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Mars - Nervure Journal de Psychiatrie

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www.nervure-psy.com<br />

■ EDITORIAL G. Ferrey<br />

Psychiatres au<br />

rabais ? Mé<strong>de</strong>cins<br />

à diplômes<br />

étrangers boucs<br />

émissaires !<br />

C’est un véritable cri d’alarme<br />

que vient <strong>de</strong> lancer, à <strong>de</strong>ux<br />

reprises, dans <strong>de</strong>ux grands<br />

quotidiens J.P. Olié au sujet<br />

<strong>de</strong> la crise actuelle <strong>de</strong> la psychiatrie<br />

publique en France et d’une aggravation<br />

prévisible <strong>de</strong> cette crise pour les<br />

années à venir. C’est dire, qu’a priori, nous ne<br />

pouvons que marquer notre accord avec lui.<br />

Pourtant en y regardant <strong>de</strong> plus près, plusieurs<br />

points <strong>de</strong> son analyse nous paraissent particulièrement<br />

discutables. En effet, si nous ne pouvons<br />

que nous associer à la dénonciation du<br />

manque <strong>de</strong> psychiatre dans les hôpitaux, il est<br />

affligeant <strong>de</strong> noter que cette constatation, bien<br />

banale, s’accompagne immédiatement <strong>de</strong> la<br />

regrettable accusation selon laquelle nous serions,<br />

par ce fait, contraints <strong>de</strong> recruter <strong>de</strong>s mé<strong>de</strong>cins<br />

non qualifiés, lesquels sont « venus <strong>de</strong><br />

pays leur ayant dispensé d’inégales formations ».<br />

Ainsi sont malheureusement désignés les mé<strong>de</strong>cins<br />

à diplôme étranger.<br />

Au contraire, à aucun moment n’est annoncé<br />

que le manque <strong>de</strong> psychiatres français (situation<br />

voisine <strong>de</strong> celle <strong>de</strong> nombreuses autres spécialités<br />

médicales) est la conséquence d’une incapacité<br />

prévisionnelle grave dans le pays même<br />

<strong>de</strong> la planification. Et que cette erreur <strong>de</strong> planification<br />

n’est pas le fait du hasard, mais vient<br />

d’un espoir très commun, comme quoi la limitation<br />

du nombre <strong>de</strong>s mé<strong>de</strong>cins va diminuer<br />

la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong> soins et, sans doute, <strong>de</strong>s besoins<br />

en santé y compris en santé mentale.<br />

On a mis <strong>de</strong>s années à admettre que ce raisonnement<br />

ne marche pas et que les dépenses<br />

<strong>de</strong> santé ne font que croître. Mais le manque<br />

<strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cins apparaît évi<strong>de</strong>nt dans les hôpitaux,<br />

ne serait-ce que parce que les postes nécessaires<br />

figurent sur un tableau <strong>de</strong>s effectifs et<br />

(suite page 3 )<br />

Jules Verne chez<br />

le psychanalyste<br />

Psychiatre et psychanalyste nantais, Michel Sanchez-Car<strong>de</strong>nas,<br />

vient <strong>de</strong> publier Voyage au centre<br />

<strong>de</strong> la Terre-Mère. Jules Verne chez le psychanalyste (1).<br />

<strong>Nervure</strong> publie à cette occasion son interview.<br />

Benoît Robin : Qu’est-ce qui vous a décidé à allonger<br />

Verne sur votre divan ?<br />

Michel Sanchez-Car<strong>de</strong>nas : Le plaisir et la curiosité !<br />

Ce sont eux qui m’ont animé. Comme tant d’autres,<br />

durant mon enfance, puis après, j’ai lu et relu plusieurs<br />

fois le Voyage au centre <strong>de</strong> la terre. J’étais abonné à<br />

une série complète <strong>de</strong>s œuvres <strong>de</strong> Jules Verne en<br />

fac similé <strong>de</strong> l’édition Hetzel, et, tous les mois, je partais<br />

en « voyage extraordinaire » pour une nouvelle<br />

<strong>de</strong>stination. Mais, sans savoir pourquoi, au fil <strong>de</strong>s<br />

ans, le Voyage revenait tout particulièrement entre<br />

mes mains. Il a donc ponctué, sans être toutefois<br />

une monomanie, mon trajet personnel. Lorsqu’un<br />

adulte lit Verne il a souvent besoin <strong>de</strong> s’excuser. Je l’ai<br />

Neuroleptiques et diabète<br />

Dans le passé, certains auteurs avaient déjà noté une relation entre trouble<br />

glycémique et schizophrénie. Depuis l’introduction <strong>de</strong>s neuroleptiques dans l’arsenal<br />

thérapeutique, ce phénomène serait <strong>de</strong> plus en plus marqué en particulier avec les<br />

<strong>de</strong>rnières générations <strong>de</strong> neuroleptiques.<br />

■ FMC M. Ollier<br />

Nous allons tenter <strong>de</strong> faire une synthèse <strong>de</strong> l’ensemble<br />

<strong>de</strong>s <strong>de</strong>rnières données <strong>de</strong> la littérature, en<br />

particulier :<br />

- sur les mécanismes physiopathologiques <strong>de</strong> l’interaction<br />

entre les neuroleptiques et l’homéostasie glycémique,<br />

- sur le rôle du traitement neuroleptique et l’initiation<br />

d’un diabète <strong>de</strong> type 2.<br />

Mécanismes<br />

physiopathologiques<br />

Dès 1920, certains auteurs avaient déjà observé une<br />

association entre diabète et schizophrénie, avant que<br />

les neuroleptiques n’apparaissent (1). Malcom Peet (2)<br />

a réalisé une revue <strong>de</strong> la littérature sur la diététique et<br />

le style <strong>de</strong> vie <strong>de</strong>s patients schizophrènes. Il en ressort<br />

que ces patients présentaient <strong>de</strong> nombreux risques <strong>de</strong><br />

diabète <strong>de</strong> type 2 : histoire familiale <strong>de</strong> diabète, obésité,<br />

sé<strong>de</strong>ntarité, tabac.<br />

De plus, le régime diététique <strong>de</strong> ces patients favorise<br />

l’émergence <strong>de</strong> diabète car il est plus pauvre en fibres,<br />

fruits et légumes (vitamine C et E), et plus riche en<br />

L<br />

’élaboration, ou mieux, la mise en place d’une<br />

consultation médicale concernant la souffrance<br />

psychique au travail nécessite <strong>de</strong> penser que la vie<br />

sociale influence la vie psychique sans que, pour<br />

autant, cette <strong>de</strong>rnière per<strong>de</strong> <strong>de</strong> sa spécificité. Ces<br />

<strong>de</strong>ux nécessités, a priori et complémentaires, impliquent<br />

<strong>de</strong> penser le lien entre la vie sociale et la vie psychique<br />

<strong>de</strong> manière suffisamment articulée. Or, force<br />

est <strong>de</strong> constater que nous ne possédons pas, à l’heure<br />

actuelle, une théorie qui permette une telle articulation.<br />

Le propos <strong>de</strong> notre travail fut <strong>de</strong> retrouver les théories<br />

qui ont tenté une telle articulation pour ce qui<br />

concerne le mon<strong>de</strong> du travail. Ces tentatives ont eu<br />

et ont encore pour nom la psychopathologie du travail<br />

qui se présente donc comme une démarche cli-<br />

constaté pour différentes personnes faisant <strong>de</strong>s exposés<br />

à la tribune et qui semblaient comme « prises en<br />

faute d’infantilisme » ; il leur fallait justifier le plaisir<br />

qu’elles avaient eu à s’y replonger en invoquant <strong>de</strong><br />

bonnes fins, c’est-à-dire telle ou telle recherche effectuée<br />

par elles. Mais elles « confessaient » aussi volontiers<br />

l’intérêt qu’elles avaient eu à reparcourir cet<br />

auteur <strong>de</strong> leur enfance. Le Voyage est un <strong>de</strong>s romans<br />

majeurs <strong>de</strong> Verne, avec 20 000 lieues sous les mers,<br />

Le tour du mon<strong>de</strong> en 80 jours, et De la terre à la lune<br />

en particulier. Publié en 1864, il se situe au sommet<br />

<strong>de</strong> la vague vernienne, lorsque l’auteur « fait un<br />

tabac ». Verne est alors en train d’élaborer ce qui va<br />

<strong>de</strong>venir une mythologie mondiale : qui, sur les cinq<br />

continents, n’a pas à l’esprit Nemo, Michel Strogoff ou<br />

Phileas Fogg ? Enfin, je vis et travaille à Nantes, à<br />

quelques petites lieues <strong>de</strong>s musée et lycée Jules Verne,<br />

<strong>de</strong>s maisons qu’il occupât dans la ville où il naquit et<br />

(suite page 11 )<br />

graisse saturée et sucre rapi<strong>de</strong>.<br />

Cette théorie est renforcée par une étu<strong>de</strong> qui a montré<br />

que la sé<strong>de</strong>ntarité, le manque d’exercice et la<br />

forte consommation tabagique sont très fréquents<br />

dans la population psychotique même avant tout<br />

traitement neuroleptique. Certains évoquent une<br />

association entre les facteurs diététiques et l’évolution<br />

à long terme <strong>de</strong> la schizophrénie (2) .<br />

Pour Malcom Peet (2) , l’augmentation <strong>de</strong> la prévalence<br />

du diabète chez les patients schizophrènes est liée<br />

à une prédisposition génétique à l’insulino-résistance<br />

associée à une hygiène <strong>de</strong> vie délétère (alimentation,<br />

activité) et à l’effet <strong>de</strong>s traitements antipsychotiques sur<br />

la prise alimentaire.<br />

D’autre part, un groupe d’experts réunis à Dublin en<br />

octobre 2003 a discuté sur le fait que schizophrénie<br />

et diabète pourraient partager une étiologie ou/et<br />

une étiopathogénie commune.<br />

D’après leur rapport, la prévalence du diabète <strong>de</strong><br />

type 2 est <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux à quatre fois plus importante que<br />

dans la population générale, soit 15 à 18% (3) . Environ<br />

2/3 <strong>de</strong>s cas ne sont pas i<strong>de</strong>ntifiés au cours du suivi<br />

(suite page 3 )<br />

Louis Le Guillant et l’aliénation<br />

mentale et sociale ■ HISTOIRE J. Torrente<br />

Entretien avec<br />

Michel Sanchez-Car<strong>de</strong>nas<br />

nique mettant en lumière les processus psychopathologiques,<br />

intra-psychiques et intersubjectifs, en jeu<br />

au travail et dans les décompensations au travail. La<br />

psychopathologie du travail s’est constituée sous l’impulsion<br />

d’un certain nombre <strong>de</strong> psychiatres fortement<br />

impliqués dans le renouvellement et l’extension<br />

<strong>de</strong> la psychiatrie <strong>de</strong> la pério<strong>de</strong> d’après guerre<br />

comme Paul Sivadon ou Louis Le Guillant. Quatre<br />

gran<strong>de</strong>s figures marquent la psychopathologie du travail<br />

: Paul Sivadon, Louis Le Guillant, Clau<strong>de</strong> Veil<br />

et Christophe Dejours. Mais bien d’autres auteurs<br />

remarquables ont participé <strong>de</strong> ce mouvement.<br />

Nous nous limiterons à exposer la manière <strong>de</strong> voir <strong>de</strong><br />

Le Guillant. Nous présenterons son travail à partir<br />

<strong>de</strong> l’étu<strong>de</strong> passionnante qu’il a faite à propos du crime<br />

(suite page 6 )<br />

MARS 2005 1<br />

ISSN 0988-4068<br />

n° 2 - Tome XVIII - <strong>Mars</strong> 2005<br />

Tirage : 10 500 exemplaires<br />

Directeur <strong>de</strong> la Publication et <strong>de</strong> la<br />

Rédaction : G. Massé<br />

Rédacteur en chef : F. Caroli<br />

Rédaction : Hôpital Sainte-Anne,<br />

1 rue Cabanis - 75014 Paris<br />

Tél. 01 45 65 83 09 - Fax 01 45 65 87 40<br />

Abonnements :<br />

54 bd La Tour Maubourg - 75007 Paris<br />

Tél. 01 45 50 23 08 - Fax 01 45 55 60 80<br />

Prix au numéro : 9,15 €<br />

E-mail : info@nervure-psy.com<br />

AU SOMMAIRE<br />

FMC<br />

Neuroleptiques et<br />

diabète p.1<br />

PUBLICATIONS<br />

Henry Ey, psychiatre<br />

du XXI e siècle p.5<br />

HISTOIRE<br />

Louis Le Guillant et<br />

l’aliénation mentale<br />

et sociale p.6<br />

HUMEUR<br />

Par les temps qui<br />

courent p.7<br />

ENTRETIEN AVEC<br />

Michel<br />

Sanchez-Car<strong>de</strong>nas p.11<br />

TÉMOIGNAGE<br />

Contribution à la CME<br />

exceptionnelle du<br />

10 janvier 2005 sur la<br />

situation <strong>de</strong> crise du<br />

Centre Hospitalier <strong>de</strong>s<br />

Pyrénées p.13<br />

EXPOSITION<br />

Sur les traces <strong>de</strong>...<br />

autiste ou artiste, une<br />

lettre <strong>de</strong> différence p.14<br />

THÉRAPEUTIQUE<br />

De l’observance<br />

médicamenteuse à<br />

l’adhésion au traitement p.16<br />

La dépendance aux<br />

psychotropes p.17<br />

Les toxicomanies à<br />

Madagascar p.19<br />

ANNONCES<br />

PROFESSIONNELLES p.20<br />

ANNONCES EN BREF p.22<br />

Entre les pages 12 et 13, encart <strong>de</strong> 4 pages<br />

Risperdalconsta ® L.P., Laboratoires Janssen-<br />

Cilag.<br />

Vous pouvez consulter l’intégralité<br />

<strong>de</strong> nos éditions, vous abonner<br />

ou consulter nos archives sur notre site<br />

www.nervure-psy.com


N°2 - TOME XVIII - MARS 2005<br />

classique et ces troubles glycémiques<br />

semblent présents bien avant tout traitement<br />

neuroleptique.(intolérance au<br />

glucose).<br />

De plus, ils confirment les relations établis<br />

par Peet sur le mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> vie et le<br />

régime alimentaire <strong>de</strong>s patients psychotiques<br />

et l’apparition <strong>de</strong> diabète <strong>de</strong><br />

type 2. Ils concluent sur le fait que<br />

diabète <strong>de</strong> type 2 et schizophrénie<br />

seraient associés en fonction <strong>de</strong> facteur<br />

environnementaux et <strong>de</strong> prédisposition<br />

génétique.<br />

Dixon et coll (4) ont trouvé <strong>de</strong>s taux<br />

<strong>de</strong> prévalence <strong>de</strong> diabète traités <strong>de</strong> 9 à<br />

14% parmi un échantillon national <strong>de</strong><br />

patients schizophrène, significativement<br />

plus important que dan,s la population<br />

générale <strong>de</strong> 1,2 % à 6,3%, respectivement<br />

pour les tranches d’ages <strong>de</strong> 18<br />

à 44 ans et 45 à 64 ans.<br />

Cette théorie d’une relation entre diabète<br />

<strong>de</strong> type 2 et schizophrénie pourrait<br />

trouver une explication physiopathologique,<br />

car certaines étu<strong>de</strong>s ont<br />

mis en exergue plusieurs mécanismes :<br />

sensibilité tissulaire diminuée à l’insuline,<br />

diminution <strong>de</strong> la sécrétion d’insuline<br />

<strong>de</strong>s cellules B (5). Mais ces facteurs<br />

doivent être confirmé par d’autres<br />

étu<strong>de</strong>s.<br />

En revanche, certains auteurs pensent<br />

que les neuroleptiques, et en particulier<br />

les neuroleptiques atypiques, représenteraient<br />

un facteur <strong>de</strong> risque <strong>de</strong> dysrégulation<br />

glycémique à lui seul, notamment<br />

par la prise <strong>de</strong> poids qu’ils<br />

engendrent.<br />

Dans une méta-analyse concernant<br />

30 000 patients, il a été montré une<br />

prise <strong>de</strong> poids d’importance variable<br />

avec tous les neuroleptiques. Après 10<br />

semaines <strong>de</strong> traitement, la clozapine<br />

était en première position avec un gain<br />

<strong>de</strong> 4 à 4,5 Kg. Ensuite on retrouvait<br />

l’olanzapine, la quiétapine, la sertindole,<br />

la rispéridone, les traitements non<br />

pharmacologiques, l’halopéridol et la<br />

ziprasidone (6).<br />

Les traitements antipsychotiques<br />

seraient associés à un plus grand apport<br />

alimentaire chez les patients (7) et surtout<br />

à <strong>de</strong>s mauvais choix diététiques<br />

Psychiatres au rabais ? Mé<strong>de</strong>cins à<br />

diplômes étrangers boucs<br />

émissaires !<br />

que les places vacantes y sont évi<strong>de</strong>ntes. Malgré<br />

<strong>de</strong>s besoins persistants, il a été pris la décision, sans<br />

véritable justification, que les anciens mécanismes<br />

d’intégration, prévus par la loi Kouchner, seraient<br />

interrompus pour les mé<strong>de</strong>cins à diplôme étranger<br />

qui n’exerçaient pas en France avant le 27 juillet<br />

1999.<br />

Les postes inoccupés furent longtemps les postes<br />

d’internes <strong>de</strong>s hôpitaux non CHU (à la suite <strong>de</strong> la<br />

décision <strong>de</strong> réduire le nombre d’étudiants en mé<strong>de</strong>cine<br />

: politique du numerus clausus). C’est <strong>de</strong><br />

cette façon que furent recrutés <strong>de</strong>s mé<strong>de</strong>cins à diplôme<br />

étranger, désirant faire <strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>s <strong>de</strong> spécialité<br />

en France, fuyant parfois leur pays et pouvant<br />

espérer s’intégrer dans le nôtre.<br />

C’est ce qui s’est passé, effectivement, pour un bon<br />

nombre d’entre eux puisque 25 % à 30 % <strong>de</strong>s effectifs<br />

<strong>de</strong>s mé<strong>de</strong>cins titulaires, ou non, <strong>de</strong>s hôpitaux,<br />

sont actuellement d’origine étrangère ! Mais,<br />

entre ces <strong>de</strong>ux phases <strong>de</strong> leur carrière, ils ne sont<br />

pas restés inactifs ! Certes, au départ placés systématiquement<br />

au bas <strong>de</strong> l’échelle <strong>de</strong>s salaires, ils ont<br />

acquis <strong>de</strong>s compétences (par le système <strong>de</strong>s certificats<br />

et diplômes universitaires), <strong>de</strong> l’expérience<br />

(sous le contrôle <strong>de</strong> leurs pairs) et finalement obtenus,<br />

après d’interminables atermoiements, <strong>de</strong>s<br />

postes <strong>de</strong> titulaires à l’issue d’examens et concours.<br />

Au lieu <strong>de</strong> les remercier <strong>de</strong> participer activement<br />

au fonctionnement <strong>de</strong> la mé<strong>de</strong>cine hospitalière, on<br />

fait la fine bouche et les accusations reviennent<br />

cette fois-ci sous la forme <strong>de</strong>s « 2/3 <strong>de</strong>s psychiatres<br />

<strong>de</strong> <strong>de</strong>main auront été formés au rabais ».<br />

Voilà pourquoi, sans doute, la psychiatrie poserait<br />

<strong>de</strong>s problèmes : dans les hôpitaux, face à la justice,<br />

dans les prisons, face à la drogue, à l’alcool ; aux<br />

psychotropes, à la criminalité et voilà pourquoi vos<br />

adolescents se suici<strong>de</strong>nt !<br />

Ne pourrait-on pas, tout aussi bien, mettre en cause<br />

Neuroleptiques et diabète<br />

entraînant une obésité et <strong>de</strong>s problèmes<br />

<strong>de</strong> régulation glycémique (8). Ces phénomènes<br />

renforçent la mauvaise hygiène<br />

<strong>de</strong> vie <strong>de</strong> ces patients, précé<strong>de</strong>mment<br />

décrits (2).<br />

Plusieurs hypothèses ont été évoquées<br />

sur les mécanismes d’interaction entre<br />

neuroleptiques et homéostasie glycémique<br />

:<br />

- l’hyperglycémie induite par l’olanzapine<br />

et la clozapine serait due soit à<br />

une toxicité directe sur les îlots <strong>de</strong> Langerhans,<br />

diminuant ainsi la réponse<br />

insulinique par antagonisme 5-HT1a<br />

ou bien par le relargage d’insuline par<br />

contrôle direct sur le système sympathique<br />

(9) ;<br />

- la prescription d’olanzapine a été associée<br />

à un gain <strong>de</strong> poids, une hyperlipidémie,<br />

une hyperinsulinémie et à une<br />

insulino-résistance, suggérant <strong>de</strong>s mécanismes<br />

directs et indirects sur la régulation<br />

glycémique (10) ;<br />

- la clozapine induirait une insulino<br />

résistance (11) ;<br />

- le gain <strong>de</strong> poids, les modifications<br />

lipidiques combinés à une élévation<br />

<strong>de</strong>s niveaux d’insuline et <strong>de</strong> leptine,<br />

comme l’insulinorésistance, jouent un<br />

rôle important dans le développement<br />

d’une intolérance au glucose et d’un<br />

diabète <strong>de</strong> type 2 (12).<br />

Ces données sont, également, confirmées<br />

par le groupe d’experts <strong>de</strong> Dublin<br />

en 2003, qui évoque <strong>de</strong>s publications<br />

<strong>de</strong> cas <strong>de</strong> troubles glycémiques publiés<br />

avec l’ensemble <strong>de</strong>s neuroleptiques. Il<br />

semblerait que cette association soit<br />

plus forte pour les neuroleptiques atypiques,<br />

en particulier pour la clozapine.<br />

Mais aucun mécanisme physiopathologique<br />

n’a été confirmé (3).<br />

Il est important <strong>de</strong> noter que certains<br />

auteurs ont modéré ces résultats, en<br />

évoquant le fait que les patients sous<br />

neuroleptiques atypiques seraient plus<br />

surveillés sur le plan biologique que<br />

ceux sous neuroleptiques classiques,<br />

entraînant un biais <strong>de</strong> sélection.<br />

l’enseignement que reçoivent les mé<strong>de</strong>cins qui complètent<br />

leur spécialisation en France ? Car ce sont<br />

eux qui remplissent les D.U. qu’organisent les enseignants<br />

et ce sont ces <strong>de</strong>rniers qui forment les jurys<br />

d’examens et concours qualifiants. Lorsque ces<br />

mé<strong>de</strong>cins suivent ces enseignements avec dynamisme<br />

et assiduité, il faudrait arrêter <strong>de</strong> leur accoler<br />

les adjectifs <strong>de</strong> « mal formés, <strong>de</strong> moindre valeur »<br />

et lorsqu’on leur laisse le droit <strong>de</strong> se présenter à<br />

<strong>de</strong>s examens et concours <strong>de</strong> parler <strong>de</strong> « propulsion<br />

au rang <strong>de</strong> psychiatres <strong>de</strong>s hôpitaux ».<br />

En effet, le texte du décret du 08/06/2004 qui organise<br />

<strong>de</strong>s procédures d’autorisation d’exercice <strong>de</strong><br />

la profession, en particulier <strong>de</strong>s mé<strong>de</strong>cins spécialistes,<br />

ouvrent en fait <strong>de</strong>s épreuves <strong>de</strong> « vérification<br />

<strong>de</strong>s connaissances », sans doute pour répondre à l’objection<br />

signalée ci-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> l’insuffisance supposée<br />

<strong>de</strong> leurs connaissances. Apparemment, d’après<br />

ce texte, ces épreuves sont ouvertes à tout mé<strong>de</strong>cin<br />

à diplôme étranger, déjà qualifié spécialiste dans<br />

son pays, qu’il exerce déjà en France ou non. Ceci<br />

représente un potentiel <strong>de</strong> candidats énormes, et<br />

pourtant cette épreuve est associée à un quota fixé<br />

chaque année par arrêté. Quand on considère que<br />

l’arrêté a prévu, pour l’épreuve qui se déroule en<br />

2005, 10 places, on se rend compte <strong>de</strong> ce que<br />

l’anodine vérification <strong>de</strong>s connaissances se transforme<br />

en un redoutable concours sélectif.<br />

Le chiffre <strong>de</strong> 10 postes, mis au concours, est vraiment<br />

dérisoire tant par rapport au nombre <strong>de</strong> postulants<br />

potentiels (sans doute pour les décourager<br />

d’avance) que par rapport aux besoins indiscutables<br />

<strong>de</strong> la psychiatrie publique.<br />

Encore, faut-il ajouter que pour accé<strong>de</strong>r au droit<br />

d’exercer, il faudra qu’ils passent ensuite <strong>de</strong>vant<br />

une commission d’autorisation d’exercice qui l’accor<strong>de</strong>ra,<br />

royalement, pour une durée <strong>de</strong> 3 ans !<br />

On ne peut imaginer politique plus malthusienne<br />

aussi indifférente à la situation actuelle <strong>de</strong> la démographie<br />

médicale, en particulier en psychiatrie<br />

et également dédaigneuse à l’égard <strong>de</strong> tous les candidats<br />

potentiels à leur intégration à la psychiatrie<br />

Analyse <strong>de</strong> la littérature<br />

Pour les neuroleptiques typiques, différentes<br />

étu<strong>de</strong>s ont indiqué une inci<strong>de</strong>nce<br />

augmentée d’hyperglycémie<br />

chez les patients traités par les neuroleptiques<br />

<strong>de</strong> première génération tels<br />

que la chlorpromazine et le zyclopenthixol.<br />

Mais, il n’a pas été décrit l’apparition<br />

<strong>de</strong> vrai cas <strong>de</strong> diabète.<br />

Avec l’arrivée <strong>de</strong>s antipsychotiques atypiques,<br />

<strong>de</strong>s cas d’hyperglycémie, <strong>de</strong><br />

céto-acidose et <strong>de</strong> diabète ont été rapportés<br />

notamment avec la clozapine (13),<br />

l’olanzapine (14), la rispéridone (15), la<br />

quiétapine (15) et la sertindole (16).<br />

Une étu<strong>de</strong> rétrospective (17) concernant<br />

436 patients recevant soit un antipsychotique<br />

atypique, soit un antipsychotique<br />

<strong>de</strong> type Decanoate retard, a été<br />

réalisée dans un centre communautaire<br />

<strong>de</strong> santé mentale. Les données ont<br />

été recueillies entre Avril 2001 et Septembre<br />

2002. Les patients souffraient<br />

<strong>de</strong> schizophrénie ou <strong>de</strong> troubles mentaux<br />

sévères. Les auteurs ont trouvé<br />

un effet significatif <strong>de</strong> l’âge, <strong>de</strong>s antécé<strong>de</strong>nts<br />

familiaux <strong>de</strong> diabète et du sexe.<br />

Ce que l’on retrouve classiquement<br />

dans une population saine. De plus,<br />

la prévalence d’apparition <strong>de</strong> cas<br />

<strong>de</strong> diabète parmi les patients traités<br />

par un traitement atypique (15,2%)<br />

comparés à ceux recevant le décanoate<br />

(6,3%) apparaissait significative<br />

(p : 0,078).<br />

Une étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> 1999 (18) a porté sur<br />

