Mars - Nervure Journal de Psychiatrie
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■ EDITORIAL G. Ferrey<br />
Psychiatres au<br />
rabais ? Mé<strong>de</strong>cins<br />
à diplômes<br />
étrangers boucs<br />
émissaires !<br />
C’est un véritable cri d’alarme<br />
que vient <strong>de</strong> lancer, à <strong>de</strong>ux<br />
reprises, dans <strong>de</strong>ux grands<br />
quotidiens J.P. Olié au sujet<br />
<strong>de</strong> la crise actuelle <strong>de</strong> la psychiatrie<br />
publique en France et d’une aggravation<br />
prévisible <strong>de</strong> cette crise pour les<br />
années à venir. C’est dire, qu’a priori, nous ne<br />
pouvons que marquer notre accord avec lui.<br />
Pourtant en y regardant <strong>de</strong> plus près, plusieurs<br />
points <strong>de</strong> son analyse nous paraissent particulièrement<br />
discutables. En effet, si nous ne pouvons<br />
que nous associer à la dénonciation du<br />
manque <strong>de</strong> psychiatre dans les hôpitaux, il est<br />
affligeant <strong>de</strong> noter que cette constatation, bien<br />
banale, s’accompagne immédiatement <strong>de</strong> la<br />
regrettable accusation selon laquelle nous serions,<br />
par ce fait, contraints <strong>de</strong> recruter <strong>de</strong>s mé<strong>de</strong>cins<br />
non qualifiés, lesquels sont « venus <strong>de</strong><br />
pays leur ayant dispensé d’inégales formations ».<br />
Ainsi sont malheureusement désignés les mé<strong>de</strong>cins<br />
à diplôme étranger.<br />
Au contraire, à aucun moment n’est annoncé<br />
que le manque <strong>de</strong> psychiatres français (situation<br />
voisine <strong>de</strong> celle <strong>de</strong> nombreuses autres spécialités<br />
médicales) est la conséquence d’une incapacité<br />
prévisionnelle grave dans le pays même<br />
<strong>de</strong> la planification. Et que cette erreur <strong>de</strong> planification<br />
n’est pas le fait du hasard, mais vient<br />
d’un espoir très commun, comme quoi la limitation<br />
du nombre <strong>de</strong>s mé<strong>de</strong>cins va diminuer<br />
la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong> soins et, sans doute, <strong>de</strong>s besoins<br />
en santé y compris en santé mentale.<br />
On a mis <strong>de</strong>s années à admettre que ce raisonnement<br />
ne marche pas et que les dépenses<br />
<strong>de</strong> santé ne font que croître. Mais le manque<br />
<strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cins apparaît évi<strong>de</strong>nt dans les hôpitaux,<br />
ne serait-ce que parce que les postes nécessaires<br />
figurent sur un tableau <strong>de</strong>s effectifs et<br />
(suite page 3 )<br />
Jules Verne chez<br />
le psychanalyste<br />
Psychiatre et psychanalyste nantais, Michel Sanchez-Car<strong>de</strong>nas,<br />
vient <strong>de</strong> publier Voyage au centre<br />
<strong>de</strong> la Terre-Mère. Jules Verne chez le psychanalyste (1).<br />
<strong>Nervure</strong> publie à cette occasion son interview.<br />
Benoît Robin : Qu’est-ce qui vous a décidé à allonger<br />
Verne sur votre divan ?<br />
Michel Sanchez-Car<strong>de</strong>nas : Le plaisir et la curiosité !<br />
Ce sont eux qui m’ont animé. Comme tant d’autres,<br />
durant mon enfance, puis après, j’ai lu et relu plusieurs<br />
fois le Voyage au centre <strong>de</strong> la terre. J’étais abonné à<br />
une série complète <strong>de</strong>s œuvres <strong>de</strong> Jules Verne en<br />
fac similé <strong>de</strong> l’édition Hetzel, et, tous les mois, je partais<br />
en « voyage extraordinaire » pour une nouvelle<br />
<strong>de</strong>stination. Mais, sans savoir pourquoi, au fil <strong>de</strong>s<br />
ans, le Voyage revenait tout particulièrement entre<br />
mes mains. Il a donc ponctué, sans être toutefois<br />
une monomanie, mon trajet personnel. Lorsqu’un<br />
adulte lit Verne il a souvent besoin <strong>de</strong> s’excuser. Je l’ai<br />
Neuroleptiques et diabète<br />
Dans le passé, certains auteurs avaient déjà noté une relation entre trouble<br />
glycémique et schizophrénie. Depuis l’introduction <strong>de</strong>s neuroleptiques dans l’arsenal<br />
thérapeutique, ce phénomène serait <strong>de</strong> plus en plus marqué en particulier avec les<br />
<strong>de</strong>rnières générations <strong>de</strong> neuroleptiques.<br />
■ FMC M. Ollier<br />
Nous allons tenter <strong>de</strong> faire une synthèse <strong>de</strong> l’ensemble<br />
<strong>de</strong>s <strong>de</strong>rnières données <strong>de</strong> la littérature, en<br />
particulier :<br />
- sur les mécanismes physiopathologiques <strong>de</strong> l’interaction<br />
entre les neuroleptiques et l’homéostasie glycémique,<br />
- sur le rôle du traitement neuroleptique et l’initiation<br />
d’un diabète <strong>de</strong> type 2.<br />
Mécanismes<br />
physiopathologiques<br />
Dès 1920, certains auteurs avaient déjà observé une<br />
association entre diabète et schizophrénie, avant que<br />
les neuroleptiques n’apparaissent (1). Malcom Peet (2)<br />
a réalisé une revue <strong>de</strong> la littérature sur la diététique et<br />
le style <strong>de</strong> vie <strong>de</strong>s patients schizophrènes. Il en ressort<br />
que ces patients présentaient <strong>de</strong> nombreux risques <strong>de</strong><br />
diabète <strong>de</strong> type 2 : histoire familiale <strong>de</strong> diabète, obésité,<br />
sé<strong>de</strong>ntarité, tabac.<br />
De plus, le régime diététique <strong>de</strong> ces patients favorise<br />
l’émergence <strong>de</strong> diabète car il est plus pauvre en fibres,<br />
fruits et légumes (vitamine C et E), et plus riche en<br />
L<br />
’élaboration, ou mieux, la mise en place d’une<br />
consultation médicale concernant la souffrance<br />
psychique au travail nécessite <strong>de</strong> penser que la vie<br />
sociale influence la vie psychique sans que, pour<br />
autant, cette <strong>de</strong>rnière per<strong>de</strong> <strong>de</strong> sa spécificité. Ces<br />
<strong>de</strong>ux nécessités, a priori et complémentaires, impliquent<br />
<strong>de</strong> penser le lien entre la vie sociale et la vie psychique<br />
<strong>de</strong> manière suffisamment articulée. Or, force<br />
est <strong>de</strong> constater que nous ne possédons pas, à l’heure<br />
actuelle, une théorie qui permette une telle articulation.<br />
Le propos <strong>de</strong> notre travail fut <strong>de</strong> retrouver les théories<br />
qui ont tenté une telle articulation pour ce qui<br />
concerne le mon<strong>de</strong> du travail. Ces tentatives ont eu<br />
et ont encore pour nom la psychopathologie du travail<br />
qui se présente donc comme une démarche cli-<br />
constaté pour différentes personnes faisant <strong>de</strong>s exposés<br />
à la tribune et qui semblaient comme « prises en<br />
faute d’infantilisme » ; il leur fallait justifier le plaisir<br />
qu’elles avaient eu à s’y replonger en invoquant <strong>de</strong><br />
bonnes fins, c’est-à-dire telle ou telle recherche effectuée<br />
par elles. Mais elles « confessaient » aussi volontiers<br />
l’intérêt qu’elles avaient eu à reparcourir cet<br />
auteur <strong>de</strong> leur enfance. Le Voyage est un <strong>de</strong>s romans<br />
majeurs <strong>de</strong> Verne, avec 20 000 lieues sous les mers,<br />
Le tour du mon<strong>de</strong> en 80 jours, et De la terre à la lune<br />
en particulier. Publié en 1864, il se situe au sommet<br />
<strong>de</strong> la vague vernienne, lorsque l’auteur « fait un<br />
tabac ». Verne est alors en train d’élaborer ce qui va<br />
<strong>de</strong>venir une mythologie mondiale : qui, sur les cinq<br />
continents, n’a pas à l’esprit Nemo, Michel Strogoff ou<br />
Phileas Fogg ? Enfin, je vis et travaille à Nantes, à<br />
quelques petites lieues <strong>de</strong>s musée et lycée Jules Verne,<br />
<strong>de</strong>s maisons qu’il occupât dans la ville où il naquit et<br />
(suite page 11 )<br />
graisse saturée et sucre rapi<strong>de</strong>.<br />
Cette théorie est renforcée par une étu<strong>de</strong> qui a montré<br />
que la sé<strong>de</strong>ntarité, le manque d’exercice et la<br />
forte consommation tabagique sont très fréquents<br />
dans la population psychotique même avant tout<br />
traitement neuroleptique. Certains évoquent une<br />
association entre les facteurs diététiques et l’évolution<br />
à long terme <strong>de</strong> la schizophrénie (2) .<br />
Pour Malcom Peet (2) , l’augmentation <strong>de</strong> la prévalence<br />
du diabète chez les patients schizophrènes est liée<br />
à une prédisposition génétique à l’insulino-résistance<br />
associée à une hygiène <strong>de</strong> vie délétère (alimentation,<br />
activité) et à l’effet <strong>de</strong>s traitements antipsychotiques sur<br />
la prise alimentaire.<br />
D’autre part, un groupe d’experts réunis à Dublin en<br />
octobre 2003 a discuté sur le fait que schizophrénie<br />
et diabète pourraient partager une étiologie ou/et<br />
une étiopathogénie commune.<br />
D’après leur rapport, la prévalence du diabète <strong>de</strong><br />
type 2 est <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux à quatre fois plus importante que<br />
dans la population générale, soit 15 à 18% (3) . Environ<br />
2/3 <strong>de</strong>s cas ne sont pas i<strong>de</strong>ntifiés au cours du suivi<br />
(suite page 3 )<br />
Louis Le Guillant et l’aliénation<br />
mentale et sociale ■ HISTOIRE J. Torrente<br />
Entretien avec<br />
Michel Sanchez-Car<strong>de</strong>nas<br />
nique mettant en lumière les processus psychopathologiques,<br />
intra-psychiques et intersubjectifs, en jeu<br />
au travail et dans les décompensations au travail. La<br />
psychopathologie du travail s’est constituée sous l’impulsion<br />
d’un certain nombre <strong>de</strong> psychiatres fortement<br />
impliqués dans le renouvellement et l’extension<br />
<strong>de</strong> la psychiatrie <strong>de</strong> la pério<strong>de</strong> d’après guerre<br />
comme Paul Sivadon ou Louis Le Guillant. Quatre<br />
gran<strong>de</strong>s figures marquent la psychopathologie du travail<br />
: Paul Sivadon, Louis Le Guillant, Clau<strong>de</strong> Veil<br />
et Christophe Dejours. Mais bien d’autres auteurs<br />
remarquables ont participé <strong>de</strong> ce mouvement.<br />
Nous nous limiterons à exposer la manière <strong>de</strong> voir <strong>de</strong><br />
Le Guillant. Nous présenterons son travail à partir<br />
<strong>de</strong> l’étu<strong>de</strong> passionnante qu’il a faite à propos du crime<br />
(suite page 6 )<br />
MARS 2005 1<br />
ISSN 0988-4068<br />
n° 2 - Tome XVIII - <strong>Mars</strong> 2005<br />
Tirage : 10 500 exemplaires<br />
Directeur <strong>de</strong> la Publication et <strong>de</strong> la<br />
Rédaction : G. Massé<br />
Rédacteur en chef : F. Caroli<br />
Rédaction : Hôpital Sainte-Anne,<br />
1 rue Cabanis - 75014 Paris<br />
Tél. 01 45 65 83 09 - Fax 01 45 65 87 40<br />
Abonnements :<br />
54 bd La Tour Maubourg - 75007 Paris<br />
Tél. 01 45 50 23 08 - Fax 01 45 55 60 80<br />
Prix au numéro : 9,15 €<br />
E-mail : info@nervure-psy.com<br />
AU SOMMAIRE<br />
FMC<br />
Neuroleptiques et<br />
diabète p.1<br />
PUBLICATIONS<br />
Henry Ey, psychiatre<br />
du XXI e siècle p.5<br />
HISTOIRE<br />
Louis Le Guillant et<br />
l’aliénation mentale<br />
et sociale p.6<br />
HUMEUR<br />
Par les temps qui<br />
courent p.7<br />
ENTRETIEN AVEC<br />
Michel<br />
Sanchez-Car<strong>de</strong>nas p.11<br />
TÉMOIGNAGE<br />
Contribution à la CME<br />
exceptionnelle du<br />
10 janvier 2005 sur la<br />
situation <strong>de</strong> crise du<br />
Centre Hospitalier <strong>de</strong>s<br />
Pyrénées p.13<br />
EXPOSITION<br />
Sur les traces <strong>de</strong>...<br />
autiste ou artiste, une<br />
lettre <strong>de</strong> différence p.14<br />
THÉRAPEUTIQUE<br />
De l’observance<br />
médicamenteuse à<br />
l’adhésion au traitement p.16<br />
La dépendance aux<br />
psychotropes p.17<br />
Les toxicomanies à<br />
Madagascar p.19<br />
ANNONCES<br />
PROFESSIONNELLES p.20<br />
ANNONCES EN BREF p.22<br />
Entre les pages 12 et 13, encart <strong>de</strong> 4 pages<br />
Risperdalconsta ® L.P., Laboratoires Janssen-<br />
Cilag.<br />
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<strong>de</strong> nos éditions, vous abonner<br />
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N°2 - TOME XVIII - MARS 2005<br />
classique et ces troubles glycémiques<br />
semblent présents bien avant tout traitement<br />
neuroleptique.(intolérance au<br />
glucose).<br />
De plus, ils confirment les relations établis<br />
par Peet sur le mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> vie et le<br />
régime alimentaire <strong>de</strong>s patients psychotiques<br />
et l’apparition <strong>de</strong> diabète <strong>de</strong><br />
type 2. Ils concluent sur le fait que<br />
diabète <strong>de</strong> type 2 et schizophrénie<br />
seraient associés en fonction <strong>de</strong> facteur<br />
environnementaux et <strong>de</strong> prédisposition<br />
génétique.<br />
Dixon et coll (4) ont trouvé <strong>de</strong>s taux<br />
<strong>de</strong> prévalence <strong>de</strong> diabète traités <strong>de</strong> 9 à<br />
14% parmi un échantillon national <strong>de</strong><br />
patients schizophrène, significativement<br />
plus important que dan,s la population<br />
générale <strong>de</strong> 1,2 % à 6,3%, respectivement<br />
pour les tranches d’ages <strong>de</strong> 18<br />
à 44 ans et 45 à 64 ans.<br />
Cette théorie d’une relation entre diabète<br />
<strong>de</strong> type 2 et schizophrénie pourrait<br />
trouver une explication physiopathologique,<br />
car certaines étu<strong>de</strong>s ont<br />
mis en exergue plusieurs mécanismes :<br />
sensibilité tissulaire diminuée à l’insuline,<br />
diminution <strong>de</strong> la sécrétion d’insuline<br />
<strong>de</strong>s cellules B (5). Mais ces facteurs<br />
doivent être confirmé par d’autres<br />
étu<strong>de</strong>s.<br />
En revanche, certains auteurs pensent<br />
que les neuroleptiques, et en particulier<br />
les neuroleptiques atypiques, représenteraient<br />
un facteur <strong>de</strong> risque <strong>de</strong> dysrégulation<br />
glycémique à lui seul, notamment<br />
par la prise <strong>de</strong> poids qu’ils<br />
engendrent.<br />
Dans une méta-analyse concernant<br />
30 000 patients, il a été montré une<br />
prise <strong>de</strong> poids d’importance variable<br />
avec tous les neuroleptiques. Après 10<br />
semaines <strong>de</strong> traitement, la clozapine<br />
était en première position avec un gain<br />
<strong>de</strong> 4 à 4,5 Kg. Ensuite on retrouvait<br />
l’olanzapine, la quiétapine, la sertindole,<br />
la rispéridone, les traitements non<br />
pharmacologiques, l’halopéridol et la<br />
ziprasidone (6).<br />
Les traitements antipsychotiques<br />
seraient associés à un plus grand apport<br />
alimentaire chez les patients (7) et surtout<br />
à <strong>de</strong>s mauvais choix diététiques<br />
Psychiatres au rabais ? Mé<strong>de</strong>cins à<br />
diplômes étrangers boucs<br />
émissaires !<br />
que les places vacantes y sont évi<strong>de</strong>ntes. Malgré<br />
<strong>de</strong>s besoins persistants, il a été pris la décision, sans<br />
véritable justification, que les anciens mécanismes<br />
d’intégration, prévus par la loi Kouchner, seraient<br />
interrompus pour les mé<strong>de</strong>cins à diplôme étranger<br />
qui n’exerçaient pas en France avant le 27 juillet<br />
1999.<br />
Les postes inoccupés furent longtemps les postes<br />
d’internes <strong>de</strong>s hôpitaux non CHU (à la suite <strong>de</strong> la<br />
décision <strong>de</strong> réduire le nombre d’étudiants en mé<strong>de</strong>cine<br />
: politique du numerus clausus). C’est <strong>de</strong><br />
cette façon que furent recrutés <strong>de</strong>s mé<strong>de</strong>cins à diplôme<br />
étranger, désirant faire <strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>s <strong>de</strong> spécialité<br />
en France, fuyant parfois leur pays et pouvant<br />
espérer s’intégrer dans le nôtre.<br />
C’est ce qui s’est passé, effectivement, pour un bon<br />
nombre d’entre eux puisque 25 % à 30 % <strong>de</strong>s effectifs<br />
<strong>de</strong>s mé<strong>de</strong>cins titulaires, ou non, <strong>de</strong>s hôpitaux,<br />
sont actuellement d’origine étrangère ! Mais,<br />
entre ces <strong>de</strong>ux phases <strong>de</strong> leur carrière, ils ne sont<br />
pas restés inactifs ! Certes, au départ placés systématiquement<br />
au bas <strong>de</strong> l’échelle <strong>de</strong>s salaires, ils ont<br />
acquis <strong>de</strong>s compétences (par le système <strong>de</strong>s certificats<br />
et diplômes universitaires), <strong>de</strong> l’expérience<br />
(sous le contrôle <strong>de</strong> leurs pairs) et finalement obtenus,<br />
après d’interminables atermoiements, <strong>de</strong>s<br />
postes <strong>de</strong> titulaires à l’issue d’examens et concours.<br />
Au lieu <strong>de</strong> les remercier <strong>de</strong> participer activement<br />
au fonctionnement <strong>de</strong> la mé<strong>de</strong>cine hospitalière, on<br />
fait la fine bouche et les accusations reviennent<br />
cette fois-ci sous la forme <strong>de</strong>s « 2/3 <strong>de</strong>s psychiatres<br />
<strong>de</strong> <strong>de</strong>main auront été formés au rabais ».<br />
Voilà pourquoi, sans doute, la psychiatrie poserait<br />
<strong>de</strong>s problèmes : dans les hôpitaux, face à la justice,<br />
dans les prisons, face à la drogue, à l’alcool ; aux<br />
psychotropes, à la criminalité et voilà pourquoi vos<br />
adolescents se suici<strong>de</strong>nt !<br />
Ne pourrait-on pas, tout aussi bien, mettre en cause<br />
Neuroleptiques et diabète<br />
entraînant une obésité et <strong>de</strong>s problèmes<br />
<strong>de</strong> régulation glycémique (8). Ces phénomènes<br />
renforçent la mauvaise hygiène<br />
<strong>de</strong> vie <strong>de</strong> ces patients, précé<strong>de</strong>mment<br />
décrits (2).<br />
Plusieurs hypothèses ont été évoquées<br />
sur les mécanismes d’interaction entre<br />
neuroleptiques et homéostasie glycémique<br />
:<br />
- l’hyperglycémie induite par l’olanzapine<br />
et la clozapine serait due soit à<br />
une toxicité directe sur les îlots <strong>de</strong> Langerhans,<br />
diminuant ainsi la réponse<br />
insulinique par antagonisme 5-HT1a<br />
ou bien par le relargage d’insuline par<br />
contrôle direct sur le système sympathique<br />
(9) ;<br />
- la prescription d’olanzapine a été associée<br />
à un gain <strong>de</strong> poids, une hyperlipidémie,<br />
une hyperinsulinémie et à une<br />
insulino-résistance, suggérant <strong>de</strong>s mécanismes<br />
directs et indirects sur la régulation<br />
glycémique (10) ;<br />
- la clozapine induirait une insulino<br />
résistance (11) ;<br />
- le gain <strong>de</strong> poids, les modifications<br />
lipidiques combinés à une élévation<br />
<strong>de</strong>s niveaux d’insuline et <strong>de</strong> leptine,<br />
comme l’insulinorésistance, jouent un<br />
rôle important dans le développement<br />
d’une intolérance au glucose et d’un<br />
diabète <strong>de</strong> type 2 (12).<br />
Ces données sont, également, confirmées<br />
par le groupe d’experts <strong>de</strong> Dublin<br />
en 2003, qui évoque <strong>de</strong>s publications<br />
<strong>de</strong> cas <strong>de</strong> troubles glycémiques publiés<br />
avec l’ensemble <strong>de</strong>s neuroleptiques. Il<br />
semblerait que cette association soit<br />
plus forte pour les neuroleptiques atypiques,<br />
en particulier pour la clozapine.<br />
Mais aucun mécanisme physiopathologique<br />
n’a été confirmé (3).<br />
Il est important <strong>de</strong> noter que certains<br />
auteurs ont modéré ces résultats, en<br />
évoquant le fait que les patients sous<br />
neuroleptiques atypiques seraient plus<br />
surveillés sur le plan biologique que<br />
ceux sous neuroleptiques classiques,<br />
entraînant un biais <strong>de</strong> sélection.<br />
l’enseignement que reçoivent les mé<strong>de</strong>cins qui complètent<br />
leur spécialisation en France ? Car ce sont<br />
eux qui remplissent les D.U. qu’organisent les enseignants<br />
et ce sont ces <strong>de</strong>rniers qui forment les jurys<br />
d’examens et concours qualifiants. Lorsque ces<br />
mé<strong>de</strong>cins suivent ces enseignements avec dynamisme<br />
et assiduité, il faudrait arrêter <strong>de</strong> leur accoler<br />
les adjectifs <strong>de</strong> « mal formés, <strong>de</strong> moindre valeur »<br />
et lorsqu’on leur laisse le droit <strong>de</strong> se présenter à<br />
<strong>de</strong>s examens et concours <strong>de</strong> parler <strong>de</strong> « propulsion<br />
au rang <strong>de</strong> psychiatres <strong>de</strong>s hôpitaux ».<br />
En effet, le texte du décret du 08/06/2004 qui organise<br />
<strong>de</strong>s procédures d’autorisation d’exercice <strong>de</strong><br />
la profession, en particulier <strong>de</strong>s mé<strong>de</strong>cins spécialistes,<br />
ouvrent en fait <strong>de</strong>s épreuves <strong>de</strong> « vérification<br />
<strong>de</strong>s connaissances », sans doute pour répondre à l’objection<br />
signalée ci-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> l’insuffisance supposée<br />
<strong>de</strong> leurs connaissances. Apparemment, d’après<br />
ce texte, ces épreuves sont ouvertes à tout mé<strong>de</strong>cin<br />
à diplôme étranger, déjà qualifié spécialiste dans<br />
son pays, qu’il exerce déjà en France ou non. Ceci<br />
représente un potentiel <strong>de</strong> candidats énormes, et<br />
pourtant cette épreuve est associée à un quota fixé<br />
chaque année par arrêté. Quand on considère que<br />
l’arrêté a prévu, pour l’épreuve qui se déroule en<br />
2005, 10 places, on se rend compte <strong>de</strong> ce que<br />
l’anodine vérification <strong>de</strong>s connaissances se transforme<br />
en un redoutable concours sélectif.<br />
Le chiffre <strong>de</strong> 10 postes, mis au concours, est vraiment<br />
dérisoire tant par rapport au nombre <strong>de</strong> postulants<br />
potentiels (sans doute pour les décourager<br />
d’avance) que par rapport aux besoins indiscutables<br />
<strong>de</strong> la psychiatrie publique.<br />
Encore, faut-il ajouter que pour accé<strong>de</strong>r au droit<br />
d’exercer, il faudra qu’ils passent ensuite <strong>de</strong>vant<br />
une commission d’autorisation d’exercice qui l’accor<strong>de</strong>ra,<br />
royalement, pour une durée <strong>de</strong> 3 ans !<br />
On ne peut imaginer politique plus malthusienne<br />
aussi indifférente à la situation actuelle <strong>de</strong> la démographie<br />
médicale, en particulier en psychiatrie<br />
et également dédaigneuse à l’égard <strong>de</strong> tous les candidats<br />
potentiels à leur intégration à la psychiatrie<br />
Analyse <strong>de</strong> la littérature<br />
Pour les neuroleptiques typiques, différentes<br />
étu<strong>de</strong>s ont indiqué une inci<strong>de</strong>nce<br />
augmentée d’hyperglycémie<br />
chez les patients traités par les neuroleptiques<br />
<strong>de</strong> première génération tels<br />
que la chlorpromazine et le zyclopenthixol.<br />
Mais, il n’a pas été décrit l’apparition<br />
<strong>de</strong> vrai cas <strong>de</strong> diabète.<br />
Avec l’arrivée <strong>de</strong>s antipsychotiques atypiques,<br />
<strong>de</strong>s cas d’hyperglycémie, <strong>de</strong><br />
céto-acidose et <strong>de</strong> diabète ont été rapportés<br />
notamment avec la clozapine (13),<br />
l’olanzapine (14), la rispéridone (15), la<br />
quiétapine (15) et la sertindole (16).<br />
Une étu<strong>de</strong> rétrospective (17) concernant<br />
436 patients recevant soit un antipsychotique<br />
atypique, soit un antipsychotique<br />
<strong>de</strong> type Decanoate retard, a été<br />
réalisée dans un centre communautaire<br />
<strong>de</strong> santé mentale. Les données ont<br />
été recueillies entre Avril 2001 et Septembre<br />
2002. Les patients souffraient<br />
<strong>de</strong> schizophrénie ou <strong>de</strong> troubles mentaux<br />
sévères. Les auteurs ont trouvé<br />
un effet significatif <strong>de</strong> l’âge, <strong>de</strong>s antécé<strong>de</strong>nts<br />
familiaux <strong>de</strong> diabète et du sexe.<br />
Ce que l’on retrouve classiquement<br />
dans une population saine. De plus,<br />
la prévalence d’apparition <strong>de</strong> cas<br />
<strong>de</strong> diabète parmi les patients traités<br />
par un traitement atypique (15,2%)<br />
comparés à ceux recevant le décanoate<br />
(6,3%) apparaissait significative<br />
(p : 0,078).<br />
Une étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> 1999 (18) a porté sur<br />
38 632 patients schizophrènes traités<br />
avec <strong>de</strong>s neuroleptiques typiques et<br />
atypiques, appartenant à la Veterans<br />
Health Administration du Dpt. of Veterans<br />
Affairs. Parmi ceux-ci, 41,4% recevaient<br />
un neuroleptique typique et<br />
58,6% un neuroleptique atypique. Les<br />
neuroleptiques atypiques comprenaient<br />
: clozapine (5,3%), olanzapine<br />
(48,4%), risperidone (43,7%) et quiétapine<br />
(4,2%). Les patients recevant<br />
<strong>de</strong>s neuroleptiques atypiques auraient<br />
présenté un risque <strong>de</strong> diabète augmenté<br />
significativement <strong>de</strong> 9% par rapport<br />
à ceux recevant <strong>de</strong>s neuroleptiques<br />
typiques. Mais, il faut modérer<br />
ces résultats, car il s’agit tout d’abord<br />
d’une série rétrospective avec la notion<br />
<strong>de</strong> biais inérant à ces étu<strong>de</strong>s. De plus,<br />
il n’y a aucune information sur les prescriptions<br />
antérieures (switch), les modifications<br />
<strong>de</strong> prise <strong>de</strong> poids et l’observance<br />
du traitement.<br />
Dans certains cas <strong>de</strong> diabète induit par<br />
un traitement neuroleptique atypique,<br />
le diabète se régularisa au retrait du<br />
traitement et se décompensa à la réintroduction<br />
<strong>de</strong> la clozapine (19, 20) ou <strong>de</strong><br />
l’olanzapine (21). Ces arguments seraient<br />
en faveur d’un lien <strong>de</strong> causalité, <strong>de</strong><br />
même que les décompensations du<br />
diabète <strong>de</strong> type 2 se font souvent par<br />
acidocétose chez les patients traités<br />
par neuroleptique atypique, alors que<br />
cette présentation est rare dans la population<br />
générale. De plus, les histoires<br />
familiale <strong>de</strong> diabète et la prise <strong>de</strong> poids<br />
ne sont pas systématiques, ce qui favorise<br />
l’hypothèse d’une responsabilité<br />
médicamenteuse.<br />
Mais, même si il existe <strong>de</strong>s effets indésirables<br />
sur le métabolisme glycémique,<br />
ceux-ci restent rares par rapport aux<br />
autres effets secondaires <strong>de</strong> la classe<br />
<strong>de</strong>s neuroleptiques. Comme le montre<br />
« The Drug Safety Program in Psychiatry<br />
», qui a relevé les effets indésirables<br />
<strong>de</strong>s médicaments dans 35 hôpitaux<br />
psychiatriques allemands, autrichiens<br />
et suisses, entre 1993 et 2000. Seulement<br />
9 patients ont présenté une dysrégulation<br />
glycémique sur 86 436<br />
patient (0,01%).<br />
Ces 9 cas sont apparus avec un traitement<br />
atypique 2 sous clozapine et 7<br />
sous olanzapine en monothérapie. Ces<br />
troubles ont été notés dès l’initiation<br />
du traitement pour 7 patients et au<br />
bout <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux ans et <strong>de</strong>mi pour les 2<br />
autres. Cinq <strong>de</strong> ces 9 neuf patients présentaient,<br />
initialement, un diabète <strong>de</strong><br />
publique française.<br />
Dans l’article du Pr. Olié d’autres raisons sont également<br />
rendues responsables <strong>de</strong> cette « psychiatrie<br />
au rabais » avec lesquelles je ne peux que faire état<br />
d’un accord assez général.<br />
Il en est ainsi du manque <strong>de</strong> soignants et personnel<br />
paramédical et du manque en structures extrahospitalières,<br />
ce qui en fait est très lié. Il faudrait en<br />
profiter pour ne pas aggraver les disparités entre<br />
gran<strong>de</strong>s villes, siège <strong>de</strong> CHU, zones urbaines et<br />
zones rurales qui souffrent plus que les autres d’un<br />
manque <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cins <strong>de</strong> spécialistes et paramédicaux.<br />
Comment accepter une telle situation alors<br />
qu’il existe <strong>de</strong>s mé<strong>de</strong>cins à diplôme étranger qui<br />
seraient candidats pour être recrutés. N’oublions<br />
pas qu’il n’existe pas <strong>de</strong> crise <strong>de</strong>s effectifs <strong>de</strong> psychologues<br />
formés qui pourraient être recrutés, dès<br />
maintenant, alors que les concours <strong>de</strong> recrutement<br />
restent totalement désuets et dissuasifs.<br />
Un troisième point est abordé, à juste raison, par<br />
le Pr. Olié, quant à la question <strong>de</strong>s hébergements<br />
alternatifs à l’hospitalisation au long cours, il signale<br />
le scandale <strong>de</strong>s psychotiques chroniques vivant<br />
seuls dans <strong>de</strong>s hôtels faisant fonction <strong>de</strong> rési<strong>de</strong>nces<br />
thérapeutiques ou dans la rue. Mais ceci ne s’est<br />
pas fait sans l’active participation <strong>de</strong> nombreux psychiatres<br />
appliquant la politique <strong>de</strong> secteur et <strong>de</strong><br />
conquête par les patients <strong>de</strong> l’autonomie extérieure<br />
aux hôpitaux. C’est, en effet, la conséquence <strong>de</strong> la<br />
fermeture <strong>de</strong>s lits et places dans les hôpitaux psychiatriques,<br />
politique remarquablement bien acceptée<br />
par les déci<strong>de</strong>urs en matière <strong>de</strong> santé mentale,<br />
trop heureux d’entrevoir enfin <strong>de</strong>s économies<br />
tout en proclamant acquise d’avance la lutte<br />
victorieuse contre la chronicisation <strong>de</strong>s mala<strong>de</strong>s<br />
mentaux.<br />
L’outil psychiatrique a perdu beaucoup plus <strong>de</strong> la<br />
moitié <strong>de</strong> ses lits, en négligeant l’occasion d’adapter<br />
et <strong>de</strong> mo<strong>de</strong>rniser les services tout en conservant<br />
un potentiel suffisant. En matière d’hospitalisation<br />
à temps plein les seules créations parfois<br />
remarquables ont été celles <strong>de</strong>s services <strong>de</strong> psy-<br />
<br />
LIVRES<br />
FMC ■ 3<br />
Les troubles<br />
schizophréniques<br />
David Gourion et Anne Gut-<br />
Fayand<br />
Ellipses<br />
Ce livre est <strong>de</strong>stiné aux patients, mais<br />
aussi aux familles qui souhaitent<br />
mieux comprendre le trouble schizophrénique.<br />
De nombreux thèmes<br />
sont abordés <strong>de</strong> façon simple et pratique.<br />
Ils concernent la maladie, son<br />
diagnostic, ses causes et ses traitements,<br />
ainsi que les réseaux <strong>de</strong> soins<br />
et d’entrai<strong>de</strong> et les droits du patient.<br />
Des conseils pratiques sont proposés<br />
pour gérer les difficultés dans le quotidien<br />
comme dans l’urgence, mais<br />
aussi les rapports avec la famille et<br />
l’entourage.<br />
Co<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’action sociale et<br />
<strong>de</strong>s familles<br />
Edition 2005<br />
Dalloz, 60 €<br />
Il s’agit <strong>de</strong> la première édition commentée<br />
du texte intégral du nouveau<br />
Co<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’action sociale et <strong>de</strong>s familles,<br />
<strong>de</strong>s textes complémentaires (lois, décrets,<br />
arrêtés) ordonnés en rubriques<br />
thématiques et <strong>de</strong>s références bibliographiques<br />
comme <strong>de</strong>s notes <strong>de</strong><br />
jurispru<strong>de</strong>nce.<br />
Vieillir au XXI e siècle, une<br />
nouvelle donne<br />
Sous la direction <strong>de</strong> Clau<strong>de</strong><br />
Jean<strong>de</strong>l<br />
Editions Universalis, 15 €<br />
Cet ouvrage mène une réflexion au<br />
sujet du vieillissement <strong>de</strong> la population<br />
française, qui modifie les besoins<br />
en termes <strong>de</strong> soins ou <strong>de</strong> prise en<br />
charge <strong>de</strong> la dépendance. Des gériatres,<br />
<strong>de</strong>s économistes et <strong>de</strong>s sociologues<br />
donnent une vision globale<br />
<strong>de</strong> ce phénomène, en présentant ses<br />
aspects sanitaires, médicaux, économiques<br />
ou, encore politiques.<br />
chiatrie en hôpital général, pourtant <strong>de</strong> plus en plus<br />
débordés par les urgences et ne sachant où les orienter.<br />
On a toujours la chronicité, mais à l’extérieur<br />
<strong>de</strong>s hôpitaux, quant aux économies en matière <strong>de</strong><br />
santé… ! Les familles les plus attentives protestent<br />
contre les charges <strong>de</strong> lourds mala<strong>de</strong>s mentaux<br />
qu’elles estiment assumer quasiment seules et près<br />
<strong>de</strong> 24 h/24 lorsque les sorties ont été prématurées.<br />
Enfin, c’est bien beau <strong>de</strong> proposer le retour <strong>de</strong>s mala<strong>de</strong>s<br />
mentaux qui encombrent, paraît-il les prisons,<br />
mais dans quelles institutions et pour <strong>de</strong>s séjours<br />
<strong>de</strong> quelle durée ? Alors que sans cesse les services<br />
manquent <strong>de</strong> place. Non ! Les experts psychiatres<br />
qui déci<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> la responsabilité <strong>de</strong> criminels ou<br />
<strong>de</strong> délinquants plus légers ne sont pas tous incompétents<br />
ou mal formés ! Si une autre politique<br />
pénitentiaire doit être appliquée en matière <strong>de</strong> délinquance,<br />
en particulier sexuelle, il lui faut <strong>de</strong>s<br />
moyens, <strong>de</strong>s institutions et <strong>de</strong>s personnels psychiatres<br />
et psychologues !<br />
Comment le faire, actuellement, sans l’ai<strong>de</strong> <strong>de</strong>s mé<strong>de</strong>cins<br />
à diplôme étranger. Plutôt que d’importer<br />
<strong>de</strong>s mé<strong>de</strong>cins qui le veulent, préférons nous développer<br />
l’incroyable réalité <strong>de</strong> l’exportation <strong>de</strong>s<br />
handicapés mentaux adultes jeunes vers la Belgique<br />
dans <strong>de</strong>s institutions dont nous n’avons pas voulu<br />
prévoir la construction ?<br />
J’espère que les soignants et éducateurs belges sont<br />
eux bien formés !<br />
Nous en avons assez d’une désignation <strong>de</strong>s mé<strong>de</strong>cins<br />
à diplôme étranger comme boucs émissaires,<br />
alors même que c’est toute la politique <strong>de</strong> santé<br />
mentale qui <strong>de</strong>vrait être reconsidérée, 50 ans après<br />
la mise en œuvre <strong>de</strong> la politique <strong>de</strong> secteur psychiatrique,<br />
en prenant en compte ses acquis, mais<br />
sans négliger ses insuffisances persistantes. <br />
G. Ferrey*<br />
*Psychiatre <strong>de</strong>s hôpitaux, Prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> l’Association Franco-<br />
Maghrébine <strong>de</strong> <strong>Psychiatrie</strong>, Psychologie et Sciences<br />
Humaines Ile-<strong>de</strong>-France, Centre Hospitalier Simone Veil,<br />
Eaubonne (95).
4<br />
LIVRES ET REVUES<br />
Ferenczi le clinicien II<br />
Le Coq-Héron Septembre 2004 n°178<br />
Erès 16 €<br />
Ce second numéro consacré au congrès<br />
« Sandor Ferenczi clinicien » qui s’est déroulé<br />
à Turin, du 18 au 22 juillet 2002,<br />
regroupe <strong>de</strong>s travaux sur divers arguments<br />
du parcours ferenczien, dont le<br />
contre-transfert, la formation <strong>de</strong> l’analyste,<br />
le traumatisme.<br />
L. Martin-Cabré, J. Tubret-Ocklan<strong>de</strong>r, J.<br />
Frankel, C. Brosio, mettent en évi<strong>de</strong>nce<br />
l’influence manifeste <strong>de</strong> l’analyste dans<br />
le champ thérapeutique et l’extrême<br />
vulnérabilité et perméabilité <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux<br />
partenaires du couple analytique au besoin<br />
<strong>de</strong> lien et d’intimité, et par conséquent<br />
leur exposition réciproque aux<br />
défenses face à la quantité <strong>de</strong> douleur<br />
que comporte, inévitablement, la pratique<br />
<strong>de</strong> l’analyse. E. Falze<strong>de</strong>r, avec « les<br />
choses à faire et à ne pas faire », relatives<br />
aux principaux aspects <strong>de</strong> l’attitu<strong>de</strong><br />
idéale à adopter avec les psychotiques,<br />
offre une illustration convaincante à cet<br />
égard, en signalant l’intérêt <strong>de</strong> la réflexion<br />
<strong>de</strong> Ferenczi pour la clinique<br />
quand on trouve à affronter une douleur<br />
que le patient, comme l’a dit Bion<br />
dans Attention et interprétation, « peut<br />
éprouver, mais non souffrir ».<br />
J. Dupont, F. Landa et M. Moreau Ricaud,<br />
suivant cette argumentation, repensent,<br />
dans le sillon <strong>de</strong> Ferenczi, la<br />
formation <strong>de</strong> l’analyste. Ils examinent<br />
ce qui peut, à un niveau institutionnel,<br />
la compromettre et la falsifier, en ne favorisant<br />
pas cette autonomie et cette<br />
séparation psychique qui sont indispensables<br />
pour qu’elle s’incarne réellement<br />
et ne reste pas confinée à un<br />
simple apprentissage endoctrinement<br />
superficiel <strong>de</strong> ce qui vient <strong>de</strong> l’extérieur,<br />
par imitation.<br />
X P. Sabourin décrit le traitement psychothérapeutique<br />
« <strong>de</strong> réseau » d’une petite<br />
fille gravement traumatisée et les<br />
modifications nécessaires <strong>de</strong> la technique<br />
traditionnelle lorsqu’il s’agit d’une<br />
psychopathologie qui concerne une famille<br />
maltraitante et <strong>de</strong>s « liens intergénérationnels<br />
toxiques ». J. Sklar, à l’inverse,<br />
respecte une ligne d’intervention<br />
très classique et abor<strong>de</strong> le traumatisme<br />
en s’intéressant aux rêveries diurnes et<br />
aux rêves qui s’y réfèrent et à la façon<br />
<strong>de</strong> les utiliser au mieux.<br />
La mesure <strong>de</strong>s sens<br />
Les anthropologues et le corps<br />
humain au XIX e siècle<br />
Nélia Dias<br />
Aubier, 17 €<br />
Nélia Dias a voulu rendre intelligible la<br />
façon dont la hiérarchie sensorielle au<br />
XIX e siècle informe, à la fois, la hiérarchie<br />
raciale et la hiérarchie sociale, tout<br />
en étant mo<strong>de</strong>lée par ces <strong>de</strong>rnières. Elle<br />
s’appuie, essentiellement, sur les discours<br />
savants du XIX e siècle qui sont<br />
considérés dans leurs propres termes,<br />
avec les notions d’« objectivité », <strong>de</strong><br />
« race », <strong>de</strong> « science » et <strong>de</strong> « primitif »,<br />
pour ne citer que ces exemples.<br />
L’objectif est <strong>de</strong> démontrer comment la<br />
« découverte » du siège <strong>de</strong> la faculté du<br />
langage articulé, et par là la mise en<br />
évi<strong>de</strong>nce <strong>de</strong> l’asymétrie cérébrale, a<br />
joué un rôle central dans l’élaboration<br />
tant <strong>de</strong> la hiérarchie sensorielle que <strong>de</strong><br />
la hiérarchie raciale et sexuelle. Est mise<br />
en relief la façon dont l’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s sens,<br />
aussi bien dans sa dimension épistémologique<br />
et méthodologique (avec la<br />
mise en place <strong>de</strong> toute une panoplie<br />
instrumentale) qu’en ce qui concerne<br />
ses effets pratiques, permet <strong>de</strong> dévoiler<br />
les hantises, les croyances, le système<br />
<strong>de</strong>s valeurs tout comme les<br />
préjugés <strong>de</strong> la société française <strong>de</strong> la<br />
secon<strong>de</strong> moitié du XIX e siècle.<br />
La présentation <strong>de</strong> la topographie cérébrale<br />
conçue par Paul Broca et <strong>de</strong> la<br />
hiérarchie sensorielle est suivie par l’examen<br />
<strong>de</strong>s débats théoriques autour <strong>de</strong><br />
la couleur <strong>de</strong>s yeux, l’un <strong>de</strong>s critères distinctifs<br />
<strong>de</strong> la classification raciale. Sont<br />
montrées les résonances <strong>de</strong>s débats<br />
centrés sur le phénomène <strong>de</strong> la perception<br />
(culturellement déterminé ou<br />
relevant <strong>de</strong> dispositions innées) dans le<br />
milieu anthropologique ; les peuples<br />
« primitifs » tout comme les femmes hystériques<br />
et les paysannes sont supposés<br />
être atteints <strong>de</strong> défaillances visuelles<br />
et d’incapacités perceptives. Les préceptes<br />
méthodologiques relatifs à l’observation<br />
<strong>de</strong>s yeux comprennent la mise<br />
en place <strong>de</strong> protocoles <strong>de</strong> métho<strong>de</strong> et<br />
l’élaboration par Broca d’une échelle<br />
chromatique comprenant vingt couleurs<br />
<strong>de</strong>s yeux.<br />
Les pratiques menées sur le terrain aussi<br />
bien en France (notamment au Jardin<br />
d’Acclimatation) qu’en <strong>de</strong>hors <strong>de</strong> l’Europe<br />
ont abouti à <strong>de</strong>s recherches empiriques<br />
qui ont fait l’objet d’interprétations<br />
divergentes entre les partisans<br />
<strong>de</strong> l’hérédité et les tenants <strong>de</strong> l’importance<br />
du milieu.<br />
Si la perspective synchronique délibérément<br />
adoptée dans le cadre <strong>de</strong> ce<br />
livre – centré sur un contexte national<br />
(la France) et sur une pério<strong>de</strong> spécifique<br />
(les années 1860 à 1890) – présente<br />
<strong>de</strong>s avantages méthodologiques, elle<br />
comporte néanmoins un certain nombre<br />
<strong>de</strong> limitations.<br />
A la confluence du biologique et du social,<br />
les sens sont un terrain <strong>de</strong> croisement<br />
<strong>de</strong> divers savoirs. Que <strong>de</strong>s écrivains<br />
tels que Huysmans, Maupassant<br />
et Zola multiplient les références aux<br />
travaux <strong>de</strong>s anthropologues, témoigne<br />
<strong>de</strong> la façon dont les théories anthropologiques,<br />
que ce soit au sujet <strong>de</strong> l’esthétique<br />
anthropo-physiologique ou <strong>de</strong>s<br />
passions, circulent en <strong>de</strong>hors du milieu<br />
savant. De même, les anthropologues<br />
se réfèrent aux théories <strong>de</strong> Chevreul et<br />
<strong>de</strong> Blanc, même si cela n’implique pas,<br />
N°2 - TOME XVIII - MARS 2005<br />
forcément, qu’ils aient lu les travaux <strong>de</strong><br />
ces auteurs. Evoquer à ce propos <strong>de</strong>s<br />
explications en termes d’« influence »<br />
d’un domaine sur un autre, c’est présupposer<br />
qu’anthropologie et littérature<br />
tout comme anthropologie et esthétique<br />
constituent <strong>de</strong>s champs cloisonnés,<br />
alors qu’ils doivent être envisagés<br />
comme <strong>de</strong>s éléments constitutifs d’une<br />
même culture entendue au sens large<br />
du terme. Ce livre se veut, ainsi, une<br />
contribution à l’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> la culture <strong>de</strong>s<br />
sens en tant que partie intégrante <strong>de</strong><br />
la culture occi<strong>de</strong>ntale <strong>de</strong> la secon<strong>de</strong><br />
moitié du XIX e siècle.
