’autre. En embrassant la Croix qui leur est<br />
tendue, les prêtres et les religieux du Moyen-Orient peuvent vraiment faire rayonner<br />
l’espérance qui est au cœur du mystère que nous célébrons dans la liturgie de ce<br />
jour.<br />
Prenons tous courage avec les paroles de la deuxième lecture du jour, qui<br />
parlent si magnifiquement du triomphe qui a été réservé au Christ après sa mort sur<br />
la Croix, un triomphe auquel nous sommes invités <strong>à</strong> prendre part. «C’est pourquoi<br />
Dieu l’a élevé au-dessus de tout ; il lui a conféré le Nom qui surpasse tous les noms,<br />
afin qu’au nom de Jésus, aux cieux, sur terre et dans l’abîme, tout être vivant tombe<br />
<strong>à</strong> genoux» (Ph 2, 9-10).<br />
Ναι αγαπητές εν Χριστώ αδελφές και αγαπητοί αδελφοί, εμάς δε μή γένοιτο<br />
καυχάσθαι ει μή εν τώ σταυρώ του Κυρίου ημών Ιησού Χριστού (cf. Ga 6, 14).<br />
Αυτος ειναι η σωτηρία, η ζωή και η ανάστασις. Δια μέσου αυτου εσωθήκαμε και<br />
ελευθερωθήκαμε (Oui, chers frères et sœurs dans le Christ, que la croix de notre<br />
Seigneur Jésus-Christ reste notre seul orgueil (cf. Ga 6, 14). Il est notre vie, notre<br />
salut et notre résurrection ; par lui, nous avons été sauvés et rendus libres.)<br />
† <strong>Benoît</strong> <strong>XVI</strong>
64<br />
Message<br />
du Pape <strong>Benoît</strong> <strong>XVI</strong> <strong>à</strong> <strong>Chypre</strong><br />
<strong>Le</strong> <strong>pape</strong> <strong>Benoît</strong> <strong>XVI</strong> <strong>à</strong> <strong>Chypre</strong><br />
(1)<br />
Rôle du Saint-Siège<br />
dans la situation politique du Moyen-Orient<br />
Père Federico Lombardi : Vous vous rendez au Moyen-Orient peu de temps après<br />
l’attaque israélienne contre la flottille devant Gaza, qui a aggravé les tensions<br />
autour du processus de paix déj<strong>à</strong> difficile. De quelle façon pensez-vous que le Saint-<br />
Siège puisse contribuer <strong>à</strong> surmonter ce moment difficile pour le Moyen-Orient ?<br />
Saint-Père : Je dirais que nous contribuons surtout de façon religieuse. Nous<br />
pouvons également aider <strong>à</strong> travers les conseils politiques et stratégiques, mais le<br />
travail essentiel du Vatican est toujours d’ordre religieux, touche le cœur. Avec tous<br />
les épisodes que nous vivons, il y a toujours le danger que l’on perde patience, que<br />
l’on dise «maintenant cela suffit», et que l’on ne veuille plus rechercher la paix.<br />
Et ici me vient <strong>à</strong> l’esprit, en cette Année sacerdotale, une belle histoire du curé<br />
d’Ars. Aux personnes qui lui disaient : «Il ne sert <strong>à</strong> rien que j’aille <strong>à</strong> la confession<br />
et <strong>à</strong> l’absolution aujourd’hui, car après-demain, je suis certain de retomber dans<br />
les mêmes péchés», le curé d’Ars répondait : «cela ne fait rien, le Seigneur oublie<br />
volontairement qu’après-demain, tu commettras les mêmes péchés, il te pardonne<br />
<strong>à</strong> présent complètement, il sera patient et continuera de t’aider, et d’aller <strong>à</strong> ta<br />
rencontre.» Ainsi, nous devons en quelque sort imiter Dieu et sa patience. Après<br />
tous les cas de violence, ne pas perdre patience, ne pas perdre courage, ne pas perdre<br />
la générosité de recommencer ; créer cette disposition du cœur de recommencer<br />
toujours <strong>à</strong> nouveau, dans la certitude que nous pouvons aller de l’avant, que nous<br />
pouvons parvenir <strong>à</strong> la paix, que la solution n’est pas la violence, mais la patience<br />
du bien. Créer cette disposition me semble le travail principal que le Vatican, ses<br />
organes et le Pape puissent faire.<br />
Avec les journalistes au cours du vol vers <strong>Chypre</strong>,<br />
vendredi 4 juin
Du 4 au 6 juin 2010 65<br />
(2)<br />
Sur la situation politique de l’île<br />
Je délivre ce message de manière particulière aux fidèles présents comme <strong>à</strong> ceux qui<br />
viennent de Kormakiti, Asomatos, Karpash et Agia Marina. Je connais vos attentes<br />
et vos souffrances, et je vous demande de porter ma bénédiction <strong>à</strong> vos proches,<br />
et mon affection aux habitants de vos villages où les Chrétiens sont un peuple<br />
d’espérance. Pour ma part, j’espère ardemment et je prie afin qu’une vie meilleure<br />
soit rapidement assurée <strong>à</strong> l’ensemble des habitants de l’île par l’engagement et par<br />
la bonne volonté de ceux qui sont concernés.<br />
A la communauté catholique de <strong>Chypre</strong>, Nicosie,<br />
samedi 5 juin<br />
Je vous rejoins maintenant dans la prière pour qu’avec l’aide de Dieu, tous les<br />
habitants de <strong>Chypre</strong> aient la sagesse et la force nécessaires pour travailler ensemble<br />
<strong>à</strong> un juste règlement des problèmes restés jusque l<strong>à</strong> sans solution, pour rechercher la<br />
paix et la réconciliation, et pour construire <strong>à</strong> l’intention des générations futures une<br />
société caractérisée par le respect des droits de tous, y compris les droits inaliénables<br />
<strong>à</strong> la liberté de conscience et de culte.<br />
A S.B. Chrysostomos II, archevêché orthodoxe de Nicosie,<br />
samedi 5 juin<br />
Monsieur le Président, […] ayant passé les dernières nuits dans la Nonciature<br />
Apostolique, qui se trouve dans la zone tampon sous le contrôle des Nations unies,<br />
j’ai vu de mes propres yeux quelque chose de la triste division de l’île, et je me<br />
suis rendu compte de la perte d’une partie significative d’un héritage culturel qui<br />
appartient <strong>à</strong> toute l’humanité. J’ai également pu entendre les Chypriotes du nord<br />
qui souhaitent retourner en paix dans leurs maisons et leurs lieux de culte, et j’ai été<br />
profondément touché par leurs requêtes. Qu’il me soit permis de vous encourager,<br />
ainsi que vos concitoyens, <strong>à</strong> travailler patiemment avec vos voisins <strong>à</strong> l’édification<br />
d’un avenir meilleur et plus assuré pour tous vos enfants. Faisant ainsi, soyez assuré<br />
de mes prières pour la paix de <strong>Chypre</strong> entière.<br />
Discours d’adieu <strong>à</strong> l’Aéroport International de Larnaca,<br />
dimanche 6 juin
66<br />
(3)<br />
Place prédominante de <strong>Chypre</strong><br />
dans l’histoire de la chrétienté<br />
<strong>Le</strong> <strong>pape</strong> <strong>Benoît</strong> <strong>XVI</strong> <strong>à</strong> <strong>Chypre</strong><br />
C’est vraiment une grâce extraordinaire pour nous de nous trouver ensemble<br />
en prière dans cette église d’Agia Kyriakis Chrysopolitissa. Nous venons<br />
d’entendre la lecture des Actes des Apôtres qui nous rappelle que <strong>Chypre</strong> a été<br />
la première étape des voyages missionnaires de l’Apôtre Paul (cf. Ac 12, 1-4).<br />
Mis <strong>à</strong> part par l’Esprit Saint, Paul ainsi que Barnabé, natif de <strong>Chypre</strong>, et Marc,<br />
le futur Évangéliste, arrivèrent les premiers <strong>à</strong> Salamine (de <strong>Chypre</strong>), où ils<br />
commencèrent <strong>à</strong> proclamer la Parole de Dieu dans les synagogues. Après avoir<br />
traversé l’île, ils arrivèrent <strong>à</strong> Paphos où tout près de cet endroit, ils prêchèrent en<br />
présence du proconsul romain Sergius Paulus. Ainsi, c’est <strong>à</strong> partir de ce lieu que<br />
le message de l’Évangile commença <strong>à</strong> se répandre <strong>à</strong> travers l’Empire, et l’Eglise,<br />
encouragée par la prédication des Apôtres, parvint <strong>à</strong> s’enraciner dans le monde<br />
alors connu. […]<br />
L’Eglise <strong>à</strong> <strong>Chypre</strong> peut justement être fière de ses liens directs avec la prédication de<br />
Paul, Barnabé et Marc, et de sa communion dans la foi apostolique, une communion<br />
qui l’unit <strong>à</strong> toutes les Eglises qui conservent cette même règle de foi.<br />
(4)<br />
<strong>Le</strong> Saint-Père aux Chypriotes<br />
a) aux fidèles de <strong>Chypre</strong><br />
Célébration œcuménique <strong>à</strong> Paphos,<br />
vendredi 4 juin<br />
Chers fidèles catholiques de l’Eglise de <strong>Chypre</strong>, fortifiez votre entente dans la<br />
communion de l’Eglise universelle et avec le Successeur de Pierre, et faites grandir<br />
vos liens fraternels les uns avec les autres dans la foi, l’espérance et l’amour. […]<br />
En cette occasion historique de la première visite de l’Évêque de Rome <strong>à</strong> <strong>Chypre</strong>, je<br />
viens vous confirmer dans votre foi en Jésus-Christ et vous encourager <strong>à</strong> demeurer
Du 4 au 6 juin 2010 67<br />
un seul cœur et une seule âme dans la fidélité <strong>à</strong> la tradition apostolique (cf. Ac 4,<br />
32). En tant que Successeur de Pierre, je suis parmi vous aujourd’hui pour vous<br />
apporter l’assurance de mon soutien, de mes prières pleines d’affection et de mes<br />
encouragements. […]<br />
Nous venons <strong>à</strong> l’instant d’entendre, dans l’Évangile de Jean, que certains grecs, qui<br />
avaient appris les grandes œuvres que Jésus accomplissait, se sont approchés de<br />
l’Apôtre Philippe et lui ont dit : «Nous voudrions voir Jésus» (Jn 12, 21). Ces mots<br />
nous touchent tous profondément. Comme les hommes et les femmes de l’Évangile,<br />
nous souhaitons voir Jésus, le connaître, l’aimer et le servir, d’ «un seul cœur et<br />
d’une seule âme». […]<br />
Vous aussi, qui suivez le Christ aujourd’hui, vous êtes appelés <strong>à</strong> vivre votre foi<br />
dans le monde en ajoutant votre voix et votre action pour promouvoir les valeurs<br />
de l’Évangile qui vous ont été transmises par des générations de Chrétiens<br />
chypriotes. Que ces valeurs, profondément enracinées dans votre culture comme<br />
dans le patrimoine de l’Eglise universelle, continuent <strong>à</strong> inspirer vos efforts pour<br />
promouvoir la paix, la justice et le respect de la vie humaine et de la dignité de vos<br />
concitoyens. En ce sens, votre fidélité <strong>à</strong> l’Évangile sera sûrement bénéfique <strong>à</strong> toute<br />
la société chypriote. […]<br />
Par ces quelques mots, je vous confie tous <strong>à</strong> la protection de la Bienheureuse Vierge<br />
Marie et <strong>à</strong> l’intercession des saints Paul et Barnabé.<br />
Ο Θεος ας σας ευλογήση όλους ! (Que Dieu vous bénisse tous !)<br />
b) aux immigrés<br />
A la communauté catholique de <strong>Chypre</strong>, Nicosie,<br />
samedi 5 juin<br />
Je voudrais étendre mes salutations aux Philippins, aux Srilankais et aux autres<br />
communautés émigrées qui constituent un groupe significatif au sein de la population<br />
catholique de cette île. Je prie afin que votre présence en ces lieux enrichisse la vie<br />
et la mission des paroisses auxquelles vous appartenez, et qu’en retour vous tiriez<br />