38 632 patients schizophrènes traités<br />

avec <strong>de</strong>s neuroleptiques typiques et<br />

atypiques, appartenant à la Veterans<br />

Health Administration du Dpt. of Veterans<br />

Affairs. Parmi ceux-ci, 41,4% recevaient<br />

un neuroleptique typique et<br />

58,6% un neuroleptique atypique. Les<br />

neuroleptiques atypiques comprenaient<br />

: clozapine (5,3%), olanzapine<br />

(48,4%), risperidone (43,7%) et quiétapine<br />

(4,2%). Les patients recevant<br />

<strong>de</strong>s neuroleptiques atypiques auraient<br />

présenté un risque <strong>de</strong> diabète augmenté<br />

significativement <strong>de</strong> 9% par rapport<br />

à ceux recevant <strong>de</strong>s neuroleptiques<br />

typiques. Mais, il faut modérer<br />

ces résultats, car il s’agit tout d’abord<br />

d’une série rétrospective avec la notion<br />

<strong>de</strong> biais inérant à ces étu<strong>de</strong>s. De plus,<br />

il n’y a aucune information sur les prescriptions<br />

antérieures (switch), les modifications<br />

<strong>de</strong> prise <strong>de</strong> poids et l’observance<br />

du traitement.<br />

Dans certains cas <strong>de</strong> diabète induit par<br />

un traitement neuroleptique atypique,<br />

le diabète se régularisa au retrait du<br />

traitement et se décompensa à la réintroduction<br />

<strong>de</strong> la clozapine (19, 20) ou <strong>de</strong><br />

l’olanzapine (21). Ces arguments seraient<br />

en faveur d’un lien <strong>de</strong> causalité, <strong>de</strong><br />

même que les décompensations du<br />

diabète <strong>de</strong> type 2 se font souvent par<br />

acidocétose chez les patients traités<br />

par neuroleptique atypique, alors que<br />

cette présentation est rare dans la population<br />

générale. De plus, les histoires<br />

familiale <strong>de</strong> diabète et la prise <strong>de</strong> poids<br />

ne sont pas systématiques, ce qui favorise<br />

l’hypothèse d’une responsabilité<br />

médicamenteuse.<br />

Mais, même si il existe <strong>de</strong>s effets indésirables<br />

sur le métabolisme glycémique,<br />

ceux-ci restent rares par rapport aux<br />

autres effets secondaires <strong>de</strong> la classe<br />

<strong>de</strong>s neuroleptiques. Comme le montre<br />

« The Drug Safety Program in Psychiatry<br />

», qui a relevé les effets indésirables<br />

<strong>de</strong>s médicaments dans 35 hôpitaux<br />

psychiatriques allemands, autrichiens<br />

et suisses, entre 1993 et 2000. Seulement<br />

9 patients ont présenté une dysrégulation<br />

glycémique sur 86 436<br />

patient (0,01%).<br />

Ces 9 cas sont apparus avec un traitement<br />

atypique 2 sous clozapine et 7<br />

sous olanzapine en monothérapie. Ces<br />

troubles ont été notés dès l’initiation<br />

du traitement pour 7 patients et au<br />

bout <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux ans et <strong>de</strong>mi pour les 2<br />

autres. Cinq <strong>de</strong> ces 9 neuf patients présentaient,<br />

initialement, un diabète <strong>de</strong><br />

publique française.<br />

Dans l’article du Pr. Olié d’autres raisons sont également<br />

rendues responsables <strong>de</strong> cette « psychiatrie<br />

au rabais » avec lesquelles je ne peux que faire état<br />

d’un accord assez général.<br />

Il en est ainsi du manque <strong>de</strong> soignants et personnel<br />

paramédical et du manque en structures extrahospitalières,<br />

ce qui en fait est très lié. Il faudrait en<br />

profiter pour ne pas aggraver les disparités entre<br />

gran<strong>de</strong>s villes, siège <strong>de</strong> CHU, zones urbaines et<br />

zones rurales qui souffrent plus que les autres d’un<br />

manque <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cins <strong>de</strong> spécialistes et paramédicaux.<br />

Comment accepter une telle situation alors<br />

qu’il existe <strong>de</strong>s mé<strong>de</strong>cins à diplôme étranger qui<br />

seraient candidats pour être recrutés. N’oublions<br />

pas qu’il n’existe pas <strong>de</strong> crise <strong>de</strong>s effectifs <strong>de</strong> psychologues<br />

formés qui pourraient être recrutés, dès<br />

maintenant, alors que les concours <strong>de</strong> recrutement<br />

restent totalement désuets et dissuasifs.<br />

Un troisième point est abordé, à juste raison, par<br />

le Pr. Olié, quant à la question <strong>de</strong>s hébergements<br />

alternatifs à l’hospitalisation au long cours, il signale<br />

le scandale <strong>de</strong>s psychotiques chroniques vivant<br />

seuls dans <strong>de</strong>s hôtels faisant fonction <strong>de</strong> rési<strong>de</strong>nces<br />

thérapeutiques ou dans la rue. Mais ceci ne s’est<br />

pas fait sans l’active participation <strong>de</strong> nombreux psychiatres<br />

appliquant la politique <strong>de</strong> secteur et <strong>de</strong><br />

conquête par les patients <strong>de</strong> l’autonomie extérieure<br />

aux hôpitaux. C’est, en effet, la conséquence <strong>de</strong> la<br />

fermeture <strong>de</strong>s lits et places dans les hôpitaux psychiatriques,<br />

politique remarquablement bien acceptée<br />

par les déci<strong>de</strong>urs en matière <strong>de</strong> santé mentale,<br />

trop heureux d’entrevoir enfin <strong>de</strong>s économies<br />

tout en proclamant acquise d’avance la lutte<br />

victorieuse contre la chronicisation <strong>de</strong>s mala<strong>de</strong>s<br />

mentaux.<br />

L’outil psychiatrique a perdu beaucoup plus <strong>de</strong> la<br />

moitié <strong>de</strong> ses lits, en négligeant l’occasion d’adapter<br />

et <strong>de</strong> mo<strong>de</strong>rniser les services tout en conservant<br />

un potentiel suffisant. En matière d’hospitalisation<br />

à temps plein les seules créations parfois<br />

remarquables ont été celles <strong>de</strong>s services <strong>de</strong> psy-<br />

<br />

LIVRES<br />

FMC ■ 3<br />

Les troubles<br />

schizophréniques<br />

David Gourion et Anne Gut-<br />

Fayand<br />

Ellipses<br />

Ce livre est <strong>de</strong>stiné aux patients, mais<br />

aussi aux familles qui souhaitent<br />

mieux comprendre le trouble schizophrénique.<br />

De nombreux thèmes<br />

sont abordés <strong>de</strong> façon simple et pratique.<br />

Ils concernent la maladie, son<br />

diagnostic, ses causes et ses traitements,<br />

ainsi que les réseaux <strong>de</strong> soins<br />

et d’entrai<strong>de</strong> et les droits du patient.<br />

Des conseils pratiques sont proposés<br />

pour gérer les difficultés dans le quotidien<br />

comme dans l’urgence, mais<br />

aussi les rapports avec la famille et<br />

l’entourage.<br />

Co<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’action sociale et<br />

<strong>de</strong>s familles<br />

Edition 2005<br />

Dalloz, 60 €<br />

Il s’agit <strong>de</strong> la première édition commentée<br />

du texte intégral du nouveau<br />

Co<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’action sociale et <strong>de</strong>s familles,<br />

<strong>de</strong>s textes complémentaires (lois, décrets,<br />

arrêtés) ordonnés en rubriques<br />

thématiques et <strong>de</strong>s références bibliographiques<br />

comme <strong>de</strong>s notes <strong>de</strong><br />

jurispru<strong>de</strong>nce.<br />

Vieillir au XXI e siècle, une<br />

nouvelle donne<br />

Sous la direction <strong>de</strong> Clau<strong>de</strong><br />

Jean<strong>de</strong>l<br />

Editions Universalis, 15 €<br />

Cet ouvrage mène une réflexion au<br />

sujet du vieillissement <strong>de</strong> la population<br />

française, qui modifie les besoins<br />

en termes <strong>de</strong> soins ou <strong>de</strong> prise en<br />

charge <strong>de</strong> la dépendance. Des gériatres,<br />

<strong>de</strong>s économistes et <strong>de</strong>s sociologues<br />

donnent une vision globale<br />

<strong>de</strong> ce phénomène, en présentant ses<br />

aspects sanitaires, médicaux, économiques<br />

ou, encore politiques.<br />

chiatrie en hôpital général, pourtant <strong>de</strong> plus en plus<br />

débordés par les urgences et ne sachant où les orienter.<br />

On a toujours la chronicité, mais à l’extérieur<br />

<strong>de</strong>s hôpitaux, quant aux économies en matière <strong>de</strong><br />

santé… ! Les familles les plus attentives protestent<br />

contre les charges <strong>de</strong> lourds mala<strong>de</strong>s mentaux<br />

qu’elles estiment assumer quasiment seules et près<br />

<strong>de</strong> 24 h/24 lorsque les sorties ont été prématurées.<br />

Enfin, c’est bien beau <strong>de</strong> proposer le retour <strong>de</strong>s mala<strong>de</strong>s<br />

mentaux qui encombrent, paraît-il les prisons,<br />

mais dans quelles institutions et pour <strong>de</strong>s séjours<br />

<strong>de</strong> quelle durée ? Alors que sans cesse les services<br />

manquent <strong>de</strong> place. Non ! Les experts psychiatres<br />

qui déci<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> la responsabilité <strong>de</strong> criminels ou<br />

<strong>de</strong> délinquants plus légers ne sont pas tous incompétents<br />

ou mal formés ! Si une autre politique<br />

pénitentiaire doit être appliquée en matière <strong>de</strong> délinquance,<br />

en particulier sexuelle, il lui faut <strong>de</strong>s<br />

moyens, <strong>de</strong>s institutions et <strong>de</strong>s personnels psychiatres<br />

et psychologues !<br />

Comment le faire, actuellement, sans l’ai<strong>de</strong> <strong>de</strong>s mé<strong>de</strong>cins<br />

à diplôme étranger. Plutôt que d’importer<br />

<strong>de</strong>s mé<strong>de</strong>cins qui le veulent, préférons nous développer<br />

l’incroyable réalité <strong>de</strong> l’exportation <strong>de</strong>s<br />

handicapés mentaux adultes jeunes vers la Belgique<br />

dans <strong>de</strong>s institutions dont nous n’avons pas voulu<br />

prévoir la construction ?<br />

J’espère que les soignants et éducateurs belges sont<br />

eux bien formés !<br />

Nous en avons assez d’une désignation <strong>de</strong>s mé<strong>de</strong>cins<br />

à diplôme étranger comme boucs émissaires,<br />

alors même que c’est toute la politique <strong>de</strong> santé<br />

mentale qui <strong>de</strong>vrait être reconsidérée, 50 ans après<br />

la mise en œuvre <strong>de</strong> la politique <strong>de</strong> secteur psychiatrique,<br />

en prenant en compte ses acquis, mais<br />

sans négliger ses insuffisances persistantes. <br />

G. Ferrey*<br />

*Psychiatre <strong>de</strong>s hôpitaux, Prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> l’Association Franco-<br />

Maghrébine <strong>de</strong> <strong>Psychiatrie</strong>, Psychologie et Sciences<br />

Humaines Ile-<strong>de</strong>-France, Centre Hospitalier Simone Veil,<br />

Eaubonne (95).


4<br />

LIVRES ET REVUES<br />

Ferenczi le clinicien II<br />

Le Coq-Héron Septembre 2004 n°178<br />

Erès 16 €<br />

Ce second numéro consacré au congrès<br />

« Sandor Ferenczi clinicien » qui s’est déroulé<br />

à Turin, du 18 au 22 juillet 2002,<br />

regroupe <strong>de</strong>s travaux sur divers arguments<br />

du parcours ferenczien, dont le<br />

contre-transfert, la formation <strong>de</strong> l’analyste,<br />

le traumatisme.<br />

L. Martin-Cabré, J. Tubret-Ocklan<strong>de</strong>r, J.<br />

Frankel, C. Brosio, mettent en évi<strong>de</strong>nce<br />

l’influence manifeste <strong>de</strong> l’analyste dans<br />

le champ thérapeutique et l’extrême<br />

vulnérabilité et perméabilité <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux<br />

partenaires du couple analytique au besoin<br />

<strong>de</strong> lien et d’intimité, et par conséquent<br />

leur exposition réciproque aux<br />

défenses face à la quantité <strong>de</strong> douleur<br />

que comporte, inévitablement, la pratique<br />

<strong>de</strong> l’analyse. E. Falze<strong>de</strong>r, avec « les<br />

choses à faire et à ne pas faire », relatives<br />

aux principaux aspects <strong>de</strong> l’attitu<strong>de</strong><br />

idéale à adopter avec les psychotiques,<br />

offre une illustration convaincante à cet<br />

égard, en signalant l’intérêt <strong>de</strong> la réflexion<br />

<strong>de</strong> Ferenczi pour la clinique<br />

quand on trouve à affronter une douleur<br />

que le patient, comme l’a dit Bion<br />

dans Attention et interprétation, « peut<br />

éprouver, mais non souffrir ».<br />

J. Dupont, F. Landa et M. Moreau Ricaud,<br />

suivant cette argumentation, repensent,<br />

dans le sillon <strong>de</strong> Ferenczi, la<br />

formation <strong>de</strong> l’analyste. Ils examinent<br />

ce qui peut, à un niveau institutionnel,<br />

la compromettre et la falsifier, en ne favorisant<br />

pas cette autonomie et cette<br />

séparation psychique qui sont indispensables<br />

pour qu’elle s’incarne réellement<br />

et ne reste pas confinée à un<br />

simple apprentissage endoctrinement<br />

superficiel <strong>de</strong> ce qui vient <strong>de</strong> l’extérieur,<br />

par imitation.<br />

X P. Sabourin décrit le traitement psychothérapeutique<br />

« <strong>de</strong> réseau » d’une petite<br />

fille gravement traumatisée et les<br />

modifications nécessaires <strong>de</strong> la technique<br />

traditionnelle lorsqu’il s’agit d’une<br />

psychopathologie qui concerne une famille<br />

maltraitante et <strong>de</strong>s « liens intergénérationnels<br />

toxiques ». J. Sklar, à l’inverse,<br />

respecte une ligne d’intervention<br />

très classique et abor<strong>de</strong> le traumatisme<br />

en s’intéressant aux rêveries diurnes et<br />

aux rêves qui s’y réfèrent et à la façon<br />

<strong>de</strong> les utiliser au mieux.<br />

La mesure <strong>de</strong>s sens<br />

Les anthropologues et le corps<br />

humain au XIX e siècle<br />

Nélia Dias<br />

Aubier, 17 €<br />

Nélia Dias a voulu rendre intelligible la<br />

façon dont la hiérarchie sensorielle au<br />

XIX e siècle informe, à la fois, la hiérarchie<br />

raciale et la hiérarchie sociale, tout<br />

en étant mo<strong>de</strong>lée par ces <strong>de</strong>rnières. Elle<br />

s’appuie, essentiellement, sur les discours<br />

savants du XIX e siècle qui sont<br />

considérés dans leurs propres termes,<br />

avec les notions d’« objectivité », <strong>de</strong><br />

« race », <strong>de</strong> « science » et <strong>de</strong> « primitif »,<br />

pour ne citer que ces exemples.<br />

L’objectif est <strong>de</strong> démontrer comment la<br />

« découverte » du siège <strong>de</strong> la faculté du<br />

langage articulé, et par là la mise en<br />

évi<strong>de</strong>nce <strong>de</strong> l’asymétrie cérébrale, a<br />

joué un rôle central dans l’élaboration<br />

tant <strong>de</strong> la hiérarchie sensorielle que <strong>de</strong><br />

la hiérarchie raciale et sexuelle. Est mise<br />

en relief la façon dont l’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s sens,<br />

aussi bien dans sa dimension épistémologique<br />

et méthodologique (avec la<br />

mise en place <strong>de</strong> toute une panoplie<br />

instrumentale) qu’en ce qui concerne<br />

ses effets pratiques, permet <strong>de</strong> dévoiler<br />

les hantises, les croyances, le système<br />

<strong>de</strong>s valeurs tout comme les<br />

préjugés <strong>de</strong> la société française <strong>de</strong> la<br />

secon<strong>de</strong> moitié du XIX e siècle.<br />

La présentation <strong>de</strong> la topographie cérébrale<br />

conçue par Paul Broca et <strong>de</strong> la<br />

hiérarchie sensorielle est suivie par l’examen<br />

<strong>de</strong>s débats théoriques autour <strong>de</strong><br />

la couleur <strong>de</strong>s yeux, l’un <strong>de</strong>s critères distinctifs<br />

<strong>de</strong> la classification raciale. Sont<br />

montrées les résonances <strong>de</strong>s débats<br />

centrés sur le phénomène <strong>de</strong> la perception<br />

(culturellement déterminé ou<br />

relevant <strong>de</strong> dispositions innées) dans le<br />

milieu anthropologique ; les peuples<br />

« primitifs » tout comme les femmes hystériques<br />

et les paysannes sont supposés<br />

être atteints <strong>de</strong> défaillances visuelles<br />

et d’incapacités perceptives. Les préceptes<br />

méthodologiques relatifs à l’observation<br />

<strong>de</strong>s yeux comprennent la mise<br />

en place <strong>de</strong> protocoles <strong>de</strong> métho<strong>de</strong> et<br />

l’élaboration par Broca d’une échelle<br />

chromatique comprenant vingt couleurs<br />

<strong>de</strong>s yeux.<br />

Les pratiques menées sur le terrain aussi<br />

bien en France (notamment au Jardin<br />

d’Acclimatation) qu’en <strong>de</strong>hors <strong>de</strong> l’Europe<br />

ont abouti à <strong>de</strong>s recherches empiriques<br />

qui ont fait l’objet d’interprétations<br />

divergentes entre les partisans<br />

<strong>de</strong> l’hérédité et les tenants <strong>de</strong> l’importance<br />

du milieu.<br />

Si la perspective synchronique délibérément<br />

adoptée dans le cadre <strong>de</strong> ce<br />

livre – centré sur un contexte national<br />

(la France) et sur une pério<strong>de</strong> spécifique<br />

(les années 1860 à 1890) – présente<br />

<strong>de</strong>s avantages méthodologiques, elle<br />

comporte néanmoins un certain nombre<br />

<strong>de</strong> limitations.<br />

A la confluence du biologique et du social,<br />

les sens sont un terrain <strong>de</strong> croisement<br />

<strong>de</strong> divers savoirs. Que <strong>de</strong>s écrivains<br />

tels que Huysmans, Maupassant<br />

et Zola multiplient les références aux<br />

travaux <strong>de</strong>s anthropologues, témoigne<br />

<strong>de</strong> la façon dont les théories anthropologiques,<br />

que ce soit au sujet <strong>de</strong> l’esthétique<br />

anthropo-physiologique ou <strong>de</strong>s<br />

passions, circulent en <strong>de</strong>hors du milieu<br />

savant. De même, les anthropologues<br />

se réfèrent aux théories <strong>de</strong> Chevreul et<br />

<strong>de</strong> Blanc, même si cela n’implique pas,<br />

N°2 - TOME XVIII - MARS 2005<br />

forcément, qu’ils aient lu les travaux <strong>de</strong><br />

ces auteurs. Evoquer à ce propos <strong>de</strong>s<br />

explications en termes d’« influence »<br />

d’un domaine sur un autre, c’est présupposer<br />

qu’anthropologie et littérature<br />

tout comme anthropologie et esthétique<br />

constituent <strong>de</strong>s champs cloisonnés,<br />

alors qu’ils doivent être envisagés<br />

comme <strong>de</strong>s éléments constitutifs d’une<br />

même culture entendue au sens large<br />

du terme. Ce livre se veut, ainsi, une<br />

contribution à l’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> la culture <strong>de</strong>s<br />

sens en tant que partie intégrante <strong>de</strong><br />

la culture occi<strong>de</strong>ntale <strong>de</strong> la secon<strong>de</strong><br />

moitié du XIX e siècle.


N°2 - TOME XVIII - MARS 2005<br />

type 2 dont un était traité par insuline<br />

et <strong>de</strong>ux par antidiabétiques oraux. Pour<br />

quatre <strong>de</strong> ces patients ces troubles se<br />

sont résolus à l’arrêt du traitement, un<br />

patient a été stable après mise en route<br />

d’un régime diététique, trois patients<br />

ont du modifier leur régime et un<br />

patient a fait un coma hyper-osmolaire.<br />

On peut nuancer ces résultats, sur le<br />

fait que le suivi n’était pas uniforme<br />

dans l’ensemble <strong>de</strong>s centres avec <strong>de</strong>s<br />

critères différents entre les pays et que<br />

le recueil <strong>de</strong> ces évènements indésirables<br />

n’était évalué que pendant les<br />

pério<strong>de</strong>s d’hospitalisation.<br />

En revanche, d’autres étu<strong>de</strong>s ne montrent<br />

pas <strong>de</strong> différence significative sur<br />

le risque <strong>de</strong> développer un diabète <strong>de</strong><br />

type 2 et la prescription <strong>de</strong> neuroleptique<br />

typique et atypique (olanzapine et<br />

rispéridone) (22).<br />

En ce qui concerne les antipsychotiques<br />

classiques, une étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> 850 patients<br />

traités par chlopromazine a montré<br />

que, seulement, cinq patients ont développé<br />

un diabète à l’initiation du traitement<br />

(non significatif) et que vingt<br />

<strong>de</strong>ux patients diabétiques ne présentaient<br />

pas <strong>de</strong> variation glycémique (23).<br />

Une seule étu<strong>de</strong> a montré un lien entre<br />

diabète et traitement par halopéridol<br />

mais elle ne portait que sur 19 patients<br />

atteints <strong>de</strong> schizophrénie.<br />

Pour la clozapine, seize cas <strong>de</strong> rapport<br />

<strong>de</strong> cas <strong>de</strong> diabète ayant pu être induit<br />

par le traitement ont été publiés. Le<br />

diabète s’est déclaré entre 10 jours et<br />

18 mois après l’initiation du traitement<br />

et aucun lien n’a pu être mis en évi<strong>de</strong>nce<br />

entre clozapine et diabète <strong>de</strong><br />

façon significative. De même, pour<br />

l’olanzapine, où 20 cas avaient été rapportés,<br />

ainsi que pour la rispéridone<br />

(2 cas) (5).<br />

Pour l’amisulpri<strong>de</strong>,avec une haute affinité<br />

pour les récepteurs dopaminergiques<br />

D2 et D3, aucun lien avec le<br />

diabète n’a été retrouvé dans la littérature.<br />

Devant ces multiples hypothèses,<br />

l’American Diabetes Association, l’American<br />

Psychiatric Association, l’American<br />

Association of Clinical Endocrinologist<br />

et la North American Association for<br />

the Study of Diabetes (11) ont établi<br />

une mise au point sur les différents<br />

point <strong>de</strong> vue concernant l’interaction :<br />

Antipsychotiques, Diabète et Obésité.<br />

Concernant la prévalence du diabète et<br />

<strong>de</strong> l’obésité dans la population schizophrène,<br />

les taux seraient <strong>de</strong> 1,5 à 2<br />

fois plus important que dans la population<br />

générale, selon la plupart <strong>de</strong>s<br />

étu<strong>de</strong>s. Mais les rôles et les mécanismes<br />

respectifs <strong>de</strong> la maladie psychiatrique<br />

et <strong>de</strong> son traitement restent inconnus.<br />

Les troubles glycémiques apparaîtraient<br />

peu <strong>de</strong> temps après l’initiation du traitement<br />

et les patients recevant <strong>de</strong> la<br />

clozapine ou <strong>de</strong> l’olanzapine auraient<br />

un risque plus important par rapport<br />

aux patients traités par d’autres neuroleptiques<br />

<strong>de</strong> première ou <strong>de</strong> <strong>de</strong>uxième<br />

génération.<br />

Compte tenu <strong>de</strong> ces risques, les<br />

membres <strong>de</strong> ces différentes associations<br />

ont proposé un organigramme<br />

<strong>de</strong> prise en charge :<br />

1) Avant l’initiation d’un traitement<br />

antipsychotique, relevé <strong>de</strong>s différents<br />

éléments suivant :<br />

- histoire personnelle et familiale d’obésité,<br />

<strong>de</strong> diabète, <strong>de</strong> dyslipidémie, d’hypertension<br />

ou <strong>de</strong> maladie cardio-vasculaire<br />

;<br />

- poids, taille et calcul du BMI ;<br />

- circonférence abdominale ( au niveau<br />

<strong>de</strong> l’ombilic) ;<br />

- tension artérielle ;<br />

- glycémie à jeun ;<br />

- profil lipidique.<br />

Si une anomalie est retrouvée lors <strong>de</strong><br />

ce bilan initial, un traitement adapté<br />

doit être mis en place, éventuellement<br />

après avis d’un spécialiste.<br />

2) Surveillance ultérieure :<br />

- le poids doit être noté à 4, 8 et 12<br />

semaines après initiation ou modification<br />

d’un traitement par antipsychotique<br />

<strong>de</strong> secon<strong>de</strong> génération, puis tous<br />

les quatre mois. Si le gain <strong>de</strong> poids est<br />

supérieur à 5% du poids initial, il est<br />

suggéré <strong>de</strong> changer d’antipsychotique,<br />

<strong>de</strong> façon progressive ;<br />

- glycémie, profil lipidique, tension artérielle<br />

(TA) doivent être mesurés 3 mois<br />

après l’initiation du traitement puis TA<br />

et glycémie seront controlées annuellement,<br />

ou plus fréquemment, chez les<br />

patients à risque. Le profil lipidique<br />

sera vérifié tous les 5 ans s’il ne présente<br />

pas d’anomalie.<br />

Pour l’enfant et l’adolescent peu <strong>de</strong><br />

données sont disponibles. Il faut ajuster<br />

le BMI pour l’âge et le sexe.<br />

Pour les patients qui développeront<br />

<strong>de</strong>s anomalies glycémiques ou lipidiques<br />

les experts préconisent <strong>de</strong> changer<br />

pour un antipsychotique non associé<br />

significativement à un gain <strong>de</strong> poids<br />

ou à un diabète. Les patients diabétiques<br />

sont orientés vers un spécialiste.<br />

<br />

Marie Ollier*<br />

*Service du Dr. Caroli, CH Sainte-Anne,<br />

Paris<br />

Bibliographie<br />

(1) KASANIN, The blood sugar curve in<br />

mental disease, The schizophrenic (<strong>de</strong>mentia<br />

praecox) groups, Arch Neurol Psychia-<br />

Henry Ey, psychiatre du XXI ème siècle (1)<br />

En tout cas, on en reparle beaucoup<br />

ces temps-ci à l’occasion <strong>de</strong> rééditions<br />

majeures.<br />

Le Traité <strong>de</strong>s Hallucinations <strong>de</strong><br />

Henri Ey<br />

(1973, 2 tomes, 1543 pages)<br />

Qualifié, à sa parution, d’« ouvrage<br />

psychiatrique du siècle », il était quasiment<br />

inaccessible ces <strong>de</strong>rnières années<br />

(hors <strong>de</strong> prix, puis épuisé). Il vient<br />

d’être réédité, en bonne compagnie,<br />

par Clau<strong>de</strong> Tchou, dans la superbe<br />

collection <strong>de</strong> la Bibliothèque <strong>de</strong>s introuvables,<br />