N°2 - TOME XVIII - MARS 2005<br />
type 2 dont un était traité par insuline<br />
et <strong>de</strong>ux par antidiabétiques oraux. Pour<br />
quatre <strong>de</strong> ces patients ces troubles se<br />
sont résolus à l’arrêt du traitement, un<br />
patient a été stable après mise en route<br />
d’un régime diététique, trois patients<br />
ont du modifier leur régime et un<br />
patient a fait un coma hyper-osmolaire.<br />
On peut nuancer ces résultats, sur le<br />
fait que le suivi n’était pas uniforme<br />
dans l’ensemble <strong>de</strong>s centres avec <strong>de</strong>s<br />
critères différents entre les pays et que<br />
le recueil <strong>de</strong> ces évènements indésirables<br />
n’était évalué que pendant les<br />
pério<strong>de</strong>s d’hospitalisation.<br />
En revanche, d’autres étu<strong>de</strong>s ne montrent<br />
pas <strong>de</strong> différence significative sur<br />
le risque <strong>de</strong> développer un diabète <strong>de</strong><br />
type 2 et la prescription <strong>de</strong> neuroleptique<br />
typique et atypique (olanzapine et<br />
rispéridone) (22).<br />
En ce qui concerne les antipsychotiques<br />
classiques, une étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> 850 patients<br />
traités par chlopromazine a montré<br />
que, seulement, cinq patients ont développé<br />
un diabète à l’initiation du traitement<br />
(non significatif) et que vingt<br />
<strong>de</strong>ux patients diabétiques ne présentaient<br />
pas <strong>de</strong> variation glycémique (23).<br />
Une seule étu<strong>de</strong> a montré un lien entre<br />
diabète et traitement par halopéridol<br />
mais elle ne portait que sur 19 patients<br />
atteints <strong>de</strong> schizophrénie.<br />
Pour la clozapine, seize cas <strong>de</strong> rapport<br />
<strong>de</strong> cas <strong>de</strong> diabète ayant pu être induit<br />
par le traitement ont été publiés. Le<br />
diabète s’est déclaré entre 10 jours et<br />
18 mois après l’initiation du traitement<br />
et aucun lien n’a pu être mis en évi<strong>de</strong>nce<br />
entre clozapine et diabète <strong>de</strong><br />
façon significative. De même, pour<br />
l’olanzapine, où 20 cas avaient été rapportés,<br />
ainsi que pour la rispéridone<br />
(2 cas) (5).<br />
Pour l’amisulpri<strong>de</strong>,avec une haute affinité<br />
pour les récepteurs dopaminergiques<br />
D2 et D3, aucun lien avec le<br />
diabète n’a été retrouvé dans la littérature.<br />
Devant ces multiples hypothèses,<br />
l’American Diabetes Association, l’American<br />
Psychiatric Association, l’American<br />
Association of Clinical Endocrinologist<br />
et la North American Association for<br />
the Study of Diabetes (11) ont établi<br />
une mise au point sur les différents<br />
point <strong>de</strong> vue concernant l’interaction :<br />
Antipsychotiques, Diabète et Obésité.<br />
Concernant la prévalence du diabète et<br />
<strong>de</strong> l’obésité dans la population schizophrène,<br />
les taux seraient <strong>de</strong> 1,5 à 2<br />
fois plus important que dans la population<br />
générale, selon la plupart <strong>de</strong>s<br />
étu<strong>de</strong>s. Mais les rôles et les mécanismes<br />
respectifs <strong>de</strong> la maladie psychiatrique<br />
et <strong>de</strong> son traitement restent inconnus.<br />
Les troubles glycémiques apparaîtraient<br />
peu <strong>de</strong> temps après l’initiation du traitement<br />
et les patients recevant <strong>de</strong> la<br />
clozapine ou <strong>de</strong> l’olanzapine auraient<br />
un risque plus important par rapport<br />
aux patients traités par d’autres neuroleptiques<br />
<strong>de</strong> première ou <strong>de</strong> <strong>de</strong>uxième<br />
génération.<br />
Compte tenu <strong>de</strong> ces risques, les<br />
membres <strong>de</strong> ces différentes associations<br />
ont proposé un organigramme<br />
<strong>de</strong> prise en charge :<br />
1) Avant l’initiation d’un traitement<br />
antipsychotique, relevé <strong>de</strong>s différents<br />
éléments suivant :<br />
- histoire personnelle et familiale d’obésité,<br />
<strong>de</strong> diabète, <strong>de</strong> dyslipidémie, d’hypertension<br />
ou <strong>de</strong> maladie cardio-vasculaire<br />
;<br />
- poids, taille et calcul du BMI ;<br />
- circonférence abdominale ( au niveau<br />
<strong>de</strong> l’ombilic) ;<br />
- tension artérielle ;<br />
- glycémie à jeun ;<br />
- profil lipidique.<br />
Si une anomalie est retrouvée lors <strong>de</strong><br />
ce bilan initial, un traitement adapté<br />
doit être mis en place, éventuellement<br />
après avis d’un spécialiste.<br />
2) Surveillance ultérieure :<br />
- le poids doit être noté à 4, 8 et 12<br />
semaines après initiation ou modification<br />
d’un traitement par antipsychotique<br />
<strong>de</strong> secon<strong>de</strong> génération, puis tous<br />
les quatre mois. Si le gain <strong>de</strong> poids est<br />
supérieur à 5% du poids initial, il est<br />
suggéré <strong>de</strong> changer d’antipsychotique,<br />
<strong>de</strong> façon progressive ;<br />
- glycémie, profil lipidique, tension artérielle<br />
(TA) doivent être mesurés 3 mois<br />
après l’initiation du traitement puis TA<br />
et glycémie seront controlées annuellement,<br />
ou plus fréquemment, chez les<br />
patients à risque. Le profil lipidique<br />
sera vérifié tous les 5 ans s’il ne présente<br />
pas d’anomalie.<br />
Pour l’enfant et l’adolescent peu <strong>de</strong><br />
données sont disponibles. Il faut ajuster<br />
le BMI pour l’âge et le sexe.<br />
Pour les patients qui développeront<br />
<strong>de</strong>s anomalies glycémiques ou lipidiques<br />
les experts préconisent <strong>de</strong> changer<br />
pour un antipsychotique non associé<br />
significativement à un gain <strong>de</strong> poids<br />
ou à un diabète. Les patients diabétiques<br />
sont orientés vers un spécialiste.<br />
<br />
Marie Ollier*<br />
*Service du Dr. Caroli, CH Sainte-Anne,<br />
Paris<br />
Bibliographie<br />
(1) KASANIN, The blood sugar curve in<br />
mental disease, The schizophrenic (<strong>de</strong>mentia<br />
praecox) groups, Arch Neurol Psychia-<br />
Henry Ey, psychiatre du XXI ème siècle (1)<br />
En tout cas, on en reparle beaucoup<br />
ces temps-ci à l’occasion <strong>de</strong> rééditions<br />
majeures.<br />
Le Traité <strong>de</strong>s Hallucinations <strong>de</strong><br />
Henri Ey<br />
(1973, 2 tomes, 1543 pages)<br />
Qualifié, à sa parution, d’« ouvrage<br />
psychiatrique du siècle », il était quasiment<br />
inaccessible ces <strong>de</strong>rnières années<br />
(hors <strong>de</strong> prix, puis épuisé). Il vient<br />
d’être réédité, en bonne compagnie,<br />
par Clau<strong>de</strong> Tchou, dans la superbe<br />
collection <strong>de</strong> la Bibliothèque <strong>de</strong>s introuvables,<br />
17 rue <strong>de</strong>s grands Augustins ,<br />
75006 Paris. 95 €. Ce livre ne se<br />
résume pas : le préfacier lui-même y<br />
renonce ... en 38 pages tout <strong>de</strong><br />
même !<br />
« On ne pourra plus à l’avenir discourir<br />
sur le rêve, la folie, les hallucinations,<br />
le délire, la raison l’existence, sans<br />
se heurter à sa pensée » écrit C.J. Blanc<br />
qui montre bien l’exceptionnelle<br />
richesse <strong>de</strong> la pensée eyienne, on<br />
n’ose dire le changement <strong>de</strong> paradigme<br />
(tellement on a abusé <strong>de</strong> ce<br />
terme) par rapport aux modèles mécanicistes<br />
et psychogénétiques. Ce n’est<br />
pas seulement un grand livre psychiatrique<br />
contemporain (jusqu’à<br />
Lacan compris : passé au peigne fin en<br />
une quarantaine <strong>de</strong> pages), mais aussi<br />
un véritable Traité Médico-philosophique<br />
<strong>de</strong> la nature <strong>de</strong> l’Homme (H.<br />
Ellenberger), comparable, par son<br />
ampleur et son souffle, aux grands<br />
ouvrages critiques <strong>de</strong> Kant.<br />
La 7 ème partie (t.II) expose, particulièrement<br />
bien, le <strong>de</strong>rnier modèle<br />
« Organo-dynamique » et l’architectonie<br />
du « Corps psychique ». Une très<br />
précieuse et très explicite Table <strong>de</strong>s<br />
concepts, merveille <strong>de</strong> précision et<br />
d’expression, est annexée en fin d’ouvrage,<br />
<strong>de</strong> portée plus que générale.<br />
Les Colloques <strong>de</strong> Bonneval <strong>de</strong><br />
1946 et <strong>de</strong> 1960 (2) sont<br />
réédités dans la foulée par J.<br />
Sédat et CI. Tchou en 2004<br />
Il y a, dans ces débats historiques,<br />
quelque chose d’essentiel à travailler,<br />
à retravailler inlassablement à chaque<br />
génération <strong>de</strong> psychiatres-psychanalystes.<br />
Si cela pouvait instaurer (porter)<br />
les débats actuels au niveau où ils<br />
étaient alors, il faudrait s’en réjouir et<br />
inscrire cette mémorable joute « dans<br />
les formes courtoises d’un tournoi <strong>de</strong> la<br />
parole » au programme <strong>de</strong> tous les<br />
CES et internats <strong>de</strong> psychiatrie.<br />
Le problème <strong>de</strong> la psychogenèse <strong>de</strong>s<br />
névroses et <strong>de</strong>s psychoses (1946)<br />
Ces Journées consacrées à la causalité<br />
psychique <strong>de</strong>s pathologies mentales<br />
marquent l’histoire <strong>de</strong>s relations<br />
tumultueuses entre psychanalyse et<br />
psychiatrie. Le débat porta sur le statut<br />
qu’il était permis d’accor<strong>de</strong>r à la<br />
notion subjective (pour ne pas dire<br />
métaphysique) <strong>de</strong> liberté dans l’état<br />
<strong>de</strong> folie.<br />
Pour Monique Charles, la conclusion<br />
s’impose : « L’enjeu fondamental <strong>de</strong> la<br />
réponse donnée au problème <strong>de</strong> la psychogenèse<br />
<strong>de</strong>s psychoses et <strong>de</strong>s névroses,<br />
revient à trancher sur l’existence injustifiable<br />
<strong>de</strong> la psychiatrie. Et voilà finalement<br />
le sens ultime et véritable <strong>de</strong> la<br />
question posée à ce colloque ».<br />
L’Inconscient (Colloque <strong>de</strong> 1960)<br />
Ce colloque eut un retentissement<br />
sans égal et est toujours considéré, <strong>de</strong><br />
l’avis général, comme un <strong>de</strong>s plus<br />
importants recueils <strong>de</strong> psychopathologie<br />
du XX ème siècle. Y participèrent<br />
une extraordinaire brochette <strong>de</strong> neuropsychiatres<br />
(Blanc, Lairy), <strong>de</strong> psychopathologues<br />
(Minkowski, Follin),<br />
phénoménologues (Lanteri-Laura),<br />
psychanalystes (Green, Lacan,<br />
Laplanche, Lebovici, Leclaire, F.Perrier,<br />
C.Stein) <strong>de</strong> toutes obédiences... et<br />
philosophes (De Waelhens, Ricoeur,<br />
Lefebvre Hyppolite, Merleau-Ponty)<br />
pour contribuer à l’accouchement par<br />
H. Ey, six ans après, <strong>de</strong> ce monument.<br />
L’éditeur parle <strong>de</strong> l’intervention déterminante<br />
<strong>de</strong> J. Lacan sur l’inconscient<br />
structuré comme un langage qui serait<br />
lui-même la condition <strong>de</strong> l’inconscient.<br />
Arrivée d’un ouvrage original<br />
très attendu :<br />
« Ey/Lacan, du dialogue au<br />
débat ou la question <strong>de</strong><br />
l’homme » par Monique<br />
Charles, chez L’Harmattan<br />
Ey et Lacan, c’était le point <strong>de</strong> départ<br />
<strong>de</strong> ce qui <strong>de</strong>vait être la présentation<br />
du face à face historique <strong>de</strong> 1946.<br />
Mais, en fait, il est surtout question,<br />
d’un bout à l’autre <strong>de</strong> l’ouvrage, d’humanisme<br />
philosophique, médical<br />
et psychiatrique ; <strong>de</strong> K. Jaspers à P.<br />
Ricoeur, dans le droit fil d’un atelier au<br />
Congrès « Psy et SNC » en nov. 2003<br />
qui réunissait, autour <strong>de</strong> C.J. Blanc,<br />
<strong>de</strong>ux professeurs <strong>de</strong> psychiatrie (G.<br />
Lanteri-Laura et D. Widlocher) et<br />
<strong>de</strong>ux agrégés <strong>de</strong> philosophie (Angèle<br />
Kremer-Marietti et M. Charles) sur<br />
« L’humanisme en question ».<br />
Retour à l’essentiel et rappel à l’ordre<br />
<strong>de</strong> l’humain. Travail salubre <strong>de</strong> philosophe<br />
que n’aveugle ni son admiration<br />
critique pour J. Lacan, ni sa tendresse<br />
pour H. Ey. M. Charles sort <strong>de</strong><br />
son fauteuil (et <strong>de</strong> son divan (3)) et va<br />
au charbon, sans peur et sans<br />
reproche, mobilisée, à travers et au<strong>de</strong>là<br />
d’eux, par sa <strong>de</strong>tte <strong>de</strong> reconnaissance<br />
envers les philosophes dont<br />
elle s’est nourrie (Saint Augustin (4),<br />
Kierkegaard (5)) ou dont elle a été l’élève<br />
(Ricoeur).<br />
A lire absolument, d’autant plus que<br />
c’est parfaitement lisible. ■<br />
RMP<br />
(1) C’est le titre d’un ouvrage publié chez<br />
L’Harmattan en 1998 (coll.Trouvailles et retrouvailles)<br />
(2) Après celui <strong>de</strong> 1943 sur Neurologie et psychiatrie<br />
réédité chez Hermann en 1998.<br />
(3) Lire La psychanalyse ?, L’Harmattan 2004.<br />
Coll. Epistémologie et philosophie <strong>de</strong>s sciences<br />
(4) Saint Augustin, une lumière pour notre<br />
temps, Ed. P.Tequi 2003.<br />
(5) Lettres au philosophe <strong>de</strong> ma vie. Desclée <strong>de</strong><br />
Brouwer 1998. Et in « La spiritualité en perspectives<br />
», sous la direction <strong>de</strong> J. Chazaud,<br />
L’Harmattan 2004.<br />
tric 1926, 16, 414-19.<br />
(2) PEET M, Diet diabetes and schizophrenia:<br />
rewiew and hypothesis, Br J Psychiatry Suppl.<br />
2004 Apr, 47, S 102-5.<br />
(3)Expert group, « Schizophrenia and diabetes<br />
2003» Expert Consensus Meeting,<br />
Dublin, October 2003, Consensus Summary,<br />
Br J Psychiatry Suppl. 2004, Apr, 47,<br />
S112-4.<br />
(4)ADAMS PF, MARANT MA, Current<br />
Estimates from the National Health Interview<br />
Survey, 1994, National Center for<br />
Health Statitics, Vital Health Stat 10<br />
1995,193, 1-520.<br />
(5) American Diabetes Association, American<br />
Psychiatric Association ; American<br />
association of clinical Endocrinologists ;<br />
North American association for the sudy<br />
of Obesity, Consensus <strong>de</strong>velopment conference<br />
on Antipsychoticc drugs and obesity<br />
diabetes, J Clin Psychiatry, 2004 Feb, 65,<br />
2, 267-272.<br />
(6) ALLISON D, MENTORE J, HEO M et<br />
al., Antipsychotic-induced weight gain: a comprehensive<br />
research synthesis, Am J Psychiatry<br />
1999, 15, 1686-96.<br />
(7) GOTHELF D, FALK B, SINGER P et al.,<br />
Weight gain associated with increased food<br />
intake and low habitual activity lovels in<br />
male adolescent schizophrenic inpatients treated<br />
with olanzapine, Am J Psychiatry 2002,<br />
159, 1055-1057.<br />
(8) SILVERSTONE T, SMITH G. Et GOO-<br />
DALL E, Prevalence of obesity in patients<br />
receiving <strong>de</strong>pot antipsychotics, B J Psychiatry<br />
1988, 153, 214-217.<br />
(9) ALLISON D, MENTORE J, HEO<br />
METAL, Antipsychotic-induced weight gain:<br />
A comprehensive research synthesis, Am J<br />
Psychiatry 1999, 156, 1686-96.<br />
(10) MELKERSON KI, HULTING A, BRIS-<br />
MAN KE, Different influences of classical<br />
antipsychotics and clozapine on glucose-insuline<br />
homeostasis in patients with schizophrenia<br />
a related psychoses, J Clin Psychiatry<br />
1999, 60, 783-79.<br />
(11) AMBROSIN G, BRYOIS Ch, Schizophrenia,<br />
diabetes and new neuroleptics,<br />
Schweiz Rundsch Med Prax, 2002 <strong>de</strong>c 11,<br />
91, 50, 2181-92.<br />
(12) HENDERSON DC, CAGLIERO E,<br />
GRAY C, NASRALLAH RS, HAYDEN DL,<br />
SCHOENFELD DA, GOFF DC, Clozapine,<br />
diabetes mellitus, weight gain, and lipid<br />
abnormalities: a five-year naturalistic study,<br />
Am J Psychiatry 2000, 157, 975-98.<br />
(13) LIEBZEIT K, MARKOWITZ J, CALEY<br />
C, New onset diabetes and atypical antipsychotics,<br />
Eur Neuropsychopharmacol 2001,<br />
11, 294-9.<br />
(14) BETTINGER TL, MENDELSON SC,<br />
DORSON PG, CRISMON ML, Olanzapine<br />
-induced glucose dysregulation, Am Pharmacother<br />
2000, 34, 865-7.<br />
(15) WIRSHING D, PIERRE J, EYELER J,<br />
WEINBACH J, WIRSCHING W, Risperidone-associated<br />
new onset diabetes, Biol Psychiatry<br />
2001, 50, 148-9.<br />
(16) WIRSHING D, SPELLBERG B,<br />
ERHART S, MARDER S, WIRSHING W,<br />
Novel antipsychotics and new onset diabetes,<br />
Biol Psychiatry 1998, 44, 778-83.<br />
(17) LAMBERI JS, CRILLY JF, MAHARAJ<br />
K, OLSON D, WIENER K, DVORIN S,<br />
COSTEA GO, BUSHEY MP, DIETZ MB,<br />
Prevalence of diabetes mellitus among outpatients<br />
with severe mental disor<strong>de</strong>rs receiving<br />
atypical antipsychotic drugs, J Clin Psychiatry<br />
2004 May, 65, 5, 702-6.<br />
(18) SERNYAK MJ, LESLIE DL, ALAR-<br />
CON Rd, LOSONCZY MF, ROSENHECK<br />
R, Association of diabetes mellitus with use of<br />
atypical neuroleptics in the treatment of schizophrenia,<br />
Am J Psychiatry, 2002 Apr, 159,<br />
4, 561-5.<br />
(19) POPLI AP, KONICJI PE, JURJUS GJ,<br />
FULLER MA, JASKINW GE, Clozapine and<br />
associated diabetes mellitus, <strong>Journal</strong> of clinical<br />
psychiatry, 58, 3, 108-111, March 1997.<br />
(20) KOVAL MS, RAMES LJ, CHRISTIE<br />
S, Diabetic ketoacidosis associated with clozapine<br />
treatment, Am J of Psychiatry, 151,<br />
10,1520-1521.September 2004.<br />
(21) FERTIG MK, BROOKS VG, SHEL-<br />
TON PS, ENGLISH CW, Hyperglycemia<br />
associated with olanzapine, <strong>Journal</strong> of clinical<br />
Psychiatry, 59, 12, 687-688, December<br />
1998.<br />
(22) CARO J, WARD A, LEVINTON C,<br />
ROBINSON K, KOPALA L, The risk of<br />
<strong>de</strong>veloping diabetes in users of atypical antipsychotics,<br />
39th Annual meeting Amr College<br />
Neuropsychopharmacology, Puerto<br />
Rico, December 10-14, www.abstracts-online.com.<br />
<br />
(23) SCHWARTZ L, MUNOZ R, Blood<br />
sugar levels in patients treated with chlorpromazine,<br />
Am J of Psychiatry, 125, 253-<br />
254, August 1968.<br />
FMC ■ PUBLICATIONS ■ 5<br />
LIVRES<br />
Mini DSM-IV-TR<br />
Critères diagnostiques<br />
American Psychiatric Association<br />
Traduit par Julien-Daniel Guelfi<br />
Masson, 19,50 €<br />
Le Mini DSM-IV-TR est la version<br />
proche du DSM-IV-TR. Il se présente<br />
comme un petit manuel pratique<br />
contenant seulement la classification<br />
(c’est-à-dire la liste <strong>de</strong>s troubles, <strong>de</strong>s<br />
sous-types, <strong>de</strong>s spécifications et <strong>de</strong>s<br />
co<strong>de</strong>s diagnostiques), les chapitres<br />
consacrés à l’utilisation du manuel,<br />
à l’évaluation multiaxiale, et l’ensemble<br />
<strong>de</strong>s critères diagnostiques. Ce<br />
« Mini-D » doit être utilisé avec le DSM-<br />
IV. Son utilisation nécessite <strong>de</strong> bien<br />
connaître le texte <strong>de</strong>s <strong>de</strong>scriptions <strong>de</strong><br />
chaque trouble qui accompagne la<br />
liste <strong>de</strong>s critères diagnostiques dans<br />
le DSM-IV.<br />
Comprendre et soigner les<br />
états-limites<br />
Didier Bourgeois<br />
Préface <strong>de</strong> Dominique Barbier<br />
Dunod<br />
Cet ouvrage abor<strong>de</strong> la notion d’étatlimite<br />
<strong>de</strong> la personnalité à travers ses<br />
aménagements cliniques les plus fréquents,<br />
capables <strong>de</strong> dégager le sens<br />
lacunaire et archaïque du point <strong>de</strong><br />
vue du narcissisme <strong>de</strong> ceux qui en<br />
sont porteurs.<br />
L’idée d’un état-limite <strong>de</strong> la personnalité,<br />
bien qu’ancienne dans sa<br />
conceptualisation, débor<strong>de</strong> <strong>de</strong> la classique<br />
dichotomie névrose/psychose<br />
et subvertit la psychopathologie traditionnelle<br />
fondée sur les apports <strong>de</strong><br />
la psychanalyse. Elle transcen<strong>de</strong> la<br />
clinique psychiatrique tout autant que<br />
les individus bor<strong>de</strong>rlines débor<strong>de</strong>nt<br />
leur entourage, en explorent les limites,<br />
et interrogent, là où elle a mal,<br />
la société en général. En ce sens, pour<br />
Didier Bourgeois le questionnement<br />
que ces mala<strong>de</strong>s offrent à ceux qui<br />
tentent <strong>de</strong> les soigner et <strong>de</strong> les ai<strong>de</strong>r<br />
est fécond. Il répond à l’une <strong>de</strong>s exigences<br />
<strong>de</strong> la psychiatrie qui est <strong>de</strong><br />
réévaluer, sans cesse, sa pertinence<br />
en tant que science humaine et science<br />
médicale, confrontée à l’évolution<br />
<strong>de</strong>s mentalités et à l’évolutivité <strong>de</strong>s<br />
maladies mentales. Didier Bourgeois<br />
nous propose, avec talent, d’explore<br />
les avatars du narcissisme, aussi bien<br />
dans la psychogenèse que dans la<br />
clinique, dans la mesure où la carence<br />
narcissique détermine, infiltre et colore<br />
<strong>de</strong>s comportements si déstabilisants<br />
et divers qu’on parle souvent<br />
<strong>de</strong> comorbidité à leur propos alors<br />
qu’ils renvoient à une évi<strong>de</strong>nte unité<br />
structurale.<br />
Dictionnaire <strong>de</strong>s termes<br />
médicaux et biologiques et<br />
<strong>de</strong>s médicaments<br />
Flammarion, Mé<strong>de</strong>cine - Sciences<br />
75 €<br />
Les Editions Flammarion proposent<br />
un dictionnaire anglais/français et<br />
français/anglais <strong>de</strong>s termes médicaux<br />
<strong>de</strong> près <strong>de</strong> 1000 pages et avec 60 000<br />
entrées différenciées grâce à un co<strong>de</strong><br />
couleur. L’auteur, le Pr Gary S. Hill <strong>de</strong><br />
la Johns Hopkins University School<br />
of Me<strong>de</strong>cine, est anglophone et parfaitement<br />
bilingue. Il a enseigné pendant<br />
2 ans à l’Université Paris V et<br />
se partage entre la France et les Etats-<br />
Unis. Plus qu’une simple traduction,<br />
cet ouvrage apporte une mise en situation<br />
<strong>de</strong>s termes avec leurs synonyes,<br />
leur définition et les tournures<br />
idiomatiques utiles à connaître selon<br />
le contexte. Ce dictionnaire comprend,<br />
également, une liste <strong>de</strong>s médicaments<br />
courants, avec un nom <strong>de</strong> marque<br />
français et américain par exemple.
6<br />
LIVRES<br />
■ HISTOIRE<br />
Le scandale <strong>de</strong>s<br />
« tournantes »<br />
Discours médiatiques et contreenquête<br />
sociologique<br />
Laurent Mucchielli<br />
La Découverte 6,40 €<br />
Entre 2001 et 2003, un thème a envahi<br />
les médias : les viols collectifs,<br />
rebaptisés « tournantes ». A L’instar<br />
d’autres manifestations <strong>de</strong> l’« insécurité<br />
» qui dominait alors tous les débats,<br />
ces comportements ont été présentés<br />
aux citoyens français comme<br />
un phénomène nouveau, en pleine<br />
expansion et imputable aux « jeunes<br />
issus <strong>de</strong> l’immigration » habitant les<br />
« quartiers sensibles ». La dénonciation<br />
<strong>de</strong>s « nouveaux barbares » <strong>de</strong>s<br />
banlieues a fait alors l’objet d’un<br />
consensus médiatico-politique d’autant<br />
plus fort que le lien a rapi<strong>de</strong>ment<br />
été fait avec le thème <strong>de</strong> l’oppression<br />
<strong>de</strong>s femmes et l’islam. Au terme d’une<br />
contre-enquête mobilisant les données<br />
empiriques disponibles et s’appuyant<br />
sur une étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> dossiers judiciaires,<br />
Laurent Mucchielli fait la<br />
lumière sur ces comportements juvéniles.<br />
Il en conteste la nouveauté<br />
autant que leur aggravation et réfute<br />
la liaison fondamentale faite entre<br />
viols collectifs, origine maghrébine,<br />
religion musulmane. Il montre que<br />
l’apparition soudaine <strong>de</strong> ce thème<br />
dans le débat public peut être reliée<br />
à d’autres débats qui lui ont succédé,<br />
sur le « voile islamique » et sur le « nouvel<br />
antisémitisme ». L’auteur montre<br />
que la mise en scène médiatique du<br />
thème <strong>de</strong>s tournantes participe d’une<br />
peur et d’un rejet <strong>de</strong>s jeunes hommes<br />
français issus <strong>de</strong> l’immigration maghrébine<br />
et d’une banalisation contestable<br />
<strong>de</strong> l’interprétation <strong>de</strong>s problèmes<br />
économiques et sociaux en termes<br />
« culturels », voire « ethniques ». Ce livre<br />
se veut donc autant une contribution<br />
à la sociologie <strong>de</strong> la délinquance juvénile<br />
qu’un essai politique sur les<br />
habits neufs <strong>de</strong> la vieille « question <strong>de</strong><br />
l’immigration » et sur les formes contemporaines<br />
<strong>de</strong> la xénophobie.<br />
Des vies en fauteuil…<br />
Usages du sport dans les<br />
processus <strong>de</strong> déstigmatisation et<br />
d’intégration sociale<br />
Anne Marcellini<br />
Editions CTNERHI, 18 €<br />
Une étu<strong>de</strong> longitudinale menée sur<br />
dix années et le recueil d’histoires <strong>de</strong><br />
vie <strong>de</strong> sportifs en fauteuil roulant<br />
constituent la matière première <strong>de</strong><br />
cet ouvrage qui propose une modélisation<br />
du processus d’intégration<br />
sociale <strong>de</strong>s personnes stigmatisées.<br />
Centrée sur le point <strong>de</strong> vue subjectif<br />
<strong>de</strong>s personnes en situation <strong>de</strong> handicap,<br />
cette recherche suit les évolutions<br />
<strong>de</strong>s sujets dans leur rapport au<br />
corps, au sport, au handicap, à leurs<br />
« pairs », à la « normalité », pour mettre<br />
en relief les différentes étapes <strong>de</strong><br />
construction ou <strong>de</strong> reconstruction<br />
i<strong>de</strong>ntitaire.<br />
L’analyse <strong>de</strong> ces trajectoires <strong>de</strong> vie<br />
permet <strong>de</strong> soutenir la thèse selon laquelle<br />
l’auto-regroupement entre pairs<br />
est un regroupement qui soutient le<br />
sujet dans un processus <strong>de</strong> déstigmatisation<br />
et oblige la société à <strong>de</strong>s<br />
ajustements progressifs indispensables<br />
à l’intégration sociale. Les<br />
étu<strong>de</strong>s <strong>de</strong> cas retracées soulignent la<br />
difficulté, voire la souffrance qu’il y<br />
a à vivre seul le stigmate sans avoir<br />
pu rencontrer ses « pairs en handicap<br />
», et à jouer, <strong>de</strong> façon isolée le<br />
jeu <strong>de</strong> l’assimilation individuelle. Cette<br />
recherche qualitative démontre la diversité<br />
<strong>de</strong>s usages qui peuvent être<br />
faits du sport par les personnes en<br />
situation <strong>de</strong> handicap et par les collectifs<br />
qu’elles organisent. Elle souligne<br />
l’intérêt spécifique du sport<br />
comme espace <strong>de</strong> visibilité sociale<br />
<strong>de</strong>s minorités stigmatisées.<br />
<br />
<strong>de</strong>s sœurs Papin. Cependant, nous<br />
tenons à poser que, pour éclairant que<br />
soit son travail, il est bien loin <strong>de</strong><br />
répondre totalement aux nécessités<br />
théoriques d’une psychopathologie du<br />
travail.<br />
Dans le même temps que Paul Sivadon<br />
et Clau<strong>de</strong> Veil, Louis Le Guillant<br />
a animé la première pério<strong>de</strong> d’extension<br />
<strong>de</strong> la psychopathologie du travail,<br />
celle qui va <strong>de</strong> l’après-guerre jusqu’aux<br />
années 1968 (mort <strong>de</strong> Le Guillant) et<br />
1969 (date à laquelle Sivadon et Veil<br />
quittent l’Elan Retrouvé pour prendre<br />
<strong>de</strong>s responsabilités universitaires). Profondément<br />
convaincu <strong>de</strong> la sociogenèse<br />
<strong>de</strong>s maladies mentales, il n’a <strong>de</strong><br />
cesse <strong>de</strong> tenter <strong>de</strong> déterminer la manière<br />
dont cette sociogenèse se joue. Aussi,<br />
parmi ces styles différents, celui <strong>de</strong> Le<br />
Guillant nous semble bien résumé par<br />
la notion <strong>de</strong> psychopathologie sociale<br />
au travail. En effet, pour lui, la souffrance<br />
au travail est un aspect <strong>de</strong> la<br />
souffrance sociale <strong>de</strong> manière plus<br />
générale, et principalement <strong>de</strong> l’aliénation<br />
sociale. Sa position critique visà-vis<br />
<strong>de</strong>s valeurs capitalistes marque sa<br />
manière <strong>de</strong> concevoir la psychopathologie<br />
du travail.<br />
Une psychopathologie<br />
sociale au travail<br />
Il nous semble important <strong>de</strong> souligner<br />
d’emblée l’intention explicite <strong>de</strong> Le<br />
Guillant lorsqu’il pose les fon<strong>de</strong>ments<br />
d’une psychopathologie du travail. Sa<br />
visée est politique et sociale. Comme le<br />
souligne Henry Ey, Le Guillant prend<br />
fait et cause pour les humiliés, les opprimés,<br />
les exploités. Et il le fait à la manière<br />
du communisme <strong>de</strong> l’époque en<br />
haussant le travailleur à la hauteur d’un<br />
modèle, celui <strong>de</strong> l’exploité et <strong>de</strong> l’aliéné.<br />
Le fait psychopathologique trouve<br />
ainsi son élucidation dans le fait social<br />
qui se joue, <strong>de</strong> manière remarquable,<br />
dans le travail. Il s’agit donc d’une psychopathologie<br />
sociale au travail.<br />
Aussi, traiter la maladie mentale nécessite<br />
d’obtenir <strong>de</strong>s changements sociaux<br />
en faveur <strong>de</strong>s opprimés, changements<br />
qui doivent commencer par le biais <strong>de</strong><br />
la transformation <strong>de</strong>s conditions <strong>de</strong> travail.<br />
Le Guillant s’engage alors dans un<br />
bras <strong>de</strong> fer avec le mon<strong>de</strong> du travail<br />
qui, en retour, s’oppose à ses résultats.<br />
L’idée d’une résistance aux connaissances<br />
que peut apporter la psychopathologie<br />
du travail est l’expérience<br />
fondamentale <strong>de</strong> la psychopathologie<br />
du travail <strong>de</strong> Le Guillant. Elle reste<br />
aujourd’hui une épreuve courante qui<br />
explique, en partie, le caractère marginal<br />
<strong>de</strong> ce domaine. Les hypothèses<br />
posées par Le Guillant pour rendre<br />
compte <strong>de</strong> ce phénomène nous paraissent<br />
d’autant plus intéressantes qu’elles<br />
restent d’une gran<strong>de</strong> pertinence et<br />
d’une gran<strong>de</strong> actualité. Pour lui, cette<br />
résistance repose sur <strong>de</strong>ux pôles, le<br />
conflit sociopolitique et l’aliénation<br />
sociale. Commençons par l’aspect politique<br />
<strong>de</strong> cette résistance.<br />
La psychopathologie du travail n’a d’intérêt<br />
que si elle aboutit à l’idée <strong>de</strong> réforme<br />
<strong>de</strong>s conditions <strong>de</strong> travail et à la<br />
mise en place <strong>de</strong> préconisations. « Où<br />
<strong>de</strong>s problèmes commencent à se poser,<br />
c’est quand le rapport entre telle condition<br />
<strong>de</strong> vie ou <strong>de</strong> travail et tel trouble <strong>de</strong> la<br />
santé n’apparaît pas avec évi<strong>de</strong>nce, lorsqu’il<br />
est contesté. Il <strong>de</strong>vient alors nécessaire<br />
<strong>de</strong> faire la démonstration, près <strong>de</strong>s<br />
techniciens puis <strong>de</strong>s pouvoirs publics, du<br />
caractère pathogène d’une situation matérielle<br />
ou psychologique donnée ; il faut<br />
prouver l’intérêt <strong>de</strong> certaines réformes.<br />
Mais ces démonstrations et ces preuves<br />
ne sont pas toujours faciles à administrer<br />
d’une manière convaincante. D’une<br />
part, en effet, ces situations et les mesures<br />
qu’elles appellent peuvent mettre en jeu<br />
<strong>de</strong>s intérêts – et <strong>de</strong>s résistances considérables<br />
; elles soulèvent fréquemment – il<br />
vaut mieux le dire franchement – <strong>de</strong>s<br />
problèmes sociaux et politiques. D’autre<br />
part, les « faits » sont le plus souvent difficiles<br />
à isoler, et même à saisir, ils sont<br />
pris dans un ensemble <strong>de</strong> conditions <strong>de</strong><br />
vie et <strong>de</strong> causes possibles d’altérations<br />
<strong>de</strong> la santé » (1).<br />
D’expérience, en psychopathologie du<br />
travail, ce ne sont pas les données<br />
brutes qui posent problèmes : bien souvent,<br />
les faits ne sont pas contestés.<br />
C’est lorsqu’on rentre dans le domaine<br />
<strong>de</strong> l’interprétation <strong>de</strong> ces faits que les<br />
conclusions divergent et parfois se<br />
contredisent, malgré la bonne foi <strong>de</strong><br />
certaines analyses. Et, principalement<br />
lorsque les constatations doivent déboucher<br />
sur <strong>de</strong>s préconisations concrètes.<br />
C’est ici que l’on peut parler <strong>de</strong> résistance<br />
: pour défendre une logique <strong>de</strong><br />
productivité, ce sont souvent les commanditaires<br />
mêmes <strong>de</strong> ces étu<strong>de</strong>s qui<br />
s’opposent à <strong>de</strong>s interprétations qui<br />
attribuent à certaines conditions <strong>de</strong> travail<br />
un rôle dans la constitution <strong>de</strong><br />
troubles divers. Par exemple, c’est suite<br />
à l’observation consensuelle et indiscutée,<br />
<strong>de</strong> l’état d’énervement et <strong>de</strong><br />
fatigue nerveuse <strong>de</strong>s téléphonistes<br />
qu’une étu<strong>de</strong> a été commandée à Le<br />
Guillant dans les années cinquante. Or,<br />
si les faits constatés n’étaient pas remis<br />
en cause, lorsque, à la suite <strong>de</strong> cette<br />
étu<strong>de</strong>, les symptômes présentés par les<br />
téléphonistes furent attribués à leur<br />
métier et à ses conditions <strong>de</strong> réalisation,<br />
l’enquête termina dans un tiroir<br />
sans qu’aucune mesure n’ait été prise.<br />
L’argument le plus utilisé par ceux qui<br />
s’opposent à une interprétation en<br />
faveur d’une étiologie professionnelle<br />
est celui <strong>de</strong> la fréquence : la fatigue se<br />
retrouve dans bien d’autres professions.<br />
Pourtant, il va <strong>de</strong> soi que cela n’infirme<br />
pas la possibilité d’une imputation <strong>de</strong><br />
causalité.<br />
Un autre argument, presque aussi fréquent,<br />
repose sur l’idée évi<strong>de</strong>nte que le<br />
travail n’est qu’une partie <strong>de</strong> l’existence<br />
<strong>de</strong>s travailleurs. Les troubles psychiques<br />
peuvent donc être secondaires<br />
aux conditions générales <strong>de</strong> vie, à la<br />
transplantation <strong>de</strong> beaucoup, aux frustrations<br />
<strong>de</strong>s aspirations légitimes <strong>de</strong> certains,<br />
etc…<br />
Le lecteur pourra d’ailleurs trouver fastidieuse<br />
une telle énumération et celleci<br />
est difficilement exhaustive. Il peut<br />
aussi penser qu’elles contiennent une<br />
part <strong>de</strong> vérité que la psychopathologie<br />
du travail ferait bien <strong>de</strong> méditer.<br />
Une fois encore, la critique manque<br />
<strong>de</strong> nuance, comme si penser en terme<br />
<strong>de</strong> maladie professionnelle interdisait<br />
<strong>de</strong> prendre en compte d’autres éléments<br />
potentiellement pathogènes<br />
(qu’ils soient d’ordre social ou individuel).<br />
C’est d’ailleurs ce que pense Le<br />
Guillant. « Ces objections, <strong>de</strong> valeur très<br />
inégale, correspon<strong>de</strong>nt d’ailleurs à certaines<br />
réalités psychologiques. Elles ne<br />
sont pas irrecevables, il s’agit plutôt <strong>de</strong> les<br />
situer à leur juste place » (2). Mais ce<br />
qu’il déplore, c’est que l’on « exige en<br />
effet, maintenant, du mé<strong>de</strong>cin, la démonstration<br />
que les altérations <strong>de</strong> la santé<br />
qu’il a observées chez les téléphonistes<br />
(par exemple) résultent effectivement <strong>de</strong><br />
leur travail » (3). Cette critique d’une<br />
exigence pourtant légitime marque<br />
l’exaspération face à la résistance, parfois<br />
même à la mauvaise foi, que rencontrent<br />
les travaux en psychopathologie<br />
du travail. Cependant, pour<br />
comprendre l’exaspération <strong>de</strong> Le<br />
Guillant face à ces remarques, il faut<br />
y ajouter la teneur et le ton <strong>de</strong> ces<br />
objections, souvent catégoriques, et<br />
bien souvent, celui-là même qui exige<br />
du psychopathologue du travail qu’il<br />
donne la preuve irréfutable <strong>de</strong> ses<br />
conclusions semble penser que ses<br />
propres objections vont <strong>de</strong> soi et que<br />
lui-même n’a rien à prouver :<br />
- les troubles mentaux énumérés « sont<br />
vagues et banals et en cela n’ont rien <strong>de</strong><br />
ce qui caractérise les symptômes <strong>de</strong>s<br />
maladies professionnelles reconnues » ;<br />
- « La fatigue qui résulte d’un effort soutenu<br />
doit disparaître par le repos » (cette<br />
prescription <strong>de</strong> bonne foi assurément a,<br />
néanmoins, <strong>de</strong> quoi étonner puisque<br />
justement ceux qui se plaignent <strong>de</strong><br />
cette fatigue ne parviennent plus à récupérer<br />
par le repos habituel) ;<br />
- « Car on peut constater que certains<br />
sujets choisissaient les professions que<br />
leur fragilité mentale aurait dû leur faire<br />
éviter. Ainsi, certaines professions comportent-elles<br />
un taux <strong>de</strong> morbidité plus<br />
important que d’autres, non parce que<br />
ces professions comportent un risque plus<br />
grand d’entraîner une maladie mentale,<br />
mais parce que les sujets, au départ,<br />
avaient choisi ces professions <strong>de</strong> préférence<br />
à d’autres, en raison <strong>de</strong> leur fragilité<br />
mentale » (4) (dans ce <strong>de</strong>rnier cas,<br />
l’argumentation <strong>de</strong>vient paradoxale.<br />
Les gens choisiraient ce qui les met le<br />
plus en danger mental.<br />
Pourquoi pas, mais l’existence <strong>de</strong> cette<br />
conduite paradoxale mériterait quelque<br />
démonstration et puis si cela les met<br />
en danger, quand bien même ce serait<br />
en premier lieu du fait <strong>de</strong> leur fragilité,<br />
c’est reconnaître le travail comme<br />
pathogène).<br />
L’autre aspect <strong>de</strong> la résistance aux travaux<br />
<strong>de</strong> la psychopathologie du travail<br />
concerne les travailleurs eux-mêmes,<br />
à travers l’idée <strong>de</strong> leur aliénation.<br />
En effet, ce que la psychopathologie<br />
du travail met aussi en avant, c’est l’existence<br />
d’une gêne, voire d’une impossibilité<br />
<strong>de</strong> la prise <strong>de</strong> conscience.<br />
Le travailleur ne sait ni apprécier,<br />
ni définir, ni mesurer les symptômes<br />
qui le tourmentent, pas plus qu’il n’a<br />
conscience <strong>de</strong> la manière dont ils apparaissent.<br />
Par exemple, en ce qui concerne<br />
la fatigue nerveuse, il ne sait pas et<br />
ne comprend pas ce qui le fatigue.<br />
« On imagine à quel point ce caractère<br />
obscur et presque indicible <strong>de</strong> l’épuisement<br />
nerveux peut contrarier l’action<br />
<strong>de</strong>s travailleurs en vue <strong>de</strong> modifier les<br />
situations qui engendrent cet épuisement<br />
» (5).<br />
Plus encore, le travail participe <strong>de</strong> cette<br />
aliénation, s’en fait le complice : « les<br />
ca<strong>de</strong>nces rapi<strong>de</strong>s peuvent entraîner paradoxalement<br />
un « énervement », une excitation<br />
nerveuse diffuse qui facilitent (et<br />
accélèrent à leur tour) le travail » (6). En<br />
effet, « Pour certaines opérations très<br />
parcellaires et très rapi<strong>de</strong>, il n’est plus<br />
nécessaire <strong>de</strong> presser l’ouvrier, celui-ci<br />
est contraint <strong>de</strong> cé<strong>de</strong>r au rythme qui s’est<br />
emparé <strong>de</strong> lui » (7).<br />
N°2 - TOME XVIII - MARS 2005<br />
Louis Le Guillant et l’aliénation<br />
mentale et sociale<br />
Une psychopathologie sociale au travail<br />
L’idée d’une conscience aliénée a pour<br />
corollaire l’idée d’une conscience éclairée,<br />
et le désir <strong>de</strong> la prise <strong>de</strong> conscience.<br />
Le fon<strong>de</strong>ment, et par la suite le but<br />
ultime <strong>de</strong>s travaux qui combattent l’aliénation,<br />
est la prise <strong>de</strong> conscience <strong>de</strong> la<br />
réalité qui est le premier temps indispensable<br />
aux changements <strong>de</strong>s situations<br />
pathogènes. Ce qui nous apparaît<br />
ainsi comme un <strong>de</strong>s fon<strong>de</strong>ments<br />
nécessaire sinon explicite <strong>de</strong> Le<br />
Guillant, reste pour beaucoup <strong>de</strong> psychopathologues<br />
du travail, la raison<br />
même <strong>de</strong> leur action. Ce modèle thérapeutique<br />
reste ainsi d’actualité, même<br />
si, à nos yeux, la réalité <strong>de</strong> l’inconscient<br />
interdit l’illusion d’une conscience pleine<br />
et entière.<br />
Pour contrecarrer les résistances <strong>de</strong><br />
mauvaise foi et pour déjouer les mystifications<br />
contre lesquelles il nous met<br />
en gar<strong>de</strong>, Le Guillant s’appuie sur une<br />
méthodologie rigoureuse apte, c’est du<br />
moins son espoir et sa visée, à donner<br />
une démonstration irréfutable. « Aussi<br />
la « dénonciation » <strong>de</strong>s positions fallacieuses,<br />
prises par certains techniciens<br />
ou dirigeants vis-à-vis <strong>de</strong> ces problèmes<br />
ne saurait suffire ni même convenir à<br />
maintes « situations » <strong>de</strong> travail…Des<br />
étu<strong>de</strong>s objectives, systématiques et approfondies<br />
<strong>de</strong> l’opinion <strong>de</strong>s travailleurs, l’organisation<br />
<strong>de</strong>s luttes ouvrières à partir<br />
<strong>de</strong>s données qui en seront tirées constituent<br />
<strong>de</strong>s tâches qui ne sont ni faciles ni<br />
exemptes d’embûches. Je les crois cependant<br />
nécessaires. Il faut – et pour chaque<br />
situation – analyser, démontrer,<br />
convaincre…» (8).<br />
Mais ce programme n’est pas simple<br />
à réaliser. Ainsi, il écrit, à propos <strong>de</strong><br />
l’étu<strong>de</strong> sur les conducteurs <strong>de</strong> train<br />
qu’il lui a été pratiquement impossible<br />
<strong>de</strong> démontrer le caractère particulièrement<br />
pénible et nocif, et cependant<br />
absolument incontestable à ses yeux, <strong>de</strong><br />
cette condition <strong>de</strong> travail. Lorsqu’il sollicite<br />
<strong>de</strong>s renseignements <strong>de</strong>s milieux<br />
médicaux et syndicaux, il ne soulève<br />
aucun écho. « Nous avions d’ailleurs<br />
rencontré une telle hostilité <strong>de</strong> la part<br />
<strong>de</strong>s responsables <strong>de</strong>s administrations utilisant<br />
ces travailleurs, qu’elle avait totalement<br />
découragé – et rendu impossible<br />
- la poursuite <strong>de</strong> notre recherche » (9).<br />
La psychopathologie du travail est ainsi<br />
prise entre la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> d’une démonstration<br />
irréprochable et incontestable<br />
et une réalité qui en rend l’exercice<br />
impossible. La démonstration incontestable<br />
est un mythe scientifique utile<br />
mais irréalisable, et Le Guillant est peut-<br />
Le psychiatre et le travailleur<br />
Cheminement <strong>de</strong> la psychopathologie du travail d’hier à <strong>de</strong>main<br />
Joseph Torrente, préface <strong>de</strong> S.D. Kipman<br />
Doin, 24 €<br />
Joseph Torrente a repris la consultation <strong>de</strong> psychothérapie et psychopathologie<br />
du travail à l’association l’Elan retrouvé et est responsable médical du<br />
CAT Bastille-Association SPASM. Son livre constitue une approche originale en<br />
proposant <strong>de</strong> remplacer l’alternative « conditions <strong>de</strong> travail néfastes » ou « pathologies<br />
individuelles » par une réflexion clinique invitant à penser l’interaction<br />
travail-individu. Joseph Torrente appuie sa réflexion sur les travaux <strong>de</strong><br />
chercheurs et cliniciens qui sont à l’origine <strong>de</strong> la psychopathologie du travail,<br />
P. Sivadon, L. Le Guillant, Ch. Dejours, dont il propose une lecture personnelle.<br />
Il expose sa conception du rôle du psychopathologue du travail à travers <strong>de</strong>s<br />
exemples issus <strong>de</strong> son expérience acquise dans une consultation spécialisée.<br />
Pour lui, la psychopathologie du travail est une psychopathologie <strong>de</strong>s situations<br />
psychiques liées au travail ou issues du travail. Au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong>s vécus au travail<br />
et <strong>de</strong> la signification du travail, et par leur intermédiaire, les efforts <strong>de</strong><br />
construction liés au travail constituent le véritable enjeu <strong>de</strong> la psychopathologie<br />
du travail. Cela se retrouve, évi<strong>de</strong>mment, dans la manière dont nous<br />
comprenons l’œuvre <strong>de</strong> Paul Sivadon : soutenir l’effort <strong>de</strong> l’homme pour se<br />
construire. Pour clarifier cette intention, Joseph Torrente conclut sur ce qui légitime,<br />
à ses yeux, parmi les sciences du travail, l’existence d’une psychopathologie<br />
du travail. S’il appartient à l’ergonomie d’ai<strong>de</strong>r à faire sortir <strong>de</strong>s impasses<br />
matérielles ou techniques du travail et à la psychologie du travail <strong>de</strong><br />
soutenir la vie psychique qui permet <strong>de</strong> gar<strong>de</strong>r intact le fil <strong>de</strong> l’activité et donc<br />
d’ai<strong>de</strong>r à faire sortir le travail <strong>de</strong> ses impasses psychiques, la psychologie du<br />
travail se légitimerait du projet médical <strong>de</strong> soutenir les efforts <strong>de</strong> construction<br />
et <strong>de</strong> développement psychique auxquels contraint et permet le travail.
N°2 - TOME XVIII - MARS 2005<br />
Par les temps qui courent<br />
être victime lui-même <strong>de</strong> cette mystification<br />
du scientisme du XIX e siècle.<br />
Les terrains eux-mêmes sont rendus<br />
inaccessibles en raison d’une opposition<br />
à ces recherches. Ainsi les résultats<br />
<strong>de</strong> la psychopathologie du travail<br />
peuvent d’autant plus facilement être<br />
contestés. Ce qui conduit Le Guillant à<br />
une attitu<strong>de</strong> rigi<strong>de</strong> dans la recherche<br />
<strong>de</strong> sa reconnaissance.<br />
La psychopathologie du travail se trouve<br />
là, enfermée dans sa pratique, dans<br />
un cercle vicieux dramatique pour son<br />
développement. Mais ce n’est pas la<br />
seule raison. La soumission politique<br />
<strong>de</strong> Le Guillant a conduit aussi à une<br />
impasse théorique. En effet, il a étayé<br />
son travail sur la psychologie pavlovienne<br />
<strong>de</strong>s réflexes conditionnés, réduisant<br />
ainsi les névroses professionnelles<br />
à <strong>de</strong>s névroses expérimentales. Or il<br />
est généralement rendu compte <strong>de</strong> ce<br />
choix par le communisme <strong>de</strong> Le<br />
Guillant et son adhésion à son idéologie.<br />
Cette soumission aura <strong>de</strong>s conséquences<br />
majeures.<br />
Elle sépare la psychopathologie du travail<br />
<strong>de</strong>s psychiatres psychanalystes qui,<br />
entre les années cinquante et soixantedix,<br />
constituent le gros <strong>de</strong>s bataillons<br />
<strong>de</strong> la psychiatrie qui participent acti-<br />
■ HUMEUR<br />
Dans un hier qui, hélas, m’apparaît déjà très lointain, un psychiatre m’avait<br />
dit : « un patient atteint <strong>de</strong> psychose mérite, parce qu’il le nécessite, du temps ».<br />
Lui, l’homme d’expérience, aujourd’hui blotti dans sa retraite, doit être affolé<br />
<strong>de</strong> cette frénésie que l’actuelle génération (qu’il a contribué à façonner) a accepté<br />
d’introduire sous la pression <strong>de</strong>s « économistes <strong>de</strong> la santé » dans la prise<br />
en charge <strong>de</strong> la « chronicité ».<br />
Certes, prendre son temps pourrait dissimuler un ronronnement dont la maladie<br />
tirerait profit au détriment du patient. Mais n’a-t-on pas confondu prendre<br />
SON temps et prendre DU temps. La nuance me semble <strong>de</strong> tout premier<br />
ordre.<br />
Pour faire un peu plaisir à ceux qui désirent que nous nous hâtions en nous<br />
assénant que le temps vaut <strong>de</strong> l’argent (à voir leur empressement, il s’agirait<br />
même d’or, voire <strong>de</strong> platine), j’accepterais encore l’Idée que prendre son<br />
temps puisse être un piège et que la collectivité n’a pas à supporter les dépenses<br />
liées à notre seul confort. Prendre son temps pourrait, dans nombre<br />
<strong>de</strong> cas, être synonyme <strong>de</strong> perdre du temps. La chronicité serait alors contagieuse<br />
et par ricochet nous conduirait à linactivité.<br />
A l’inverse prendre DU temps en matière <strong>de</strong> psychose semble une nécessité<br />
incontournable. Aucun processus au long cours ne trouve à résoudre l’un <strong>de</strong><br />
ces épiso<strong>de</strong>s dans la précipitation. Avoir fait croire qu’avec quelques jours<br />
d’hospitalisation toutes les crises étaient sur la voie <strong>de</strong> la résolution a permis<br />
à quelques-uns <strong>de</strong> nos édiles, plus commanditaires d’une rentabilité financière<br />
que d’une efficacité thérapeutique, d’inscrire, comme mo<strong>de</strong> d’évaluation<br />
<strong>de</strong>s bonnes pratiques cliniques, la durée moyenne <strong>de</strong> séjour. Le même<br />
psychiatre <strong>de</strong> la fin du siècle <strong>de</strong>rnier avait rajouté dans les consignes qu’il me<br />
donnait , « c’est au contact <strong>de</strong>s patients chroniques que vous construirez la noblesse<br />
<strong>de</strong> votre exercice ». Doit-il, aujourd’hui, avoir <strong>de</strong> la peine à s’endormir<br />
en voyant qu’en quelques années <strong>de</strong>s enseignements, pourtant profondément<br />
inscrits dans notre histoire psychiatrique, se sont vu balayés par un fort<br />
vent venu d’une nouvelle Olympe : celui <strong>de</strong> la durée moyenne <strong>de</strong> séjour<br />
soufflant d’un PMSI souverain.<br />
Il serait aisé <strong>de</strong> faire croire que seuls les gestionnaires portent la responsabilité<br />
pleine et entière <strong>de</strong> la dérive qui nous expose à <strong>de</strong> plus en plus <strong>de</strong> difficultés<br />
dans la gestion <strong>de</strong>s comportements psychotiques. Hélas, nous <strong>de</strong>vons<br />
porter une part <strong>de</strong> culpabilité. N’avons-nous pas :<br />
- affirmé que l’asile créait la chronicité sans les discernements nécessaires,<br />
- exposé que nous possédions une technicité et une volonté permettant <strong>de</strong><br />
tout gérer sur le sacro-saint « extra-hospitalier »,<br />
- fait croire que sortir <strong>de</strong> l’hôpital était déjà <strong>de</strong> la réinsertion sans juger <strong>de</strong> la<br />
capacité réelle à retrouver le corps social du plus grand nombre <strong>de</strong> nos patients,<br />
- laissé planer l’idée qu’avec un logement, du travail et un suivi, le patient allait<br />
tenir à distance sa psychose et <strong>de</strong>venir un citoyen,<br />
- j’en passe et <strong>de</strong>s meilleures comme celles qui m’inclinent à penser que ce<br />
sont plus les psychiatres qui ont désiré sortir eux-mêmes <strong>de</strong> l’hôpital que les<br />
patients qui en ont montré la capacité.<br />
Peut-être est-il temps <strong>de</strong> dire haut et fort que le combat contre cette maladie<br />
grave ne se fera pas par quelques bonnes intentions et quelques transferts<br />
budgétaires. Prenons DU temps pour ne pas exposer nos mala<strong>de</strong>s à l’impossible,<br />
pour ne pas exposer le corps social à <strong>de</strong>s comportements qu’il ne<br />
peut comprendre. En voulant sortir rapi<strong>de</strong>ment les patients <strong>de</strong> l’hôpital, nous<br />
pensions participer à la déstigmatisation <strong>de</strong> la schizophrénie, la réalité nous<br />
montre aujourd’hui l’inverse car si quelques-uns, peu ou pas ou mal suivis<br />
(on dira encore par le seul fait du manque <strong>de</strong> moyens, ce qui à mon sens est<br />
un abus même si c’est une réalité) finissent par faire l’actualité <strong>de</strong>s faits divers,<br />
la restigmatisation reviendra a grands pas, mais a-t-elle jamais reculé ?<br />
Cessons d’être <strong>de</strong>s militants Idéologues d’une liberté absolue forcément synonyme<br />
d’antiasile pour re<strong>de</strong>venir, comme nos maîtres auraient désiré que<br />
nous le restions, <strong>de</strong>s militants d’une réalité clinique.<br />
Et surtout ne perdons plus <strong>de</strong> temps à sans cesse penser en gagner, la temporalité<br />
<strong>de</strong> la psychose s’impose encore à nous, aussi bons que nous soyons. ■<br />
Jean-Paul Chabannes<br />
vement à sa rénovation. Elle rend ce<br />
milieu réfractaire, voire hostile à ses<br />
recherches. La non rencontre avec la<br />
théorie psychanalytique, commandée<br />
par le parti communiste, semble s’être<br />
ainsi payée d’un prix fort, tant du point<br />
<strong>de</strong> vue <strong>de</strong> la théorie que <strong>de</strong> celui <strong>de</strong> sa<br />
diffusion. Nous <strong>de</strong>vons ajouter qu’à<br />
l’époque, la psychanalyse institutionnelle<br />
n’était pas exempte d’âpres luttes<br />
et d’un certain dogmatisme.<br />
Cette soumission confirme la méfiance<br />
<strong>de</strong>s opposants vis-à-vis <strong>de</strong>s résultats <strong>de</strong><br />
la psychopathologie du travail. Il est,<br />
en effet, pensé qu’une telle soumission<br />
politique retentit sur la conviction <strong>de</strong> Le<br />
Guillant quant à la pathogénie du travail.<br />
Le choix <strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>s, la récolte <strong>de</strong>s<br />
données, l’interprétation <strong>de</strong>s résultats<br />
ne peuvent qu’en être biaisés. Ce qu’a<br />
rapporté Clau<strong>de</strong> Veil est que, pour<br />
cette raison, Le Guillant a été ressenti<br />
davantage comme un idéologue que<br />
comme un pragmatique.<br />
Et cependant, <strong>de</strong> fait, l’utilisation <strong>de</strong><br />
cette théorie est en contradiction avec<br />
la manière <strong>de</strong> penser <strong>de</strong> Le Guillant<br />
lui-même. Ce choix théorique nous<br />
apparaît d’autant plus étonnant qu’il<br />
est lui même a<strong>de</strong>pte, dans sa pratique<br />
psychiatrique, d’un humanisme obstiné.<br />
En ce qui concerne la psychopatholo-<br />
gie du travail, il n’est pas possible pour<br />
lui <strong>de</strong> retirer au travail son aspect intime<br />
sans en détourner toute l’analyse et<br />
en retirer toute valeur. Ainsi, le travail<br />
« est pris – sans cesse davantage – entre<br />
<strong>de</strong>ux exigences en quelque sorte inverses :<br />
d’une part la mise en évi<strong>de</strong>nce <strong>de</strong> faits<br />
bien concrets, précis, difficilement contestables<br />
– au moins en tant que fait, sinon<br />
dans l’interprétation qui en est proposée,<br />
d’autre part une large pénétration dans<br />
l’univers subjectif <strong>de</strong>s individus et <strong>de</strong>s<br />
relations humaines » (10).<br />
Non fondés théoriquement, l’humanisme<br />
<strong>de</strong> Le Guillant et sa soumission<br />
au diktat politique aboutissent à une<br />
impasse théorique et à une contradiction<br />
insoluble. Clinicien humaniste, il<br />
s’appuie sur <strong>de</strong>s arguments subjectifs,<br />
ce qui aux yeux <strong>de</strong> ses détracteurs,<br />
affaiblit considérablement le caractère<br />
scientifique d’une démonstration qu’il<br />
recherche, néanmoins, avec obstination.<br />
Comment, dans ces conditions,<br />
aboutir à une qualité acceptable dans la<br />
démonstration scientifique tout en assumant<br />
jusqu’au bout la valeur du vécu et<br />
<strong>de</strong> la subjectivité ? La psychopathologie<br />
du travail est alors prise au piège <strong>de</strong><br />
ses propres contradictions. L’opposition<br />
sociopolitique à la psychopathologie<br />
du travail <strong>de</strong> Le Guillant s’appuie<br />
alors sur une faiblesse interne inhérente<br />
à ses propres exigences contradictoires.<br />
Et cependant, malgré ces impasses, la<br />
valeur clinique <strong>de</strong>s travaux <strong>de</strong> Le<br />
Guillant reste totale. Malgré l’écart théorique<br />
avec une psychopathologie du<br />
travail contemporaine qui s’alimente<br />
d’une théorie <strong>de</strong> la subjectivité et du<br />
sujet plus substantielle, ses travaux restent<br />
une référence maintes fois citée<br />
et étudiée. Et même s’il a peu abordé la<br />
question <strong>de</strong>s modalités thérapeutiques<br />
spécifiques à la souffrance au travail<br />
en <strong>de</strong>hors du cas <strong>de</strong> Madame L., la<br />
lecture <strong>de</strong> ses travaux est riche d’apport<br />
pour qui se soucie <strong>de</strong> psychothérapie<br />
dans ce cadre particulier. Son<br />
apport est indéniable.<br />
C’est que Le Guillant, malgré ces<br />
écueils et malgré ces impasses, réussit à<br />
nous restituer une réalité du travail<br />
propre à en comprendre le retentissement<br />
psychique.<br />
Comment y parvient-il ? Le Guillant<br />
s’inspire <strong>de</strong> Politzer (11) et accor<strong>de</strong> une<br />
gran<strong>de</strong> valeur à la vie dans sa concrétu<strong>de</strong>.<br />
La reconstitution du sens dramatique<br />
<strong>de</strong> la vie concrète par le langage<br />
ouvre la voie à <strong>de</strong>s possibilités<br />
thérapeutiques. Seule cette <strong>de</strong>scription<br />
du drame vital peut permettre au tragique<br />
<strong>de</strong> l’histoire humaine d’apparaître<br />
dans sa totalité et donc d’apporter une<br />
compréhension <strong>de</strong> la valeur pathogène<br />
<strong>de</strong> la vie concrète.<br />
Cette clinique nous apparaît comme<br />
un apport considérable et incontournable<br />
<strong>de</strong> Le Guillant. Il propose ainsi,<br />
à la réflexion, <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>s monographies,<br />
riches d’une vie dont le sens se<br />
découvre au fur et à mesure d’un récit<br />
qui cherche à se confronter à sa <strong>de</strong>scription.<br />
L’une <strong>de</strong>s plus aboutie est celle<br />
qui concerne les sœurs Papin, surtout<br />
si on la prolonge par la lecture <strong>de</strong>s<br />
réflexions <strong>de</strong> Le Guillant sur la condition<br />
<strong>de</strong> « bonnes à tout faire ».<br />
« L’affaire <strong>de</strong>s sœurs<br />
Papin »<br />
Le Guillant a consacré une monographie<br />
passionnante et troublante aux<br />
sœurs Papin, reposant sur l’étu<strong>de</strong>, qu’il<br />
veut aussi objective que possible, <strong>de</strong>s<br />
documents à sa disposition, rapports<br />
d’expert et articles <strong>de</strong> journaux. Cette<br />
précision méthodologique débute l’article<br />
et en situe l’importance dans<br />
l’œuvre <strong>de</strong> Le Guillant.<br />
Bien que n’étant pas clinique à proprement<br />
parler, cette monographie<br />
con<strong>de</strong>nse les conceptions <strong>de</strong> cette psychopathologie<br />
sociale au travail que<br />
veut figurer Le Guillant : dénonciation<br />
politique, humanisme, et compréhension<br />
psychopathologique. Aussi, allonsnous<br />
en tenter une analyse précise dans<br />
le but <strong>de</strong> transmettre son savoir faire. Il<br />
en découle que plus que d’éclairer cette<br />
affaire, c’est son savoir faire que nous<br />
allons décrypter à l’occasion <strong>de</strong> son<br />
étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> cette célèbre affaire, autrement<br />
dit sa manière <strong>de</strong> sentir et <strong>de</strong><br />
penser ce drame humain, autant que<br />
faire se peut.<br />
Pourtant il ne choisit pas une tâche<br />
facile. Il conjugue l’incompréhension<br />
<strong>de</strong> leurs crimes à la compréhension<br />
qu’apporte le drame <strong>de</strong>s vies brisées<br />
qui furent la leur. Ainsi l’instant du<br />
crime, sidérant pour la pensée, se<br />
déconstruit lentement sous nos yeux<br />
à la lecture <strong>de</strong> Le Guillant, sans pour<br />
autant aboutir à la mystification d’une<br />
compréhension totale.<br />
Le crime <strong>de</strong>s sœurs Papin,<br />
un crime paranoïaque ?<br />
Rappelons quelques éléments <strong>de</strong> l’affaire<br />
criminelle. Les <strong>de</strong>ux sœurs Papin,<br />
Christine et Léa, sont <strong>de</strong>s domestiques,<br />
<strong>de</strong>s bonnes à tout faire. Elles travaillent<br />
<strong>de</strong>puis plusieurs années dans une famille<br />
honorable du Mans, chez monsieur<br />
et madame Lancelin, avec leur fille<br />
âgée <strong>de</strong> 27 ans.<br />
Les <strong>de</strong>ux sœurs massacrent, littéralement,<br />
les <strong>de</strong>ux femmes <strong>de</strong> la famille<br />
Lancelin. L’acte criminel est d’une violence<br />
inouïe, aussi spontané et sans<br />
préméditation qu’irrépressible. Que<br />
s’est-il passé qui a abouti à ce crime<br />
atroce ? La reconstitution est difficile,<br />
mais les coupables abor<strong>de</strong>nt les faits<br />
sans réticence.<br />
Le Guillant prend pour objet <strong>de</strong><br />
réflexion une violence qui paraît disproportionnée<br />
au vu <strong>de</strong>s motifs immédiats<br />
<strong>de</strong> son déclenchement. Autrement<br />
dit, le moment même du crime<br />
ne contient pas ce qui l’explique. Le<br />
calme qui suit le crime est tout aussi<br />
déroutant.<br />
Pourtant Le Guillant fait montre d’une<br />
ambition qui ne se dément pas. Il essaie<br />
d’interpréter la genèse d’une telle violence.<br />
Autrement dit, expliquer ou<br />
comprendre le crime <strong>de</strong>s sœurs Papin.<br />
Il faut prendre l’expression le crime <strong>de</strong>s<br />
sœurs Papin à la lettre, c’est-à-dire ce<br />
crime-là, avec son vécu, son drame<br />
et ses ombres. Dans ce <strong>de</strong>ssein, Le<br />
Guillant poursuit sa <strong>de</strong>scription en réfutant<br />
<strong>de</strong>ux types d’arguments, l’un en<br />
direction <strong>de</strong>s maîtres Lancelin, l’autre<br />
en direction <strong>de</strong>s sœurs Papin.<br />
Premièrement, ces <strong>de</strong>rnières n’avaient<br />
pas <strong>de</strong> grief particulier à opposer à leurs<br />
maîtres et qui pourrait expliquer leurs<br />
crimes. Reprenons le raisonnement <strong>de</strong><br />
Le Guillant. Les Lancelin ne sont pas<br />
<strong>de</strong> mauvais maîtres, mais ce sont <strong>de</strong>s<br />
maîtres. Ce ne sont pas <strong>de</strong> mauvais<br />
maîtres c’est-à-dire ils ne maltraitent<br />
pas leurs domestiques, ils ne les violentent<br />
pas, et ils respectent les conventions<br />
<strong>de</strong> l’époque quant aux rémunérations<br />
qu’ils proposent, ou au confort<br />
<strong>de</strong>s chambres <strong>de</strong> bonnes. « Auraientelles<br />
été mieux traitées ailleurs ? Certes<br />
non et elles le savaient, puisqu’elles<br />
avaient fait un grand nombre <strong>de</strong><br />
places » (12). Le Guillant démontre, à<br />
travers les dires <strong>de</strong>s personnages <strong>de</strong> ce<br />
drame, que le travail chez les Lancelin<br />
n’était ni pire ni mieux qu’ailleurs, ni<br />
mieux ni moins bien payé. Le reproche<br />
que Le Guillant collecte est plutôt le<br />
mépris hautain <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux mon<strong>de</strong>s qui<br />
s’ignorent. Monsieur ne leur parlait<br />
jamais, ma<strong>de</strong>moiselle très peu. Les<br />
ordres venaient <strong>de</strong> madame. Leurs rapports<br />
se résument fort bien par ces<br />
mots <strong>de</strong> Léa : « Nous les servions, c’est<br />
tout. Nous ne leur parlions jamais » (13).<br />
Le <strong>de</strong>uxième ordre d’arguments, plus<br />
difficile à expliciter et qui ne convainc<br />
pas nécessairement, est que la monstruosité<br />
du crime ne relevait pas d’une<br />
pathologie <strong>de</strong>s sœurs Papin. Du côté<br />
<strong>de</strong>s sœurs Papin, aucune <strong>de</strong>s passions<br />
imaginables ne les domine.<br />
La haine envers leurs victimes ne<br />
semble pas déterminer les criminelles.<br />
De plus, elles ne semblent pas militer<br />
politiquement et aucune lecture politique<br />
n’a été retrouvée chez elles. Elles<br />
<br />
HISTOIRE ■ HUMEUR ■ 7<br />
LIVRES<br />
Petits moments d’histoire<br />
<strong>de</strong> la psychiatrie en France<br />
Patrick Clervoy<br />
Maurice Corcos<br />
Éditions EDK, 20 €<br />
Patrick Clervoy et Maurice Corcos ont<br />
eu la bonne idée <strong>de</strong> reprendre leurs<br />
biographies publiées dans Perspectives<br />
Psychiatriques <strong>de</strong>puis plusieurs<br />
années, pour constituer un ouvrage<br />
agréable à lire et capable d’intéresser<br />
un large public. Qu’on en juge :<br />
les Parisiens sont pris <strong>de</strong> convulsions<br />
sur une tombe au cimetière Saint-Médard…<br />
Moreau <strong>de</strong> Tours fait essayer<br />
le haschich à ses amis écrivains… Charcot<br />
scrute les miracles <strong>de</strong> Lour<strong>de</strong>s…<br />
Les surréalistes recomman<strong>de</strong>nt aux<br />
fous d’assassiner leur psychiatre…<br />
Les théories <strong>de</strong> Freud débarquent en<br />
France en pleine Affaire Dreyfus…<br />
Ces Petits moments d’histoire <strong>de</strong> la psychiatrie<br />
en France sont jalonnés <strong>de</strong><br />
personnages remarquables comme<br />
Pinel, Cabanis et Lasègue. Itard émeut<br />
par ses observations auprès <strong>de</strong> Victor,<br />
l’enfant sauvage <strong>de</strong> l’Aveyron.<br />
Franz Fanon n’a manifestement pas<br />
obtenu la reconnaissance qu’il aurait<br />
méritée. On y découvre aussi <strong>de</strong>s figures<br />
insolites, comme la princesse<br />
Marie Bonaparte ou Henri Baruk, qui<br />
ont occupé, en leur temps, une place<br />
incontournable.<br />
La naissance <strong>de</strong>s médicaments relève<br />
parfois <strong>de</strong> l’épopée, comme le<br />
succès inattendu <strong>de</strong>s neuroleptiques<br />
et l’échec du LSD. Un Prix Nobel vient<br />
couronner la vogue <strong>de</strong>s lobotomies,<br />
alors qu’ailleurs, idées politiques ou<br />
idéologiques vont souvent à l’encontre<br />
<strong>de</strong> l’intérêt du mala<strong>de</strong>.<br />
D’essais inspirés en entreprises hasar<strong>de</strong>uses,<br />
la psychiatrie s’est constituée<br />
par l’amalgame successif d’épiso<strong>de</strong>s<br />
épiques, parfois tragiques,<br />
souvent passionnés, qui ont été le<br />
fait <strong>de</strong> quelques hommes, <strong>de</strong>s idées<br />
qui les animaient et du contexte historique<br />
qu’ils traversaient.<br />
Théodule Ribot<br />
(1839-1917)<br />
Philosophe breton fondateur <strong>de</strong><br />
la psychologie française<br />
Serge Nicolas<br />
L’Harmattan 19,80 €<br />
Contemporain <strong>de</strong> Bergson, Théodule<br />
Ribot fut un philosophe et surtout un<br />
psychologue <strong>de</strong> la fin du XIX e siècle.<br />
En effet, Ribot est à l’origine du développement<br />
<strong>de</strong> la psychologie en<br />
France en tant que science autonome.<br />
On peut lui attribuer <strong>de</strong> nombreux<br />
actes pionniers d’une réelle importance.<br />
Il fut un <strong>de</strong>s plus virulents écrivains<br />
à s’élever contre la prééminence<br />
du spiritualisme en philosophie, et le<br />
premier à soutenir à la Sorbonne une<br />
thèse en psychologie (1873) construite<br />
sur <strong>de</strong>s bases et une démarche scientifiques.<br />
Il fut le premier à fon<strong>de</strong>r une<br />
revue <strong>de</strong> philosophie (Revue Philosophique<br />
<strong>de</strong> la France et <strong>de</strong> l’Etranger<br />
fondée en 1876) qui n’appartenait à<br />
aucune école, bien que la psychologie<br />
y tint une place considérable. Il<br />
fut, également, le premier à être chargé<br />
d’un cours <strong>de</strong> psychologie expérimentale<br />
à la Sorbonne (1885) malgré<br />
l’opposition <strong>de</strong>s philosophes en<br />
place et le premier psychologue à accé<strong>de</strong>r<br />
à une chaire au Collège <strong>de</strong><br />
France (1888). Par son soutien à la<br />
psychologie naissante, il encouragea<br />
le développement <strong>de</strong> nouveaux enseignements<br />
et la fondation, à la Sorbonne,<br />
du premier laboratoire français<br />
<strong>de</strong> psychologie expérimentale<br />
qui fut d’abord dirigé par Henry Beaunis<br />
(1889) puis Alfred Binet (1894).<br />
Ce livre donne <strong>de</strong>s repères historiques<br />
inédits sur la vie <strong>de</strong> Ribot mais propose<br />
aussi une analyse <strong>de</strong> ses différents<br />
écrits agrémentée d’extraits les<br />
plus représentatifs <strong>de</strong> son œuvre.