beaucoup de nourriture spirituelle de l’héritage chrétien antique de cette terre dont<br />
vous avez fait votre nouvelle demeure.<br />
Au Palais du Sport Elefteria de Nicosie,<br />
dimanche 6 juin
68<br />
c) aux maronites<br />
<strong>Le</strong> <strong>pape</strong> <strong>Benoît</strong> <strong>XVI</strong> <strong>à</strong> <strong>Chypre</strong><br />
En visitant cet édifice, j’effectue dans mon cœur comme un pèlerinage spirituel<br />
dans chaque Eglise maronite de l’île. Soyez assurés qu’animé d’un souci paternel,<br />
je suis proche de tous les fidèles de ces communautés antiques.<br />
Cette église-cathédrale symbolise d’une certaine manière la longue et riche –<br />
et parfois turbulente – histoire de la communauté maronite <strong>à</strong> <strong>Chypre</strong>. <strong>Le</strong>s Maronites<br />
arrivèrent sur ces côtes <strong>à</strong> différents moments au cours des siècles et ils furent<br />
souvent mis <strong>à</strong> la contrainte en raison de leur fidélité <strong>à</strong> leur héritage chrétien propre.<br />
Néanmoins, bien que leur foi ait été éprouvée comme l’or au creuset (cf. 1 P 1, 7),<br />
ils demeurèrent constants dans la foi de leurs pères, une foi qui a maintenant été<br />
remise entre vos mains, Maronites chypriotes d’aujourd’hui. Je vous encourage <strong>à</strong><br />
conserver comme un trésor ce grand héritage, ce don précieux. […]<br />
(prononcé en grec) Je prie pour que votre Eglise, en union avec l’ensemble de vos<br />
Pasteurs et avec l’Évêque de Rome, puisse grandir dans la sainteté, dans la fidélité<br />
<strong>à</strong> l’Évangile et dans l’amour pour le Seigneur et les uns pour les autres.<br />
Vous confiant ainsi que vos familles, et d’une façon particulière vos enfants, <strong>à</strong><br />
l’intercession de saint Maroun, je vous accorde de grand cœur <strong>à</strong> tous la Bénédiction<br />
apostolique.<br />
Visite <strong>à</strong> la cathédrale maronite, Nicosie,<br />
dimanche 6 juin<br />
d) aux jeunes<br />
(en grec) Je m’adresse maintenant particulièrement <strong>à</strong> vous, chers jeunes catholiques<br />
de <strong>Chypre</strong>. Soyez forts dans la foi, joyeux dans le service de Dieu et généreux de<br />
votre temps et de vos dons ! Participez <strong>à</strong> la construction d’un avenir meilleur pour<br />
l’Eglise et votre pays en plaçant le bien des autres avant votre propre bien.<br />
Célébration œcuménique <strong>à</strong> Paphos,<br />
vendredi 4 juin<br />
e) appel aux vocations<br />
Eu égard aux besoins immédiats de l’Eglise, je vous encourage <strong>à</strong> prier et <strong>à</strong> favoriser<br />
les vocations <strong>à</strong> la prêtrise et <strong>à</strong> la vie religieuse. Alors que l’Année sacerdotale<br />
s’achève, l’Eglise a acquis une conscience renouvelée du besoin de prêtres bons,<br />
saints et bien formés. Elle a besoin d’hommes et de femmes religieux totalement<br />
donnés au Christ et <strong>à</strong> l’extension du Royaume de Dieu sur la terre. Notre Seigneur
Du 4 au 6 juin 2010 69<br />
a promis que ceux qui, <strong>à</strong> son exemple, se détacheraient de leur vie la garderaient<br />
pour la vie éternelle (cf. Jn 12, 25). Je demande aux parents de mesurer la promesse<br />
et d’encourager leurs enfants <strong>à</strong> répondre généreusement <strong>à</strong> l’appel du Seigneur. Je<br />
presse les pasteurs d’être attentifs aux jeunes, <strong>à</strong> leurs besoins et <strong>à</strong> leurs aspirations,<br />
et de les éduquer dans la plénitude de la foi.<br />
Célébration œcuménique <strong>à</strong> Paphos,<br />
vendredi 4 juin<br />
(5)<br />
La mission des chypriotes<br />
a) mission des chypriotes au service de l’unité<br />
Chers frères et sœurs, étant données ces circonstances uniques, j’aimerais aussi<br />
attirer votre attention sur une part essentielle de la vie et de la mission de votre<br />
Eglise, <strong>à</strong> savoir la recherche d’une plus grande unité dans la charité avec les autres<br />
chrétiens et du dialogue avec ceux qui ne sont pas chrétiens. Particulièrement<br />
depuis le Concile Vatican II, l’Eglise s’est engagée <strong>à</strong> avancer sur le chemin d’une<br />
compréhension plus profonde avec nos frères chrétiens dans le but de créer des<br />
liens d’amour et de compagnonnage toujours plus forts entre tous les baptisés. Étant<br />
donnée votre situation, vous êtes capables d’apporter votre contribution personnelle<br />
<strong>à</strong> la réalisation d’une plus grande unité chrétienne dans votre vie quotidienne.<br />
Laissez-moi vous encourager <strong>à</strong> agir ainsi, certain que l’Esprit du Seigneur, qui a<br />
prié pour que ses disciples soient un (cf. Jn 17, 21), vous accompagnera dans cette<br />
tâche importante.<br />
Célébration œcuménique <strong>à</strong> Paphos,<br />
vendredi 4 juin<br />
<strong>Chypre</strong> est traditionnellement considérée comme une partie de la Terre Sainte, et la<br />
situation de conflit permanent au Moyen-Orient doit préoccuper tous les disciples<br />
du Christ. Personne ne peut rester indifférent aux multiples besoins des chrétiens<br />
de cette région en conflit, afin que ces anciennes Eglises puissent vivre dans la paix<br />
et dans la prospérité. <strong>Le</strong>s communautés chrétiennes de <strong>Chypre</strong> peuvent devenir un<br />
espace très propice <strong>à</strong> la coopération œcuménique, par sa prière et son engagement<br />
solidaire pour la paix, la réconciliation et la stabilité de ces régions bénies par la<br />
présence du Prince de la Paix au cours de sa vie terrestre.<br />
A S.B. Chrysostomos II, archevêché orthodoxe de Nicosie,<br />
samedi 5 juin
70<br />
b) mission des chypriotes au service de la paix<br />
et du dialogue interreligieux<br />
<strong>Le</strong> <strong>pape</strong> <strong>Benoît</strong> <strong>XVI</strong> <strong>à</strong> <strong>Chypre</strong><br />
En ce qui concerne le dialogue interreligieux, beaucoup reste encore <strong>à</strong> faire dans<br />
le monde. C’est l<strong>à</strong> un autre domaine dans lequel vivent souvent les Catholiques de<br />
<strong>Chypre</strong>. Dans ces situations, il leur est offert des opportunités pour une action juste<br />
et prudente. Ce n’est que par un patient travail que la confiance mutuelle peut être<br />
bâtie, le fardeau de l’histoire dépassé, et les différences politiques et culturelles<br />
entre les peuples devenir une raison pour travailler <strong>à</strong> une compréhension plus<br />
profonde. Je vous encourage <strong>à</strong> favoriser la création d’une telle confiance mutuelle<br />
entre chrétiens et non-chrétiens, comme une base pour fonder une paix durable et<br />
une entente harmonieuse entre les personnes appartenant <strong>à</strong> des religions, <strong>à</strong> des aires<br />
politiques et <strong>à</strong> origines culturelles différentes.<br />
Célébration œcuménique <strong>à</strong> Paphos,<br />
vendredi 4 juin<br />
Redoublons nos efforts pour construire une paix réelle et durable pour tous les<br />
peuples de la région. Dans cet objectif général, <strong>Chypre</strong> peut jouer un rôle particulier<br />
dans la promotion du dialogue et de la coopération. En œuvrant patiemment pour la<br />
paix sur votre sol et pour la prospérité de vos voisins, vous serez alors bien placés<br />
pour écouter et comprendre tous les aspects des nombreuses questions dans leur<br />
complexité, afin d’aider les peuples <strong>à</strong> atteindre une plus grande compréhension<br />
mutuelle.[…]<br />
Qu’il me soit permis d’exprimer encore mon espérance et mon vœu sincère<br />
que les Chrétiens et les Musulmans deviennent un levain pour la paix et pour la<br />
réconciliation parmi les Chypriotes, et servent ainsi d’exemple pour les autres<br />
pays.<br />
Discours d’adieu <strong>à</strong> l’Aéroport International de Larnaca,<br />
dimanche 6 juin<br />
(6)<br />
Unité des chrétiens, œcuménisme<br />
Père Federico Lombardi : Votre Sainteté, le dialogue avec les orthodoxes a<br />
accompli de nombreux progrès du point de vue culturel, spirituel, et de la vie. A<br />
l’occasion du récent concert qui vous a été offert par le Patriarche de Moscou, l’on<br />
a ressenti une profonde harmonie entre orthodoxes et catholiques face aux défis
Du 4 au 6 juin 2010 71<br />
lancés au christianisme en Europe par la sécularisation. Quelle est votre position<br />
sur le dialogue, notamment du point de vue plus spécifiquement théologique ?<br />
Saint-Père : Je voudrais avant tout souligner les grands progrès que nous avons<br />
accomplis dans le témoignage commun des valeurs chrétiennes dans le monde<br />
sécularisé. Il ne s’agit pas uniquement d’une coalition - disons - morale, politique,<br />
mais il s’agit véritablement de quelque chose de profondément lié <strong>à</strong> la foi, car les<br />
valeurs fondamentales pour lesquelles nous vivons dans ce monde sécularisé ne sont<br />
pas des moralismes, mais sont la physionomie fondamentale de la foi chrétienne.<br />
Lorsque nous sommes capables ensemble de témoigner de ces valeurs, de nous<br />
engager dans le dialogue, dans le débat de ce monde, dans le débat pour vivre ces<br />
valeurs, nous apportons déj<strong>à</strong> un témoignage fondamental d’une unité très profonde<br />
de la foi.<br />
Naturellement, il existe également de nombreux problèmes théologiques,<br />
mais ici aussi, les éléments d’unité sont forts. Je voudrais indiquer trois éléments<br />
qui nous lient, qui nous voient toujours plus proches, qui nous rendent toujours plus<br />
proches.<br />
En premier lieu, l’Ecriture, la Bible, n’est pas un livre tombé du ciel, qui<br />
est l<strong>à</strong> <strong>à</strong> présent et que tout le monde utilise, mais c’est un livre qui a mûri dans le<br />
peuple de Dieu et qui vit dans ce sujet commun du peuple de Dieu et qui seulement<br />
en lui demeure toujours présent et réel, c’est-<strong>à</strong>-dire que la Bible ne peut pas être<br />
isolée, mais la Bible réside dans le lien entre tradition et Eglise. Cette conscience<br />
est fondamentale et appartient au fondement de l’orthodoxie et du catholicisme et<br />
nous offre une voie commune.<br />
En deuxième lieu, nous disons : la tradition, qui nous interprète, qui nous<br />
ouvre la voie <strong>à</strong> l’Ecriture, possède également une forme institutionnelle, sacrée,<br />
sacramentelle, voulue par le Seigneur, c’est-<strong>à</strong>-dire l’épiscopat ; elle possède une<br />
forme personnelle : c’est-<strong>à</strong>-dire que le collège des évêques est <strong>à</strong> la fois témoin et<br />
présence de cette tradition.<br />
Et, en troisième lieu, ce que l’on appelle la regula fidei, c’est-<strong>à</strong>-dire la<br />
confession de la foi élaborée par les anciens Conciles est la somme de ce qui se<br />
trouve dans l’Ecriture et qui ouvre la «porte» de l’interprétation.<br />