17 rue <strong>de</strong>s grands Augustins ,<br />

75006 Paris. 95 €. Ce livre ne se<br />

résume pas : le préfacier lui-même y<br />

renonce ... en 38 pages tout <strong>de</strong><br />

même !<br />

« On ne pourra plus à l’avenir discourir<br />

sur le rêve, la folie, les hallucinations,<br />

le délire, la raison l’existence, sans<br />

se heurter à sa pensée » écrit C.J. Blanc<br />

qui montre bien l’exceptionnelle<br />

richesse <strong>de</strong> la pensée eyienne, on<br />

n’ose dire le changement <strong>de</strong> paradigme<br />

(tellement on a abusé <strong>de</strong> ce<br />

terme) par rapport aux modèles mécanicistes<br />

et psychogénétiques. Ce n’est<br />

pas seulement un grand livre psychiatrique<br />

contemporain (jusqu’à<br />

Lacan compris : passé au peigne fin en<br />

une quarantaine <strong>de</strong> pages), mais aussi<br />

un véritable Traité Médico-philosophique<br />

<strong>de</strong> la nature <strong>de</strong> l’Homme (H.<br />

Ellenberger), comparable, par son<br />

ampleur et son souffle, aux grands<br />

ouvrages critiques <strong>de</strong> Kant.<br />

La 7 ème partie (t.II) expose, particulièrement<br />

bien, le <strong>de</strong>rnier modèle<br />

« Organo-dynamique » et l’architectonie<br />

du « Corps psychique ». Une très<br />

précieuse et très explicite Table <strong>de</strong>s<br />

concepts, merveille <strong>de</strong> précision et<br />

d’expression, est annexée en fin d’ouvrage,<br />

<strong>de</strong> portée plus que générale.<br />

Les Colloques <strong>de</strong> Bonneval <strong>de</strong><br />

1946 et <strong>de</strong> 1960 (2) sont<br />

réédités dans la foulée par J.<br />

Sédat et CI. Tchou en 2004<br />

Il y a, dans ces débats historiques,<br />

quelque chose d’essentiel à travailler,<br />

à retravailler inlassablement à chaque<br />

génération <strong>de</strong> psychiatres-psychanalystes.<br />

Si cela pouvait instaurer (porter)<br />

les débats actuels au niveau où ils<br />

étaient alors, il faudrait s’en réjouir et<br />

inscrire cette mémorable joute « dans<br />

les formes courtoises d’un tournoi <strong>de</strong> la<br />

parole » au programme <strong>de</strong> tous les<br />

CES et internats <strong>de</strong> psychiatrie.<br />

Le problème <strong>de</strong> la psychogenèse <strong>de</strong>s<br />

névroses et <strong>de</strong>s psychoses (1946)<br />

Ces Journées consacrées à la causalité<br />

psychique <strong>de</strong>s pathologies mentales<br />

marquent l’histoire <strong>de</strong>s relations<br />

tumultueuses entre psychanalyse et<br />

psychiatrie. Le débat porta sur le statut<br />

qu’il était permis d’accor<strong>de</strong>r à la<br />

notion subjective (pour ne pas dire<br />

métaphysique) <strong>de</strong> liberté dans l’état<br />

<strong>de</strong> folie.<br />

Pour Monique Charles, la conclusion<br />

s’impose : « L’enjeu fondamental <strong>de</strong> la<br />

réponse donnée au problème <strong>de</strong> la psychogenèse<br />

<strong>de</strong>s psychoses et <strong>de</strong>s névroses,<br />

revient à trancher sur l’existence injustifiable<br />

<strong>de</strong> la psychiatrie. Et voilà finalement<br />

le sens ultime et véritable <strong>de</strong> la<br />

question posée à ce colloque ».<br />

L’Inconscient (Colloque <strong>de</strong> 1960)<br />

Ce colloque eut un retentissement<br />

sans égal et est toujours considéré, <strong>de</strong><br />

l’avis général, comme un <strong>de</strong>s plus<br />

importants recueils <strong>de</strong> psychopathologie<br />

du XX ème siècle. Y participèrent<br />

une extraordinaire brochette <strong>de</strong> neuropsychiatres<br />

(Blanc, Lairy), <strong>de</strong> psychopathologues<br />

(Minkowski, Follin),<br />

phénoménologues (Lanteri-Laura),<br />

psychanalystes (Green, Lacan,<br />

Laplanche, Lebovici, Leclaire, F.Perrier,<br />

C.Stein) <strong>de</strong> toutes obédiences... et<br />

philosophes (De Waelhens, Ricoeur,<br />

Lefebvre Hyppolite, Merleau-Ponty)<br />

pour contribuer à l’accouchement par<br />

H. Ey, six ans après, <strong>de</strong> ce monument.<br />

L’éditeur parle <strong>de</strong> l’intervention déterminante<br />

<strong>de</strong> J. Lacan sur l’inconscient<br />

structuré comme un langage qui serait<br />

lui-même la condition <strong>de</strong> l’inconscient.<br />

Arrivée d’un ouvrage original<br />

très attendu :<br />

« Ey/Lacan, du dialogue au<br />

débat ou la question <strong>de</strong><br />

l’homme » par Monique<br />

Charles, chez L’Harmattan<br />

Ey et Lacan, c’était le point <strong>de</strong> départ<br />

<strong>de</strong> ce qui <strong>de</strong>vait être la présentation<br />

du face à face historique <strong>de</strong> 1946.<br />

Mais, en fait, il est surtout question,<br />

d’un bout à l’autre <strong>de</strong> l’ouvrage, d’humanisme<br />

philosophique, médical<br />

et psychiatrique ; <strong>de</strong> K. Jaspers à P.<br />

Ricoeur, dans le droit fil d’un atelier au<br />

Congrès « Psy et SNC » en nov. 2003<br />

qui réunissait, autour <strong>de</strong> C.J. Blanc,<br />

<strong>de</strong>ux professeurs <strong>de</strong> psychiatrie (G.<br />

Lanteri-Laura et D. Widlocher) et<br />

<strong>de</strong>ux agrégés <strong>de</strong> philosophie (Angèle<br />

Kremer-Marietti et M. Charles) sur<br />

« L’humanisme en question ».<br />

Retour à l’essentiel et rappel à l’ordre<br />

<strong>de</strong> l’humain. Travail salubre <strong>de</strong> philosophe<br />

que n’aveugle ni son admiration<br />

critique pour J. Lacan, ni sa tendresse<br />

pour H. Ey. M. Charles sort <strong>de</strong><br />

son fauteuil (et <strong>de</strong> son divan (3)) et va<br />

au charbon, sans peur et sans<br />

reproche, mobilisée, à travers et au<strong>de</strong>là<br />

d’eux, par sa <strong>de</strong>tte <strong>de</strong> reconnaissance<br />

envers les philosophes dont<br />

elle s’est nourrie (Saint Augustin (4),<br />

Kierkegaard (5)) ou dont elle a été l’élève<br />

(Ricoeur).<br />

A lire absolument, d’autant plus que<br />

c’est parfaitement lisible. ■<br />

RMP<br />

(1) C’est le titre d’un ouvrage publié chez<br />

L’Harmattan en 1998 (coll.Trouvailles et retrouvailles)<br />

(2) Après celui <strong>de</strong> 1943 sur Neurologie et psychiatrie<br />

réédité chez Hermann en 1998.<br />

(3) Lire La psychanalyse ?, L’Harmattan 2004.<br />

Coll. Epistémologie et philosophie <strong>de</strong>s sciences<br />

(4) Saint Augustin, une lumière pour notre<br />

temps, Ed. P.Tequi 2003.<br />

(5) Lettres au philosophe <strong>de</strong> ma vie. Desclée <strong>de</strong><br />

Brouwer 1998. Et in « La spiritualité en perspectives<br />

», sous la direction <strong>de</strong> J. Chazaud,<br />

L’Harmattan 2004.<br />

tric 1926, 16, 414-19.<br />

(2) PEET M, Diet diabetes and schizophrenia:<br />

rewiew and hypothesis, Br J Psychiatry Suppl.<br />

2004 Apr, 47, S 102-5.<br />

(3)Expert group, « Schizophrenia and diabetes<br />

2003» Expert Consensus Meeting,<br />

Dublin, October 2003, Consensus Summary,<br />

Br J Psychiatry Suppl. 2004, Apr, 47,<br />

S112-4.<br />

(4)ADAMS PF, MARANT MA, Current<br />

Estimates from the National Health Interview<br />

Survey, 1994, National Center for<br />

Health Statitics, Vital Health Stat 10<br />

1995,193, 1-520.<br />

(5) American Diabetes Association, American<br />

Psychiatric Association ; American<br />

association of clinical Endocrinologists ;<br />

North American association for the sudy<br />

of Obesity, Consensus <strong>de</strong>velopment conference<br />

on Antipsychoticc drugs and obesity<br />

diabetes, J Clin Psychiatry, 2004 Feb, 65,<br />

2, 267-272.<br />

(6) ALLISON D, MENTORE J, HEO M et<br />

al., Antipsychotic-induced weight gain: a comprehensive<br />

research synthesis, Am J Psychiatry<br />

1999, 15, 1686-96.<br />

(7) GOTHELF D, FALK B, SINGER P et al.,<br />

Weight gain associated with increased food<br />

intake and low habitual activity lovels in<br />

male adolescent schizophrenic inpatients treated<br />

with olanzapine, Am J Psychiatry 2002,<br />

159, 1055-1057.<br />

(8) SILVERSTONE T, SMITH G. Et GOO-<br />

DALL E, Prevalence of obesity in patients<br />

receiving <strong>de</strong>pot antipsychotics, B J Psychiatry<br />

1988, 153, 214-217.<br />

(9) ALLISON D, MENTORE J, HEO<br />

METAL, Antipsychotic-induced weight gain:<br />

A comprehensive research synthesis, Am J<br />

Psychiatry 1999, 156, 1686-96.<br />

(10) MELKERSON KI, HULTING A, BRIS-<br />

MAN KE, Different influences of classical<br />

antipsychotics and clozapine on glucose-insuline<br />

homeostasis in patients with schizophrenia<br />

a related psychoses, J Clin Psychiatry<br />

1999, 60, 783-79.<br />

(11) AMBROSIN G, BRYOIS Ch, Schizophrenia,<br />

diabetes and new neuroleptics,<br />

Schweiz Rundsch Med Prax, 2002 <strong>de</strong>c 11,<br />

91, 50, 2181-92.<br />

(12) HENDERSON DC, CAGLIERO E,<br />

GRAY C, NASRALLAH RS, HAYDEN DL,<br />

SCHOENFELD DA, GOFF DC, Clozapine,<br />

diabetes mellitus, weight gain, and lipid<br />

abnormalities: a five-year naturalistic study,<br />

Am J Psychiatry 2000, 157, 975-98.<br />

(13) LIEBZEIT K, MARKOWITZ J, CALEY<br />

C, New onset diabetes and atypical antipsychotics,<br />

Eur Neuropsychopharmacol 2001,<br />

11, 294-9.<br />

(14) BETTINGER TL, MENDELSON SC,<br />

DORSON PG, CRISMON ML, Olanzapine<br />

-induced glucose dysregulation, Am Pharmacother<br />

2000, 34, 865-7.<br />

(15) WIRSHING D, PIERRE J, EYELER J,<br />

WEINBACH J, WIRSCHING W, Risperidone-associated<br />

new onset diabetes, Biol Psychiatry<br />

2001, 50, 148-9.<br />

(16) WIRSHING D, SPELLBERG B,<br />

ERHART S, MARDER S, WIRSHING W,<br />

Novel antipsychotics and new onset diabetes,<br />

Biol Psychiatry 1998, 44, 778-83.<br />

(17) LAMBERI JS, CRILLY JF, MAHARAJ<br />

K, OLSON D, WIENER K, DVORIN S,<br />

COSTEA GO, BUSHEY MP, DIETZ MB,<br />

Prevalence of diabetes mellitus among outpatients<br />

with severe mental disor<strong>de</strong>rs receiving<br />

atypical antipsychotic drugs, J Clin Psychiatry<br />

2004 May, 65, 5, 702-6.<br />

(18) SERNYAK MJ, LESLIE DL, ALAR-<br />

CON Rd, LOSONCZY MF, ROSENHECK<br />

R, Association of diabetes mellitus with use of<br />

atypical neuroleptics in the treatment of schizophrenia,<br />

Am J Psychiatry, 2002 Apr, 159,<br />

4, 561-5.<br />

(19) POPLI AP, KONICJI PE, JURJUS GJ,<br />

FULLER MA, JASKINW GE, Clozapine and<br />

associated diabetes mellitus, <strong>Journal</strong> of clinical<br />

psychiatry, 58, 3, 108-111, March 1997.<br />

(20) KOVAL MS, RAMES LJ, CHRISTIE<br />

S, Diabetic ketoacidosis associated with clozapine<br />

treatment, Am J of Psychiatry, 151,<br />

10,1520-1521.September 2004.<br />

(21) FERTIG MK, BROOKS VG, SHEL-<br />

TON PS, ENGLISH CW, Hyperglycemia<br />

associated with olanzapine, <strong>Journal</strong> of clinical<br />

Psychiatry, 59, 12, 687-688, December<br />

1998.<br />

(22) CARO J, WARD A, LEVINTON C,<br />

ROBINSON K, KOPALA L, The risk of<br />

<strong>de</strong>veloping diabetes in users of atypical antipsychotics,<br />

39th Annual meeting Amr College<br />

Neuropsychopharmacology, Puerto<br />

Rico, December 10-14, www.abstracts-online.com.<br />

<br />

(23) SCHWARTZ L, MUNOZ R, Blood<br />

sugar levels in patients treated with chlorpromazine,<br />

Am J of Psychiatry, 125, 253-<br />

254, August 1968.<br />

FMC ■ PUBLICATIONS ■ 5<br />

LIVRES<br />

Mini DSM-IV-TR<br />

Critères diagnostiques<br />

American Psychiatric Association<br />

Traduit par Julien-Daniel Guelfi<br />

Masson, 19,50 €<br />

Le Mini DSM-IV-TR est la version<br />

proche du DSM-IV-TR. Il se présente<br />

comme un petit manuel pratique<br />

contenant seulement la classification<br />

(c’est-à-dire la liste <strong>de</strong>s troubles, <strong>de</strong>s<br />

sous-types, <strong>de</strong>s spécifications et <strong>de</strong>s<br />

co<strong>de</strong>s diagnostiques), les chapitres<br />

consacrés à l’utilisation du manuel,<br />

à l’évaluation multiaxiale, et l’ensemble<br />

<strong>de</strong>s critères diagnostiques. Ce<br />

« Mini-D » doit être utilisé avec le DSM-<br />

IV. Son utilisation nécessite <strong>de</strong> bien<br />

connaître le texte <strong>de</strong>s <strong>de</strong>scriptions <strong>de</strong><br />

chaque trouble qui accompagne la<br />

liste <strong>de</strong>s critères diagnostiques dans<br />

le DSM-IV.<br />

Comprendre et soigner les<br />

états-limites<br />

Didier Bourgeois<br />

Préface <strong>de</strong> Dominique Barbier<br />

Dunod<br />

Cet ouvrage abor<strong>de</strong> la notion d’étatlimite<br />

<strong>de</strong> la personnalité à travers ses<br />

aménagements cliniques les plus fréquents,<br />

capables <strong>de</strong> dégager le sens<br />

lacunaire et archaïque du point <strong>de</strong><br />

vue du narcissisme <strong>de</strong> ceux qui en<br />

sont porteurs.<br />

L’idée d’un état-limite <strong>de</strong> la personnalité,<br />

bien qu’ancienne dans sa<br />

conceptualisation, débor<strong>de</strong> <strong>de</strong> la classique<br />

dichotomie névrose/psychose<br />

et subvertit la psychopathologie traditionnelle<br />

fondée sur les apports <strong>de</strong><br />

la psychanalyse. Elle transcen<strong>de</strong> la<br />

clinique psychiatrique tout autant que<br />

les individus bor<strong>de</strong>rlines débor<strong>de</strong>nt<br />

leur entourage, en explorent les limites,<br />

et interrogent, là où elle a mal,<br />

la société en général. En ce sens, pour<br />

Didier Bourgeois le questionnement<br />

que ces mala<strong>de</strong>s offrent à ceux qui<br />

tentent <strong>de</strong> les soigner et <strong>de</strong> les ai<strong>de</strong>r<br />

est fécond. Il répond à l’une <strong>de</strong>s exigences<br />

<strong>de</strong> la psychiatrie qui est <strong>de</strong><br />

réévaluer, sans cesse, sa pertinence<br />

en tant que science humaine et science<br />

médicale, confrontée à l’évolution<br />

<strong>de</strong>s mentalités et à l’évolutivité <strong>de</strong>s<br />

maladies mentales. Didier Bourgeois<br />

nous propose, avec talent, d’explore<br />

les avatars du narcissisme, aussi bien<br />

dans la psychogenèse que dans la<br />

clinique, dans la mesure où la carence<br />

narcissique détermine, infiltre et colore<br />

<strong>de</strong>s comportements si déstabilisants<br />

et divers qu’on parle souvent<br />

<strong>de</strong> comorbidité à leur propos alors<br />

qu’ils renvoient à une évi<strong>de</strong>nte unité<br />

structurale.<br />

Dictionnaire <strong>de</strong>s termes<br />

médicaux et biologiques et<br />

<strong>de</strong>s médicaments<br />

Flammarion, Mé<strong>de</strong>cine - Sciences<br />

75 €<br />

Les Editions Flammarion proposent<br />

un dictionnaire anglais/français et<br />

français/anglais <strong>de</strong>s termes médicaux<br />

<strong>de</strong> près <strong>de</strong> 1000 pages et avec 60 000<br />

entrées différenciées grâce à un co<strong>de</strong><br />

couleur. L’auteur, le Pr Gary S. Hill <strong>de</strong><br />

la Johns Hopkins University School<br />

of Me<strong>de</strong>cine, est anglophone et parfaitement<br />

bilingue. Il a enseigné pendant<br />

2 ans à l’Université Paris V et<br />

se partage entre la France et les Etats-<br />

Unis. Plus qu’une simple traduction,<br />

cet ouvrage apporte une mise en situation<br />

<strong>de</strong>s termes avec leurs synonyes,<br />

leur définition et les tournures<br />

idiomatiques utiles à connaître selon<br />

le contexte. Ce dictionnaire comprend,<br />

également, une liste <strong>de</strong>s médicaments<br />

courants, avec un nom <strong>de</strong> marque<br />

français et américain par exemple.


6<br />

LIVRES<br />

■ HISTOIRE<br />

Le scandale <strong>de</strong>s<br />

« tournantes »<br />

Discours médiatiques et contreenquête<br />

sociologique<br />

Laurent Mucchielli<br />

La Découverte 6,40 €<br />

Entre 2001 et 2003, un thème a envahi<br />

les médias : les viols collectifs,<br />

rebaptisés « tournantes ». A L’instar<br />

d’autres manifestations <strong>de</strong> l’« insécurité<br />

» qui dominait alors tous les débats,<br />

ces comportements ont été présentés<br />

aux citoyens français comme<br />

un phénomène nouveau, en pleine<br />

expansion et imputable aux « jeunes<br />

issus <strong>de</strong> l’immigration » habitant les<br />

« quartiers sensibles ». La dénonciation<br />

<strong>de</strong>s « nouveaux barbares » <strong>de</strong>s<br />

banlieues a fait alors l’objet d’un<br />

consensus médiatico-politique d’autant<br />

plus fort que le lien a rapi<strong>de</strong>ment<br />

été fait avec le thème <strong>de</strong> l’oppression<br />

<strong>de</strong>s femmes et l’islam. Au terme d’une<br />

contre-enquête mobilisant les données<br />

empiriques disponibles et s’appuyant<br />

sur une étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> dossiers judiciaires,<br />

Laurent Mucchielli fait la<br />

lumière sur ces comportements juvéniles.<br />

Il en conteste la nouveauté<br />

autant que leur aggravation et réfute<br />

la liaison fondamentale faite entre<br />

viols collectifs, origine maghrébine,<br />

religion musulmane. Il montre que<br />

l’apparition soudaine <strong>de</strong> ce thème<br />

dans le débat public peut être reliée<br />

à d’autres débats qui lui ont succédé,<br />

sur le « voile islamique » et sur le « nouvel<br />

antisémitisme ». L’auteur montre<br />

que la mise en scène médiatique du<br />

thème <strong>de</strong>s tournantes participe d’une<br />

peur et d’un rejet <strong>de</strong>s jeunes hommes<br />

français issus <strong>de</strong> l’immigration maghrébine<br />

et d’une banalisation contestable<br />

<strong>de</strong> l’interprétation <strong>de</strong>s problèmes<br />

économiques et sociaux en termes<br />

« culturels », voire « ethniques ». Ce livre<br />

se veut donc autant une contribution<br />

à la sociologie <strong>de</strong> la délinquance juvénile<br />

qu’un essai politique sur les<br />

habits neufs <strong>de</strong> la vieille « question <strong>de</strong><br />

l’immigration » et sur les formes contemporaines<br />

<strong>de</strong> la xénophobie.<br />

Des vies en fauteuil…<br />

Usages du sport dans les<br />

processus <strong>de</strong> déstigmatisation et<br />

d’intégration sociale<br />

Anne Marcellini<br />

Editions CTNERHI, 18 €<br />

Une étu<strong>de</strong> longitudinale menée sur<br />

dix années et le recueil d’histoires <strong>de</strong><br />

vie <strong>de</strong> sportifs en fauteuil roulant<br />

constituent la matière première <strong>de</strong><br />

cet ouvrage qui propose une modélisation<br />

du processus d’intégration<br />

sociale <strong>de</strong>s personnes stigmatisées.<br />

Centrée sur le point <strong>de</strong> vue subjectif<br />

<strong>de</strong>s personnes en situation <strong>de</strong> handicap,<br />

cette recherche suit les évolutions<br />

<strong>de</strong>s sujets dans leur rapport au<br />

corps, au sport, au handicap, à leurs<br />

« pairs », à la « normalité », pour mettre<br />

en relief les différentes étapes <strong>de</strong><br />

construction ou <strong>de</strong> reconstruction<br />

i<strong>de</strong>ntitaire.<br />

L’analyse <strong>de</strong> ces trajectoires <strong>de</strong> vie<br />

permet <strong>de</strong> soutenir la thèse selon laquelle<br />

l’auto-regroupement entre pairs<br />

est un regroupement qui soutient le<br />

sujet dans un processus <strong>de</strong> déstigmatisation<br />

et oblige la société à <strong>de</strong>s<br />

ajustements progressifs indispensables<br />

à l’intégration sociale. Les<br />

étu<strong>de</strong>s <strong>de</strong> cas retracées soulignent la<br />

difficulté, voire la souffrance qu’il y<br />

a à vivre seul le stigmate sans avoir<br />

pu rencontrer ses « pairs en handicap<br />

», et à jouer, <strong>de</strong> façon isolée le<br />

jeu <strong>de</strong> l’assimilation individuelle. Cette<br />

recherche qualitative démontre la diversité<br />

<strong>de</strong>s usages qui peuvent être<br />

faits du sport par les personnes en<br />

situation <strong>de</strong> handicap et par les collectifs<br />

qu’elles organisent. Elle souligne<br />

l’intérêt spécifique du sport<br />

comme espace <strong>de</strong> visibilité sociale<br />

<strong>de</strong>s minorités stigmatisées.<br />

<br />

<strong>de</strong>s sœurs Papin. Cependant, nous<br />

tenons à poser que, pour éclairant que<br />

soit son travail, il est bien loin <strong>de</strong><br />

répondre totalement aux nécessités<br />

théoriques d’une psychopathologie du<br />

travail.<br />

Dans le même temps que Paul Sivadon<br />

et Clau<strong>de</strong> Veil, Louis Le Guillant<br />

a animé la première pério<strong>de</strong> d’extension<br />

<strong>de</strong> la psychopathologie du travail,<br />

celle qui va <strong>de</strong> l’après-guerre jusqu’aux<br />

années 1968 (mort <strong>de</strong> Le Guillant) et<br />

1969 (date à laquelle Sivadon et Veil<br />

quittent l’Elan Retrouvé pour prendre<br />

<strong>de</strong>s responsabilités universitaires). Profondément<br />

convaincu <strong>de</strong> la sociogenèse<br />

<strong>de</strong>s maladies mentales, il n’a <strong>de</strong><br />

cesse <strong>de</strong> tenter <strong>de</strong> déterminer la manière<br />

dont cette sociogenèse se joue. Aussi,<br />

parmi ces styles différents, celui <strong>de</strong> Le<br />

Guillant nous semble bien résumé par<br />

la notion <strong>de</strong> psychopathologie sociale<br />

au travail. En effet, pour lui, la souffrance<br />

au travail est un aspect <strong>de</strong> la<br />

souffrance sociale <strong>de</strong> manière plus<br />

générale, et principalement <strong>de</strong> l’aliénation<br />

sociale. Sa position critique visà-vis<br />

<strong>de</strong>s valeurs capitalistes marque sa<br />

manière <strong>de</strong> concevoir la psychopathologie<br />

du travail.<br />

Une psychopathologie<br />

sociale au travail<br />

Il nous semble important <strong>de</strong> souligner<br />

d’emblée l’intention explicite <strong>de</strong> Le<br />

Guillant lorsqu’il pose les fon<strong>de</strong>ments<br />

d’une psychopathologie du travail. Sa<br />

visée est politique et sociale. Comme le<br />

souligne Henry Ey, Le Guillant prend<br />

fait et cause pour les humiliés, les opprimés,<br />

les exploités. Et il le fait à la manière<br />

du communisme <strong>de</strong> l’époque en<br />

haussant le travailleur à la hauteur d’un<br />

modèle, celui <strong>de</strong> l’exploité et <strong>de</strong> l’aliéné.<br />

Le fait psychopathologique trouve<br />

ainsi son élucidation dans le fait social<br />

qui se joue, <strong>de</strong> manière remarquable,<br />

dans le travail. Il s’agit donc d’une psychopathologie<br />

sociale au travail.<br />

Aussi, traiter la maladie mentale nécessite<br />

d’obtenir <strong>de</strong>s changements sociaux<br />

en faveur <strong>de</strong>s opprimés, changements<br />

qui doivent commencer par le biais <strong>de</strong><br />

la transformation <strong>de</strong>s conditions <strong>de</strong> travail.<br />

Le Guillant s’engage alors dans un<br />

bras <strong>de</strong> fer avec le mon<strong>de</strong> du travail<br />

qui, en retour, s’oppose à ses résultats.<br />

L’idée d’une résistance aux connaissances<br />

que peut apporter la psychopathologie<br />

du travail est l’expérience<br />

fondamentale <strong>de</strong> la psychopathologie<br />

du travail <strong>de</strong> Le Guillant. Elle reste<br />

aujourd’hui une épreuve courante qui<br />

explique, en partie, le caractère marginal<br />

<strong>de</strong> ce domaine. Les hypothèses<br />

posées par Le Guillant pour rendre<br />

compte <strong>de</strong> ce phénomène nous paraissent<br />

d’autant plus intéressantes qu’elles<br />

restent d’une gran<strong>de</strong> pertinence et<br />

d’une gran<strong>de</strong> actualité. Pour lui, cette<br />

résistance repose sur <strong>de</strong>ux pôles, le<br />

conflit sociopolitique et l’aliénation<br />

sociale. Commençons par l’aspect politique<br />

<strong>de</strong> cette résistance.<br />

La psychopathologie du travail n’a d’intérêt<br />

que si elle aboutit à l’idée <strong>de</strong> réforme<br />

<strong>de</strong>s conditions <strong>de</strong> travail et à la<br />

mise en place <strong>de</strong> préconisations. « Où<br />

<strong>de</strong>s problèmes commencent à se poser,<br />

c’est quand le rapport entre telle condition<br />

<strong>de</strong> vie ou <strong>de</strong> travail et tel trouble <strong>de</strong> la<br />

santé n’apparaît pas avec évi<strong>de</strong>nce, lorsqu’il<br />

est contesté. Il <strong>de</strong>vient alors nécessaire<br />

<strong>de</strong> faire la démonstration, près <strong>de</strong>s<br />

techniciens puis <strong>de</strong>s pouvoirs publics, du<br />

caractère pathogène d’une situation matérielle<br />

ou psychologique donnée ; il faut<br />

prouver l’intérêt <strong>de</strong> certaines réformes.<br />

Mais ces démonstrations et ces preuves<br />

ne sont pas toujours faciles à administrer<br />

d’une manière convaincante. D’une<br />

part, en effet, ces situations et les mesures<br />

qu’elles appellent peuvent mettre en jeu<br />

<strong>de</strong>s intérêts – et <strong>de</strong>s résistances considérables<br />