8<br />
LIVRES<br />
■ HISTOIRE<br />
Projet d’éléments<br />
d’idéologie (1801)<br />
A.L.C Destutt <strong>de</strong> Tracy<br />
Avec une introduction <strong>de</strong> Serge<br />
Nicolas<br />
L’Harmattan 33 €<br />
Dans son Mémoire sur la faculté <strong>de</strong><br />
penser publié en 1798, Antoine-Louis-<br />
Clau<strong>de</strong> Destutt <strong>de</strong> Tracy (1754-1836)<br />
donne le nom d’Idéologie à la science<br />
<strong>de</strong> la pensée (<strong>de</strong>s idées) et lui refuse<br />
celui <strong>de</strong> Psychologie, terme considéré<br />
à l’époque comme un terme <strong>de</strong> nature<br />
trop métaphysique. Il est alors<br />
en pleine possession <strong>de</strong> sa doctrine<br />
mais il lui reste à donner à ses théories<br />
une forme définitive en les exposant<br />
dans <strong>de</strong>s traités spéciaux. C’est<br />
à cette pério<strong>de</strong> que furent instituées<br />
les Ecoles Centrales (anciens collèges)<br />
<strong>de</strong> la République. Reprenant le plan<br />
<strong>de</strong> son premier travail, il le développe<br />
dans le contexte <strong>de</strong>s réformes <strong>de</strong> l’enseignement<br />
secondaire pour former<br />
un ouvrage <strong>de</strong> philosophie première<br />
qui prit le titre <strong>de</strong> Projet d’éléments<br />
d’idéologie (1801) où est exposée la<br />
science <strong>de</strong>s idées. Condillac, véritable<br />
fondateur <strong>de</strong> l’idéologie, n’avait pas<br />
donné un corps <strong>de</strong> doctrine complet<br />
qui puisse servir <strong>de</strong> texte aux leçons<br />
d’un cours. Le livre <strong>de</strong> Destutt <strong>de</strong> Tracy<br />
eut un succès considérable et <strong>de</strong>viendra,<br />
sous forme modifiée lors <strong>de</strong><br />
sa réédition en 1804, le premier <strong>de</strong>s<br />
quatre volumes édités sous le titre<br />
Eléments d’idéologie (1803- 1815). Il<br />
est présenté en fac similé dans cette<br />
édition.<br />
Atlas <strong>de</strong>s nouvelles<br />
fractures sociales en France<br />
Les classes moyennes oubliées et<br />
précarisées<br />
Christophe Guilluy, Christophe<br />
Noyé<br />
Cartographie : Dominique Ragu<br />
Collection Atlas/Mon<strong>de</strong><br />
Editions Autrement 14,95 €<br />
« Fracture sociale », « France d’en bas »,<br />
« quartiers sensibles »... Ces termes renvoient<br />
aux notions <strong>de</strong> désintégration<br />
sociale et <strong>de</strong> ségrégation.<br />
Mais ces formules, agitées par les politiques<br />
et les médias, masquent une<br />
réalité plus subtile.<br />
Le phénomène marquant <strong>de</strong> ces <strong>de</strong>rnières<br />
années, ce n’est pas tant la<br />
paupérisation <strong>de</strong> certaines cités que<br />
l’embourgeoisement <strong>de</strong>s centres.<br />
Les couches supérieures <strong>de</strong> la société<br />
se concentrent au coeur <strong>de</strong>s villes,<br />
colonisant même les anciens quartiers<br />
populaires. Dans ces zones économiquement<br />
en pointe, tout est<br />
pensé en fonction <strong>de</strong>s besoins <strong>de</strong><br />
cette population aisée : environnement,<br />
place <strong>de</strong> la voiture, fiscalité,<br />
etc.<br />
Cette « ghettoïsation par le haut » <strong>de</strong>ssine,<br />
dans le même temps, une « France<br />
périphérique » ignorée <strong>de</strong> la sphère<br />
politique et culturelle, alors qu’elle<br />
est largement majoritaire. Elle unit<br />
<strong>de</strong>s catégories sociales autrefois opposées<br />
: l’ouvrier en milieu rural, le<br />
petit paysan, l’employé d’un lotissement<br />
pavillonnaire et le chômeur <strong>de</strong><br />
banlieue subissent, aujourd’hui, le<br />
même sentiment <strong>de</strong> relégation. La<br />
précarisation <strong>de</strong>s couches popuIaires<br />
s’étend désormais aux classes intermédiaires,<br />
comme en témoigne la<br />
dégradation <strong>de</strong>s conditions <strong>de</strong> vie<br />
dans les nouvelles banlieues <strong>de</strong> lotissements<br />
pavillonnaires ou dans les<br />
villes nouvelles, conçues dans les années<br />
1960 pour les classes moyennes.<br />
Cet ouvrage analyse les causes <strong>de</strong> ce<br />
délitement social, loin <strong>de</strong>s faux débats<br />
sur l’intégration <strong>de</strong>s jeunes issus<br />
<strong>de</strong> l’immigration ou sur la violence<br />
<strong>de</strong>s banlieues. Il en pointe<br />
également les dangers, dans une analyse<br />
<strong>de</strong>s récents chocs électoraux :<br />
vote extrême et abstention.<br />
<br />
ressemblent à <strong>de</strong>s jeunes filles rangées,<br />
bien mises, passant les quelques<br />
loisirs qui leur restent à se confectionner<br />
un trousseau. Elles font quelques<br />
économies. On ne leur connaît aucune<br />
vie sexuelle. Ni la passion politique ni<br />
perverse ne les domine.<br />
Par contre, le caractère non pathologique<br />
<strong>de</strong>s personnalités, et donc du<br />
crime, semble plus difficile à démontrer.<br />
Un <strong>de</strong>s avocats écrit fort judicieusement<br />
: « je croyais que j’allais me trouver<br />
en présence <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux brutes ; j’ai trouvé<br />
<strong>de</strong>ux pauvres filles, polies et déférentes,<br />
qui conservaient à leurs victimes tout<br />
leur respect. Alors, je n’ai pas compris…Tout<br />
dans le dossier plai<strong>de</strong> l’irresponsabilité,<br />
la folie <strong>de</strong> Christine et Léa,<br />
car il n’y a pas dans les annales criminelles<br />
que <strong>de</strong>s gens responsables aient<br />
arraché les yeux <strong>de</strong> leur semblable…<br />
On ne trouve donc pas d’explication à<br />
ce crime qui semble le fait <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux<br />
aliénées » (14). J’en veux, aussi, pour<br />
preuve le tout aussi célèbre article <strong>de</strong><br />
Jacques Lacan qui a choisi pour titre :<br />
« Motifs du crime paranoïaque : le crime<br />
<strong>de</strong>s sœurs Papin ». Pour Lacan, les <strong>de</strong>ux<br />
sœurs présentent les caractères <strong>de</strong> la<br />
structure paranoïaque. Le fait que les<br />
experts n’aient pas posé ce diagnostic<br />
relèverait <strong>de</strong> la sorte <strong>de</strong> blanchiment<br />
<strong>de</strong>s symptômes que produit l’acte paranoïaque.<br />
Si ce n’était hors <strong>de</strong> notre<br />
propos, nous affirmerions notre penchant<br />
pour la thèse <strong>de</strong> Lacan.<br />
Un crime social<br />
Cependant, Le Guillant ne concentre<br />
pas la réflexion sur le diagnostic. La<br />
psychiatrie a certes une longue tradition<br />
d’expertise. Mais ici la question <strong>de</strong> Le<br />
Guillant n’est pas celle que l’on pose<br />
généralement au psychiatre et la manière<br />
dont il appréhen<strong>de</strong> son objet est singulière.<br />
Dans le fond, la discussion ne<br />
porte donc pas sur le diagnostic <strong>de</strong><br />
paranoïa. D’ailleurs Le Guillant écrit<br />
lui-même à propos d’un diagnostic d’un<br />
confrère : « Il ne saurait être question<br />
<strong>de</strong> discuter un tel diagnostic, vraisemblablement<br />
fondé (si l’on tient, en psychiatrie,<br />
à faire un « diagnostic »).<br />
D’ailleurs, <strong>de</strong>puis quelque temps déjà,<br />
les beaux édifices baroques du délire sont<br />
ruinés par les neuroleptiques, la nosologie<br />
psychiatrique, cette entomologie où les<br />
aliénistes s’efforçaient <strong>de</strong> retrouver les<br />
catégories, apparemment bien définies,<br />
<strong>de</strong> la mé<strong>de</strong>cine est en voie, sinon d’abandon,<br />
du moins <strong>de</strong> dépérissement. De<br />
même que l’hérédité, la « dégénérescence<br />
», les constitutions, elle s’efface et laisse<br />
la voie ouverte à ce qui seul importe :<br />
l’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> la genèse <strong>de</strong>s troubles présentés<br />
par les individus singuliers auxquels<br />
nous avons affaire, troubles aux visages<br />
à la fois aussi semblables et divers que,<br />
chez chacun, la colère, le chagrin ou<br />
l’anxiété » (15). C’est en cela qu’il participe<br />
à la fondation d’une psychopathologie<br />
du travail qui ne peut se<br />
contenter d’étiqueter les patients reçus<br />
du seul sceau d’un diagnostic médicoasilaire.<br />
Comme Le Guillant l’écrit lui-même,<br />
l’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> la genèse <strong>de</strong>s troubles lui<br />
apparaît une tâche plus essentielle. Il<br />
insiste sur ce que peuvent provoquer<br />
sur la vie psychique les conditions, non<br />
pas seulement <strong>de</strong> travail, mais sociales.<br />
En ce sens, cette histoire est illustrative<br />
<strong>de</strong> cette manière <strong>de</strong> concevoir la psychopathologie<br />
du travail <strong>de</strong> Le Guillant,<br />
et d’ailleurs toute la psychopathologie,<br />
sous un angle social.<br />
Mais cette critique ne doit pas tromper.<br />
Il en <strong>de</strong>man<strong>de</strong> plus à la psychiatrie<br />
que ce qu’elle donne. « Pourquoi une<br />
discipline qui nous met sans cesse en<br />
présence <strong>de</strong>s situations les plus tragiques,<br />
qui nous permet une approche extraordinairement<br />
privilégiée <strong>de</strong> ceux qui les<br />
vivent (le personnage du mé<strong>de</strong>cin, le<br />
secret professionnel, <strong>de</strong>s multiples informations,<br />
etc.) a-t-elle en définitive si peu<br />
apporté dans ce cas – et quelques autres<br />
– à la compréhension du « drame<br />
humain » <strong>de</strong>s sœurs Papin ? » (16).<br />
Il ne <strong>de</strong>man<strong>de</strong> pas moins à la psychia-<br />
trie, il <strong>de</strong>man<strong>de</strong> plus. Et en effet il considère<br />
que le psychiatre peut aller plus<br />
loin dans la compréhension du drame<br />
humain qui a conduit les sœurs Papin<br />
à ce crime atroce. Et cette compréhension<br />
ne relève pas tant <strong>de</strong> l’application<br />
d’un savoir nouveau que d’un<br />
nouveau savoir faire.<br />
Ce nouveau savoir faire se situe à <strong>de</strong>ux<br />
niveaux qui se complètent nécessairement<br />
: d’une part un art <strong>de</strong> la mise en<br />
récit et d’autre part d’une conjonction<br />
singulière entre savoir général et vie<br />
unique.<br />
Ainsi il parvient à nous restituer, par<br />
la mise en récit la vie qui anime ce<br />
drame, la vie brisée <strong>de</strong>s sœurs Papin, la<br />
cupi<strong>de</strong> indifférence parentale, la compassion<br />
sidérée <strong>de</strong> certains témoins <strong>de</strong><br />
leur état d’avant le crime, la crédulité<br />
d’autres. Tout cela prend vie dans un<br />
récit, avec un art qu’il serait facile <strong>de</strong><br />
renvoyer à l’art du roman, <strong>de</strong> l’imagination,<br />
voire du mensonge, mais relève<br />
d’un art interprétatif subtil et vivant,<br />
au service d’une certaine conception<br />
<strong>de</strong> la démonstration scientifique.<br />
La science d’un cas unique se développe<br />
au croisement d’un savoir général<br />
et du savoir particulier d’une vie<br />
singulière. Tout le problème est <strong>de</strong> croiser<br />
ces <strong>de</strong>ux savoirs par un savoir faire.<br />
Il reprend <strong>de</strong> manière pratique et vivante,<br />
le concept <strong>de</strong> drame <strong>de</strong> Politzer (17)<br />
qui répond à cette question du croisement.<br />
Le drame inscrit la vie individuelle<br />
dans une problématique qui la<br />
dépasse.<br />
C’est dans ce savoir faire immergé dans<br />
un savoir psychiatrique animé d’une<br />
résonance singulière que se trouve la<br />
force nouvelle du travail psychopathologique<br />
<strong>de</strong> Le Guillant.<br />
Une résonance singulière<br />
En ce qui concerne le crime <strong>de</strong>s sœurs<br />
Papin, la problématique générale est<br />
celle <strong>de</strong>s bonnes à tout faire, mais le<br />
crime résonne <strong>de</strong> la tragédie particulière<br />
<strong>de</strong> leurs vies. Par quel bout commencer,<br />
alors même que la seule manière<br />
<strong>de</strong> rendre compte, ou au moins <strong>de</strong> tenter<br />
d’en rendre compte, est <strong>de</strong> montrer<br />
comment se tisse cet inextricable<br />
écheveau entre situation et vie particulière<br />
en un drame singulier ? Toute<br />
analyse est, en ce sens, réductrice. Les<br />
<strong>de</strong>ux trames <strong>de</strong> ce drame se résument<br />
assez facilement. « L’on voit bien, en<br />
effet, chez Christine au moins, la lucidité,<br />
la conscience, le courage, et même le<br />
sacrifice <strong>de</strong>s opprimés. Pour <strong>de</strong>s filles placées<br />
en maison bourgeoise au Mans, en<br />
1933, rejeter la religion, rompre avec<br />
leur mère, refuser <strong>de</strong> cotiser à la Sécurité<br />
sociale, <strong>de</strong> travailler à la prison et d’y<br />
être tutoyées, ce n’était pas rien.<br />
Mais, pour qu’elles en viennent à tuer<br />
leurs maîtres, il a aussi fallu qu’elles aient<br />
toujours été mal aimées et mal traitées ;<br />
il a encore fallu que <strong>de</strong>s « tendances paranoïaques<br />
», nées <strong>de</strong> leur enfance, alimentent<br />
leur rigidité morale, leur fierté,<br />
leur solitu<strong>de</strong> ; et enfin <strong>de</strong>s relations<br />
humaines concentrées sur un objet exclusif,<br />
le besoin <strong>de</strong> « montrer leur force » (18).<br />
Maltraitées, elles le furent en effet.<br />
Christine a été placée dès l’âge <strong>de</strong> sept<br />
dans une maison religieuse jusqu’à ses<br />
15 ans, puis placée par sa mère comme<br />
bonne dans différentes familles. Léa<br />
un moment élevée par un oncle, puis<br />
dans un orphelinat jusqu’à 13 ans est<br />
aussi, ensuite, placée par sa mère dans<br />
différentes familles. Les <strong>de</strong>ux sœurs<br />
parviennent, ensuite, à être employées<br />
par les mêmes familles. Les rapports à<br />
leur mère sont pour le moins mauvais.<br />
Ainsi, elles interrompent elles-mêmes<br />
leurs relations et tentent d’obtenir pour<br />
Léa une majorité anticipée. Devant les<br />
experts, Christine dira « cette femme ».<br />
« Celle-ci, dit-elle, n’avait rien <strong>de</strong> gentil<br />
pour moi et ma sœur, nous faisait <strong>de</strong>s<br />
reproches constants, était désagréable<br />
avec nous et quand elle nous voyait,<br />
c’était pour nous accabler <strong>de</strong> critiques,<br />
notamment en ce qui concerne la toilette<br />
et la mise » (19). La mère choisissait les<br />
places, les changeait quand elles n’y<br />
gagnaient pas assez, et recevait les<br />
gages. Remarquons aussi que cette<br />
mère était aussi bonne à tout faire. L’affaire<br />
pourrait être conclue. On pourrait<br />
plaindre les sœurs Papin, les excuser, ou<br />
au contraire, reprendre, <strong>de</strong>s paroles<br />
citées par Le Guillant : « L’âme humaine<br />
est un gouffre et tous les malfaiteurs<br />
ont leurs excuses » (20).<br />
Plutôt que <strong>de</strong> faire dans le misérabilisme,<br />
Le Guillant choisit une autre voie.<br />
Il pousse la compréhension <strong>de</strong> chaque<br />
côté, celle <strong>de</strong> la tragédie <strong>de</strong> la vie singulière<br />
<strong>de</strong>s sœurs Papin et celle <strong>de</strong> la<br />
condition <strong>de</strong> bonnes à tout faire.<br />
Le Guillant rend admirablement compte<br />
<strong>de</strong> la tragédie personnelle <strong>de</strong> l’enfance<br />
<strong>de</strong>s sœurs Papin, non tant dans sa<br />
réalité, qui nous est inaccessible, que<br />
dans sa manière d’interroger la dimension<br />
subjective <strong>de</strong> cette réalité. « Enfants<br />
délaissées d’un père ivrogne et d’une<br />
mère exceptionnellement dure et rapace ;<br />
sans cesse menacées d’être « placées à<br />
l’Assistance publique » (qui sait, parmi<br />
les lecteurs <strong>de</strong> ce texte, ce que cela pouvait<br />
alors représenter pour elles ?), tôt<br />
confiées à <strong>de</strong>s internats, qu’il faut avoir<br />
connus à cette époque pour en mesurer<br />
l’inhumanité, elles <strong>de</strong>vaient, plus que<br />
d’autres, éprouver une profon<strong>de</strong> frustration,<br />
en même temps qu’une éducation<br />
morale rigoureuse leur fermait certaines<br />
issues, leur interdisait presque tout » (21).<br />
Cependant Le Guillant pousse la compréhension<br />
<strong>de</strong> la vie individuelle, mais<br />
ne s’en contente pas. Il refuse lui aussi<br />
N°2 - TOME XVIII - MARS 2005<br />
La médiatisation <strong>de</strong>s hospitalisations sans<br />
consentement en France :<br />
la position <strong>de</strong> la Fédération France-Schizophrénie<br />
Suite aux articles <strong>de</strong> presse (Le Figaro, Le Mon<strong>de</strong>, etc.) et aux émissions <strong>de</strong><br />
télévision (Arte, Forum <strong>de</strong>s Européens), la Fédération France-Schizophrénie<br />
met en gar<strong>de</strong> contre la campagne <strong>de</strong> presse et <strong>de</strong> lobbying lancée par un<br />
groupe <strong>de</strong> pression très minoritaire qui voudrait faire croire que le problème<br />
<strong>de</strong>s hospitalisations sous contrainte est actuellement en France un problème<br />
majeur <strong>de</strong> la prise en charge psychiatrique, portant atteinte aux libertés individuelles.<br />
Les techniques utilisées par ce groupe sont celles <strong>de</strong> la manipulation d’opinion.<br />
Elles jouent sur la crainte fantasmée <strong>de</strong>s hospitalisations abusives (dans<br />
le sens d’hospitalisations injustifiées) dont il est soli<strong>de</strong>ment établi qu’elles<br />
n’existent pas en France. Elles utilisent un vocabulaire délibérément inexact<br />
et provocateur, ainsi dans différents articles récents, les hospitalisations sans<br />
consentement étaient nommés « internements psychiatriques », « internements<br />
forcés » ou « incarcérations », termes faisant référence à un enfermement,<br />
alors qu’il s’agit seulement <strong>de</strong> l’admission d’un mala<strong>de</strong> en danger dans<br />
un service hospitalier ouvert à tous.<br />
C’est pourquoi nous <strong>de</strong>mandons aux journalistes, dans un souci <strong>de</strong> déontologie<br />
et <strong>de</strong> respect <strong>de</strong> la réalité vécue par les mala<strong>de</strong>s et leurs familles <strong>de</strong> ne<br />
plus utiliser le terme d’ « internement » au lieu <strong>de</strong> celui d’hospitalisation sans<br />
consentement.<br />
La troisième technique est la présentation tendancieuse <strong>de</strong>s chiffres. Si en<br />
valeur absolue, les hospitalisations sans consentement ont bien doublé en 10<br />
ans en France (soit une augmentation <strong>de</strong> 100%), ce n’ est pas le cas <strong>de</strong> leur<br />
pourcentage par rapport à l’ensemble <strong>de</strong>s hospitalisations psychiatriques qui<br />
n’a augmenté que <strong>de</strong> moitié. Surtout, ils omettent <strong>de</strong> dire que les hospitalisations<br />
sous contrainte sont désormais plus courtes et qu’elles ne représentent<br />
en France que 12,5% du total <strong>de</strong>s hospitalisations psychiatriques. Ce<br />
pourcentage atteint 17% en Israël, 21,6% au Danemark et 30% en Suè<strong>de</strong>.<br />
Certes, il faut s’interroger sur l’augmentation <strong>de</strong>s hospitalisations sans consentement,<br />
il faut en chercher les causes et les moyens d’y remédier. Mais la psychiatrie<br />
française doit relever d’autres défis. Il lui faut :<br />
• Réduire le nombre <strong>de</strong> suici<strong>de</strong>s (10 000/an) dont le nombre dépasse désormais<br />
<strong>de</strong> plus <strong>de</strong> 20% celui <strong>de</strong>s acci<strong>de</strong>nts <strong>de</strong> la route.<br />
• Diminuer le nombre <strong>de</strong>s personnes atteintes <strong>de</strong> troubles psychiatriques<br />
parmi les entrants en prison et diminuer leur nombre parmi les personnes<br />
sans abri.<br />
• Réduire le nombre <strong>de</strong>s personnes mala<strong>de</strong>s qui ne sont ni diagnostiquées ni<br />
soignés (50% <strong>de</strong>s dépressions, 30% <strong>de</strong>s schizophrénies selon certaines estimations).<br />
• Augmenter l’espérance <strong>de</strong> vie <strong>de</strong> ces mala<strong>de</strong>s (dans le cas <strong>de</strong> la schizophrénie,<br />
elle est pour les hommes raccourcie <strong>de</strong> 11 ans).<br />
Les moyens d’atteindre ces objectifs <strong>de</strong> santé publique sont connus :<br />
• Améliorer l’information du public sur la nature <strong>de</strong> ces maladies, leur gravité<br />
et les soins désormais disponibles.<br />
• Améliorer le suivi médico-social <strong>de</strong>s patients pour éviter les rechutes, mettre<br />
en place <strong>de</strong>s équipes formées capables d’aller à la rencontre <strong>de</strong>s mala<strong>de</strong>s (y<br />
compris ceux qui ne sont plus en état <strong>de</strong> solliciter <strong>de</strong>s soins par eux-mêmes),<br />
et vulgariser les recommandations internationales <strong>de</strong> prise en charge, souvent<br />
peu connues en France<br />
• Faciliter l’accès aux soins sans discrimination, conformément à l’article L1110-<br />
1 du co<strong>de</strong> <strong>de</strong> la santé.<br />
• Développer la recherche. ■<br />
Communiqué <strong>de</strong> presse du 9 décembre 2004 <strong>de</strong> la Fédération France-Schizophrénie ;<br />
Association déclarée (loi du 1 er juillet 1901) c/o Schizo ? ... Oui ! Bat. D, 54 rue Vergniaud,<br />
75013 Paris. Tél. 01 45 89 49 44.<br />
la causalité linéaire et simpliste. Il ajoute<br />
: « Cependant, ces dispositions affectives,<br />
nées <strong>de</strong> toute leur jeunesse, n’ont<br />
pas altéré, pendant longtemps, leur santé<br />
mentale ». En tant que psychiatre expérimenté,<br />
il sait que la vie n’imprime<br />
pas son déterminisme <strong>de</strong> façon inéluctable.<br />
Quand on n’est pas dans un<br />
déterminisme simple, il existe une rupture<br />
impossible à combler qui rend le<br />
fait pathologique irréductible. « Il s’ensuit<br />
une continuité à la fois réelle et trompeuse,<br />
une sorte <strong>de</strong> double nature, propre<br />
au fait psychiatrique, moment dans le<br />
cours d’une vie et maladie, d’abord compréhensible<br />
puis appartenant au mon<strong>de</strong><br />
<strong>de</strong> l’aliénation » (22).<br />
Alors d’où vient cette rupture ? C’est<br />
qu’au déterminisme intime, se mêle<br />
un autre déterminisme, d’un niveau<br />
différent. Le crime <strong>de</strong>s sœurs Papin est<br />
aussi un crime <strong>de</strong> domestiques. Le<br />
Guillant énonce alors la seule critique<br />
qu’il envisage vis-à-vis <strong>de</strong>s juges, <strong>de</strong>s<br />
avocats et <strong>de</strong>s experts. D’après Le<br />
Guillant, le savoir criminel recèle <strong>de</strong><br />
ces crimes affreux perpétrés par <strong>de</strong>s<br />
domestiques et dépassant en cruauté le<br />
crime <strong>de</strong>s sœurs Papin, au point que les<br />
psychiatres ont inventé les notions cliniques<br />
<strong>de</strong> servantes criminelles ou <strong>de</strong><br />
rage <strong>de</strong>s cuisinières. « Que la condition<br />
domestique recèle un pouvoir pathogène,<br />
c’est un fait qu’il est difficile <strong>de</strong> ne pas<br />
prendre en considération » (23). La rage<br />
meurtrière <strong>de</strong> ces bonnes surprend souvent<br />
ceux qui les connaissent.
N°2 - TOME XVIII - MARS 2005<br />
Pourtant il aurait pu ne rien se passer,<br />
comme cela avait été le cas dans leurs<br />
places précé<strong>de</strong>ntes. « Alors on se<br />
<strong>de</strong>man<strong>de</strong> : pourquoi les Lancelin ?<br />
Pourquoi elles et pas les autres domestiques<br />
? Pourquoi une réaction d’une<br />
telle sauvagerie ? ». Il faut revenir à la<br />
vie singulière <strong>de</strong>s sœurs Papin. Dans<br />
cette atmosphère d’ignorance réciproque<br />
qui règne entre les sœurs et<br />
leurs patrons, c’est la <strong>de</strong>rnière année<br />
que le drame se noue, que les sœurs<br />
ne répon<strong>de</strong>nt plus que par oui ou par<br />
non, que leurs humeurs s’assombrissent,<br />
qu’elles maigrissent, qu’elles paraissent<br />
parfois étranges. Il semble que le<br />
double déterminisme joue sa partition.<br />
Mais comment ? « Interrogation à<br />
laquelle on ne trouve quelque réponse<br />
que dans une reconstitution serrée <strong>de</strong><br />
l’histoire totale <strong>de</strong>s individus, une connaissance<br />
entière, avec leur « valeur » exacte,<br />
<strong>de</strong> tous les événements qui l’ont marquée,<br />
<strong>de</strong> tous les personnages qui l’ont<br />
traversée, <strong>de</strong> leur vie la plus quotidienne :<br />
ici, par exemple, les gants blancs <strong>de</strong><br />
madame Lancelin, l’inci<strong>de</strong>nt du papier<br />
tombé sur le parquet » (24).<br />
Cette recherche n’a donc pas <strong>de</strong> fin.<br />
Le tissage paraît quasiment infini. Mais<br />
c’est là qu’il nous faut nous rappeler<br />
que nous ne sommes pas dans le cadre<br />
d’une psychothérapie. Car alors dans<br />
un cadre thérapeutique, le patient<br />
dénoue les nœuds qui le font souffrir.<br />
Ce qui en limite l’investigation mais en<br />
donne aussi le sens. Dans le cadre limité<br />
<strong>de</strong> sa recherche, Le Guillant pose<br />
son raisonnement. « Pour elles, ce fut<br />
vraisemblablement leur condition domestique,<br />
tirant <strong>de</strong>s frustrations <strong>de</strong> leur enfance<br />
une résonance particulière, qui a pesé<br />
du poids le plus lourd sur leur <strong>de</strong>stin » (25).<br />
Pour qui veut accé<strong>de</strong>r à cette manière<br />
<strong>de</strong> faire, à ce savoir faire si particulier,<br />
cette <strong>de</strong>rnière phrase est pour nous<br />
essentielle.<br />
Le Guillant poursuit sa démonstration<br />
dans le sens <strong>de</strong> la causalité sociale <strong>de</strong> la<br />
paranoïa <strong>de</strong>s opprimés, qui aboutit parfois<br />
à <strong>de</strong>s crimes et <strong>de</strong>s cruautés plus<br />
sanglantes que celle <strong>de</strong>s sœurs Papin. Il<br />
faut qu’elles fussent soumises à un profond<br />
sentiment d’injustice, indignées,<br />
hors d’elles. Il faut, d’après Le Guillant,<br />
cette conjonction si particulière pour<br />
aboutir à cet orgueil démesuré, cette<br />
rigidité, cette sévérité, cette hostilité diffuse<br />
et vengeresse, traits <strong>de</strong> personnalité<br />
paranoïaque « qui sont, tôt ou tard,<br />
ceux <strong>de</strong> tous les opprimés » (26).<br />
Il le fait d’abord parce que chaque<br />
déterminisme paraît en soi contraignant.<br />
C’est en quelque sorte parce que le<br />
déterminisme personnel et le déterminisme<br />
social allaient dans le même sens<br />
que l’explosion fut si gran<strong>de</strong>. Ensuite,<br />
parce que loin <strong>de</strong> cautionner la violence<br />
<strong>de</strong>s opprimés, bien que certaines<br />
citations soient d’une gran<strong>de</strong> ambiguïté,<br />
cette histoire contient une conception<br />
psychopathologique propre à la<br />
fon<strong>de</strong>r en interrogation exemplaire. « Si<br />
l’on évoque alors la personnalité et l’histoire<br />
d’autres insurgés, on leur découvre<br />
une étrange ressemblance avec celle <strong>de</strong>s<br />
sœurs Papin, on entrevoit pourquoi il y a<br />
tant à attendre et à craindre d’eux. Mais<br />
le pouvoir entre les mains, ils veulent<br />
bientôt à leur tour dominer, ne tar<strong>de</strong>nt<br />
pas à voir dans toute opposition « une<br />
conjuration interne et externe », et à<br />
défendre – par tous les moyens - leur<br />
juste cause.<br />
N’y a-t-il pas là une menace fondamentale<br />
<strong>de</strong> toute entreprise révolutionnaire,<br />
dont il conviendrait <strong>de</strong> prendre conscience<br />
et <strong>de</strong> se gar<strong>de</strong>r ? » (27).<br />
Fait psychopathologique, disais-je ? En<br />
effet, n’y a-t-il pas contenu là toute une<br />
conception sociale <strong>de</strong> la pérennité <strong>de</strong>s<br />
défenses caractérielles ? La vie psychique<br />
prend une <strong>de</strong> ses sources dans<br />
la vie sociale et la vie sociale parvient<br />
enfin à se traduire en éléments psychiques.<br />
Dans une autre étu<strong>de</strong>, Le<br />
Guillant reprend les conditions sociales<br />
<strong>de</strong> vie qui font la vie psychique <strong>de</strong>s<br />
bonnes à tout faire. Cette analyse peut<br />
donc utilement se prolonger par l’étu<strong>de</strong><br />
<strong>de</strong> ce texte.<br />
La condition <strong>de</strong><br />
« bonne à tout faire »<br />
Avec cette étu<strong>de</strong>, Le Guillant poursuit<br />
ses réflexions sur les conséquences psychiques<br />
<strong>de</strong> certaines situations sociales.<br />
Il développe ainsi sa réflexion sur la<br />
face sociale <strong>de</strong>s problématiques psychopathologiques.<br />
Utilisant étu<strong>de</strong>s statistiques<br />
et étu<strong>de</strong>s <strong>de</strong> cas, il parvient à<br />
une sorte d’idéal type sociologique qui<br />
concentre la forme idéale, les particularités<br />
les plus saisissantes et les plus<br />
significatives <strong>de</strong> la condition <strong>de</strong> bonne<br />
à tout faire. Nous n’avons donc pas là<br />
la réalité brute, qui contient toujours<br />
<strong>de</strong>s éléments d’ordre divers, mais une<br />
sorte d’épure et <strong>de</strong> concentré, une<br />
concoction <strong>de</strong>s particularités <strong>de</strong> cette<br />
situation.<br />
Cet idéal type rassemble les situations<br />
dominantes, « celles qui pèsent si lour<strong>de</strong>ment<br />
qu’il est impossible <strong>de</strong> se soustraire<br />
entièrement à leur pression et que leur<br />
influence transparaît presque toujours à<br />
travers la trame complexe et souvent mal<br />
<strong>de</strong>ssinée ou indéchiffrable d’une existence<br />
» (28).<br />
Ce con<strong>de</strong>nsé <strong>de</strong> situation, cette situation<br />
idéale typique souligne les problèmes<br />
psychologiques que rencontre<br />
nécessairement toute vraie situation <strong>de</strong><br />
bonne à tout faire, parfois sans que la<br />
personne concernée n’en prenne<br />
conscience, mais avec <strong>de</strong>s variantes<br />
propres à toute situation réelle et<br />
concrète. Cette situation joue sur les<br />
relations humaines, les sentiments, les<br />
conduites et les conflits, sans pour<br />
autant tout expliquer. « Mais ces situations<br />
posent à tous ceux qui les vivent<br />
<strong>de</strong>s problèmes, dans une gran<strong>de</strong> mesure<br />
semblables, plus ou moins aigus, auxquels<br />
ils peuvent donner <strong>de</strong>s solutions<br />
différentes mais que, parfois, ils ne parviennent<br />
ni à résoudre ni à surmonter<br />
et qui, alors, les troublent plus ou moins<br />
profondément » (29).<br />
Ainsi, à travers cette étu<strong>de</strong>, le <strong>de</strong>ssein<br />
<strong>de</strong> Le Guillant est <strong>de</strong> rappeler « le rôle<br />
du milieu (ou <strong>de</strong>s milieux) dans l’apparition<br />
et l’effacement <strong>de</strong>s troubles mentaux<br />
» (30). En effet, « ces déterminations<br />
sociales <strong>de</strong>s troubles mentaux encore si<br />
mal connues (…) constituent cependant,<br />
à mes yeux, un mo<strong>de</strong> d’approche indispensable<br />
à la compréhension du fait psychiatrique<br />
» (31).<br />
Un fait psychiatrique important qui a<br />
constitué le point <strong>de</strong> départ à cette<br />
étu<strong>de</strong> est la constatation <strong>de</strong> la fréquence<br />
anormalement élevée d’hospitalisations<br />
<strong>de</strong> bonnes dans son service<br />
hospitalier. D’autres étu<strong>de</strong>s montrent,<br />
proportionnellement, plus d’enfants <strong>de</strong><br />
bonnes à tout faire parmi les enfants<br />
placés pour troubles du caractère. La<br />
prostitution est aussi plus fréquente<br />
parmi les anciennes bonnes. Et, en raison<br />
<strong>de</strong> ces faits, il choisit cette situation<br />
qui lui semble faire apparaître dans<br />
ses éléments essentiels ces déterminations<br />
sociales. Il repousse <strong>de</strong> façon virulente<br />
comme relevant d’un racisme<br />
social, toute explication constitutive <strong>de</strong><br />
ces difficultés particulièrement fréquentes.<br />
Ce genre d’explication situe la<br />
condition <strong>de</strong> bonnes comme secondaire<br />
et inclut dans son explication les<br />
troubles mentaux, alors que, pour lui,<br />
c’est leur condition <strong>de</strong> bonne en définitive<br />
qui, au moins pour l’essentiel,<br />
est à l’origine <strong>de</strong>s problèmes que les<br />
bonnes doivent affronter et en l’absence<br />
<strong>de</strong> solution, aboutissent parfois au<br />
développement <strong>de</strong> troubles mentaux.<br />
Sur un autre plan, celui <strong>de</strong> la condition<br />
humaine dans ses aspects politiques,<br />
il considère que cette situation<br />
particulière relève <strong>de</strong> la domination et<br />
<strong>de</strong> la servitu<strong>de</strong>.<br />
Par contre, il circonscrit son étu<strong>de</strong> aux<br />
aspects psychologiques, laissant <strong>de</strong> côté<br />
les aspects juridiques, matériels ou économiques.<br />
En effet, son « <strong>de</strong>ssein n’est<br />
pas <strong>de</strong> fon<strong>de</strong>r sur les seules données économiques<br />
la psychopathologie <strong>de</strong> mes<br />
bonnes, même si elles sont fondamentalement<br />
à l’origine <strong>de</strong> tout. Mais, dans la<br />
situation concrète qui est la leur, elles<br />
sont liées étroitement, indiscutablement,<br />
à ses aspects psychologiques, se reflètent<br />
en eux » (32).<br />
S’il se préserve ainsi du danger <strong>de</strong> diluer<br />
excessivement la vie psychique dans<br />
les reflets incertains <strong>de</strong> l’économie, il<br />
n’a peut-être pas pu se préserver d’une<br />
certaine vision par trop étroite <strong>de</strong>s relations<br />
<strong>de</strong> pouvoir, réduite à la domination<br />
sociale.<br />
Avant <strong>de</strong> poursuivre, il paraît important<br />
<strong>de</strong> préciser ce que signifie « condition<br />
» dans l’esprit <strong>de</strong> Le Guillant. En<br />
effet, il réduit comme tout travail scientifique<br />
le nécessite, la vie sociale à une<br />
condition sociale qui ne la résume pas,<br />
mais en simplifie la compréhension. La<br />
condition est un état plus qu’une action,<br />
et donc bien plus qu’un simple travail.<br />
On est bonne à tout faire, avant <strong>de</strong><br />
travailler comme bonne à tout faire.<br />
Cet état résulte d’une construction<br />
sociale collective. Cependant, la vie<br />
laborieuse <strong>de</strong> bonne à tout faire<br />
s’éloigne dans sa concrètu<strong>de</strong> au fur et<br />
à mesure que se <strong>de</strong>ssine la condition <strong>de</strong><br />
bonne à tout faire. Comme il le dit à<br />
plusieurs reprises, la condition existe<br />
toujours alors que chaque situation<br />
contient plus <strong>de</strong> particularités que la<br />
seule condition. L’importance à attribuer<br />
à ces particularités est une <strong>de</strong>s<br />
questions fortes que le travail <strong>de</strong> Le<br />
Guillant laisse en suspens.<br />
Ce que nous <strong>de</strong>vons en conclure, si<br />
nous acceptons la démonstration <strong>de</strong><br />
Le Guillant, c’est que la vie laborieuse<br />
s’inscrit aussi dans la vie sociale qui,<br />
ajouterons-nous, la tisse au même titre<br />
que la vie sexuelle. La condition <strong>de</strong><br />
bonne à tout faire ne se réduit pas à<br />
une condition sociale : elle se définit<br />
aussi par un mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> vie et un travail<br />
spécifiques. En quoi la vie laborieuse<br />
<strong>de</strong> la bonne à tout faire se spécificie-telle<br />
au sein <strong>de</strong> sa condition sociale ?<br />
Le Guillant n’apporte pas <strong>de</strong> réponse à<br />
cette question complexe ; en effet les<br />
liens entre vie sociale et vie laborieuse<br />
sont loin d’être clairs.<br />
Le tableau <strong>de</strong> la condition <strong>de</strong> bonne à<br />
tout faire comporte le ressentiment,<br />
l’humiliation, le désir <strong>de</strong> revanche.<br />
En ce qui concerne le ressentiment,<br />
celui-ci est un éprouvé qui résulte du<br />
bilan du donné et du reçu, <strong>de</strong>s bienfaits<br />
et <strong>de</strong>s outrages. La bonne à tout faire<br />
éprouve toujours le sentiment d’avoir<br />
été lésée. Cependant trois remarques<br />
supplémentaires viennent préciser ce<br />
dont il s’agit. Le vécu n’est pas simple<br />
ressenti.<br />
Il est opposé à d’autres sentiments positifs<br />
envers le foyer, la famille et les<br />
enfants, auxquelles les bonnes s’attachent<br />
fréquemment. Elles connaissent<br />
aussi <strong>de</strong>s marques d’intérêt et <strong>de</strong> sollicitu<strong>de</strong>.<br />
Néanmoins, ce qu’essaie <strong>de</strong><br />
décrire Le Guillant, c’est la sorte <strong>de</strong><br />
nécessité interne <strong>de</strong> la situation qui finit<br />
toujours pas l’emporter et qui tisse la<br />
trame <strong>de</strong>s comportements <strong>de</strong>s uns et<br />
<strong>de</strong>s autres. Aussi le ressentiment s’adresse<br />
plus à la condition qu’à <strong>de</strong>s personnes<br />
particulières. Enfin, il <strong>de</strong>meure<br />
souvent interdit, inavoué, longtemps<br />
combattu par les règles morales <strong>de</strong> la<br />
vie sociale.<br />
Le Guillant fait ainsi l’hypothèse d’un<br />
éprouvé fréquent qui ne serait d’abord<br />
pas, ressenti et donc, osons le mot,<br />
conscient.<br />
La force cachée <strong>de</strong>s sentiments hostiles<br />
est telle que, d’après Le Guillant, il<br />
atteint celles qui le ressentent à chacun<br />
<strong>de</strong>s moments et <strong>de</strong>s circonstances<br />
d’une existence tout entière prise dans<br />
leur condition <strong>de</strong> bonne, qu’il suscite<br />
<strong>de</strong>s contradictions et <strong>de</strong>s culpabilités<br />
d’une particulière intensité et, à travers<br />
elle, trouble les plus vulnérables ou les<br />
plus éprouvées. C’est dans cette force<br />
cachée que semble donc se tenir le<br />
pouvoir pathogène <strong>de</strong> la condition <strong>de</strong><br />
bonne à tout faire.<br />
Et ce pouvoir pathogène semble d’autant<br />
plus grand qu’il est mêlé d’une<br />
sorte d’aveuglement aux problèmes<br />
posés par la domination et la servitu<strong>de</strong>.<br />
Le Guillant ose utiliser les termes <strong>de</strong><br />
résistance ou <strong>de</strong> censure, « qui scotomise<br />
<strong>de</strong> pareilles situations, s’en détourne,<br />
refuse d’admettre qu’elles puissent<br />
être génératrice <strong>de</strong> conflits pathogènes,<br />
« refoule » dans une sorte d’inconscient<br />
social » (33) ces problèmes. Il conclut<br />
avec l’exemple du drame <strong>de</strong>s sœurs<br />
Papin auxquelles il attribue une haine<br />
passionnée qu’elles vouent à leurs<br />
maîtres et qui serait le ressort <strong>de</strong> leurs<br />
crimes. « Les sœurs Papin reconnaissent<br />
leurs actes, il le faut bien, mais non les<br />
sentiments qui les ont provoqués. Ceux-<br />
Deux atlas <strong>de</strong> l’offre <strong>de</strong> soins en psychiatrie<br />
générale et infanto-juvénile<br />
La DREES vient <strong>de</strong> publier <strong>de</strong>ux atlas, présentant une photographie par région<br />
<strong>de</strong> l’offre <strong>de</strong> soins en psychiatrie générale et infanto-juvénile publique<br />
et privée, hospitalière et <strong>de</strong> ville, précisant également les découpages <strong>de</strong>s secteurs<br />
<strong>de</strong> psychiatrie. Cette offre est mise en regard <strong>de</strong>s structures et établissements<br />
où la psychiatrie est amenée à intervenir : les établissements d’hébergement<br />
pour personnes âgées, les établissements pour adultes et enfants<br />
handicapés, les établissements pour enfants à caractère sanitaire, les services<br />
<strong>de</strong> soins <strong>de</strong> suite et <strong>de</strong> réadaptation, les services d’urgence, les maternités et<br />
les établissements pénitentiaires. La pluralité et la quantité <strong>de</strong> structures sociales<br />
et médico-sociales implantées sur le territoire vont avoir <strong>de</strong>s répercussions<br />
sur les missions attachées à l’équipe <strong>de</strong> psychiatrie, tout comme les caractéristiques<br />
<strong>de</strong> la population couverte. Pour cela, sont présentées pour<br />
chaque région et par secteur <strong>de</strong> psychiatrie, plusieurs cartes décrivant les caractéristiques<br />
rurales ou urbaines du territoire, la proportion <strong>de</strong> personnes<br />
âgées <strong>de</strong> plus <strong>de</strong> 75 ans, celle <strong>de</strong>s moins <strong>de</strong> 20 ans, la part <strong>de</strong> chômeurs dans<br />
la population active, la proportion <strong>de</strong> familles monoparentales, la proportion<br />
<strong>de</strong> population âgée <strong>de</strong> plus <strong>de</strong> 15 ans non diplômés et la part <strong>de</strong> population<br />
née à l’étranger.<br />
L’objet <strong>de</strong> ces atlas est <strong>de</strong> présenter quelques éléments d’environnement dans<br />
lesquels s’exerce la psychiatrie, environnement à la fois institutionnel (sanitaire,<br />
médico-social ou social) et populationnel et <strong>de</strong> soumettre ces observations,<br />
les choix d’indicateurs, les représentations choisies aux différents partenaires<br />
et acteurs du champ <strong>de</strong> la santé mentale. La DREES est consciente<br />
<strong>de</strong>s limites <strong>de</strong> ces atlas, mais elle soumet ces documents tels quels afin que<br />
vous fassiez part <strong>de</strong> vos vos critiques, suggestions, commentaires, souhaits<br />
afin <strong>de</strong> voir si ce projet correspond à un besoin et mieux l’i<strong>de</strong>ntifier. C’est à<br />
partir <strong>de</strong> ses retours que la DREES étudiera les possibilités <strong>de</strong> réaliser un document<br />
d’une plus gran<strong>de</strong> ampleur, un véritable atlas utile aux différents partenaires<br />
et acteurs qui pourrait être mis à jour régulièrement (superposition<br />
<strong>de</strong>s territoires <strong>de</strong> santé, évolution <strong>de</strong> l’offre et <strong>de</strong> l’environnement...), qui pourrait<br />
intégrer <strong>de</strong>s éléments quantitatifs, <strong>de</strong>s indicateurs nécessaires à la planification...<br />
Ces atlas sont disponibles sur le site du ministère <strong>de</strong> la santé, dans la rubrique<br />
« Recherche, étu<strong>de</strong>s et statistiques », Documents <strong>de</strong> travail, série statistiques,<br />
numéros 75 et 76. ■<br />
G.M.<br />
http://www.sante.gouv.fr/drees/seriestat/pdf/seriestat75.pdf<br />
http://www.sante.gouv.fr/drees/seriestat/pdf/seriestat76.pdf<br />
<br />
LIVRES<br />
HISTOIRE ■ 9<br />
La suggestibilité<br />
Alfred Binet<br />
Introduction <strong>de</strong> Serge Nicolas<br />
L’Harmattan 36 €<br />
Cet ouvrage, publié en 1900 et reproduit<br />
ici en fac similé, est l’exécution<br />
<strong>de</strong> la première partie d’un plan,<br />
auquel Alfred Binet a travaillé pendant<br />
<strong>de</strong>s années, qui consistait à établir<br />
la psychologie expérimentale <strong>de</strong>s<br />
fonctions supérieures <strong>de</strong> l’esprit en<br />
vue d’établir une psychologie différentielle<br />
<strong>de</strong> l’intelligence.<br />
En 1900, Binet a été le premier à avoir<br />
établi, sur <strong>de</strong>s fon<strong>de</strong>ments scientifiques,<br />
une psychologie du témoignage<br />
en étudiant la suggestibilité<br />
chez les sujets normaux au plan expérimental.<br />
Cet ouvrage est souvent<br />
cité dans la littérature traitant du témoignage<br />
oculaire chez les enfants.<br />
Il a clairement établi que l’assurance<br />
<strong>de</strong>s souvenirs était fonction <strong>de</strong> la<br />
forme <strong>de</strong>s questions posées mais<br />
aussi que les réponses pouvaient dépendre<br />
du contexte avec ses étu<strong>de</strong>s<br />
sur la conformité.<br />
Le Lion <strong>de</strong> Florence<br />
Sur l’imaginaire <strong>de</strong>s fondateurs<br />
<strong>de</strong> la psychiatrie, Pinel (1745-<br />
1826) et Itard (1774-1838)<br />
Thierry Gineste<br />
Albin Michel, 22 €<br />
Ce livre part à la recherche <strong>de</strong> l’impensable<br />
intime et fondateur à l’œuvre<br />
dans la pensée <strong>de</strong> Philippe Pinel et<br />
Jean Marc Gaspard Itard.<br />
Les tableaux qu’ils ont choisis pour<br />
décorer leurs <strong>de</strong>meures, abandonnés<br />
à l’indiscrétion <strong>de</strong>s commissaires-priseurs,<br />
ont été sauvegardés par les inventaires<br />
après décès. Sans eux, elles<br />
eussent disparu à jamais. Uniques et<br />
irremplaçables témoins <strong>de</strong> l’originalité<br />
<strong>de</strong> leur mon<strong>de</strong> intérieur, ils montrent<br />
leurs oppositions, la diversité et<br />
la divergence <strong>de</strong> leurs points <strong>de</strong> vue.<br />
Si Pinel nous éduque dans le culte<br />
davidien <strong>de</strong> la rationalité, et que son<br />
œuvre est une fête <strong>de</strong> la raison étendue<br />
à toute la mé<strong>de</strong>cine, Thierry Gineste<br />
montre qu ‘un mon<strong>de</strong> s’agite<br />
sous cet ordre trop beau, et lui donne,<br />
quoi qu’il en dise ou en taise, un sens<br />
secret et fondateur à chercher sans<br />
relâche par-<strong>de</strong>là le trompe-l’œil d’une<br />
fresque majestueuse.<br />
Itard, en revanche, exprime le surgissement<br />
d’un rapport familier avec<br />
la nature humaine, d’une intimité<br />
tendre avec le mon<strong>de</strong>, douloureuse<br />
et incertaine d’elle-même. De ce point<br />
<strong>de</strong> vue, on comprend qu’il ait possédé<br />
<strong>de</strong>s tableaux <strong>de</strong> Dunouy, l’un<br />
<strong>de</strong> ces peintres préromantiques dont<br />
le credo, en rupture avec la grandiloquence<br />
à l’antique <strong>de</strong> David, fut <strong>de</strong><br />
découvrir les mille variantes, la façon<br />
toujours différente et renouvelée dont<br />
la nature se recompose en permanence<br />
et, par là, à refuser l’idée d’une<br />
nature régie par un ordre rationnel,<br />
principe fondateur d’un système.<br />
Les choix picturaux personnels <strong>de</strong><br />
Philippe Pinel et <strong>de</strong> Jean Marc Gaspard<br />
Itard ouvrent un accès vers les<br />
représentations <strong>de</strong> l’opacité qui les<br />
habite et les structure, contraignant<br />
l’un, à la construction d’une théorie<br />
monumentale <strong>de</strong> l’hospitalisation et<br />
du traitement <strong>de</strong>s fous, l’autre à la<br />
reconnaissance <strong>de</strong> sa propre opacité<br />
psychique et à celle <strong>de</strong> son sens, avant<br />
<strong>de</strong> renoncer à cette découverte.<br />
Les inventaires après décès ouvrent<br />
sur l’intimité <strong>de</strong> leurs <strong>de</strong>meures, en<br />
même temps qu’ils ren<strong>de</strong>nt accessible<br />
leur mon<strong>de</strong> intime, comme <strong>de</strong>s<br />
confi<strong>de</strong>nces qu’ils n’auraient pas eu<br />
conscience <strong>de</strong> laisser <strong>de</strong>rrière eux,<br />
comme <strong>de</strong>s confi<strong>de</strong>nces qu’ils n’auraient<br />
peut-être pas voulu laisser <strong>de</strong>rrière<br />
eux.