Il existe ensuite d’autres éléments : la liturgie, l’amour commun pour la<br />
Vierge nous lient profondément, et il devient toujours plus clair pour nous qu’ils<br />
représentent les fondements de la vie chrétienne. Nous devons être davantage<br />
conscients et approfondir également les détails, mais il me semble que même si<br />
les cultures différentes, les situations différentes ont suscité des malentendus et<br />
des difficultés, nous grandissons dans la conscience de l’essentiel et de l’unité
72<br />
<strong>Le</strong> <strong>pape</strong> <strong>Benoît</strong> <strong>XVI</strong> <strong>à</strong> <strong>Chypre</strong><br />
de l’essentiel. Je voudrais ajouter que, naturellement ce n’est pas la discussion<br />
théologique qui crée en soi l’unité ; il s’agit d’une dimension importante, mais<br />
toute la vie chrétienne, la connaissance réciproque, l’expérience de la fraternité,<br />
apprendre, en dépit de l’expérience du passé, cette fraternité commune, sont des<br />
processus qui exigent également une grande patience. Mais il me semble que nous<br />
sommes précisément en train d’apprendre la patience, tout comme l’amour, et avec<br />
toutes les dimensions du dialogue théologique, nous allons de l’avant, laissant au<br />
Seigneur le soin de décider du moment où il nous donnera l’unité parfaite.<br />
Avec les journalistes au cours du vol vers <strong>Chypre</strong>,<br />
vendredi 4 juin<br />
L’unité de tous les disciples du Christ est un don qui doit être imploré auprès<br />
du Père dans l’espérance qu’elle affermira le témoignage de l’Évangile dans le<br />
monde d’aujourd’hui. <strong>Le</strong> Seigneur a prié pour la sainteté et l’unité de ses disciples,<br />
précisément pour que le monde puisse croire (cf. Jn 17, 21) Il y a juste cent ans,<br />
<strong>à</strong> la Conférence Missionnaire d’Édimbourg, la conscience claire que les divisions<br />
entre Chrétiens étaient un obstacle <strong>à</strong> la diffusion de l’Évangile, a occasionné la<br />
naissance du mouvement œcuménique moderne. Aujourd’hui, nous pouvons être<br />
reconnaissants <strong>à</strong> l’égard du Seigneur, qui <strong>à</strong> travers son Esprit, nous a amenés,<br />
spécialement ces dernières décennies, <strong>à</strong> redécouvrir le riche héritage apostolique<br />
qui est commun <strong>à</strong> l’Est et <strong>à</strong> l’Ouest, et, <strong>à</strong> travers un dialogue patient et sincère,<br />
<strong>à</strong> trouver les chemins pour nous rapprocher les uns des autres, en surmontant les<br />
controverses passées, et en aspirant <strong>à</strong> un avenir meilleur.<br />
Célébration œcuménique <strong>à</strong> Paphos,<br />
vendredi 4 juin<br />
Notre culte spirituel, offert en une multitude de langues, en une multitude de lieux<br />
et <strong>à</strong> travers une belle variété de liturgies, est une expression de l’unique voix du<br />
Peuple de Dieu, uni dans la prière et dans l’action de grâce envers lui, et dans la<br />
communion permanente les uns avec les autres. Cette communion <strong>à</strong> laquelle nous<br />
tenons chèrement nous pousse <strong>à</strong> porter <strong>à</strong> tout le genre humain la Bonne Nouvelle<br />
accueillie dans notre vie nouvelle dans le Christ.<br />
Visite <strong>à</strong> la cathédrale maronite, Nicosie,<br />
dimanche 6 juin<br />
Je vous suis aussi reconnaissant pour le soutien que l’Eglise de <strong>Chypre</strong>, par son<br />
ouverture et par la clarté de sa contribution, a toujours donné <strong>à</strong> la tâche du dialogue.<br />
Que l’Esprit Saint guide et raffermisse cet engagement hautement ecclésial pour<br />
la restauration d’une communion pleine et visible entre les Eglises Orientales et
Du 4 au 6 juin 2010 73<br />
Occidentales, une communion qui doit être vécue dans la fidélité <strong>à</strong> l’Évangile et <strong>à</strong> la<br />
tradition apostolique, dans le respect des traditions propres <strong>à</strong> l’Orient et <strong>à</strong> l’Occident,<br />
et dans l’ouverture <strong>à</strong> la diversité des dons par lesquels l’Esprit fait croître l’Eglise<br />
dans l’unité, la sainteté et la paix.<br />
A S.B. Chrysostomos II, archevêché orthodoxe de Nicosie,<br />
samedi 5 juin<br />
J’espère que ma visite, ici <strong>à</strong> <strong>Chypre</strong>, sera vue comme un autre pas du parcours initié<br />
avant nous <strong>à</strong> Jérusalem, par l’accolade entre le regretté Patriarche Athenagoras et<br />
mon vénéré Prédécesseur le Pape Paul VI. Ces premiers pas prophétiques nous<br />
indiquent le chemin que nous devons aussi emprunter. Nous sommes appelés par<br />
Dieu <strong>à</strong> être frères, en marchant côte <strong>à</strong> côte dans la foi, humblement devant le Dieu<br />
tout-puissant, unis par des liens indestructibles d’affection les uns pour les autres.<br />
Alors que j’invite mes frères chrétiens <strong>à</strong> poursuivre cette marche, j’aimerais les<br />
assurer que l’Eglise Catholique, avec la grâce de Dieu, poursuivra elle-même la<br />
recherche de l’unité parfaite dans la charité, <strong>à</strong> travers une valorisation toujours plus<br />
profonde de ce que les Catholiques et les Orthodoxes ont de plus cher.<br />
Discours d’adieu <strong>à</strong> l’Aéroport International de Larnaca,<br />
dimanche 6 juin<br />
✯ ✯ ✯<br />
« Tandis que nous rendons grâce pour cette rencontre et pour l’affection fraternelle<br />
qui nous unit, demandons <strong>à</strong> saint Barnabé et saint Épiphane, <strong>à</strong> saint Pierre et saint<br />
Paul, et <strong>à</strong> tous les saints de Dieu, de bénir nos communautés, de nous conserver<br />
dans la foi des Apôtres, et de guider nos pas sur le chemin de l’unité, de la charité<br />
et de la paix. »<br />
Célébration œcuménique <strong>à</strong> Paphos,<br />
vendredi 4 juin
74<br />
Dossier spécial :<br />
Remise de l’Instrumentum Laboris<br />
par le Pape <strong>Benoît</strong> <strong>XVI</strong><br />
Un petit rappel…<br />
<strong>Le</strong> <strong>pape</strong> <strong>Benoît</strong> <strong>XVI</strong> <strong>à</strong> <strong>Chypre</strong><br />
Du 8 au 15 mai 2009, le Saint-Père a effectué un fructueux voyage en<br />
Terre Sainte. Il y a rencontré les Patriarches et évêques catholiques de la<br />
région. En réponse <strong>à</strong> leurs attentes, et lors d’une rencontre avec le CPCO<br />
(Conseil des Patriarches Catholiques d’Orient), <strong>à</strong> Castel Gandolfo, le 19<br />
septembre 2009, le Pape <strong>Benoît</strong> <strong>XVI</strong> a lancé une initiative inédite : « Je<br />
saisis l’occasion pour annoncer une Assemblée Spéciale du Synode des<br />
évêques pour le Moyen-Orient que je convoque et qui se tiendra du 10<br />
au 24 octobre 2010, sur le thème “ l’Eglise catholique au Moyen-Orient :<br />
communion et témoignage : ‘La multitude de ceux qui avaient cru n’était<br />
qu’un cœur et qu’une âme’ ” (Ac 4, 32) ».<br />
En préparation de ce grand événement ecclésial, le 19 janvier 2010, Mgr<br />
Nikola Eterović, Secrétaire général du futur Synode, présentait un document<br />
intitulé les Lineamenta. Il devait servir de base de réflexion <strong>à</strong> l’épiscopat,<br />
au clergé, aux religieux, religieuses et fidèles des Eglises orientales. A partir<br />
des nombreuses réponses au questionnaire de ce document a été élaboré<br />
l’Instrumentum Laboris, texte d’une quarantaine de pages qui sera l’outil<br />
de travail de l’assise synodale. Et c’est ce document que le Pape <strong>Benoît</strong> <strong>XVI</strong><br />
a remis aux représentants de l’épiscopat du Moyen-Orient, le dimanche 6<br />
juin 2010, <strong>à</strong> Nicosie.<br />
Dans ce petit dossier spécial, nous vous proposons :<br />
– une conférence de Mgr William Shomali qui présente les enjeux de ce<br />
grand événement ecclésial ;<br />
– une petite interview du Saint-Père où il évoque ses attentes<br />
concernant le Synode puis son discours <strong>à</strong> Nicosie, lors de la remise de<br />
l’Instrumentum Laboris ;<br />
– une synthèse de ce document.
Du 4 au 6 juin 2010 75<br />
• Conférence de Mgr Shomali sur le Synode,<br />
jeudi 13 mai 2010<br />
<strong>Le</strong> jeudi 13 mai, jour de l’Ascension, 140 religieux et religieuses du diocèse<br />
patriarcal de Jérusalem se sont réunis <strong>à</strong> l’auditorium de Saint-Sauveur pour<br />
écouter une conférence de Mgr William Shomali intitulée : «<strong>Le</strong> Synode sur<br />
le Moyen-Orient dans son contexte géopolitique et pastoral». Devant une<br />
assemblée nombreuse et déj<strong>à</strong> bien impliquée dans la réflexion pré-synodale,<br />
le nouvel évêque auxiliaire nommé de Jérusalem a présenté un exposé clair<br />
et vigoureux des enjeux du Synode. La conférence a donné lieu <strong>à</strong> plusieurs<br />
interventions très fécondes de quelques participants et <strong>à</strong> un échange<br />
passionnant sur les enjeux pastoraux au sein de l’Eglise de Jérusalem.<br />
Chers frères et sœurs,<br />
Merci d’avoir organisé cette conférence pour mieux vous préparer au prochain<br />
Synode sur le Moyen-Orient. <strong>Le</strong> Synode s’adresse <strong>à</strong> vous aussi. Vous l’avez compris<br />
et vous avez répondu aux questions des Lineamenta avec beaucoup d’application.<br />
Vous serez <strong>à</strong> coup sûr les premiers <strong>à</strong> mettre en pratique les recommandations du<br />
Synode. Merci pour votre collaboration, indispensable et précieuse. Vous, religieux<br />
et religieuses de Terre Sainte, continuez <strong>à</strong> être <strong>à</strong> l’avant-garde de l’Eglise pour<br />
témoigner de l’amour du Christ <strong>à</strong> tous les hommes, sans distinction de religion et<br />
de race. Votre témoignage, dans le domaine de la charité, de l’éducation et de la<br />
santé, est unique et irremplaçable.<br />
<strong>Le</strong> Synode de l’Eglise Catholique pour le Moyen-Orient concerne des pays<br />
arabes et non arabes et couvre une vaste aire géographique allant de l’Egypte <strong>à</strong> la<br />
Turquie et de l’Iran <strong>à</strong> Israël, en passant par les pays du Golfe, l’Iraq, le Liban, la<br />
Syrie, la Jordanie, la Palestine et <strong>Chypre</strong>. Il touche directement ou indirectement 14<br />
millions de chrétiens sur une population totale de 330 millions d’habitants, parmi<br />
lesquels on compte des Arabes, des Turcs, des Iraniens, des Grecs et des Juifs. Ce<br />
Synode se penchera donc sur une situation complexe et diversifiée.<br />
Il y a déj<strong>à</strong> eu ces dernières années un Synode pour le Liban et un autre pour la<br />
Terre Sainte, c’est vrai. On serait donc en droit de se poser les questions suivantes:<br />
“Au lieu d’un Synode si ambitieux pour tout le Moyen-Orient, pourquoi ne pas<br />
avoir organisé un Synode particulier pour chaque pays qui ne l’a pas encore fait ?