; elles soulèvent fréquemment – il<br />

vaut mieux le dire franchement – <strong>de</strong>s<br />

problèmes sociaux et politiques. D’autre<br />

part, les « faits » sont le plus souvent difficiles<br />

à isoler, et même à saisir, ils sont<br />

pris dans un ensemble <strong>de</strong> conditions <strong>de</strong><br />

vie et <strong>de</strong> causes possibles d’altérations<br />

<strong>de</strong> la santé » (1).<br />

D’expérience, en psychopathologie du<br />

travail, ce ne sont pas les données<br />

brutes qui posent problèmes : bien souvent,<br />

les faits ne sont pas contestés.<br />

C’est lorsqu’on rentre dans le domaine<br />

<strong>de</strong> l’interprétation <strong>de</strong> ces faits que les<br />

conclusions divergent et parfois se<br />

contredisent, malgré la bonne foi <strong>de</strong><br />

certaines analyses. Et, principalement<br />

lorsque les constatations doivent déboucher<br />

sur <strong>de</strong>s préconisations concrètes.<br />

C’est ici que l’on peut parler <strong>de</strong> résistance<br />

: pour défendre une logique <strong>de</strong><br />

productivité, ce sont souvent les commanditaires<br />

mêmes <strong>de</strong> ces étu<strong>de</strong>s qui<br />

s’opposent à <strong>de</strong>s interprétations qui<br />

attribuent à certaines conditions <strong>de</strong> travail<br />

un rôle dans la constitution <strong>de</strong><br />

troubles divers. Par exemple, c’est suite<br />

à l’observation consensuelle et indiscutée,<br />

<strong>de</strong> l’état d’énervement et <strong>de</strong><br />

fatigue nerveuse <strong>de</strong>s téléphonistes<br />

qu’une étu<strong>de</strong> a été commandée à Le<br />

Guillant dans les années cinquante. Or,<br />

si les faits constatés n’étaient pas remis<br />

en cause, lorsque, à la suite <strong>de</strong> cette<br />

étu<strong>de</strong>, les symptômes présentés par les<br />

téléphonistes furent attribués à leur<br />

métier et à ses conditions <strong>de</strong> réalisation,<br />

l’enquête termina dans un tiroir<br />

sans qu’aucune mesure n’ait été prise.<br />

L’argument le plus utilisé par ceux qui<br />

s’opposent à une interprétation en<br />

faveur d’une étiologie professionnelle<br />

est celui <strong>de</strong> la fréquence : la fatigue se<br />

retrouve dans bien d’autres professions.<br />

Pourtant, il va <strong>de</strong> soi que cela n’infirme<br />

pas la possibilité d’une imputation <strong>de</strong><br />

causalité.<br />

Un autre argument, presque aussi fréquent,<br />

repose sur l’idée évi<strong>de</strong>nte que le<br />

travail n’est qu’une partie <strong>de</strong> l’existence<br />

<strong>de</strong>s travailleurs. Les troubles psychiques<br />

peuvent donc être secondaires<br />

aux conditions générales <strong>de</strong> vie, à la<br />

transplantation <strong>de</strong> beaucoup, aux frustrations<br />

<strong>de</strong>s aspirations légitimes <strong>de</strong> certains,<br />

etc…<br />

Le lecteur pourra d’ailleurs trouver fastidieuse<br />

une telle énumération et celleci<br />

est difficilement exhaustive. Il peut<br />

aussi penser qu’elles contiennent une<br />

part <strong>de</strong> vérité que la psychopathologie<br />

du travail ferait bien <strong>de</strong> méditer.<br />

Une fois encore, la critique manque<br />

<strong>de</strong> nuance, comme si penser en terme<br />

<strong>de</strong> maladie professionnelle interdisait<br />

<strong>de</strong> prendre en compte d’autres éléments<br />

potentiellement pathogènes<br />

(qu’ils soient d’ordre social ou individuel).<br />

C’est d’ailleurs ce que pense Le<br />

Guillant. « Ces objections, <strong>de</strong> valeur très<br />

inégale, correspon<strong>de</strong>nt d’ailleurs à certaines<br />

réalités psychologiques. Elles ne<br />

sont pas irrecevables, il s’agit plutôt <strong>de</strong> les<br />

situer à leur juste place » (2). Mais ce<br />

qu’il déplore, c’est que l’on « exige en<br />

effet, maintenant, du mé<strong>de</strong>cin, la démonstration<br />

que les altérations <strong>de</strong> la santé<br />

qu’il a observées chez les téléphonistes<br />

(par exemple) résultent effectivement <strong>de</strong><br />

leur travail » (3). Cette critique d’une<br />

exigence pourtant légitime marque<br />

l’exaspération face à la résistance, parfois<br />

même à la mauvaise foi, que rencontrent<br />

les travaux en psychopathologie<br />

du travail. Cependant, pour<br />

comprendre l’exaspération <strong>de</strong> Le<br />

Guillant face à ces remarques, il faut<br />

y ajouter la teneur et le ton <strong>de</strong> ces<br />

objections, souvent catégoriques, et<br />

bien souvent, celui-là même qui exige<br />

du psychopathologue du travail qu’il<br />

donne la preuve irréfutable <strong>de</strong> ses<br />

conclusions semble penser que ses<br />

propres objections vont <strong>de</strong> soi et que<br />

lui-même n’a rien à prouver :<br />

- les troubles mentaux énumérés « sont<br />

vagues et banals et en cela n’ont rien <strong>de</strong><br />

ce qui caractérise les symptômes <strong>de</strong>s<br />

maladies professionnelles reconnues » ;<br />

- « La fatigue qui résulte d’un effort soutenu<br />

doit disparaître par le repos » (cette<br />

prescription <strong>de</strong> bonne foi assurément a,<br />

néanmoins, <strong>de</strong> quoi étonner puisque<br />

justement ceux qui se plaignent <strong>de</strong><br />

cette fatigue ne parviennent plus à récupérer<br />

par le repos habituel) ;<br />

- « Car on peut constater que certains<br />

sujets choisissaient les professions que<br />

leur fragilité mentale aurait dû leur faire<br />

éviter. Ainsi, certaines professions comportent-elles<br />

un taux <strong>de</strong> morbidité plus<br />

important que d’autres, non parce que<br />

ces professions comportent un risque plus<br />

grand d’entraîner une maladie mentale,<br />

mais parce que les sujets, au départ,<br />

avaient choisi ces professions <strong>de</strong> préférence<br />

à d’autres, en raison <strong>de</strong> leur fragilité<br />

mentale » (4) (dans ce <strong>de</strong>rnier cas,<br />

l’argumentation <strong>de</strong>vient paradoxale.<br />

Les gens choisiraient ce qui les met le<br />

plus en danger mental.<br />

Pourquoi pas, mais l’existence <strong>de</strong> cette<br />

conduite paradoxale mériterait quelque<br />

démonstration et puis si cela les met<br />

en danger, quand bien même ce serait<br />

en premier lieu du fait <strong>de</strong> leur fragilité,<br />

c’est reconnaître le travail comme<br />

pathogène).<br />

L’autre aspect <strong>de</strong> la résistance aux travaux<br />

<strong>de</strong> la psychopathologie du travail<br />

concerne les travailleurs eux-mêmes,<br />

à travers l’idée <strong>de</strong> leur aliénation.<br />

En effet, ce que la psychopathologie<br />

du travail met aussi en avant, c’est l’existence<br />

d’une gêne, voire d’une impossibilité<br />

<strong>de</strong> la prise <strong>de</strong> conscience.<br />

Le travailleur ne sait ni apprécier,<br />

ni définir, ni mesurer les symptômes<br />

qui le tourmentent, pas plus qu’il n’a<br />

conscience <strong>de</strong> la manière dont ils apparaissent.<br />

Par exemple, en ce qui concerne<br />

la fatigue nerveuse, il ne sait pas et<br />

ne comprend pas ce qui le fatigue.<br />

« On imagine à quel point ce caractère<br />

obscur et presque indicible <strong>de</strong> l’épuisement<br />

nerveux peut contrarier l’action<br />

<strong>de</strong>s travailleurs en vue <strong>de</strong> modifier les<br />

situations qui engendrent cet épuisement<br />

» (5).<br />

Plus encore, le travail participe <strong>de</strong> cette<br />

aliénation, s’en fait le complice : « les<br />

ca<strong>de</strong>nces rapi<strong>de</strong>s peuvent entraîner paradoxalement<br />

un « énervement », une excitation<br />

nerveuse diffuse qui facilitent (et<br />

accélèrent à leur tour) le travail » (6). En<br />

effet, « Pour certaines opérations très<br />

parcellaires et très rapi<strong>de</strong>, il n’est plus<br />

nécessaire <strong>de</strong> presser l’ouvrier, celui-ci<br />

est contraint <strong>de</strong> cé<strong>de</strong>r au rythme qui s’est<br />

emparé <strong>de</strong> lui » (7).<br />

N°2 - TOME XVIII - MARS 2005<br />

Louis Le Guillant et l’aliénation<br />

mentale et sociale<br />

Une psychopathologie sociale au travail<br />

L’idée d’une conscience aliénée a pour<br />

corollaire l’idée d’une conscience éclairée,<br />

et le désir <strong>de</strong> la prise <strong>de</strong> conscience.<br />

Le fon<strong>de</strong>ment, et par la suite le but<br />

ultime <strong>de</strong>s travaux qui combattent l’aliénation,<br />

est la prise <strong>de</strong> conscience <strong>de</strong> la<br />

réalité qui est le premier temps indispensable<br />

aux changements <strong>de</strong>s situations<br />

pathogènes. Ce qui nous apparaît<br />

ainsi comme un <strong>de</strong>s fon<strong>de</strong>ments<br />

nécessaire sinon explicite <strong>de</strong> Le<br />

Guillant, reste pour beaucoup <strong>de</strong> psychopathologues<br />

du travail, la raison<br />

même <strong>de</strong> leur action. Ce modèle thérapeutique<br />

reste ainsi d’actualité, même<br />

si, à nos yeux, la réalité <strong>de</strong> l’inconscient<br />

interdit l’illusion d’une conscience pleine<br />

et entière.<br />

Pour contrecarrer les résistances <strong>de</strong><br />

mauvaise foi et pour déjouer les mystifications<br />

contre lesquelles il nous met<br />

en gar<strong>de</strong>, Le Guillant s’appuie sur une<br />

méthodologie rigoureuse apte, c’est du<br />

moins son espoir et sa visée, à donner<br />

une démonstration irréfutable. « Aussi<br />

la « dénonciation » <strong>de</strong>s positions fallacieuses,<br />

prises par certains techniciens<br />

ou dirigeants vis-à-vis <strong>de</strong> ces problèmes<br />

ne saurait suffire ni même convenir à<br />

maintes « situations » <strong>de</strong> travail…Des<br />

étu<strong>de</strong>s objectives, systématiques et approfondies<br />

<strong>de</strong> l’opinion <strong>de</strong>s travailleurs, l’organisation<br />

<strong>de</strong>s luttes ouvrières à partir<br />

<strong>de</strong>s données qui en seront tirées constituent<br />

<strong>de</strong>s tâches qui ne sont ni faciles ni<br />

exemptes d’embûches. Je les crois cependant<br />

nécessaires. Il faut – et pour chaque<br />

situation – analyser, démontrer,<br />

convaincre…» (8).<br />

Mais ce programme n’est pas simple<br />

à réaliser. Ainsi, il écrit, à propos <strong>de</strong><br />

l’étu<strong>de</strong> sur les conducteurs <strong>de</strong> train<br />

qu’il lui a été pratiquement impossible<br />

<strong>de</strong> démontrer le caractère particulièrement<br />

pénible et nocif, et cependant<br />

absolument incontestable à ses yeux, <strong>de</strong><br />

cette condition <strong>de</strong> travail. Lorsqu’il sollicite<br />

<strong>de</strong>s renseignements <strong>de</strong>s milieux<br />

médicaux et syndicaux, il ne soulève<br />

aucun écho. « Nous avions d’ailleurs<br />

rencontré une telle hostilité <strong>de</strong> la part<br />

<strong>de</strong>s responsables <strong>de</strong>s administrations utilisant<br />

ces travailleurs, qu’elle avait totalement<br />

découragé – et rendu impossible<br />

- la poursuite <strong>de</strong> notre recherche » (9).<br />

La psychopathologie du travail est ainsi<br />

prise entre la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> d’une démonstration<br />

irréprochable et incontestable<br />

et une réalité qui en rend l’exercice<br />

impossible. La démonstration incontestable<br />

est un mythe scientifique utile<br />

mais irréalisable, et Le Guillant est peut-<br />

Le psychiatre et le travailleur<br />

Cheminement <strong>de</strong> la psychopathologie du travail d’hier à <strong>de</strong>main<br />

Joseph Torrente, préface <strong>de</strong> S.D. Kipman<br />

Doin, 24 €<br />

Joseph Torrente a repris la consultation <strong>de</strong> psychothérapie et psychopathologie<br />

du travail à l’association l’Elan retrouvé et est responsable médical du<br />

CAT Bastille-Association SPASM. Son livre constitue une approche originale en<br />

proposant <strong>de</strong> remplacer l’alternative « conditions <strong>de</strong> travail néfastes » ou « pathologies<br />

individuelles » par une réflexion clinique invitant à penser l’interaction<br />

travail-individu. Joseph Torrente appuie sa réflexion sur les travaux <strong>de</strong><br />

chercheurs et cliniciens qui sont à l’origine <strong>de</strong> la psychopathologie du travail,<br />

P. Sivadon, L. Le Guillant, Ch. Dejours, dont il propose une lecture personnelle.<br />

Il expose sa conception du rôle du psychopathologue du travail à travers <strong>de</strong>s<br />

exemples issus <strong>de</strong> son expérience acquise dans une consultation spécialisée.<br />

Pour lui, la psychopathologie du travail est une psychopathologie <strong>de</strong>s situations<br />

psychiques liées au travail ou issues du travail. Au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong>s vécus au travail<br />

et <strong>de</strong> la signification du travail, et par leur intermédiaire, les efforts <strong>de</strong><br />

construction liés au travail constituent le véritable enjeu <strong>de</strong> la psychopathologie<br />

du travail. Cela se retrouve, évi<strong>de</strong>mment, dans la manière dont nous<br />

comprenons l’œuvre <strong>de</strong> Paul Sivadon : soutenir l’effort <strong>de</strong> l’homme pour se<br />

construire. Pour clarifier cette intention, Joseph Torrente conclut sur ce qui légitime,<br />

à ses yeux, parmi les sciences du travail, l’existence d’une psychopathologie<br />

du travail. S’il appartient à l’ergonomie d’ai<strong>de</strong>r à faire sortir <strong>de</strong>s impasses<br />

matérielles ou techniques du travail et à la psychologie du travail <strong>de</strong><br />

soutenir la vie psychique qui permet <strong>de</strong> gar<strong>de</strong>r intact le fil <strong>de</strong> l’activité et donc<br />

d’ai<strong>de</strong>r à faire sortir le travail <strong>de</strong> ses impasses psychiques, la psychologie du<br />

travail se légitimerait du projet médical <strong>de</strong> soutenir les efforts <strong>de</strong> construction<br />

et <strong>de</strong> développement psychique auxquels contraint et permet le travail.


N°2 - TOME XVIII - MARS 2005<br />

Par les temps qui courent<br />

être victime lui-même <strong>de</strong> cette mystification<br />

du scientisme du XIX e siècle.<br />

Les terrains eux-mêmes sont rendus<br />

inaccessibles en raison d’une opposition<br />

à ces recherches. Ainsi les résultats<br />

<strong>de</strong> la psychopathologie du travail<br />

peuvent d’autant plus facilement être<br />

contestés. Ce qui conduit Le Guillant à<br />

une attitu<strong>de</strong> rigi<strong>de</strong> dans la recherche<br />

<strong>de</strong> sa reconnaissance.<br />

La psychopathologie du travail se trouve<br />

là, enfermée dans sa pratique, dans<br />

un cercle vicieux dramatique pour son<br />

développement. Mais ce n’est pas la<br />

seule raison. La soumission politique<br />

<strong>de</strong> Le Guillant a conduit aussi à une<br />

impasse théorique. En effet, il a étayé<br />

son travail sur la psychologie pavlovienne<br />

<strong>de</strong>s réflexes conditionnés, réduisant<br />

ainsi les névroses professionnelles<br />

à <strong>de</strong>s névroses expérimentales. Or il<br />

est généralement rendu compte <strong>de</strong> ce<br />

choix par le communisme <strong>de</strong> Le<br />

Guillant et son adhésion à son idéologie.<br />

Cette soumission aura <strong>de</strong>s conséquences<br />

majeures.<br />

Elle sépare la psychopathologie du travail<br />

<strong>de</strong>s psychiatres psychanalystes qui,<br />

entre les années cinquante et soixantedix,<br />

constituent le gros <strong>de</strong>s bataillons<br />

<strong>de</strong> la psychiatrie qui participent acti-<br />

■ HUMEUR<br />

Dans un hier qui, hélas, m’apparaît déjà très lointain, un psychiatre m’avait<br />

dit : « un patient atteint <strong>de</strong> psychose mérite, parce qu’il le nécessite, du temps ».<br />

Lui, l’homme d’expérience, aujourd’hui blotti dans sa retraite, doit être affolé<br />

<strong>de</strong> cette frénésie que l’actuelle génération (qu’il a contribué à façonner) a accepté<br />

d’introduire sous la pression <strong>de</strong>s « économistes <strong>de</strong> la santé » dans la prise<br />

en charge <strong>de</strong> la « chronicité ».<br />

Certes, prendre son temps pourrait dissimuler un ronronnement dont la maladie<br />

tirerait profit au détriment du patient. Mais n’a-t-on pas confondu prendre<br />

SON temps et prendre DU temps. La nuance me semble <strong>de</strong> tout premier<br />

ordre.<br />

Pour faire un peu plaisir à ceux qui désirent que nous nous hâtions en nous<br />

assénant que le temps vaut <strong>de</strong> l’argent (à voir leur empressement, il s’agirait<br />

même d’or, voire <strong>de</strong> platine), j’accepterais encore l’Idée que prendre son<br />

temps puisse être un piège et que la collectivité n’a pas à supporter les dépenses<br />

liées à notre seul confort. Prendre son temps pourrait, dans nombre<br />

<strong>de</strong> cas, être synonyme <strong>de</strong> perdre du temps. La chronicité serait alors contagieuse<br />

et par ricochet nous conduirait à linactivité.<br />

A l’inverse prendre DU temps en matière <strong>de</strong> psychose semble une nécessité<br />

incontournable. Aucun processus au long cours ne trouve à résoudre l’un <strong>de</strong><br />

ces épiso<strong>de</strong>s dans la précipitation. Avoir fait croire qu’avec quelques jours<br />

d’hospitalisation toutes les crises étaient sur la voie <strong>de</strong> la résolution a permis<br />

à quelques-uns <strong>de</strong> nos édiles, plus commanditaires d’une rentabilité financière<br />

que d’une efficacité thérapeutique, d’inscrire, comme mo<strong>de</strong> d’évaluation<br />

<strong>de</strong>s bonnes pratiques cliniques, la durée moyenne <strong>de</strong> séjour. Le même<br />

psychiatre <strong>de</strong> la fin du siècle <strong>de</strong>rnier avait rajouté dans les consignes qu’il me<br />

donnait , « c’est au contact <strong>de</strong>s patients chroniques que vous construirez la noblesse<br />

<strong>de</strong> votre exercice ». Doit-il, aujourd’hui, avoir <strong>de</strong> la peine à s’endormir<br />

en voyant qu’en quelques années <strong>de</strong>s enseignements, pourtant profondément<br />

inscrits dans notre histoire psychiatrique, se sont vu balayés par un fort<br />

vent venu d’une nouvelle Olympe : celui <strong>de</strong> la durée moyenne <strong>de</strong> séjour<br />

soufflant d’un PMSI souverain.<br />

Il serait aisé <strong>de</strong> faire croire que seuls les gestionnaires portent la responsabilité<br />

pleine et entière <strong>de</strong> la dérive qui nous expose à <strong>de</strong> plus en plus <strong>de</strong> difficultés<br />

dans la gestion <strong>de</strong>s comportements psychotiques. Hélas, nous <strong>de</strong>vons<br />

porter une part <strong>de</strong> culpabilité. N’avons-nous pas :<br />

- affirmé que l’asile créait la chronicité sans les discernements nécessaires,<br />

- exposé que nous possédions une technicité et une volonté permettant <strong>de</strong><br />

tout gérer sur le sacro-saint « extra-hospitalier »,<br />

- fait croire que sortir <strong>de</strong> l’hôpital était déjà <strong>de</strong> la réinsertion sans juger <strong>de</strong> la<br />

capacité réelle à retrouver le corps social du plus grand nombre <strong>de</strong> nos patients,<br />

- laissé planer l’idée qu’avec un logement, du travail et un suivi, le patient allait<br />

tenir à distance sa psychose et <strong>de</strong>venir un citoyen,<br />

- j’en passe et <strong>de</strong>s meilleures comme celles qui m’inclinent à penser que ce<br />

sont plus les psychiatres qui ont désiré sortir eux-mêmes <strong>de</strong> l’hôpital que les<br />

patients qui en ont montré la capacité.<br />

Peut-être est-il temps <strong>de</strong> dire haut et fort que le combat contre cette maladie<br />

grave ne se fera pas par quelques bonnes intentions et quelques transferts<br />

budgétaires. Prenons DU temps pour ne pas exposer nos mala<strong>de</strong>s à l’impossible,<br />

pour ne pas exposer le corps social à <strong>de</strong>s comportements qu’il ne<br />

peut comprendre. En voulant sortir rapi<strong>de</strong>ment les patients <strong>de</strong> l’hôpital, nous<br />

pensions participer à la déstigmatisation <strong>de</strong> la schizophrénie, la réalité nous<br />

montre aujourd’hui l’inverse car si quelques-uns, peu ou pas ou mal suivis<br />

(on dira encore par le seul fait du manque <strong>de</strong> moyens, ce qui à mon sens est<br />

un abus même si c’est une réalité) finissent par faire l’actualité <strong>de</strong>s faits divers,<br />

la restigmatisation reviendra a grands pas, mais a-t-elle jamais reculé ?<br />

Cessons d’être <strong>de</strong>s militants Idéologues d’une liberté absolue forcément synonyme<br />

d’antiasile pour re<strong>de</strong>venir, comme nos maîtres auraient désiré que<br />

nous le restions, <strong>de</strong>s militants d’une réalité clinique.<br />

Et surtout ne perdons plus <strong>de</strong> temps à sans cesse penser en gagner, la temporalité<br />

<strong>de</strong> la psychose s’impose encore à nous, aussi bons que nous soyons. ■<br />

Jean-Paul Chabannes<br />

vement à sa rénovation. Elle rend ce<br />

milieu réfractaire, voire hostile à ses<br />

recherches. La non rencontre avec la<br />

théorie psychanalytique, commandée<br />

par le parti communiste, semble s’être<br />

ainsi payée d’un prix fort, tant du point<br />

<strong>de</strong> vue <strong>de</strong> la théorie que <strong>de</strong> celui <strong>de</strong> sa<br />

diffusion. Nous <strong>de</strong>vons ajouter qu’à<br />

l’époque, la psychanalyse institutionnelle<br />

n’était pas exempte d’âpres luttes<br />

et d’un certain dogmatisme.<br />

Cette soumission confirme la méfiance<br />

<strong>de</strong>s opposants vis-à-vis <strong>de</strong>s résultats <strong>de</strong><br />

la psychopathologie du travail. Il est,<br />

en effet, pensé qu’une telle soumission<br />

politique retentit sur la conviction <strong>de</strong> Le<br />

Guillant quant à la pathogénie du travail.<br />

Le choix <strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>s, la récolte <strong>de</strong>s<br />

données, l’interprétation <strong>de</strong>s résultats<br />

ne peuvent qu’en être biaisés. Ce qu’a<br />

rapporté Clau<strong>de</strong> Veil est que, pour<br />

cette raison, Le Guillant a été ressenti<br />

davantage comme un idéologue que<br />

comme un pragmatique.<br />

Et cependant, <strong>de</strong> fait, l’utilisation <strong>de</strong><br />

cette théorie est en contradiction avec<br />

la manière <strong>de</strong> penser <strong>de</strong> Le Guillant<br />

lui-même. Ce choix théorique nous<br />

apparaît d’autant plus étonnant qu’il<br />

est lui même a<strong>de</strong>pte, dans sa pratique<br />

psychiatrique, d’un humanisme obstiné.<br />

En ce qui concerne la psychopatholo-<br />

gie du travail, il n’est pas possible pour<br />

lui <strong>de</strong> retirer au travail son aspect intime<br />

sans en détourner toute l’analyse et<br />

en retirer toute valeur. Ainsi, le travail<br />

« est pris – sans cesse davantage – entre<br />

<strong>de</strong>ux exigences en quelque sorte inverses :<br />

d’une part la mise en évi<strong>de</strong>nce <strong>de</strong> faits<br />

bien concrets, précis, difficilement contestables<br />

– au moins en tant que fait, sinon<br />

dans l’interprétation qui en est proposée,<br />

d’autre part une large pénétration dans<br />

l’univers subjectif <strong>de</strong>s individus et <strong>de</strong>s<br />

relations humaines » (10).<br />

Non fondés théoriquement, l’humanisme<br />

<strong>de</strong> Le Guillant et sa soumission<br />

au diktat politique aboutissent à une<br />

impasse théorique et à une contradiction<br />

insoluble. Clinicien humaniste, il<br />

s’appuie sur <strong>de</strong>s arguments subjectifs,<br />

ce qui aux yeux <strong>de</strong> ses détracteurs,<br />

affaiblit considérablement le caractère<br />

scientifique d’une démonstration qu’il<br />

recherche, néanmoins, avec obstination.<br />

Comment, dans ces conditions,<br />

aboutir à une qualité acceptable dans la<br />

démonstration scientifique tout en assumant<br />

jusqu’au bout la valeur du vécu et<br />

<strong>de</strong> la subjectivité ? La psychopathologie<br />

du travail est alors prise au piège <strong>de</strong><br />

ses propres contradictions. L’opposition<br />

sociopolitique à la psychopathologie<br />

du travail <strong>de</strong> Le Guillant s’appuie<br />

alors sur une faiblesse interne inhérente<br />

à ses propres exigences contradictoires.<br />

Et cependant, malgré ces impasses, la<br />

valeur clinique <strong>de</strong>s travaux <strong>de</strong> Le<br />

Guillant reste totale. Malgré l’écart théorique<br />

avec une psychopathologie du<br />

travail contemporaine qui s’alimente<br />

d’une théorie <strong>de</strong> la subjectivité et du<br />

sujet plus substantielle, ses travaux restent<br />

une référence maintes fois citée<br />

et étudiée. Et même s’il a peu abordé la<br />

question <strong>de</strong>s modalités thérapeutiques<br />

spécifiques à la souffrance au travail<br />

en <strong>de</strong>hors du cas <strong>de</strong> Madame L., la<br />

lecture <strong>de</strong> ses travaux est riche d’apport<br />

pour qui se soucie <strong>de</strong> psychothérapie<br />

dans ce cadre particulier. Son<br />

apport est indéniable.<br />

C’est que Le Guillant, malgré ces<br />

écueils et malgré ces impasses, réussit à<br />

nous restituer une réalité du travail<br />

propre à en comprendre le retentissement<br />

psychique.<br />

Comment y parvient-il ? Le Guillant<br />

s’inspire <strong>de</strong> Politzer (11) et accor<strong>de</strong> une<br />

gran<strong>de</strong> valeur à la vie dans sa concrétu<strong>de</strong>.<br />