10<br />
■ HISTOIRE<br />
ci sont « inavouables » à elles-mêmes<br />
comme à leurs juges » (34). La négation<br />
<strong>de</strong> la haine est tout autant la leur que<br />
la haine elle-même. Le Guillant apporte<br />
ainsi un élément nouveau à l’article<br />
qu’il a écrit à leur sujet. Il interprète le<br />
crime par l’existence d’une haine, mais<br />
celle-ci serait insuffisante dans ce cas, si<br />
ne s’y ajoutait le jeu <strong>de</strong> la censure.<br />
L’humiliation est l’autre grand sentiment<br />
qu’éprouvent les bonnes à tout<br />
faire et qui se manifeste à travers le<br />
langage qu’elles doivent employer, les<br />
costumes qu’elles doivent porter, l’éloignement<br />
et le dédain dans lesquels<br />
elles sont plus ou moins tenues. Toutes<br />
ces conduites caractérisent une profon<strong>de</strong><br />
dévalorisation <strong>de</strong> la personne<br />
qui marquerait, cependant, moins la<br />
personnalité que le ressentiment.<br />
Mais l’élément qui altère le plus profondément<br />
la personne est l’aliénation,<br />
qui est à la limite la néantisation <strong>de</strong><br />
leur être personnel. La bonne est soumise<br />
à <strong>de</strong>s êtres qui lui sont supérieurs<br />
socialement, du langage à la parure,<br />
envers qui l’i<strong>de</strong>ntification est à la fois<br />
« naturelle » et impossible.<br />
Au total, le conflit universel que constitue<br />
la dialectique du maître et <strong>de</strong> l’esclave,<br />
<strong>de</strong> la domination et <strong>de</strong> la servitu<strong>de</strong>,<br />
se noue en un drame personnel,<br />
individualisé et intériorisé. « Non seulement<br />
le ressentiment répond à l’humiliation<br />
et à l’injustice, mais l’admiration et<br />
l’attrait appellent l’envie et la jalousie ;<br />
aux sentiments naturels déçus succè<strong>de</strong><br />
la frustration ; une i<strong>de</strong>ntification impossible<br />
engendre la haine et l’angoisse <strong>de</strong> la<br />
haine » (35).<br />
Mais comment Le Guillant tente-t-il <strong>de</strong><br />
répondre à la question qu’il pose tout<br />
au long <strong>de</strong> son étu<strong>de</strong>, à savoir à quelles<br />
conditions un fait social est-il psychiquement<br />
pathogène ? Autrement dit, à<br />
quelles conditions un fait social <strong>de</strong>vientil<br />
un fait psychiatrique ? Cette question<br />
est, remarquons-le, plus constructive<br />
que l’acte qui consiste <strong>de</strong> se soucier<br />
uniquement <strong>de</strong> séparer ce qui relève<br />
du social et ce qui relève <strong>de</strong> la psychiatrie.<br />
Il nous semble introduire <strong>de</strong>s éléments<br />
hétérodoxes à la condition proprement<br />
dite <strong>de</strong> bonne à tout faire, mais pas à la<br />
condition sociale spécifique qui est la<br />
leur.<br />
Le premier élément est que les bonnes<br />
sont en général <strong>de</strong>s transplantées,<br />
bonnes bretonnes, espagnoles ou<br />
autres, suivant les époques. Comme<br />
toutes transplantées, elles connaissent<br />
une sorte <strong>de</strong> conflits entre leurs propres<br />
valeurs inculquées par leur éducation,<br />
et le nouveau milieu auquel elles doivent<br />
s’adapter. Qui plus est, ce milieu<br />
elle n’en ont que le mauvais côté, l’autoritarisme<br />
et la face cachée <strong>de</strong>s maîtres,<br />
que du fait <strong>de</strong> la promiscuité, le brillant<br />
social ne vient plus camoufler. « C’est<br />
du <strong>de</strong>gré d’écart et <strong>de</strong> contradiction entre<br />
leurs conduites <strong>de</strong> vie passées et présentes,<br />
<strong>de</strong> la forme corrélative <strong>de</strong>s conflits<br />
qui en résultent, que va naître le<br />
trouble » (36). Cette manière <strong>de</strong> concevoir<br />
la valeur pathogène d’une situation<br />
est très proche <strong>de</strong> celle <strong>de</strong> Sivadon.<br />
Un autre élément hétérodoxe est la<br />
vie affectivo-sexuelle. Liée à la condition<br />
<strong>de</strong> domestique, à l’isolement, aux<br />
besoins <strong>de</strong> compensations, aux sollicitations<br />
qu’elle occasionne, souvent en<br />
contradiction avec le milieu originel,<br />
cette vie est souvent décevante, sinon<br />
catastrophique lorsqu’elle s’accompagne<br />
d’une grossesse non désirée ou d’un<br />
avortement dans les conditions <strong>de</strong><br />
l’époque. La ménopause est aussi l’occasion<br />
<strong>de</strong> découvrir, avec l’âge, la<br />
déception d’un milieu qui n’a plus<br />
besoin <strong>de</strong> vous. Cet élément, dans une<br />
sorte d’évi<strong>de</strong>nce pathogénique, correspond<br />
à une fréquente condition<br />
d’apparition <strong>de</strong> troubles psychiques<br />
parfois graves, épisodiques ou prenant<br />
la forme d’actes criminels ou encore<br />
d’une blessure morale irréparable qui,<br />
après d’autres avatars, peut finir par<br />
constituer une psychose. La condition<br />
<strong>de</strong> bonne se révèle pathogène en raison<br />
<strong>de</strong>s impasses et <strong>de</strong>s problèmes qu’elle<br />
facilite dans le cours d’une vie sexuelle<br />
qui, par elle-même pose <strong>de</strong> difficiles<br />
problèmes psychiques. Autrement dit,<br />
entre la condition <strong>de</strong> bonne et l’efflorescence<br />
d’un trouble psychique s’interposent<br />
les aléas d’une vie sexuelle<br />
dont on peut alors se <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r s’ils<br />
ne constituent pas le primat pathogénique<br />
dont le travail n’est qu’une occasion<br />
d’apparition. Si les accusations à<br />
propos <strong>de</strong> délits ou <strong>de</strong> fautes, réels ou<br />
soupçonnés, tiennent le même rôle<br />
d’occasions facilitantes, ils n’ont pas<br />
cette force pathogène habituellement<br />
attribuée à la vie sexuelle et que Le<br />
Guillant semble admettre comme à<br />
contrecœur. Aussi, éprouve-t-il le besoin<br />
<strong>de</strong> banaliser la signification sexuelle <strong>de</strong>s<br />
troubles, que ce soit les aléas <strong>de</strong> la vie<br />
sexuelle adulte ou les fixations <strong>de</strong> la<br />
vie sexuelle infantile. Il insiste avant<br />
tout sur l’idée que la situation fruit <strong>de</strong><br />
la frustration, <strong>de</strong> l’humiliation, du ressentiment<br />
est concrète et actuelle. Cette<br />
actualité rejoint la critique agacée et<br />
défensive qu’il envoie à ceux qui considèrent<br />
son hypothèse comme apparence<br />
et pour qui « l’événement ne tire<br />
son pouvoir que <strong>de</strong> sa résonance particulière<br />
sans une personnalité qui « se<br />
perd mystérieusement dans la nuit du<br />
premier âge » (37) ». Ceci constitue une<br />
attaque au travail psychothérapique<br />
qui consiste à jeter <strong>de</strong>s ponts, à retrouver<br />
les résonances multiples qu’une<br />
situation mobilise dans la vie psychique.<br />
BOURSE PSYCHANALYTIQUE DE LA FONDATION<br />
EVELYNE ET JEAN KESTEMBERG<br />
La Fondation Evelyne et Jean KESTEMBERG attribue chaque année une<br />
bourse, non renouvelable, <strong>de</strong>stinée à ai<strong>de</strong>r un psychanalyste, non mé<strong>de</strong>cin,<br />
pour un travail <strong>de</strong> recherche dans le domaine <strong>de</strong> la psychanalyse. Il (ou elle)<br />
<strong>de</strong>vra être en formation à la Société Psychanalytique <strong>de</strong> Paris, ou à l’Association<br />
Psychanalytique <strong>de</strong> France, ou dans tous pays admis à titre spécial par<br />
la commission <strong>de</strong> cursus <strong>de</strong> la Société Psychanalytique <strong>de</strong> Paris. Le montant<br />
<strong>de</strong> cette bourse sera déterminé lors <strong>de</strong> la réunion du comité en décembre<br />
2005.<br />
Les candidats <strong>de</strong>vront faire parvenir au secrétariat <strong>de</strong> la Fondation Evelyne<br />
et Jean KESTEMBERG (M.T. Teron - ASM.13, 76 avenue Edison - 75013<br />
Paris) avant le 30 septembre 2005 un dossier comprenant :<br />
- une lettre <strong>de</strong> candidature faisant état <strong>de</strong>s motivations du candidat et <strong>de</strong> sa<br />
situation personnelle et professionnelle détaillées,<br />
- <strong>de</strong>ux lettres <strong>de</strong> parrainage, dont l’une au moins <strong>de</strong>vra émaner d’un membre<br />
<strong>de</strong> la SPP ou <strong>de</strong> l’APF,<br />
- <strong>de</strong>ux photos d’i<strong>de</strong>ntité.<br />
Le tout dactylographié en quatre exemplaires.<br />
Le lauréat sera désigné en janvier 2006 par le jury <strong>de</strong> la Fondation E. et J.<br />
Kestemberg composé <strong>de</strong>: Madame Liliane ABENSOUR - Docteur Jacques AN-<br />
GELERGUES - Docteur Clau<strong>de</strong> BALIER - Docteur Marie-Michèle BOURRAT<br />
- Docteur Josiane CHAMBRIER - Docteur Annette FREJAVILLE - Docteur<br />
Colette GUEDENEY - Professeur Michel SPIRO - Docteur Victor SOUFFIR<br />
Madame Geneviève NOEL, représentant la Fondation <strong>de</strong> France<br />
Le Prix <strong>de</strong> la Fondation E. et J. KESTEMBERG a été décerné pour l’année<br />
2004 à Madame Marie-Lise ROUX, Membre <strong>de</strong> la Société Psychanalytique<br />
<strong>de</strong> Paris, pour l’ensemble <strong>de</strong> son œuvre sur la psychanalyse <strong>de</strong>s psychoses.<br />
En fait, nous considérons que ces propos<br />
sont outrés. Dans les faits, Le<br />
Guillant psychiatre, tient compte <strong>de</strong><br />
l’histoire <strong>de</strong> l’individu, ce qui, <strong>de</strong> fait,<br />
rapproche nos manières d’intervenir<br />
dans la compréhension psychopathologique<br />
d’une situation <strong>de</strong> travail. Le<br />
problème est qu’il cherche à faire<br />
admettre un point <strong>de</strong> vue négligé par la<br />
plupart <strong>de</strong> ses confrères. Cette<br />
recherche <strong>de</strong> reconnaissance vient souvent<br />
comme un ren<strong>de</strong>z-vous raté qui<br />
exacerbe inutilement les oppositions.<br />
Et s’il accepte la possibilité d’une culpabilité<br />
œdipienne, c’est pour mieux<br />
souligner l’essentiel à ses yeux, qui tient<br />
en ces mots : il y a du social présent.<br />
De ce social présent, c’est la dialectique<br />
du maître et <strong>de</strong> l’esclave qui rend<br />
le mieux compte. Dans cette dialectique<br />
domine la conscience malheureuse,<br />
le besoin fondamental d’être<br />
reconnu, et l’aliénation. Les domestiques<br />
« vivent à la cuisine et ne savent<br />
pas ce qui les tourmente » (38). Et l’inconscience<br />
ne se limite pas au domaine<br />
<strong>de</strong> la sexualité, elle « s’étend aux<br />
causes profon<strong>de</strong>s <strong>de</strong> multiples, idéologies,<br />
événements et structures sociales » (39).<br />
In fine, la tentative <strong>de</strong> Le Guillant est <strong>de</strong><br />
poursuivre jusqu’à un terme jamais<br />
achevé la compréhension d’un cas<br />
pathologique en y confrontant la compréhension<br />
sociogénétique d’une<br />
manière qui ne soit pas ce syncrétisme<br />
qu’il abhorre.<br />
Mais, si actuellement, le fait psychiatrique<br />
se conçoit le plus souvent sans<br />
prendre en compte les déterminants<br />
sociaux (une sorte <strong>de</strong> psychiatrie en<br />
apesanteur sociale), à l’inverse, le poids<br />
pris par la vie sociale dans certaines<br />
explications psychopathologiques ne<br />
vient-il pas écraser la singularité <strong>de</strong><br />
chaque situation pathogène ? Comment<br />
utiliser cette connaissance sociale<br />
et l’intégrer au fait psychiatrique ?<br />
Comment Le Guillant conçoit-il une<br />
situation pathogène ?<br />
Une condition sociale comme celle <strong>de</strong><br />
bonne à tout faire ne rend pas compte,<br />
à elle seule, directement <strong>de</strong> l’apparition<br />
<strong>de</strong>s troubles. I<strong>de</strong>ntique à ellemême,<br />
« elle atteint et marque toujours<br />
les individus qui la vivent » (40). Cette<br />
nocivité <strong>de</strong> situation s’étaie sur une histoire<br />
individuelle pour <strong>de</strong>venir une<br />
situation pathogène. « L’existence <strong>de</strong><br />
nos mala<strong>de</strong>s est faite <strong>de</strong> tout ce qui la<br />
satisfait ou l’éprouve, la frustre ou l’enrichit,<br />
<strong>de</strong>s réussites ou <strong>de</strong>s échecs, <strong>de</strong><br />
toutes les circonstances et <strong>de</strong> tous les<br />
autres auxquels elle a été confrontée.<br />
Elle est une histoire, construite et parfois<br />
altérée ou défaites par <strong>de</strong>s conditions et<br />
<strong>de</strong>s événements multiples, qui peuvent<br />
certes rappeler le passé, mais aussi poser<br />
<strong>de</strong>s problèmes nouveaux » (41).<br />
Ainsi, en ce qui concerne les bonnes à<br />
tout faire, leur condition sociale les prédispose<br />
à une histoire marquée <strong>de</strong><br />
caractéristiques pathogènes : « bien<br />
moins que <strong>de</strong>s circonstances particulières,<br />
c’est l’ensemble <strong>de</strong> leur histoire qui nous<br />
a le plus vivement frappé, histoire née<br />
<strong>de</strong> leur condition et faite <strong>de</strong> changements<br />
<strong>de</strong> places, d’aventures et d’inci<strong>de</strong>nts répétés,<br />
<strong>de</strong> vaines tentatives pour « s’en sortir<br />
», <strong>de</strong> déceptions, d’épreuves et <strong>de</strong><br />
déboires accumulés » (42). C’est cet<br />
ensemble qui forme une compréhension<br />
psychopathologique d’une situation<br />
pathogène donnée dont la condition<br />
sociale ne fournit qu’un <strong>de</strong>s<br />
éléments. Ainsi, une <strong>de</strong>s réponses possibles<br />
à ces questions est la suivante,<br />
réponse dont nous remarquons le<br />
caractère pragmatique et utile : « Dans<br />
cette perspective, il y a, me semble-t-il,<br />
intérêt, au moins dans un premier temps,<br />
à définir et même en quelque sorte à isoler<br />
certaines situations pathogènes, pour<br />
mieux en pénétrer les structures et les<br />
rapports, en saisir l’unité et, encore une<br />
fois, la nécessité. Quitte, bien sûr, à tempérer<br />
dans chaque cas ce qu’une telle<br />
position pourrait avoir <strong>de</strong> schématique<br />
et, après l’avoir « comprise », à n’introduire<br />
telle ou telle <strong>de</strong> ces situations que<br />
comme <strong>de</strong>s moments d’une biographie<br />
particulière » (43).<br />
Le Guillant pose là une manière fort<br />
intéressante <strong>de</strong> concevoir une psychiatrie<br />
qui tiendrait compte <strong>de</strong> la vie<br />
sociale. Mais cela ne signifie pas qu’il y<br />
soit parvenu <strong>de</strong> manière totalement<br />
aboutie et concluante. Car un grand<br />
chemin restait encore à parcourir sur la<br />
voie <strong>de</strong> la compréhension <strong>de</strong>s liens<br />
entre travail et santé mentale. <br />
Joseph Torrente<br />
Bibliographie<br />
(1) Louis Le Guillant, Quelle psychiatrie<br />
pour notre temps ?, Erès, 1984, 353.<br />
(2) Louis Le Guillant, Quelle psychiatrie<br />
pour notre temps ?, Erès, 1984, 359.<br />
(3) Louis Le Guillant, Quelle psychiatrie<br />
pour notre temps ?, Erès, 1984, 359.<br />
(4) Citations in Louis Le Guillant, Quelle<br />
psychiatrie pour notre temps ?, Erès, 1984,<br />
363-364.<br />
(5) Louis Le Guillant, Quelle psychiatrie<br />
pour notre temps ?, Erès, 1984, 336.<br />
(6) Louis Le Guillant, Quelle psychiatrie<br />
pour notre temps ?, Erès, 1984, 369.<br />
(7) Louis Le Guillant, Quelle psychiatrie<br />
pour notre temps ?, Erès, 1984, 369.<br />
(8) Louis Le Guillant, Quelle psychiatrie<br />
pour notre temps ?, Erès, 1984, 347-348.<br />
(9) Louis Le Guillant, Quelle psychiatrie<br />
pour notre temps ?, Erès, 1984, 404.<br />
(10) Louis Le Guillant, Quelle psychiatrie<br />
pour notre temps ?, Erès, 1984, 354.<br />
(11) L’ouvrage remarquable <strong>de</strong> référence<br />
est G. POLITZER (1928) Critique <strong>de</strong>s fon<strong>de</strong>ments<br />
<strong>de</strong> la psychologie, PUF, Paris, 1974,<br />
262.<br />
(12) Les frères Tharaud cités dans Le<br />
Guillant, L’affaire <strong>de</strong>s sœurs Papin, les temps<br />
mo<strong>de</strong>rnes, 1963, 899.<br />
(13) Le Guillant, L’affaire <strong>de</strong>s sœurs Papin,<br />
les temps mo<strong>de</strong>rnes, 1963, 894.<br />
(14) Un avocat cité dans Le Guillant, L’affaire<br />
<strong>de</strong>s sœurs Papin, les temps mo<strong>de</strong>rnes,<br />
1963, 895.<br />
(15) Le Guillant, L’affaire <strong>de</strong>s sœurs Papin,<br />
les temps mo<strong>de</strong>rnes, 1963, 904.<br />
(16) Le Guillant, L’affaire <strong>de</strong>s sœurs Papin,<br />
les temps mo<strong>de</strong>rnes, 1963, 901.<br />
(17) G. Politzer (1928) Critique <strong>de</strong>s fon<strong>de</strong>ments<br />
<strong>de</strong> la psychologie, PUF, Paris, 1974,<br />
262.<br />
N°2 - TOME XVIII - MARS 2005<br />
L’Association du Congrès <strong>de</strong> <strong>Psychiatrie</strong><br />
et <strong>de</strong> Neurologie <strong>de</strong> Langue Française<br />
En collaboration avec<br />
Le réseau d’étu<strong>de</strong> et <strong>de</strong> recherche <strong>de</strong><br />
l’Association Hospitalière Sainte-Marie (réseau ERAHSM)<br />
et<br />
Le CHU <strong>de</strong> Nice<br />
organisent le<br />
103 ème<br />
Congrès <strong>de</strong> <strong>Psychiatrie</strong> et <strong>de</strong> Neurologie<br />
<strong>de</strong> Langue Française<br />
20-23 Juin 2005 – Nice<br />
Sous le haut patronage du Ministre <strong>de</strong>s Solidarités,<br />
<strong>de</strong> la Santé et <strong>de</strong> la Famille<br />
Centre Universitaire Méditerranéen (CUM)<br />
65, Promena<strong>de</strong> <strong>de</strong>s Anglais<br />
06000 Nice<br />
*****<br />
Renseignements - Inscription<br />
Voyages C. MATHEZ - 7, rue <strong>de</strong> Rivoli - 06000 NICE<br />
Tel : 04.93.82.68.82 - Fax : 04.93.87.93.60<br />
e-mail : cpnlf@matheztravel.com<br />
Inscription en ligne : www.matheztravel.com<br />
(Rubrique congrès et séminaires)<br />
(18) Le Guillant, L’affaire <strong>de</strong>s sœurs Papin,<br />
les temps mo<strong>de</strong>rnes, 1963, 913.<br />
(19) Le Guillant, L’affaire <strong>de</strong>s sœurs Papin,<br />
les temps mo<strong>de</strong>rnes, 1963, 880.<br />
(20) Le Guillant, L’affaire <strong>de</strong>s sœurs Papin,<br />
les temps mo<strong>de</strong>rnes, 1963, 898.<br />
(21) Le Guillant, L’affaire <strong>de</strong>s sœurs Papin,<br />
les temps mo<strong>de</strong>rnes, 1963, 905.<br />
(22) Le Guillant, L’affaire <strong>de</strong>s sœurs Papin,<br />
les temps mo<strong>de</strong>rnes, 1963, 905.<br />
(23) Le Guillant, L’affaire <strong>de</strong>s sœurs Papin,<br />
les temps mo<strong>de</strong>rnes, 1963, 909.<br />
(24) Le Guillant, L’affaire <strong>de</strong>s sœurs Papin,<br />
les temps mo<strong>de</strong>rnes, 1963, 906.<br />
(25) Le Guillant, L’affaire <strong>de</strong>s sœurs Papin,<br />
les temps mo<strong>de</strong>rnes, 1963, 906.<br />
(26) Le Guillant, L’affaire <strong>de</strong>s sœurs Papin,<br />
les temps mo<strong>de</strong>rnes, 1963, 907.<br />
(27) Le Guillant, L’affaire <strong>de</strong>s sœurs Papin,<br />
les temps mo<strong>de</strong>rnes, 1963, 913.<br />
(28) Louis Le Guillant, Quelle psychiatrie<br />
pour notre temps ?, Erès, 1984, 295.<br />
(29) Louis Le Guillant, Quelle psychiatrie<br />
pour notre temps ?, Erès, 1984, 296.<br />
(30) Louis Le Guillant, Quelle psychiatrie<br />
pour notre temps ?, Erès, 1984, 294.<br />
(31) Louis Le Guillant, Quelle psychiatrie<br />
pour notre temps ?, Erès, 1984, 295.<br />
(32) Louis Le Guillant, Quelle psychiatrie<br />
pour notre temps ?, Erès, 1984, 303.<br />
(33) Louis Le Guillant, Quelle psychiatrie<br />
pour notre temps ?, Erès, 1984, 306.<br />
(34) Louis Le Guillant, Quelle psychiatrie<br />
pour notre temps ?, Erès, 1984, 307.<br />
(35) Louis Le Guillant, Quelle psychiatrie<br />
pour notre temps ?, Erès, 1984, 314.<br />
(36) Louis Le Guillant, Quelle psychiatrie<br />
pour notre temps ?, Erès, 1984, 317.<br />
(37) Louis Le Guillant, Quelle psychiatrie<br />
pour notre temps ?, Erès, 1984, 327.<br />
(38) Louis Le Guillant, Quelle psychiatrie<br />
pour notre temps ?, Erès, 1984, 324.<br />
(39) Louis Le Guillant, Quelle psychiatrie<br />
pour notre temps ?, Erès, 1984, 325.<br />
(40) Louis Le Guillant, Quelle psychiatrie<br />
pour notre temps ?, Erès, 1984, 327.<br />
(41) Louis Le Guillant, Quelle psychiatrie<br />
pour notre temps ?, Erès, 1984, 328.<br />
(42) Louis Le Guillant, Quelle psychiatrie<br />
pour notre temps ?, Erès, 1984, 320.<br />
(43) Louis Le Guillant, Quelle psychiatrie<br />
pour notre temps ?, Erès, 1984, 328.
N°2 - TOME XVIII - MARS 2005<br />
vécut son enfance et son adolescence<br />
et dont, d’après lui-même, l’activité portuaire<br />
l’inspira pour toujours. Et nous<br />
sommes en 2005, c’est-à-dire au<br />
moment du centenaire <strong>de</strong> sa mort, survenue<br />
le 24 mars 1905. Tout ceci a<br />
achevé pour moi <strong>de</strong> mettre le feu aux<br />
poudres et à me déci<strong>de</strong>r, il n’était pas<br />
besoin <strong>de</strong> me pousser bien fort à explorer<br />
« à fond » le Voyage.<br />
BR : Pourquoi ce titre, celui <strong>de</strong> la Terre-<br />
Mère ?<br />
MSC : C’est l’élément le plus central <strong>de</strong><br />
mon livre et pourtant un <strong>de</strong> ceux auxquels<br />
je consacre le moins <strong>de</strong> pages<br />
tant il est évi<strong>de</strong>nt. Le héros principal<br />
du livre est le jeune Axel, le neveu<br />
adolescent du professeur Li<strong>de</strong>nbrock,<br />
un minéralogiste farfelu <strong>de</strong> Hambourg.<br />
Or, nous apprenons qu’Axel est orphelin,<br />
c’est-à-dire un être en manque <strong>de</strong><br />
père et <strong>de</strong> mère. Le père cherché et<br />
retrouvé apparaîtra sous différentes<br />
figures - j’y reviendrai - mais la mère<br />
perdue, c’est la terre elle-même qui la<br />
représente. De si nombreuses mythologies<br />
le montrent, universelles, que je<br />
n’ai pas souhaité en faire une recension<br />
détaillée. Mais, en bref, que l’on lise<br />
Van Genepp, Elia<strong>de</strong> ou Durand, tous<br />
sont univoques : la terre est, mythologiquement,<br />
la mère dont nous naissons<br />
et à laquelle nous revenons lors <strong>de</strong><br />
notre mort. Donc, le ressort du livre<br />
est celui-ci : un orphelin veut retrouver<br />
sa mère ; pour se faire il va se plonger<br />
dans la Terre-Mère ; puis, enfin, il<br />
s’en libérera pour faire sa vie, c’est à<br />
dire pour, <strong>de</strong>venu adulte, prendre<br />
femme (car Axel épouse alors Graüben,<br />
la pupille du professeur Li<strong>de</strong>nbrock).<br />
BR : Et votre sous titre : Jules Verne<br />
chez le psychanalyste ?<br />
MSC : Il me faut vous donner <strong>de</strong>s précisions<br />
méthodologiques à ce propos.<br />
La première est que je ne suis pas un<br />
spécialiste <strong>de</strong> tout Jules Verne. Certaines<br />
<strong>de</strong>s personnes que j’ai pu rencontrer<br />
à l’occasion <strong>de</strong> l’élaboration <strong>de</strong><br />
mon travail connaissent cet auteur <strong>de</strong><br />
fond en comble et en sont d’inépuisables<br />
érudits (je les mentionne dans<br />
mon livre). Ce n’est pas mon cas. J’ai<br />
souhaité, quant à moi, ne me centrer<br />
que sur un seul titre <strong>de</strong> Verne, celui<br />
du Voyage, entendable comme une<br />
suite d’associations. C’est une métho<strong>de</strong><br />
limitative, par exemple elle ne me permet<br />
pas <strong>de</strong> dire que tous les romans <strong>de</strong><br />
Verne sont bâtis avec les mêmes ingrédients<br />
mais elle est soutenable. Elle est<br />
proche <strong>de</strong> l’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> cas unique et permet<br />
<strong>de</strong> cerner ce qu’il en est pour ce<br />
roman précis. Ceci dit, je développe<br />
Voyage au centre <strong>de</strong> la Terre-Mère<br />
Jules Verne chez le psychanalyste<br />
Michel Sanchez-Car<strong>de</strong>nas<br />
Albin Michel, 15 €<br />
Jules Verne chez le<br />
psychanalyste<br />
Entretien avec Michel Sanchez-Car<strong>de</strong>nas<br />
tout <strong>de</strong> même ici <strong>de</strong>s hypothèses qui<br />
peuvent se vérifier pour d’autres<br />
romans <strong>de</strong> Verne, et en particulier pour<br />
Le château <strong>de</strong>s Carpathes, qui met lui<br />
aussi en scène un jeune orphelin à la<br />
recherche d’une morte qui est, à la fois,<br />
sa mère et sa fiancée.<br />
BR : Parlez-nous donc <strong>de</strong> plaisir puisque<br />
vous insistez sur ce point.<br />
Histoire bien connue, résumée au début <strong>de</strong> cet ouvrage : le professeur Li<strong>de</strong>nbrock<br />
et son neveu Axel découvrent par hasard dans un manuscrit du XVI e<br />
siècle en vieil islandais la <strong>de</strong>scription d’un itinéraire vers le centre <strong>de</strong> la Terre,<br />
et aussitôt partent l’explorer. Pour Achille-Edouard, psychanalyste, qui va tenter<br />
<strong>de</strong> le démontrer à son ami Philémon et à leurs <strong>de</strong>ux épouses, tous trois<br />
très sceptiques, ce roman <strong>de</strong> Jules Verne, Voyage au centre <strong>de</strong> la terre, n’est<br />
autre que la métaphore d’une exploration anatomique du corps féminin en<br />
général et plus particulièrement <strong>de</strong> celui <strong>de</strong> la mère. Illustration au fil <strong>de</strong> quelques<br />
exposés : à quoi peuvent faire penser ces trois cheminées qui s’ouvrent sous<br />
les pas <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux explorateurs ? Parmi elles, c’est dans le cratère central du<br />
(Yo)cul, ou volcan islandais, qu’ils doivent <strong>de</strong>scendre. « (Fo)rut ! En avant », leur<br />
dit leur gui<strong>de</strong> islandais. La première voie qu’ils explorent n’est qu’une succession<br />
d’étroits « boyaux » d’où s’échappent une o<strong>de</strong>ur <strong>de</strong> grisou (: gaz), et ils<br />
doivent rebrousser chemin. La <strong>de</strong>uxième voie est scintillante ; tandis que, <strong>de</strong><br />
l’autre côté <strong>de</strong> la paroi, coule une source chau<strong>de</strong>, ils progressent vers une<br />
« mer » intérieure où ils se ressourcent avant d’être finalement expulsés par le<br />
volcan du Stromboli. Cela, c’est la partie anatomique : Achille-Edouard démontre<br />
ensuite à ses amis que, dans les rapports entre l’oncle et le neveu, se<br />
lit le complexe d’Œdipe que ce <strong>de</strong>rnier va <strong>de</strong>voir surmonter, que le Voyage raconte<br />
avant tout la fusion d’Axel (orphelin) avec sa mère perdue et retrouvée<br />
sous la forme <strong>de</strong> la Terre-Mère…<br />
Les amis d’Achille-Edouard en sortent convaincus, et le lecteur aussi ! Extraits<br />
<strong>de</strong> discussion, récits <strong>de</strong> voyage, le style est prenant comme celui du vrai Voyage,<br />
et la démonstration, astucieuse et progressive vers <strong>de</strong>s notions plus complexes,<br />
est convaincante, voire jubilatoire. L’auteur offre, en même temps, une divertissante,<br />
mais rigoureuse, petite introduction à la psychanalyse, d’autant que<br />
les dits amis sont là pour jouer les avocats du diable et pousser le narrateur<br />
à s’expliquer.<br />
S’enfoncer dans les profon<strong>de</strong>urs du psychisme<br />
MSC : Ce livre « carbure à la libido » ;<br />
elle y est omniprésente. Jules Verne<br />
était un grand amateur <strong>de</strong> jeux <strong>de</strong><br />
mots, <strong>de</strong> calembours et <strong>de</strong> propos<br />
croustillants à tonalité sexuelle (et/ou<br />
scatologique) (2). Il n’est donc pas étonnant<br />
qu’il ait écrit un livre à forte tonalité<br />
érotique. Dans le Voyage nous trouvons<br />
ainsi, entre autres, les étapes<br />
suivantes du trajet. Pour se rendre au<br />
centre <strong>de</strong> la terre, il faut se rendre en<br />
Islan<strong>de</strong> le 28 juin et voir dans le fond<br />
d’un « Yocul » - ou volcan islandais<br />
éteint- précisément celui qui a pour<br />
nom Sneffels, il faut y voir disais-je<br />
quelle cheminée l’ombre d’un certain<br />
pic, le Scartaris vient « lécher » (sic !) à<br />
midi pile. Or, sur les trois qui se trouvent<br />
là, c’est celle du milieu qui est<br />
concernée. « Forüt » s’écrie alors le<br />
gui<strong>de</strong> islandais, Hans, qui accompagne<br />
Axel et son oncle (car tous <strong>de</strong>ux ont<br />
décidé <strong>de</strong> se rendre au centre <strong>de</strong> la<br />
terre). Ou, « En rut, enfonçons nous au<br />
fond du Yocul, dans sa cheminée centrale<br />
! » pour résumer, pour con<strong>de</strong>nser<br />
ces différents items en une phrase.<br />
Le Voyage au centre <strong>de</strong> la femme a ainsi<br />
commencé car les trois cheminées sont,<br />
bien sûr, les trois orifices du pelvis féminin.<br />
Puis, on empruntera une certaine<br />
galerie odorante (matières carbonifères<br />
mortes y dégageant du grisou) qui<br />
s’avéra être, si l’on ose dire, un cul <strong>de</strong><br />
sac, puis enfin une autre menant à une<br />
gigantesque caverne intérieure contenant,<br />
elle-même, une mer intérieure.<br />
Ce sont là la matrice et le liqui<strong>de</strong><br />
amniotique que fréquente à nouveau<br />
ainsi Axel. Y périra-t-il ? Pourra-t-il s’en<br />
échapper ? Il manque bien d’y mourir<br />
à plus d’une reprise puis, finalement,<br />
il trouve sur ses berges une galerie <strong>de</strong><br />
sortie. Mais celle-ci est bouchée par un<br />
éboulis et il faut à nos héros en faire<br />
sauter la paroi à la poudre. Ce qu’ils<br />
font. Leur embarcation - car ils naviguaient<br />
sur la mer intérieure - s’engouffre<br />
dans la brèche ainsi créée et<br />
chute alors sur une cataracte, puis s’immobilise,<br />
puis remonte. Dès lors, ils<br />
sont portés par <strong>de</strong> la lave incan<strong>de</strong>scente<br />
qui, peu à peu, remplace l’eau<br />
<strong>de</strong> la mer. Leur remontée se fait par<br />
paliers. Ils montent, s’arrêtent, remontent,<br />
s’arrêtent à nouveau, etc. avant<br />
d’être expulsés mais, cette fois-ci, par un<br />
autre volcan que celui par lequel ils<br />
sont entrés dans la terre, en l’occurrence<br />
par le Stromboli. Rupture <strong>de</strong><br />
paroi, chute <strong>de</strong>s eaux, remontée progressive<br />
(contractions) puis expulsion :<br />
comment Jules Verne aurait-il pu<br />
mettre en scène plus clairement le récit<br />
d’un accouchement ? Celui par lequel<br />
la terre-Mère laisse son fils la quitter à<br />
nouveau. Conclusion : le Voyage expose<br />
les sujets <strong>de</strong> la curiosité sexuelle<br />
infantile... et la satisfait en y répondant.<br />
Les mystères <strong>de</strong> l’anatomie féminine<br />
et <strong>de</strong> la conception sont dévoilés,<br />
même si c’est à travers le (léger) voile<br />
du refoulement symbolique.<br />
BR : Voici pour la mère, mais le père<br />
retrouvé et recherché par Axel ?<br />
MSC : C’est là un autre axe du roman.<br />
Axel va se trouver <strong>de</strong> multiples pères.<br />
Il y a tout d’abord son oncle, ru<strong>de</strong> compagnon,<br />
ru<strong>de</strong> mais tendre, qui va lui<br />
léguer tout son savoir et son habileté <strong>de</strong><br />
géologue. Puis Hans, l’athlétique et flegmatique<br />
gui<strong>de</strong> qui les accompagne et<br />
les protège. Enfin il y a Saknussemm.<br />
Ce <strong>de</strong>rnier est, en effet, un alchimiste<br />
du XVI e siècle dont, au début du<br />
roman, Li<strong>de</strong>nbrock a retrouvé par<br />
hasard un manuscrit crypté. Ce cryptage<br />
déchiffré indique comment se<br />
rendre au centre <strong>de</strong> la terre, ce que<br />
Li<strong>de</strong>nbrock déci<strong>de</strong> <strong>de</strong> faire à son tour.<br />
Or, <strong>de</strong> Saknussemm, on retrouvera<br />
régulièrement dans les étapes du Voyage<br />
<strong>de</strong>s signatures montrant le trajet à<br />
suivre. Ou : le nom du père ! Egalement,<br />
au fond <strong>de</strong> la terre, c’est son poignard,<br />
presque intact malgré les siècles<br />
passés, qui sera retrouvé par les audacieux<br />
héros. Autrement dit, au plus fort<br />
<strong>de</strong> leur enfoncement dans la dangereuse<br />
mère absorbante et engloutissante,<br />
le phallus du père leur sera<br />
donné à retrouver. C’est donc que l’on<br />
peut survivre en tant qu’homme à la<br />
relation fusionnelle avec la mère ! A<br />
cette découverte, Axel change d’ailleurs<br />
<strong>de</strong> caractère. Il était jusque là le neveu<br />
timoré mais, poignard en main, il subit<br />
une véritable mue qui le transforme<br />
en lea<strong>de</strong>r impétueux du groupe.<br />
Sans oublier que, comme on a pu le<br />
remarquer, Saknussemm est un nom<br />
qui aurait bien pu être ainsi livré par le<br />
malicieux Verne pour désigner le père<br />
par excellence, le géniteur suprême<br />
(car « sa queue nue sème » !).<br />
BR : Donc, on navigue ici entre fusion<br />
incestueuse avec la mère et salvation <strong>de</strong><br />
cette éventualité par le phallus et le nom<br />
du père ?<br />
MSC : Exactement. C’est un <strong>de</strong>s<br />
charmes inconscients du livre. Racamier<br />
avait décrit le concept d’Antoedipe,<br />
c’est à dire ce courant psychique<br />
qui tend à ne pas laisser se constituer<br />
l’Œdipe, avec sa dimension d’interdit <strong>de</strong><br />
l’inceste, pour favoriser au contraire la<br />
fusion avec la mère. Il en avait mis en<br />
évi<strong>de</strong>nce <strong>de</strong>ux variantes, la « tempérée<br />
» et la « furieuse ». Dans la première,<br />
un <strong>de</strong>gré <strong>de</strong> fantasmatisation incestuelle<br />
est favorisé mais sans que<br />
l’interdit oedipien ne soit annulé. Ainsi,<br />
se constitue ce que Racamier appelle<br />
un « limon » commun à la mère et l’enfant,<br />
qui constitue leur fibre commune<br />
et qui assoit l’enfant sur la certitu<strong>de</strong><br />
d’être en communication immédiate<br />
avec le mon<strong>de</strong> qui l’entoure. C’est là la<br />
base <strong>de</strong> son narcissisme et <strong>de</strong> son sentiment<br />
<strong>de</strong> continuité d’être. A l’inverse<br />
l’Antoedipe « furieux » balaie tout sur<br />
son passage et ne laisse place qu’à la<br />
pensée paradoxale, confusionnante<br />
<br />
LIVRES<br />
ENTRETIEN ■ 11<br />
Autobiographie, journal<br />
intime et psychanalyse<br />
Sous la direction <strong>de</strong> J.F. Chiantaretto<br />
A. Clancier, A. Roche<br />
Economica, Anthropos, 25 €<br />
Ouvrage collectif réunissant les textes<br />
<strong>de</strong>s participants à la Déca<strong>de</strong> internationale<br />
<strong>de</strong> Cerisy-la-Salle <strong>de</strong> juillet<br />
2000, où l’objectif était « d’interroger<br />
la psychanalyse à partir <strong>de</strong>s écritures<br />
du diariste et <strong>de</strong> l’autobiographe et<br />
d’interroger celles-ci avec la psychanalyse<br />
». Impossible bien sûr <strong>de</strong> rendre<br />
compte ici <strong>de</strong>s apports très riches et<br />
très divers <strong>de</strong> chacun. Quelques-uns,<br />
flânés au hasard : qu’est-ce qui pousse,<br />
par exemple, un romancier à écrire<br />
son autobiographie au soir <strong>de</strong> sa vie ?<br />
Peur <strong>de</strong> la mort qui se profile et besoin<br />
<strong>de</strong> sculpter sa propre statue pour<br />
atteindre à une sorte d’immortalité ?<br />
Besoin <strong>de</strong> « confesser » <strong>de</strong>s pulsions<br />
inavouables et d’échapper à un envoûtement<br />
maternel mortifère (Julien<br />
Green) ? Quid d’un psychanalyste qui<br />
prétend atteindre à une plus gran<strong>de</strong><br />
vérité <strong>de</strong> lui-même à travers l’écriture<br />
plutôt qu’à travers sa psychanalyse<br />
(Henry Bauchau) ? Ou d’un auteur<br />
africain qui, s’abandonnant à l’expression<br />
<strong>de</strong> son intériorité, transgresse<br />
par là-même les normes d’une société<br />
où l’individu a peu <strong>de</strong> place ?<br />
Il faut lire ce livre...<br />
M. Goutal<br />
Le complexe du loup-garou<br />
La fascination <strong>de</strong> la violence<br />
dans la culture américaine<br />
Denis Duclos<br />
Postface inédite <strong>de</strong> l’auteur<br />
La Découverte, 10,50 €<br />
Ce livre traite <strong>de</strong> la mise en scène collective<br />
<strong>de</strong>s personnages représentant<br />
la violence et la mort. Pour autant<br />
que notre société « post-mo<strong>de</strong>rne »<br />
croit avoir découvert comment régler,<br />
automatiquement, les énergies<br />
humaines, la violence serait vouée à<br />
l’extinction progressive, cédant <strong>de</strong>vant<br />
l’abondance <strong>de</strong>s biens, le libre<br />
fonctionnement du marché, et la rationalité<br />
<strong>de</strong> la gestion <strong>de</strong>s risques. Si<br />
la violence s’est retirée <strong>de</strong> la vie <strong>de</strong>s<br />
classes moyennes aisées, elle fait une<br />
apparition toujours plus dramatisée<br />
dans la fiction populaire et dans le<br />
fait divers, souvent associée aux milieux<br />
marginaux. Les scènes <strong>de</strong> la sécurité<br />
et du confort automatisé font<br />
face à celles <strong>de</strong> la violence, comme<br />
en miroir, comme si les unes appelaient<br />
les autres, irrésistiblement ;<br />
comme si l’idéal <strong>de</strong> société parfaite<br />
et l’extrême sauvagerie <strong>de</strong>s instincts<br />
meurtriers entretenaient un lien mutuel<br />
et une connivence naturelle. Que<br />
les Etats-Unis soient un lieu privilégié<br />
<strong>de</strong> ce jeu <strong>de</strong> miroirs n’est pas dû<br />
à une particularité ethnique, mais à<br />
une avance prise quant à la réalisation<br />
<strong>de</strong> l’idéal post-mo<strong>de</strong>rne. La thèse<br />
centrale <strong>de</strong> cet ouvrage est une combinaison<br />
<strong>de</strong> <strong>de</strong>ux idées empruntées,<br />
l’une à Norbert Elias (l’humanité<br />
contemporaine est confrontée à la<br />
nécessité <strong>de</strong> se civiliser toujours davantage)<br />
et l’autre à Pierre Vidal-Naquet<br />
(les mythes <strong>de</strong>s « guerriers fous<br />
» ou <strong>de</strong>s « chasseurs noirs » font<br />
partie <strong>de</strong> rites d’initiation, pour le passage<br />
au statut d’hommes accomplis,<br />
c’est-à-dire civilisés). La représentation<br />
<strong>de</strong> la violence à l’écran est d’abord<br />
le reflet d’une conviction mythique<br />
propre à la culture américaine : pour<br />
elle, la société n’est qu’un rempart<br />
précaire contre l’animal tapi en nous.<br />
Chez les tueurs en série comme chez<br />
les personnages sanglants <strong>de</strong> la fiction,<br />
elle ne fait que répéter les figures<br />
héroïques <strong>de</strong>s sagas nordiques,<br />
les « Bersekr », ces guerriers fous toujours<br />
tentés <strong>de</strong> se métamorphoser<br />
pour massacrer leurs propres familles.<br />
C’est ce fantasme qui lui fait accepter,<br />
en contrepartie, la surveillance<br />
automatisée, pour stopper le déviant,<br />
et qui explique en partie l’hypertrophie<br />
du droit aux Etats-Unis.