76<br />
<strong>Le</strong> <strong>pape</strong> <strong>Benoît</strong> <strong>XVI</strong> <strong>à</strong> <strong>Chypre</strong><br />
Pourquoi le Liban et la Terre Sainte devraient-ils recommencer le même travail?”<br />
La réponse est que le nombre et la complexité des problèmes et des défis qui se<br />
posent au Moyen-Orient sont trop grands pour être traités par les divers diocèses et<br />
Eglises séparément. De plus, notre monde globalisé rend indispensable un Synode<br />
qui traite globalement tous les problèmes communs sous l’autorité du Souverain<br />
Pontife, “cum Petro et sub Petro”.<br />
Voici les deux principaux buts que se propose le Synode :<br />
1. Confirmer et renforcer les chrétiens dans leur identité <strong>à</strong> travers la Parole de<br />
Dieu et les Sacrements.<br />
2. Ranimer la communion ecclésiale entre les Eglises sui iuris afin qu’elles<br />
puissent offrir un témoignage de vie chrétienne authentique, joyeuse et<br />
attrayante.<br />
Une des particularités du Moyen-Orient est le grand nombre d’Eglises<br />
orientales sui iuris qui y sont enracinées : Melkites, Syriens, Maronites, Coptes,<br />
Arméniens et Chaldéens. Ces Eglises ont besoin de vivre leurs spécificités liturgiques,<br />
linguistiques et pastorales d’une part, et une plus grande communion entre elles<br />
d’autre part. Actuellement, cette communion laisse <strong>à</strong> désirer. Elles ont aussi besoin<br />
d’un renouveau liturgique et pastoral. L’Eglise latine a vécu ce changement <strong>à</strong><br />
l’occasion du Concile Vatican II, qui a révolutionné la liturgie, l’ecclésiologie et<br />
l’ouverture au monde. <strong>Le</strong>s Eglises orientales ont besoin d’une révolution semblable<br />
pour s’adapter, se moderniser et pouvoir ainsi mieux répondre aux besoins de leurs<br />
fidèles aujourd’hui.<br />
Voil<strong>à</strong> pour l’introduction au thème de notre conférence. Entrons <strong>à</strong> présent<br />
dans les détails.<br />
I. La situation géopolitique au Moyen-Orient<br />
[pays par pays, Mgr Shomali fait ici un état des lieux de la situation des<br />
chrétiens au Moyen-Orient (lire la conférence complète sur www.lpj.org)]<br />
II. Identification des problèmes majeurs auxquels<br />
le Synode doit faire face<br />
Ce survol nous a permis d’identifier les problèmes majeurs dont souffrent les<br />
communautés chrétiennes du Moyen-Orient :<br />
– Une émigration qui a affaibli le tissu chrétien. Cette émigration a ouvert aussi<br />
les yeux des musulmans modérés, qui voient dans cet exode l’appauvrissement
Du 4 au 6 juin 2010 77<br />
de la société arabe et la perte d’éléments modérés. Beaucoup d’intellectuels<br />
palestiniens – parmi lesquels Faysal Al Husseini, le Grand Mufti actuel de<br />
Palestine, le Grand Magistrat Tayseer Tamimi, le président Mahmoud Abbas, le<br />
Premier Ministre Salam Fayyad – ont affirmé que le départ des chrétiens était<br />
une perte pour tous les Palestiniens et mettra face <strong>à</strong> face l’extrémisme juif et<br />
l’extrémisme musulman. <strong>Le</strong>s chrétiens sont un élément modéré qui attire la<br />
sympathie de l’Occident pour la question palestinienne. En outre, par le passé,<br />
les chrétiens du Liban, d’Egypte, de Syrie et de Palestine ont participé au progrès<br />
et au développement de leurs sociétés respectives. Quand leur nombre diminuera<br />
et qu’ils ne constitueront plus qu’un faible pourcentage de la population totale,<br />
leur présence sera insignifiante, raison de plus pour encourager ce petit reste <strong>à</strong><br />
émigrer.<br />
– <strong>Le</strong>s conversions <strong>à</strong> l’Islam. Il est vrai que peu de chrétiens deviennent musulmans.<br />
Mais étant donné le nombre réduit de nos communautés, tout compte.<br />
En Egypte, on parle de 15.000 jeunes filles chrétiennes qui, chaque année,<br />
deviennent musulmanes pour des raisons de mariage. Chaque année, de pareils<br />
cas se produisent en Palestine et en Jordanie. Chaque fois c’est un drame pour<br />
la famille qui voit cette conversion comme une trahison envers sa religion et<br />
envers elle-même. Dans la majorité des cas, la jeune fille est considérée comme<br />
perdue car elle n’a plus aucune relation avec sa famille. La conversion ne touche<br />
pas seulement les filles. <strong>Le</strong>s ouvriers étrangers dans les pays du Golfe en sont<br />
victimes aussi. Pour continuer <strong>à</strong> trouver du travail, la conversion <strong>à</strong> l’Islam aide<br />
énormément. Dans le seul petit émirat de Dubai, le nombre d’hommes et de<br />
femmes passés <strong>à</strong> l’Islam en 2008 est de 2.763. Ils appartiennent <strong>à</strong> 72 nationalités<br />
différentes.<br />
– La montée de l’Islam politique : “La montée de l’Islam politique <strong>à</strong> partir des<br />
années 1970 est un phénomène saillant qui affecte la région et la situation des<br />
chrétiens dans le monde arabe. Cet Islam politique comprend différents courants<br />
religieux qui voudraient imposer un mode de vie islamique aux sociétés arabe,<br />
turque ou iranienne et <strong>à</strong> tous ceux qui y vivent, musulmans et non musulmans.<br />
Pour ces courants, la cause de tous les maux est l’éloignement de l’Islam. La<br />
solution est donc le retour <strong>à</strong> l’Islam des origines. D’où le slogan : l’Islam est<br />
la solution […] Dans ce but, certains n’hésitent pas <strong>à</strong> recourir <strong>à</strong> la violence”<br />
(Instrumentum Laboris).- La mentalité du ghetto : “La religion, considérée<br />
comme élément d’identification, non seulement différencie mais peut aussi<br />
diviser et être asservie pour engendrer des fermetures et de l’hostilité. <strong>Le</strong> danger<br />
est dans le repliement sur soi et la peur de l’autre. Il faut <strong>à</strong> la fois renforcer la foi<br />
et la spiritualité de nos fidèles et resserrer le lien social et la solidarité entre eux,<br />
sans tomber dans une attitude de ghetto” (Instrumentum Laboris).
78<br />
<strong>Le</strong> <strong>pape</strong> <strong>Benoît</strong> <strong>XVI</strong> <strong>à</strong> <strong>Chypre</strong><br />
III. Réponse du Synode aux attentes des Chrétiens du Moyen-Orient<br />
L’Eglise ne prétendra jamais offrir des solutions préfabriquées <strong>à</strong> tous les<br />
problèmes des chrétiens qui vivent au Moyen-Orient. La situation de chaque Eglise,<br />
voire de chaque fidèle, est particulière et on ne peut pas trouver la solution parfaite<br />
pour tous ensemble. A la place, l’Eglise indique les lieux et les moyens pour procurer<br />
la solution <strong>à</strong> ces problèmes et elle propose 3 pistes importantes :<br />
1) Il faut former les chrétiens <strong>à</strong> lire et <strong>à</strong> vivre de la Parole de Dieu<br />
On trouve au Moyen-Orient une grande religiosité et beaucoup de dévotion<br />
populaire. Mais la Parole de Dieu n’a pas pris encore sa juste place dans la spiritualité<br />
du peuple chrétien. La lectio divina est restée le privilège d’une élite. Il faut faire<br />
beaucoup d’efforts pour initier le peuple <strong>à</strong> la lecture et <strong>à</strong> la méditation de la Bible.<br />
Une partie du succès des sectes vient de leur contact avec la Parole de Dieu, en plus<br />
du fait qu’ils constituent partout des communautés ferventes qui attirent ceux qui<br />
sont en recherche de chaleur humaine.<br />
L’Écriture Sainte, écrite sur nos terres et dans nos langues (hébreu, araméen<br />
ou grec), avec des expressions culturelles et littéraires que nous ressentons comme<br />
nôtres, guidera notre réflexion. La Parole de Dieu est lue en Eglise. Ces Écritures,<br />
transmises et méditées dans nos saintes Liturgies, nous sont parvenues <strong>à</strong> travers les<br />
communautés ecclésiales. Elles sont une référence incontournable pour découvrir<br />
le sens de notre présence, de notre communion et de notre témoignage dans le<br />
contexte actuel de nos pays.<br />
Voici une des réponses aux Lineamenta, <strong>à</strong> propos de la Parole de Dieu:<br />
“La Parole de Dieu oriente, donne sens et signification <strong>à</strong> la vie, la transforme<br />
radicalement, y trace des chemins d’espérance, et assure l’équilibre vital de notre<br />
triple relation <strong>à</strong> Dieu, <strong>à</strong> nous-mêmes et aux autres. Par ailleurs, elle aide <strong>à</strong> affronter<br />
les défis du monde d’aujourd’hui. Aussi devrait-elle être la référence des chrétiens<br />
dans l’éducation des enfants, en particulier pour une expérience du pardon et de la<br />
charité. De fait, certaines familles s’en inspirent dans l’éducation de leurs enfants.”<br />
2) Il faut former les chrétiens au pardon, <strong>à</strong> la réconciliation<br />
et <strong>à</strong> l’ouverture <strong>à</strong> l’autre<br />
<strong>Le</strong>s régions du Moyen-Orient sont déchirées par des conflits sanguinaires,<br />
produisant des haines et des rancunes inexpiables. Kurdes, Iraniens, Palestiniens,<br />
Israéliens et Libanais ont terriblement souffert et leurs blessures ne sont pas encore<br />
refermées, encore moins guéries. Parfois la religion s’y mêle comme arrière-fond<br />
pour idéologiser le conflit et le durcir. La solution n’est pas dans les représailles qui<br />
créent un cercle vicieux de violence sans fin, mais dans le dialogue et le pardon. Ce
Du 4 au 6 juin 2010 79<br />
sera le travail des éducateurs <strong>à</strong> long terme. <strong>Le</strong>s chrétiens auront leur contribution <strong>à</strong><br />
offrir dans la résolution des conflits de caractère politique ou religieux.<br />
L’ouverture <strong>à</strong> l’autre a aussi une dimension interreligieuse. <strong>Le</strong> Pape Benoit<br />
<strong>XVI</strong>, en visitant la Terre Sainte, la Palestine et la Turquie, a tenu <strong>à</strong> rencontrer les<br />
chefs musulmans. Il a fait de même avec la religion hébraïque pour encourager le<br />
dialogue interreligieux. Il sait que le futur de l’Humanité dépend de nos efforts en<br />
ce sens.<br />
L’ouverture <strong>à</strong> l’autre a aussi une dimension œcuménique. Parmi les réponses<br />
aux Lineamenta, on trouve ces lignes pertinentes : “Toutes les divisions entre les<br />
Eglises du Moyen-Orient sont les fruits amers du passé, mais l’Esprit travaille les<br />
Eglises pour les rapprocher et faire tomber les obstacles <strong>à</strong> l’unité visible voulue par<br />
le Christ, pour qu’elles soient Une dans leur multiplicité, <strong>à</strong> l’image de la Trinité,<br />
s’enrichissant mutuellement de leurs Traditions respectives : ‘Que tous soient un,<br />
comme toi, Père, tu es en moi, et moi en toi. Qu’ils soient un en nous, eux aussi, afin<br />
que le monde croie que tu m’as envoyé’ (Jn 17, 20-21)”.<br />
La divergence majeure entre l’Eglise catholique et les Eglises orthodoxes tient<br />
dans la notion de primauté de l’Évêque de Rome. Dans son encyclique Ut unum<br />
sint (numéros 88-96, surtout 93 et 95), le Pape Jean-Paul II admet la responsabilité<br />
de “trouver un moyen d’exercer la primauté qui, tout en ne renonçant en aucune<br />
manière essentielle <strong>à</strong> sa mission, n’en est pas moins ouvert <strong>à</strong> une nouvelle situation,<br />