La reconstitution du sens dramatique<br />

<strong>de</strong> la vie concrète par le langage<br />

ouvre la voie à <strong>de</strong>s possibilités<br />

thérapeutiques. Seule cette <strong>de</strong>scription<br />

du drame vital peut permettre au tragique<br />

<strong>de</strong> l’histoire humaine d’apparaître<br />

dans sa totalité et donc d’apporter une<br />

compréhension <strong>de</strong> la valeur pathogène<br />

<strong>de</strong> la vie concrète.<br />

Cette clinique nous apparaît comme<br />

un apport considérable et incontournable<br />

<strong>de</strong> Le Guillant. Il propose ainsi,<br />

à la réflexion, <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>s monographies,<br />

riches d’une vie dont le sens se<br />

découvre au fur et à mesure d’un récit<br />

qui cherche à se confronter à sa <strong>de</strong>scription.<br />

L’une <strong>de</strong>s plus aboutie est celle<br />

qui concerne les sœurs Papin, surtout<br />

si on la prolonge par la lecture <strong>de</strong>s<br />

réflexions <strong>de</strong> Le Guillant sur la condition<br />

<strong>de</strong> « bonnes à tout faire ».<br />

« L’affaire <strong>de</strong>s sœurs<br />

Papin »<br />

Le Guillant a consacré une monographie<br />

passionnante et troublante aux<br />

sœurs Papin, reposant sur l’étu<strong>de</strong>, qu’il<br />

veut aussi objective que possible, <strong>de</strong>s<br />

documents à sa disposition, rapports<br />

d’expert et articles <strong>de</strong> journaux. Cette<br />

précision méthodologique débute l’article<br />

et en situe l’importance dans<br />

l’œuvre <strong>de</strong> Le Guillant.<br />

Bien que n’étant pas clinique à proprement<br />

parler, cette monographie<br />

con<strong>de</strong>nse les conceptions <strong>de</strong> cette psychopathologie<br />

sociale au travail que<br />

veut figurer Le Guillant : dénonciation<br />

politique, humanisme, et compréhension<br />

psychopathologique. Aussi, allonsnous<br />

en tenter une analyse précise dans<br />

le but <strong>de</strong> transmettre son savoir faire. Il<br />

en découle que plus que d’éclairer cette<br />

affaire, c’est son savoir faire que nous<br />

allons décrypter à l’occasion <strong>de</strong> son<br />

étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> cette célèbre affaire, autrement<br />

dit sa manière <strong>de</strong> sentir et <strong>de</strong><br />

penser ce drame humain, autant que<br />

faire se peut.<br />

Pourtant il ne choisit pas une tâche<br />

facile. Il conjugue l’incompréhension<br />

<strong>de</strong> leurs crimes à la compréhension<br />

qu’apporte le drame <strong>de</strong>s vies brisées<br />

qui furent la leur. Ainsi l’instant du<br />

crime, sidérant pour la pensée, se<br />

déconstruit lentement sous nos yeux<br />

à la lecture <strong>de</strong> Le Guillant, sans pour<br />

autant aboutir à la mystification d’une<br />

compréhension totale.<br />

Le crime <strong>de</strong>s sœurs Papin,<br />

un crime paranoïaque ?<br />

Rappelons quelques éléments <strong>de</strong> l’affaire<br />

criminelle. Les <strong>de</strong>ux sœurs Papin,<br />

Christine et Léa, sont <strong>de</strong>s domestiques,<br />

<strong>de</strong>s bonnes à tout faire. Elles travaillent<br />

<strong>de</strong>puis plusieurs années dans une famille<br />

honorable du Mans, chez monsieur<br />

et madame Lancelin, avec leur fille<br />

âgée <strong>de</strong> 27 ans.<br />

Les <strong>de</strong>ux sœurs massacrent, littéralement,<br />

les <strong>de</strong>ux femmes <strong>de</strong> la famille<br />

Lancelin. L’acte criminel est d’une violence<br />

inouïe, aussi spontané et sans<br />

préméditation qu’irrépressible. Que<br />

s’est-il passé qui a abouti à ce crime<br />

atroce ? La reconstitution est difficile,<br />

mais les coupables abor<strong>de</strong>nt les faits<br />

sans réticence.<br />

Le Guillant prend pour objet <strong>de</strong><br />

réflexion une violence qui paraît disproportionnée<br />

au vu <strong>de</strong>s motifs immédiats<br />

<strong>de</strong> son déclenchement. Autrement<br />

dit, le moment même du crime<br />

ne contient pas ce qui l’explique. Le<br />

calme qui suit le crime est tout aussi<br />

déroutant.<br />

Pourtant Le Guillant fait montre d’une<br />

ambition qui ne se dément pas. Il essaie<br />

d’interpréter la genèse d’une telle violence.<br />

Autrement dit, expliquer ou<br />

comprendre le crime <strong>de</strong>s sœurs Papin.<br />

Il faut prendre l’expression le crime <strong>de</strong>s<br />

sœurs Papin à la lettre, c’est-à-dire ce<br />

crime-là, avec son vécu, son drame<br />

et ses ombres. Dans ce <strong>de</strong>ssein, Le<br />

Guillant poursuit sa <strong>de</strong>scription en réfutant<br />

<strong>de</strong>ux types d’arguments, l’un en<br />

direction <strong>de</strong>s maîtres Lancelin, l’autre<br />

en direction <strong>de</strong>s sœurs Papin.<br />

Premièrement, ces <strong>de</strong>rnières n’avaient<br />

pas <strong>de</strong> grief particulier à opposer à leurs<br />

maîtres et qui pourrait expliquer leurs<br />

crimes. Reprenons le raisonnement <strong>de</strong><br />

Le Guillant. Les Lancelin ne sont pas<br />

<strong>de</strong> mauvais maîtres, mais ce sont <strong>de</strong>s<br />

maîtres. Ce ne sont pas <strong>de</strong> mauvais<br />

maîtres c’est-à-dire ils ne maltraitent<br />

pas leurs domestiques, ils ne les violentent<br />

pas, et ils respectent les conventions<br />

<strong>de</strong> l’époque quant aux rémunérations<br />

qu’ils proposent, ou au confort<br />

<strong>de</strong>s chambres <strong>de</strong> bonnes. « Auraientelles<br />

été mieux traitées ailleurs ? Certes<br />

non et elles le savaient, puisqu’elles<br />

avaient fait un grand nombre <strong>de</strong><br />

places » (12). Le Guillant démontre, à<br />

travers les dires <strong>de</strong>s personnages <strong>de</strong> ce<br />

drame, que le travail chez les Lancelin<br />

n’était ni pire ni mieux qu’ailleurs, ni<br />

mieux ni moins bien payé. Le reproche<br />

que Le Guillant collecte est plutôt le<br />

mépris hautain <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux mon<strong>de</strong>s qui<br />

s’ignorent. Monsieur ne leur parlait<br />

jamais, ma<strong>de</strong>moiselle très peu. Les<br />

ordres venaient <strong>de</strong> madame. Leurs rapports<br />

se résument fort bien par ces<br />

mots <strong>de</strong> Léa : « Nous les servions, c’est<br />

tout. Nous ne leur parlions jamais » (13).<br />

Le <strong>de</strong>uxième ordre d’arguments, plus<br />

difficile à expliciter et qui ne convainc<br />

pas nécessairement, est que la monstruosité<br />

du crime ne relevait pas d’une<br />

pathologie <strong>de</strong>s sœurs Papin. Du côté<br />

<strong>de</strong>s sœurs Papin, aucune <strong>de</strong>s passions<br />

imaginables ne les domine.<br />

La haine envers leurs victimes ne<br />

semble pas déterminer les criminelles.<br />

De plus, elles ne semblent pas militer<br />

politiquement et aucune lecture politique<br />

n’a été retrouvée chez elles. Elles<br />

<br />

HISTOIRE ■ HUMEUR ■ 7<br />

LIVRES<br />

Petits moments d’histoire<br />

<strong>de</strong> la psychiatrie en France<br />

Patrick Clervoy<br />

Maurice Corcos<br />

Éditions EDK, 20 €<br />

Patrick Clervoy et Maurice Corcos ont<br />

eu la bonne idée <strong>de</strong> reprendre leurs<br />

biographies publiées dans Perspectives<br />

Psychiatriques <strong>de</strong>puis plusieurs<br />

années, pour constituer un ouvrage<br />

agréable à lire et capable d’intéresser<br />

un large public. Qu’on en juge :<br />

les Parisiens sont pris <strong>de</strong> convulsions<br />

sur une tombe au cimetière Saint-Médard…<br />

Moreau <strong>de</strong> Tours fait essayer<br />

le haschich à ses amis écrivains… Charcot<br />

scrute les miracles <strong>de</strong> Lour<strong>de</strong>s…<br />

Les surréalistes recomman<strong>de</strong>nt aux<br />

fous d’assassiner leur psychiatre…<br />

Les théories <strong>de</strong> Freud débarquent en<br />

France en pleine Affaire Dreyfus…<br />

Ces Petits moments d’histoire <strong>de</strong> la psychiatrie<br />

en France sont jalonnés <strong>de</strong><br />

personnages remarquables comme<br />

Pinel, Cabanis et Lasègue. Itard émeut<br />

par ses observations auprès <strong>de</strong> Victor,<br />

l’enfant sauvage <strong>de</strong> l’Aveyron.<br />

Franz Fanon n’a manifestement pas<br />

obtenu la reconnaissance qu’il aurait<br />

méritée. On y découvre aussi <strong>de</strong>s figures<br />

insolites, comme la princesse<br />

Marie Bonaparte ou Henri Baruk, qui<br />

ont occupé, en leur temps, une place<br />

incontournable.<br />

La naissance <strong>de</strong>s médicaments relève<br />

parfois <strong>de</strong> l’épopée, comme le<br />

succès inattendu <strong>de</strong>s neuroleptiques<br />

et l’échec du LSD. Un Prix Nobel vient<br />

couronner la vogue <strong>de</strong>s lobotomies,<br />

alors qu’ailleurs, idées politiques ou<br />

idéologiques vont souvent à l’encontre<br />

<strong>de</strong> l’intérêt du mala<strong>de</strong>.<br />

D’essais inspirés en entreprises hasar<strong>de</strong>uses,<br />

la psychiatrie s’est constituée<br />

par l’amalgame successif d’épiso<strong>de</strong>s<br />

épiques, parfois tragiques,<br />

souvent passionnés, qui ont été le<br />

fait <strong>de</strong> quelques hommes, <strong>de</strong>s idées<br />

qui les animaient et du contexte historique<br />

qu’ils traversaient.<br />

Théodule Ribot<br />

(1839-1917)<br />

Philosophe breton fondateur <strong>de</strong><br />

la psychologie française<br />

Serge Nicolas<br />

L’Harmattan 19,80 €<br />

Contemporain <strong>de</strong> Bergson, Théodule<br />

Ribot fut un philosophe et surtout un<br />

psychologue <strong>de</strong> la fin du XIX e siècle.<br />

En effet, Ribot est à l’origine du développement<br />

<strong>de</strong> la psychologie en<br />

France en tant que science autonome.<br />

On peut lui attribuer <strong>de</strong> nombreux<br />

actes pionniers d’une réelle importance.<br />

Il fut un <strong>de</strong>s plus virulents écrivains<br />

à s’élever contre la prééminence<br />

du spiritualisme en philosophie, et le<br />

premier à soutenir à la Sorbonne une<br />

thèse en psychologie (1873) construite<br />

sur <strong>de</strong>s bases et une démarche scientifiques.<br />

Il fut le premier à fon<strong>de</strong>r une<br />

revue <strong>de</strong> philosophie (Revue Philosophique<br />

<strong>de</strong> la France et <strong>de</strong> l’Etranger<br />

fondée en 1876) qui n’appartenait à<br />

aucune école, bien que la psychologie<br />

y tint une place considérable. Il<br />

fut, également, le premier à être chargé<br />

d’un cours <strong>de</strong> psychologie expérimentale<br />

à la Sorbonne (1885) malgré<br />

l’opposition <strong>de</strong>s philosophes en<br />

place et le premier psychologue à accé<strong>de</strong>r<br />

à une chaire au Collège <strong>de</strong><br />

France (1888). Par son soutien à la<br />

psychologie naissante, il encouragea<br />

le développement <strong>de</strong> nouveaux enseignements<br />

et la fondation, à la Sorbonne,<br />

du premier laboratoire français<br />

<strong>de</strong> psychologie expérimentale<br />

qui fut d’abord dirigé par Henry Beaunis<br />

(1889) puis Alfred Binet (1894).<br />

Ce livre donne <strong>de</strong>s repères historiques<br />

inédits sur la vie <strong>de</strong> Ribot mais propose<br />

aussi une analyse <strong>de</strong> ses différents<br />

écrits agrémentée d’extraits les<br />

plus représentatifs <strong>de</strong> son œuvre.


8<br />

LIVRES<br />

■ HISTOIRE<br />

Projet d’éléments<br />

d’idéologie (1801)<br />

A.L.C Destutt <strong>de</strong> Tracy<br />

Avec une introduction <strong>de</strong> Serge<br />

Nicolas<br />

L’Harmattan 33 €<br />

Dans son Mémoire sur la faculté <strong>de</strong><br />

penser publié en 1798, Antoine-Louis-<br />

Clau<strong>de</strong> Destutt <strong>de</strong> Tracy (1754-1836)<br />

donne le nom d’Idéologie à la science<br />

<strong>de</strong> la pensée (<strong>de</strong>s idées) et lui refuse<br />

celui <strong>de</strong> Psychologie, terme considéré<br />

à l’époque comme un terme <strong>de</strong> nature<br />

trop métaphysique. Il est alors<br />

en pleine possession <strong>de</strong> sa doctrine<br />

mais il lui reste à donner à ses théories<br />

une forme définitive en les exposant<br />

dans <strong>de</strong>s traités spéciaux. C’est<br />

à cette pério<strong>de</strong> que furent instituées<br />

les Ecoles Centrales (anciens collèges)<br />

<strong>de</strong> la République. Reprenant le plan<br />

<strong>de</strong> son premier travail, il le développe<br />

dans le contexte <strong>de</strong>s réformes <strong>de</strong> l’enseignement<br />

secondaire pour former<br />

un ouvrage <strong>de</strong> philosophie première<br />

qui prit le titre <strong>de</strong> Projet d’éléments<br />

d’idéologie (1801) où est exposée la<br />

science <strong>de</strong>s idées. Condillac, véritable<br />

fondateur <strong>de</strong> l’idéologie, n’avait pas<br />

donné un corps <strong>de</strong> doctrine complet<br />

qui puisse servir <strong>de</strong> texte aux leçons<br />

d’un cours. Le livre <strong>de</strong> Destutt <strong>de</strong> Tracy<br />

eut un succès considérable et <strong>de</strong>viendra,<br />

sous forme modifiée lors <strong>de</strong><br />

sa réédition en 1804, le premier <strong>de</strong>s<br />

quatre volumes édités sous le titre<br />

Eléments d’idéologie (1803- 1815). Il<br />

est présenté en fac similé dans cette<br />

édition.<br />

Atlas <strong>de</strong>s nouvelles<br />

fractures sociales en France<br />

Les classes moyennes oubliées et<br />

précarisées<br />

Christophe Guilluy, Christophe<br />

Noyé<br />

Cartographie : Dominique Ragu<br />

Collection Atlas/Mon<strong>de</strong><br />

Editions Autrement 14,95 €<br />

« Fracture sociale », « France d’en bas »,<br />

« quartiers sensibles »... Ces termes renvoient<br />

aux notions <strong>de</strong> désintégration<br />

sociale et <strong>de</strong> ségrégation.<br />

Mais ces formules, agitées par les politiques<br />

et les médias, masquent une<br />

réalité plus subtile.<br />

Le phénomène marquant <strong>de</strong> ces <strong>de</strong>rnières<br />

années, ce n’est pas tant la<br />

paupérisation <strong>de</strong> certaines cités que<br />

l’embourgeoisement <strong>de</strong>s centres.<br />

Les couches supérieures <strong>de</strong> la société<br />

se concentrent au coeur <strong>de</strong>s villes,<br />

colonisant même les anciens quartiers<br />

populaires. Dans ces zones économiquement<br />

en pointe, tout est<br />

pensé en fonction <strong>de</strong>s besoins <strong>de</strong><br />

cette population aisée : environnement,<br />

place <strong>de</strong> la voiture, fiscalité,<br />

etc.<br />

Cette « ghettoïsation par le haut » <strong>de</strong>ssine,<br />

dans le même temps, une « France<br />

périphérique » ignorée <strong>de</strong> la sphère<br />

politique et culturelle, alors qu’elle<br />

est largement majoritaire. Elle unit<br />

<strong>de</strong>s catégories sociales autrefois opposées<br />

: l’ouvrier en milieu rural, le<br />

petit paysan, l’employé d’un lotissement<br />

pavillonnaire et le chômeur <strong>de</strong><br />

banlieue subissent, aujourd’hui, le<br />

même sentiment <strong>de</strong> relégation. La<br />

précarisation <strong>de</strong>s couches popuIaires<br />

s’étend désormais aux classes intermédiaires,<br />

comme en témoigne la<br />

dégradation <strong>de</strong>s conditions <strong>de</strong> vie<br />

dans les nouvelles banlieues <strong>de</strong> lotissements<br />

pavillonnaires ou dans les<br />

villes nouvelles, conçues dans les années<br />

1960 pour les classes moyennes.<br />

Cet ouvrage analyse les causes <strong>de</strong> ce<br />

délitement social, loin <strong>de</strong>s faux débats<br />

sur l’intégration <strong>de</strong>s jeunes issus<br />

<strong>de</strong> l’immigration ou sur la violence<br />

<strong>de</strong>s banlieues. Il en pointe<br />

également les dangers, dans une analyse<br />

<strong>de</strong>s récents chocs électoraux :<br />

vote extrême et abstention.<br />

<br />

ressemblent à <strong>de</strong>s jeunes filles rangées,<br />

bien mises, passant les quelques<br />

loisirs qui leur restent à se confectionner<br />

un trousseau. Elles font quelques<br />

économies. On ne leur connaît aucune<br />

vie sexuelle. Ni la passion politique ni<br />

perverse ne les domine.<br />

Par contre, le caractère non pathologique<br />

<strong>de</strong>s personnalités, et donc du<br />

crime, semble plus difficile à démontrer.<br />

Un <strong>de</strong>s avocats écrit fort judicieusement<br />

: « je croyais que j’allais me trouver<br />

en présence <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux brutes ; j’ai trouvé<br />

<strong>de</strong>ux pauvres filles, polies et déférentes,<br />

qui conservaient à leurs victimes tout<br />

leur respect. Alors, je n’ai pas compris…Tout<br />

dans le dossier plai<strong>de</strong> l’irresponsabilité,<br />

la folie <strong>de</strong> Christine et Léa,<br />

car il n’y a pas dans les annales criminelles<br />

que <strong>de</strong>s gens responsables aient<br />

arraché les yeux <strong>de</strong> leur semblable…<br />

On ne trouve donc pas d’explication à<br />

ce crime qui semble le fait <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux<br />

aliénées » (14). J’en veux, aussi, pour<br />

preuve le tout aussi célèbre article <strong>de</strong><br />

Jacques Lacan qui a choisi pour titre :<br />

« Motifs du crime paranoïaque : le crime<br />

<strong>de</strong>s sœurs Papin ». Pour Lacan, les <strong>de</strong>ux<br />

sœurs présentent les caractères <strong>de</strong> la<br />

structure paranoïaque. Le fait que les<br />

experts n’aient pas posé ce diagnostic<br />

relèverait <strong>de</strong> la sorte <strong>de</strong> blanchiment<br />

<strong>de</strong>s symptômes que produit l’acte paranoïaque.<br />

Si ce n’était hors <strong>de</strong> notre<br />

propos, nous affirmerions notre penchant<br />

pour la thèse <strong>de</strong> Lacan.<br />

Un crime social<br />

Cependant, Le Guillant ne concentre<br />

pas la réflexion sur le diagnostic. La<br />

psychiatrie a certes une longue tradition<br />

d’expertise. Mais ici la question <strong>de</strong> Le<br />

Guillant n’est pas celle que l’on pose<br />

généralement au psychiatre et la manière<br />

dont il appréhen<strong>de</strong> son objet est singulière.<br />

Dans le fond, la discussion ne<br />

porte donc pas sur le diagnostic <strong>de</strong><br />

paranoïa. D’ailleurs Le Guillant écrit<br />

lui-même à propos d’un diagnostic d’un<br />

confrère : « Il ne saurait être question<br />

<strong>de</strong> discuter un tel diagnostic, vraisemblablement<br />

fondé (si l’on tient, en psychiatrie,<br />

à faire un « diagnostic »).<br />

D’ailleurs, <strong>de</strong>puis quelque temps déjà,<br />

les beaux édifices baroques du délire sont<br />

ruinés par les neuroleptiques, la nosologie<br />

psychiatrique, cette entomologie où les<br />

aliénistes s’efforçaient <strong>de</strong> retrouver les<br />

catégories, apparemment bien définies,<br />

<strong>de</strong> la mé<strong>de</strong>cine est en voie, sinon d’abandon,<br />

du moins <strong>de</strong> dépérissement. De<br />

même que l’hérédité, la « dégénérescence<br />

», les constitutions, elle s’efface et laisse<br />

la voie ouverte à ce qui seul importe :<br />

l’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> la genèse <strong>de</strong>s troubles présentés<br />

par les individus singuliers auxquels<br />

nous avons affaire, troubles aux visages<br />

à la fois aussi semblables et divers que,<br />

chez chacun, la colère, le chagrin ou<br />

l’anxiété » (15). C’est en cela qu’il participe<br />

à la fondation d’une psychopathologie<br />

du travail qui ne peut se<br />

contenter d’étiqueter les patients reçus<br />

du seul sceau d’un diagnostic médicoasilaire.<br />

Comme Le Guillant l’écrit lui-même,<br />

l’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> la genèse <strong>de</strong>s troubles lui<br />

apparaît une tâche plus essentielle. Il<br />

insiste sur ce que peuvent provoquer<br />

sur la vie psychique les conditions, non<br />

pas seulement <strong>de</strong> travail, mais sociales.<br />

En ce sens, cette histoire est illustrative<br />

<strong>de</strong> cette manière <strong>de</strong> concevoir la psychopathologie<br />

du travail <strong>de</strong> Le Guillant,<br />

et d’ailleurs toute la psychopathologie,<br />

sous un angle social.<br />

Mais cette critique ne doit pas tromper.<br />

Il en <strong>de</strong>man<strong>de</strong> plus à la psychiatrie<br />

que ce qu’elle donne. « Pourquoi une<br />

discipline qui nous met sans cesse en<br />

présence <strong>de</strong>s situations les plus tragiques,<br />

qui nous permet une approche extraordinairement<br />

privilégiée <strong>de</strong> ceux qui les<br />

vivent (le personnage du mé<strong>de</strong>cin, le<br />

secret professionnel, <strong>de</strong>s multiples informations,<br />

etc.) a-t-elle en définitive si peu<br />

apporté dans ce cas – et quelques autres<br />

– à la compréhension du « drame<br />

humain » <strong>de</strong>s sœurs Papin ? » (16).<br />

Il ne <strong>de</strong>man<strong>de</strong> pas moins à la psychia-<br />

trie, il <strong>de</strong>man<strong>de</strong> plus. Et en effet il considère<br />

que le psychiatre peut aller plus<br />

loin dans la compréhension du drame<br />

humain qui a conduit les sœurs Papin<br />

à ce crime atroce. Et cette compréhension<br />

ne relève pas tant <strong>de</strong> l’application<br />

d’un savoir nouveau que d’un<br />

nouveau savoir faire.<br />

Ce nouveau savoir faire se situe à <strong>de</strong>ux<br />

niveaux qui se complètent nécessairement<br />

: d’une part un art <strong>de</strong> la mise en<br />

récit et d’autre part d’une conjonction<br />

singulière entre savoir général et vie<br />

unique.<br />

Ainsi il parvient à nous restituer, par<br />

la mise en récit la vie qui anime ce<br />

drame, la vie brisée <strong>de</strong>s sœurs Papin, la<br />

cupi<strong>de</strong> indifférence parentale, la compassion<br />

sidérée <strong>de</strong> certains témoins <strong>de</strong><br />

leur état d’avant le crime, la crédulité<br />

d’autres. Tout cela prend vie dans un<br />

récit, avec un art qu’il serait facile <strong>de</strong><br />

renvoyer à l’art du roman, <strong>de</strong> l’imagination,<br />

voire du mensonge, mais relève<br />

d’un art interprétatif subtil et vivant,<br />

au service d’une certaine conception<br />

<strong>de</strong> la démonstration scientifique.<br />

La science d’un cas unique se développe<br />

au croisement d’un savoir général<br />

et du savoir particulier d’une vie<br />

singulière. Tout le problème est <strong>de</strong> croiser<br />

ces <strong>de</strong>ux savoirs par un savoir faire.<br />

Il reprend <strong>de</strong> manière pratique et vivante,<br />

le concept <strong>de</strong> drame <strong>de</strong> Politzer (17)<br />

qui répond à cette question du croisement.<br />

Le drame inscrit la vie individuelle<br />

dans une problématique qui la<br />

dépasse.<br />

C’est dans ce savoir faire immergé dans<br />

un savoir psychiatrique animé d’une<br />

résonance singulière que se trouve la<br />

force nouvelle du travail psychopathologique<br />

<strong>de</strong> Le Guillant.<br />

Une résonance singulière<br />

En ce qui concerne le crime <strong>de</strong>s sœurs<br />

Papin, la problématique générale est<br />

celle <strong>de</strong>s bonnes à tout faire, mais le<br />

crime résonne <strong>de</strong> la tragédie particulière<br />

<strong>de</strong> leurs vies. Par quel bout commencer,<br />

alors même que la seule manière<br />

<strong>de</strong> rendre compte, ou au moins <strong>de</strong> tenter<br />

d’en rendre compte, est <strong>de</strong> montrer<br />

comment se tisse cet inextricable<br />

écheveau entre situation et vie particulière<br />

en un drame singulier ? Toute<br />

analyse est, en ce sens, réductrice. Les<br />

<strong>de</strong>ux trames <strong>de</strong> ce drame se résument<br />

assez facilement. « L’on voit bien, en<br />

effet, chez Christine au moins, la lucidité,<br />

la conscience, le courage, et même le<br />

sacrifice <strong>de</strong>s opprimés. Pour <strong>de</strong>s filles placées<br />

en maison bourgeoise au Mans, en<br />

1933, rejeter la religion, rompre avec<br />

leur mère, refuser <strong>de</strong> cotiser à la Sécurité<br />

sociale, <strong>de</strong> travailler à la prison et d’y<br />

être tutoyées, ce n’était pas rien.<br />

Mais, pour qu’elles en viennent à tuer<br />

leurs maîtres, il a aussi fallu qu’elles aient<br />

toujours été mal aimées et mal traitées ;<br />

il a encore fallu que <strong>de</strong>s « tendances paranoïaques<br />

», nées <strong>de</strong> leur enfance, alimentent<br />

leur rigidité morale, leur fierté,<br />

leur solitu<strong>de</strong> ; et enfin <strong>de</strong>s relations<br />

humaines concentrées sur un objet exclusif,<br />

le besoin <strong>de</strong> « montrer leur force » (18).<br />

Maltraitées, elles le furent en effet.<br />

Christine a été placée dès l’âge <strong>de</strong> sept<br />

dans une maison religieuse jusqu’à ses<br />

15 ans, puis placée par sa mère comme<br />

bonne dans différentes familles. Léa<br />

un moment élevée par un oncle, puis<br />

dans un orphelinat jusqu’à 13 ans est<br />

aussi, ensuite, placée par sa mère dans<br />

différentes familles. Les <strong>de</strong>ux sœurs<br />

parviennent, ensuite, à être employées<br />

par les mêmes familles. Les rapports à<br />

leur mère sont pour le moins mauvais.<br />

Ainsi, elles interrompent elles-mêmes<br />

leurs relations et tentent d’obtenir pour<br />

Léa une majorité anticipée. Devant les<br />

experts, Christine dira « cette femme ».<br />

« Celle-ci, dit-elle, n’avait rien <strong>de</strong> gentil<br />

pour moi et ma sœur, nous faisait <strong>de</strong>s<br />

reproches constants, était désagréable<br />

avec nous et quand elle nous voyait,<br />

c’était pour nous accabler <strong>de</strong> critiques,<br />

notamment en ce qui concerne la toilette<br />

et la mise » (19). La mère choisissait les<br />

places, les changeait quand elles n’y<br />

gagnaient pas assez, et recevait les<br />

gages. Remarquons aussi que cette<br />

mère était aussi bonne à tout faire. L’affaire<br />

pourrait être conclue. On pourrait<br />

plaindre les sœurs Papin, les excuser, ou<br />

au contraire, reprendre, <strong>de</strong>s paroles<br />

citées par Le Guillant : « L’âme humaine<br />

est un gouffre et tous les malfaiteurs<br />

ont leurs excuses » (20).<br />

Plutôt que <strong>de</strong> faire dans le misérabilisme,<br />

Le Guillant choisit une autre voie.<br />

Il pousse la compréhension <strong>de</strong> chaque<br />

côté, celle <strong>de</strong> la tragédie <strong>de</strong> la vie singulière<br />