12<br />
■ ENTRETIEN<br />
LIVRES ET REVUES<br />
Psy ou pas psy ?<br />
Quand et qui consulter ?<br />
Patrick Delaroche<br />
Albin Michel 14,50 €<br />
« Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement<br />
». Cette maxime <strong>de</strong> Boileau<br />
peut trouver une illustration dans cet<br />
ouvrage, <strong>de</strong>stiné aux parents. L’auteur<br />
décrit, avec un grand bonheur<br />
d’expression, le mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> soin proposé<br />
aux enfants et adolescents en<br />
centre <strong>de</strong> consultation ambulatoire.<br />
Bien <strong>de</strong>s notions familières aux pédopsychiatres,<br />
mais relativement<br />
opaques aux profanes trouvent ici<br />
<strong>de</strong>s explications et <strong>de</strong>s illustrations<br />
convaincantes et claires, pour peu<br />
que l’on se donne la peine <strong>de</strong> lire cet<br />
ouvrage <strong>de</strong> 220 pages. La notion <strong>de</strong><br />
guidance, en particulier, trop souvent<br />
peu ou mal expliquée, prend ici tout<br />
son sens.<br />
En même temps, on ressent à la lecture<br />
une impression <strong>de</strong> malaise. Ce<br />
modèle français, inspiré par la psychanalyse,<br />
n’est-il pas menacé par la<br />
diminution dramatique du nombre<br />
<strong>de</strong> pédopsychiatres, et par la rupture<br />
<strong>de</strong> transmission <strong>de</strong> ce savoir que l’on<br />
repère chez les jeunes internes <strong>de</strong><br />
psychiatrie ? Dans ce cadre, cet ouvrage<br />
peut aussi participer à la transmission,<br />
non d’un savoir académique,<br />
mais d’un savoir faire et d’une éthique<br />
du sujet ; lour<strong>de</strong> tâche en ces temps<br />
d’évaluation réductrice <strong>de</strong> la psychiatrie.<br />
Alain Frottin<br />
Soigner l’adolescent en artthérapie<br />
2 ème édition<br />
Jean-Luc Sudres<br />
Dunod<br />
La nouvelle édition <strong>de</strong> cet ouvrage,<br />
initialement intitulé L’adolescent en<br />
art-thérapie s’inscrit à point nommé<br />
dans un air du temps pour le moins<br />
connu... L’art-thérapie suscite un intérêt<br />
dans le cadre <strong>de</strong>s techniques <strong>de</strong><br />
soins <strong>de</strong>stinées à pallier le peu d’engouement<br />
<strong>de</strong>s adolescents pour les<br />
approches purement verbales et/ou<br />
directes. Cet ouvrage montre comment<br />
les médiations artistiques (objets<br />
et situations) peuvent accompagner<br />
les adolescents en souffrance.<br />
Il s’interroge sur la possibilité <strong>de</strong> traiter<br />
<strong>de</strong>s maux toujours pluridéterminés<br />
en éveillant les potentialités créatives<br />
et expressives <strong>de</strong>s jeunes.<br />
Jean-Luc Sudres fait le point sur tous<br />
les aspects <strong>de</strong> cette pratique, sujette<br />
à <strong>de</strong>s effets <strong>de</strong> séduction et <strong>de</strong> mo<strong>de</strong>,<br />
mais mal connue. Une première partie<br />
historique et conceptuelle pose<br />
les jalons d’une démarche qui trouve<br />
sa pleine force dans l’analyse concrète<br />
<strong>de</strong>s indications/contre-indications,<br />
<strong>de</strong>s objectifs et <strong>de</strong>s stratégies cliniques<br />
<strong>de</strong> mise en place d’un atelier (<strong>de</strong>uxième<br />
partie). Quant à la troisième partie,<br />
elle étudie les différents processus à<br />
l’oeuvre en art-thérapie et présente<br />
différentes modalités d’évaluation.Le<br />
tout s’étaye sur <strong>de</strong>s vignettes cliniques.<br />
Enfin, la quatrième partie constitue<br />
un inventaire et un gui<strong>de</strong> méthodique<br />
pour trouver <strong>de</strong>s lieux ressources, <strong>de</strong>s<br />
supports d’informations et <strong>de</strong>s formations<br />
adéquates en artthérapie.<br />
La bibliographie et la filmographie<br />
complètent cet ensemble.<br />
Faut-il plaindre les bons<br />
élèves ?<br />
Le prix <strong>de</strong> l’excellence<br />
Patrice Huerre avec Fabienne<br />
Azire<br />
Hachette Littératures, 16 €<br />
En intégrant une classe préparatoire<br />
aux gran<strong>de</strong>s écoles, certains élèves<br />
poursuivent un parcours <strong>de</strong> réussite<br />
scolaire, commencé parfois <strong>de</strong>puis la<br />
maternelle. Entre l’investissement <strong>de</strong>s<br />
parents et celui <strong>de</strong>s professeurs, com-<br />
<br />
et psychotique. Or, un <strong>de</strong>s fantasmes<br />
<strong>de</strong> base du psychisme, comme Pigott l’a<br />
bien rappelé (3), est celui qui veut que<br />
l’on fécon<strong>de</strong> sa propre mère pour s’en<br />
faire naître soi-même. Cet auteur relève<br />
même qu’il n’existerait pas <strong>de</strong> mythe<br />
qui ne passe par cette combinatoire.<br />
Dès lors, on voit que le Voyage s’inscrit<br />
directement dans ce courant : Axel<br />
pénètre sa mère (la terre) pour s’en<br />
faire éclore lui-même (accouchement<br />
par le Stromboli). C’est là une pensée<br />
psychotique (s’auto-générer) mais, dans<br />
le roman, elle est contrebalancée par la<br />
présence, très forte comme on l’a vu,<br />
du tiers paternel qui vient s’entreposer<br />
entre la Terre-Mère et son fils (cf. le<br />
poignard-phallus du père, etc.). Nihil<br />
novo sub sole ! Verne suit les méandres<br />
<strong>de</strong>s grands complexes inconscients.<br />
BR : Le point le plus original <strong>de</strong> votre<br />
livre tient à la <strong>de</strong>scription du Voyage en<br />
tant que processus antidépressif.<br />
MSC : C’est, effectivement, ce qui m’a<br />
le plus étonné dans mon exploration et<br />
la découverte la plus excitante que j’y<br />
ai faite. Je publie prochainement dans<br />
l’International <strong>Journal</strong> of Psychoanalysis<br />
un article dont le titre est : « Le Voyage<br />
au centre <strong>de</strong> la terre <strong>de</strong> Jules Verne le<br />
secret d’une narrativité antidépressive ? ».<br />
L’idée que j’y développe est, en bref,<br />
celle que le Voyage se déroule en trois<br />
temps. Le premier temps est celui <strong>de</strong> la<br />
séparation radicale du sujet et <strong>de</strong> l’objet,<br />
c’est-à-dire d’Axel et <strong>de</strong> sa mère (il<br />
est orphelin). Le <strong>de</strong>uxième temps est<br />
celui <strong>de</strong> la fusion avec celle-ci (par l’enfoncement<br />
dans une terre qui menace<br />
<strong>de</strong> l’engloutir). Le troisième est celui<br />
d’une nouvelle séparation (par l’expulsion-accouchement).<br />
Or Verne<br />
déploie un certain nombre <strong>de</strong> mouvements<br />
qui épousent cette dynamique :<br />
a) au niveau <strong>de</strong>s thèmes eux-mêmes,<br />
on a un premier temps qui est celui<br />
que l’on pourrait appeler celui <strong>de</strong>s « éléments<br />
séparés ». Exemple : Li<strong>de</strong>nbrock<br />
et Axel sont ceux qui différencient les<br />
roches, le temps et l’espace. Ils classent<br />
les minerais et ils font un plan précis<br />
<strong>de</strong>s routes à suivre et <strong>de</strong>s dates et<br />
heures à observer pour voyager. Autrement<br />
dit, ils sont ceux qui séparent,<br />
intellectuellement, conceptuellement,<br />
les éléments les uns <strong>de</strong>s autres en les<br />
différenciant. Or, dans la terre, les<br />
roches elles-mêmes, <strong>de</strong> distinctes, vont<br />
<strong>de</strong>venir fusionnées (en une pâte <strong>de</strong><br />
lave) et l’espace et le temps <strong>de</strong>venir<br />
ment tirent-ils leur épingle du jeu ?<br />
Quelles para<strong>de</strong>s mettent-ils en œuvre<br />
pour être à la hauteur, se conformer<br />
aux attentes extérieures ? Si, pour certains,<br />
le chemin semble facile, voire jubilatoire,<br />
d’autres connaissent le doute,<br />
l’anxiété, voire le désespoir. Les plus<br />
vulnérables y laisseront <strong>de</strong>s plumes.<br />
Dans cet univers où le seul arbitre <strong>de</strong><br />
l’excellence est le résultat, il y a forcément<br />
un prix à payer, qu’il soit transitoire<br />
ou durable. Face à la pression tous<br />
azimuts, ces étudiants mobilisent <strong>de</strong>s<br />
mécanismes <strong>de</strong> défense pour s’adapter.<br />
Peu échappent aux troubles du sommeil,<br />
aux maux <strong>de</strong> tête, au stress. Tous<br />
traversent <strong>de</strong>s pério<strong>de</strong>s d’excitation ou<br />
d’abattement. Et la confrontation aux<br />
classes préparatoires révèle chez certains<br />
<strong>de</strong>s fragilités psychiques, souvent<br />
anciennes. Ceux-là paieront au prix fort<br />
un idéal auquel ils se sont i<strong>de</strong>ntifiés.<br />
Du bon élève mû par la crainte <strong>de</strong> décevoir,<br />
qui ignore souvent que son<br />
anxiété était installée <strong>de</strong> longue date,<br />
au chargé <strong>de</strong> mission, porteur d’un mandat<br />
qu’il a repris à son compte, <strong>de</strong> celui<br />
qui s’épuise en lançant <strong>de</strong>s signaux<br />
d’alarme peu compris par l’entourage,<br />
à celui qui, entré dans la logique du<br />
« toujours plus », s’installe dans une<br />
conduite addictive…<br />
Ce voyage dans les classes préparatoires<br />
aux Gran<strong>de</strong>s écoles en dit long<br />
sur les problématiques <strong>de</strong> l’adolescence,<br />
les mécanismes d’apprentissage, sur<br />
notre système éducatif, sur les priorités<br />
confus (les explorateurs se per<strong>de</strong>nt,<br />
confon<strong>de</strong>nt le nord et le sud ; censés<br />
aller vers l’avenir en suivant le déroulement<br />
linéaire du temps, ils aboutissent<br />
en fait à la découverte <strong>de</strong> la préhistoire<br />
vivante dans le cœur <strong>de</strong> la terre.<br />
Autrement dit, le temps va ici en même<br />
temps d’avant vers après et d’après vers<br />
avant - Dupuy (4) a d’ailleurs bien montré<br />
les ambiguïtés <strong>de</strong> la géographie vernienne).<br />
Ce mouvement <strong>de</strong> symétrisation<br />
est passionnant et correspond<br />
bien à la métapsychologie <strong>de</strong> Matte<br />
que la société assigne à ses enfants. Ce<br />
public pose à l’extrême les questions<br />
<strong>de</strong> tous les élèves <strong>de</strong> France et leurs parents<br />
: comment mieux construire son<br />
parcours scolaire et, finalement, sa vie.<br />
Usages et effets du savoir<br />
Articuler sciences sociales et<br />
politiques publiques<br />
Revue internationale <strong>de</strong>s sciences<br />
sociales, mars 2004 n° 179<br />
UNESCO / Erès, 20 €<br />
Les Etats contemporains sont amenés<br />
à intervenir, <strong>de</strong> manière <strong>de</strong> plus en plus<br />
fine, dans les tissus <strong>de</strong> leurs sociétés.<br />
On souhaite promouvoir la santé publique<br />
en luttant contre le tabagisme<br />
ou l’insécurité routière, concevoir <strong>de</strong>s<br />
prestations sociales plus adaptées à la<br />
diversité <strong>de</strong>s situations individuelles,<br />
promouvoir un « apprentissage tout au<br />
long <strong>de</strong> la vie » qui équipe les citoyens<br />
pour la « société du savoir », ouvrir les<br />
gran<strong>de</strong>s options techniques à la participation<br />
démocratique. De telles interventions<br />
supposent une connaissance<br />
détaillée <strong>de</strong> l’état <strong>de</strong>s sociétés et la capacité<br />
d’anticiper leurs réactions à d’hypothétiques<br />
dispositifs. Elles supposent<br />
une mise en œuvre improbable <strong>de</strong>s<br />
sciences sociales. Improbable, parce que<br />
les sciences sociales sont souvent rétives<br />
à l’« instrumentalisation » et ont,<br />
pour la conjurer, <strong>de</strong>s arguments épistémologiques<br />
sérieux. Improbable aussi<br />
en ce que les responsables <strong>de</strong> l’action<br />
Pénétrer les entrailles <strong>de</strong> la terre<br />
Blanco (5) un auteur encore injustement<br />
méconnu en France. b) au niveau <strong>de</strong>s<br />
mo<strong>de</strong>s <strong>de</strong> pensée Verne est très subtil.<br />
Dans un premier temps la pensée<br />
rationnelle prévaut dans le roman. Nos<br />
aventuriers sont, en effet, <strong>de</strong>s scientifiques<br />
calculateurs. Mais bientôt (2e<br />
temps), plus l’on s’enfonce dans la terre<br />
et plus la folie règne. Le summum <strong>de</strong><br />
ce mouvement est atteint lors du passage<br />
que Verne nomme « Le rêve<br />
d’Axel », en fait une rêverie oniroï<strong>de</strong><br />
où ce <strong>de</strong>rnier est pris d’une hallucina-<br />
publique sont souvent réticents à prendre<br />
en considération le temps et la logique<br />
propre <strong>de</strong> la démarche scientifique, sans<br />
parler <strong>de</strong> conclusions éventuellement<br />
gênantes. Les articles réunis dans ce numéro<br />
offrent un panorama diversifié,<br />
<strong>de</strong>s Philippines à l’Ouzbékistan et du<br />
Cameroun aux Pays-Bas, <strong>de</strong> l’utilisation<br />
du savoir dans les politiques sociales,<br />
<strong>de</strong> même qu’une analyse <strong>de</strong>s obstacles<br />
qu’elle rencontre et <strong>de</strong>s échecs sur lesquels<br />
elle peut déboucher.<br />
Tout sur mon père<br />
Le Coq-Héron 2004 n°179<br />
Erès<br />
Après l’avoir fait en 2000 dans le numéro<br />
160 intitulé « Malaise dans la clinique<br />
», le Coq Héron publie une sélection<br />
d’articles <strong>de</strong> la revue canadienne<br />
Filigrane, tandis que celle-ci publie l’essentiel<br />
<strong>de</strong>s textes parus dans le numéro<br />
173 sur Winnicott. Cet échange entre<br />
revues <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux bords <strong>de</strong> l’atlantique<br />
francophone amène à présenter <strong>de</strong>s<br />
textes que Filigrane a fait paraître en<br />
<strong>de</strong>ux tomes sous le titre « Tout sur mon<br />
père ». Louise Grenier, responsable <strong>de</strong><br />
cet ensemble, présente la sélection<br />
qu’en a faite le Coq Héron.<br />
Ensuite, sont publiés <strong>de</strong>ux textes qui<br />
sont <strong>de</strong>s réactions <strong>de</strong> témoins à la conférence<br />
prononcée par Tarik Ali aux Etats<br />
Généraux <strong>de</strong> la Psychanalyse qui se<br />
sont tenus à Rio <strong>de</strong> Janeiro au début<br />
<strong>de</strong> novembre 2003. Corinne Daubigny<br />
N°2 - TOME XVIII - MARS 2005<br />
tion. Mais ce n’est pas le seul passage<br />
du livre qui va en ce sens. On n’y<br />
compte pas moins <strong>de</strong> 21 citations y<br />
évoquant le risque <strong>de</strong> la folie. Enfin,<br />
dans les <strong>de</strong>rnières pages (3e temps), la<br />
rationalité est rétablie. Axel y découvre,<br />
en particulier, le pourquoi scientifique<br />
du dérèglement inexpliqué <strong>de</strong> leur<br />
boussole, dérèglement qui avait guidé<br />
leurs pas dans la direction inverse <strong>de</strong><br />
celle qu’ils pensaient suivre. Au total, le<br />
Voyage au centre <strong>de</strong> la terre passe par<br />
les trois temps raison-confusion-raison<br />
et n’est ainsi pas autre chose qu’un<br />
Voyage au centre du psychisme déployé<br />
sous nos yeux <strong>de</strong> lecteur (allant <strong>de</strong> la<br />
conscience superficielle et raisonnante<br />
vers l’inconscient profond et anarchique<br />
pour ensuite en revenir en sens<br />
inverse).<br />
BR : Et la dynamique anti dépressive<br />
dont vous parliez ?<br />
MSC : Elle tient à ce que les retrouvailles<br />
du sujet et <strong>de</strong> l’objet perdu (Axel<br />
et sa mère), <strong>de</strong> par leur fusion (fusion<br />
<strong>de</strong>s éléments et pensée confuse), leur<br />
permet <strong>de</strong> s’anastomoser. Ainsi rassérénés,<br />
ils peuvent se séparer. Axel, mûri,<br />
peut quitter sa mère à qui il a pratiquement<br />
fait don <strong>de</strong> son être (en<br />
acceptant <strong>de</strong> courir le risque <strong>de</strong> sa mort<br />
en elle) et celle-ci peut dès lors re<strong>de</strong>venir<br />
sereine. Ce <strong>de</strong>rnier élément est<br />
illustré par le fait que la terre du début<br />
du livre est très triste (le volcan initial est<br />
sis dans les misérables terres <strong>de</strong> l’Islan<strong>de</strong>)<br />
et sa fin très joyeuse (les pentes du<br />
Stromboli sont riantes et chargées <strong>de</strong><br />
fruits). Ce type <strong>de</strong> dynamique antidépressive<br />
se retrouve dans d’autres<br />
œuvres, et pas seulement dans celles<br />
qui ont eu le moins <strong>de</strong> succès. On les<br />
découvre, parmi tant <strong>de</strong> récits, par<br />
exemple à l’œuvre aussi bien dans<br />
Harry Potter que dans Frère <strong>de</strong> ours ou<br />
dans A la recherche du temps perdu ! <br />
Bibliographie<br />
(1) Albin Michel, 2005.<br />
(2) Ce que Marc Soriano a repris en détail<br />
dans Jules Verne, Le cas Verne, publié en<br />
1978 chez Julliard.<br />
(3) Pigott C., Les imagos terribles. Paris, Le<br />
collège <strong>de</strong> psychanalyse groupale et familiale,<br />
1999.<br />
(4) Dupuy L., Dôle, La clef d’argent, 2005.<br />
(5) Matte Blanco I, Thinking, Feeling and<br />
Being. London & New York, Routledge,<br />
1988.<br />
<strong>de</strong>man<strong>de</strong> si « la psychanalyse peut cautionner<br />
l’antisémitisme, le terrorisme, le<br />
fondamentalisme », question justifiée, à<br />
ses yeux, par les propos tenus par ce<br />
conférencier et aussi, et surtout, par les<br />
réactions qu’ils ont suscitées dans l’auditoire<br />
et, dans les temps qui ont suivi,<br />
dans <strong>de</strong>s cercles plus larges <strong>de</strong> la psychanalyse.<br />
Pour étayer son propos, elle<br />
met en question ce qui lui a paru le plus<br />
significatif et le plus inquiétant dans l’argumentation<br />
<strong>de</strong> Tarik Ali, tant dans la<br />
manière <strong>de</strong> traiter ses informations<br />
que ses sources. E<strong>de</strong>lyne Schweidson<br />
concentre son propos sur les liens <strong>de</strong><br />
complicité que le conférencier a pu établir<br />
avec le public, <strong>de</strong>venu alors le sien.<br />
Elle soulève la question <strong>de</strong> l’i<strong>de</strong>ntification<br />
<strong>de</strong> l’auditoire à celui qui lui parle<br />
ou comment celui-ci peut obtenir l’adhésion<br />
à son propos avec <strong>de</strong>s moyens<br />
efficaces pas forcément visibles.<br />
Dans un tout autre domaine, celui <strong>de</strong><br />
l’Education nationale et <strong>de</strong> ses directives,<br />
Claire Blain rapporte ce qui est<br />
proposé afin que le corps enseignant<br />
soit la cheville ouvrière d’une politique<br />
<strong>de</strong> santé mentale à l’école. Au nom <strong>de</strong><br />
la prévention <strong>de</strong>s troubles <strong>de</strong> ce qui est<br />
stigmatisé comme l’hygiénisme mo<strong>de</strong>rne,<br />
les enseignants se voient chargés<br />
<strong>de</strong> les dépister chez chacun <strong>de</strong> leurs<br />
élèves avec une multitu<strong>de</strong> d’outils et <strong>de</strong><br />
questionnaires et chargés, tout autant,<br />
avec quelques autres, <strong>de</strong> faire en sorte<br />
que les troubles constatés soient soignés.
N°2 - TOME XVIII - MARS 2005<br />
Cette intervention répond pour moi<br />
à une contrainte interne, disons en<br />
partie émotionnelle.<br />
Je vais donc employer le « Je », celui qui<br />
est le représentant du sujet et non pas<br />
d’un individu quelconque. « Je », c’est<br />
aussi ne parler pour personne d’autre<br />
que moi, car j’ai la conviction ou le<br />
désir qu’un discours du collectif ne<br />
puisse être élaboré que collectivement.<br />
Je sais aussi que le « Je » et le collectif<br />
sont en interaction réciproque et que je<br />
suis déterminé par ce contexte là, que<br />
je suis construit par mon expérience<br />
dans ce contexte qui lui donne sens<br />
comme en parlent les visions constructivistes<br />
et du constructionnisme social.<br />
Mais employer le « Je », <strong>de</strong> la responsabilité,<br />
<strong>de</strong> l’éthique personnelle, <strong>de</strong><br />
l’action, c’est aussi en retour afficher<br />
une volonté <strong>de</strong> faire changer ce contexte<br />
qui nous pétrit et qui <strong>de</strong>puis quelques<br />
temps, nous fait souffrir anormalement.<br />
Employer le « Je », pas seulement pour<br />
tenir un discours, mais souhaiter <strong>de</strong>s<br />
mots agissants, les partager avec l’espoir<br />
<strong>de</strong> créer <strong>de</strong>s repères, <strong>de</strong>s résonances<br />
collectives, pour qu’à tout<br />
moment reste ouverte la possibilité <strong>de</strong><br />
construire et <strong>de</strong> déconstruire ce qui<br />
nous unit afin d’agir ensemble. Repères<br />
aussi <strong>de</strong> ce qui nous sépare pour avoir<br />
le courage d’y travailler encore, pour<br />
continuer <strong>de</strong>s changements ou simplement<br />
constater une impossibilité.<br />
Vous l’avez déjà compris et constaté,<br />
« Je » suis <strong>de</strong> ceux qui appellent<br />
à un changement :<br />
- Quoi ? Encore un changement ? Alors<br />
que ça change tout le temps qu’on le<br />
veuille ou non.<br />
- Pourquoi un changement <strong>de</strong> plus ?<br />
D’abord, il vise à solutionner un certain<br />
malaise chez moi, j’allais dire vertige,<br />
au regard <strong>de</strong> cette vie hospitalière<br />
que je fréquente <strong>de</strong>puis si longtemps.<br />
J’ai <strong>de</strong> plus en plus l’impression d’un<br />
manque <strong>de</strong> sens, d’un manque <strong>de</strong> liens,<br />
d’un manque <strong>de</strong> suffisamment <strong>de</strong> respect<br />
et d’intérêt réciproque entre les<br />
acteurs que nous sommes dans cet<br />
hôpital. L’idée et l’espoir seraient que<br />
nous pouvons essayer d’avoir un peu<br />
plus <strong>de</strong> maîtrise sur l’orientation que<br />
prend ce changement. C’est une<br />
croyance comme une autre, comme<br />
on le dirait d’être capable <strong>de</strong> mener<br />
un peu mieux sa vie.<br />
- Changer... Tout en sachant que tout<br />
ne peut pas changer. D’abord parce<br />
que tout n’est pas à changer. J’aimerai<br />
que nous fassions l’exercice suivant :<br />
Qu’est-ce que j’aimerais retrouver dans<br />
ma vie professionnelle <strong>de</strong> tous les jours,<br />
qu’est-ce que j’aimerais gar<strong>de</strong>r pour<br />
<strong>de</strong>main et après-<strong>de</strong>main ?<br />
- Changer... Tout en sachant que l’on<br />
ne peut et/ou qu’il ne faut peut-être<br />
que commencer par <strong>de</strong>s petits changements<br />
avec l’espoir secret <strong>de</strong> voir<br />
apparaître l’effet « boule <strong>de</strong> neige ».<br />
- Changer... En acceptant le paradoxe<br />
qu’on ne peut pas savoir parfaitement<br />
au départ avec précisions où l’on veut<br />
aller. Que cela est impossible car ici les<br />
domaines du changement seront choisis<br />
avec les autres, sûrement dans une<br />
action <strong>de</strong> compromis. Parce qu’aussi<br />
l’hôpital ne m’appartient pas, qu’il est<br />
un bien collectif dont j’ai encore aujourd’hui<br />
la faiblesse <strong>de</strong> penser qu’il est<br />
avant tout fait pour les clients à qui<br />
nous <strong>de</strong>vons faire du soin. Pourtant<br />
Bachelard nous disait : « méfions-nous<br />
<strong>de</strong>s évi<strong>de</strong>nces ».<br />
Plus j’avance dans ma carrière, plus je<br />
ressens l’idée, qui peut vous paraître<br />
exorbitante, que ceux qui sont censés<br />
nous diriger, nous arbitrer, ne connaissent<br />
pas assez bien ce que l’on fait,<br />
pour déci<strong>de</strong>r seuls, sans nous. Mais, les<br />
avons-nous bien informés ? Sommesnous,<br />
pour cela, assez clairs dans nos<br />
têtes pour formaliser un message qui<br />
puisse les toucher ? Croyons-nous assez<br />
à notre force, à l’intérêt <strong>de</strong> ce que nous<br />
faisons, pour ne pas nous résoudre à ne<br />
pas être entendus ?<br />
Car, il faudra co-construire les solutions<br />
<strong>de</strong> cette crise en mouvement avec<br />
toutes les forces en présence, définir<br />
<strong>de</strong>s critères qui nous permettront <strong>de</strong><br />
savoir si nous sommes bien en train<br />
<strong>de</strong> réaliser là où nous voulions aller.<br />
Définir <strong>de</strong>s critères qui nous permettrons<br />
<strong>de</strong> dire que ce que nous faisons<br />
est utile à la réalisation <strong>de</strong> l’objectif où<br />
nous avons décidé d’aller et que nos<br />
actes, nos engagements mesurés par<br />
nous et les autres traduisent bien cela.<br />
Vous l’aurez bien compris, « Je »<br />
suis <strong>de</strong> ceux qui se sentent à vif<br />
aujourd’hui, du fait <strong>de</strong> ce double<br />
assassinat <strong>de</strong> Chantal et Lucette.<br />
Cet état émotionnel est-il bon<br />
conseiller ? Je répondrai oui, en partie<br />
pour laisser <strong>de</strong> côté l’adage « on ne peut<br />
raisonner que la tête froi<strong>de</strong> ». Relisez<br />
29ème Festival International Ciné-Vidéo-Psy <strong>de</strong><br />
Lorquin<br />
Retour à Lorquin, après Paris, le 29 ème Festival International Vidéo Psy se déroulera<br />
du 7 au 9 juin prochain dans son cadre habituel : le centre hospitalier<br />
<strong>de</strong> Lorquin.<br />
Comme chaque année, son ambition est d’être le reflet, par l’image <strong>de</strong> l’actualité<br />
<strong>de</strong> la santé mentale et <strong>de</strong>s faits <strong>de</strong> société qui s’y rattachent au travers<br />
d’un double regard, celui <strong>de</strong>s professionnels <strong>de</strong> l’image, témoins du regard<br />
social et celui <strong>de</strong>s professionnels <strong>de</strong> santé soucieux <strong>de</strong> mettre en image, leurs<br />
pratiques, leurs expériences et leurs interrogations.<br />
Ce panorama s’élargira, cette année, à une nécessaire dimension transculturelle<br />
avec la collaboration <strong>de</strong> l’Association Minkowska et <strong>de</strong> <strong>Psychiatrie</strong> sans<br />
Frontière. Ces films venus d’ailleurs permettront <strong>de</strong> mieux comprendre les<br />
différentes approches culturelles <strong>de</strong> la souffrance psychique.<br />
Notre champ professionnel traverse, actuellement, <strong>de</strong> graves difficultés amenant<br />
un questionnement i<strong>de</strong>ntitaire. Que ce 29 ème Festival nous ouvre <strong>de</strong>s<br />
perspectives plus sereines, que <strong>de</strong>s témoignages enthousiastes nous permettent<br />
<strong>de</strong> relancer une dynamique ou la psychiatrie retrouvera ses lettres <strong>de</strong><br />
noblesse, s’articulant comme il se doit sans conflit dans le champ <strong>de</strong> la santé<br />
mentale.<br />
Qu’une fois encore Lorquin soit ce lieu <strong>de</strong> rencontre, d’échanges dans une<br />
atmosphère conviviale transcendant les différentes catégories professionnelles,<br />
c’est le souhait <strong>de</strong> notre petite équipe.<br />
L’équipe du Festival<br />
ASSOCIATION FESTIVAL PSY, 5 rue du Général <strong>de</strong> Gaulle, 57790 Lorquin. www.cnasm.prd.fr<br />
Tél. : 03 97 23 14 12. Fax : 03 87 23 15 84.<br />
L’association assure également la gestion du Centre National <strong>de</strong> documentation audiovisuelle<br />
en Santé Mentale, 5 rue du Général <strong>de</strong> Gaulle, 57790 Lorquin. Tél. : 03 87 23 14 79.<br />
Fax : 03 87 23 15 84. www.cnasm.prd.fr<br />
Le CNASM propose ses nouveautés ainsi qu’un catalogue <strong>de</strong> plus <strong>de</strong> 350 films.<br />
Contribution à la CME exceptionnelle du<br />
10 janvier 2005 sur la situation <strong>de</strong> crise<br />
du Centre Hospitalier <strong>de</strong>s Pyrenées<br />
L’erreur <strong>de</strong> Descartes. Cet état émotionnel,<br />
je le ressens aujourd’hui plutôt<br />
comme une force. Il me pousse à<br />
souhaiter que ces morts là, empêchent<br />
que cette crise se referme en laissant les<br />
choses comme avant. Cette émotion<br />
déclenche quelque chose par effet <strong>de</strong><br />
résonance et il faut que se marque,<br />
que s’inscrive, que nous inscrivions collectivement,<br />
si possible en positif,<br />
quelque chose <strong>de</strong> cet événement. Un<br />
rituel collectif ? Comme les groupes<br />
savent en sécréter face à cet acte qui<br />
peut ressembler à un sacrifice. Parce<br />
que cet acte et ses conséquences sont<br />
proches, nous ont touchés, semblent<br />
avoir touché nombre d’entre nous,<br />
il n’a plus rien à voir alors avec cette<br />
longue litanie d’images <strong>de</strong>s faits divers<br />
dont les médias ont le secret.<br />
Bien sûr le désir <strong>de</strong> changement existait<br />
avant, mais allions-nous dans la bonne<br />
direction ?<br />
Je ne peux pas ne pas ressentir <strong>de</strong> la<br />
culpabilité. Je ne peux pas, ne pas imaginer<br />
une part <strong>de</strong> responsabilité collective<br />
concernant ces événements. Ne<br />
serait-ce que par une sous-estimation<br />
du vécu <strong>de</strong> peur et <strong>de</strong> danger qu’ont<br />
exprimé et fait remonter <strong>de</strong>puis pas<br />
mal <strong>de</strong> temps <strong>de</strong>s personnels, sans être<br />
entendus. Certes, je n’enfourcherai pas<br />
le discours du tout sécuritaire. Certes<br />
l’extraordinaire violence <strong>de</strong>s faits ne<br />
fait peut-être pas partie du prédictible,<br />
et est, peut-être, en partie à renvoyer du<br />
côté du hasard ; mais je tiens ici à<br />
témoigner <strong>de</strong> ce que j’ai entendu par<br />
les équipes dès le Samedi 18, sur le<br />
fait qu’un certain nombre d’entre-elles<br />
vivaient ce travail <strong>de</strong> nuit avec angoisse<br />
et craintes. C’est comme si je découvrais<br />
cela. Ai-je bien écouté ? Certains<br />
cadres affirment que tout cela a été<br />
exprimé dans différents staffs. On ne<br />
peut éviter la question <strong>de</strong> savoir si nous<br />
pouvions prévenir ces crimes. On ne<br />
peut élu<strong>de</strong>r la question <strong>de</strong> la responsabilité.<br />
On ne peut pas éviter la colère,<br />
même si cela témoigne plus, en partie,<br />
<strong>de</strong> notre ré-élaboration <strong>de</strong> <strong>de</strong>uil<br />
que d’une causalité effective et directe.<br />
Culpabilité aussi, ou craintes plutôt,<br />
sans doute partagées par pas mal<br />
d’entre-nous, si <strong>de</strong>main nous avions<br />
connaissance que le ou les criminels<br />
sont <strong>de</strong>s patients qui n’auraient pas fait<br />
l’objet d’un suivi suffisamment vigilant.<br />
On ne peut pas, non plus, ne pas se<br />
questionner sur les garanties que l’on se<br />
doit <strong>de</strong> donner concernant les missions<br />
sociales et sécuritaires <strong>de</strong> la psychiatrie.<br />
Il faudra bien qu’un jour, on se<br />
rappelle que l’envoi d’un nombre <strong>de</strong><br />
plus en plus grand <strong>de</strong> mala<strong>de</strong>s mentaux<br />
dans les prisons, n’est pas une<br />
véritable solution. Il manque cette articulation<br />
<strong>de</strong> la loi et du soin. Je ne peux<br />
pas m’empêcher <strong>de</strong> dire ou <strong>de</strong> redire<br />
que nos débats sur les interfaces entre<br />
pôles, à propos <strong>de</strong>s suivis <strong>de</strong>s mala<strong>de</strong>s<br />
en HDT ou en HO nous fait parfois<br />
flirter avec l’irresponsabilité. Comment<br />
conjuguer une réflexion collective<br />
approfondie avec la responsabilité individuelle<br />
du thérapeute qui fait penser<br />
que, parfois, nous sommes très pointilleux<br />
sur la liberté <strong>de</strong> mener dans ce<br />
domaine notre politique <strong>de</strong> soins dans<br />
notre petit coin. Je crois que nous<br />
<strong>de</strong>vons plus rendre compte <strong>de</strong> nos<br />
décisions au collectif. Je crois qu’il faut<br />
que nous montrions avec transparence<br />
nos faiblesses, nos choix difficiles, nos<br />
méthodologies, nos critères <strong>de</strong> décisions,<br />
afin <strong>de</strong> ne pas donner trop l’impression<br />
<strong>de</strong> faire <strong>de</strong>s paris sur l’avenir.<br />
Qui n’a pas lu certains dossiers où la<br />
prise en charge d’un patient en sortie<br />
d’essai s’interrompt, ce qui n’est pas<br />
choquant en soi, mais sans que l’on<br />
sache très bien le sens <strong>de</strong> cet arrêt et la<br />
position du thérapeute. Il faut expliquer<br />
cela. Expliquer au réseau pourquoi<br />
un mala<strong>de</strong> hospitalisé 19 ou 20<br />
fois <strong>de</strong>vient d’un seul coup décrété<br />
non problématique et ne relevant plus<br />
du soin, alors qu’il pose <strong>de</strong>s problèmes<br />
sur la voie publique.<br />
Je suis <strong>de</strong> ceux qui veulent changer<br />
car ils sont dans une impasse<br />
dans leur travail et qui souhaite<br />
votre ai<strong>de</strong> collective, votre intérêt,<br />
vos conseils, un partage.<br />
Dans mes moments <strong>de</strong> colère, j’ai un<br />
sentiment d’abandon où j’imagine que<br />
vous pensez que l’équipe <strong>de</strong> Gérontopsychiatrie<br />
a réglé le problème <strong>de</strong>s<br />
vieux dans cet hôpital, au sens où le<br />
seul problème posé était la sur-occupation<br />
<strong>de</strong>s lits dans les années 80 par<br />
les personnes âgées. Alors, puisque c’est<br />
réglé, tout le mon<strong>de</strong> se moque <strong>de</strong> la<br />
suite.<br />
Je pose ici la question <strong>de</strong> la vie <strong>de</strong>s institutions,<br />
<strong>de</strong> leur évolutivité, <strong>de</strong> l’énergie,<br />
<strong>de</strong> l’obstination, <strong>de</strong> la souffrance<br />
parfois qu’il faut à une équipe pour<br />
mener à bien un projet. Est-ce bien<br />
normal que dans la fonction publique<br />
il faille au moins 10 ans pour réaliser un<br />
projet ? Où sont les lour<strong>de</strong>urs ? Où<br />
est la fixité, où sont nos rigidités ? Que<br />
faire pour assouplir tout cela ? Comment<br />
se protéger ainsi <strong>de</strong> cela ? Ce<br />
que je n’ai manifestement pas encore<br />
su faire. Mais comment aussi protéger<br />
les équipes quand on accepte d’être<br />
responsable d’un service ?<br />
Pourquoi les Tutelles ne nous ai<strong>de</strong>nt<br />
pas plus à ce sujet ? Ce n’est pas faute<br />
<strong>de</strong> dire, d’écrire les difficultés dans lesquelles<br />
nous nous trouvons.<br />
Je suis <strong>de</strong> ceux qui s’interrogent,<br />
qui ne peuvent s’empêcher <strong>de</strong> penser<br />
à un lien, une résonance entre<br />
ces <strong>de</strong>ux morts affreuses et quelque<br />
chose autour <strong>de</strong> l’ambiance que<br />
nous construisons dans cet hôpital,<br />
dans la psychiatrie publique, dans la<br />
psychiatrie en général, etc.<br />
Il ne s’agit pas ici, une fois <strong>de</strong> plus, <strong>de</strong><br />
parler <strong>de</strong> causalités directes, mais peutêtre<br />
<strong>de</strong> processus facilitateurs :<br />
- Quel rapport au malaise chronique<br />
dans cet hôpital, avec le sentiment<br />
qu’ont les personnels <strong>de</strong> ne pas toujours<br />
être entendus ? Est-ce partout<br />
ainsi ? Sommes-nous <strong>de</strong>s râleurs professionnels<br />
?<br />
- Quel rapport avec notre clientèle marquée<br />
du sceau d’une mort si proche ?<br />
- Quel rapport avec cette perte <strong>de</strong> sens<br />
collectif que je ressens et ces morts<br />
insensées ?<br />
- Quel rapport entre les jeux <strong>de</strong> pouvoirs<br />
épuisants dans l’institution et cette<br />
mise en acte d’un pouvoir absolu sur<br />
l’autre dans la décision <strong>de</strong> le faire disparaître<br />
? (Je sais que les jeux <strong>de</strong> pouvoir<br />
appartiennent naturellement à<br />
toute relation, mais c’est la façon dont<br />
ils sont exercés qui peut poser problèmes.<br />
C’est en partie la question <strong>de</strong><br />
la gestion <strong>de</strong> conflits, d’un manque <strong>de</strong><br />
transparence, d’un trop <strong>de</strong> triangulation.)<br />
- Notre institution est-elle saine ? Plus<br />
saine ou moins saine que les autres ?<br />
Est-ce une question que vous vous<br />
posez ? Qu’est qu’une institution saine ?<br />
Cette question, je me la suis posée,<br />
avec d’autres dès 1985, quand un groupe<br />
a fait ce projet <strong>de</strong> Gérontopsychiatrie.<br />
Cette annonce d’un changement<br />
m’a fait percevoir <strong>de</strong> la violence, sinon<br />
<strong>de</strong> la menace autour <strong>de</strong> moi et j’étais<br />
ainsi menaçant pour l’équilibre <strong>de</strong><br />
l’institution. Est-ce une illusion ? Est-ce<br />
que nous prenons assez en compte<br />
le fait que nous sommes tous porteurs<br />
<strong>de</strong> violence, qui ne <strong>de</strong>man<strong>de</strong><br />
<br />
LIVRES<br />
TÉMOIGNAGE ■ 13<br />
La psychiatrie en mutation<br />
Les Cahiers Hospitaliers 2004<br />
N°206, 9 €<br />
Berger-Levrault*<br />
Les Cahiers hospitaliers présentent un<br />
dossier remarquable, consacré à l’évolution<br />
<strong>de</strong> la psychiatrie en France. Le<br />
ton est donné dès l’éditorial <strong>de</strong> Jean-<br />
Noël Cabanis : « Lorsqu’ils sont insérés<br />
dans les services classés « MCO » les<br />
psychiatres sont, en général, ceux qui<br />
bougent, qui se battent et argumentent.<br />
Avec leurs armes, confrontés aux<br />
disciplines médicales plus ordinaires,<br />
et ils ne s'en sortent pas si mal. Lorsqu’ils<br />
chassent en meute, dans les établissements<br />
spécialisés (publics ou privés)<br />
les discussions sont plus ru<strong>de</strong>s et<br />
les changements en général mo<strong>de</strong>stes,<br />
l’administration pouvant toujours utiliser<br />
l’arme fatale <strong>de</strong> leurs divisions.<br />
Qui peut citer aujourd’hui les syndicats<br />
représentatifs en psychiatrie ? Mais les<br />
résultats sont là, et notre système apparaît<br />
soli<strong>de</strong>, malgré <strong>de</strong> fortes et injustes<br />
inégalités d’accès, géographiques,<br />
sociales et financières, ce qui n’est pas<br />
la même chose. Le système est soli<strong>de</strong><br />
et utile à la communauté. Cela n’est<br />
pas contestable et il suffit <strong>de</strong> passer une<br />
nuit en service d’accueil <strong>de</strong>s urgences<br />
psychiatriques pour s’en convaincre.<br />
Les moyens ont donc suivi, avec la bénédiction<br />
<strong>de</strong>s administrations et <strong>de</strong>s<br />
politiques, si l’on en juge par le nombre<br />
<strong>de</strong> professionnels qui exercent en établissement,<br />
en ville, en structures intermédiaires.<br />
Il n’est pas inintéressant<br />
<strong>de</strong> se comparer aux pays <strong>de</strong> l’Union<br />
européenne à cet égard, en consultant<br />
l’excellente base <strong>de</strong> données <strong>de</strong> l’IRDES<br />
(ECO-santé). »<br />
Les textes qui suivent sont tous d’un<br />
grand intérêt, qu’il s’agisse <strong>de</strong> La réforme<br />
du service public <strong>de</strong> psychiatrie<br />
par P. Mor<strong>de</strong>let, La conduite du changement<br />
en santé mentale par Jean-<br />
Marie Fessler, Quelle place pour le secteur<br />
psychiatrique dans la nouvelle<br />
planification sanitaire ? par Eric Graindorge,<br />
Le recours aux soins <strong>de</strong>s troubles<br />
mentaux s’accroît par Magali Coldèfy<br />
ou <strong>de</strong> Les représentations <strong>de</strong> la maladie<br />
mentale dans la population par A.<br />
Caria.<br />
* 3 rue Ferrus, 75014 Paris. Tél. 01 40 64 42 32.<br />
Fax : 01 40 64 42 40. E-mail :advble@bergerlevrault.fr<br />
Adapter les établissements<br />
pour personnes âgées<br />
Besoins, réglementation,<br />
tarification<br />
Alain Villez<br />
Dunod<br />
On assite à une évolution sensible<br />
<strong>de</strong>s besoins sociaux et médico-sociaux<br />
exprimés par les personnes<br />
âgées. Les marqueurs <strong>de</strong> cette évolution<br />
sont bien connus : <strong>de</strong>s <strong>de</strong>man<strong>de</strong>s<br />
d’admission en établissement<br />
qui <strong>de</strong>vraient s’accroître très<br />
rapi<strong>de</strong>ment; un âge moyen d’entrée<br />
dans les établissements supérieur à<br />
84 ans ; un niveau moyen d’incapacité<br />
fonctionnelle en constante évolution<br />
et <strong>de</strong>s pathologies <strong>de</strong> plus en<br />
plus nombreuses, parmi lesquelles la<br />
maladie d’Alzheimer et les pathologies<br />
apparentées (800 000 personnes<br />
seraient aujourd’hui concernées). Face<br />
à ce constat, l’ensemble <strong>de</strong>s établissements<br />
est invité à s’interroger sur<br />
le sens à donner aux prestations qu’ils<br />
délivrent et sur le statut qu’ils reconnaissent<br />
aux rési<strong>de</strong>nts et à leur famille<br />
au sein même <strong>de</strong> l’établissement.<br />
La première partie <strong>de</strong> l’ouvrage<br />
détaille l’évolution <strong>de</strong>s besoins d’hébergement<br />
et la structuration <strong>de</strong> l’offre.<br />
La secon<strong>de</strong> analyse les réformes récentes<br />
relatives à la tarification et au<br />
fonctionnement <strong>de</strong>s EHPAD. En annexe,<br />
ce livre fournit les principaux<br />
outils d’auto-évaluation (AGGIR, ANGÉ-<br />
LIQUE et Afnor Geriapa). Il propose<br />
également un modèle <strong>de</strong> règlement<br />
<strong>de</strong> fonctionnement <strong>de</strong>s EHPAD.
14<br />
■ TÉMOIGNAGE ■ EXPOSITION<br />
LIVRES ET REVUES<br />
Maladie Mentale et<br />
Situations <strong>de</strong> Handicap<br />
Pratiques en santé mentale<br />
Revue Pratique <strong>de</strong> Psychologie <strong>de</strong> la<br />
Vie Sociale et d’Hygiène Mentale<br />
2005, n°1, 11 €<br />
A la veille <strong>de</strong> la promulgation <strong>de</strong> la<br />
loi sur « l’égalité <strong>de</strong>s droits, la participation<br />
et la citoyenneté <strong>de</strong>s personnes<br />
handicapées », il était important que<br />
la Fédération d’Ai<strong>de</strong> à la Santé Mentale<br />
Croix-Marine approfondisse sa<br />
réflexion sur le handicap auquel les<br />
usagers et les familles attachent tant<br />
d’importance. Pendant longtemps, la<br />
psychiatrie a été i<strong>de</strong>ntifiée à son dispositif<br />
institutionnel, si ce n’est même<br />
au nombre <strong>de</strong> ses lits. Ce n’est plus<br />
le cas et cela implique que <strong>de</strong>s aménagements<br />
soient proposés pour répondre<br />
aux conséquences sociales<br />
<strong>de</strong>s pathologies psychiatriques au<br />
long cours, c’est-à-dire aux situations<br />
<strong>de</strong> handicap. Mais, quels qu’ils soient :<br />
accueil dans <strong>de</strong>s institutions médicosociales,<br />
logement associatif, tentatives<br />
<strong>de</strong> réinsertion professionnelle,<br />
clubs d’entrai<strong>de</strong>, il reste un impératif<br />
majeur : la continuité <strong>de</strong>s soins. Il a<br />
justifié la pratique <strong>de</strong> secteur et, plus<br />
que jamais, celle-ci reste d’actualité.<br />
Les Journées <strong>de</strong> Vannes on permis<br />
<strong>de</strong> retrouver ce qui fait la singularité<br />
<strong>de</strong> la Fédaration d’Ai<strong>de</strong> à la Santé<br />
Mentale Croix Marine : extrême diversité<br />
d’origine <strong>de</strong>s participants tant<br />
sur le plan professionnel que géographique,<br />
richesse <strong>de</strong>s expériences<br />
présentées, qualité <strong>de</strong>s échanges. A<br />
cela, il faut ajouter l’intérêt <strong>de</strong>s exposés<br />
initiaux (F. Chapireau, B. Durand,<br />
C. Dejours, L.M. Villerbu, J. Kristeva,<br />
C. Mille) comme celui d’une<br />
table-ron<strong>de</strong> et <strong>de</strong>s ateliers qui sont<br />
restitués dans ce numéro.<br />
Co-éduquer<br />
Pour un développement social<br />
durable<br />
Frédéric Jésu<br />
Dunod, 23 €<br />
Ce livre est un plaidoyer en faveur<br />
<strong>de</strong> la coopération <strong>de</strong>s parents, <strong>de</strong>s<br />
professionnels et <strong>de</strong>s autres acteurs,<br />
privés ou publics, <strong>de</strong> l’éducation familiale,<br />
sociale et institutionnelle. Il<br />
propose <strong>de</strong> promouvoir l’articulation,<br />
voire la confrontation, <strong>de</strong> l’ensemble<br />
<strong>de</strong>s logiques, <strong>de</strong>s cultures, <strong>de</strong>s sentiments<br />
qui déterminent chez les adultes<br />
les espaces et les temps éducatifs <strong>de</strong>stinés<br />
aux enfants. Tout plaidoyer est<br />
nourri d’observations, <strong>de</strong> convictions<br />
et d’argumentations. Celles-ci doivent<br />
être d’autant plus ouvertes à la discussion<br />
que le concept <strong>de</strong> « co-éducation<br />
» est loin, non seulement <strong>de</strong><br />
faire l’objet d’un consensus entre les<br />
acteurs concernés, mais aussi d’être<br />
inscrit au catalogue <strong>de</strong> leurs références.<br />
Ce livre se présente comme une<br />
ébauche <strong>de</strong> référentiel théorique pour<br />
concevoir, mettre en œuvre et évaluer<br />
les formes que peut prendre la<br />
coopération <strong>de</strong>s éducateurs, <strong>de</strong> métier<br />
ou <strong>de</strong> fait, dans les différentes circonstances<br />
où elle s’avère souhaitable<br />
et faisable. Il est soumis aux<br />
appréciations <strong>de</strong> ceux et celles que<br />
leurs responsabilités, parentales ou<br />
institutionnelles, amènent à traduire<br />
leurs intuitions ou leurs convictions<br />
en principes, et leurs principes en actions.<br />
Il s’agit d’inciter à échanger <strong>de</strong>s<br />
points <strong>de</strong> vue et à rapprocher <strong>de</strong>s<br />
compétences <strong>de</strong> façon méthodique<br />
et délibérée, et pas seulement sous<br />
la pression <strong>de</strong>s situations <strong>de</strong> crise et<br />
<strong>de</strong> la gestion <strong>de</strong>s problèmes individuels<br />
; autrement dit, à sortir <strong>de</strong> l’isolement<br />
pour conjuguer recherches et<br />
moyens, et surtout pour le faire dans<br />
une perspective <strong>de</strong> projet.<br />
<br />
qu’à s’exprimer dans certains contextes<br />
et qui peut déstabiliser les plus fragiles<br />
d’entre nous, même s’ils ne sont pas<br />
considérés comme <strong>de</strong>s mala<strong>de</strong>s.<br />
Je suis <strong>de</strong> ceux qui ne savent pas<br />
trop ce qu’il faudrait faire ? Qui ne<br />
savent pas vraiment comment analyser<br />
cette situation où s’enchevêtrent<br />
situation précaire <strong>de</strong> l’hôpital,<br />
traumatisme <strong>de</strong> ces <strong>de</strong>ux morts, qui<br />
fonctionnent comme un analyseur<br />
à son tour, comme une caisse <strong>de</strong><br />
résonance <strong>de</strong> la crise <strong>de</strong> notre hôpital<br />
et peut-être <strong>de</strong> toute la psychiatrie<br />
publique, comme en attestent<br />
les messages que nous avons reçus.<br />
Mon repère, c’est <strong>de</strong> dire que nous<br />
sommes face à une complexité, qui<br />
par définition ne peut se définir simplement<br />
ou en quelques mots. Mais<br />
surtout que l’on ne peut comprendre<br />
avant d’agir. Mais surtout aussi où l’action<br />
sera dialogique, soit qu’elle intégrera<br />
nos contractions radicales. La<br />
complexité c’est l’ouverture et l’aventure,<br />
c’est l’action dans la réalité pour<br />
enfin la découvrir. C’est peut-être avant<br />
tout <strong>de</strong>s métho<strong>de</strong>s d’action instituées,<br />
garanties consensuellement où nous<br />
trouverons <strong>de</strong>s solutions, sans savoir<br />
encore vraiment lesquelles, nous aurons<br />
à choisir, à expérimenter, traduisant un<br />
foisonnement d’idées, <strong>de</strong> visions, <strong>de</strong><br />
contextes, d’hypothèses. Tout en se<br />
souvenant que notre statut est celui<br />
d’aveugles tâtonnant, découvrant,<br />
créant <strong>de</strong>s solutions dont on ne vérifie<br />
Dans une exposition, du 11 au 27 janvier<br />
2005, à la Galerie Crous-Beaux-<br />
Artss*, Pascale Valentinelli et l’équipe <strong>de</strong><br />
l’hôpital <strong>de</strong> jour d’Antony, avec la collaboration<br />
<strong>de</strong> Corinne Ben Samoun,<br />
prési<strong>de</strong>nte <strong>de</strong> Zig Zag Color et Catherine<br />
Allier, prési<strong>de</strong>nte <strong>de</strong> Futur composé<br />
ont présenté <strong>de</strong>s peintures, encres<br />
et colages <strong>de</strong> jeunes artistes <strong>de</strong>s hôpitaux<br />
<strong>de</strong> jour d’Antony (92), Santos-<br />
Dumont (75), Chevilly-Larue (94),<br />
Sèvres (92) ; <strong>de</strong>s Instituts médico-éducatifs<br />
: Alternance Bourg-la-Reine (92),<br />
Alternance Paris (75) ; <strong>de</strong> foyers spécialisés<br />
comme Alternat (92), Meriel<br />
(95).<br />
Les peintures exposées, gaies ou troublantes,<br />
rayonnantes ou chaotiques,<br />
semblent relever <strong>de</strong> l’art brut. Chacune<br />
suit son propre cheminement pour<br />
aboutir à une élaboration originale. A<br />
bien y regar<strong>de</strong>r, la plupart épousent<br />
pourtant, discrètement, <strong>de</strong>s courants<br />
artistiques reconnus. L’une suit l’élan<br />
fauve <strong>de</strong> Matisse, l’autre l’exigence abstraite<br />
<strong>de</strong> Paul Klee ou le maniérisme<br />
minutieux d’Henri Michaux, etc.<br />
Comme si ces jeunes évoluaient « Sur<br />
les traces <strong>de</strong> » leurs célèbres prédécesseurs.<br />
Certaines institutions, refusant l’hospitalisation<br />
traditionnelle, proposent divers<br />
ateliers (dont le <strong>de</strong>ssin et la peinture) et<br />
expositions afin <strong>de</strong> confronter ces<br />
jeunes au mon<strong>de</strong>. Sous la direction <strong>de</strong><br />
plasticiens, ces <strong>de</strong>rniers manient le pinceau<br />
ou le bambou, se jouent <strong>de</strong>s<br />
formes et <strong>de</strong>s couleurs avec une<br />
concentration surprenante. L’accueil<br />
heureux fait à leurs productions les<br />
introduit dans notre société. Un réseau<br />
subtil <strong>de</strong> communication s’établit et<br />
ébauche une vie en communauté. Ces<br />
créations, puissamment personnelles,<br />
révèlent une relation secrète à l’art et au<br />
sentiment d’être artiste.<br />
Adolescents et jeunes gens s’emparent,<br />
chacun à sa façon, <strong>de</strong> la création.<br />
Cédric, hanté par les visages ou les animaux<br />
bondissant, éclabousse sa toile<br />
<strong>de</strong> couleur. Fe<strong>de</strong>rico retrace avec obstination,<br />
vingt fois <strong>de</strong> suite, les contours<br />
souvent la justesse que dans l’aprèscoup<br />
<strong>de</strong> l’action.<br />
Vous voyez, c’est plutôt un message<br />
d’espoir, même si le chemin n’est pas<br />
tout tracé et que nous seuls le traçons.<br />
Je vous renvoie aussi à ce mouvement<br />
ou cette ambiance actuelle, qui voudrait<br />
que l’on abandonne un peu l’idée<br />
<strong>de</strong> toujours se plaindre, ce que traduit<br />
F. Roustang, dans son livre La fin <strong>de</strong> la<br />
plainte.<br />
Parce qu’avec la même fermeté, le<br />
même sentiment d’être quelqu’un<br />
<strong>de</strong>bout. Si la fonction publique, si l’institution<br />
opprime ses membres, si elle ne<br />
leur permet pas <strong>de</strong> donner le meilleur<br />
d’eux-mêmes, en créant, en s’épanouissant<br />
pour les objectifs et le mandat<br />
qu’elle a reçus, alors il faudra la<br />
remettre radicalement en cause. Et<br />
nous avons aussi en nous les potentialités<br />
pour la paralyser, la saboter encore<br />
plus peut-être.<br />
Que faire ?<br />
• Créer d’urgence un espace <strong>de</strong> paroles<br />
et <strong>de</strong> gestion commune qui va lutter<br />
contre le surcroît <strong>de</strong> clivage, <strong>de</strong> triangulations,<br />
<strong>de</strong> façon à ce que ce qui doit<br />
être dit à quelqu’un lui soit dit et non<br />
rapporté. Une sorte <strong>de</strong> commission<br />
adhoc, que j’ai à plusieurs reprises évoquée,<br />
en particulier avec la direction,<br />
mais qui semble à ce sujet ne pas m’entendre.<br />
Il faut pour cela qu’un état <strong>de</strong>s<br />
lieux <strong>de</strong> tout ce qui fait problème soit<br />
abordé sans tabou, en prenant le temps<br />
et l’engagement <strong>de</strong> le faire. Nous<br />
n’avons pas besoin d’une décision <strong>de</strong><br />
Sur les traces <strong>de</strong>...<br />
autiste ou artiste, une<br />
lettre <strong>de</strong> différence<br />
d’hommes préhistoriques. François<br />
reconstitue, personnage par personnage,<br />
une immense « foule <strong>de</strong> Chine ».<br />
Claire s’immobilise extatique, esquisse<br />
puis noircit <strong>de</strong>s portraits insolites, se<br />
lève et lance un impérieux « J’ai fini ».<br />
Mohamed trace gravement <strong>de</strong> lourds<br />
bateaux sur une mer poissonneuse,<br />
sous <strong>de</strong>s nuages en saucisson ; puis il<br />
hume l’air à droite et à gauche, se dresse<br />
et entame une danse africaine avant<br />
<strong>de</strong> se rassoir pour reprendre son travail.<br />
Cette quête et cette découverte du<br />
bonheur <strong>de</strong> peindre fait sortir ces<br />
jeunes artistes <strong>de</strong> l’isolement. Chaque<br />
tableau établit une passerelle inattendue.<br />
Des pistes multiples s’entrecroisent<br />
sous notre regard, souvent strict<br />
et conformiste, qui perd peu à peu ses<br />
préjugés. Toutes imposent, avec force,<br />
le droit à l’art, à l’inspiration et à l’invention.<br />
Autant <strong>de</strong> démarches d’intégration<br />
à notre société que leurs bizarreries<br />
inquiètent. Nos yeux apprennent<br />
à se poser sur leurs tableaux et se laissent<br />
apprivoiser : celui qui entre ici<br />
n’est plus le même lorsqu’il en sort.<br />
Avec quel soutien ?<br />
• Celui du docteur Gilles Roland-<br />
Manuel, directeur <strong>de</strong> l’hôpital <strong>de</strong> jour<br />
d’Antony et fondateur <strong>de</strong> l’association<br />
Futur Composé : « La société donne<br />
aux autistes le statut d’incapable majeur,<br />
nous pensons qu’ils sont néanmoins, les<br />
œuvres exposées le prouvent, capables<br />
d’intuitions majeures ».<br />
• <strong>de</strong> Pascale Valentinelli, artiste-peintre<br />
et plasticienne initiatrice <strong>de</strong> cette exposition.<br />
Sa sélection exigeante <strong>de</strong>s<br />
tableaux est fondée sur vingt-<strong>de</strong>ux ans<br />
d’enseignement <strong>de</strong> l’art aux musées<br />
<strong>de</strong>s Arts décoratifs, d’Art mo<strong>de</strong>rne et au<br />
Centre Pompidou.<br />
• <strong>de</strong> Jane Hervé, écrivain et journaliste,<br />
participant à la conception et à la réalisation<br />
culturelle du projet.<br />
• <strong>de</strong> Caroline El-Ouali-Kojnok, chef du<br />
service éducatif et créatrice <strong>de</strong> l’atelier<br />
<strong>de</strong> peinture à Antony.<br />
quiconque pour l’instituer. Y seront<br />
invitées, toutes les forces vives <strong>de</strong> cet<br />
hôpital et au-<strong>de</strong>là. Arrêtons <strong>de</strong> râler<br />
contre l’éventuelle nouvelle gouvernance.<br />
Créons la nôtre. Je vous apprend<br />
que quand nous avons rencontré le<br />
Ministre <strong>de</strong> la Santé, il a reconnu une<br />
crise profon<strong>de</strong> et un retard <strong>de</strong> la psychiatrie<br />
publique qui s’ajoutait chez<br />
nous à la crise humaine que vous savez.<br />
Il a dit je crois « que nous <strong>de</strong>vions être<br />
exemplaires ». Alors prenons le au mot,<br />
soyons exemplaires, au sens <strong>de</strong> donner<br />
l’exemple pour qu’il nous ai<strong>de</strong> et<br />
que l’on apprenne aussi aux déci<strong>de</strong>urs<br />
ce qu’est la psychiatrie publique, au<br />
moins dans notre version. Pour cela,<br />
nous l’avons dit et écrit, nous souhaitons<br />
une mission d’appui et nous ne<br />
<strong>de</strong>mandions pas une mission <strong>de</strong> l’IGAS.<br />
Cette <strong>de</strong>rnière a <strong>de</strong>mandé à rencontrer<br />
les quatre mé<strong>de</strong>cins du conseil<br />
d’Administration ce Jeudi 13 Janvier à<br />
19h. Nous ne connaissons même pas le<br />
mandat exact <strong>de</strong> cette mission. Est-ce<br />
que vous nous donnez mandat pour<br />
y aller, et pour dire quoi ? Par ailleurs,<br />
aurons-nous l’audace d’exiger la mission<br />
d’enquête ? Comment ?<br />
1°) En le re<strong>de</strong>mandant au Ministre et à<br />
l’ARH tout en précisant que sous réserve<br />
d’une réponse négative, nous continuerons<br />
d’abandonner la gestion <strong>de</strong><br />
cet hôpital et par exemple <strong>de</strong> rentrer les<br />
actes PMSI.<br />
2°) Autre façon, pour créer un contexte<br />
extraordinaire, pour une situation<br />
extraordinaire. Si nous n’obtenons pas<br />
• <strong>de</strong> Corinne Ben Samoun, directrice<br />
<strong>de</strong> l’IME Altenance 75 et prési<strong>de</strong>nte<br />
<strong>de</strong> Zig Zag Color.<br />
• <strong>de</strong> Catherine Allier, directrice <strong>de</strong> l’IME<br />
Alternance 92 et prési<strong>de</strong>nte du Futur<br />
Composé.<br />
• <strong>de</strong> Hélène Villefort, directrice <strong>de</strong> la<br />
Galerie Crous-Beaux-Arts.<br />
• d’un collectif <strong>de</strong> centres et d’associations<br />
spécialisés dans la prise en charge<br />
<strong>de</strong> personnes autistes et troubles apparentés.<br />
Les hôpitaux <strong>de</strong> jour d’Antony,<br />
37 avenue Léon Jouhaux, 92160<br />
Antony ; Santos-Durnont, 25 villa Santos<br />
Dumont, 75014 Paris ; <strong>de</strong> Chevilly-Larue,<br />
50, rue du Petit Leroy,<br />
94556 Chevilly-Larue ; <strong>de</strong> Sèvres, 12<br />
rue Ernest Renan, 92310 Sèvres. Les<br />
instituts médico-éducatifs Alternance<br />
N°2 - TOME XVIII - MARS 2005<br />
gain <strong>de</strong> cause, ceux qui en sont d’accord,<br />
et sous réserve d’organisation<br />
minimum, pour respecter l’intérêt <strong>de</strong>s<br />
mala<strong>de</strong>s et <strong>de</strong>s familles, nous pourrions<br />
débuter une grève <strong>de</strong> la faim collective,<br />
en invitant à Pau, dans un large débat<br />
ininterrompu, les médias, les partenaires<br />
<strong>de</strong> toute la France, syndicalistes ou non<br />
qui se sont montrés si attentifs.<br />
• Faire autorité sans être autoritaire, ni<br />
faire <strong>de</strong> l’autoritarisme, c’est montrer<br />
notre détermination à déci<strong>de</strong>r pour<br />
nous <strong>de</strong> façon réfléchie, c’est changer<br />
notre façon d’être, c’est continuer <strong>de</strong><br />
définir une qualité et une transparence<br />
<strong>de</strong>s prestations et <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r aux autres<br />
ce qu’ils pensent. Si l’on veut que les<br />
autres changent à notre égard, il faut<br />
sans doute que nous commencions à<br />
changer nous-mêmes.<br />
Quelles sont les thématiques multiples<br />
que j’aimerai abor<strong>de</strong>r et dont<br />
la liste n’est pas close ?<br />
- Va-t-on arrêter <strong>de</strong> dire qu’il faut associer<br />
les mé<strong>de</strong>cins à la gestion (qui est<br />
une bonne idée), tout en leur déniant<br />
le temps pour le faire, la possibilité <strong>de</strong><br />
se former, la reconnaissance institutionnelle<br />
même. Quand j’ai occupé<br />
mon premier poste <strong>de</strong> Praticien Hospitalier,<br />
Chef <strong>de</strong> service en 1976, nos<br />
revendications syndicales <strong>de</strong> l’époque<br />
incluaient la reconnaissance d’un temps<br />
pour la gestion, comme nécessaire à<br />
se consacrer correctement à ce travail.<br />
Demandons la création d’un temps<br />
plein médical, réparti en <strong>de</strong>ux mi-temps<br />
92, 23 bis rue Ravon, 92340 Bourg-la-<br />
Reine ; Alternance 75, 10 rue <strong>de</strong><br />
Thionville, 75019 Paris. Les foyers spécialisés<br />
Alternat, 37 rue Alfred <strong>de</strong> Musset,<br />
92160 Antony ; La Pommeraie,<br />
15 rue Neuve, 7972 Ellignies-Sainte-<br />
Anne (Belgique) ; Foyer Jeanne d’Arc,<br />
1 rue du Maréchal Leclerc, 91270<br />
Vigneux-sur-Seine ; Foyer <strong>de</strong> vie La<br />
Garenne, allée <strong>de</strong> la Clairière, 95630<br />
Meriel.<br />
• <strong>de</strong> plusieurs écrivains qui renouvellent,<br />
par l’intimité chaleureuse <strong>de</strong> leur observation,<br />
notre regard sur ces artistes atypiques.<br />
■<br />
*Galerie CROUS-Beaux-Arts. Directrice : Madame<br />
Hélène VILLEFORT, 11 rue <strong>de</strong>s Beaux-<br />
Arts, 75006 Paris. Tél./Fax : 01 43 54 10 99.