en tenant compte de la double tradition canonique latine et orientale.”<br />
3) Il faut former les chrétiens <strong>à</strong> considérer leur présence ici<br />
comme une vocation et non comme une fatalité<br />
<strong>Le</strong>s chrétiens qui vivent au Moyen-Orient sont enracinés dans une culture<br />
et dans une langue, et vivent avec d’autres peuples dont ils partagent la langue,<br />
l’histoire et beaucoup de traditions. <strong>Le</strong>s chrétiens ne doivent pas se sentir étrangers.<br />
Ils sont appelés <strong>à</strong> être témoins du Christ dans les pays mêmes où ils vivent. Fuir<br />
leurs pays d’origine, c’est fuir la réalité. Il faut encourager les chrétiens <strong>à</strong> vivre avec<br />
foi et joie dans le pays de leurs ancêtres. <strong>Le</strong>ur départ affaiblira le petit reste, qui<br />
cherchera lui aussi <strong>à</strong> partir.<br />
<strong>Le</strong>s fidèles attendent des pasteurs qu’ils leur donnent les raisons claires de leur<br />
mission dans chaque pays. Nous ne pouvons être autre chose que d’authentiques<br />
témoins du Christ ressuscité présent par l’Esprit Saint dans son Eglise, dans les pays<br />
où nous sommes nés et où nous vivons, pays qui se caractérisent non seulement par<br />
un processus de maturation politique et démocratique, mais, malheureusement, par<br />
des conflits et l’instabilité.<br />
Un autre aspect pourrait aider <strong>à</strong> limiter l’émigration : rendre les chrétiens plus<br />
conscients du sens de leur présence et de la nécessité de s’engager ici et maintenant,
80<br />
<strong>Le</strong> <strong>pape</strong> <strong>Benoît</strong> <strong>XVI</strong> <strong>à</strong> <strong>Chypre</strong><br />
dans la vie publique. Chacun dans son pays est porteur du message du Christ <strong>à</strong> sa<br />
société. Ce message est <strong>à</strong> porter tout autant dans les difficultés et dans la persécution.<br />
Conclusion<br />
Je voudrais terminer par quelques témoignages concernant les religieux et le<br />
clergé trouvés dans les réponses aux Lineamenta :<br />
“<strong>Le</strong>s réponses soulignent l’importance du témoignage chrétien <strong>à</strong> tous les<br />
niveaux, d’abord la vie consacrée, qui est présente dans nos pays <strong>à</strong> des degrés divers.<br />
La première mission des moines et moniales est la prière et l’intercession pour la<br />
société : pour plus de justice dans la politique et l’économie, plus de solidarité et de<br />
respect dans les rapports familiaux, plus de courage pour dénoncer les injustices,<br />
plus d’honnêteté pour ne pas se laisser entraîner dans les querelles de la cité ou<br />
dans la recherche des intérêts personnels. Telle est l’éthique que pasteurs, moines,<br />
moniales, religieux, éducateurs, se doivent de proposer, avec une grande cohérence<br />
de vie personnelle et communautaire, dans nos institutions sociales, caritatives et<br />
éducatives, afin que nos fidèles soient eux aussi toujours plus de véritables témoins<br />
de la Résurrection dans la société.”<br />
“La formation de notre clergé et des fidèles, les homélies et la catéchèse,<br />
doivent donner au croyant un sens authentique de sa foi, et lui donner conscience<br />
de son rôle dans la société au nom de cette foi. Il faut lui apprendre <strong>à</strong> chercher et<br />
voir Dieu en toute chose et en toute personne, s’efforçant de le rendre présent <strong>à</strong><br />
notre société, <strong>à</strong> notre monde, par la pratique des vertus personnelles et sociales:<br />
justice, honnêteté, droiture, accueil, solidarité, ouverture de cœur, pureté de mœurs,<br />
fidélité, etc.”<br />
“<strong>Le</strong>s ministres du Christ, les personnes consacrées, hommes et femmes, et<br />
tous ceux qui cherchent <strong>à</strong> <strong>Le</strong> suivre de plus près, portent une lourde responsabilité<br />
spirituelle et morale dans la communauté : ils devraient être un modèle et un<br />
exemple pour les autres. La communauté attend d’eux qu’ils vivent concrètement<br />
les valeurs de l’Évangile de manière exemplaire. On ne s’étonnera pas de constater<br />
que beaucoup de fidèles souhaitent de leur part une plus grande simplicité de vie, un<br />
réel détachement par rapport <strong>à</strong> l’argent et aux commodités du monde, une pratique<br />
rayonnante de la chasteté et une pureté de mœurs transparente. Ce Synode voudrait<br />
aider <strong>à</strong> cet examen de conscience sincère pour découvrir les points forts, afin de les<br />
promouvoir et de les développer, et les points faibles, afin d’avoir le courage de les<br />
corriger.”<br />
Père William Shomali
Du 4 au 6 juin 2010 81<br />
• <strong>Le</strong> Saint-Père s’exprime sur le Synode<br />
(1)<br />
Extrait de la rencontre de <strong>Benoît</strong> <strong>XVI</strong> avec les journalistes<br />
au cours du vol vers <strong>Chypre</strong>, jeudi 4 juin<br />
Père Federico Lombardi : L’un des objectifs de ce voyage est la remise du document<br />
de travail du Synode des évêques pour le Moyen-Orient. Quelles sont vos attentes<br />
et vos espérances principales en ce qui concerne ce Synode, pour les communautés<br />
chrétiennes et également pour les croyants d’autres confessions dans cette région ?<br />
Saint-Père : <strong>Le</strong> premier point important est que divers évêques et chefs d’Eglises<br />
se rencontrent ici, car nous avons de nombreuses Eglises – divers rites sont présents<br />
dans divers pays, dans des situations diverses – et ils apparaissent souvent isolés, ils<br />
disposent également souvent de peu d’informations sur l’autre ; se voir, se rencontrer,<br />
et ainsi prendre conscience l’un de l’autre, des problèmes, des différences et des<br />
situations communes, se former ensemble un jugement sur la situation, sur le chemin<br />
<strong>à</strong> prendre. Cette communion concrète de dialogue et de vie est un premier point.<br />
Un second point est également la visibilité de ces Eglises, c’est-<strong>à</strong>-dire le fait<br />
que l’on voit dans le monde qu’il y a une chrétienté importante et antique au Moyen-<br />
Orient, qui souvent ne se voit pas, et que cette visibilité nous aide également <strong>à</strong> nous<br />
rapprocher d’eux, <strong>à</strong> approfondir notre connaissance réciproque, <strong>à</strong> apprendre les uns<br />
des autres, <strong>à</strong> nous aider, et <strong>à</strong> aider ainsi également les chrétiens du Moyen-Orient <strong>à</strong><br />
ne pas perdre l’espérance, <strong>à</strong> rester, même si les conditions sont parfois difficiles.<br />
Ainsi, – et c’est le troisième point – dans le dialogue entre eux, ils s’ouvrent<br />
également au dialogue avec les autres chrétiens orthodoxes, arméniens, etc., et<br />
ainsi croît une conscience commune de la responsabilité chrétienne et également<br />
une capacité commune de dialogue avec les frères musulmans, qui sont nos frères,<br />
malgré les différences ; et il me semble qu’apparaît également un encouragement,<br />
en dépit de tous les problèmes, <strong>à</strong> poursuivre, <strong>à</strong> travers une vision commune, le<br />
dialogue avec eux. Toutes les tentatives en vue d’une coexistence toujours plus<br />
fructueuse et fraternelle sont très importantes.<br />
Il s’agit donc d’une rencontre interne de ces chrétiens catholiques du Moyen-<br />
Orient dans les divers rites, mais il s’agit également d’une rencontre précisément<br />
d’ouverture, de capacité renouvelée et de dialogue, de courage et d’espérance pour<br />
l’avenir.<br />
† <strong>Benoît</strong> <strong>XVI</strong>
82<br />
(2)<br />
<strong>Le</strong> <strong>pape</strong> <strong>Benoît</strong> <strong>XVI</strong> <strong>à</strong> <strong>Chypre</strong><br />
« Je vous assure du soutien de ma prière alors que<br />
vous entrez dans la phase finale de préparation ».<br />
Discours du Pape lors de la remise de l’Instrumentum Laboris du<br />
Synode des évêques pour le Moyen-Orient, dimanche 6 juin 2010,<br />
Palais des Sports Elefteria, Nicosie<br />
Chers frères et sœurs dans le Christ,<br />
Je remercie Monseigneur Eterović pour ses aimables paroles et je renouvelle<br />
mes salutations <strong>à</strong> chacun de vous qui êtes venus ici pour le lancement de la prochaine<br />
Assemblée spéciale du Synode des évêques sur le Moyen-Orient. Je vous remercie<br />
pour le travail qui a été déj<strong>à</strong> accompli en préparation de l’Assemblée synodale, et<br />
je vous assure du soutien de ma prière alors que vous entrez dans la phase finale de<br />
préparation.<br />
<strong>Le</strong> thème retenu pour cette Assemblée évoque la communion et le témoignage,<br />
et nous rappelle combien les membres de la première communauté chrétienne<br />
«étaient un seul cœur et une seule âme». Au centre de l’unité de l’Eglise se trouve<br />
l’Eucharistie, don inestimable du Christ <strong>à</strong> son peuple et point central de la célébration<br />
liturgique de ce jour, solennité du Corps et du Sang de Notre Seigneur. Il est donc<br />
significatif que la remise de l’Instrumentum Laboris de l’Assemblée spéciale ait<br />
lieu aujourd’hui.<br />
<strong>Le</strong> Moyen-Orient occupe une place particulière dans le cœur de tous les<br />
Chrétiens, puisque c’est l<strong>à</strong> que Dieu s’est fait connaître pour la première fois <strong>à</strong> nos<br />
pères dans la foi. Depuis le jour où Abraham quitta Ur en Chaldée en obéissant <strong>à</strong><br />
l’appel de Dieu jusqu’<strong>à</strong> la mort et <strong>à</strong> la résurrection de Jésus, l’œuvre salvifique de<br />
Dieu s’est accomplie particulièrement <strong>à</strong> travers des personnes et des peuples de<br />
vos pays d’origine. Depuis lors, le message de la Bonne Nouvelle s’est répandu<br />
sur toute la terre, mais les Chrétiens partout dans le monde, continuent d’avoir<br />
une vénération particulière pour le Moyen-Orient, en raison des prophètes et des<br />
patriarches, des Apôtres et des martyrs <strong>à</strong> qui nous devons tant, des hommes et des<br />
femmes qui ont écouté la Parole de Dieu, qui lui ont rendu témoignage, et qui nous<br />
l’ont transmise, <strong>à</strong> nous qui appartenons <strong>à</strong> la grande famille de l’Eglise.<br />
L’Assemblée spéciale du Synode des évêques, convoquée <strong>à</strong> votre demande,<br />
va tenter d’approfondir les liens de communion entre les membres de vos Eglises
Du 4 au 6 juin 2010 83<br />
locales, ainsi que la communion de ces mêmes Eglises entre elles et avec l’Eglise<br />
universelle. Cette Assemblée désire aussi vous encourager dans le témoignage de<br />
votre foi dans le Christ que vous rendez dans les pays où cette foi est née et a grandi.<br />
Il est également connu que certains d’entre vous endurent de grandes épreuves dues<br />
<strong>à</strong> la situation actuelle de la région. L’Assemblée spéciale est une opportunité pour<br />
les Chrétiens du reste du monde d’offrir un soutien spirituel et une solidarité <strong>à</strong><br />
leurs frères et sœurs du Moyen-Orient. C’est une occasion pour mettre en relief<br />
la valeur importante de la présence et du témoignage chrétiens dans les pays de la<br />
Bible, non seulement pour la communauté chrétienne <strong>à</strong> l’échelle mondiale, mais<br />