<strong>de</strong>s sœurs Papin et celle <strong>de</strong> la<br />

condition <strong>de</strong> bonnes à tout faire.<br />

Le Guillant rend admirablement compte<br />

<strong>de</strong> la tragédie personnelle <strong>de</strong> l’enfance<br />

<strong>de</strong>s sœurs Papin, non tant dans sa<br />

réalité, qui nous est inaccessible, que<br />

dans sa manière d’interroger la dimension<br />

subjective <strong>de</strong> cette réalité. « Enfants<br />

délaissées d’un père ivrogne et d’une<br />

mère exceptionnellement dure et rapace ;<br />

sans cesse menacées d’être « placées à<br />

l’Assistance publique » (qui sait, parmi<br />

les lecteurs <strong>de</strong> ce texte, ce que cela pouvait<br />

alors représenter pour elles ?), tôt<br />

confiées à <strong>de</strong>s internats, qu’il faut avoir<br />

connus à cette époque pour en mesurer<br />

l’inhumanité, elles <strong>de</strong>vaient, plus que<br />

d’autres, éprouver une profon<strong>de</strong> frustration,<br />

en même temps qu’une éducation<br />

morale rigoureuse leur fermait certaines<br />

issues, leur interdisait presque tout » (21).<br />

Cependant Le Guillant pousse la compréhension<br />

<strong>de</strong> la vie individuelle, mais<br />

ne s’en contente pas. Il refuse lui aussi<br />

N°2 - TOME XVIII - MARS 2005<br />

La médiatisation <strong>de</strong>s hospitalisations sans<br />

consentement en France :<br />

la position <strong>de</strong> la Fédération France-Schizophrénie<br />

Suite aux articles <strong>de</strong> presse (Le Figaro, Le Mon<strong>de</strong>, etc.) et aux émissions <strong>de</strong><br />

télévision (Arte, Forum <strong>de</strong>s Européens), la Fédération France-Schizophrénie<br />

met en gar<strong>de</strong> contre la campagne <strong>de</strong> presse et <strong>de</strong> lobbying lancée par un<br />

groupe <strong>de</strong> pression très minoritaire qui voudrait faire croire que le problème<br />

<strong>de</strong>s hospitalisations sous contrainte est actuellement en France un problème<br />

majeur <strong>de</strong> la prise en charge psychiatrique, portant atteinte aux libertés individuelles.<br />

Les techniques utilisées par ce groupe sont celles <strong>de</strong> la manipulation d’opinion.<br />

Elles jouent sur la crainte fantasmée <strong>de</strong>s hospitalisations abusives (dans<br />

le sens d’hospitalisations injustifiées) dont il est soli<strong>de</strong>ment établi qu’elles<br />

n’existent pas en France. Elles utilisent un vocabulaire délibérément inexact<br />

et provocateur, ainsi dans différents articles récents, les hospitalisations sans<br />

consentement étaient nommés « internements psychiatriques », « internements<br />

forcés » ou « incarcérations », termes faisant référence à un enfermement,<br />

alors qu’il s’agit seulement <strong>de</strong> l’admission d’un mala<strong>de</strong> en danger dans<br />

un service hospitalier ouvert à tous.<br />

C’est pourquoi nous <strong>de</strong>mandons aux journalistes, dans un souci <strong>de</strong> déontologie<br />

et <strong>de</strong> respect <strong>de</strong> la réalité vécue par les mala<strong>de</strong>s et leurs familles <strong>de</strong> ne<br />

plus utiliser le terme d’ « internement » au lieu <strong>de</strong> celui d’hospitalisation sans<br />

consentement.<br />

La troisième technique est la présentation tendancieuse <strong>de</strong>s chiffres. Si en<br />

valeur absolue, les hospitalisations sans consentement ont bien doublé en 10<br />

ans en France (soit une augmentation <strong>de</strong> 100%), ce n’ est pas le cas <strong>de</strong> leur<br />

pourcentage par rapport à l’ensemble <strong>de</strong>s hospitalisations psychiatriques qui<br />

n’a augmenté que <strong>de</strong> moitié. Surtout, ils omettent <strong>de</strong> dire que les hospitalisations<br />

sous contrainte sont désormais plus courtes et qu’elles ne représentent<br />

en France que 12,5% du total <strong>de</strong>s hospitalisations psychiatriques. Ce<br />

pourcentage atteint 17% en Israël, 21,6% au Danemark et 30% en Suè<strong>de</strong>.<br />

Certes, il faut s’interroger sur l’augmentation <strong>de</strong>s hospitalisations sans consentement,<br />

il faut en chercher les causes et les moyens d’y remédier. Mais la psychiatrie<br />

française doit relever d’autres défis. Il lui faut :<br />

• Réduire le nombre <strong>de</strong> suici<strong>de</strong>s (10 000/an) dont le nombre dépasse désormais<br />

<strong>de</strong> plus <strong>de</strong> 20% celui <strong>de</strong>s acci<strong>de</strong>nts <strong>de</strong> la route.<br />

• Diminuer le nombre <strong>de</strong>s personnes atteintes <strong>de</strong> troubles psychiatriques<br />

parmi les entrants en prison et diminuer leur nombre parmi les personnes<br />

sans abri.<br />

• Réduire le nombre <strong>de</strong>s personnes mala<strong>de</strong>s qui ne sont ni diagnostiquées ni<br />

soignés (50% <strong>de</strong>s dépressions, 30% <strong>de</strong>s schizophrénies selon certaines estimations).<br />

• Augmenter l’espérance <strong>de</strong> vie <strong>de</strong> ces mala<strong>de</strong>s (dans le cas <strong>de</strong> la schizophrénie,<br />

elle est pour les hommes raccourcie <strong>de</strong> 11 ans).<br />

Les moyens d’atteindre ces objectifs <strong>de</strong> santé publique sont connus :<br />

• Améliorer l’information du public sur la nature <strong>de</strong> ces maladies, leur gravité<br />

et les soins désormais disponibles.<br />

• Améliorer le suivi médico-social <strong>de</strong>s patients pour éviter les rechutes, mettre<br />

en place <strong>de</strong>s équipes formées capables d’aller à la rencontre <strong>de</strong>s mala<strong>de</strong>s (y<br />

compris ceux qui ne sont plus en état <strong>de</strong> solliciter <strong>de</strong>s soins par eux-mêmes),<br />

et vulgariser les recommandations internationales <strong>de</strong> prise en charge, souvent<br />

peu connues en France<br />

• Faciliter l’accès aux soins sans discrimination, conformément à l’article L1110-<br />

1 du co<strong>de</strong> <strong>de</strong> la santé.<br />

• Développer la recherche. ■<br />

Communiqué <strong>de</strong> presse du 9 décembre 2004 <strong>de</strong> la Fédération France-Schizophrénie ;<br />

Association déclarée (loi du 1 er juillet 1901) c/o Schizo ? ... Oui ! Bat. D, 54 rue Vergniaud,<br />

75013 Paris. Tél. 01 45 89 49 44.<br />

la causalité linéaire et simpliste. Il ajoute<br />

: « Cependant, ces dispositions affectives,<br />

nées <strong>de</strong> toute leur jeunesse, n’ont<br />

pas altéré, pendant longtemps, leur santé<br />

mentale ». En tant que psychiatre expérimenté,<br />

il sait que la vie n’imprime<br />

pas son déterminisme <strong>de</strong> façon inéluctable.<br />

Quand on n’est pas dans un<br />

déterminisme simple, il existe une rupture<br />

impossible à combler qui rend le<br />

fait pathologique irréductible. « Il s’ensuit<br />

une continuité à la fois réelle et trompeuse,<br />

une sorte <strong>de</strong> double nature, propre<br />

au fait psychiatrique, moment dans le<br />

cours d’une vie et maladie, d’abord compréhensible<br />

puis appartenant au mon<strong>de</strong><br />

<strong>de</strong> l’aliénation » (22).<br />

Alors d’où vient cette rupture ? C’est<br />

qu’au déterminisme intime, se mêle<br />

un autre déterminisme, d’un niveau<br />

différent. Le crime <strong>de</strong>s sœurs Papin est<br />

aussi un crime <strong>de</strong> domestiques. Le<br />

Guillant énonce alors la seule critique<br />

qu’il envisage vis-à-vis <strong>de</strong>s juges, <strong>de</strong>s<br />

avocats et <strong>de</strong>s experts. D’après Le<br />

Guillant, le savoir criminel recèle <strong>de</strong><br />

ces crimes affreux perpétrés par <strong>de</strong>s<br />

domestiques et dépassant en cruauté le<br />

crime <strong>de</strong>s sœurs Papin, au point que les<br />

psychiatres ont inventé les notions cliniques<br />

<strong>de</strong> servantes criminelles ou <strong>de</strong><br />

rage <strong>de</strong>s cuisinières. « Que la condition<br />

domestique recèle un pouvoir pathogène,<br />

c’est un fait qu’il est difficile <strong>de</strong> ne pas<br />

prendre en considération » (23). La rage<br />

meurtrière <strong>de</strong> ces bonnes surprend souvent<br />

ceux qui les connaissent.


N°2 - TOME XVIII - MARS 2005<br />

Pourtant il aurait pu ne rien se passer,<br />

comme cela avait été le cas dans leurs<br />

places précé<strong>de</strong>ntes. « Alors on se<br />

<strong>de</strong>man<strong>de</strong> : pourquoi les Lancelin ?<br />

Pourquoi elles et pas les autres domestiques<br />

? Pourquoi une réaction d’une<br />

telle sauvagerie ? ». Il faut revenir à la<br />

vie singulière <strong>de</strong>s sœurs Papin. Dans<br />

cette atmosphère d’ignorance réciproque<br />

qui règne entre les sœurs et<br />

leurs patrons, c’est la <strong>de</strong>rnière année<br />

que le drame se noue, que les sœurs<br />

ne répon<strong>de</strong>nt plus que par oui ou par<br />

non, que leurs humeurs s’assombrissent,<br />

qu’elles maigrissent, qu’elles paraissent<br />

parfois étranges. Il semble que le<br />

double déterminisme joue sa partition.<br />

Mais comment ? « Interrogation à<br />

laquelle on ne trouve quelque réponse<br />

que dans une reconstitution serrée <strong>de</strong><br />

l’histoire totale <strong>de</strong>s individus, une connaissance<br />

entière, avec leur « valeur » exacte,<br />

<strong>de</strong> tous les événements qui l’ont marquée,<br />

<strong>de</strong> tous les personnages qui l’ont<br />

traversée, <strong>de</strong> leur vie la plus quotidienne :<br />

ici, par exemple, les gants blancs <strong>de</strong><br />

madame Lancelin, l’inci<strong>de</strong>nt du papier<br />

tombé sur le parquet » (24).<br />

Cette recherche n’a donc pas <strong>de</strong> fin.<br />

Le tissage paraît quasiment infini. Mais<br />

c’est là qu’il nous faut nous rappeler<br />

que nous ne sommes pas dans le cadre<br />

d’une psychothérapie. Car alors dans<br />

un cadre thérapeutique, le patient<br />

dénoue les nœuds qui le font souffrir.<br />

Ce qui en limite l’investigation mais en<br />

donne aussi le sens. Dans le cadre limité<br />

<strong>de</strong> sa recherche, Le Guillant pose<br />

son raisonnement. « Pour elles, ce fut<br />

vraisemblablement leur condition domestique,<br />

tirant <strong>de</strong>s frustrations <strong>de</strong> leur enfance<br />

une résonance particulière, qui a pesé<br />

du poids le plus lourd sur leur <strong>de</strong>stin » (25).<br />

Pour qui veut accé<strong>de</strong>r à cette manière<br />

<strong>de</strong> faire, à ce savoir faire si particulier,<br />

cette <strong>de</strong>rnière phrase est pour nous<br />

essentielle.<br />

Le Guillant poursuit sa démonstration<br />

dans le sens <strong>de</strong> la causalité sociale <strong>de</strong> la<br />

paranoïa <strong>de</strong>s opprimés, qui aboutit parfois<br />

à <strong>de</strong>s crimes et <strong>de</strong>s cruautés plus<br />

sanglantes que celle <strong>de</strong>s sœurs Papin. Il<br />

faut qu’elles fussent soumises à un profond<br />

sentiment d’injustice, indignées,<br />

hors d’elles. Il faut, d’après Le Guillant,<br />

cette conjonction si particulière pour<br />

aboutir à cet orgueil démesuré, cette<br />

rigidité, cette sévérité, cette hostilité diffuse<br />

et vengeresse, traits <strong>de</strong> personnalité<br />

paranoïaque « qui sont, tôt ou tard,<br />

ceux <strong>de</strong> tous les opprimés » (26).<br />

Il le fait d’abord parce que chaque<br />

déterminisme paraît en soi contraignant.<br />

C’est en quelque sorte parce que le<br />

déterminisme personnel et le déterminisme<br />

social allaient dans le même sens<br />

que l’explosion fut si gran<strong>de</strong>. Ensuite,<br />

parce que loin <strong>de</strong> cautionner la violence<br />

<strong>de</strong>s opprimés, bien que certaines<br />

citations soient d’une gran<strong>de</strong> ambiguïté,<br />

cette histoire contient une conception<br />

psychopathologique propre à la<br />

fon<strong>de</strong>r en interrogation exemplaire. « Si<br />

l’on évoque alors la personnalité et l’histoire<br />

d’autres insurgés, on leur découvre<br />

une étrange ressemblance avec celle <strong>de</strong>s<br />

sœurs Papin, on entrevoit pourquoi il y a<br />

tant à attendre et à craindre d’eux. Mais<br />

le pouvoir entre les mains, ils veulent<br />

bientôt à leur tour dominer, ne tar<strong>de</strong>nt<br />

pas à voir dans toute opposition « une<br />

conjuration interne et externe », et à<br />

défendre – par tous les moyens - leur<br />

juste cause.<br />

N’y a-t-il pas là une menace fondamentale<br />

<strong>de</strong> toute entreprise révolutionnaire,<br />

dont il conviendrait <strong>de</strong> prendre conscience<br />

et <strong>de</strong> se gar<strong>de</strong>r ? » (27).<br />

Fait psychopathologique, disais-je ? En<br />

effet, n’y a-t-il pas contenu là toute une<br />

conception sociale <strong>de</strong> la pérennité <strong>de</strong>s<br />

défenses caractérielles ? La vie psychique<br />

prend une <strong>de</strong> ses sources dans<br />

la vie sociale et la vie sociale parvient<br />

enfin à se traduire en éléments psychiques.<br />

Dans une autre étu<strong>de</strong>, Le<br />

Guillant reprend les conditions sociales<br />

<strong>de</strong> vie qui font la vie psychique <strong>de</strong>s<br />

bonnes à tout faire. Cette analyse peut<br />

donc utilement se prolonger par l’étu<strong>de</strong><br />

<strong>de</strong> ce texte.<br />

La condition <strong>de</strong><br />

« bonne à tout faire »<br />

Avec cette étu<strong>de</strong>, Le Guillant poursuit<br />

ses réflexions sur les conséquences psychiques<br />

<strong>de</strong> certaines situations sociales.<br />

Il développe ainsi sa réflexion sur la<br />

face sociale <strong>de</strong>s problématiques psychopathologiques.<br />

Utilisant étu<strong>de</strong>s statistiques<br />

et étu<strong>de</strong>s <strong>de</strong> cas, il parvient à<br />

une sorte d’idéal type sociologique qui<br />

concentre la forme idéale, les particularités<br />

les plus saisissantes et les plus<br />

significatives <strong>de</strong> la condition <strong>de</strong> bonne<br />

à tout faire. Nous n’avons donc pas là<br />

la réalité brute, qui contient toujours<br />

<strong>de</strong>s éléments d’ordre divers, mais une<br />

sorte d’épure et <strong>de</strong> concentré, une<br />

concoction <strong>de</strong>s particularités <strong>de</strong> cette<br />

situation.<br />

Cet idéal type rassemble les situations<br />

dominantes, « celles qui pèsent si lour<strong>de</strong>ment<br />

qu’il est impossible <strong>de</strong> se soustraire<br />

entièrement à leur pression et que leur<br />

influence transparaît presque toujours à<br />

travers la trame complexe et souvent mal<br />

<strong>de</strong>ssinée ou indéchiffrable d’une existence<br />

» (28).<br />

Ce con<strong>de</strong>nsé <strong>de</strong> situation, cette situation<br />

idéale typique souligne les problèmes<br />

psychologiques que rencontre<br />

nécessairement toute vraie situation <strong>de</strong><br />

bonne à tout faire, parfois sans que la<br />

personne concernée n’en prenne<br />

conscience, mais avec <strong>de</strong>s variantes<br />

propres à toute situation réelle et<br />

concrète. Cette situation joue sur les<br />

relations humaines, les sentiments, les<br />

conduites et les conflits, sans pour<br />

autant tout expliquer. « Mais ces situations<br />

posent à tous ceux qui les vivent<br />

<strong>de</strong>s problèmes, dans une gran<strong>de</strong> mesure<br />

semblables, plus ou moins aigus, auxquels<br />

ils peuvent donner <strong>de</strong>s solutions<br />

différentes mais que, parfois, ils ne parviennent<br />

ni à résoudre ni à surmonter<br />

et qui, alors, les troublent plus ou moins<br />

profondément » (29).<br />

Ainsi, à travers cette étu<strong>de</strong>, le <strong>de</strong>ssein<br />

<strong>de</strong> Le Guillant est <strong>de</strong> rappeler « le rôle<br />

du milieu (ou <strong>de</strong>s milieux) dans l’apparition<br />

et l’effacement <strong>de</strong>s troubles mentaux<br />

» (30). En effet, « ces déterminations<br />

sociales <strong>de</strong>s troubles mentaux encore si<br />

mal connues (…) constituent cependant,<br />

à mes yeux, un mo<strong>de</strong> d’approche indispensable<br />

à la compréhension du fait psychiatrique<br />

» (31).<br />

Un fait psychiatrique important qui a<br />

constitué le point <strong>de</strong> départ à cette<br />

étu<strong>de</strong> est la constatation <strong>de</strong> la fréquence<br />

anormalement élevée d’hospitalisations<br />

<strong>de</strong> bonnes dans son service<br />

hospitalier. D’autres étu<strong>de</strong>s montrent,<br />

proportionnellement, plus d’enfants <strong>de</strong><br />

bonnes à tout faire parmi les enfants<br />

placés pour troubles du caractère. La<br />

prostitution est aussi plus fréquente<br />

parmi les anciennes bonnes. Et, en raison<br />

<strong>de</strong> ces faits, il choisit cette situation<br />

qui lui semble faire apparaître dans<br />

ses éléments essentiels ces déterminations<br />

sociales. Il repousse <strong>de</strong> façon virulente<br />

comme relevant d’un racisme<br />

social, toute explication constitutive <strong>de</strong><br />

ces difficultés particulièrement fréquentes.<br />

Ce genre d’explication situe la<br />

condition <strong>de</strong> bonnes comme secondaire<br />

et inclut dans son explication les<br />

troubles mentaux, alors que, pour lui,<br />

c’est leur condition <strong>de</strong> bonne en définitive<br />

qui, au moins pour l’essentiel,<br />

est à l’origine <strong>de</strong>s problèmes que les<br />

bonnes doivent affronter et en l’absence<br />

<strong>de</strong> solution, aboutissent parfois au<br />

développement <strong>de</strong> troubles mentaux.<br />

Sur un autre plan, celui <strong>de</strong> la condition<br />

humaine dans ses aspects politiques,<br />

il considère que cette situation<br />

particulière relève <strong>de</strong> la domination et<br />

<strong>de</strong> la servitu<strong>de</strong>.<br />

Par contre, il circonscrit son étu<strong>de</strong> aux<br />

aspects psychologiques, laissant <strong>de</strong> côté<br />

les aspects juridiques, matériels ou économiques.<br />

En effet, son « <strong>de</strong>ssein n’est<br />

pas <strong>de</strong> fon<strong>de</strong>r sur les seules données économiques<br />

la psychopathologie <strong>de</strong> mes<br />

bonnes, même si elles sont fondamentalement<br />

à l’origine <strong>de</strong> tout. Mais, dans la<br />

situation concrète qui est la leur, elles<br />

sont liées étroitement, indiscutablement,<br />

à ses aspects psychologiques, se reflètent<br />

en eux » (32).<br />

S’il se préserve ainsi du danger <strong>de</strong> diluer<br />

excessivement la vie psychique dans<br />

les reflets incertains <strong>de</strong> l’économie, il<br />

n’a peut-être pas pu se préserver d’une<br />

certaine vision par trop étroite <strong>de</strong>s relations<br />

<strong>de</strong> pouvoir, réduite à la domination<br />

sociale.<br />

Avant <strong>de</strong> poursuivre, il paraît important<br />

<strong>de</strong> préciser ce que signifie « condition<br />

» dans l’esprit <strong>de</strong> Le Guillant. En<br />

effet, il réduit comme tout travail scientifique<br />

le nécessite, la vie sociale à une<br />

condition sociale qui ne la résume pas,<br />

mais en simplifie la compréhension. La<br />

condition est un état plus qu’une action,<br />

et donc bien plus qu’un simple travail.<br />

On est bonne à tout faire, avant <strong>de</strong><br />

travailler comme bonne à tout faire.<br />

Cet état résulte d’une construction<br />

sociale collective. Cependant, la vie<br />

laborieuse <strong>de</strong> bonne à tout faire<br />

s’éloigne dans sa concrètu<strong>de</strong> au fur et<br />

à mesure que se <strong>de</strong>ssine la condition <strong>de</strong><br />

bonne à tout faire. Comme il le dit à<br />

plusieurs reprises, la condition existe<br />

toujours alors que chaque situation<br />

contient plus <strong>de</strong> particularités que la<br />

seule condition. L’importance à attribuer<br />

à ces particularités est une <strong>de</strong>s<br />

questions fortes que le travail <strong>de</strong> Le<br />

Guillant laisse en suspens.<br />

Ce que nous <strong>de</strong>vons en conclure, si<br />

nous acceptons la démonstration <strong>de</strong><br />

Le Guillant, c’est que la vie laborieuse<br />

s’inscrit aussi dans la vie sociale qui,<br />

ajouterons-nous, la tisse au même titre<br />

que la vie sexuelle. La condition <strong>de</strong><br />

bonne à tout faire ne se réduit pas à<br />

une condition sociale : elle se définit<br />

aussi par un mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> vie et un travail<br />

spécifiques. En quoi la vie laborieuse<br />

<strong>de</strong> la bonne à tout faire se spécificie-telle<br />

au sein <strong>de</strong> sa condition sociale ?<br />

Le Guillant n’apporte pas <strong>de</strong> réponse à<br />

cette question complexe ; en effet les<br />

liens entre vie sociale et vie laborieuse<br />

sont loin d’être clairs.<br />

Le tableau <strong>de</strong> la condition <strong>de</strong> bonne à<br />

tout faire comporte le ressentiment,<br />

l’humiliation, le désir <strong>de</strong> revanche.<br />

En ce qui concerne le ressentiment,<br />

celui-ci est un éprouvé qui résulte du<br />

bilan du donné et du reçu, <strong>de</strong>s bienfaits<br />

et <strong>de</strong>s outrages. La bonne à tout faire<br />

éprouve toujours le sentiment d’avoir<br />

été lésée. Cependant trois remarques<br />

supplémentaires viennent préciser ce<br />

dont il s’agit. Le vécu n’est pas simple<br />

ressenti.<br />

Il est opposé à d’autres sentiments positifs<br />

envers le foyer, la famille et les<br />

enfants, auxquelles les bonnes s’attachent<br />

fréquemment. Elles connaissent<br />

aussi <strong>de</strong>s marques d’intérêt et <strong>de</strong> sollicitu<strong>de</strong>.<br />

Néanmoins, ce qu’essaie <strong>de</strong><br />

décrire Le Guillant, c’est la sorte <strong>de</strong><br />

nécessité interne <strong>de</strong> la situation qui finit<br />

toujours pas l’emporter et qui tisse la<br />

trame <strong>de</strong>s comportements <strong>de</strong>s uns et<br />

<strong>de</strong>s autres. Aussi le ressentiment s’adresse<br />

plus à la condition qu’à <strong>de</strong>s personnes<br />

particulières. Enfin, il <strong>de</strong>meure<br />

souvent interdit, inavoué, longtemps<br />

combattu par les règles morales <strong>de</strong> la<br />

vie sociale.<br />

Le Guillant fait ainsi l’hypothèse d’un<br />

éprouvé fréquent qui ne serait d’abord<br />

pas, ressenti et donc, osons le mot,<br />

conscient.<br />

La force cachée <strong>de</strong>s sentiments hostiles<br />

est telle que, d’après Le Guillant, il<br />

atteint celles qui le ressentent à chacun<br />

<strong>de</strong>s moments et <strong>de</strong>s circonstances<br />

d’une existence tout entière prise dans<br />

leur condition <strong>de</strong> bonne, qu’il suscite<br />

<strong>de</strong>s contradictions et <strong>de</strong>s culpabilités<br />

d’une particulière intensité et, à travers<br />

elle, trouble les plus vulnérables ou les<br />

plus éprouvées. C’est dans cette force<br />

cachée que semble donc se tenir le<br />

pouvoir pathogène <strong>de</strong> la condition <strong>de</strong><br />

bonne à tout faire.<br />

Et ce pouvoir pathogène semble d’autant<br />

plus grand qu’il est mêlé d’une<br />

sorte d’aveuglement aux problèmes<br />

posés par la domination et la servitu<strong>de</strong>.<br />

Le Guillant ose utiliser les termes <strong>de</strong><br />

résistance ou <strong>de</strong> censure, « qui scotomise<br />

<strong>de</strong> pareilles situations, s’en détourne,<br />

refuse d’admettre qu’elles puissent<br />

être génératrice <strong>de</strong> conflits pathogènes,<br />

« refoule » dans une sorte d’inconscient<br />

social » (33) ces problèmes. Il conclut<br />

avec l’exemple du drame <strong>de</strong>s sœurs<br />

Papin auxquelles il attribue une haine<br />

passionnée qu’elles vouent à leurs<br />

maîtres et qui serait le ressort <strong>de</strong> leurs<br />

crimes. « Les sœurs Papin reconnaissent<br />

leurs actes, il le faut bien, mais non les<br />

sentiments qui les ont provoqués. Ceux-<br />

Deux atlas <strong>de</strong> l’offre <strong>de</strong> soins en psychiatrie<br />

générale et infanto-juvénile<br />

La DREES vient <strong>de</strong> publier <strong>de</strong>ux atlas, présentant une photographie par région<br />