N°2 - TOME XVIII - MARS 2005<br />
permettant d’ai<strong>de</strong>r <strong>de</strong>ux élus <strong>de</strong> la<br />
CME qui sacrifient une partie du travail<br />
du service pour la gestion. Ces actes<br />
donneraient, enfin, <strong>de</strong> la cohérence<br />
aux paroles (cela permettrait aux praticiens<br />
généralistes qui rejoignent la<br />
psychiatrie <strong>de</strong> faire <strong>de</strong>s rotations dans<br />
différents types <strong>de</strong> soins, pathologies<br />
et clientèles). Ce temps <strong>de</strong> gestion doit<br />
pouvoir, aussi, permettre d’approfondir<br />
les méthodologies d’évaluation <strong>de</strong>s pratiques<br />
<strong>de</strong> soins, <strong>de</strong> l’efficience <strong>de</strong>s soins<br />
par <strong>de</strong>s métho<strong>de</strong>s d’évaluations cliniques,<br />
complément indispensable à la<br />
gestion comptable. Il nous faut <strong>de</strong>s<br />
ai<strong>de</strong>s méthodologiques. Mais jusqu’à<br />
nouvel ordre, les projets <strong>de</strong> gouvernance<br />
mettent en haut <strong>de</strong> la pyrami<strong>de</strong>,<br />
comme arbitre suprême, un gestionnaire<br />
comptable et non un clinicien.<br />
- Sur la question, actuelle, <strong>de</strong> la sécurité,<br />
au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> certains actes urgents qui<br />
ont été posés, quand et avec qui débattrons-nous<br />
sereinement et en transparence<br />
sur ce thème ? C’est cette commission<br />
adhoc qui doit se réunir autant<br />
qu’il le faut, qui doit permettre <strong>de</strong> clarifier<br />
qui fait quoi et quand et donc<br />
qui est responsable <strong>de</strong> quoi. Comment<br />
se faire une idée <strong>de</strong>s choses, entre le<br />
directeur dont on a l’impression qu’on<br />
ne le voit qu’entre <strong>de</strong>ux portes, et qui<br />
nous laisse entendre qu’il a déjà signé<br />
ou formalisé un contrat d’objectifs et <strong>de</strong><br />
moyens avec l’ARH ? De l’autre, une<br />
position syndicale au CHSCT, certes<br />
peut-être minoritaire mais ultra-sécuritaire<br />
qui viserait certains mala<strong>de</strong>s ?. De<br />
l’autre, un article syndical dans Libération<br />
<strong>de</strong> Samedi, où l’on ne veut surtout<br />
pas d’un hôpital, sorte <strong>de</strong> prison ?<br />
Et <strong>de</strong> l’autre, <strong>de</strong>s mé<strong>de</strong>cins qui se<br />
relaient dans ces discussions sans que<br />
l’on sache très bien, au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> leur<br />
qualité, ce qu’ils défen<strong>de</strong>nt comme<br />
points <strong>de</strong> vue et <strong>de</strong> qui ils en ont reçu<br />
le mandat ? Le bazar est là, qui participe<br />
à l’insécurité.<br />
- Ainsi je m’interroge sur la façon dont<br />
le directeur assure son lea<strong>de</strong>rship actuel,<br />
même et surtout, parce qu’il est évi<strong>de</strong>mment<br />
lui aussi profondément touché<br />
par ce qui nous arrive. La gentillesse,<br />
le respect dans les relations<br />
individualisées, les bonnes idées <strong>de</strong> rencontres<br />
plus fréquentes et conviviales<br />
autour d’un buffet, bien que très utiles<br />
et appréciables, ne suffisent pas à déterminer<br />
une politique claire et ne peuvent<br />
se passer d’un rappel au respect <strong>de</strong><br />
certaines règles, si possible négociées.<br />
Mais cette façon d’exercer, ce lea<strong>de</strong>rship<br />
doit avoir une réciprocité dans<br />
l’encadrement, dans nos services et<br />
pour les mé<strong>de</strong>cins. Quand je travaillais<br />
au Canada en 1973-1974, chaque<br />
année, en même temps que je <strong>de</strong>vais<br />
évaluer les agents, il était institué que,<br />
eux aussi m’évaluaient et je trouve ça<br />
très bien.<br />
- Parler aussi <strong>de</strong> nos rapports avec nos<br />
Tutelles, DDASS, DRASS, ARH. De<br />
grands absents ? Certes, elles ont leurs<br />
propres difficultés, avec un Etat qui<br />
n’est pas forcément clair dans ses directives.<br />
Certes, elles ont aussi un manque<br />
<strong>de</strong> moyens pour fonctionner. Certes,<br />
elles ont un rôle difficile, un pied<br />
<strong>de</strong>dans pour la collaboration et un pied<br />
<strong>de</strong>hors pour l’arbitrage. Une contradiction<br />
pas toujours facile à gérer. Pour<br />
autant, il ne faudrait pas confondre<br />
l’hôpital et l’armée, ou alors j’aurais<br />
souhaité qu’on me le dise avant. Mais<br />
là encore, c’est peut-être encore notre<br />
façon <strong>de</strong> nous comporter avec eux qui<br />
ne les ai<strong>de</strong> pas assez. Nous avons peutêtre<br />
trop accepté <strong>de</strong> parler leur langage<br />
<strong>de</strong> gestion sans contrepartie au<br />
niveau <strong>de</strong> la valorisation <strong>de</strong> nos savoirfaire<br />
cliniques. Nous n’avons, peut-être,<br />
pas su les intéresser ? Et puis, pourquoi<br />
leur en vouloir quand on a le sentiment<br />
qu’au fond ils n’y connaissent<br />
peut-être pas grand chose à ce que l’on<br />
fait. On ne peut pas tout savoir ? J’attends<br />
d’eux aussi qu’ils aient cette<br />
mo<strong>de</strong>stie et qu’ainsi ils s’intéressent à ce<br />
que nous faisons. Comment expliquer<br />
un rapport effectué il y a quatre ans à<br />
leur adresse, pour signaler l’état <strong>de</strong> dif-<br />
ficultés et d’épuisement <strong>de</strong> mon service,<br />
sans jamais n’avoir eu aucune<br />
réponse nette ? Même pas un accusé<br />
<strong>de</strong> réception. Je n’accepte pas cela.<br />
Quand on parle autant <strong>de</strong> réseau, c’est<br />
quelque chose qui vous absorbe. Il n’y<br />
a pas, d’un côté, ceux qui font du<br />
réseau et <strong>de</strong> l’autre les déci<strong>de</strong>urs extérieurs.<br />
Le réseau c’est la rencontre jugée<br />
utile, après-coup, par tous ceux qui la<br />
fon<strong>de</strong>nt, c’est la capacité à gérer les<br />
désaccords, c’est un peu plus d’horizontal<br />
au détriment du pyramidal.<br />
- Poser la question <strong>de</strong>s rapports avec la<br />
direction <strong>de</strong>s soins, les mé<strong>de</strong>cins, la triangulation<br />
avec l’encadrement.<br />
Il est juste que le corps professionnel<br />
infirmier, progressivement définisse<br />
mieux son i<strong>de</strong>ntité et son autonomie.<br />
L’encadrement supérieur l’a traduit en<br />
termes <strong>de</strong> rapports <strong>de</strong> pouvoir <strong>de</strong> façon<br />
assez juste pour se dégager <strong>de</strong> la dépendance<br />
aux mé<strong>de</strong>cins, se dégager contre<br />
les inégalités <strong>de</strong> traitement possible<br />
d’un mé<strong>de</strong>cin chef jugé omni-puissant,<br />
pour ne pas parler <strong>de</strong> la métho<strong>de</strong> du<br />
« droit <strong>de</strong> cuissage » pour les promotions.<br />
Il y a peut-être encore trop <strong>de</strong><br />
mépris <strong>de</strong>s mé<strong>de</strong>cins à l’égard du collectif<br />
infirmier et une insuffisante reconnaissance<br />
<strong>de</strong> leur fonction thérapeutique<br />
authentique.<br />
Mais fallait-il et je le dis dans mes<br />
moments <strong>de</strong> colère, pour autant chercher<br />
à « caporaliser l’encadrement »,<br />
favoriser ce changement radical où il ne<br />
faut surtout plus nommer <strong>de</strong>s cadres en<br />
fonction <strong>de</strong> leur bonne connaissance<br />
<strong>de</strong> la clinique et du soin ? Je <strong>de</strong>man<strong>de</strong><br />
<strong>de</strong>puis toujours, aux cadres avec lesquels<br />
je travaille, <strong>de</strong> gar<strong>de</strong>r au moins<br />
10 % <strong>de</strong> leur activité dans la clinique.<br />
Fallait-il, pour autant, décourager toutes<br />
sortes d’infirmiers <strong>de</strong> qualité <strong>de</strong> postuler<br />
à l’encadrement du fait <strong>de</strong> ce nouveau<br />
modèle, qui les rebute ? Puisque<br />
la première chose qu’on leur dit en<br />
école <strong>de</strong>s cadres est d’oublier le soin<br />
et la clinique. Travailler au changement<br />
dans la thérapeutique, travailler au<br />
changement dans la vie collective, travailler<br />
au management, est-ce souvent<br />
si différent ?<br />
Fallait-il, pour autant, pour gagner la<br />
paix sociale, favoriser la nomination <strong>de</strong><br />
représentants syndicaux à cette fonction<br />
? Surtout si ce critère paraît déterminant<br />
?<br />
A qui doit aller, en priorité, la loyauté<br />
<strong>de</strong>s cadres ? Aux clients, à son équipe,<br />
à son service, aux mé<strong>de</strong>cins, au<br />
Directeur <strong>de</strong>s soins ? En même temps,<br />
je reconnais bien volontiers, que le<br />
choix d’un futur cadre n’est pas un problème<br />
forcément facile. On se trompe<br />
souvent. Pour autant, faut-il se refuser<br />
une réflexion collective approfondie<br />
et loyale à ce niveau. L’enjeu en est<br />
bien la qualité <strong>de</strong>s soins. J’ai entendu<br />
dire que l’encadrement parlait peu. Ils<br />
sont peut-être trop coincés entre un<br />
marteau et l’enclume. Et puis, il faut<br />
se le rappeler, pour que les gens parlent<br />
il faut se taire et les écouter.<br />
- Comment réguler, gérer mieux la responsabilité<br />
et la fonction médicale avec<br />
ou sans pôle ? Comment reconnaître<br />
nos insuffisantes élaborations ? notre<br />
insuffisance capacité d’expliciter ce que<br />
nous faisons, notre insuffisant intérêt<br />
réciproque, notre manque <strong>de</strong> métho<strong>de</strong><br />
? (exemple : fonctionnement du<br />
collège médical). On ne peut pas passer<br />
notre temps à palabrer, même si<br />
ce temps est aussi nécessaire. Est-ce<br />
que chaque service a bien défini son<br />
tour d’astreinte médicale ? L’a-t-il bien<br />
officialisé ? Est-ce que chaque mé<strong>de</strong>cin<br />
a et prend le temps d’expliciter ses<br />
orientations <strong>de</strong> soins à son équipe ?<br />
- Il y a la nécessité <strong>de</strong> gérer nos conflits<br />
doctrinaux, <strong>de</strong> les réguler. On voit bien<br />
la crise actuelle avec l’USSI ; les tensions<br />
régulières dont parle le SAAU<br />
avec les services, les interfaces du SAS<br />
avec les services adultes, la question<br />
<strong>de</strong> la démence et <strong>de</strong> l’entrée en gérontopsychiatrie,<br />
même si c’est rare.<br />
- Je voudrais dire aussi à mes collègues,<br />
y compris aux responsables <strong>de</strong> pôles<br />
qui reconnaissent ne pas ouvrir leur<br />
ordinateur, et ne pas être au courant<br />
<strong>de</strong>s infos que nous essayons <strong>de</strong> partager,<br />
que je ressens leur position comme<br />
du mépris à l’encontre <strong>de</strong> ceux qu’ils<br />
ont élus et qui tentent <strong>de</strong> partager l’information.<br />
S’engager à être responsable<br />
<strong>de</strong> pôle c’est s’engager à jouer un rôle<br />
collectif. Cela peut paraître un détail,<br />
mais il y a <strong>de</strong>s détails qui par moment<br />
<strong>de</strong>viennent tellement symptomatiques.<br />
Symptomatiques <strong>de</strong> désengagement ?<br />
Symptomatiques d’une stratégie <strong>de</strong> la<br />
chaise vi<strong>de</strong>. J’ai bien connu cela durant<br />
l’élaboration du projet Gérontopsychiatrique.<br />
Manager un service c’est<br />
aussi un métier. Ça prend du temps,<br />
<strong>de</strong>s apprentissages, <strong>de</strong>s compétences<br />
et nous <strong>de</strong>vons être évalués à ce<br />
niveau.<br />
- J’ai déjà, à plusieurs reprises, dit qu’il<br />
faudrait enfin que l’on puisse se rencontrer<br />
avec d’autres soignants sur autre<br />
chose qu’un débat sur les moyens à<br />
ne pas se partager, mais s’ouvrir sur le<br />
travail clinique, qui est notre « poire »<br />
pour la soif et notre espace <strong>de</strong> créativité.<br />
C’est le pôle investissement et<br />
recherche <strong>de</strong> notre hôpital. Pourquoi<br />
ne pas utiliser, si ils en sont d’accords,<br />
les réunions avec les praticiens en formation,<br />
pour une analyse large et collective<br />
<strong>de</strong>s situations difficiles où nous<br />
sommes si souvent seuls ? Pourquoi<br />
ne pas, régulièrement, faire circuler<br />
nos publications, nos intérêts, nos synthèses<br />
et prévoir une fois par an, une<br />
journée d’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> présentation collective<br />
?<br />
J’aurai aimé parler aussi <strong>de</strong>s problèmes<br />
budgétaires et <strong>de</strong> ce rapport<br />
qui nous a été adressé vers<br />
Juillet, dont tout le mon<strong>de</strong> a constaté<br />
qu’il était un tissu d’erreurs. Il<br />
nous a beaucoup inquiété. Il nous a<br />
révolté. Comment quelques uns<br />
vont déci<strong>de</strong>r pour nous, à partir <strong>de</strong><br />
tant d’erreurs ? Comment est-il possible<br />
que les services administratifs<br />
sachent si peu <strong>de</strong> choses sur ce que<br />
l’on fait ?<br />
J’attends toujours <strong>de</strong> savoir qui est responsable<br />
<strong>de</strong> cela. Nous, les mé<strong>de</strong>cins,<br />
si nous faisons <strong>de</strong> grosses bêtises avec<br />
nos mala<strong>de</strong>s, nous avons le risque <strong>de</strong> la<br />
plainte. Vous, le ou les directeurs,<br />
quand vous laissez publier <strong>de</strong> telles<br />
bêtises, que risquez-vous ? J’attendais,<br />
après cela, quelques mots <strong>de</strong> regrets ;<br />
sans aller jusqu’aux excuses. Comment<br />
faire pour que cela ne recommence<br />
pas ? Je ne peux accepter que l’on me<br />
dise que c’est une technique <strong>de</strong> communication<br />
voulue pour nous faire<br />
réagir, une sorte d’électrochoc qui aurait<br />
eu son effet. Certes, certains, nous ont<br />
dit, <strong>de</strong>puis quelques années que nous<br />
allions dans le mur, nous avons été<br />
sourds ? Et/ou ils n’ont pas su nous<br />
convaincre ? Ou, l’ont fait trop mo<strong>de</strong>stement,<br />
sans y mettre véritablement<br />
<strong>de</strong> l’énergie ?<br />
Il y aurait tant d’autres choses à<br />
évoquer : les rapports psychologuesmé<strong>de</strong>cins,<br />
une meilleure utilisation<br />
<strong>de</strong> la formation continue, une évaluation<br />
qualitative du soin et un<br />
droit à l’expérimentation, la place<br />
du transfert <strong>de</strong>s compétences dans<br />
cette pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> pénurie, l’articulation<br />
avec la pharmacie, etc..<br />
Alors c’est quoi faire autorité ? C’est<br />
je crois, être capable <strong>de</strong> conjuguer différents<br />
niveaux :<br />
1°) Respecter et faire fonctionner ce<br />
qui est régi par la loi, comme les Instances<br />
déjà définies.<br />
2°) Mettre en place <strong>de</strong>s structures <strong>de</strong><br />
concertation permanente qui signifient<br />
analogiquement le type <strong>de</strong> liens et <strong>de</strong><br />
gouvernance que nous voulons. A peu<br />
<strong>de</strong> choses près, tous les thèmes <strong>de</strong> l’hôpital<br />
nous intéressent tous. Presque rien<br />
ne doit rester dans le secret. Il faut systématiquement<br />
regrouper les forces en<br />
présence : les syndicats, la direction,<br />
les cadres, les mé<strong>de</strong>cins, que j’appelle<br />
structure <strong>de</strong> crise pour le moment,<br />
commission adhoc, <strong>de</strong> façon que nos<br />
actes aient bien cette légitimité et ce<br />
label <strong>de</strong> notre i<strong>de</strong>ntité collective. Cela<br />
peut se décliner bien sûr pour le projet<br />
médical, pour les dimensions stratégiques,<br />
pour la régulation <strong>de</strong>s conflits et<br />
ça manque énormément dans nos<br />
hôpitaux. Faut-il toujours attendre le<br />
disciplinaire pour agir et prévenir ? Je<br />
rêve d’un « groupe <strong>de</strong> sages » réduit à 5<br />
ou 6 personnes, élu chaque année par<br />
les différentes composantes <strong>de</strong> l’hôpital,<br />
saisi pour les conflits, pour mettre <strong>de</strong>s<br />
mots sur les conflits, pour enrichir les<br />
visions possibles, pour complexifier,<br />
pour empêcher la désignation facile,<br />
somme toute pour relativiser, faciliter<br />
les choix, y compris si rien ne se résout,<br />
pour ai<strong>de</strong>r les instances officielles disciplinaires<br />
à trancher. Mieux définir la<br />
pratique <strong>de</strong> l’information dans cet hôpital,<br />
avec le formidable outil Intranet, y<br />
mettre une synthèse <strong>de</strong>s conseils <strong>de</strong><br />
service, <strong>de</strong>s projets <strong>de</strong> service, <strong>de</strong>s dif-<br />
LIVRES ET REVUES<br />
TÉMOIGNAGE ■ 15<br />
Les constructions <strong>de</strong> l’intolérable<br />
Étu<strong>de</strong>s d’anthropologie et d’histoire sur les frontières <strong>de</strong> l’espace<br />
moral<br />
Sous la direction <strong>de</strong> Didier Fassin et Patrice Bour<strong>de</strong>lais<br />
Collection Recherches<br />
La Découverte, 26,50 €<br />
Torture, abus sexuels, traite <strong>de</strong>s personnes, esclavage, crimes <strong>de</strong> guerre génoci<strong>de</strong>s<br />
: les figures <strong>de</strong> l’intolérable se sont multipliées jusqu’à saturer l’espace public<br />
<strong>de</strong> faits socialement réprouvés et juridiquement sanctionnés. Ce que l’on<br />
affirme ainsi injustifiable est vu comme un mal radical, voire absolu, comme le<br />
franchissement d’une limite. Pourtant, le regard vers un passé encore proche<br />
apprend qu’il s’agit d’une limite historiquement constituée, donc frappée <strong>de</strong><br />
relativité temporelle, et ces transgressions n’ont pas la même valeur ou la<br />
même gravité, suggérant ainsi une hiérarchie morale. A l’encontre d’une vision<br />
essentialiste <strong>de</strong>s droits <strong>de</strong> l’homme, les étu<strong>de</strong>s présentées dans ce livre ren<strong>de</strong>nt<br />
compte <strong>de</strong> la façon dont se sont formées les frontières <strong>de</strong> l’espace moral contemporain.<br />
Après avoir tracé les fon<strong>de</strong>ments anthropologiques <strong>de</strong> ce qui constitue l’intolérable<br />
<strong>de</strong>s sociétés humaines, ce livre s’attache à cette pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> basculement<br />
que représente la Révolution française. Puis les auteurs analysent certaines figures<br />
significatives <strong>de</strong> notre mo<strong>de</strong>rnité morale : le travail <strong>de</strong>s enfants et la maltraitance<br />
infantile, la gestion <strong>de</strong>s corps morts et l’empreinte psychique <strong>de</strong> la<br />
violence, le traitement différentiel <strong>de</strong>s épidémies à l’échelle planétaire. Ainsi,<br />
se <strong>de</strong>ssine une généalogie <strong>de</strong>s intolérables <strong>de</strong> notre mon<strong>de</strong>, mais aussi, en<br />
contrepoint, notre remarquable tolérance à l’égard <strong>de</strong>s inégalités et <strong>de</strong>s injustices<br />
les plus profon<strong>de</strong>s, à commencer par celles qui différencient la valeur <strong>de</strong>s<br />
vies humaines.<br />
Avec <strong>de</strong>s contributions <strong>de</strong> Jean-Pierre Dozon, Serenella Nonnis Vigilante, Richard Rechtman, Georges<br />
Vigarello et Sophie Wahnich.<br />
Que faisons-nous ensemble ?<br />
Pluriels, La lettre <strong>de</strong> la Mission Nationale d’Appui en Santé Mentale<br />
Décembre 2004-janvier 2005 n°48/49<br />
A l’âge <strong>de</strong> onze ans, à un an <strong>de</strong> son éventuel renouvellement par ses parrains,<br />
la DGS, la DHOS et, <strong>de</strong>main, la DGAS, la Mission Nationale d’Appui en Santé<br />
Mentale, réunie en séminaire à Brienne-le-Château les 20 et 21 octobre, s’est<br />
interrogée sur son avenir à la lumière <strong>de</strong> ses travaux.<br />
Elle l’a fait en sollicitant la réflexion <strong>de</strong> tous ses membres, permanents et correspondants,<br />
sur six thèmes révélateurs <strong>de</strong> la situation actuelle <strong>de</strong>s progrès et<br />
<strong>de</strong>s obstacles suscités par le changement <strong>de</strong> paradigme marqué par le passage<br />
d’une vision purement psychiatrique à un paysage ouvert sur la santé mentale<br />
: <strong>de</strong>puis le cloisonnement <strong>de</strong>s aspects médicaux, médico-sociaux et sociaux,<br />
jusqu’à <strong>de</strong>s interactions organisées <strong>de</strong> ces trois secteurs.<br />
Elle l’a fait à sa manière plurielle et franche, confrontant entre ses membres<br />
<strong>de</strong>s positions diverses et critiques, soucieuse <strong>de</strong> se servir <strong>de</strong>s divergences comme<br />
<strong>de</strong> tremplins pour poursuivre les chemins du changement.<br />
Après une brève introduction <strong>de</strong> Christian Bonal en forme <strong>de</strong> souhait pour l’avenir,<br />
les six thèmes proposés ont été mis en discussion.<br />
- Sur le premier, « l’évolution <strong>de</strong> l’ambulatoire », sont intervenus un mé<strong>de</strong>cin, Catherine<br />
Isserlis ; <strong>de</strong>ux cadres socio-éducatifs, Monique Lips et Sarah Saragoussi<br />
et un directeur <strong>de</strong>s soins, Patrick Desombre.<br />
- Sur le second, « le décloisonnement <strong>de</strong>s dispositifs », trois mé<strong>de</strong>cins, Claire Bourdais-Mannone<br />
(DIM), Gérard Bourcier et Dominique Provost ; un directeur d’hôpital,<br />
Daniel Brandého ; un permanent <strong>de</strong> la MNASM, Carole Festa, et le Docteur<br />
Martine Barrès <strong>de</strong> la DGAS.<br />
- Sur le troisième, « l’évolution <strong>de</strong>s fonctions », un cadre socio-éducatif, Jacques<br />
Houver, et trois mé<strong>de</strong>cins, Marie-Christine Cabié, François Bridier et Frédéric Pochard.<br />
- Sur le quatrième « l’évaluation <strong>de</strong>s besoins » <strong>de</strong>ux mé<strong>de</strong>cins, Clau<strong>de</strong> Marescaux,<br />
Gaétan Wagenaar (DIM), et une directrice <strong>de</strong>s soins, Nicole Chavallard ; le Docteur<br />
Michel Gentile <strong>de</strong> la DHOS et Carole Festa.<br />
- Sur le cinquième, « la MNASM et les pouvoirs publics », <strong>de</strong>ux mé<strong>de</strong>cins, Dominique<br />
Arnaud et Bernard Durand.<br />
- Sur le sixième, « Que fait-on ensemble ? », <strong>de</strong>ux mé<strong>de</strong>cins, Pierre Caillault et Anne-<br />
Marie Garnier, et un directeur <strong>de</strong>s soins, Jean-Jacques Moitié.<br />
Gérard Massé a proposé une synthèse du séminaire.<br />
On trouve les numéros <strong>de</strong> Pluriels sur le site : www.mnasm.com<br />
ficultés <strong>de</strong>s services, <strong>de</strong> toutes les productions<br />
institutionnelles.<br />
Pour conclure, sans conclure : il faut<br />
promouvoir une gouvernance qui ne<br />
soit pas figée et qui prenne une forme<br />
où les espaces et les actions <strong>de</strong> créativité<br />
soient reconnus. Ne nous plaignons<br />
pas trop, agissons, amplifions la concertation,<br />
obtenons la mission d’appui,<br />
créons la commission adhoc, balayons<br />
<strong>de</strong>vant notre porte, faisons autorité au<br />
nom <strong>de</strong> la qualité. Nous avons un<br />
métier que je crois formidable. Nous<br />
sommes vivants. Ce positionnement<br />
aujourd’hui avec un peu plus <strong>de</strong> force,<br />
j’ai le sentiment que je le dois aussi à<br />
Chantal et Lucette qui ne sont plus. ■<br />
Dr Philippe Guillaumot*<br />
*Département <strong>de</strong> Gérontopsychiatrie, Centre<br />
Hospitalier <strong>de</strong>s Pyrénées.
16<br />
LIVRES<br />
■ THÉRAPEUTIQUE<br />
Dans le dédale <strong>de</strong>s<br />
thérapies familiales<br />
Un manuel systémique<br />
Muriel Meynckens-Fourez<br />
Marie-Cécile Henriquet-Duhamel<br />
Préface d’Edith Tilmans-Ostyn<br />
Erès, 23 €<br />
Du fait <strong>de</strong> la complexité croissante<br />
du mouvement systémique et <strong>de</strong>s<br />
thérapies familiales, ce livre propose<br />
<strong>de</strong>s repères théoriques illustrés par<br />
la pratique <strong>de</strong>s auteurs. Conçu comme<br />
un manuel didactique, il permet <strong>de</strong><br />
découvrir différents modèles <strong>de</strong> thérapie<br />
familiale en mettant en évi<strong>de</strong>nce<br />
leurs idées maîtresses et leur<br />
application dans divers contextes.<br />
Ainsi sont explorées les approches<br />
<strong>de</strong> Salvador Minuchin, <strong>de</strong> Jay Haley,<br />
<strong>de</strong> Mara Selvini-Palazzoli et <strong>de</strong> l’école<br />
<strong>de</strong> Milan, <strong>de</strong> l’école <strong>de</strong> Rome, <strong>de</strong> Murray<br />
Bowen, <strong>de</strong> Boszormenyi-Nagy,<br />
<strong>de</strong> Carl Whitaker, <strong>de</strong> Steve <strong>de</strong> Shazer<br />
et <strong>de</strong>s thérapies brèves, ainsi que<br />
les développements récents liés au<br />
constructivisme et au constructionnisme<br />
social. Dans chaque cas, six<br />
rubriques sont développées : les<br />
concepts-clés ; sur quoi porte l’observation<br />
? comment le problème estil<br />
défini ? l’objectif <strong>de</strong> l’intervention<br />
ou <strong>de</strong> la thérapie ; les outils utilisés ;<br />
la position <strong>de</strong> l’intervenant ou du thérapeute.<br />
Des illustrations issues <strong>de</strong><br />
différents champs professionnels montrent<br />
le cheminement <strong>de</strong> thérapeutes<br />
engagés auprès d’usagers à partir <strong>de</strong><br />
fonctions et <strong>de</strong> mandats multiples.<br />
Dépendance à la nicotine<br />
Critique d’une théorie<br />
Les Belles Lettres, 25 €<br />
Si la dépendance au tabac est un phénomène<br />
reconnu, la nicotine est-elle<br />
pour autant la substance responsable<br />
<strong>de</strong> cette dépendance ? Traduit <strong>de</strong> l’anglais,<br />
cet ouvrage entreprend <strong>de</strong> montrer,<br />
sans présupposer <strong>de</strong> connaissances<br />
spécifiques chez le lecteur,<br />
l’invalidité <strong>de</strong> la thèse répandue du<br />
caractère addictif <strong>de</strong> la nicotine en la<br />
confrontant aux démonstrations expérimentales<br />
qui préten<strong>de</strong>nt l’établir,<br />
même si ce n’est pas « politiquement<br />
correct », exposant les erreurs méthodologiques,<br />
les biais d’interprétation<br />
et le rôle néfaste du principe d’autorité<br />
qui ont conduit à l’affirmation<br />
<strong>de</strong> cette thèse. Le livre n’est pas, pour<br />
autant, un encouragement à fumer,<br />
soulignent les auteurs. Il est préfacé<br />
par le Pr Robert Molimard du Centre<br />
<strong>de</strong> tabacologie Paul-Guiraud <strong>de</strong> Villejuif,<br />
qui dit avoir retrouvé dans cet<br />
ouvrage ses « propres doutes ».<br />
Psychologie <strong>de</strong> la Mémoire<br />
Histoire, théories, expériences<br />
Alain Lieury<br />
Dunod, 28 €<br />
Contrairement à d’autres chercheurs<br />
spécialistes <strong>de</strong> la mémoire, comme<br />
l’Anglais Alan Bad<strong>de</strong>ley, qui a consacré<br />
sa carrière à la mémoire <strong>de</strong> travail,<br />
le Canadien En<strong>de</strong>l Tulving qui<br />
s’est surtout intéressé aux mécanismes<br />
<strong>de</strong> récupération et à la mémoire épisodique,<br />
ou à Allan Paivio dont le<br />
nom seul évoque l’image, l’intérêt<br />
d’Alain Lieury, qui est professeur <strong>de</strong><br />
psychologie cognitive à l’Université<br />
Rennes 2, pour la mémoire est éclectique,<br />
et ce livre reflète cette diversité.<br />
Le lecteur y trouvera les mécanismes<br />
fondamentaux, l’architecture<br />
modulaire, le fonctionnement associatif<br />
et organisé <strong>de</strong> la mémoire et<br />
les processus <strong>de</strong> récupération. Sont<br />
traitées également d’autres questions :<br />
la mémoire <strong>de</strong>s visages, les mémoires<br />
prodigieuses, la mémoire <strong>de</strong>s grands<br />
joueurs d’échecs, les souvenirs anciens,<br />
le vieillissement <strong>de</strong> la mémoire,<br />
sans oublier l’historique.<br />
Observance, adhésion<br />
et contexte<br />
environnemental<br />
L’adhésion du patient au traitement<br />
qui lui est prescrit n’est pas une problématique<br />
nouvelle. Elle a été maintes<br />
fois évoquée à propos <strong>de</strong>s maladies<br />
chroniques ou <strong>de</strong>s essais thérapeutiques.<br />
Mais elle semble avoir gagné<br />
en actualité et en urgence dans le cadre<br />
<strong>de</strong> la prise en charge <strong>de</strong>s sujets atteints<br />
<strong>de</strong> schizophrénie. L’importance qui lui<br />
est donnée dans ce contexte est d’autant<br />
plus justifiée qu’elle met en jeu le<br />
pronostic clinique, socioprofessionnel et<br />
vital <strong>de</strong> l’individu (Conley et Kelly,<br />
2001). Une adhésion relative peut avoir<br />
<strong>de</strong>s conséquences désastreuses : dans<br />
certains cas, un <strong>de</strong>mi-traitement peut<br />
être pire qu’une absence totale <strong>de</strong> traitement<br />
(exemple <strong>de</strong> certains neuroleptiques<br />
atypiques aux effets désinhibiteurs<br />
à <strong>de</strong> faibles posologies) (Stahl,<br />
1999). Ce constat est différent <strong>de</strong> celui<br />
que l’on peut faire pour la plupart <strong>de</strong>s<br />
autres maladies chroniques, où <strong>de</strong>s<br />
médicaments pris à une dose inférieure<br />
valent, malgré tout, mieux que rien.<br />
Il apparaît ici important <strong>de</strong> souligner<br />
les problèmes liés à la représentation<br />
que les sujets se font <strong>de</strong> leur maladie,<br />
ainsi que ceux liés aux inévitables préjugés<br />
vis-à-vis <strong>de</strong>s psychotropes. Mais<br />
ces problèmes ne sont pas faciles à<br />
mettre en évi<strong>de</strong>nce, alors qu’ils doivent<br />
absolument être pris en compte<br />
dans la décision d’instaurer un traitement<br />
(Garavan et al., 1998 ; Courtet,<br />
2001). Les patients, en effet, ne parlent<br />
pas volontiers <strong>de</strong> leurs convictions ;<br />
ils les évoquent d’autant moins qu’elles<br />
pourraient se trouver en porte à faux<br />
par rapport à l’approche scientifique.<br />
Ainsi, nous citerons le cas d’un sujet<br />
hypochondriaque profondément<br />
convaincu que la médication allait provoquer<br />
une réaction <strong>de</strong> rejet <strong>de</strong> la part<br />
<strong>de</strong> son organisme, et que la prise <strong>de</strong>s<br />
comprimés entraînerait <strong>de</strong> fait une allergie<br />
massive éventuellement léthale.<br />
Incapable d’exprimer cette angoisse<br />
envahissante, il ne communiquait quasiment<br />
pas et faisait mine <strong>de</strong> prendre<br />
son traitement avant <strong>de</strong> le recracher à<br />
l’insu <strong>de</strong> l’équipe soignante.<br />
Il nous arrive également d’être confronté,<br />
dans un contexte similaire, à une<br />
idéologie « écolotoxicomane », qui<br />
consiste à refuser systématiquement<br />
tout ce qui est artificiel, chimique<br />
(Leong et Silva, 1988). Une telle idéologie<br />
est particulièrement prégnante<br />
chez les personnes qui, à un moment<br />
<strong>de</strong> leur vie, ont abusé <strong>de</strong> substances<br />
illicites (Palazzolo et al., 2002). Ainsi,<br />
une étu<strong>de</strong> prospective réalisée par Baumann<br />
et al. (2001) a permis <strong>de</strong> mettre<br />
en exergue le fait que les usagers <strong>de</strong><br />
drogues prennent plus <strong>de</strong> temps avant<br />
<strong>de</strong> se déci<strong>de</strong>r à accepter un traitement<br />
antipsychotique ou antidépresseur sur<br />
le long cours.<br />
Il existe, par ailleurs, <strong>de</strong>s problèmes<br />
d’observance liés au style <strong>de</strong> vie du<br />
sujet (Bobes et al., 1998). Ainsi, il est<br />
aisé <strong>de</strong> concevoir que la prise <strong>de</strong> midi<br />
pose souvent <strong>de</strong> gros problèmes aux<br />
personnes qui travaillent. Dans la plu-<br />
Au moins 40% <strong>de</strong>s patients n’ont pas vu <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cin<br />
dans les trois mois suivant la prescription d'un<br />
antidépresseur ISRS en Rhône-Alpes<br />
Il a été montré que, au moins, 40% <strong>de</strong>s patients n'ont vu ni mé<strong>de</strong>cin généraliste<br />
ni psychiatre dans les trois mois suivant la délivrance unique d'un antidépresseur<br />
<strong>de</strong> la classe <strong>de</strong>s inhibiteurs sélectifs <strong>de</strong> la recapture <strong>de</strong> la sérotonine<br />
(ISRS), par une étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> l'Union régionale <strong>de</strong>s caisses d'assurance<br />
maladie (Urcam) <strong>de</strong> Rhône-Alpes.<br />
L'Urcam s'inquiète <strong>de</strong> ces résultats puisqu’« un rythme <strong>de</strong> consultation au<br />
moins hebdomadaire est souvent nécessaire pendant les premières semaines et<br />
que le traitement doit être réévalué après 4 à 8 semaines ».<br />
Dans cette étu<strong>de</strong> publiée sur le site internet <strong>de</strong> la CNAM, les auteurs expliquent<br />
avoir voulu évaluer l'écart entre la pratique et les recommandations<br />
émises, en 2002, par l’Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en<br />
santé (Anaes) sur la prise en charge d'un épiso<strong>de</strong> dépressif isolé <strong>de</strong> l'adulte.<br />
Les antidépresseurs ont généré en 2002 en Rhône-alpes pour le régime général<br />
(hors sections locales mutualistes) et l'assurance maladie <strong>de</strong>s professions<br />
indépendantes, une dépense <strong>de</strong> 47 millions d'euros dont 68% dus aux cinq<br />
ISRS citalopram (Seropram ® , Lundbeck), fluoxétine (Prozac ® , Lilly et génériques),<br />
fluvoxamine (Floxyfral ® , Solvay), paroxétine (Deroxat ® , GSK) et sertraline<br />
(Zoloft ® , Pfizer).<br />
L'étu<strong>de</strong> a porté sur 154.937 patients <strong>de</strong> plus <strong>de</strong> 20 ans dont le traitement a<br />
débuté et s'est terminé entre le 1er avril 2001 et le 31 mars 2003. Parmi<br />
eux, 58% ont reçu une délivrance unique d’ISRS, prescrit à 92% par un mé<strong>de</strong>cin<br />
généraliste. Chez ces patients, 23% ont consulté le mé<strong>de</strong>cin qui leur<br />
a prescrit l'antidépresseur dans les trois mois suivant la délivrance et 37% ont<br />
vu un généraliste ou un psychiatre autre que le prescripteur initial. Parmi les<br />
42% ayant bénéficié <strong>de</strong> plusieurs délivrances d’ISRS, 71,5% (45.999 patients)<br />
ont eu un traitement continu, entre <strong>de</strong>ux et cinq mois pour 34.412 et entre<br />
six et dix-sept mois pour 11.587. Enfin, 18.344 patients ont reçu, en moyenne,<br />
4,5 délivrances au cours <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux années d'étu<strong>de</strong>, ne permettant pas un traitement<br />
continu.<br />
Malgré les limites <strong>de</strong> cette étu<strong>de</strong>, les auteurs estiment que le nombre <strong>de</strong> patients<br />
traités sur une durée trop courte « ne peut être que sous-estimé ». En<br />
outre, les autres indications <strong>de</strong>s ISRS, attaques <strong>de</strong> panique, troubles obsessionnels<br />
compulsifs, anxiété généralisée, spécifient que le traitement est également<br />
<strong>de</strong> plusieurs mois, ce qui « n'explique donc pas l'importance <strong>de</strong>s délivrances<br />
uniques ».<br />
Le relais par un autre antidépresseur d'une autre classe lorsque l'ISRS ne<br />
donne pas <strong>de</strong> réponse ou une réponse incomplète après un à <strong>de</strong>ux mois <strong>de</strong><br />
traitement ne permet pas, non plus, d’expliquer ce taux important <strong>de</strong> délivrances<br />
uniques puisqu'il n'a été observé que dans 8% <strong>de</strong>s cas.<br />
Enfin, l'étu<strong>de</strong> a mis en évi<strong>de</strong>nce l'association, dans un cas sur trois, d'un anxiolytique<br />
avec la délivrance unique d'un ISRS. Or, « il n'y a pas lieu d'associer<br />
systématiquement en début <strong>de</strong> traitement » un anxiolytique à un antidépresseur.<br />
Ces résultats montrent la nécessité <strong>de</strong> conduire « une étu<strong>de</strong> médicalisée plus<br />
approfondie sur les indications et les motifs d'abandon chez ces personnes traités<br />
insuffisamment longtemps : indication mal posée, accompagnement insuffisant<br />
ou mauvaise observance ». ■<br />
F.C.<br />
Les ISRS chez l’adulte : les traitements courts, 5 pages, disponible sur www.ameli.fr<br />
De l’observance médicamenteuse<br />
à l’adhésion au traitement<br />
Deuxième partie<br />
part <strong>de</strong>s cas, il suffit d’éliminer cette<br />
prise, dans la mesure du possible, pour<br />
que l’adhésion au traitement re<strong>de</strong>vienne<br />
tout à fait satisfaisante. Il faut, en<br />
outre, prendre en considération le fait<br />
que l’absorption pluriquotidienne d’un<br />
psychotrope vient rappeler plusieurs<br />
fois par jour la réalité <strong>de</strong> la maladie<br />
mentale...<br />
Enfin, les effets secondaires peuvent<br />
perturber le bon suivi <strong>de</strong> la médication.<br />
C’est, par exemple, le cas <strong>de</strong> certaines<br />
prises <strong>de</strong> poids importantes chez<br />
<strong>de</strong>s mala<strong>de</strong>s sous antipsychotique (Wirshing<br />
et al., 1999 ; Rosenheck et al.,<br />
2000). Alors que certaines personnes<br />
n’y attachent pas d’importance, d’autres,<br />
plus sensibles à leur aspect physique,<br />
vivent mal cette agression concernant<br />
leur esthétique corporelle. Mais il leur<br />
est, par ailleurs, difficile d’exprimer leurs<br />
réticences à l’égard d’un médicament<br />
qui leur permet <strong>de</strong> ne plus entendre<br />
<strong>de</strong> voix...<br />
Même si l’on se réfère, uniquement,<br />
aux patients qui ont décidé <strong>de</strong> suivre<br />
correctement leur traitement et qui ont<br />
intégré à leur décision tout le savoir et<br />
la réflexion nécessaires, les problèmes<br />
d’adhésion restent, malgré tout, fréquents.<br />
Les difficultés majeures sont<br />
liées aux prises quotidiennes multiples<br />
et aux horaires à respecter par rapport<br />
aux repas ou au coucher (Claxton et<br />
al., 2001). La prescription <strong>de</strong> plusieurs<br />
comprimés toutes les quatre heures est<br />
extrêmement difficile à suivre (exemple<br />
<strong>de</strong> certaines ordonnances pouvant<br />
comporter plusieurs médicaments à<br />
8h, 12h, 16h, 20h et 22 heures). Comment<br />
s’adapter à un rythme d’une<br />
pareille régularité ? Ce processus est<br />
particulièrement problématique pour<br />
les personnes qui mènent une vie irrégulière...<br />
Par ailleurs, une mauvaise<br />
compréhension <strong>de</strong>s consignes peut également<br />
jouer un rôle perturbateur.<br />
Comment, par exemple, s’y retrouver<br />
quand on en est au cinquième changement<br />
<strong>de</strong> traitement ? Les confusions<br />
sont pour le moins légitimes, et il est<br />
indispensable <strong>de</strong> prêter la plus gran<strong>de</strong><br />
attention à ce risque, ce qui implique<br />
une information adéquate du patient et<br />
une gran<strong>de</strong> vigilance quant à la qualité<br />
rédactionnelle <strong>de</strong>s ordonnances et à la<br />
bonne collaboration du pharmacien<br />
(Goff, 2001 ; Lingam et Scott, 2002).<br />
Comme nous l’avons souligné plus<br />
haut, il est important d’évaluer la représentation<br />
que le patient se fait <strong>de</strong> sa<br />
maladie et du traitement proposé<br />
(Chung et al., 1997). Mais il ne s’agit<br />
pas là d’une tâche facile. Le praticien<br />
doit s’efforcer d’évaluer au mieux les<br />
paramètres d’ordre personnel ou social<br />
susceptibles d’influencer l’adhésion au<br />
traitement, mais il existe d’inévitables<br />
éléments qui lui échappent ou qui<br />
seront i<strong>de</strong>ntifiés ultérieurement. Dans<br />
ce contexte, la qualité <strong>de</strong> la relation<br />
qui s’instaure entre le mé<strong>de</strong>cin et le<br />
patient joue un rôle essentiel. Aucune<br />
mesure d’autorité ne saurait, en effet,<br />
pallier un manque <strong>de</strong> confiance<br />
mutuelle, et il n’est évi<strong>de</strong>mment pas<br />
possible d’imaginer que les prises <strong>de</strong><br />
médicaments puissent se faire en présence<br />
<strong>de</strong>s soignants sur le très long<br />
terme. De nombreux auteurs préconisent<br />
à ce propos <strong>de</strong> réaliser une évaluation<br />
systématique du mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> vie,<br />
<strong>de</strong> l’activité professionnelle, du type<br />
d’horaire <strong>de</strong>s repas, <strong>de</strong>s sorties du mala<strong>de</strong><br />
(Thomas, 1997; Adams et Scott,<br />
2000). Il est également important <strong>de</strong><br />
savoir si l’entourage est informé ou<br />
non, si la personne désire réellement<br />
être traitée et si elle comprend l’utilité<br />
d’un tel traitement (Horne et al., 2001).<br />
Les objectifs <strong>de</strong> vie, la conception <strong>de</strong> la<br />
morbidité doivent aussi être pris en<br />
N°2 - TOME XVIII - MARS 2005<br />
considération (Lin et al., 1979). Enfin,<br />
il est primordial d’accor<strong>de</strong>r un temps <strong>de</strong><br />
réflexion avant l’instauration du traitement,<br />
lorsque cela est possible sur un<br />
plan clinique. Ce temps <strong>de</strong> réflexion<br />
doit permettre au patient <strong>de</strong> faire le<br />
point quant à la signification qu’il attribue<br />
aux médicaments et quant aux<br />
aspects pratiques en lien avec son quotidien.<br />
La tolérance psychologique en cas d’effets<br />
secondaires ou d’échec <strong>de</strong> la médication<br />
sera évaluée dans un <strong>de</strong>uxième<br />
temps. Le psychiatre doit, à ce propos,<br />
rester vigilant, car il est facile d’omettre<br />
l’évaluation <strong>de</strong> certains éléments à partir<br />
du moment où le patient est vu en<br />
<strong>de</strong>hors <strong>de</strong> son contexte habituel <strong>de</strong><br />
vie. Une difficulté consiste à apprécier<br />
à juste titre les croyances <strong>de</strong> l’individu<br />
au sujet <strong>de</strong> son état <strong>de</strong> santé et au sujet<br />
<strong>de</strong> la maladie mentale en elle-même<br />
(Schwartz, 1998). S’il ignore comment<br />
le mala<strong>de</strong> considère sa pathologie, le<br />
praticien peut favoriser l’émergence<br />
d’une relation conflictuelle. Certains<br />
patients sont persuadés que le psychisme,<br />
le « mental », est primordial.<br />
Ils estiment alors qu’une psychothérapie<br />
peut être mise en danger par la<br />
prise <strong>de</strong> médicaments, qu’une chimiothérapie<br />
peut rendre caduque une<br />
démarche <strong>de</strong> guérison spirituelle, que<br />
l’allopathie n’est pas compatible avec<br />
diverses mé<strong>de</strong>cines parallèles. Franchir<br />
le pas <strong>de</strong> l’absorption d’un psychotrope<br />
peut être ressenti comme une défaite<br />
et une trahison, la valeur <strong>de</strong>s autres<br />
démarches entreprises étant dans cette<br />
optique impossible à reconnaître. Il y a<br />
contradiction, alors même que les <strong>de</strong>ux<br />
mo<strong>de</strong>s d’intervention pourraient être<br />
complémentaires. Dans ce contexte,<br />
mieux vaut éviter <strong>de</strong> traiter, là encore,<br />
dans les limites imposées par l’urgence<br />
et par la gravité <strong>de</strong> la symptomatologie.<br />
Il s’agit donc ici <strong>de</strong> découvrir<br />
et d’élaborer les modalités d’une possible<br />
alliance entre croyances et traitement.<br />
Que ressent la personne ? De<br />
quoi a-t-elle peur ? Quelles expériences<br />
traumatisantes - par exemple le décès<br />
d’un proche qui prenait une médication<br />
analogue - a-t-elle vécues ? Et quelle<br />
est son envie <strong>de</strong> guérir ?... Il s’agit en<br />
tout cas d’éviter que le patient ne s’engage<br />
dans une démarche qui consisterait<br />
à accepter le traitement sans conviction,<br />
pour faire plaisir à son mé<strong>de</strong>cin<br />
psychiatre... (Mills et Spencer, 2001).<br />
Les données d’ordre social jouent également<br />
un rôle. Selon que le sujet est<br />
SDF, chômeur, cadre, intégré ou pas<br />
dans le champ socio-professionnel, les<br />
capacités d’adhésion peuvent varier.<br />
La mise en route d’un traitement psychotrope<br />
exige donc un entretien préliminaire<br />
prolongé avec le patient. La<br />
première question qu’il convient <strong>de</strong> se<br />
poser est, comme nous l’avons souligné,<br />
<strong>de</strong> savoir s’il est impératif <strong>de</strong> traiter<br />
tout <strong>de</strong> suite. Par ailleurs, il est important<br />
d’ajouter qu’en <strong>de</strong>hors d’une anosognosie<br />
massive la motivation est<br />
généralement très forte lorsque le<br />
patient ne va pas bien. Il ne faut alors<br />
pas hésiter à fournir <strong>de</strong>s informations<br />
complémentaires, répéter les entretiens<br />
et favoriser les réflexions motivationnelles<br />
(Favrod et al., 1996 ; Buchkremer<br />
et al., 1997). Il est, d’autre part,<br />
essentiel d’inciter le sujet à prendre<br />
contact avec le réseau associatif afin<br />
qu’il puisse bénéficier du soutien<br />
d’autres mala<strong>de</strong>s ou <strong>de</strong> leurs proches<br />
(Haxaire et al., 1999). Diverses étu<strong>de</strong>s<br />
rétrospectives ont été réalisées dans le<br />
but d’évaluer les raisons d’un défaut<br />
initial d’adhésion aboutissant à la nonprescription<br />
provisoire d’un traitement<br />
psychotrope (Kemp et David, 1996). Il<br />
y apparaît, en premier lieu, que l’éla-
N°2 - TOME XVIII - MARS 2005<br />
boration d’une approche pédagogique<br />
mieux adaptée, en particulier au niveau<br />
du langage, <strong>de</strong> la dynamique collaborative,<br />
<strong>de</strong> la qualité <strong>de</strong> la communication,<br />
doit être la préoccupation première<br />
<strong>de</strong>s équipes <strong>de</strong> soin, et ce afin<br />
d’optimiser la qualité <strong>de</strong> la relation soignant-soigné<br />
(Kemp et al., 1996 ; Franchini<br />
et al., 1999). Dans un tel contexte,<br />
une meilleure adhésion entraîne<br />
une meilleure inscription du patient<br />
dans le projet thérapeutique. Par<br />
ailleurs, il est important <strong>de</strong> souligner<br />
que l’accès au traitement est fonction<br />
non seulement <strong>de</strong> la capacité d’observance<br />
du mala<strong>de</strong>, mais également <strong>de</strong> la<br />
priorité que ce <strong>de</strong>rnier va donner à la<br />
prise en charge <strong>de</strong> sa pathologie. L’utilisation<br />
<strong>de</strong> comprimés pour se soigner<br />
n’est pas un concept universel... De<br />
fait, l’utilisation <strong>de</strong>s psychotropes est<br />
inégale. Une meilleure information, à la<br />
fois <strong>de</strong>s mé<strong>de</strong>cins et <strong>de</strong>s patients, est<br />
nécessaire.<br />
Selon <strong>de</strong> nombreux auteurs, une gran<strong>de</strong><br />
partie <strong>de</strong>s usagers <strong>de</strong> drogue pose<br />
problème concernant l’adhésion au traitement<br />
(Legrain et Lecomte, 1998 ;<br />
Lin<strong>de</strong>n et al, 2001). Ces sujets ont souvent<br />
<strong>de</strong>s croyances assez particulières<br />
en matière <strong>de</strong> médicaments; habitués à<br />
une certaine forme d’automédication,<br />
ils supportent difficilement les prescriptions<br />
ordonnées par une tierce personne.<br />
Ce qu’ils avalent par choix ne<br />
leur pose aucun problème, puisqu’il y<br />
a alors conformité avec leur sentiment<br />
<strong>de</strong> toute-puissance. Par contre, un psychotrope<br />
prescrit par un mé<strong>de</strong>cin est<br />
perçu comme une agression potentielle,<br />
une menace, voire un poison. Cette<br />
attitu<strong>de</strong> paradoxale, irrationnelle, a souvent<br />
pour finalité un refus massif du<br />
traitement, et il reste encore <strong>de</strong> nombreuses<br />
réflexions à entreprendre afin<br />
<strong>de</strong> mieux définir <strong>de</strong>s démarches éventuellement<br />
susceptibles <strong>de</strong> remédier,<br />
au moins partiellement, à cette situation.<br />
Représentation <strong>de</strong> la<br />
maladie et adhésion aux<br />
soins<br />
Le <strong>de</strong>gré <strong>de</strong> difficulté d’obtention d’une<br />
bonne adhésion au traitement dépend<br />
largement <strong>de</strong> l’acceptation par le patient<br />
<strong>de</strong> sa maladie et <strong>de</strong> la capacité à définir<br />
une organisation spécifique <strong>de</strong>s soins<br />
(Lieberman, 1996 ; Dunbar-Jacob et<br />
Mortimer-Stephens, 2001). Le corps<br />
médical est dans l’ensemble bien<br />
conscient que le fait <strong>de</strong> suivre à la lettre<br />
une prescription peut être astreignant.<br />
Mais l’ordonnance est d’autant plus<br />
aisée à respecter que sa nécessité est<br />
bien comprise et intégrée, dans le cadre<br />
d’une faisabilité adaptée dans le quotidien.<br />
Pour Benkert et al. (1997), il est nécessaire<br />
<strong>de</strong> <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r régulièrement aux<br />
patients s’ils arrivent à prendre correctement<br />
leur traitement, et les techniques<br />
mises en oeuvre par ces <strong>de</strong>rniers<br />
pour ne pas l’oublier; dans<br />
l’optique <strong>de</strong> ces auteurs, la confiance<br />
réciproque et la non-pénalisation en<br />
cas d’omission facilitent les échanges.<br />
Dans certains cas, l’acceptation d’une<br />
médication psychotrope constitue un<br />
pas symbolique vers la folie ou la mort,<br />
et il faut parfois en passer par là pour<br />