également pour vos voisins et vos concitoyens. Vous contribuez d’innombrables<br />
manières au bien commun, par exemple par l’éducation, le soin des malades et<br />
l’assistance sociale, et vous travaillez <strong>à</strong> la construction de la société. Vous désirez<br />
vivre en paix et en harmonie avec vos voisins juifs et musulmans. Souvent, vous<br />
agissez en artisans de paix dans le difficile processus de conciliation. Vous méritez<br />
la reconnaissance pour le rôle inestimable que vous remplissez. C’est mon sérieux<br />
espoir que tous vos droits soient de plus en plus respectés, y compris le droit <strong>à</strong> la<br />
liberté de culte et <strong>à</strong> la liberté religieuse, et que vous ne souffriez plus jamais de<br />
discrimination d’aucune sorte.<br />
Je prie afin que les travaux de l’Assemblée spéciale puissent aider <strong>à</strong> centrer<br />
l’attention de la communauté internationale sur la situation des Chrétiens du Moyen-<br />
Orient qui souffrent pour leur foi, afin que des solutions justes et durables soient<br />
trouvées pour les conflits qui causent tant d’épreuves. Sur cette grave question, je<br />
réitère mon appel personnel en faveur d’un effort international, urgent et concerté,<br />
pour résoudre les tensions<br />
actuelles au Moyen-Orient,<br />
spécialement en Terre Sainte,<br />
avant que de tels conflits ne<br />
conduisent <strong>à</strong> de plus grandes<br />
tragédies.<br />
C’est avec ces pensées<br />
que je vous présente maintenant<br />
le texte de l’Instrumentum<br />
Laboris de l’Assemblée Spéciale<br />
du Synode des évêques<br />
sur le Moyen-Orient. Que Dieu<br />
bénisse abondamment votre<br />
travail ! Que Dieu bénisse tous<br />
les peuples du Moyen-Orient !<br />
† <strong>Benoît</strong> <strong>XVI</strong>
84<br />
• Synthèse de l’Instrumentum Laboris<br />
<strong>Le</strong> <strong>pape</strong> <strong>Benoît</strong> <strong>XVI</strong> <strong>à</strong> <strong>Chypre</strong><br />
Avant-propos<br />
<strong>Le</strong> Secrétaire général du Synode des évêques, S.E. Mgr Nikola Eterović, y<br />
souligne que «l’actuelle situation du Moyen-Orient est, pour une grande partie,<br />
semblable <strong>à</strong> celle qu’a vécue la première communauté chrétienne en Terre Sainte»<br />
au milieu de difficultés et persécutions. «<strong>Le</strong>s premiers chrétiens agissaient dans des<br />
situations pour le moins adverses. Ils rencontraient l’opposition et l’inimitié des<br />
pouvoirs religieux de leur peuple (…) leur patrie était occupée, enclavée dans le<br />
puissant empire romain». Cependant, malgré cela, «ils proclamaient intégralement<br />
la Parole de Dieu», y compris l’amour pour les ennemis, allant jusqu’<strong>à</strong> témoigner<br />
«avec le martyr, leur fidélité au Seigneur de la vie».<br />
Introduction<br />
Après avoir affirmé que ce Synode était un souhait personnel du Saint-Père (1)<br />
et rappelé ses 2 objectifs principaux (3), y sont soulignés avec force l’engagement
Du 4 au 6 juin 2010 85<br />
œcuménique et le dialogue avec les juifs et les musulmans «pour le bien de la<br />
société tout entière» et afin que «la religion – surtout de ceux qui professent un Dieu<br />
unique» – devienne «toujours plus un motif de paix» (4). <strong>Le</strong> Synode entend «fournir<br />
aux chrétiens les raisons de leur présence dans une société <strong>à</strong> majorité musulmane,<br />
qu’elle soit arabe, turque, iranienne ou <strong>à</strong> majorité juive, dans l’Etat d’Israël» (6). La<br />
réflexion est guidée par les Saintes Ecritures (7-12).<br />
I.<br />
L’EGLISE CATHOLIQUE AU MOYEN-ORIENT<br />
A. SITUATION DES CHRÉTIENS AU MOYEN-ORIENT<br />
1. Bref regard historique : unité dans la multiplicité (13-18)<br />
<strong>Le</strong> premier chapitre traite de l’Eglise catholique au Moyen-Orient, en<br />
rappelant que toutes les Eglises du monde «prennent leur source dans l’Eglise de<br />
Jérusalem» (14). Il est affirmé que les divisions entre les chrétiens (Conciles d’Ephèse<br />
et de Chalcédoine au V ème siècle et séparation de Rome et de Constantinople au XI ème<br />
siècle) ont été dues surtout <strong>à</strong> des «motifs politico-culturels». Toutefois, «l’Esprit<br />
travaille les Eglises pour les rapprocher et faire tomber les obstacles <strong>à</strong> l’unité visible<br />
voulue par le Christ». Au Moyen-Orient, l’unique Eglise Catholique est présente au<br />
travers de différentes Traditions, de différentes Eglises Orientales Catholiques sui<br />
iuris. Outre l’Eglise de tradition latine, existent six Eglises patriarcales, chacune<br />
avec son riche patrimoine spirituel, théologique, liturgique. «Ces Traditions sont<br />
en même temps une richesse pour l’Eglise universelle» (15-18). On rappelle que<br />
les Eglises du Moyen-Orient sont d’origine apostolique et «il est certain que<br />
l’affaiblissement, voire la disparition, du christianisme l<strong>à</strong> où il est né est une perte<br />
pour l’Eglise universelle».<br />
2. Apostolicité et vocation missionnaire (19-23)<br />
Dès lors, existe la «lourde responsabilité» de «maintenir la foi chrétienne en<br />
ces terres saintes» (19). Malheureusement, force est de constater qu’aujourd’hui,<br />
«l’élan évangélique est souvent ralenti et que la flamme de l’Esprit semble<br />
affaiblie» (20). «Si l’Eglise ne s’engage pas pour les vocations, elle est destinée <strong>à</strong><br />
disparaître» (21). La crise des vocations est due <strong>à</strong> différentes causes : émigration des<br />
familles, diminutions des naissances, un environnement toujours plus contraire aux<br />
valeurs évangéliques. En outre, «le manque d’unité parmi les membres du clergé»
86<br />
<strong>Le</strong> <strong>pape</strong> <strong>Benoît</strong> <strong>XVI</strong> <strong>à</strong> <strong>Chypre</strong><br />
constitue «un contre-témoignage» alors que «la formation humaine et spirituelle<br />
des prêtres, religieux et religieuses laisse parfois <strong>à</strong> désirer» (22). Par ailleurs, «la<br />
vie contemplative, pilier de toute vraie vocation (…) fait défaut chez la plupart des<br />
congrégations» (23).<br />
3. Rôle des chrétiens dans la société, malgré leur petit nombre (24-31)<br />
Il est donc affirmé que les chrétiens, malgré leur «petit nombre» «appartiennent<br />
de plein droit au tissu social et <strong>à</strong> l’identité même» de ces pays. <strong>Le</strong>ur disparition<br />
représenterait une perte pour le pluralisme du Moyen-Orient (24). <strong>Le</strong>s catholiques<br />
sont appelés <strong>à</strong> promouvoir le concept de «laïcité positive» de l’Etat pour «alléger<br />
le caractère théocratique du gouvernement» et permettre «une plus grande égalité<br />
entre les citoyens de religions différentes, en facilitant ainsi la promotion d’une<br />
démocratie saine, positivement laïque, qui reconnaisse pleinement le rôle de la<br />
religion, dans la vie publique également, dans le respect total de la distinction<br />
entre les ordres religieux et temporels» (25). <strong>Le</strong>s chrétiens doivent être une<br />
minorité active, sans se replier sur eux-mêmes «sans tomber dans une attitude de<br />
ghetto» (28). L’Eglise encourage la formation de familles nombreuses et promeut<br />
l’éducation «qui reste l’investissement majeur» (29) : les écoles et les universités<br />
catholiques accueillent des milliers de personnes de toutes les religions, tout comme<br />
les centres hospitaliers et les services sociaux (40). Toutefois, les Eglises et les<br />
écoles catholiques «pourraient aider davantage les moins favorisés» (29). C’est en<br />
effet «surtout grâce <strong>à</strong> ses activités caritatives qui s’intéressent non seulement aux<br />
chrétiens mais aussi aux musulmans et aux juifs que l’actions des (…) Eglises en<br />
faveur du bien commun est sensible» (30). Il existe par ailleurs un «rappel <strong>à</strong> la<br />
transparence dans la gestion de l’argent de l’Eglise, surtout de la part des prêtres<br />
et des évêques, pour distinguer ce qui est donné pour un usage personnel de ce qui<br />
appartient <strong>à</strong> l’Eglise» (31).<br />
B. LES DÉFIS AUXQUELS SONT CONFRONTÉS LES CHRÉTIENS<br />
1. <strong>Le</strong>s conflits politiques dans la région (32-35)<br />
<strong>Le</strong> document souligne donc que les conflits régionaux rendent encore<br />
plus fragile la situation des chrétiens : «l’occupation israélienne des Territoires<br />
Palestiniens rend difficile la vie quotidienne pour la liberté de mouvement,<br />
l’économie et la vie sociale et religieuse (accès aux Lieux Saints, conditionné<br />
par des permis militaires accordés aux uns et refusés aux autres, pour raisons<br />
de sécurité). De plus, certains groupes fondamentalistes chrétiens justifient par<br />
l’Ecriture Sainte l’injustice politique imposée aux palestiniens, ce qui rend la
Du 4 au 6 juin 2010 87<br />
position des chrétiens arabes encore plus délicate» (32). <strong>Le</strong>s chrétiens font partie<br />
des principales victimes de la guerre en Irak. «Encore aujourd’hui, la politique<br />
mondiale n’en tient pas assez compte» (33). «Au Liban, les chrétiens sont divisés<br />
au plan politique et confessionnel». «En Egypte, la montée de l’Islam politique<br />
d’une part et le désengagement, en partie forcé, des chrétiens par rapport <strong>à</strong> la société<br />
civile, rendent leur vie sujette <strong>à</strong> de sérieuses difficultés». «Dans d’autres pays,<br />
l’autoritarisme, voire la dictature, poussent la population, y compris les chrétiens, <strong>à</strong><br />
supporter en silence, pour sauver l’essentiel. En Turquie, le concept actuel de laïcité<br />
pose encore des problèmes <strong>à</strong> la pleine liberté religieuse du pays» (34). <strong>Le</strong>s chrétiens<br />
sont exhortés <strong>à</strong> ne pas abandonner leur engagement au sein de la société malgré les<br />
tentations de découragement (35).<br />
2. Liberté de religion et de conscience (36-40)<br />
<strong>Le</strong> document note qu’en «Orient, liberté de religion veut dire habituellement<br />
liberté de culte. Il ne s’agit donc pas encore de liberté de conscience, c’est-<strong>à</strong>-dire de<br />
la liberté de croire ou de ne pas croire, de pratiquer une religion seul ou en public,<br />
sans aucune entrave, et donc de la liberté de changer de religion. La religion, en<br />
Orient, est en général un choix social et même national, non un choix individuel.<br />
Changer de religion est perçu comme une trahison envers la société, la culture et<br />
la nation bâtie principalement sur une tradition religieuse» (37). C’est pourquoi,<br />
«la conversion <strong>à</strong> la foi chrétienne est vue comme étant le fruit d’un prosélytisme<br />
intéressé, non d’une conviction religieuse authentique. Pour le musulman, elle<br />
est souvent interdite par les lois de l’Etat». D’autre part, en ce qui concerne les<br />
chrétiens, «dans certains cas, la conversion <strong>à</strong> l’Islam ne se fait pas par conviction<br />
religieuse mais pour des intérêts personnels (…) Parfois, elle peut se faire aussi<br />
sous la pression du prosélytisme musulman». Certaines réponses aux Lineamenta<br />