<strong>de</strong> l’offre <strong>de</strong> soins en psychiatrie générale et infanto-juvénile publique<br />

et privée, hospitalière et <strong>de</strong> ville, précisant également les découpages <strong>de</strong>s secteurs<br />

<strong>de</strong> psychiatrie. Cette offre est mise en regard <strong>de</strong>s structures et établissements<br />

où la psychiatrie est amenée à intervenir : les établissements d’hébergement<br />

pour personnes âgées, les établissements pour adultes et enfants<br />

handicapés, les établissements pour enfants à caractère sanitaire, les services<br />

<strong>de</strong> soins <strong>de</strong> suite et <strong>de</strong> réadaptation, les services d’urgence, les maternités et<br />

les établissements pénitentiaires. La pluralité et la quantité <strong>de</strong> structures sociales<br />

et médico-sociales implantées sur le territoire vont avoir <strong>de</strong>s répercussions<br />

sur les missions attachées à l’équipe <strong>de</strong> psychiatrie, tout comme les caractéristiques<br />

<strong>de</strong> la population couverte. Pour cela, sont présentées pour<br />

chaque région et par secteur <strong>de</strong> psychiatrie, plusieurs cartes décrivant les caractéristiques<br />

rurales ou urbaines du territoire, la proportion <strong>de</strong> personnes<br />

âgées <strong>de</strong> plus <strong>de</strong> 75 ans, celle <strong>de</strong>s moins <strong>de</strong> 20 ans, la part <strong>de</strong> chômeurs dans<br />

la population active, la proportion <strong>de</strong> familles monoparentales, la proportion<br />

<strong>de</strong> population âgée <strong>de</strong> plus <strong>de</strong> 15 ans non diplômés et la part <strong>de</strong> population<br />

née à l’étranger.<br />

L’objet <strong>de</strong> ces atlas est <strong>de</strong> présenter quelques éléments d’environnement dans<br />

lesquels s’exerce la psychiatrie, environnement à la fois institutionnel (sanitaire,<br />

médico-social ou social) et populationnel et <strong>de</strong> soumettre ces observations,<br />

les choix d’indicateurs, les représentations choisies aux différents partenaires<br />

et acteurs du champ <strong>de</strong> la santé mentale. La DREES est consciente<br />

<strong>de</strong>s limites <strong>de</strong> ces atlas, mais elle soumet ces documents tels quels afin que<br />

vous fassiez part <strong>de</strong> vos vos critiques, suggestions, commentaires, souhaits<br />

afin <strong>de</strong> voir si ce projet correspond à un besoin et mieux l’i<strong>de</strong>ntifier. C’est à<br />

partir <strong>de</strong> ses retours que la DREES étudiera les possibilités <strong>de</strong> réaliser un document<br />

d’une plus gran<strong>de</strong> ampleur, un véritable atlas utile aux différents partenaires<br />

et acteurs qui pourrait être mis à jour régulièrement (superposition<br />

<strong>de</strong>s territoires <strong>de</strong> santé, évolution <strong>de</strong> l’offre et <strong>de</strong> l’environnement...), qui pourrait<br />

intégrer <strong>de</strong>s éléments quantitatifs, <strong>de</strong>s indicateurs nécessaires à la planification...<br />

Ces atlas sont disponibles sur le site du ministère <strong>de</strong> la santé, dans la rubrique<br />

« Recherche, étu<strong>de</strong>s et statistiques », Documents <strong>de</strong> travail, série statistiques,<br />

numéros 75 et 76. ■<br />

G.M.<br />

http://www.sante.gouv.fr/drees/seriestat/pdf/seriestat75.pdf<br />

http://www.sante.gouv.fr/drees/seriestat/pdf/seriestat76.pdf<br />

<br />

LIVRES<br />

HISTOIRE ■ 9<br />

La suggestibilité<br />

Alfred Binet<br />

Introduction <strong>de</strong> Serge Nicolas<br />

L’Harmattan 36 €<br />

Cet ouvrage, publié en 1900 et reproduit<br />

ici en fac similé, est l’exécution<br />

<strong>de</strong> la première partie d’un plan,<br />

auquel Alfred Binet a travaillé pendant<br />

<strong>de</strong>s années, qui consistait à établir<br />

la psychologie expérimentale <strong>de</strong>s<br />

fonctions supérieures <strong>de</strong> l’esprit en<br />

vue d’établir une psychologie différentielle<br />

<strong>de</strong> l’intelligence.<br />

En 1900, Binet a été le premier à avoir<br />

établi, sur <strong>de</strong>s fon<strong>de</strong>ments scientifiques,<br />

une psychologie du témoignage<br />

en étudiant la suggestibilité<br />

chez les sujets normaux au plan expérimental.<br />

Cet ouvrage est souvent<br />

cité dans la littérature traitant du témoignage<br />

oculaire chez les enfants.<br />

Il a clairement établi que l’assurance<br />

<strong>de</strong>s souvenirs était fonction <strong>de</strong> la<br />

forme <strong>de</strong>s questions posées mais<br />

aussi que les réponses pouvaient dépendre<br />

du contexte avec ses étu<strong>de</strong>s<br />

sur la conformité.<br />

Le Lion <strong>de</strong> Florence<br />

Sur l’imaginaire <strong>de</strong>s fondateurs<br />

<strong>de</strong> la psychiatrie, Pinel (1745-<br />

1826) et Itard (1774-1838)<br />

Thierry Gineste<br />

Albin Michel, 22 €<br />

Ce livre part à la recherche <strong>de</strong> l’impensable<br />

intime et fondateur à l’œuvre<br />

dans la pensée <strong>de</strong> Philippe Pinel et<br />

Jean Marc Gaspard Itard.<br />

Les tableaux qu’ils ont choisis pour<br />

décorer leurs <strong>de</strong>meures, abandonnés<br />

à l’indiscrétion <strong>de</strong>s commissaires-priseurs,<br />

ont été sauvegardés par les inventaires<br />

après décès. Sans eux, elles<br />

eussent disparu à jamais. Uniques et<br />

irremplaçables témoins <strong>de</strong> l’originalité<br />

<strong>de</strong> leur mon<strong>de</strong> intérieur, ils montrent<br />

leurs oppositions, la diversité et<br />

la divergence <strong>de</strong> leurs points <strong>de</strong> vue.<br />

Si Pinel nous éduque dans le culte<br />

davidien <strong>de</strong> la rationalité, et que son<br />

œuvre est une fête <strong>de</strong> la raison étendue<br />

à toute la mé<strong>de</strong>cine, Thierry Gineste<br />

montre qu ‘un mon<strong>de</strong> s’agite<br />

sous cet ordre trop beau, et lui donne,<br />

quoi qu’il en dise ou en taise, un sens<br />

secret et fondateur à chercher sans<br />

relâche par-<strong>de</strong>là le trompe-l’œil d’une<br />

fresque majestueuse.<br />

Itard, en revanche, exprime le surgissement<br />

d’un rapport familier avec<br />

la nature humaine, d’une intimité<br />

tendre avec le mon<strong>de</strong>, douloureuse<br />

et incertaine d’elle-même. De ce point<br />

<strong>de</strong> vue, on comprend qu’il ait possédé<br />

<strong>de</strong>s tableaux <strong>de</strong> Dunouy, l’un<br />

<strong>de</strong> ces peintres préromantiques dont<br />

le credo, en rupture avec la grandiloquence<br />

à l’antique <strong>de</strong> David, fut <strong>de</strong><br />

découvrir les mille variantes, la façon<br />

toujours différente et renouvelée dont<br />

la nature se recompose en permanence<br />

et, par là, à refuser l’idée d’une<br />

nature régie par un ordre rationnel,<br />

principe fondateur d’un système.<br />

Les choix picturaux personnels <strong>de</strong><br />

Philippe Pinel et <strong>de</strong> Jean Marc Gaspard<br />

Itard ouvrent un accès vers les<br />

représentations <strong>de</strong> l’opacité qui les<br />

habite et les structure, contraignant<br />

l’un, à la construction d’une théorie<br />

monumentale <strong>de</strong> l’hospitalisation et<br />

du traitement <strong>de</strong>s fous, l’autre à la<br />

reconnaissance <strong>de</strong> sa propre opacité<br />

psychique et à celle <strong>de</strong> son sens, avant<br />

<strong>de</strong> renoncer à cette découverte.<br />

Les inventaires après décès ouvrent<br />

sur l’intimité <strong>de</strong> leurs <strong>de</strong>meures, en<br />

même temps qu’ils ren<strong>de</strong>nt accessible<br />

leur mon<strong>de</strong> intime, comme <strong>de</strong>s<br />

confi<strong>de</strong>nces qu’ils n’auraient pas eu<br />

conscience <strong>de</strong> laisser <strong>de</strong>rrière eux,<br />

comme <strong>de</strong>s confi<strong>de</strong>nces qu’ils n’auraient<br />

peut-être pas voulu laisser <strong>de</strong>rrière<br />

eux.


10<br />

■ HISTOIRE<br />

ci sont « inavouables » à elles-mêmes<br />

comme à leurs juges » (34). La négation<br />

<strong>de</strong> la haine est tout autant la leur que<br />

la haine elle-même. Le Guillant apporte<br />

ainsi un élément nouveau à l’article<br />

qu’il a écrit à leur sujet. Il interprète le<br />

crime par l’existence d’une haine, mais<br />

celle-ci serait insuffisante dans ce cas, si<br />

ne s’y ajoutait le jeu <strong>de</strong> la censure.<br />

L’humiliation est l’autre grand sentiment<br />

qu’éprouvent les bonnes à tout<br />

faire et qui se manifeste à travers le<br />

langage qu’elles doivent employer, les<br />

costumes qu’elles doivent porter, l’éloignement<br />

et le dédain dans lesquels<br />

elles sont plus ou moins tenues. Toutes<br />

ces conduites caractérisent une profon<strong>de</strong><br />

dévalorisation <strong>de</strong> la personne<br />

qui marquerait, cependant, moins la<br />

personnalité que le ressentiment.<br />

Mais l’élément qui altère le plus profondément<br />

la personne est l’aliénation,<br />

qui est à la limite la néantisation <strong>de</strong><br />

leur être personnel. La bonne est soumise<br />

à <strong>de</strong>s êtres qui lui sont supérieurs<br />

socialement, du langage à la parure,<br />

envers qui l’i<strong>de</strong>ntification est à la fois<br />

« naturelle » et impossible.<br />

Au total, le conflit universel que constitue<br />

la dialectique du maître et <strong>de</strong> l’esclave,<br />

<strong>de</strong> la domination et <strong>de</strong> la servitu<strong>de</strong>,<br />

se noue en un drame personnel,<br />

individualisé et intériorisé. « Non seulement<br />

le ressentiment répond à l’humiliation<br />

et à l’injustice, mais l’admiration et<br />

l’attrait appellent l’envie et la jalousie ;<br />

aux sentiments naturels déçus succè<strong>de</strong><br />

la frustration ; une i<strong>de</strong>ntification impossible<br />

engendre la haine et l’angoisse <strong>de</strong> la<br />

haine » (35).<br />

Mais comment Le Guillant tente-t-il <strong>de</strong><br />

répondre à la question qu’il pose tout<br />

au long <strong>de</strong> son étu<strong>de</strong>, à savoir à quelles<br />

conditions un fait social est-il psychiquement<br />

pathogène ? Autrement dit, à<br />

quelles conditions un fait social <strong>de</strong>vientil<br />

un fait psychiatrique ? Cette question<br />

est, remarquons-le, plus constructive<br />

que l’acte qui consiste <strong>de</strong> se soucier<br />

uniquement <strong>de</strong> séparer ce qui relève<br />

du social et ce qui relève <strong>de</strong> la psychiatrie.<br />

Il nous semble introduire <strong>de</strong>s éléments<br />

hétérodoxes à la condition proprement<br />

dite <strong>de</strong> bonne à tout faire, mais pas à la<br />

condition sociale spécifique qui est la<br />

leur.<br />

Le premier élément est que les bonnes<br />

sont en général <strong>de</strong>s transplantées,<br />

bonnes bretonnes, espagnoles ou<br />

autres, suivant les époques. Comme<br />

toutes transplantées, elles connaissent<br />

une sorte <strong>de</strong> conflits entre leurs propres<br />

valeurs inculquées par leur éducation,<br />

et le nouveau milieu auquel elles doivent<br />

s’adapter. Qui plus est, ce milieu<br />

elle n’en ont que le mauvais côté, l’autoritarisme<br />

et la face cachée <strong>de</strong>s maîtres,<br />

que du fait <strong>de</strong> la promiscuité, le brillant<br />

social ne vient plus camoufler. « C’est<br />

du <strong>de</strong>gré d’écart et <strong>de</strong> contradiction entre<br />

leurs conduites <strong>de</strong> vie passées et présentes,<br />

<strong>de</strong> la forme corrélative <strong>de</strong>s conflits<br />

qui en résultent, que va naître le<br />

trouble » (36). Cette manière <strong>de</strong> concevoir<br />

la valeur pathogène d’une situation<br />

est très proche <strong>de</strong> celle <strong>de</strong> Sivadon.<br />

Un autre élément hétérodoxe est la<br />

vie affectivo-sexuelle. Liée à la condition<br />

<strong>de</strong> domestique, à l’isolement, aux<br />

besoins <strong>de</strong> compensations, aux sollicitations<br />

qu’elle occasionne, souvent en<br />

contradiction avec le milieu originel,<br />

cette vie est souvent décevante, sinon<br />

catastrophique lorsqu’elle s’accompagne<br />

d’une grossesse non désirée ou d’un<br />

avortement dans les conditions <strong>de</strong><br />

l’époque. La ménopause est aussi l’occasion<br />

<strong>de</strong> découvrir, avec l’âge, la<br />

déception d’un milieu qui n’a plus<br />

besoin <strong>de</strong> vous. Cet élément, dans une<br />

sorte d’évi<strong>de</strong>nce pathogénique, correspond<br />

à une fréquente condition<br />

d’apparition <strong>de</strong> troubles psychiques<br />

parfois graves, épisodiques ou prenant<br />

la forme d’actes criminels ou encore<br />

d’une blessure morale irréparable qui,<br />

après d’autres avatars, peut finir par<br />

constituer une psychose. La condition<br />

<strong>de</strong> bonne se révèle pathogène en raison<br />

<strong>de</strong>s impasses et <strong>de</strong>s problèmes qu’elle<br />

facilite dans le cours d’une vie sexuelle<br />

qui, par elle-même pose <strong>de</strong> difficiles<br />

problèmes psychiques. Autrement dit,<br />

entre la condition <strong>de</strong> bonne et l’efflorescence<br />

d’un trouble psychique s’interposent<br />

les aléas d’une vie sexuelle<br />

dont on peut alors se <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r s’ils<br />

ne constituent pas le primat pathogénique<br />

dont le travail n’est qu’une occasion<br />

d’apparition. Si les accusations à<br />

propos <strong>de</strong> délits ou <strong>de</strong> fautes, réels ou<br />

soupçonnés, tiennent le même rôle<br />

d’occasions facilitantes, ils n’ont pas<br />

cette force pathogène habituellement<br />

attribuée à la vie sexuelle et que Le<br />

Guillant semble admettre comme à<br />

contrecœur. Aussi, éprouve-t-il le besoin<br />

<strong>de</strong> banaliser la signification sexuelle <strong>de</strong>s<br />

troubles, que ce soit les aléas <strong>de</strong> la vie<br />

sexuelle adulte ou les fixations <strong>de</strong> la<br />

vie sexuelle infantile. Il insiste avant<br />

tout sur l’idée que la situation fruit <strong>de</strong><br />

la frustration, <strong>de</strong> l’humiliation, du ressentiment<br />

est concrète et actuelle. Cette<br />

actualité rejoint la critique agacée et<br />

défensive qu’il envoie à ceux qui considèrent<br />

son hypothèse comme apparence<br />

et pour qui « l’événement ne tire<br />

son pouvoir que <strong>de</strong> sa résonance particulière<br />

sans une personnalité qui « se<br />

perd mystérieusement dans la nuit du<br />

premier âge » (37) ». Ceci constitue une<br />

attaque au travail psychothérapique<br />

qui consiste à jeter <strong>de</strong>s ponts, à retrouver<br />

les résonances multiples qu’une<br />

situation mobilise dans la vie psychique.<br />

BOURSE PSYCHANALYTIQUE DE LA FONDATION<br />

EVELYNE ET JEAN KESTEMBERG<br />

La Fondation Evelyne et Jean KESTEMBERG attribue chaque année une<br />

bourse, non renouvelable, <strong>de</strong>stinée à ai<strong>de</strong>r un psychanalyste, non mé<strong>de</strong>cin,<br />

pour un travail <strong>de</strong> recherche dans le domaine <strong>de</strong> la psychanalyse. Il (ou elle)<br />

<strong>de</strong>vra être en formation à la Société Psychanalytique <strong>de</strong> Paris, ou à l’Association<br />

Psychanalytique <strong>de</strong> France, ou dans tous pays admis à titre spécial par<br />

la commission <strong>de</strong> cursus <strong>de</strong> la Société Psychanalytique <strong>de</strong> Paris. Le montant<br />

<strong>de</strong> cette bourse sera déterminé lors <strong>de</strong> la réunion du comité en décembre<br />

2005.<br />

Les candidats <strong>de</strong>vront faire parvenir au secrétariat <strong>de</strong> la Fondation Evelyne<br />

et Jean KESTEMBERG (M.T. Teron - ASM.13, 76 avenue Edison - 75013<br />

Paris) avant le 30 septembre 2005 un dossier comprenant :<br />

- une lettre <strong>de</strong> candidature faisant état <strong>de</strong>s motivations du candidat et <strong>de</strong> sa<br />

situation personnelle et professionnelle détaillées,<br />

- <strong>de</strong>ux lettres <strong>de</strong> parrainage, dont l’une au moins <strong>de</strong>vra émaner d’un membre<br />

<strong>de</strong> la SPP ou <strong>de</strong> l’APF,<br />

- <strong>de</strong>ux photos d’i<strong>de</strong>ntité.<br />

Le tout dactylographié en quatre exemplaires.<br />

Le lauréat sera désigné en janvier 2006 par le jury <strong>de</strong> la Fondation E. et J.<br />

Kestemberg composé <strong>de</strong>: Madame Liliane ABENSOUR - Docteur Jacques AN-<br />

GELERGUES - Docteur Clau<strong>de</strong> BALIER - Docteur Marie-Michèle BOURRAT<br />

- Docteur Josiane CHAMBRIER - Docteur Annette FREJAVILLE - Docteur<br />

Colette GUEDENEY - Professeur Michel SPIRO - Docteur Victor SOUFFIR<br />

Madame Geneviève NOEL, représentant la Fondation <strong>de</strong> France<br />

Le Prix <strong>de</strong> la Fondation E. et J. KESTEMBERG a été décerné pour l’année<br />

2004 à Madame Marie-Lise ROUX, Membre <strong>de</strong> la Société Psychanalytique<br />

<strong>de</strong> Paris, pour l’ensemble <strong>de</strong> son œuvre sur la psychanalyse <strong>de</strong>s psychoses.<br />

En fait, nous considérons que ces propos<br />

sont outrés. Dans les faits, Le<br />

Guillant psychiatre, tient compte <strong>de</strong><br />

l’histoire <strong>de</strong> l’individu, ce qui, <strong>de</strong> fait,<br />

rapproche nos manières d’intervenir<br />

dans la compréhension psychopathologique<br />

d’une situation <strong>de</strong> travail. Le<br />

problème est qu’il cherche à faire<br />

admettre un point <strong>de</strong> vue négligé par la<br />

plupart <strong>de</strong> ses confrères. Cette<br />

recherche <strong>de</strong> reconnaissance vient souvent<br />

comme un ren<strong>de</strong>z-vous raté qui<br />

exacerbe inutilement les oppositions.<br />

Et s’il accepte la possibilité d’une culpabilité<br />

œdipienne, c’est pour mieux<br />

souligner l’essentiel à ses yeux, qui tient<br />

en ces mots : il y a du social présent.<br />

De ce social présent, c’est la dialectique<br />

du maître et <strong>de</strong> l’esclave qui rend<br />

le mieux compte. Dans cette dialectique<br />

domine la conscience malheureuse,<br />

le besoin fondamental d’être<br />

reconnu, et l’aliénation. Les domestiques<br />

« vivent à la cuisine et ne savent<br />

pas ce qui les tourmente » (38). Et l’inconscience<br />

ne se limite pas au domaine<br />

<strong>de</strong> la sexualité, elle « s’étend aux<br />

causes profon<strong>de</strong>s <strong>de</strong> multiples, idéologies,<br />

événements et structures sociales » (39).<br />

In fine, la tentative <strong>de</strong> Le Guillant est <strong>de</strong><br />

poursuivre jusqu’à un terme jamais<br />

achevé la compréhension d’un cas<br />

pathologique en y confrontant la compréhension<br />

sociogénétique d’une<br />

manière qui ne soit pas ce syncrétisme<br />

qu’il abhorre.<br />

Mais, si actuellement, le fait psychiatrique<br />

se conçoit le plus souvent sans<br />

prendre en compte les déterminants<br />

sociaux (une sorte <strong>de</strong> psychiatrie en<br />

apesanteur sociale), à l’inverse, le poids<br />

pris par la vie sociale dans certaines<br />

explications psychopathologiques ne<br />

vient-il pas écraser la singularité <strong>de</strong><br />

chaque situation pathogène ? Comment<br />

utiliser cette connaissance sociale<br />

et l’intégrer au fait psychiatrique ?<br />

Comment Le Guillant conçoit-il une<br />

situation pathogène ?<br />

Une condition sociale comme celle <strong>de</strong><br />

bonne à tout faire ne rend pas compte,<br />

à elle seule, directement <strong>de</strong> l’apparition<br />

<strong>de</strong>s troubles. I<strong>de</strong>ntique à ellemême,<br />

« elle atteint et marque toujours<br />

les individus qui la vivent » (40). Cette<br />

nocivité <strong>de</strong> situation s’étaie sur une histoire<br />

individuelle pour <strong>de</strong>venir une<br />

situation pathogène. « L’existence <strong>de</strong><br />

nos mala<strong>de</strong>s est faite <strong>de</strong> tout ce qui la<br />

satisfait ou l’éprouve, la frustre ou l’enrichit,<br />

<strong>de</strong>s réussites ou <strong>de</strong>s échecs, <strong>de</strong><br />

toutes les circonstances et <strong>de</strong> tous les<br />

autres auxquels elle a été confrontée.<br />

Elle est une histoire, construite et parfois<br />

altérée ou défaites par <strong>de</strong>s conditions et<br />

<strong>de</strong>s événements multiples, qui peuvent<br />

certes rappeler le passé, mais aussi poser<br />

<strong>de</strong>s problèmes nouveaux » (41).<br />

Ainsi, en ce qui concerne les bonnes à<br />

tout faire, leur condition sociale les prédispose<br />

à une histoire marquée <strong>de</strong><br />

caractéristiques pathogènes : « bien<br />

moins que <strong>de</strong>s circonstances particulières,<br />

c’est l’ensemble <strong>de</strong> leur histoire qui nous<br />

a le plus vivement frappé, histoire née<br />

<strong>de</strong> leur condition et faite <strong>de</strong> changements<br />

<strong>de</strong> places, d’aventures et d’inci<strong>de</strong>nts répétés,<br />

<strong>de</strong> vaines tentatives pour « s’en sortir<br />

», <strong>de</strong> déceptions, d’épreuves et <strong>de</strong><br />

déboires accumulés » (42). C’est cet<br />

ensemble qui forme une compréhension<br />

psychopathologique d’une situation<br />

pathogène donnée dont la condition<br />

sociale ne fournit qu’un <strong>de</strong>s<br />

éléments. Ainsi, une <strong>de</strong>s réponses possibles<br />

à ces questions est la suivante,<br />

réponse dont nous remarquons le<br />

caractère pragmatique et utile : « Dans<br />

cette perspective, il y a, me semble-t-il,<br />

intérêt, au moins dans un premier temps,<br />

à définir et même en quelque sorte à isoler<br />

certaines situations pathogènes, pour<br />

mieux en pénétrer les structures et les<br />

rapports, en saisir l’unité et, encore une<br />

fois, la nécessité. Quitte, bien sûr, à tempérer<br />

dans chaque cas ce qu’une telle<br />

position pourrait avoir <strong>de</strong> schématique<br />

et, après l’avoir « comprise », à n’introduire<br />

telle ou telle <strong>de</strong> ces situations que<br />

comme <strong>de</strong>s moments d’une biographie<br />

particulière » (43).<br />

Le Guillant pose là une manière fort<br />

intéressante <strong>de</strong> concevoir une psychiatrie<br />

qui tiendrait compte <strong>de</strong> la vie<br />

sociale. Mais cela ne signifie pas qu’il y<br />

soit parvenu <strong>de</strong> manière totalement<br />

aboutie et concluante. Car un grand<br />

chemin restait encore à parcourir sur la<br />

voie <strong>de</strong> la compréhension <strong>de</strong>s liens<br />

entre travail et santé mentale. <br />

Joseph Torrente<br />

Bibliographie<br />

(1) Louis Le Guillant, Quelle psychiatrie<br />

pour notre temps ?, Erès, 1984, 353.<br />

(2) Louis Le Guillant, Quelle psychiatrie<br />

pour notre temps ?, Erès, 1984, 359.<br />

(3) Louis Le Guillant, Quelle psychiatrie<br />

pour notre temps ?, Erès, 1984, 359.<br />

(4) Citations in Louis Le Guillant, Quelle<br />

psychiatrie pour notre temps ?, Erès, 1984,<br />

363-364.<br />

(5) Louis Le Guillant, Quelle psychiatrie<br />

pour notre temps ?, Erès, 1984, 336.<br />

(6) Louis Le Guillant, Quelle psychiatrie<br />

pour notre temps ?, Erès, 1984, 369.<br />

(7) Louis Le Guillant, Quelle psychiatrie<br />

pour notre temps ?, Erès, 1984, 369.<br />

(8) Louis Le Guillant, Quelle psychiatrie<br />

pour notre temps ?, Erès, 1984, 347-348.<br />

(9) Louis Le Guillant, Quelle psychiatrie<br />

pour notre temps ?, Erès, 1984, 404.<br />

(10) Louis Le Guillant, Quelle psychiatrie<br />

pour notre temps ?, Erès, 1984, 354.<br />

(11) L’ouvrage remarquable <strong>de</strong> référence<br />

est G. POLITZER (1928) Critique <strong>de</strong>s fon<strong>de</strong>ments<br />

<strong>de</strong> la psychologie, PUF, Paris, 1974,<br />

262.<br />

(12) Les frères Tharaud cités dans Le<br />

Guillant, L’affaire <strong>de</strong>s sœurs Papin, les temps<br />

mo<strong>de</strong>rnes, 1963, 899.<br />

(13) Le Guillant, L’affaire <strong>de</strong>s sœurs Papin,<br />

les temps mo<strong>de</strong>rnes, 1963, 894.<br />

(14) Un avocat cité dans Le Guillant, L’affaire<br />

<strong>de</strong>s sœurs Papin, les temps mo<strong>de</strong>rnes,<br />

1963, 895.<br />

(15) Le Guillant, L’affaire <strong>de</strong>s sœurs Papin,<br />

les temps mo<strong>de</strong>rnes, 1963, 904.<br />

(16) Le Guillant, L’affaire <strong>de</strong>s sœurs Papin,<br />

les temps mo<strong>de</strong>rnes, 1963, 901.<br />

(17) G. Politzer (1928) Critique <strong>de</strong>s fon<strong>de</strong>ments<br />