reconnaître qu’il s’agit, en définitive,<br />
d’un pas biologique vers la vie. A cet<br />
égard, Blackwell (1973) préconise <strong>de</strong><br />
s’inspirer <strong>de</strong> la riche expérience accumulée<br />
en diabétologie : <strong>de</strong> nombreux<br />
travaux <strong>de</strong> recherche concernant l’adhésion<br />
au traitement ont été réalisés<br />
dans cette spécialité, diverses<br />
démarches pédagogiques ayant été proposées<br />
avec <strong>de</strong>s succès remarquables<br />
dans l’éducation à la bonne gestion<br />
d’une maladie chronique. Le contexte<br />
<strong>de</strong> la pathologie mentale nécessite,<br />
certes, <strong>de</strong>s adaptations, mais la possibilité<br />
pour nos patients <strong>de</strong> recourir à<br />
<strong>de</strong> telles métho<strong>de</strong>s contribuerait probablement<br />
à améliorer la qualité <strong>de</strong><br />
leur observance. Cependant, si le<br />
mé<strong>de</strong>cin ne favorise pas l’émergence<br />
d’une relation thérapeutique basée sur<br />
l’écoute et l’échange, il est peu probable<br />
que ce type d’éducation porte<br />
ses fruits (Hornung et al., 1998). Les<br />
croyances individuelles en matière <strong>de</strong><br />
santé sont souvent ancrées profondément,<br />
et <strong>de</strong>puis longtemps en chaque<br />
individu. Il est donc nécessaire que le<br />
praticien décrypte la problématique<br />
inhérente aux convictions personnelles,<br />
à la prise <strong>de</strong> risque, au sentiment <strong>de</strong><br />
toute-puissance, ... Les représentations<br />
collectives et transculturelles <strong>de</strong> la maladie<br />
mentale et <strong>de</strong>s traitements ne doivent,<br />
par ailleurs, pas être minimisées.<br />
3-4% <strong>de</strong>s usagers <strong>de</strong> psychotropes en France<br />
pourraient être dépendants à leurs médicaments<br />
3à 4% <strong>de</strong>s personnes qui se font<br />
prescrire <strong>de</strong>s psychotropes par<br />
<strong>de</strong>s mé<strong>de</strong>cins généralistes pourraient<br />
avoir un profil <strong>de</strong> dépendance à ces<br />
médicaments, suggère une étu<strong>de</strong> présentée<br />
à un colloque sur l'addiction<br />
organisé par la Mission interministérielle<br />
<strong>de</strong> lutte contre la drogue et la<br />
toxicomanie (Mildt) et l'Inserm. Cette<br />
étu<strong>de</strong> avait pour but <strong>de</strong> répondre à un<br />
sujet controversé : savoir « si la notion<br />
<strong>de</strong> dépendance peut s'appliquer aux<br />
médicaments psychotropes prescrits »,<br />
selon Philippe Le Moigne du Centre<br />
<strong>de</strong> recherches psychotropes, santé<br />
mentale, société (CNRS, Inserm, université<br />
Paris V).<br />
La difficulté avec les médicaments est<br />
<strong>de</strong> « pouvoir distinguer l'usage au long<br />
cours <strong>de</strong> la dépendance », qui serait<br />
également caractérisée, dans le cas<br />
<strong>de</strong>s psychotropes, par une difficulté<br />
ou une impossibilité d'arrêter le traitement,<br />
un surinvestiment dans le produit<br />
et par un rapport ambivalent au<br />
produit. En général, le diagnostic et<br />
le traitement sont impliqués dans une<br />
relation logique, du type moyen/fin, et<br />
peuvent être formellement distingués.<br />
Mais cette distinction n'opère pas toujours<br />
et la dépendance peut naître<br />
d'un surinvestissement médical.<br />
Ont été analysées les données <strong>de</strong><br />
10.295 patients qui ont été remboursés<br />
par la Caisse Primaire d'Assurance<br />
Maladie <strong>de</strong> Rouen pour <strong>de</strong>s<br />
psychotropes (hypnotiques, anxiolytiques<br />
et antidépresseurs) prescrits par<br />
<strong>de</strong>s mé<strong>de</strong>cins généralistes au cours<br />
du premier trimestre 2002 par une<br />
étu<strong>de</strong> rétrospective <strong>de</strong>s prescriptions<br />
faites pour ces patients entre 2000 et<br />
2002 puis ont été réalisés <strong>de</strong>s entretiens<br />
avec un échantillon <strong>de</strong> 10 mé<strong>de</strong>cins<br />
et 44 patients.<br />
Les résultats montrent que l'usage<br />
ponctuel, inférieur ou égal à 6 mois,<br />
est le plus répandu, représentant 60%<br />
<strong>de</strong>s patients. Ce type <strong>de</strong> consommation<br />
semble plus fréquent chez les<br />
jeunes et les cadres, concernant davantage<br />
les anxiolytiques et/ou les antidépresseurs.<br />
Dans ce cas, les motifs<br />
<strong>de</strong> recours sont, plus souvent, <strong>de</strong>s difficultés<br />
sociales et/ou professionnelles<br />
(<strong>de</strong>uil, séparation d'un conjoint, perte<br />
d'un emploi), « <strong>de</strong>s situations qui échappent<br />
au contrôle du patient ».<br />
Les entretiens réalisés avec ce type<br />
<strong>de</strong> patients indiquent qu'ils distinguent<br />
bien la cause <strong>de</strong> leur trouble et la thérapeutique<br />
et qu'ils ont un sentiment<br />
d'amélioration. Le plus souvent, l'amélioration<br />
<strong>de</strong> l'état du patient est liée à<br />
une amélioration <strong>de</strong> ses conditions<br />
<strong>de</strong> vie : l'amélioration étant nettement<br />
distinguée <strong>de</strong> la thérapeutique, l'appropriation<br />
du médicament et <strong>de</strong> ses<br />
effets reste conçue en terme « d'ajustement<br />
» et ne donne pas lieu à un<br />
investissement massif dans le produit.<br />
Parmi les personnes qui font un usage<br />
au long cours (un an et plus, jusqu'à<br />
15 ou 20 ans parfois) <strong>de</strong>s psychotropes,<br />
en particulier les hypnotiques,<br />
la majorité sont <strong>de</strong>s personnes âgées<br />
et <strong>de</strong>s femmes <strong>de</strong>s milieux populaires.<br />
Elles représentent 15% <strong>de</strong> l'ensemble<br />
<strong>de</strong> l'échantillon. Les chercheurs notent,<br />
parmi ces patients âgés, que la prescription<br />
<strong>de</strong> psychotropes permet <strong>de</strong><br />
soulager <strong>de</strong>s insomnies et <strong>de</strong>s douleurs<br />
associées à <strong>de</strong>s pathologies organiques<br />
chroniques.<br />
Dans ce cas, les patients ont plus un<br />
sentiment d'un « maintien par défaut »<br />
<strong>de</strong> leur état et ne s'atten<strong>de</strong>nt pas à<br />
une amélioration car soit la maladie<br />
n'est pas curable, soit elle est attribuée<br />
à une structure <strong>de</strong> la personnalité<br />
considérée comme immuable (« je<br />
suis insomniaque »).<br />
Même s'il est marqué par le fatalisme,<br />
l'investissement dans le médicament<br />
est fort et n'engage pas <strong>de</strong> rapport<br />
contradictoire au produit car il<br />
est considéré comme utile et dicté<br />
par la nécessité.<br />
Un usage minoritaire<br />
mais paradoxal<br />
Enfin, se distingue « un usage minoritaire<br />
mais paradoxal » concernant 3<br />
à 4% <strong>de</strong>s patients qui présentent un<br />
profil <strong>de</strong> dépendance.<br />
Ce sont <strong>de</strong>s personnes qui ont autour<br />
<strong>de</strong> la cinquantaine, consomment les<br />
trois groupes <strong>de</strong> psychotropes <strong>de</strong>puis<br />
5 à 10 ans, appartenant à la classe<br />
moyenne.<br />
L'importance <strong>de</strong> la consommation par<br />
tranches d'âge fait apparaître un pic <strong>de</strong><br />
consommation, en particulier les antidépresseurs,<br />
chez les 45-55 ans, « une<br />
nouveauté <strong>de</strong>puis dix ans », alors que la<br />
forte consommation chez les personnes<br />
âgées est une constance.<br />
Ces personnes ont tendance à affirmer<br />
qu'elles vont bien puis à s'autodévaloriser,<br />
d'une manière proche <strong>de</strong>s<br />
patients dépressifs, se disant que si<br />
elles prennent <strong>de</strong>s médicaments, c'est<br />
qu'elles vont mal. L'investissement<br />
dans le produit est massif (associations<br />
thérapeutiques, variations <strong>de</strong>s<br />
dosages et <strong>de</strong>s molécules) et sans<br />
cesse dénigré. Le sentiment d'amélioration<br />
est temporaire et il semble<br />
dépendre du patient lui-même : il veut<br />
démontrer sa capacité à faire face<br />
mais n'y parvient pas et s’en fait le<br />
reproche. La guérison est considérée<br />
comme l'arrêt du traitement et tant<br />
que le patient prend son médicament<br />
et le soulage, c'est pour lui un « désaveu<br />
personnel ».<br />
Ce rapport au produit présente ainsi<br />
<strong>de</strong>s similitu<strong>de</strong>s à la plupart <strong>de</strong>s toxicomanies<br />
par ses « effets <strong>de</strong> boucle » :<br />
l'amélioration personnelle, qui motive<br />
le recours aux psychotropes, est sans<br />
cesse démentie par sa mise en oeuvre<br />
(perte d'autonomie, dévalorisation,<br />
manque <strong>de</strong> soulagement, si bien que<br />
le surinvestissement dans le produit<br />
et le désaveu <strong>de</strong> soi finissent par s'engendrer<br />
mutuellement.<br />
En conclusion, l’étu<strong>de</strong> note que la<br />
plus gran<strong>de</strong> part <strong>de</strong>s prescriptions <strong>de</strong><br />
psychotropes en mé<strong>de</strong>cine générale<br />
ne respecte pas les indications strictes,<br />
servant davantage à « gérer le mal-être<br />
et à accompagner les maladies somatiques<br />
».<br />
Lorsque la prescription se rapproche<br />
<strong>de</strong>s indications, soit elle est très conforme<br />
aux recommandations, soit elle<br />
entretient un symptôme et pourrait<br />
induire une dépendance. Cette étu<strong>de</strong><br />
souligne l'importance d'améliorer la<br />
formation <strong>de</strong>s mé<strong>de</strong>cins généralistes à<br />
la prise en charge <strong>de</strong> la dépression.<br />
■<br />
G.M.<br />
Observance, adhésion et<br />
information<br />
Un certain message préventif, <strong>de</strong>stiné<br />
au grand public, tend à mettre en évi<strong>de</strong>nce,<br />
parfois aussi à dramatiser, les<br />
effets secondaires et les risques liés à<br />
une consommation excessive <strong>de</strong> psychotropes<br />
(Chambaretaud, 2000). Le<br />
discours visant à optimiser l’adhésion au<br />
traitement peut parfois être brouillé<br />
par une telle communication, dont l’objet<br />
peut paraître dissuasif. Dans la majorité<br />
<strong>de</strong>s cas, et ce malgré <strong>de</strong>s difficultés<br />
<strong>de</strong> tolérance le plus souvent passagères,<br />
la plupart <strong>de</strong>s patients sont satisfaits<br />
dans les semaines qui suivent l’instauration<br />
<strong>de</strong> la médication (Schaffer et<br />
Yoon, 2001). Ce résultat dépend, évi<strong>de</strong>mment,<br />
<strong>de</strong> la capacité du psychiatre<br />
à prendre au sérieux la survenue<br />
d’éventuels effets secondaires, à effectuer<br />
un travail d’explication honnête<br />
et franc, à ajuster la posologie en cas <strong>de</strong><br />
nécessité. Mais il n’est pas rare que <strong>de</strong>s<br />
sujets pourtant moyennement adaptés<br />
à leur schéma thérapeutique refusent<br />
les simplifications proposées par leur<br />
mé<strong>de</strong>cin (Mottur-Pilson et al., 2001).<br />
Pour Morris et Shulz (1992), lorsqu’un<br />
traitement est envisagé, le praticien doit<br />
expliquer à son patient les difficultés<br />
inhérentes à la prise régulière du principe<br />
actif, le mala<strong>de</strong> <strong>de</strong>vant alors être<br />
vraiment décidé, s’approprier la décision<br />
thérapeutique et se mettre en état<br />
<strong>de</strong> combativité. Selon ces auteurs, le<br />
message préventif collectif paraît avoir<br />
moins d’impact qu’un discours individualisé.<br />
Pour Zrinyi (2001), c’est à la simplification<br />
<strong>de</strong>s schémas thérapeutiques qu’il<br />
convient d’accor<strong>de</strong>r la plus gran<strong>de</strong><br />
attention : « A cet égard, il est nécessaire<br />
<strong>de</strong> prendre parfois <strong>de</strong>s distances avec<br />
les illusions perfectionnistes. Prescrire dixsept<br />
pilules quotidiennement, imaginer<br />
que tout ira très bien, et mettre ensuite un<br />
éventuel échec sur le compte d’une mauvaise<br />
observance, ce n’est pas sérieux.<br />
Un traitement simple, tout aussi efficace<br />
et pris correctement vaut mieux qu’un<br />
traitement compliqué mais pas pris du<br />
tout ».<br />
Il convient par ailleurs, selon Duncan et<br />
Rogers (1998), <strong>de</strong> valoriser le temps<br />
<strong>de</strong> la consultation médicale et <strong>de</strong> renforcer<br />
les groupes <strong>de</strong> patients traités.<br />
Pour ces auteurs, les associations d’usagers<br />
ont un grand rôle à jouer, les discussions<br />
entre sujets sous traitement<br />
leur paraissant <strong>de</strong>s plus utiles : « De<br />
telles séances d’information permettent<br />
d’entendre <strong>de</strong>s avis différents, <strong>de</strong> confronter<br />
les points <strong>de</strong> vue pour ce qui concerne<br />
la prise régulière et la tolérance d’un<br />
traitement psychotrope ».<br />
Corrigan et al. (1990) insistent, quant<br />
à eux, sur la nécessité <strong>de</strong> renforcer et<br />
d’améliorer la collaboration entre les<br />
diverses instances impliquées, par<br />
exemple les proches, les pharmaciens,<br />
les assistants sociaux, les associations,...<br />
et, en particulier, d’engager un dialogue<br />
définissant <strong>de</strong>s objectifs communs susceptibles<br />
d’ai<strong>de</strong>r les patients en difficulté<br />
et, ainsi, <strong>de</strong> mieux contrer certains<br />
mouvements sectaires qui<br />
entretiennent une représentation négative<br />
<strong>de</strong>s médicaments utilisés en psychiatrie.<br />
Frank et al. (1995) vont dans<br />
le même sens, en soulignant qu’« il<br />
semble important <strong>de</strong> réviser l’image en<br />
général trop négative qui est véhiculée<br />
à propos <strong>de</strong>s psychotropes. Pourquoi ne<br />
pas entendre aussi <strong>de</strong>s patients qui vont<br />
bien, qui gèrent remarquablement leurs<br />
prises <strong>de</strong> médicament ? Et mettre en<br />
place une dynamique d’encouragement<br />
plutôt que d’entretenir le scepticisme ? Il<br />
ne s’agit pas, à notre sens, <strong>de</strong> proclamer<br />
que tout est facile, au risque <strong>de</strong> culpabiliser<br />
les individus qui éprouvent <strong>de</strong>s difficultés<br />
ou expriment <strong>de</strong>s doutes légitimes.<br />
Mais bien plutôt <strong>de</strong> soutenir, <strong>de</strong><br />
réconforter, <strong>de</strong> stimuler, d’ai<strong>de</strong>r chaque<br />
patient à intégrer une perception éclairée,<br />
motivante et aussi raisonnablement critique,<br />
<strong>de</strong>s traitements proposés ». Parmi<br />
les initiatives allant dans ce sens, on<br />
peut citer celle du « buddy system »<br />
<br />
THÉRAPEUTIQUE ■ 17<br />
LIVRES<br />
Cigognes et paillettes<br />
L’assistance médicale à la<br />
procréation<br />
Dossier coordonné par Jacques<br />
Dayan<br />
Spirale n° 32<br />
Erès<br />
Le titre <strong>de</strong> cet ouvrage provient d’une<br />
enquête menée dans plusieurs écoles<br />
maternelles qui a clairement montré<br />
que la représentation populaire infantile<br />
<strong>de</strong> la naissance n’était plus<br />
celle <strong>de</strong>s cigognes, ni <strong>de</strong>s choux mais<br />
celle <strong>de</strong>s graines et <strong>de</strong>s paillettes : la<br />
science avait pénétré le mon<strong>de</strong> infantile,<br />
mais toujours sous la forme<br />
d’un conte. Qu’en pensent les adultes ?<br />
Sont-ils moins perméables que les<br />
enfants à l’irrationnel ? Les craintes<br />
que font naître ces nouvelles formes<br />
<strong>de</strong> procréation sont-elles justifiées ?<br />
Ce numéro <strong>de</strong> Spirale apporte quelques<br />
éléments à cette discussion. Le désir<br />
d’enfant est nuancé par un abord philosophique<br />
(L. Petit) et social (J. Dayan<br />
et N. Trouvé). Les choix éthiques sont<br />
abordés à propos <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux pratiques,<br />
l’une déjà réelle, le diagnostic préimplantatoire<br />
(P. Barjot), l’autre encore<br />
virtuelle, le clonage (P. Le Coz).<br />
Le témoignage <strong>de</strong>s femmes ou <strong>de</strong>s<br />
couples souhaitant concevoir un enfant<br />
par don <strong>de</strong> gamètes est présenté.<br />
L’article <strong>de</strong> C. Trouvé et coll. se focalise<br />
sur la question du secret et <strong>de</strong><br />
l’anonymat auprès <strong>de</strong> parents ayant<br />
conçu un enfant par IAD, celui <strong>de</strong> O.<br />
Rosenblum auprès <strong>de</strong> couples en <strong>de</strong>man<strong>de</strong><br />
d’enfant dont l’un est séropositif<br />
(VIH). C. Coëffin-Driol présente<br />
une recherche originale qui consiste<br />
à abor<strong>de</strong>r <strong>de</strong>ux facettes, apparemment<br />
opposées, <strong>de</strong> la problématique<br />
féminine, l’une menant aux PMA,<br />
l’autre à l’interruption volontaire <strong>de</strong><br />
grossesse.<br />
Sont, également, proposés les témoignages<br />
d’une psychologue (N.<br />
Guelle), d’une sage-femme (C. Bouet)<br />
et d’une biologiste (I. Galeraud-Denis)<br />
impliquées dans la prise en charge<br />
<strong>de</strong>s couples dans le cadre <strong>de</strong>s PMA.<br />
Euriat présente avec une gran<strong>de</strong> clarté<br />
les aspects juridiques qui ont soustendu<br />
la préparation <strong>de</strong> la nouvelle<br />
loi <strong>de</strong> bioéthique. Enfin, un texte en<br />
annexe d’A. Sauvalle éclaire sur les<br />
sigles et les techniques permettant<br />
au lecteur <strong>de</strong> ne pas s’égarer.<br />
Communiquer dans les<br />
organisations sociales et<br />
médico-sociales<br />
2ème édition<br />
Daniel Gacoin<br />
Dunod, 30 €<br />
Certains aspects <strong>de</strong> la première édition,<br />
qui étaient liés à la réponse à la<br />
loi du 2 janvier 2002, détaillaient <strong>de</strong>s<br />
approches pour la mettre en œuvre<br />
à partir, notamment, <strong>de</strong>s projets <strong>de</strong><br />
décrets d’application. Or ces <strong>de</strong>rniers,<br />
après avoir tant tardé, ont été publiés<br />
<strong>de</strong>puis peu et leur contenu vient modifier<br />
les présentations initiales. Les<br />
repères historiques, théoriques, stratégiques<br />
et méthodologiques ont été<br />
maintenus et parfois enrichis, la <strong>de</strong>nsité<br />
globale du texte ayant été revue<br />
pour faciliter une lecture plus immédiate<br />
et interactive.<br />
Enfin la <strong>de</strong>rnière partie <strong>de</strong> l’ouvrage<br />
initial, consacrée aux stratégies et<br />
métho<strong>de</strong>s a été découpée en trois<br />
approches distinctes. La première<br />
concerne la communication avec l’usager,<br />
dans les organisations sociales<br />
et médico-sociales, intégrant donc les<br />
<strong>de</strong>rnières versions réglementaires <strong>de</strong><br />
la loi du 2 janvier 2002. La <strong>de</strong>uxième<br />
regar<strong>de</strong>, entièrement, la question <strong>de</strong><br />
la communication interne <strong>de</strong>s organisations.<br />
Enfin, la <strong>de</strong>rnière est consacrée,<br />
à part entière, à la communication<br />
externe <strong>de</strong>s organisations.
18<br />
■ THÉRAPEUTIQUE<br />
Le risque <strong>de</strong> saignement avec les antidépresseurs dépend<br />
du <strong>de</strong>gré d’inhibition <strong>de</strong> la recapture <strong>de</strong> la sérotonine<br />
Les antidépresseurs inhibant la recapture <strong>de</strong> la sérotonine sont associés à une<br />
augmentation du risque <strong>de</strong> saignement anormal, le risque dépendant du <strong>de</strong>gré<br />
d’inhibition <strong>de</strong> la recapture, selon une étu<strong>de</strong> néerlandaise.<br />
Plusieurs étu<strong>de</strong>s ont mis en évi<strong>de</strong>nce une augmentation du risque <strong>de</strong> saignement<br />
avec <strong>de</strong>s antidépresseurs, notamment <strong>de</strong>s inhibiteurs <strong>de</strong> la recapture<br />
<strong>de</strong> la sérotonine (ISRS). Welmoed Meijer, <strong>de</strong> l’institut <strong>de</strong> pharmacologie<br />
d’Utrecht, et ses collègues, ont relié le risque hémorragique et la puissance<br />
d’inhibition <strong>de</strong> la recapture <strong>de</strong> la sérotonine. Ils ont inclus tous les types <strong>de</strong><br />
saignements, mais uniquement les saignements sévères, et se sont intéressés<br />
à tous les types d’antidépresseurs. Dans une étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> suivi <strong>de</strong> 64 647 personnes<br />
ayant été traitées par antidépresseurs, sur un suivi moyen <strong>de</strong> 229<br />
jours, 196 cas <strong>de</strong> saignement conduisant à une admission à l’hôpital ont été<br />
rapportés. Les chercheurs ont fait une étu<strong>de</strong> cas-contrôle, comparant chacun<br />
<strong>de</strong>s 196 cas à 5 contrôles. Ils ont classé les antidépresseurs en 3 groupes selon<br />
que le <strong>de</strong>gré d’inhibition <strong>de</strong> la recapture <strong>de</strong> la sérotonine est bas, intermédiaire<br />
ou élevé.<br />
La catégorie à inhibition élevée ne recoupe pas totalement la classe <strong>de</strong>s ISRS.<br />
En effet, dans cette catégorie on trouve la fluoxétine, la sertraline et la paroxétine,<br />
3 ISRS, mais aussi la clomipramine. En revanche, la fluvoxamine,<br />
le citalopram et la venlafaxine (qui inhibe aussi la recapture <strong>de</strong> la noradrénaline)<br />
sont dans le groupe à <strong>de</strong>gré d’inhibition intermédiaire, avec <strong>de</strong>s<br />
membres d’autres classes d’antidépresseurs : dothiépine, amitriptyline, imipramine.<br />
Dans le groupe à faible inhibition <strong>de</strong> la recapture <strong>de</strong> la sérotonine, on trouvait<br />
la mirtazapine, la maprotiline, la miansérine, la néfazodone, la trazodone,<br />
la doxépine, la nortriptyline, la désipramine, le bupropion et le moclobémi<strong>de</strong>.<br />
Par rapport aux produits à faible <strong>de</strong>gré d’inhibition, les produits à <strong>de</strong>gré d’inhibition<br />
intermédiaire multipliaient le risque <strong>de</strong> saignement par 1,9 et les produits<br />
à <strong>de</strong>gré d’inhibition élevé multipliaient le risque par 2,6. Des résultats<br />
similaires sont obtenus pour les analyses séparées d’une part <strong>de</strong>s saignements<br />
utérins anormaux et d’autre part <strong>de</strong>s saignements gastro-intestinaux. ■<br />
Archives of internal medicine, vol.164, n°21, p.2367-2370<br />
australien qui consiste à faire prendre<br />
en charge un nouveau patient par un<br />
ancien. Sur le plan associatif, il est par<br />
ailleurs intéressant <strong>de</strong> noter qu’au sein<br />
<strong>de</strong> nombreux réseaux d’accompagnement<br />
se forment <strong>de</strong>s groupes <strong>de</strong> soutien<br />
en matière d’adhésion au traitement.<br />
Définir, dans un tel cadre, <strong>de</strong>s<br />
objectifs communs apparaît comme<br />
une nécessité pour la plupart <strong>de</strong>s usagers<br />
participant.<br />
Synthèse<br />
Pour <strong>de</strong> nombreux auteurs, en amont<br />
<strong>de</strong> la problématique <strong>de</strong> l’adhésion au<br />
LIVRES<br />
Manuel <strong>de</strong> Santé Mentale<br />
relationnelle<br />
José GuimÓn<br />
Mé<strong>de</strong>cine et Hygiène (Genève) 39 €<br />
Professeur et Chef du Département<br />
<strong>de</strong> <strong>Psychiatrie</strong> <strong>de</strong> l’Université <strong>de</strong> Genève,<br />
José GuimÓn, seul auteur <strong>de</strong><br />
l’ouvrage, présente un large panorama<br />
<strong>de</strong> la psychiatrie actuelle. L’ensemble<br />
<strong>de</strong>s perspectives y sont abordés<br />
: biologie, phénoménologie,<br />
psychanalyse, cognitivo-comportementalisme,<br />
modèle systémique, facteurs<br />
environnementaux et culturels...<br />
Selon Otto Kernberg, qui préface le<br />
livre, « GuimÓn indique <strong>de</strong> façon élégante<br />
comment la révolution en neurosciences<br />
peut être complétée par une<br />
approche psychodynamique actuelle<br />
provenant <strong>de</strong> la compréhension psychanalytique.<br />
Il défie <strong>de</strong> façon adéquate<br />
la profession psychanalytique<br />
<strong>de</strong> réexaminer sa responsabilité à la<br />
fois envers l’évolution scientifique <strong>de</strong><br />
son domaine et sa responsabilité sociale<br />
dans la prévention et le traitement<br />
<strong>de</strong> la maladie mentale ». On regrettera,<br />
cependant, que l’auteur se<br />
cite un peu trop abondamment, que<br />
ses références soient essentiellement<br />
anglo-saxonnes ou genevoises, et<br />
que les auteurs francophones ne<br />
soient qu’exceptionnellement mentionnés...<br />
M. Goutal<br />
P.C.<br />
traitement se trouvent les questions du<br />
dépistage et <strong>de</strong> l’accès aux soins (Breen<br />
et Thornhill, 1998 ; Misdrahi et al.,<br />
2002). En Amérique du Nord, <strong>de</strong>s initiatives<br />
très intéressantes sont prises<br />
afin <strong>de</strong> sensibiliser la population aux<br />
nouveaux enjeux du dépistage <strong>de</strong> la<br />
maladie mentale (Kampman et Lehtinen,<br />
1999). Et cela avec le soutien <strong>de</strong>s<br />
associations d’usagers. Globalement, il<br />
faut souligner que la précocité du suivi<br />
constitue un sérieux atout pour le<br />
patient, indépendamment <strong>de</strong> l’intérêt<br />
indéniable concernant l’instauration<br />
rapi<strong>de</strong> d’un traitement adapté. En France,<br />
et ce malgré les avancées <strong>de</strong> ces<br />
<strong>de</strong>rnières années (Baylé et al., 1999;<br />
Spadone, 2002), <strong>de</strong>s progrès restent à<br />
faire dans le domaine <strong>de</strong> l’information<br />
<strong>de</strong>s sujets atteints <strong>de</strong> maladie mentale,<br />
ainsi que dans celui du dépistage. L’adhésion<br />
ultérieure à une médication ne<br />
peut être possible que si la signification<br />
du traitement est expliquée objectivement<br />
aux sujets concernés. Le suivi<br />
médical nécessite une confiance dans le<br />
réseau sanitaire local et une acceptation<br />
<strong>de</strong> la morbidité.<br />
Par ailleurs, s’exposer à une rechute,<br />
c’est pour Elliott (2001) repousser toujours<br />
une limite et tester à répétition<br />
son immortalité : « Je crois que les messages<br />
ciblant la symptomatologie ellemême<br />
et le risque <strong>de</strong> rechute sont les<br />
plus utiles. Indépendamment <strong>de</strong> l’information<br />
préventive, les discours ignorant<br />
l’impact positif <strong>de</strong>s traitements sont à<br />
modifier ». <br />
Jérôme Palazzolo*,<br />
Virginie Morel**,<br />
Blandine Chermette**<br />
*Psychiatre Hospitalier,<br />
**Internes DES en <strong>Psychiatrie</strong><br />
Centre Hospitalier Sainte-Marie, Réseau ERASM,<br />
87 avenue Joseph Raybaud, BP 1519, 06009<br />
Nice ce<strong>de</strong>x 01<br />
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WIRSHING DA, WIRSHING WC, KYSAR<br />
L, Novel antipsychotics: comparison of weight<br />
gain liabilities, J Clin Psychiatry 1999, 60,<br />
358-363.<br />
ZRINYI M, The influence of staff-patient<br />
interactions on adherence behaviours,<br />
EDTNA ERCA J 2001, 26, 1, 13-16.<br />
Seul un mé<strong>de</strong>cin généraliste sur cinq prescrit <strong>de</strong> la<br />
buprénorphine en relation avec un réseau,<br />
selon une étu<strong>de</strong> dans les Bouches-du-Rhône<br />
Seul un mé<strong>de</strong>cin généraliste sur cinq dans les Bouches-du-Rhône prescrit <strong>de</strong><br />
la buprénorphine (Subutex ® ), traitement <strong>de</strong> substitution <strong>de</strong> la dépendance<br />
aux opiacés, en relation avec un réseau, montre une enquête, menée en<br />
2002 par l'Inserm U379 à <strong>Mars</strong>eille et l'Observatoire régional <strong>de</strong> la santé <strong>de</strong><br />
Provence-Alpes-Côte d'Azur (ORS PACA), et présentée lors du colloque<br />
« Recherche sur les enjeux sanitaires et sociaux <strong>de</strong>s drogues », organisé par la<br />
Mission interministérielle <strong>de</strong> lutte contre la drogue et la toxicomanie (MILDT)<br />
et l'Inserm.<br />
Jean-Paul Moatti <strong>de</strong> l'Inserm U379 et ses collègues ont évalué la diffusion <strong>de</strong><br />
la prescription <strong>de</strong> buprénorphine en mé<strong>de</strong>cine générale, et étudié <strong>de</strong>s éventuelles<br />
différences dans les modalités <strong>de</strong> prescription et le suivi <strong>de</strong>s recommandations.<br />
Ils ont interrogé 345 mé<strong>de</strong>cins généralistes prescripteurs <strong>de</strong> buprénorphine<br />
dans un échantillon <strong>de</strong> 700 praticiens <strong>de</strong>s Bouches-du-Rhône.<br />
Les résultats indiquent qu'en 2002, 38% <strong>de</strong>s mé<strong>de</strong>cins généralistes libéraux<br />
avaient prescrit au moins une fois <strong>de</strong> la buprénorphine, contre environ 25%<br />
en 2000. Mais si la prescription s'est diffusée, seulement 20% <strong>de</strong>s mé<strong>de</strong>cins<br />
assurent 80% <strong>de</strong>s prescriptions et prennent en charge 65% <strong>de</strong>s patients.<br />
Plus <strong>de</strong> 40% <strong>de</strong>s mé<strong>de</strong>cins n'ont prescrit la buprénorphine qu'une seule fois<br />
sur la pério<strong>de</strong> d'étu<strong>de</strong> et près <strong>de</strong> 87,5% d'entre eux ont prescrit, au total,<br />
moins <strong>de</strong> dix fois le médicament. Malgré les préconisations <strong>de</strong> l'autorisation<br />
<strong>de</strong> mise sur le marché <strong>de</strong> Subutex ® (« Le résultat du traitement dépend (...)<br />
d'autre part <strong>de</strong>s mesures médico-psychologiques et socio-éducatives associées<br />
pour le suivi du patient »), seul un mé<strong>de</strong>cin sur cinq était en relation avec un<br />
réseau. En outre un tiers seulement <strong>de</strong>s prescripteurs avaient suivi une formation<br />
en toxicomanie, le plus souvent au cours <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux années immédiatement<br />
postérieures à la délivrance <strong>de</strong> l'AMM.<br />
Ainsi, les pratiques <strong>de</strong> suivi <strong>de</strong>s patients dépen<strong>de</strong>nt, également, <strong>de</strong> la formation.<br />
Lorsque le patient s'injecte le produit ou exprime un manque, les praticiens<br />
qui ont une file active importante ou sont formés à la prise en charge<br />
<strong>de</strong>s toxicomanes réagissent plus facilement par une augmentation <strong>de</strong>s posologies<br />
ou un changement du mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> délivrance.<br />
A l'inverse, les mé<strong>de</strong>cins qui ont une file active restreinte, ne sont pas formés<br />
ou ne sont pas en relation avec un réseau, ont plus tendance à déclarer<br />
cesser la prise en charge du patient.<br />
Enfin, l'enquête indique que 40% <strong>de</strong>s mé<strong>de</strong>cins prescrivent la buprénorphine<br />
exclusivement en relais d'un autre praticien. ■<br />
B.L.
N°2 - TOME XVIII - MARS 2005<br />
Contribution à l’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s toxicomanies<br />
A propos <strong>de</strong> 212 cas vus dans l’unité <strong>de</strong> Neuro-psychiatrie <strong>de</strong> l’hôpital<br />
Joseph Raseta <strong>de</strong> Befelatanana au Centre Hospitalier Universitaire d’Antananarivo<br />
Nous rapportons dans ce travail 212<br />
cas <strong>de</strong> toxicomanie vus dans le<br />
Service <strong>de</strong> Mé<strong>de</strong>cine 1 Unité <strong>de</strong><br />
Neuro-<strong>Psychiatrie</strong> à l’Hôpital Joseph<br />
Raseta <strong>de</strong> Befelatanana Centre Hospitalier<br />
Universitaire d’Antananarivo en<br />
2001. Le vocable « toxicomanie »<br />
désigne l’usage habituel et excessif, nuisible<br />
pour l’individu et pour la société,<br />
<strong>de</strong>s substances ou <strong>de</strong>s médicaments<br />
toxiques détournés <strong>de</strong> leur usage thérapeutique<br />
habituel (1).<br />
Signalons que, <strong>de</strong>puis 1969, l’Organisation<br />
Mondiale <strong>de</strong> la Santé tente <strong>de</strong><br />
remplacer le terme <strong>de</strong> toxicomanie par<br />
celui <strong>de</strong> pharmacodépendance : état<br />
physique ou psychique qui se caractérise<br />
par <strong>de</strong>s modifications du comportement<br />
et par d’autres réactions qui<br />
comprennent toujours une pulsion à<br />
prendre le médicament ou le produit<br />
afin <strong>de</strong> retrouver ses effets psychiques<br />
et, quelquefois, d’éviter le malaise <strong>de</strong> la<br />
privation (2).<br />
Nous avons abordé ce thème en raison<br />
<strong>de</strong> son intérêt pratique. En effet, la toxicomanie,<br />
fait <strong>de</strong> société, est <strong>de</strong>venue un<br />
problème <strong>de</strong> santé publique. L’usage<br />
<strong>de</strong> drogue et la toxicomanie sont <strong>de</strong>s<br />
phénomènes communs à tous les pays,<br />
et à toutes les cultures mais avec <strong>de</strong>s<br />
variations quantitatives et qualitatives<br />
très importantes, dans le temps et dans<br />
l’espace. Si la coopération internationale<br />
en matière <strong>de</strong> trafic est bien organisée,<br />
il n’en va pas <strong>de</strong> même pour le<br />
traitement et la prévention d’un pays à<br />
l’autre. L’engagement <strong>de</strong>s pouvoirs<br />
publics et <strong>de</strong>s mé<strong>de</strong>cins reste inégal.<br />
Dans notre pays, le diagnostic <strong>de</strong> toxicomanie<br />
<strong>de</strong>meure subjectif (3).<br />
Tenter <strong>de</strong> dégager une démarche diagnostique<br />
et une conduite thérapeutique<br />
<strong>de</strong>meure notre objectif.<br />
Métho<strong>de</strong>s<br />
Il s’agit d’une étu<strong>de</strong> rétrospective du<br />
1 er janvier 2001 au 31 décembre<br />
2001. Nous avons colligé 2225 dossiers.<br />
Pour chaque dossier, nous avons<br />
étudié les données anamnestiques et<br />
retenu 212 toxicomanies, soit environ<br />
10% <strong>de</strong>s patients, en incluant les<br />
mala<strong>de</strong>s admis dans l’unité, déclarés<br />
comme « présentant une toxicomanie »<br />
répartis en 175 <strong>de</strong> sexe masculin et 37<br />
<strong>de</strong> sexe féminin Ont été exclus les toxicomanes<br />
vus en consultation. Seuls, 3<br />
adolescents ont été hospitalisés (1 pour<br />
alcoolisme, 2 pour prise <strong>de</strong> cannabis).<br />
Les données retenues sont présentées<br />
dans les tableaux suivants :<br />
Produits Patients<br />
Alcool 200<br />
Alcool + cannabis 01<br />
Cannabis 06<br />
Benzodiazépine 02<br />
Trihexiphénidyle 02<br />
Barbiturique 01<br />
Produits ingérés Masculin Féminin<br />
Alcool 165 35<br />
Alcool + cannabis 01 00<br />
Cannabis 06 00<br />
Benzodiazépine 02 00<br />
Trihexiphénidyle 01 01<br />
Barbiturique 00 01<br />
Les situations cliniques rencontrées<br />
sont :<br />
- syndrome anxieux dû au malaise <strong>de</strong>s<br />
jeunes, résultant <strong>de</strong> la conjoncture<br />
sociale, familiale (conflits <strong>de</strong> génération,<br />
difficultés d’i<strong>de</strong>ntification à un<br />
modèle parental stable, difficultés à<br />
trouver une orientation professionnelle<br />
adéquate) ;<br />
- immaturité idéo/affective ;<br />
- impulsivité majeure et tendance aux<br />
transgressions ;<br />
- appétences toxicophiliques ;<br />
- syndrome dépressif dont le taux <strong>de</strong><br />
prévalence est plus élevé chez les célibataires,<br />
divorcés, séparés, veufs ou<br />
veuves, chômeurs ;<br />
- schizophrénie : la consommation <strong>de</strong><br />
substances psycho-actives peut<br />
répondre à <strong>de</strong>s objectifs divers : compenser<br />
un déficit, essayer <strong>de</strong> faire face<br />
à <strong>de</strong>s difficultés émotionnelles ou à<br />
une incapacité sociale (4).<br />
Commentaires,<br />
discussions, suggestions<br />
Les drogues licites et illicites peuvent<br />
être détectées par <strong>de</strong>s métho<strong>de</strong>s qualitatives<br />
<strong>de</strong> détection et quantitatives<br />
<strong>de</strong> dosage.<br />
Le choix dépend du but recherché :<br />
- dépistage d’une toxicomanie,<br />
- diagnostic d’un coma par surdosage<br />
ou surveillance <strong>de</strong> l’abstinence.<br />
Par ailleurs, l’actualité s’empare, <strong>de</strong><br />
temps à autre, du dépistage en entreprise<br />
à l’embauche, lors <strong>de</strong> la conduite<br />
automobile ou <strong>de</strong> la pratique du sport.<br />
La procédure notamment américaine<br />
(National Institute of Drug Abuse -<br />
NIDA) prévoit le dépistage en <strong>de</strong>ux<br />
temps : dépistage par métho<strong>de</strong>s immunologiques<br />
puis confirmation par chromatographie<br />
en phase gazeuse couplée<br />
à la spectrométrie <strong>de</strong> masse.<br />
La plupart <strong>de</strong>s stupéfiants peuvent être<br />
détectés notamment dans les urines (5)<br />
où ils se dégra<strong>de</strong>nt moins rapi<strong>de</strong>ment<br />
que dans le sang : 48 à 72 heures après<br />
la <strong>de</strong>rnière prise. les travaux actuels<br />
explorent beaucoup les « milieux alternatifs<br />
non invasifs » : salives, cheveux,<br />
peuvent être plus faciles à recueillir<br />
que les urines.<br />
Pour la confirmation <strong>de</strong> l’alcoolisme<br />
aigu l’alcoolémie et l’alcooltest sont uti-<br />
lisés, Draeger<br />
(6, 7).<br />
Il serait utile, en ce temps <strong>de</strong> mondialisation,<br />
que Madagascar se dote <strong>de</strong><br />
Laboratoires <strong>de</strong> Toxicologie Médicale,<br />
en vue :<br />
- d’espérer pouvoir faire un diagnostic<br />
toxicologique <strong>de</strong> certitu<strong>de</strong>,<br />
- <strong>de</strong> mener une conduite thérapeutique<br />
adéquate et <strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>s statistiques<br />
fiables.<br />
Dans cette <strong>de</strong>rnière perspective, nous<br />
pensons utile <strong>de</strong> considérer les toxicomanies<br />
comme faisant partie <strong>de</strong>s maladies<br />
à déclaration obligatoire.<br />
Sur le plan thérapeutique, la toxicomanie<br />
requiert un traitement préventif<br />
multidisciplinaire (8) et/ou un traitement<br />
curatif bien codifié :<br />
1/ l’urgence toxicomaniaque intervient<br />
dans trois circonstances :<br />
- l’overdose, risque <strong>de</strong> collapsus cardio-respiratoire,<br />
- les complications septiques,<br />
- l’association à une pathologie psychiatrique<br />
;<br />
2/ toute ordonnance médicamenteuse<br />
doit être proscrite (9). Le syndrome <strong>de</strong><br />
sevrage n’existe que pour les produits<br />
susceptibles <strong>de</strong> provoquer une dépendance<br />
physique. Ces produits peuvent<br />
être résumés mémo techniquement<br />
par : Benzodiazépine, Alcool éthylique,<br />
Barbiturique, Opiacés sauf tétrahydrocannabinol<br />
(THC) (10).<br />
En l’absence <strong>de</strong> consommation actuelle<br />
d’héroïne, les overdoses et les complications<br />
septiques ne sont pas rencontrées.<br />
Par contre, les pathologies<br />
psychiatriques associées nécessitent un<br />
traitement et une prise en charge adéquate<br />
alors que le volet préventif multidisciplinaire<br />
mériterait d’être renforcé<br />
<strong>de</strong> façon socio-culturelle (11). <br />
A. Raharivelo*, V.<br />
Ratzaramandimby*, J.C.<br />
Samuelian**, D.S. Andriambao***<br />
*Unité <strong>de</strong> Neuropsychiatrie, service <strong>de</strong> Mé<strong>de</strong>cine<br />
I, CHU d’Antananarivo, Madagascar.<br />
**Chef <strong>de</strong> service <strong>de</strong> <strong>Psychiatrie</strong>, Timone, <strong>Mars</strong>eille.<br />
***Directeur du Laboratoire <strong>de</strong> Neuroscience<br />
et <strong>de</strong> Santé Mentale Antsakaviro, Madagascar.<br />
Bibliographie<br />
(1) GARNIER M, DELAMARE V, Dictionnaire<br />
<strong>de</strong>s termes techniques <strong>de</strong> Mé<strong>de</strong>cine,<br />
Maloine, Paris, 1985.<br />
(2) SENON JL, SECHTER D, RICHARD<br />
P, Toxicomanie in Thérapeutique Psychiatrique,<br />
Eds Hermann, Paris, 1995, 723-750.<br />
(3) RAMANANATONANADRASANA J,<br />
Contribution à l’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s toxicomanies à<br />
propos <strong>de</strong> 90 cas découverts et traités au<br />
Centre Hospitalier Régional <strong>de</strong> Fiabarabtsoa,<br />
Thèse <strong>de</strong> doctorat en Mé<strong>de</strong>cine Antananarivo,<br />
2000.<br />
(4) RAYNAUD JP, AMETEPE L, Schizophrénie<br />
et comorbidité : addictions et violence,<br />
Rév Prat 2002, 52, 1192.<br />
(5) CHARLES NICOLAS A, Toxicomanies,<br />
Traité <strong>de</strong> Mé<strong>de</strong>cine, Troisième édition,<br />
Mé<strong>de</strong>cine Sciences Flammarion 1996.<br />
(6) CHARLES NICOLAS A, Toxicomanie,<br />
Ency Med Chir (Elsevier, Paris) <strong>Psychiatrie</strong>,<br />
37-396-A-10, 1994, 24p.<br />
(7) EY H, BERNARD P, BRISSET Ch,<br />
Manuel <strong>de</strong> <strong>Psychiatrie</strong>, Psychoses alcooliques,<br />
5ème édition, Masson et Cie 1985.<br />
(8) SAMBANY, Traitement <strong>de</strong> la schizophrénie,<br />
Cours polycopié 6ème année<br />
Mé<strong>de</strong>cine, Antananarivo 2002.<br />
(9) BINETY P, Les urgences psychiatriques,<br />
Thèse <strong>de</strong> Mé<strong>de</strong>cine, Antananarivo 2001.<br />
(10) KERNEIS O, L’urgence en psychiatrie,<br />
in Pathologie et soins d’urgence, Eds Arnette<br />
1988, 199-203.<br />
(11) RASOALAHADY RD, Contribution à<br />
l’étu<strong>de</strong> socio-culturelle <strong>de</strong> l’infection au VIH,<br />
Thèse Mé<strong>de</strong>cine, Antananarivo 2001.<br />
LIVRES ET REVUES<br />
Festival <strong>de</strong>s auteurs Psy<br />
Nîmes, 2 et 3 avril<br />
Femmes hommes<br />
L’invention <strong>de</strong>s possibles<br />
Sous la direction <strong>de</strong> Armand<br />
Touati<br />
Editions Cultures en mouvement<br />
21 €<br />
Les femmes et les hommes inscrivent<br />
leurs choix dans une histoire millénaire<br />
<strong>de</strong> relations. L’affirmation <strong>de</strong><br />
l’émancipation féminine au XX e siècle<br />
s’est traduite par <strong>de</strong>s transformations<br />
dans le travail, la famille et, au-<strong>de</strong>là,<br />
dans la cité. Le présent nous confronte<br />
à <strong>de</strong>s conduites diversifiées comme<br />
si la société était, <strong>de</strong> plus en plus, plurielle<br />
: du fonctionnement le plus traditionnel,<br />
le couple monogame et hétérosexuel<br />
autrefois modèle quasi<br />
exclusif, aux nouvelles familles, du<br />
renouveau <strong>de</strong> certaines valeurs à l’invention<br />
<strong>de</strong> nouvelles formes <strong>de</strong> la<br />
vie privée. Au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> l’invention <strong>de</strong><br />
soi qui caractériserait notre temps,<br />
chacune et chacun <strong>de</strong>vrait, également,<br />
inventer sa manière d’être à<br />
<strong>de</strong>ux voire d’être seul(e). Penser ces<br />
possibles, c’est repérer les changements<br />
mais aussi reconnaître les permanences<br />
qui se heurteraient à une<br />
limite, celle que l’on pourrait qualifier<br />
« d’impossible » pour penser l’humain<br />
: l’entrée dans un mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> reproduction<br />
<strong>de</strong> l’espèce distinct<br />
radicalement du lien entre les sexes.<br />
La question <strong>de</strong> la différence <strong>de</strong>s sexes<br />
se pose. Qu’est-ce qui, <strong>de</strong> cette différence,<br />
se révèle incertain ou irréductible<br />
dans ses fon<strong>de</strong>ments, ses dispositions<br />
existentielles et inconscientes<br />
et ses voies d’expression ?<br />
Où en sommes-nous quant aux avancées<br />
du mouvement <strong>de</strong>s femmes dans<br />
les sociétés « développées » (notamment<br />
le droit à la contraception et à<br />
l’avortement, la revendication d’égalité<br />
dans le travail, la parité en politique…).<br />
Ces avancées <strong>de</strong>meurent<br />
Pour être invité au FAP chaque conférencier doit être au top dans son<br />
domaine mais aussi répondre à un <strong>de</strong>uxième critère : être sympathique et<br />
abordable.<br />
Parmi eux, <strong>de</strong>s gran<strong>de</strong>s pointures : Christophe André (psychologue <strong>de</strong> la<br />
peur), Christophe Faure (vivre la maladie d’un proche), Thomas d’Ansembourg<br />
(être heureux n’est pas nécessairement confortable), Isabelle Nazare-<br />
Aga (approcher les autres est-ce si difficile ?), Charly Cungi (vaincre la timidité,<br />
c’est possible).<br />
THÉRAPEUTIQUE ■ 19<br />
fragiles et incomplètes alors que, dans<br />
la plupart <strong>de</strong>s pays, les droits élémentaires<br />
<strong>de</strong>s femmes ne sont même pas<br />
ébauchés. Au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> cette dimension,<br />
l’évolution <strong>de</strong> l’i<strong>de</strong>ntité masculine doit<br />
être située dans une analyse plus large<br />
du <strong>de</strong>venir <strong>de</strong>s relations femmes/hommes<br />
notamment l’émergence <strong>de</strong> nouvelles<br />
conduites (les notions <strong>de</strong> « nouveaux<br />
pères » ou d’« homme flou »,<br />
l’interrogation <strong>de</strong> la « fonction paternelle<br />
», la « confusion » <strong>de</strong>s genres) ou le<br />
retour <strong>de</strong> conduites archaïques et machiste<br />
dans une partie <strong>de</strong> la jeunesse.<br />
La possibilité du clonage reproductif,<br />
qui, même si elle n’est pas encore entrée<br />
dans les faits, transforme déjà les<br />
représentations concernant le <strong>de</strong>venir<br />
<strong>de</strong>s relations femmes/hommes. Un processus<br />
est-il enclenché qui, à terme,<br />
transformera radicalement la nature <strong>de</strong><br />
ces relations ? S’agit-il d’une fracture<br />
symbolique qui accélèrera les « ruptures »<br />
actuelles (familles recomposées, monoparentales,<br />
célibat prolongé…) ? La<br />
revendication d’homoparentalité déplaçant<br />
sur un plan symbolique le rôle<br />
« paternel » classique <strong>de</strong> « tiers séparateur<br />
», exprime-t-elle une forme anticipatrice<br />
? Cela implique une réflexion<br />
actualisée sur le féminin et le masculin<br />
en ce qui concerne la construction <strong>de</strong>s<br />
i<strong>de</strong>ntités.<br />
Avec Nicole Aubert, Geneviève Fraisse, Thierry Goguel<br />
d’Allondans, Jean-Clau<strong>de</strong> Kaufmann, Martine<br />
Lani-Bayle, Edith Lecourt, Margaret Maruani, Nancy<br />
Midol, Janine Mossuz-Lavau, André Rauch, Clau<strong>de</strong><br />
Rivière, Danielle Rosenfeld-Katz, Joseph Rouzel, Patrick<br />
Schmoll, Daniel Welzer-Lang.<br />
L’esprit sociologique<br />
Bernard Lahire<br />
La Découverte, 25 €<br />
Par une réflexion sur le travail d’interprétation<br />
sociologique mis en œuvre<br />
sur <strong>de</strong>s données <strong>de</strong> nature différentes<br />
(données d’observation, entretiens, documents<br />
écrits, données quantitatives),<br />
Bernard Lahire abor<strong>de</strong> <strong>de</strong>s questions<br />
importantes dans l’apprentissage <strong>de</strong><br />
l’esprit sociologique : la <strong>de</strong>scription,<br />
l’interprétation et la surinterprétation,<br />
l’usage sociologique <strong>de</strong>s analogies, les<br />
rapports entre objectivation sociologique<br />
et critique sociale, entre l’ordre<br />
<strong>de</strong> la pratique et l’ordre du discours,<br />
entre sociologie et littérature, etc.<br />
De par sa tonalité critique et sa volonté<br />
d’expliciter ce qu’est la connaissance<br />
sociologique mais aussi ce qu’elle n’est<br />
pas, ce livre peut être classé dans la catégorie<br />
<strong>de</strong>s anti-manuels.<br />
Petit traité <strong>de</strong> la banlieue<br />
Marc Hatzfeld<br />
Dunod 23 €<br />
La question posée par la mise au ban<br />
d’une partie <strong>de</strong> la population pauvre<br />
dans du béton pauvre est moins, pour<br />
Marc Hatzfeld, celle du <strong>de</strong>venir <strong>de</strong>s cités<br />
elles-mêmes que celle <strong>de</strong> l’intégration<br />
urbaine. D’un côté, <strong>de</strong> vieilles villes<br />
pétrifiées, <strong>de</strong> l’autre <strong>de</strong>s brouillons à<br />
peine esquissés. Les villes historiques<br />
d’Europe sont, en gran<strong>de</strong> partie, et/pour<br />
beaucoup d’entre elles, bloquées par la<br />
<strong>de</strong>nsité et la structure du bâti, les enjeux<br />
financiers et l’épuisement <strong>de</strong> leurs<br />
formes. Les cités, en dépit <strong>de</strong> tout ce<br />
qu’on y constate d’infamant concernant<br />
l’idée <strong>de</strong> la ville et la place faite aux humains,<br />
sont <strong>de</strong>s lieux ouverts et plastiques.<br />
Si la ville veut bouger, c’est là<br />
qu’elle peut le faire. La relation <strong>de</strong>s habitants<br />
à leurs villes est disponible et<br />
n’attend que d’être prise en main, mise<br />
en forme et en matière. Tout n’y est pas<br />
possible mais beaucoup. Il s’agit bien<br />
d’un problème <strong>de</strong> civilisation car ce livre<br />
montre à quel point il influait les valeurs<br />
et les pratiques.<br />
A l’heure où l’on prend conscience <strong>de</strong><br />
l’inanité <strong>de</strong>s choix du passé proche, la<br />
question n’est, sans doute, pas <strong>de</strong> détruire<br />
pour tenter d’oublier mais <strong>de</strong> faire<br />
avec, pour inventer les villes <strong>de</strong> notre<br />
époque.