«affirment leur refus ferme du prosélytisme chrétien, tout en signalant qu’il est<br />
ouvertement pratiqué par certaines communautés «évangéliques». De fait, la<br />
question de l’annonce a besoin d’une réflexion plus en profondeur» pour arriver <strong>à</strong><br />
affirmer «le droit de toute personne et sa complète liberté de conscience» (38).<br />
3. <strong>Le</strong>s chrétiens et l’évolution de l’Islam contemporain (41-42)<br />
L’extrémisme islamique, dans le même temps, continue <strong>à</strong> croître dans<br />
l’ensemble de la région, constituant ainsi «une menace pour tous : chrétiens, juifs et<br />
musulmans» (41-42).<br />
4. L’émigration (43-48)<br />
Dans ce contexte de conflictualité, de difficultés économiques et de<br />
limitations politiques et religieuses, les chrétiens continuent <strong>à</strong> émigrer : «dans le
88<br />
<strong>Le</strong> <strong>pape</strong> <strong>Benoît</strong> <strong>XVI</strong> <strong>à</strong> <strong>Chypre</strong><br />
jeu des politiques internationales, l’existence des chrétiens est souvent ignorée et<br />
les chrétiens en sont la première victime : ceci constitue l’une des causes majeures<br />
de l’émigration» (43-44). <strong>Le</strong>s Eglises en Occident sont invitées <strong>à</strong> sensibiliser les<br />
gouvernements de leurs pays <strong>à</strong> cette situation (45).<br />
5. L’immigration chrétienne internationale au Moyen-Orient (49-50)<br />
D’autre part, on constate l’immigration croissante au Moyen-Orient de<br />
travailleurs africains et asiatiques, dont nombre d’entre eux sont chrétiens, «souvent<br />
objet d’injustices sociales (…), d’exploitation et d’abus sexuels» (49).<br />
C. RÉPONSES DES CHRÉTIENS<br />
DANS LEUR VIE QUOTIDIENNE (51-53)<br />
Dans ce contexte, les catholiques sont appelés <strong>à</strong> être «toujours plus de<br />
véritables témoins de la Résurrection dans la société» (52).<br />
II.<br />
LA COMMUNION ECCLÉSIALE (54)<br />
<strong>Le</strong> deuxième chapitre est dédié <strong>à</strong> la communion ecclésiale. <strong>Le</strong> document<br />
remarque que les fidèles du Moyen-Orient «ont conscience que la communion<br />
chrétienne a pour fondement le modèle de la vie divine dans le mystère de la Sainte<br />
Trinité. Dieu est amour (cf. 1 Jn 4, 8), et les rapports entre les personnes divines<br />
sont des rapports d’amour». Ainsi il est nécessaire qu’au sein de chaque Eglise,<br />
chaque membre vive «la communion même de la Sainte Trinité. La vie de l’Eglise<br />
et des Eglises d’Orient doit être communion de vie dans l’amour, sur le modèle<br />
de l’union du Fils avec le Père et l’Esprit. Chacun et chacune est membre dans un<br />
Corps dont la Tête est le Christ» (54).<br />
A. COMMUNION DANS L’EGLISE CATHOLIQUE<br />
ET ENTRE LES DIVERSES EGLISES (55-56)<br />
«Cette communion au sein de l’Eglise catholique se manifeste par deux<br />
signes principaux : le Baptême et l’Eucharistie dans la communion avec l’évêque de
Du 4 au 6 juin 2010 89<br />
Rome, successeur de Pierre», «principe et fondement perpétuels et visibles d’unité<br />
de la foi et de communion» (55). «Au plan des relations inter-ecclésiales entre<br />
catholiques, cette communion est manifestée dans chaque pays par les Assemblées<br />
de patriarches et d’évêques (…). Pour promouvoir l’unité dans la diversité, il<br />
faut dépasser le confessionnalisme dans ce qu’il peut avoir d’étroit ou d’exagéré,<br />
encourager l’esprit de coopération entre les différentes communautés, coordonner<br />
l’activité pastorale, et stimuler l’émulation spirituelle et non la rivalité On pourrait<br />
suggérer que de temps en temps (par exemple tous les cinq ans), une Assemblée<br />
rassemble l’ensemble de l’épiscopat au Moyen-Orient» (55).<br />
B. COMMUNION ENTRE ÉVÊQUES, CLERGÉ ET FIDÈLES (57-61)<br />
L’Instrumentum Laboris indique par ailleurs que la communion, dans la même<br />
Eglise ou Patriarcat entre les divers membres «se fait sur le modèle de la communion<br />
avec l’Eglise universelle et le successeur de Pierre, l’évêque de Rome. Au niveau de<br />
l’Eglise Patriarcale, la communion s’exprime par le Synode qui réunit les évêques de<br />
toute une communauté autour du Patriarche, Père et Chef de son Eglise. Au niveau<br />
de l’éparchie, c’est autour de l’évêque que se fait la communion du clergé, des<br />
religieux et religieuses comme des laïcs» (57). <strong>Le</strong>s chrétiens sont invités <strong>à</strong> se sentir<br />
«membres de l’Eglise Catholique au Moyen-Orient, et pas seulement membres<br />
d’une Eglise particulière». <strong>Le</strong>s ministres du Christ et les consacrés sont appelés <strong>à</strong><br />
«être modèle et exemple pour les autres (…) de nombreux fidèles souhaitent de leur<br />
part une plus grande simplicité de vie, un réel détachement par rapport <strong>à</strong> l’argent<br />
et aux commodités du monde, une pratique rayonnante de la chasteté et une pureté<br />
de mœurs transparente» (58). «<strong>Le</strong> Synode devrait encourager les fidèles <strong>à</strong> assumer<br />
davantage leur rôle de baptisés en prenant des initiatives pastorales, notamment en<br />
ce qui concerne l’engagement dans la société, en communion avec les pasteurs de<br />
l’Eglise» (60).<br />
III.<br />
LE TÉMOIGNAGE CHRÉTIEN<br />
A. TÉMOIGNER DANS L’EGLISE : LA CATÉCHÈSE<br />
1. Une catéchèse pour aujourd’hui, par des fidèles bien préparés (62-64)<br />
2. Méthodes de catéchèse (65-69)
90<br />
<strong>Le</strong> <strong>pape</strong> <strong>Benoît</strong> <strong>XVI</strong> <strong>à</strong> <strong>Chypre</strong><br />
<strong>Le</strong> document rappelle tout d’abord «l’importance de la catéchèse pour<br />
connaître et transmettre la foi» en éliminant «le fossé entre la vérité de la foi et la<br />
vie concrète». Il mentionne ensuite un certain nombre de méthodes de catéchèse.<br />
B. UNE LITURGIE RENOUVELÉE<br />
ET FIDÈLE À LA TRADITION (70-75)<br />
En ce qui concerne la liturgie, le document fait état du souhait exprimé par<br />
de nombreuses réponses au questionnaire d’ «un effort de renouvellement qui, tout<br />
en restant enraciné dans la tradition, tienne compte de la sensibilité moderne et des<br />
besoins spirituels et pastoraux actuels». «L’aspect le plus important du renouveau<br />
liturgique réalisé jusqu’<strong>à</strong> ce jour consiste dans la traduction en langue locale,<br />
principalement en arabe, des textes liturgiques».<br />
C. L’OECUMÉNISME (76-84)<br />
L’urgence de l’œcuménisme est rappelée, dépassant les préjudices et les<br />
défiances par le biais du dialogue et de la collaboration. A ce propos, «la célébration<br />
des sacrements de la Confession, de l’Eucharistie, de l’Onction des malades, dans une<br />
Eglise autre que la sienne propre – dans les cas prévus par les normes canoniques –<br />
se révélera bénéfique». «Deux signes sont particulièrement importants : l’unification<br />
des fêtes chrétiennes (Noël et Pâques) et la gestion commune des Lieux de Terre<br />
Sainte (…) dans l’amour et le respect mutuel». Est condamné «formellement le<br />
prosélytisme qui emploie des moyens en opposition avec l’Evangile».<br />
D. RAPPORTS AVEC LE JUDAÏSME<br />
1. Vatican II : Fondement théologique du lien avec le judaïsme (85-87)<br />
2. Magistère actuel de l’Eglise (88-89)<br />
3. Désir et difficulté du dialogue avec le judaïsme (90-94)<br />
Sont ensuite passés en revue les rapports avec le judaïsme qui trouvent «dans<br />
le Concile Vatican II un point de référence fondamental». <strong>Le</strong> dialogue avec les juifs<br />
est défini comme «essentiel bien que difficile» en tant que se ressentant du conflit<br />
israélo-palestinien. L’Eglise souhaite que les «deux peuples puissent vivre en paix<br />
chacun dans sa patrie, avec des frontières sures et internationalement reconnues».<br />
Est rappelée la ferme condamnation de l’antisémitisme, en soulignant que «les<br />
attitudes négatives actuelles entre les peuples arabes et le peuple juif semblent<br />
être plutôt de caractère politique» et donc étrangères <strong>à</strong> tout discours ecclésial. <strong>Le</strong>s
Du 4 au 6 juin 2010 91<br />
chrétiens sont appelés «<strong>à</strong> apporter <strong>à</strong> toute cette situation un esprit de réconciliation<br />
basée sur la justice et l’équité pour les deux parties. Par ailleurs, les Eglises du<br />
Moyen-Orient invitent <strong>à</strong> continuer de distinguer la réalité religieuse et la réalité<br />
politique».<br />
E. RAPPORTS AVEC LES MUSULMANS (95-99)<br />
<strong>Le</strong>s relations de l’Eglise Catholique avec les musulmans ont aussi leur<br />
fondement dans le Concile Vatican II. A ce propos, sont rappelés les propos de <strong>Benoît</strong><br />
<strong>XVI</strong> : «<strong>Le</strong> dialogue interreligieux et interculturel entre chrétiens et musulmans ne<br />
peut pas se réduire <strong>à</strong> un choix passager. C’est en effet une nécessité vitale, dont<br />
dépend en grande partie notre avenir». <strong>Le</strong> document indique qu’il «est important<br />
d’avoir d’une part un dialogue bilatéral – avec les juifs et avec les musulmans – et,<br />
d’autre part, un dialogue trilatéral». Il précise que «les relations entre chrétiens et<br />
musulmans sont parfois ou souvent difficiles, surtout du fait que les musulmans ne<br />
distinguent pas religion et politique, ce qui met les chrétiens en situation délicate<br />
de non-citoyens, alors qu’ils sont les citoyens de ces pays bien avant l’arrivée de<br />
l’Islam. La clef du succès de la coexistence entre chrétiens et musulmans dépend de<br />
la reconnaissance de la liberté religieuse et des droits de l’Homme». «<strong>Le</strong>s chrétiens<br />
sont appelés (…) <strong>à</strong> ne pas s’isoler dans des ghettos, attitude défensive et de repli sur<br />
soi typique des minorités. Beaucoup de fidèles insistent sur le fait que chrétiens et<br />
musulmans sont appelés <strong>à</strong> travailler ensemble pour promouvoir la justice sociale,<br />
la paix et la liberté, et défendre les droits humains et les valeurs de la vie et de la<br />
famille». Est suggérée «la révision des livres scolaires et surtout d’enseignement<br />
religieux, pour qu’ils soient libres de tout préjugé et stéréotype sur l’autre» alors<br />
que le document invite au dialogue de «vérité dans la charité».<br />
F. LE TÉMOIGNAGE DANS LA CITÉ (100-102)<br />
Dans la situation conflictuelle de la région, les chrétiens sont exhortés <strong>à</strong><br />
promouvoir «la pédagogie de la paix» : il s’agit d’une voie «réaliste, même si elle<br />
risque d’être repoussée par la plupart ; elle a aussi davantage de possibilités d’être<br />
accueillie du fait que la violence – des forts comme des faibles – a, dans la région<br />
du Moyen-Orient, porté uniquement <strong>à</strong> l’échec et <strong>à</strong> une impasse générale». Il s’agit<br />
d’une situation que «le terrorisme mondial le plus radical exploite». La contribution<br />
des chrétiens, «qui exige beaucoup de courage, est indispensable» même si «trop<br />
souvent» les pays moyen-orientaux «identifient l’Occident avec le Christianisme»,<br />
créant ainsi un grand dommage aux Eglises chrétiennes.