20<br />
LIVRES<br />
■ ANNONCES PROFESSIONNELLES<br />
Pour une approche<br />
intégrative <strong>de</strong> l’intelligence<br />
Un siècle après Binet<br />
Paulette Rozencwajg<br />
L’Harmattan 25,50 €<br />
Ce livre est le fruit d’un travail <strong>de</strong> recherches<br />
et <strong>de</strong> réflexion sur les différentes<br />
approches <strong>de</strong> l’intelligence <strong>de</strong>puis<br />
Binet. En effet, on ne savait alors<br />
que mesurer <strong>de</strong>s processus élémentaires<br />
ayant peu <strong>de</strong> pertinence pour comprendre<br />
le fonctionnement psychologique<br />
d’un enfant « normal » et son<br />
adaptation à l’école. Non seulement,<br />
Binet, en bon expérimentaliste, est le<br />
premier à avoir su mesurer l’intelligence<br />
en se basant sur les processus supérieurs,<br />
mais <strong>de</strong> surcroît, ses qualités cliniques<br />
le conduisent à décrire les comportements<br />
<strong>de</strong>s enfants en situation <strong>de</strong><br />
test <strong>de</strong> façon qualitative.<br />
Depuis Binet, l’évaluation <strong>de</strong> l’intelligence<br />
a pris et prend encore plusieurs<br />
formes : globale avec les échelles <strong>de</strong><br />
Wechsler, quantitative avec l’approche<br />
factorielle, ou processuelle avec l’approche<br />
cognitive <strong>de</strong> l’intelligence, approches<br />
décrites dans cet ouvrage.<br />
Après cet historique, la proposition théorique<br />
et empirique qui est ensuite présentée,<br />
qualifiée d’approche intégrative,<br />
propose une mesure qui se veut quantitative<br />
et qualitative à travers l’i<strong>de</strong>ntification<br />
<strong>de</strong>s stratégies <strong>de</strong> résolution <strong>de</strong><br />
problèmes. Il s’agit, en quelque sorte,<br />
d’un retour à Binet pour l’objet <strong>de</strong> l’évaluation,<br />
mais enrichi par la psychologie<br />
cognitive et les possibilités données par<br />
les outils informatiques et statistiques.<br />
L’évaluation participative au<br />
service du développement<br />
social<br />
Jean-François Brenoux<br />
Dunod, 24 €<br />
Explorant les influences <strong>de</strong> l’évaluation<br />
et leur portée dans la construction <strong>de</strong><br />
projets sociaux, l’auteur propose une<br />
métho<strong>de</strong> d’évaluation participative transposable<br />
à <strong>de</strong> nombreuses configurations.<br />
Elle est déclinée sous forme <strong>de</strong><br />
trois applications pratiques : dans les<br />
centres sociaux, dans les réseaux parentalité<br />
et sur les territoires <strong>de</strong> la politique<br />
<strong>de</strong> la ville. Un abécédaire <strong>de</strong> l’évaluation,<br />
en fin d’ouvrage, complète les<br />
repères méthodologiques et techniques<br />
présentés.<br />
100 Mots pour 100<br />
Philosophes<br />
De Héraclite à Derrida<br />
Jean-Clet Martin<br />
Les Empêcheurs <strong>de</strong> penser en rond<br />
15 €<br />
Chaque philosophe peut être associé<br />
à un mot autour duquel son œuvre<br />
rayonne. Or ce mot n’est pas une pure<br />
déduction intellectuelle et est généralement<br />
inscrit dans un épiso<strong>de</strong> crucial<br />
<strong>de</strong> la vie du philosophe. Il ne s’agit donc<br />
pas, dans ce livre, <strong>de</strong> faire dans l’anecdotique,<br />
comme c’est souvent le cas <strong>de</strong>s<br />
auteurs qui essaient <strong>de</strong> lier la vie et<br />
l’œuvre d’un philosophe, mais, tout en<br />
fuyant l’abstraction, <strong>de</strong> restituer en<br />
quelques pages ce qui lui a permis d’être<br />
innovant. Ces 100 portraits invitent à<br />
réfléchir à ce qu’il y a <strong>de</strong> singulier chez<br />
chaque philosophe. L’ensemble permet<br />
<strong>de</strong> restituer le mouvement animant<br />
l’histoire <strong>de</strong> la philosophie. On peut citer<br />
quelques exemples : Arendt, crise ;<br />
Bergson, durée ; Blanchot, fin ; Deleuze,<br />
multiplicité ; Epicure, matière ; Hobbes,<br />
terreur ; Hume, expérience ; Hyppolite,<br />
irrationnel ; Jankélévitch, irréversible ;<br />
Lévinas, visage ; Merleau-Ponty, chair ;<br />
Plotin, contemplation ; Weber, désenchantement.<br />
Pour vos annonces professionnelles<br />
contactez Madame Susie Caron au<br />
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pour compléter l’équipe médicale du secteur 22G05 (4ème poste)<br />
à SAINT-BRIEUC (Préfecture <strong>de</strong>s Côtes d’Armor)<br />
• Activités <strong>de</strong> secteur :<br />
CMP, hospitalisation plein temps, CATTP, hôpital <strong>de</strong> jour.<br />
• Activités intersectorielles possibles :<br />
urgences et psychiatrie <strong>de</strong> liaison au CHG voisin.<br />
Poste offert au choix <strong>de</strong>s PH ; possibilité CCN 51<br />
Pour tout renseignement merci <strong>de</strong> contacter :<br />
Dr Philippe Carrière (chef <strong>de</strong> service)<br />
Centre St-Benoît Menni - 8 rue Charles Pradal<br />
22000 Saint-Brieuc<br />
Tél : 02 96 77 27 10<br />
email : p.carriere@hopital-sjd-lehon.asso.fr<br />
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Le Centre Hospitalier Philippe Pinel<br />
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dynamique.<br />
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notamment avec Confrères libéraux et/ou les généralistes.<br />
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Adresser lettre <strong>de</strong> motivation et CV à :<br />
Professeur Manuel BOUVARD, Mé<strong>de</strong>cin Directeur<br />
246 avenue du Général <strong>de</strong> Gaulle<br />
33290 Blanquefort<br />
Tél.:0556950754•Fax:0556950729<br />
E-mail : csmi@renovation.asso.fr<br />
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N°2 - TOME XVIII - MARS 2005<br />
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Mr le docteur BALESTE ou Mme le docteur JOUVE<br />
Psychiatres<br />
Tél. : 05 55 29 79 85<br />
Mr EYMET, Directeur<br />
Tél. : 05 55 29 80 13<br />
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■ Un Praticien Hospitalier (PH) à temps plein spécialisé<br />
en psychiatrie pour l’un <strong>de</strong> ses secteurs <strong>de</strong> psychiatrie<br />
adulte (équipe <strong>de</strong> 5 PH psychiatres à temps plein)<br />
■ Deux PH à temps plein et un PH à temps partiel<br />
spécialisés en psychiatrie pour son secteur <strong>de</strong><br />
psychiatrie infanto-juvénile (équipe <strong>de</strong> 5 PH à temps<br />
plein et temps partiel)<br />
Pour tout renseignement sur ces postes qui seront publiés<br />
dans le cadre du tour <strong>de</strong> recrutement 2005<br />
(mars – avril 2005) et à pourvoir à compter <strong>de</strong> l’été 2005 :<br />
- Monsieur Patrick PROT, Directeur du Centre Hospitalier du Gers,<br />
tél. : 05.62.60.65.10 ; e-mail : p.prot@ch-gers.fr<br />
- Monsieur le Docteur Michel LAVERGNE, Prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> la CME,<br />
tél. : 05.62.60.66.46 ; e-mail : m.lavergne@ch-gers.fr<br />
LE CENTRE HOSPITALIER<br />
DES PAYS DE MORLAIX (Finistère)<br />
3 secteurs <strong>de</strong> psychiatrie générale, un secteur <strong>de</strong><br />
pédopsychiatrie et un secteur d’alcoologie<br />
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dotée d’une gare TGV, située à 10 mn <strong>de</strong> la mer,<br />
30 mn <strong>de</strong> Brest (ville universitaire, aéroport)<br />
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<strong>de</strong>s praticiens en psychiatrie générale et<br />
infanto-juvénile (tous statuts)<br />
Adresser candidature et CV à :<br />
Centre Hospitalier Direction <strong>de</strong>s Affaires Médicales<br />
BP 97237 - 29672 Morlaix Cé<strong>de</strong>x<br />
Renseignements auprès <strong>de</strong> la direction <strong>de</strong> affaires médicales :<br />
02 98 62 69 11, ou <strong>de</strong>s chefs <strong>de</strong> services <strong>de</strong> psychiatrie par<br />
l’intermédiaire du standard : 02 98 62 61 60.
N°2 - TOME XVIII - MARS 2005<br />
LIVRES<br />
De la disparition <strong>de</strong>s<br />
psychologues cliniciens<br />
Luttes et conflits<br />
entre cliniciens et cognitivistes,<br />
entre universitaires et praticiens,<br />
entre mé<strong>de</strong>cins et psychologues<br />
Sous la direction <strong>de</strong> Patrick Ange<br />
Raoult *<br />
L’Harmattan 17,50 €<br />
Cet ouvrage s’interroge sur la profession<br />
et les métiers <strong>de</strong> psychologue dans<br />
ses difficultés et impasses. En abordant<br />
la posture éthique du clinicien, il pro-<br />
pose une interrogation concrète sur<br />
l’exercice <strong>de</strong> la profession <strong>de</strong> psychologue.<br />
La construction <strong>de</strong> l’ouvrage s’est<br />
faite en regard d’approches théoriques<br />
diverses, même si les courants psychanalytiques<br />
sont au premier plan pour<br />
abor<strong>de</strong>r l’impossible épistémologique<br />
<strong>de</strong> l’unité <strong>de</strong> la psychologie. A cet impossible<br />
répond la nécessaire fonction<br />
unitaire du titre et du champ.<br />
La psychologie a connu une évolution<br />
contradictoire : <strong>de</strong> niveau universitaire,<br />
source <strong>de</strong> nombreux travaux, elle est<br />
réduite à la portion congrue dans le terrain<br />
pratique. La professionnalisation<br />
semble insuffisante au plan <strong>de</strong> la responsabilité<br />
clinique et <strong>de</strong>s liens entre<br />
le lieu universitaire et le champ <strong>de</strong> la<br />
praxis.<br />
Ce livre constate la dispersion suicidaire<br />
<strong>de</strong>s diplômes universitaires distribués,<br />
du mouvement d’élimination du courant<br />
clinique à l’université, <strong>de</strong> la prégnance<br />
<strong>de</strong> la recherche sur la professionnalité,<br />
du décalage entre <strong>de</strong>s<br />
enseignants isolés et <strong>de</strong>s praticiens exclus<br />
<strong>de</strong> l’université. Il souligne la nécessité<br />
<strong>de</strong> repenser la formation universitaire,<br />
en mettant en avant une<br />
formation doctorante avec un stage à<br />
responsabilité clinique, soutenue par<br />
<strong>de</strong>s universitaires praticiens et <strong>de</strong>s liens<br />
effectifs université/lieu <strong>de</strong> stage. Il critique<br />
un recrutement d’enseignantschercheurs,<br />
en psychologie clinique et<br />
pathologique, non psychologues, expérimentalistes<br />
ou sans expérience réelle<br />
sur le terrain clinique et défend l’idée<br />
d’enseignants praticiens ou d’un statut<br />
hospitalo-universitaire.<br />
Il n’est donc pas étonnant, alors, que<br />
soient relevés les dénis et dénégations<br />
qui rationnalisent une dépendance et<br />
une impossibilité à soutenir <strong>de</strong>s positions<br />
éthiques et déontologiques.<br />
21<br />
L’impossibilité d’accès direct <strong>de</strong> la part<br />
<strong>de</strong>s usagers en <strong>de</strong> nombreux endroits<br />
soit en raison d’une préséance mal justifiée<br />
<strong>de</strong>s mé<strong>de</strong>cins, soit par <strong>de</strong>s entretiens<br />
infirmiers, éducatifs mimant une<br />
praxis psychologique est dénoncée. Les<br />
enjeux actuels autour <strong>de</strong> la psychothérapie<br />
sont discutés. Si l’éclectisme théorique<br />
du champ <strong>de</strong> la psychologie est<br />
soutenu, une clarté épistémologique du<br />
clinicien est requise. Chaque auteur défend<br />
l’une ou l’autre option, sans être<br />
en accord, nécessairement, avec l’ensemble.<br />
Chaque texte engage son auteur<br />
dans les limites <strong>de</strong> son propos. Aucun,<br />
hormis le coordonnateur, n’est<br />
re<strong>de</strong>vable <strong>de</strong> l’ensemble d’un ouvrage<br />
qui n’est pas un manifeste mais un espace<br />
critique <strong>de</strong> réflexion.<br />
*En collaboration avec F. Féry, Y. Gérin, B. Guérin-<br />
Carnelle, A. Ohayon, P.A. Raoult, R. Samacher.<br />
Evaluer en protection <strong>de</strong><br />
l’enfance<br />
Théorie et métho<strong>de</strong><br />
2 e édition revue et augmentée<br />
Francis Alföldi<br />
Dunod, 27 €<br />
Ce livre propose une méthodologie pour<br />
renforcer la prévention et la prise en<br />
charge <strong>de</strong> l’enfance en danger. Au moment<br />
où la loi <strong>de</strong> rénovation du 2 janvier<br />
2002 modifie, profondément, les<br />
conceptions et pratiques <strong>de</strong> l’évaluation<br />
dans l’action sociale. Des développements<br />
importants sont réservés à<br />
l’évaluation : le recueil et la pertinence<br />
<strong>de</strong>s informations retraçant les faits, la<br />
construction et l’utilisation <strong>de</strong>s critères.<br />
Deux instruments d’évaluation sont proposés<br />
à partir du modèle MPS (médicopsycho-social)<br />
: le génogramme d’évaluation<br />
et le critéroscope. La métho<strong>de</strong><br />
est illustrée au moyen d’une étu<strong>de</strong> <strong>de</strong><br />
cas qui accompagne la présentation du<br />
génogramme d’évaluation.<br />
Les personnalités<br />
pathologiques<br />
Approche cognitive et<br />
thérapeutique<br />
Quentin Debray<br />
Daniel Nollet<br />
4 e édition<br />
Masson, 25,50 €<br />
Cette 4 e édition est actualisée, plus particulièrement<br />
pour ce qui concerne les<br />
personnalités bor<strong>de</strong>rline, antisociale (ou<br />
psychopathique) et dépressive.<br />
Récit, attachement et<br />
psychanalyse<br />
Pour une clinique <strong>de</strong> la narrativité<br />
Sous la direction <strong>de</strong> Bernard Golse<br />
et Sylvain Missonnier<br />
Erès, 23 €<br />
Ce livre rassemble un certain nombre<br />
<strong>de</strong>s interventions qui ont eu lieu à l’hôpital<br />
Necker-Enfants mala<strong>de</strong>s en mars<br />
et en octobre 2002, au cours <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux<br />
journées <strong>de</strong> travail que le groupe WAIMH<br />
– Francophone* a consacré à la question<br />
<strong>de</strong> la narrativité. Les diverses contributions<br />
<strong>de</strong> linguistes, <strong>de</strong> spécialistes <strong>de</strong><br />
l’attachement, <strong>de</strong> psychiatres, <strong>de</strong> psychologues<br />
et <strong>de</strong> psychanalystes convergent<br />
vers la construction d’une sémiologie<br />
et d’une psycho(patho)logie<br />
psychanalytique <strong>de</strong> la narrativité.<br />
Avec la participation <strong>de</strong> Jacques Angelergues, Christelle<br />
Bénony-Viodé, Ayala Borghini, Drina Candilis-<br />
Huisman, Dominique Charlier-Mikolajczak, Laurent<br />
Danon-Boileau, Pierre Delion, Alberto Konicheckis,<br />
Sophie Marinopoulos, Denis Mellier, Raphaële Miljkovitch,<br />
Roger Perron, Blaise Pierrehumbert, Arlette<br />
Seghers, Michel Soulé, Daniel Stern.<br />
*waimh : World Association of Infant Mental Health.<br />
www.psynem.necker.fr/WaimhFrancophone
22<br />
ANNONCES EN BREF<br />
10 mars 2005. Paris. 6 e Colloque organisé<br />
par l’APEP (Association Psychanalyse<br />
et Psychothérapies), le CHU Pitié-Salpêtrière<br />
et l’Association <strong>de</strong> Santé<br />
Mentale du 13 ème arrt sur le thème : Le<br />
débat en psychanalyse. Inscriptions : Catherine<br />
Lefèvre, Centre Ph Paumelle, 11<br />
rue Albert Bayet, 75013 Paris. Tél. :<br />
01 40 77 44 52.<br />
17 mars 2005. Clermont-<strong>de</strong>-l’Oise. 14 ème<br />
Journée Scientifique <strong>de</strong> l’Association<br />
Clermontoise <strong>de</strong> Recherche, d’Enseignement<br />
et <strong>de</strong> Formation en <strong>Psychiatrie</strong><br />
et Psychologie sur le thème :<br />
L’inconscient politiquement correct ? Inscriptions<br />
: Dr Catherine Zoute, CHI, 2<br />
rue <strong>de</strong>s Finets, 60600 Clermont-<strong>de</strong>-l’Oise.<br />
18 et 19 mars 2005. Aire-sur-l’Adour.<br />
7èmes Journées <strong>de</strong> l’Adolescence <strong>de</strong> la<br />
Clinique Médicale et Pédagogique Jean<br />
Sarrailh - Fondation Santé <strong>de</strong>s Etudiants<br />
<strong>de</strong> France sur le thème : Après l’urgence,<br />
les réponses. Renseignements et inscriptions<br />
: Clinique Médicale et Pédagogique<br />
Jean Sarrailh, 40800 Aire-surl’Adour.<br />
Tél. : 05 588 71 65 08. Fax :<br />
05 58 71 89 52. j.sarrailh@fsef.net<br />
19 et 19 mars 2005. Paris. 3 ème Congrès<br />
National pour la Promotion <strong>de</strong>s Soins<br />
Somatiques en Santé Mentale sur le<br />
thème : Pour une approche pluridisciplinaire.<br />
Renseignements et inscriptions :<br />
Association Nationale pour la Promotion<br />
<strong>de</strong>s Soins Somatiques en Santé<br />
Mentale, Département d’explorations<br />
fonctionnelles et <strong>de</strong> soins somatiques,<br />
EPSM Georges Mazurelle, 85026 La<br />
Roche sur Yon. E-mail : ronan.fevrier@chmazurelle.fr<br />
24 mars 2005. Paris. Colloque sur le<br />
thème : Promotion <strong>de</strong> la santé mentale<br />
chez le jeune enfant. Inscriptions : Pr Viviane<br />
Kovess-Masféty, Directrice, Fondation<br />
MGEN pour la Santé Publique, 3<br />
square Max Hymans, 75015 Paris. Tél. :<br />
01 40 47 24 20. Fax : 01 40 47 21 91.<br />
Mobile : 06 07 42 67 88. Site : www.fondationmgen.org<br />
24 et 25 mars 2005. Biarritz. Congrès<br />
National <strong>de</strong> l’ASPS (Association Scientifique<br />
<strong>de</strong>s Psychiatres <strong>de</strong> Secteur) sur le<br />
thème : Le trauma psychique. Mé<strong>de</strong>cine,<br />
psychiatrie, police, justice. Secrétariat scientifique<br />
et inscriptions : Dr Bernard M.H.<br />
Boussat, Centre Hospitalier Côte Basque,<br />
64109 Bayonne Ce<strong>de</strong>x. Secrétariat :<br />
05 59 44 42 32. Fax : 05 59 44 42 39.<br />
E-mail : dr.boussat@wanadoo.fr<br />
1 au 3 avril 2005. Lyon. XXXIV èmes Journées<br />
Annuelles <strong>de</strong> Thérapie psychomotrice<br />
du SNUP (Syndicat National<br />
d’Union <strong>de</strong>s Psychomotriciens). XV ème<br />
Colloque <strong>de</strong> la SITP (Société Internationale<br />
<strong>de</strong> Thérapie Psychomotrice). Inscriptions<br />
: SNUP, 01 56 20 14 70 ; SITP,<br />
01 34 19 87 86.<br />
2 avril 2005. Paris. XII è Journée <strong>de</strong> psychopathologie<br />
du nourrisson sur le<br />
thème : Traumatisme et clinique précoce.<br />
Inscriptions : Mme Rat, Melle Favier,<br />
Service <strong>de</strong> l’Enseignement. Tél. :<br />
01 40 77 43 18. Fax : 01 40 77 43 55.<br />
2 et 3 avril 2005. Paris. Colloque sur le<br />
thème : Subjectivation. Un nouveau point<br />
<strong>de</strong> vue en psychanalyse ? Programme et<br />
inscriptions : Carnet Psy, 8 ave Jean-<br />
Baptise Clément, 92100 Boulogne. Tél. :<br />
01 46 04 74 35, 06 19 90 59 60. Fax :<br />
01 46 04 74 00. E-mail : estelle@carnetpsy.com.<br />
Site : www.carnetpsy.com<br />
5 avril 2005. Tours. Journée <strong>de</strong> Formation<br />
Continue organisée par la Fédération<br />
d’Ai<strong>de</strong> à la Santé Mentale Croix-<br />
Marine sur le thème : L’urgence et après...<br />
Que se passe-t-il après l’urgence ? Inscriptions<br />
: Tél. : 01 45 96 06 36. Fax :<br />
01 45 36 06 05. E-mail : croixmarine@wanadoo.fr.<br />
15 et 16 avril 2005. Caen. Congrès International<br />
Frances Tustin. Inscriptions :<br />
Secrétariat du Pr Houzel, Hôpital Clémenceau,<br />
avenue Georges Clémenceau.<br />
Tél. : 02 31 27 23 09. Fax : 02 31 27 24 03.<br />
houzel-d@chu-caen.fr<br />
22 et 23 avril 2005. Bruxelles. 1 er Colloque<br />
organisé par le Groupe interdisciplinaire-interuniversitaire<br />
<strong>de</strong> périnatalité<br />
ULB/UCL (GIP) sur le thème :<br />
Naissances difficiles : quand les émotions<br />
nous submergent. Inscriptions : Mme Calistri<br />
ou Mme Gustin. Tél. : (00 32)<br />
472 90 89 71. E-mail : marielaure_gustin@stpierre-bru.be<br />
29 et 30 avril 2005. Grenoble. 18 èmes<br />
Journées <strong>de</strong> réflexion organisées par le<br />
Centre d’Ethnopsychologie Clinique<br />
APPM-CREFSI sur le thème : Adolescence<br />
et contexte <strong>de</strong> rupture. Passage à l’acte,<br />
conduites à risque et travail en Réseau. Inscriptions<br />
: Yahyaoui A./Mme Lakhdar,<br />
APPM-CREFSI, 10 ter Bd Gambetta, 38000<br />
Grenoble. Tél. : 04 76 46 94 00. Fax :<br />
04 76 43 09 64. E-mail : appmcrefsigre@aol.com<br />
5 au 8 mai 2005. Paris. 65 ème Congrès<br />
<strong>de</strong>s Psychanalystes <strong>de</strong> Langue Française<br />
organisé par la SPP sur le thème :<br />
La sublimation. Inscriptions : Tél. :<br />
01 43 29 66 70. Lundi et mercredi <strong>de</strong><br />
9h à 13h. mardi et jeudi <strong>de</strong> 13h à 17h.<br />
E-mail : infoCongres@spp.asso.fr<br />
10 au 12 mai 2005. Gruissan (Au<strong>de</strong>).<br />
11 ème Rencontre nationale <strong>de</strong>s CMP<br />
(Centres Médico-Psychologiques adultes)<br />
sur le thème : Migration – intégration.<br />
Exil intérieur et santé mentale. Renseignements<br />
et inscriptions : ERAP Formations,<br />
19 rue Auguste Chabrières,<br />
75015 Paris. Tél. : 01 48 28 98 51. Fax :<br />
01 42 50 43 20. E-mail : annie.bardon@wanadoo.fr<br />
14 et 15 mai 2005. Chambéry. Colloque<br />
organisé par le CERP sur le thème : Corps<br />
et violence à l’adolescence : entre effraction,<br />
agir et narcissisme. Inscriptions : P.A.<br />
Raoult, CERP. Tél. : 04 79 69 68 22. Email<br />
: patrickange.raoult@wanadoo.fr<br />
19 et 20 mai 2005. Lyon. Colloque organisé<br />
par la Société Française <strong>de</strong> Psychothérapie<br />
<strong>de</strong> Groupe (SFPPG) sur le<br />
thème : La groupalité en débat, émergence<br />
et travail du lien. Renseignements : Secrétariat<br />
<strong>de</strong> la SFPPG. Tél./Fax :<br />
01 43 36 03 40. E-mail : sfppg@wanadoo.fr<br />
26 et 27 mai 2005. Hyères les Palières.<br />
Congrès organisé par Sauvegar<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’Enfance<br />
sur le thème : Lien familial, lien social,<br />
Individualisme, normes, vulnérabilités.<br />
Inscriptions : La Sauvegar<strong>de</strong> <strong>de</strong><br />
l’Enfance, 121 avenue Vauban, 83000<br />
Toulon. Tél. : 04 94 93 30 30.<br />
26 et 27 mai 2005. Paris. Colloque organisé<br />
par le CIRFIP (Centre International<br />
<strong>de</strong> Recherche, Formation et Intervention<br />
Psycho-sociologiques) sur le<br />
thème : L’angoisse du risque et les paradoxes<br />
<strong>de</strong> la responsabilité. Situations et stratégies.<br />
Inscriptions : Tél. : 06 80 90 07 21.<br />
E-mail : cirfip@wanadoo.fr<br />
26 au 29 mai 2005. Turin. 23 ème Congrès<br />
International <strong>de</strong> Psychologie Adlerienne<br />
sur le thème : Pouvoir et culture. Inscrip-<br />
45 €*<br />
pour un an<br />
75 €*<br />
pour 2 ans<br />
Tarif<br />
étudiant et internes<br />
30 €*<br />
*supplément étranger<br />
et DOM/TOM =30 €/an<br />
tions : Yannick Le Jan. Tél. : 06 80 46 80 51.<br />
E-mail : yannick.lejan@free.fr<br />
27 mai 2005. Avignon. Soirée <strong>de</strong> réflexion<br />
sur L’archaïque avec Sophie <strong>de</strong><br />
Mijolla-Mellor organisée par l’ANREP.<br />
Inscriptions : Dr Rémi Picard, Secteur<br />
27, Centre hospitalier <strong>de</strong> Montfavet, 2<br />
avenue <strong>de</strong> la Pinè<strong>de</strong>, BP 92, 84143<br />
Montfavet Ce<strong>de</strong>x. Tél. : 04 90 03 94 70.<br />
E-mail : remi.picard@ch-montfavet.fr.<br />
27 et 28 mai 2005. Paris. Colloque médical<br />
Franco-Japonais, sous les patronages<br />
<strong>de</strong>s Sociétés Franco-Japonaises<br />
<strong>de</strong> Mé<strong>de</strong>cine <strong>de</strong> France et du Japon, <strong>de</strong><br />
l’Ambassa<strong>de</strong> <strong>de</strong> France à Tokyo et <strong>de</strong><br />
l’ambassa<strong>de</strong> du Japon à Paris sur les<br />
thèmes : Le vieillissement et Que reste-til<br />
<strong>de</strong>s névroses en France et au Japon en<br />
2005 ? Inscriptions : Dr Hervé Benhamou,<br />
76 avenue Edison, 75013 Paris.<br />
28 mai 2005. Abbaye Royale <strong>de</strong> Fontevraud.<br />
20 ème Journée psychiatrique<br />
du Val <strong>de</strong> Loire sur le thème : De la mémoire<br />
et <strong>de</strong> l’oubli. Inscriptions : Secteur<br />
7-Césame, Ste Gemmes sur Loire, Secrétariat<br />
<strong>de</strong> Docteur Lhuillier, BP 89,<br />
49137 Les Ponts <strong>de</strong> Ce ce<strong>de</strong>x. Tél. :<br />
02 41 80 79 93. Fax : 02 41 80 79 63.<br />
E-mail : secteur7@ch-cesame-angers.fr,<br />
ou Service <strong>de</strong> <strong>Psychiatrie</strong> et <strong>de</strong> Psychologie<br />
Médicale, CHU Angers, Secrétariat<br />
du Professeur Garré, 49033 Angers<br />
ce<strong>de</strong>x 01. Tél. : 02 41 35 32 43.<br />
Fax : 02 41 35 49 35. E-mail : <strong>Psychiatrie</strong>-Adultes@chu-angers.fr<br />
28 mai 2005. Paris. Journée Nationale<br />
<strong>de</strong> la Société <strong>de</strong> Gynécologie et Obstétrique<br />
Psychosomatique (SFGOP) sur le<br />
thème : La relation thérapeutique à l’ère<br />
<strong>de</strong>s protocoles, <strong>de</strong>s évaluations et <strong>de</strong>s consentements.<br />
Inscriptions : Tél. : 01 46 42 11 30.<br />
28 et 29 mai 2005. Metz. Forum organisé<br />
par l’ARPPE (Association <strong>de</strong> recherche<br />
en <strong>Psychiatrie</strong> et Psychanalyse <strong>de</strong> l’Enfant)<br />
sur le thème : <strong>Psychiatrie</strong>, psychothérapie,<br />
psychanalyse. Quels enjeux pour<br />
les soins ? Inscriptions : ARPPE, CMP DW<br />
Winnicott, 11 avenue Leclerc <strong>de</strong> Hauteclocque,<br />
Metz. Tél. :03 87 38 00 75.<br />
Fax : 03 87 56 03 82. E-mail : a.r.p.p.e@<br />
wanadoo.fr<br />
2 et 3 juin 2005. Besançon. 8 ème réunion<br />
annuelle <strong>de</strong> la Société Marcé<br />
Francophone sur le thème : La <strong>de</strong>man<strong>de</strong><br />
<strong>de</strong> soins psychologiques en périnatalité.<br />
Entre sollicitu<strong>de</strong> et contrainte.<br />
Inscriptions : Dr Sylvie Nezelof et Pr P.<br />
Bizouard, Service <strong>de</strong> <strong>Psychiatrie</strong> Infanto-<br />
Juvénile, CHU Saint Jacques, 25030<br />
Besançon. Tél. : 03 81 21 81 54 (ou 52).<br />
Fax : 03 81 21 88 17. E-mail : snezelof<br />
@chu-besancon.fr<br />
3 juin 2005. Paris. Colloque Le <strong>de</strong>uil. L’inconscient,<br />
le collectif organisé par l’Association<br />
Franco-Argentine <strong>de</strong> <strong>Psychiatrie</strong><br />
et <strong>de</strong> Santé Mentale avec la participation<br />
<strong>de</strong> : Jeanine Altounian, Equipo Argentino<br />
<strong>de</strong> Antropologia Forense, Equipo<br />
Argentino <strong>de</strong> Trabajo e Investigacion Psi-<br />
Nom :<br />
Prénom :<br />
Adresse :<br />
cosocial, Edmundo Gomez-Mango, Diana<br />
Kamienny-Boczkowski, Jean Clau<strong>de</strong> Métraux,<br />
Richard Rechtman, Michael Turnheim.<br />
Informations : Dr. D. Kamienny-<br />
Boczkowski. Tél. :01 55 42 94 94. E-mail :<br />
d.kamienny@wanadoo.fr, psy. francoarg.asso@free.fr.<br />
Site : www.psy. francoarg.asso.free.fr<br />
4 juin 2005. Paris. VI e Journée d’étu<strong>de</strong>s<br />
sur le thème Psychanalyse et théorie <strong>de</strong><br />
l’esprit. Autismes avec déficit et autismes<br />
<strong>de</strong> haut niveau. Inscriptions : ASM13, 76<br />
avenue Edison, 75013 Paris. Tél. :<br />
01 40 77 43 40. Fax : 01 40 77 43 55.<br />
E-mail : asm13@asm13.org<br />
9 juin 2005. Paris. Séminaire sur le<br />
thème : La classification Québécoise, Processus<br />
<strong>de</strong> production du handicap (PPH) :<br />
Développement, caractéristiques, applications<br />
et comparaisons avec le CIF (Classification<br />
internationale du fonctionnement,<br />
du handicap et <strong>de</strong> la santé) <strong>de</strong> l’OMS. Renseignements<br />
et inscriptions : CTNERHI,<br />
à l’attention <strong>de</strong> Régine Martinez, 236<br />
bis rue <strong>de</strong> Tolbiac, 75013 Paris. Tél. :<br />
01 45 65 59 40. Fax : 01 45 65 44 94.<br />
E-mail : r.martinez@ctrenhi.com.fr. Site :<br />
www.ctnerhi.com.fr<br />
9 au 11 juin 2005. Tours. Journées Nationales<br />
2005 <strong>de</strong> la Société Française<br />
<strong>de</strong> l’Enfant et <strong>de</strong> l’Adolescent et Disciplines<br />
associées (SFPEADA) sur le thème :<br />
Quand l’enfant se développe autrement.<br />
Autismes. Retards. Renseignements : Dr<br />
Pascal Lenoir, Service Universitaire <strong>de</strong><br />
Pédopsychiatrie, Hôpital Bretonneau,<br />
CHRU <strong>de</strong> Tours, 2 bis Bd Tonnellé, 37044<br />
Tours ce<strong>de</strong>x 9. Tél. : 02 47 47 60 94 /<br />
86 46. Fax : 02 47 47 82 92. E-mail :<br />
p.lenoir@chu-tours.fr<br />
10 juin 2005. Paris. Colloque annuel<br />
<strong>de</strong> <strong>Psychiatrie</strong> adulte <strong>de</strong> l’Association<br />
<strong>de</strong> santé mentale du XIII è arrondissement<br />
sur le thème : L’acte <strong>de</strong> présence.<br />
Renseignements et inscriptions : C. Thévenin,<br />
Centre Philippe Paumelle, 11 rue<br />
Alnert Bayet, 75013 Paris. Tél. :<br />
01 40 77 44 48. Fax : 01 45 83 28 77.<br />
E-mail : Colette.Thevenin@asm13.org<br />
10 et 11 juin 2005. Auxerre. X ème Congrès<br />
<strong>de</strong> psychothérapie <strong>de</strong> groupe d’enfants<br />
et d’adolescents sur le thème : Quels<br />
groupes et pour qui ? Contact : Centre<br />
d’Information et <strong>de</strong> Recherche en Psychologie<br />
et Psychanalyse Appliquées.<br />
Tél. : 01 42 40 41 12 / 03 86 48 23 08.<br />
E-mail : cirppa@wanadoo.fr<br />
18 juin 2005. Paris. Colloque du Samedi<br />
du Centre International <strong>de</strong> Psychosomatique<br />
(CIPS) sur le thème : La thérapie<br />
relationnelle, l’espace et le temps. Renseignements<br />
et inscriptions : CIPS, 56<br />
avenue Mozart, 75016 Paris. Tél./fax :<br />
01 45 20 28 75.<br />
25 et 26 juin 2005. Paris. XIV ème rencontre<br />
du champ freudien, Rencontre<br />
PIPOL2 (Programme International <strong>de</strong><br />
recherches sur la Psychanalyse appliquée<br />
d’Orientation Lacanienne) sur le<br />
Je m’abonne pour : 1 an 2 ans<br />
CHÈQUE À L’ORDRE DE MAXMED à envoyer avec ce bulletin,<br />
54, boulevard <strong>de</strong> la Tour Maubourg, 75007 Paris<br />
Téléphone : 01 45 50 23 08<br />
Je souhaite recevoir une facture acquittée justifiant <strong>de</strong> mon abonnement.<br />
N°2 - TOME XVIII - MARS 2005<br />
thème : Les effets thérapeutiques rapi<strong>de</strong>s<br />
en psychanalyse. Renseignements : Tél. :<br />
06 13 63 00 92. E-mail : pipol2@wanadoo.fr<br />
8 au 10 septembre 2005. Boulogne-<br />
Billancourt. Congrès organisé par la Société<br />
Française <strong>de</strong> Psychothérapie Psychanalytique<br />
<strong>de</strong> Groupe (SFFPPG) et la<br />
Fédération <strong>de</strong>s Associations <strong>de</strong> Psychothérapie<br />
Analytique <strong>de</strong> Groupe (FA-<br />
PAG) sur le thème : L’individu et le groupe.<br />
Inscriptions : C. Ouzilou, Tél./fax :<br />
01 45 88 23 22. E-mail : fapag@clubinternet.fr<br />
15 et 16 septembre 2005. Paris. 21 ème<br />
Congrès International <strong>de</strong> la Société <strong>de</strong><br />
Psycho-Gériatrie <strong>de</strong> Langue Française<br />
sur le thème : Stress, environnement et<br />
vieillesse. Renseignement et inscriptions :<br />
KSCommunication, 149 bd Voltaire, BP<br />
242, 92602 Asnières ce<strong>de</strong>x, France. Tél. :<br />
01 41 32 31 70. Fax : 01 47 93 17 28.<br />
E-mail : secretariat@kskom.com<br />
20 au 24 septembre 2005. Nanterre.<br />
Congrès <strong>de</strong> l’European Scientific Association<br />
for Resi<strong>de</strong>ntial and Foster Care<br />
(EUSARF) sur le thème : Enfance en difficulté<br />
dans un mon<strong>de</strong> difficile. Université<br />
Paris X Nanterre, Département <strong>de</strong>s<br />
Sciences <strong>de</strong> l’Education, Secrétariat-<br />
Congrès EUSARF 2005, 200 ave <strong>de</strong> la<br />
Républiqe, 92001 Nanterre ce<strong>de</strong>x. Tél. :<br />
01 40 97 59 92. E-mail : congreseusarf@u-paris10.fr<br />
22 au 24 septembre 2005. Paris. VI e<br />
Congrès <strong>de</strong> l’European Association for<br />
the History of Psychiatry (EAHP).<br />
Informations, inscriptions et proposition<br />
<strong>de</strong> communication : Secrétariat<br />
EAHP, 23 rue <strong>de</strong> La Rochefoucauld,<br />
75009 Paris. Tél. : 01 49 70 88 58.<br />
Fax : 01 42 81 11 17. E-mail : EAHP.<br />
secretary@elan-retrouve.asso.fr<br />
5 au 8 octobre 2005. La Rochelle.<br />
XXIV èmes Journée <strong>de</strong> la Société <strong>de</strong> l’Information<br />
Psychiatrique sur le thème :<br />
Clinique <strong>de</strong> l’acte. Renseignements et inscriptions<br />
: Dr Philippe Prevost, Centre<br />
Hospitalier, 208 rue Marius Lacroix,<br />
17000 La Rochelle. Tél. : 05 46 45 61 00.<br />
8 et 9 décembre 2005. 9 èmes Journées<br />
<strong>de</strong> <strong>Psychiatrie</strong> <strong>de</strong> Dax organisées par<br />
l’Association pour le Recherche et l’Etu<strong>de</strong><br />
en <strong>Psychiatrie</strong> Publique, le Secteur <strong>de</strong><br />
<strong>Psychiatrie</strong> Générale <strong>de</strong> Dax et le Centre<br />
Hospitalier <strong>de</strong> Dax avec la collaboration<br />
<strong>de</strong> la Société Portugaise pour l’Etu<strong>de</strong><br />
<strong>de</strong> la Santé Mentale, l’Union Internationale<br />
d’Ai<strong>de</strong> à la Santé Mentale Croix-<br />
Marine, l’Association SOFOR (Sud-Ouest<br />
Formation Recherche) et les Editions<br />
Erès sur le thème : Autour <strong>de</strong> la notion<br />
<strong>de</strong> mo<strong>de</strong>rnité en psychiatrie. Renseignements<br />
et inscriptions : Centre <strong>de</strong> Santé<br />
Mentale, 1 rue Labadie, BP 323, 40107<br />
Dax. Tél. : 05 58 91 48 38 / 05 58 91<br />
46 26. Fax : 05 58 91 46 84. E-mail :<br />
csm@ch-dax.fr<br />
Bulletin d’abonnement<br />
Le <strong>Journal</strong> <strong>de</strong> <strong>Nervure</strong> + La Revue<br />
✂
N°2 - TOME XVIII - MARS 2005<br />
LIVRES<br />
Vivre avec un proche atteint<br />
d’Alzheimer<br />
Marie-Pierre Pancrazi et Patrick<br />
Métais<br />
Interéditions, 16 €<br />
Ce gui<strong>de</strong> a été conçu pour ai<strong>de</strong>r les<br />
proches <strong>de</strong>s personnes atteintes <strong>de</strong> la<br />
maladie d’Alzheimer. Il expose les symptômes,<br />
les manières <strong>de</strong> gérer les troubles<br />
du comportement, les façons d’adapter<br />
l’environnement du mala<strong>de</strong>, et explique<br />
aux familles l’importance <strong>de</strong> préserver<br />
leur propre équilibre <strong>de</strong> vie.<br />
Les Philosophies pluralistes<br />
d’Angleterre et d’Amérique<br />
Jean Wahl<br />
Préface <strong>de</strong> Thibaud Trochu<br />
Les Empêcheurs <strong>de</strong> penser en rond<br />
4 €<br />
En réaction au culte <strong>de</strong> l’Absolu totalisant,<br />
hérité <strong>de</strong> la philosophie alleman<strong>de</strong>,<br />
en particulier <strong>de</strong> Hegel, les penseurs anglais<br />
et américains ont pris en compte<br />
la diversité du mon<strong>de</strong> sensible, et l’expérience<br />
humaine. Au tournant du siècle<br />
<strong>de</strong>rnier se sont élaborées <strong>de</strong>s philosophies<br />
en <strong>de</strong>hors <strong>de</strong>s traditions, tout en<br />
les incorporant. Les pensées viennent<br />
se rencontrer, s’ajuster, se confronter<br />
d’un bout <strong>de</strong> l’Europe à l’autre, et <strong>de</strong><br />
part et d’autre <strong>de</strong> l’Atlantique, autour<br />
d’une insistance sur la transformation<br />
du mon<strong>de</strong> et <strong>de</strong> l’individu et la question<br />
du mal : l’accepter ou le combattre<br />
sans diminuer le potentiel d’action possible.<br />
Cette aventure <strong>de</strong> la pensée, centrée<br />
sur le pragmatisme et le réalisme, particulièrement<br />
fécon<strong>de</strong> en œuvres majeures,<br />
fait l’objet d’une redécouverte<br />
incitant à revenir à la diversité interrogative<br />
et à la richesse <strong>de</strong>s origines.<br />
Véritable passeur vers <strong>de</strong>s pensées complexes<br />
ou méconnues comme le pragmatisme<br />
<strong>de</strong> William James mais aussi<br />
le néo-réalisme, Jean Wahl montre que<br />
bien <strong>de</strong>s « monistes » sont plus ouverts<br />
qu’il n’y paraît aux idées pluralistes. Bien<br />
<strong>de</strong>s philosophes sont à découvrir ou redécouvrir<br />
dans ce livre : Russel, Dewey,<br />
Howison ou Royce, mais aussi Bosanquet<br />
ou Bradley.<br />
Les Philosophies pluralistes d’Angleterre<br />
et d’Amérique, qui a constitué la thèse<br />
principale <strong>de</strong> doctorat <strong>de</strong> Jean Wahl et<br />
a été publiée, ultérieurement, en 1920,<br />
ont constitué une source primordiale<br />
23<br />
pour la construction <strong>de</strong> la pensée <strong>de</strong><br />
Gilles Deleuze. Elles donnent à voir une<br />
« autre » Amérique, pionnière, indépendante<br />
et créative, foisonnante et<br />
contradictoire, en phase avec notre<br />
époque avi<strong>de</strong> d’approches plurielles,<br />
plus respectueuses <strong>de</strong> la diversité <strong>de</strong>s<br />
individus et <strong>de</strong>s cultures.<br />
La fatigue intellectuelle<br />
(1898)<br />
Alfred Binet et Victor Henri<br />
Introduction <strong>de</strong> Bernard Andrieu et<br />
Serge Nicolas<br />
L’Harmattan 33 €<br />
L’ouvrage d’Alfred Binet et <strong>de</strong> son collaborateur<br />
Victor Henri sur La fatigue<br />
intellectuelle est le premier écrit sur ce<br />
thème traité dans une perspective expérimentale.<br />
Publié en 1898, il est reproduit dans ce<br />
livre en édition fac similé. En fournissant,<br />
à la pédagogie scolaire, un fon<strong>de</strong>ment<br />
scientifique soli<strong>de</strong>, les <strong>de</strong>ux auteurs<br />
étudient l’effet <strong>de</strong> la fatigue sur<br />
les diverses fonctions physiologiques ;<br />
et surtout les conséquences psychologiques<br />
du travail intellectuel. Ils tentent<br />
<strong>de</strong> préciser la notion <strong>de</strong> « surmenage intellectuel<br />
» et les conditions <strong>de</strong> sa production.<br />
D’une lecture facile, le livre <strong>de</strong><br />
Binet et Henri présente un grand nombre<br />
d’observations et <strong>de</strong>s analyses <strong>de</strong> détail.<br />
L’ouvrage se divise en <strong>de</strong>ux parties<br />
complémentaires : la première traite<br />
<strong>de</strong>s effets physiologiques du travail intellectuel<br />
et la secon<strong>de</strong> <strong>de</strong>s effets psychologiques<br />
du travail intellectuel.<br />
Directeur <strong>de</strong> la rédaction :<br />
Gérard Massé<br />
Rédacteur en chef : François Caroli<br />
Comité <strong>de</strong> rédaction : Centre Hospitalier<br />
Sainte-Anne, 1 rue Cabanis, 75014 Paris.<br />
Tél. 01 45 65 83 09.<br />
Botbol M., Carrière Ph., Dalle B., Goutal M.,<br />
Guedj M.-J., Jonas C., Lascar Ph., Martin A.,<br />
Paradas Ch., Sarfati Y., Spadone C.,<br />
Tribolet S., Weill M.<br />
Comité scientifique : Bailly-Salin P.<br />
(Paris), Besançon G. (Nantes), Bourgeois<br />
M. (Bor<strong>de</strong>aux), Buisson G. (Paris), Caillard<br />
V. (Caen), Chabannes J.-P. (Grenoble),<br />
Chaigneau H. (Paris), Christoforov B.<br />
(Paris), Colonna L. (Rouen), Cornillot P.<br />
(Paris), Dufour H. (Genève), Dugas M.<br />
(Paris), Féline A. (Paris), Ginestet D.<br />
(Paris), Guelfi J.-D. (Paris), Guyotat J.<br />
(Lyon), Hochmann J. (Lyon), Koupernik<br />
C. (Paris), Lambert P. (Chambéry), Loo H.<br />
(Paris), Marcelli D. (Poitiers), Marie-<br />
Cardine M. (Lyon), Mises R. (Paris),<br />
Pequignot H. (Paris), Planta<strong>de</strong> A. (Paris),<br />
Ropert R. (Paris), Samuel-Lajeunesse B.<br />
(Paris), Scotto J.-C. (<strong>Mars</strong>eille), Sechter D.<br />
(Lille), Singer L. (Strasbourg), Viallard A.<br />
(Paris), Zarifian E. (Caen).<br />
Comité francophone : Anseau M.<br />
(Belgique), Aubut J. (Canada), Bakiri M.-A.<br />
(Algérie), Cassan Ph. (Canada), Douki S.<br />
(Tunis), Held T. (Allemagne), Lalon<strong>de</strong> P.<br />
(Canada), Moussaoui D. (Maroc), Romila A.<br />
(Roumanie), Simon Y.-F. (Belgique), Stip E.<br />
(Canada), Touari M. (Algérie).<br />
Publicité<br />
médical<br />
SUPPORTER<br />
promotion<br />
Renata Laska - Susie Caron,<br />
54, bd Latour-Maubourg, 75007 Paris.<br />
Tél. 01 45 50 23 08.<br />
Télécopie : 01 45 55 60 80<br />
E-mail : info@nervure-psy.com<br />
Edité par Maxmed<br />
S.A. au capital <strong>de</strong> 40 000 €<br />
54, bd Latour-Maubourg, 75007 Paris<br />
Maquette : Maëval. Imprimerie Fabrègue<br />
Directeur <strong>de</strong> la Publication :<br />
G. Massé<br />
www.nervure-psy.com