92<br />
<strong>Le</strong> <strong>pape</strong> <strong>Benoît</strong> <strong>XVI</strong> <strong>à</strong> <strong>Chypre</strong><br />
1. Ambiguïté de la modernité (103-105)<br />
<strong>Le</strong> document analyse également le fort impact de la modernité qui, au croyant<br />
musulman, «présente un visage athée et immoral. Il la vit comme une invasion<br />
culturelle menaçante, une source de troubles pour son système de valeurs». «Du<br />
reste, la modernité est aussi la lutte pour la justice et l’égalité, pour la défense<br />
des droits». <strong>Le</strong>s écoles catholiques cherchent «<strong>à</strong> former des personnes capables de<br />
discerner ce qui est positif de ce qui est négatif, pour ne prendre que le meilleur».<br />
Mais «la modernité est aussi un risque pour les chrétiens» : les sociétés de la région<br />
sont en effet «menacées de la même manière par l’absence de Dieu, par l’athéisme<br />
et le matérialisme, et plus encore par le relativisme et l’indifférentisme (…) De tels<br />
risques peuvent, tout comme l’extrémisme, facilement détruire nos familles, nos<br />
sociétés et nos Eglises».<br />
2. Musulmans et chrétiens doivent parcourir<br />
ensemble le chemin commun (106-110)<br />
«De ce point de vue, musulmans et chrétiens doivent parcourir un chemin<br />
commun». <strong>Le</strong>s chrétiens, de leur côté, doivent être conscients d’appartenir au<br />
Moyen-Orient et d’en constituer «une composante essentielle» : en effet, «ils ont<br />
été les pionniers de la renaissance de la nation arabe» et «leur rôle est reconnu dans<br />
la société» (106-108) même si «avec le développement de l’intégralisme islamique,<br />
on voit augmenter un peu partout les attaques contre les chrétiens» (110).<br />
G. CONTRIBUTION SPÉCIFIQUE<br />
ET IRREMPLAÇABLE DU CHRÉTIEN (111-117)<br />
«<strong>Le</strong> chrétien peut apporter une contribution spéciale dans le cadre de la<br />
justice et de la paix» ; il a le devoir de «dénoncer courageusement la violence,<br />
d’où qu’elle vienne, et de suggérer une solution qui ne passe que par le dialogue»,<br />
la réconciliation et le pardon. Toutefois, les chrétiens doivent exiger «avec des<br />
moyens pacifiques» que leurs droits aussi «soient reconnus par les autorités civiles»<br />
(111-114). <strong>Le</strong> document affronte ensuite le thème de l’évangélisation dans une<br />
société musulmane qui peut avoir lieu seulement au travers du témoignage mais<br />
«on demande qu’elle soit garantie aussi par d’opportunes interventions externes».<br />
Dans tous les cas, l’activité caritative des communautés catholiques «envers les plus<br />
pauvres et les exclus, sans discrimination, représente la façon la plus évidente de<br />
diffuser l’enseignement chrétien». Souvent de tels services sont assurés seulement<br />
par les institutions ecclésiales (115-116).
Du 4 au 6 juin 2010 93<br />
CONCLUSION :<br />
QUEL AVENIR POUR LES CHRÉTIENS<br />
DU MOYEN-ORIENT ?<br />
«NE CRAINS PAS, PETIT TROUPEAU !»<br />
A. QUEL AVENIR POUR LES CHRÉTIENS<br />
DU MOYEN-ORIENT ? (118-119)<br />
B. L’ESPÉRANCE (120-123)<br />
Dans la Conclusion, le document fait état du «souci dû aux difficultés du<br />
moment actuel, mais, en même temps aussi, (de) l’espérance fondée sur la foi<br />
chrétienne». «L’histoire a fait que nous sommes devenus un ‘petit reste’. Mais<br />
nous pouvons aussi, par notre comportement, devenir aujourd’hui, une présence<br />
qui compte. Depuis des décennies, la non résolution du conflit israélo-palestinien,<br />
le non respect du droit international, l’égoïsme des grandes puissances et le non<br />
respect des droits humains ont déstabilisé l’équilibre de la région et imposé aux<br />
populations une violence qui risque de les plonger dans le désespoir. La conséquence<br />
en est l’émigration des populations, notamment des chrétiens. Face <strong>à</strong> ce défi et<br />
soutenu par la communauté chrétienne universelle, le chrétien du Moyen-Orient<br />
est appelé <strong>à</strong> assumer sa vocation, au service de la société». L’invitation faite aux<br />
croyants est la suivante : qu’ils soient «des témoins, sachant que témoigner de la<br />
vérité peut conduire <strong>à</strong> la persécution». «Aux chrétiens du Moyen-Orient – conclut<br />
l’Instrumentum Laboris – on peut répéter encore aujourd’hui : «Ne crains pas petit<br />
troupeau» (Lc 12, 32), tu as une mission, de toi dépend la croissance de ton pays et<br />
la vitalité de ton Eglise : elles n’adviendront qu’avec la paix, la justice et l’égalité<br />
de tous ses citoyens !».<br />
(Lire le texte intégral sur www.lpj.org ou www.vativan.va)
94<br />
<strong>Le</strong>ttre du Pape <strong>Benoît</strong> <strong>XVI</strong> après sa visite <strong>à</strong> <strong>Chypre</strong><br />
À Sa Béatitude Fouad Twal<br />
Patriarche latin de Jérusalem<br />
<strong>Le</strong> <strong>pape</strong> <strong>Benoît</strong> <strong>XVI</strong> <strong>à</strong> <strong>Chypre</strong><br />
Je vous écris pour vous remercier sincèrement de l’accueil chaleureux que<br />
j’ai reçu de vous et du troupeau confié <strong>à</strong> vos soins lors de mon récent voyage<br />
apostolique en République de <strong>Chypre</strong>.<br />
J’ai été très heureux de me rendre compte sur place comment, sous votre<br />
conduite pastorale attentive, de nombreux chypriotes latins d’antique tradition<br />
latine sont restés fidèles <strong>à</strong> leur riche patrimoine. Je vous prie de leur transmettre<br />
l’assurance de mes prières paternelles et de mes meilleurs vœux de santé et de<br />
prospérité.<br />
Dans le même temps, j’ai été très heureux de voir combien la communauté<br />
catholique s’enrichit des résidents latins et des immigrés venus d’autres<br />
continents, en particulier d’Europe, d’Afrique et d’Asie. Ma prière fervente est<br />
que tous les catholiques latins de Terre Sainte, avec leurs langues, leurs coutumes<br />
et leurs traditions respectives, s’efforcent de collaborer joyeusement comme<br />
des frères et sœurs pour devenir un radieux exemple d’indissoluble union dans<br />
l’amour, marque de l’Eglise une, sainte, catholique et apostolique.<br />
A vous et aux fidèles confiés <strong>à</strong> vos soins, je donne volontiers ma Bénédiction<br />
apostolique en gage de grâce et de paix dans le Seigneur.<br />
Du Vatican, le 7 juin 2010<br />
† Benedictus PP. <strong>XVI</strong>
Du 4 au 6 juin 2010 95<br />
Réponse du Patriarche Fouad Twal<br />
Votre Sainteté,<br />
Jérusalem, 15 juillet 2010<br />
C’est de tout cœur que je vous remercie, <strong>à</strong> titre personnel, au nom de tout le<br />
Patriarcat Latin de Jérusalem et particulièrement des fidèles de <strong>Chypre</strong>, pour<br />
la lettre que vous nous avez envoyée, dans laquelle vous rappelez votre récent<br />
voyage apostolique dans la terre natale de Saint Barnabé.<br />
Pour nous tous, ce fut une expérience inoubliable de communion, de profond<br />
partage de notre histoire, de nos traditions, de notre culture, de notre foi. Avec<br />
vous, nous avons redécouvert combien tout prend sa source dans le témoignage<br />
de tant d’apôtres et de frères qui, sur cette terre, ont vécu, espéré, aimé et donné<br />
leur vie pour le Christ.<br />
Nous nous sommes sentis profondément unis <strong>à</strong> vous, dans la joie comme dans<br />
la douleur, et notamment, lors de la remise de l’Instrumentum Laboris, quand,<br />
rappelant Mgr Padovese, vous nous avez tous invités <strong>à</strong> vivre radicalement notre<br />
vocation chrétienne, «<strong>à</strong> être, en toutes circonstances, des témoins courageux de<br />
tout ce qui est bon, noble et juste».<br />
Merci pour chacune de vos paroles d’encouragement, pour vos vœux de<br />
sainteté et de prospérité, pour votre prière et pour votre paternelle bénédiction<br />
apostolique.<br />
Très cher Saint-Père, par cette lettre, nous désirons vous renouveler notre<br />
sincère amour filial et communion spirituelle. Nous vous confions au Seigneur<br />
avec joie et gratitude, Lui demandant, en ce mois de juillet, de vous accorder le<br />
repos et de nouvelles forces pour servir et guider nous chère Eglise.<br />
Nous vous assurons de notre engagement, nous, catholiques latins de Terre<br />
Sainte, <strong>à</strong> vivre dans la charité, la fidélité au dépôt de la foi et l’ouverture du cœur,<br />
afin de pouvoir répondre <strong>à</strong> tous les nouveaux défis qui se présentent <strong>à</strong> nous.<br />
Dans l’attente de vous revoir <strong>à</strong> l’occasion du prochain Synode, je vous salue<br />
filialement dans le Seigneur.<br />
† Fouad Twal, Patriarche
96<br />
<strong>Le</strong> <strong>pape</strong> <strong>Benoît</strong> <strong>XVI</strong> <strong>à</strong> <strong>Chypre</strong>
<strong>Le</strong> logo officiel<br />
de la visite du Pape<br />
On y voit une barque, symbole<br />
de l’Eglise, qui tire un filet plein de<br />
poissons. Sur la voile, la croix du<br />
Christ et l’île de <strong>Chypre</strong>. De chaque<br />
côté de la voile, on peut lire, rédigée<br />
en grec et en anglais, la citation<br />
choisie pour la visite du Saint-Père:<br />
«Μία καρδιά και μία ψυχή», «Un<br />
seul cœur et une seule âme», extrait<br />
du thème général du Synode pour le<br />
Moyen-Orient.<br />
« Comme leur prière se terminait, le lieu où ils étaient réunis se<br />
mit <strong>à</strong> trembler, ils furent tous remplis de l’Esprit Saint et ils annonçaient<br />
la parole de Dieu avec assurance. La multitude de ceux qui avaient<br />
adhéré <strong>à</strong> la foi avait un seul cœur et une seule âme ; et personne<br />
ne se disait propriétaire de ce qu’il possédait, mais on mettait tout<br />
en commun. C’est avec une grande force que les Apôtres portaient<br />
témoignage de la résurrection du Seigneur Jésus, et la puissance de la<br />
grâce était sur eux tous. Aucun d’entre eux n’était dans la misère, car<br />
tous ceux qui possédaient des champs ou des maisons les vendaient,<br />
et ils en apportaient le prix pour le mettre <strong>à</strong> la disposition des Apôtres.<br />
On en redistribuait une part <strong>à</strong> chacun des frères au fur et <strong>à</strong> mesure de<br />
ses besoins. Joseph, que les Apôtres avaient surnommé Barnabé (ce qui<br />
veut dire : l’homme du réconfort), était un lévite originaire de <strong>Chypre</strong>.<br />
Il avait une terre, il la vendit et en apporta l’argent qu’il déposa aux<br />
pieds des Apôtres. » (Ac 4, 31-37)