<strong>de</strong> la psychologie, PUF, Paris, 1974,<br />

262.<br />

N°2 - TOME XVIII - MARS 2005<br />

L’Association du Congrès <strong>de</strong> <strong>Psychiatrie</strong><br />

et <strong>de</strong> Neurologie <strong>de</strong> Langue Française<br />

En collaboration avec<br />

Le réseau d’étu<strong>de</strong> et <strong>de</strong> recherche <strong>de</strong><br />

l’Association Hospitalière Sainte-Marie (réseau ERAHSM)<br />

et<br />

Le CHU <strong>de</strong> Nice<br />

organisent le<br />

103 ème<br />

Congrès <strong>de</strong> <strong>Psychiatrie</strong> et <strong>de</strong> Neurologie<br />

<strong>de</strong> Langue Française<br />

20-23 Juin 2005 – Nice<br />

Sous le haut patronage du Ministre <strong>de</strong>s Solidarités,<br />

<strong>de</strong> la Santé et <strong>de</strong> la Famille<br />

Centre Universitaire Méditerranéen (CUM)<br />

65, Promena<strong>de</strong> <strong>de</strong>s Anglais<br />

06000 Nice<br />

*****<br />

Renseignements - Inscription<br />

Voyages C. MATHEZ - 7, rue <strong>de</strong> Rivoli - 06000 NICE<br />

Tel : 04.93.82.68.82 - Fax : 04.93.87.93.60<br />

e-mail : cpnlf@matheztravel.com<br />

Inscription en ligne : www.matheztravel.com<br />

(Rubrique congrès et séminaires)<br />

(18) Le Guillant, L’affaire <strong>de</strong>s sœurs Papin,<br />

les temps mo<strong>de</strong>rnes, 1963, 913.<br />

(19) Le Guillant, L’affaire <strong>de</strong>s sœurs Papin,<br />

les temps mo<strong>de</strong>rnes, 1963, 880.<br />

(20) Le Guillant, L’affaire <strong>de</strong>s sœurs Papin,<br />

les temps mo<strong>de</strong>rnes, 1963, 898.<br />

(21) Le Guillant, L’affaire <strong>de</strong>s sœurs Papin,<br />

les temps mo<strong>de</strong>rnes, 1963, 905.<br />

(22) Le Guillant, L’affaire <strong>de</strong>s sœurs Papin,<br />

les temps mo<strong>de</strong>rnes, 1963, 905.<br />

(23) Le Guillant, L’affaire <strong>de</strong>s sœurs Papin,<br />

les temps mo<strong>de</strong>rnes, 1963, 909.<br />

(24) Le Guillant, L’affaire <strong>de</strong>s sœurs Papin,<br />

les temps mo<strong>de</strong>rnes, 1963, 906.<br />

(25) Le Guillant, L’affaire <strong>de</strong>s sœurs Papin,<br />

les temps mo<strong>de</strong>rnes, 1963, 906.<br />

(26) Le Guillant, L’affaire <strong>de</strong>s sœurs Papin,<br />

les temps mo<strong>de</strong>rnes, 1963, 907.<br />

(27) Le Guillant, L’affaire <strong>de</strong>s sœurs Papin,<br />

les temps mo<strong>de</strong>rnes, 1963, 913.<br />

(28) Louis Le Guillant, Quelle psychiatrie<br />

pour notre temps ?, Erès, 1984, 295.<br />

(29) Louis Le Guillant, Quelle psychiatrie<br />

pour notre temps ?, Erès, 1984, 296.<br />

(30) Louis Le Guillant, Quelle psychiatrie<br />

pour notre temps ?, Erès, 1984, 294.<br />

(31) Louis Le Guillant, Quelle psychiatrie<br />

pour notre temps ?, Erès, 1984, 295.<br />

(32) Louis Le Guillant, Quelle psychiatrie<br />

pour notre temps ?, Erès, 1984, 303.<br />

(33) Louis Le Guillant, Quelle psychiatrie<br />

pour notre temps ?, Erès, 1984, 306.<br />

(34) Louis Le Guillant, Quelle psychiatrie<br />

pour notre temps ?, Erès, 1984, 307.<br />

(35) Louis Le Guillant, Quelle psychiatrie<br />

pour notre temps ?, Erès, 1984, 314.<br />

(36) Louis Le Guillant, Quelle psychiatrie<br />

pour notre temps ?, Erès, 1984, 317.<br />

(37) Louis Le Guillant, Quelle psychiatrie<br />

pour notre temps ?, Erès, 1984, 327.<br />

(38) Louis Le Guillant, Quelle psychiatrie<br />

pour notre temps ?, Erès, 1984, 324.<br />

(39) Louis Le Guillant, Quelle psychiatrie<br />

pour notre temps ?, Erès, 1984, 325.<br />

(40) Louis Le Guillant, Quelle psychiatrie<br />

pour notre temps ?, Erès, 1984, 327.<br />

(41) Louis Le Guillant, Quelle psychiatrie<br />

pour notre temps ?, Erès, 1984, 328.<br />

(42) Louis Le Guillant, Quelle psychiatrie<br />

pour notre temps ?, Erès, 1984, 320.<br />

(43) Louis Le Guillant, Quelle psychiatrie<br />

pour notre temps ?, Erès, 1984, 328.


N°2 - TOME XVIII - MARS 2005<br />

vécut son enfance et son adolescence<br />

et dont, d’après lui-même, l’activité portuaire<br />

l’inspira pour toujours. Et nous<br />

sommes en 2005, c’est-à-dire au<br />

moment du centenaire <strong>de</strong> sa mort, survenue<br />

le 24 mars 1905. Tout ceci a<br />

achevé pour moi <strong>de</strong> mettre le feu aux<br />

poudres et à me déci<strong>de</strong>r, il n’était pas<br />

besoin <strong>de</strong> me pousser bien fort à explorer<br />

« à fond » le Voyage.<br />

BR : Pourquoi ce titre, celui <strong>de</strong> la Terre-<br />

Mère ?<br />

MSC : C’est l’élément le plus central <strong>de</strong><br />

mon livre et pourtant un <strong>de</strong> ceux auxquels<br />

je consacre le moins <strong>de</strong> pages<br />

tant il est évi<strong>de</strong>nt. Le héros principal<br />

du livre est le jeune Axel, le neveu<br />

adolescent du professeur Li<strong>de</strong>nbrock,<br />

un minéralogiste farfelu <strong>de</strong> Hambourg.<br />

Or, nous apprenons qu’Axel est orphelin,<br />

c’est-à-dire un être en manque <strong>de</strong><br />

père et <strong>de</strong> mère. Le père cherché et<br />

retrouvé apparaîtra sous différentes<br />

figures - j’y reviendrai - mais la mère<br />

perdue, c’est la terre elle-même qui la<br />

représente. De si nombreuses mythologies<br />

le montrent, universelles, que je<br />

n’ai pas souhaité en faire une recension<br />

détaillée. Mais, en bref, que l’on lise<br />

Van Genepp, Elia<strong>de</strong> ou Durand, tous<br />

sont univoques : la terre est, mythologiquement,<br />

la mère dont nous naissons<br />

et à laquelle nous revenons lors <strong>de</strong><br />

notre mort. Donc, le ressort du livre<br />

est celui-ci : un orphelin veut retrouver<br />

sa mère ; pour se faire il va se plonger<br />

dans la Terre-Mère ; puis, enfin, il<br />

s’en libérera pour faire sa vie, c’est à<br />

dire pour, <strong>de</strong>venu adulte, prendre<br />

femme (car Axel épouse alors Graüben,<br />

la pupille du professeur Li<strong>de</strong>nbrock).<br />

BR : Et votre sous titre : Jules Verne<br />

chez le psychanalyste ?<br />

MSC : Il me faut vous donner <strong>de</strong>s précisions<br />

méthodologiques à ce propos.<br />

La première est que je ne suis pas un<br />

spécialiste <strong>de</strong> tout Jules Verne. Certaines<br />

<strong>de</strong>s personnes que j’ai pu rencontrer<br />

à l’occasion <strong>de</strong> l’élaboration <strong>de</strong><br />

mon travail connaissent cet auteur <strong>de</strong><br />

fond en comble et en sont d’inépuisables<br />

érudits (je les mentionne dans<br />

mon livre). Ce n’est pas mon cas. J’ai<br />

souhaité, quant à moi, ne me centrer<br />

que sur un seul titre <strong>de</strong> Verne, celui<br />

du Voyage, entendable comme une<br />

suite d’associations. C’est une métho<strong>de</strong><br />

limitative, par exemple elle ne me permet<br />

pas <strong>de</strong> dire que tous les romans <strong>de</strong><br />

Verne sont bâtis avec les mêmes ingrédients<br />

mais elle est soutenable. Elle est<br />

proche <strong>de</strong> l’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> cas unique et permet<br />

<strong>de</strong> cerner ce qu’il en est pour ce<br />

roman précis. Ceci dit, je développe<br />

Voyage au centre <strong>de</strong> la Terre-Mère<br />

Jules Verne chez le psychanalyste<br />

Michel Sanchez-Car<strong>de</strong>nas<br />

Albin Michel, 15 €<br />

Jules Verne chez le<br />

psychanalyste<br />

Entretien avec Michel Sanchez-Car<strong>de</strong>nas<br />

tout <strong>de</strong> même ici <strong>de</strong>s hypothèses qui<br />

peuvent se vérifier pour d’autres<br />

romans <strong>de</strong> Verne, et en particulier pour<br />

Le château <strong>de</strong>s Carpathes, qui met lui<br />

aussi en scène un jeune orphelin à la<br />

recherche d’une morte qui est, à la fois,<br />

sa mère et sa fiancée.<br />

BR : Parlez-nous donc <strong>de</strong> plaisir puisque<br />

vous insistez sur ce point.<br />

Histoire bien connue, résumée au début <strong>de</strong> cet ouvrage : le professeur Li<strong>de</strong>nbrock<br />

et son neveu Axel découvrent par hasard dans un manuscrit du XVI e<br />

siècle en vieil islandais la <strong>de</strong>scription d’un itinéraire vers le centre <strong>de</strong> la Terre,<br />

et aussitôt partent l’explorer. Pour Achille-Edouard, psychanalyste, qui va tenter<br />

<strong>de</strong> le démontrer à son ami Philémon et à leurs <strong>de</strong>ux épouses, tous trois<br />

très sceptiques, ce roman <strong>de</strong> Jules Verne, Voyage au centre <strong>de</strong> la terre, n’est<br />

autre que la métaphore d’une exploration anatomique du corps féminin en<br />

général et plus particulièrement <strong>de</strong> celui <strong>de</strong> la mère. Illustration au fil <strong>de</strong> quelques<br />

exposés : à quoi peuvent faire penser ces trois cheminées qui s’ouvrent sous<br />

les pas <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux explorateurs ? Parmi elles, c’est dans le cratère central du<br />

(Yo)cul, ou volcan islandais, qu’ils doivent <strong>de</strong>scendre. « (Fo)rut ! En avant », leur<br />

dit leur gui<strong>de</strong> islandais. La première voie qu’ils explorent n’est qu’une succession<br />

d’étroits « boyaux » d’où s’échappent une o<strong>de</strong>ur <strong>de</strong> grisou (: gaz), et ils<br />

doivent rebrousser chemin. La <strong>de</strong>uxième voie est scintillante ; tandis que, <strong>de</strong><br />

l’autre côté <strong>de</strong> la paroi, coule une source chau<strong>de</strong>, ils progressent vers une<br />

« mer » intérieure où ils se ressourcent avant d’être finalement expulsés par le<br />

volcan du Stromboli. Cela, c’est la partie anatomique : Achille-Edouard démontre<br />

ensuite à ses amis que, dans les rapports entre l’oncle et le neveu, se<br />

lit le complexe d’Œdipe que ce <strong>de</strong>rnier va <strong>de</strong>voir surmonter, que le Voyage raconte<br />

avant tout la fusion d’Axel (orphelin) avec sa mère perdue et retrouvée<br />

sous la forme <strong>de</strong> la Terre-Mère…<br />

Les amis d’Achille-Edouard en sortent convaincus, et le lecteur aussi ! Extraits<br />

<strong>de</strong> discussion, récits <strong>de</strong> voyage, le style est prenant comme celui du vrai Voyage,<br />

et la démonstration, astucieuse et progressive vers <strong>de</strong>s notions plus complexes,<br />

est convaincante, voire jubilatoire. L’auteur offre, en même temps, une divertissante,<br />

mais rigoureuse, petite introduction à la psychanalyse, d’autant que<br />

les dits amis sont là pour jouer les avocats du diable et pousser le narrateur<br />

à s’expliquer.<br />

S’enfoncer dans les profon<strong>de</strong>urs du psychisme<br />

MSC : Ce livre « carbure à la libido » ;<br />

elle y est omniprésente. Jules Verne<br />

était un grand amateur <strong>de</strong> jeux <strong>de</strong><br />

mots, <strong>de</strong> calembours et <strong>de</strong> propos<br />

croustillants à tonalité sexuelle (et/ou<br />

scatologique) (2). Il n’est donc pas étonnant<br />

qu’il ait écrit un livre à forte tonalité<br />

érotique. Dans le Voyage nous trouvons<br />

ainsi, entre autres, les étapes<br />

suivantes du trajet. Pour se rendre au<br />

centre <strong>de</strong> la terre, il faut se rendre en<br />

Islan<strong>de</strong> le 28 juin et voir dans le fond<br />

d’un « Yocul » - ou volcan islandais<br />

éteint- précisément celui qui a pour<br />

nom Sneffels, il faut y voir disais-je<br />

quelle cheminée l’ombre d’un certain<br />

pic, le Scartaris vient « lécher » (sic !) à<br />

midi pile. Or, sur les trois qui se trouvent<br />

là, c’est celle du milieu qui est<br />

concernée. « Forüt » s’écrie alors le<br />

gui<strong>de</strong> islandais, Hans, qui accompagne<br />

Axel et son oncle (car tous <strong>de</strong>ux ont<br />

décidé <strong>de</strong> se rendre au centre <strong>de</strong> la<br />

terre). Ou, « En rut, enfonçons nous au<br />

fond du Yocul, dans sa cheminée centrale<br />

! » pour résumer, pour con<strong>de</strong>nser<br />

ces différents items en une phrase.<br />

Le Voyage au centre <strong>de</strong> la femme a ainsi<br />

commencé car les trois cheminées sont,<br />

bien sûr, les trois orifices du pelvis féminin.<br />

Puis, on empruntera une certaine<br />

galerie odorante (matières carbonifères<br />

mortes y dégageant du grisou) qui<br />

s’avéra être, si l’on ose dire, un cul <strong>de</strong><br />

sac, puis enfin une autre menant à une<br />

gigantesque caverne intérieure contenant,<br />

elle-même, une mer intérieure.<br />

Ce sont là la matrice et le liqui<strong>de</strong><br />

amniotique que fréquente à nouveau<br />

ainsi Axel. Y périra-t-il ? Pourra-t-il s’en<br />

échapper ? Il manque bien d’y mourir<br />

à plus d’une reprise puis, finalement,<br />

il trouve sur ses berges une galerie <strong>de</strong><br />

sortie. Mais celle-ci est bouchée par un<br />

éboulis et il faut à nos héros en faire<br />

sauter la paroi à la poudre. Ce qu’ils<br />

font. Leur embarcation - car ils naviguaient<br />

sur la mer intérieure - s’engouffre<br />

dans la brèche ainsi créée et<br />

chute alors sur une cataracte, puis s’immobilise,<br />

puis remonte. Dès lors, ils<br />

sont portés par <strong>de</strong> la lave incan<strong>de</strong>scente<br />

qui, peu à peu, remplace l’eau<br />

<strong>de</strong> la mer. Leur remontée se fait par<br />

paliers. Ils montent, s’arrêtent, remontent,<br />

s’arrêtent à nouveau, etc. avant<br />

d’être expulsés mais, cette fois-ci, par un<br />

autre volcan que celui par lequel ils<br />

sont entrés dans la terre, en l’occurrence<br />

par le Stromboli. Rupture <strong>de</strong><br />

paroi, chute <strong>de</strong>s eaux, remontée progressive<br />

(contractions) puis expulsion :<br />

comment Jules Verne aurait-il pu<br />

mettre en scène plus clairement le récit<br />

d’un accouchement ? Celui par lequel<br />

la terre-Mère laisse son fils la quitter à<br />

nouveau. Conclusion : le Voyage expose<br />

les sujets <strong>de</strong> la curiosité sexuelle<br />

infantile... et la satisfait en y répondant.<br />

Les mystères <strong>de</strong> l’anatomie féminine<br />

et <strong>de</strong> la conception sont dévoilés,<br />

même si c’est à travers le (léger) voile<br />

du refoulement symbolique.<br />

BR : Voici pour la mère, mais le père<br />

retrouvé et recherché par Axel ?<br />

MSC : C’est là un autre axe du roman.<br />

Axel va se trouver <strong>de</strong> multiples pères.<br />

Il y a tout d’abord son oncle, ru<strong>de</strong> compagnon,<br />

ru<strong>de</strong> mais tendre, qui va lui<br />

léguer tout son savoir et son habileté <strong>de</strong><br />

géologue. Puis Hans, l’athlétique et flegmatique<br />

gui<strong>de</strong> qui les accompagne et<br />

les protège. Enfin il y a Saknussemm.<br />

Ce <strong>de</strong>rnier est, en effet, un alchimiste<br />

du XVI e siècle dont, au début du<br />

roman, Li<strong>de</strong>nbrock a retrouvé par<br />

hasard un manuscrit crypté. Ce cryptage<br />

déchiffré indique comment se<br />

rendre au centre <strong>de</strong> la terre, ce que<br />

Li<strong>de</strong>nbrock déci<strong>de</strong> <strong>de</strong> faire à son tour.<br />

Or, <strong>de</strong> Saknussemm, on retrouvera<br />

régulièrement dans les étapes du Voyage<br />

<strong>de</strong>s signatures montrant le trajet à<br />

suivre. Ou : le nom du père ! Egalement,<br />

au fond <strong>de</strong> la terre, c’est son poignard,<br />

presque intact malgré les siècles<br />

passés, qui sera retrouvé par les audacieux<br />

héros. Autrement dit, au plus fort<br />

<strong>de</strong> leur enfoncement dans la dangereuse<br />

mère absorbante et engloutissante,<br />

le phallus du père leur sera<br />

donné à retrouver. C’est donc que l’on<br />

peut survivre en tant qu’homme à la<br />

relation fusionnelle avec la mère ! A<br />

cette découverte, Axel change d’ailleurs<br />

<strong>de</strong> caractère. Il était jusque là le neveu<br />

timoré mais, poignard en main, il subit<br />

une véritable mue qui le transforme<br />

en lea<strong>de</strong>r impétueux du groupe.<br />

Sans oublier que, comme on a pu le<br />

remarquer, Saknussemm est un nom<br />

qui aurait bien pu être ainsi livré par le<br />

malicieux Verne pour désigner le père<br />

par excellence, le géniteur suprême<br />

(car « sa queue nue sème » !).<br />

BR : Donc, on navigue ici entre fusion<br />

incestueuse avec la mère et salvation <strong>de</strong><br />

cette éventualité par le phallus et le nom<br />

du père ?<br />

MSC : Exactement. C’est un <strong>de</strong>s<br />

charmes inconscients du livre. Racamier<br />

avait décrit le concept d’Antoedipe,<br />

c’est à dire ce courant psychique<br />

qui tend à ne pas laisser se constituer<br />

l’Œdipe, avec sa dimension d’interdit <strong>de</strong><br />

l’inceste, pour favoriser au contraire la<br />

fusion avec la mère. Il en avait mis en<br />

évi<strong>de</strong>nce <strong>de</strong>ux variantes, la « tempérée<br />

» et la « furieuse ». Dans la première,<br />

un <strong>de</strong>gré <strong>de</strong> fantasmatisation incestuelle<br />

est favorisé mais sans que<br />

l’interdit oedipien ne soit annulé. Ainsi,<br />

se constitue ce que Racamier appelle<br />

un « limon » commun à la mère et l’enfant,<br />

qui constitue leur fibre commune<br />

et qui assoit l’enfant sur la certitu<strong>de</strong><br />

d’être en communication immédiate<br />

avec le mon<strong>de</strong> qui l’entoure. C’est là la<br />

base <strong>de</strong> son narcissisme et <strong>de</strong> son sentiment<br />

<strong>de</strong> continuité d’être. A l’inverse<br />

l’Antoedipe « furieux » balaie tout sur<br />

son passage et ne laisse place qu’à la<br />

pensée paradoxale, confusionnante<br />

<br />

LIVRES<br />

ENTRETIEN ■ 11<br />

Autobiographie, journal<br />

intime et psychanalyse<br />

Sous la direction <strong>de</strong> J.F. Chiantaretto<br />

A. Clancier, A. Roche<br />

Economica, Anthropos, 25 €<br />

Ouvrage collectif réunissant les textes<br />

<strong>de</strong>s participants à la Déca<strong>de</strong> internationale<br />

<strong>de</strong> Cerisy-la-Salle <strong>de</strong> juillet<br />

2000, où l’objectif était « d’interroger<br />

la psychanalyse à partir <strong>de</strong>s écritures<br />

du diariste et <strong>de</strong> l’autobiographe et<br />

d’interroger celles-ci avec la psychanalyse<br />

». Impossible bien sûr <strong>de</strong> rendre<br />

compte ici <strong>de</strong>s apports très riches et<br />

très divers <strong>de</strong> chacun. Quelques-uns,<br />

flânés au hasard : qu’est-ce qui pousse,<br />

par exemple, un romancier à écrire<br />

son autobiographie au soir <strong>de</strong> sa vie ?<br />

Peur <strong>de</strong> la mort qui se profile et besoin<br />

<strong>de</strong> sculpter sa propre statue pour<br />

atteindre à une sorte d’immortalité ?<br />

Besoin <strong>de</strong> « confesser » <strong>de</strong>s pulsions<br />

inavouables et d’échapper à un envoûtement<br />

maternel mortifère (Julien<br />

Green) ? Quid d’un psychanalyste qui<br />

prétend atteindre à une plus gran<strong>de</strong><br />

vérité <strong>de</strong> lui-même à travers l’écriture<br />

plutôt qu’à travers sa psychanalyse<br />

(Henry Bauchau) ? Ou d’un auteur<br />

africain qui, s’abandonnant à l’expression<br />

<strong>de</strong> son intériorité, transgresse<br />

par là-même les normes d’une société<br />

où l’individu a peu <strong>de</strong> place ?<br />

Il faut lire ce livre...<br />

M. Goutal<br />

Le complexe du loup-garou<br />

La fascination <strong>de</strong> la violence<br />

dans la culture américaine<br />

Denis Duclos<br />

Postface inédite <strong>de</strong> l’auteur<br />

La Découverte, 10,50 €<br />

Ce livre traite <strong>de</strong> la mise en scène collective<br />

<strong>de</strong>s personnages représentant<br />

la violence et la mort. Pour autant<br />

que notre société « post-mo<strong>de</strong>rne »<br />

croit avoir découvert comment régler,<br />

automatiquement, les énergies<br />

humaines, la violence serait vouée à<br />

l’extinction progressive, cédant <strong>de</strong>vant<br />

l’abondance <strong>de</strong>s biens, le libre<br />

fonctionnement du marché, et la rationalité<br />

<strong>de</strong> la gestion <strong>de</strong>s risques. Si<br />

la violence s’est retirée <strong>de</strong> la vie <strong>de</strong>s<br />

classes moyennes aisées, elle fait une<br />

apparition toujours plus dramatisée<br />

dans la fiction populaire et dans le<br />

fait divers, souvent associée aux milieux<br />

marginaux. Les scènes <strong>de</strong> la sécurité<br />

et du confort automatisé font<br />

face à celles <strong>de</strong> la violence, comme<br />

en miroir, comme si les unes appelaient<br />

les autres, irrésistiblement ;<br />

comme si l’idéal <strong>de</strong> société parfaite<br />

et l’extrême sauvagerie <strong>de</strong>s instincts<br />

meurtriers entretenaient un lien mutuel<br />

et une connivence naturelle. Que<br />

les Etats-Unis soient un lieu privilégié<br />

<strong>de</strong> ce jeu <strong>de</strong> miroirs n’est pas dû<br />

à une particularité ethnique, mais à<br />

une avance prise quant à la réalisation<br />

<strong>de</strong> l’idéal post-mo<strong>de</strong>rne. La thèse<br />

centrale <strong>de</strong> cet ouvrage est une combinaison<br />

<strong>de</strong> <strong>de</strong>ux idées empruntées,<br />

l’une à Norbert Elias (l’humanité<br />

contemporaine est confrontée à la<br />

nécessité <strong>de</strong> se civiliser toujours davantage)<br />

et l’autre à Pierre Vidal-Naquet<br />

(les mythes <strong>de</strong>s « guerriers fous<br />

» ou <strong>de</strong>s « chasseurs noirs » font<br />

partie <strong>de</strong> rites d’initiation, pour le passage<br />

au statut d’hommes accomplis,<br />

c’est-à-dire civilisés). La représentation<br />

<strong>de</strong> la violence à l’écran est d’abord<br />

le reflet d’une conviction mythique<br />

propre à la culture américaine : pour<br />

elle, la société n’est qu’un rempart<br />

précaire contre l’animal tapi en nous.<br />

Chez les tueurs en série comme chez<br />

les personnages sanglants <strong>de</strong> la fiction,<br />

elle ne fait que répéter les figures<br />

héroïques <strong>de</strong>s sagas nordiques,<br />

les « Bersekr », ces guerriers fous toujours<br />

tentés <strong>de</strong> se métamorphoser<br />

pour massacrer leurs propres familles.<br />

C’est ce fantasme qui lui fait accepter,<br />

en contrepartie, la surveillance<br />

automatisée, pour stopper le déviant,<br />

et qui explique en partie l’hypertrophie<br />

du droit aux Etats-Unis.


12<br />

■ ENTRETIEN<br />

LIVRES ET REVUES<br />

Psy ou pas psy ?<br />

Quand et qui consulter ?<br />

Patrick Delaroche<br />

Albin Michel 14,50 €<br />

« Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement<br />

». Cette maxime <strong>de</strong> Boileau<br />

peut trouver une illustration dans cet<br />

ouvrage, <strong>de</strong>stiné aux parents. L’auteur<br />

décrit, avec un grand bonheur<br />

d’expression, le mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> soin proposé<br />

aux enfants et adolescents en<br />

centre <strong>de</strong> consultation ambulatoire.<br />

Bien <strong>de</strong>s notions familières aux pédopsychiatres,<br />

mais relativement<br />

opaques aux profanes trouvent ici<br />

<strong>de</strong>s explications et <strong>de</strong>s illustrations<br />

convaincantes et claires, pour peu<br />

que l’on se donne la peine <strong>de</strong> lire cet<br />

ouvrage <strong>de</strong> 220 pages. La notion <strong>de</strong><br />

guidance, en particulier, trop souvent<br />

peu ou mal expliquée, prend ici tout<br />

son sens.<br />

En même temps, on ressent à la lecture<br />

une impression <strong>de</strong> malaise. Ce<br />

modèle français, inspiré par la psychanalyse,<br />

n’est-il pas menacé par la<br />

diminution dramatique du nombre<br />

<strong>de</strong> pédopsychiatres, et par la rupture<br />

<strong>de</strong> transmission <strong>de</strong> ce savoir que l’on<br />

repère chez les jeunes internes <strong>de</strong><br />

psychiatrie ? Dans ce cadre, cet ouvrage<br />

peut aussi participer à la transmission,<br />

non d’un savoir académique,<br />

mais d’un savoir faire et d’une éthique<br />

du sujet ; lour<strong>de</strong> tâche en ces temps<br />

d’évaluation réductrice <strong>de</strong> la psychiatrie.<br />

Alain Frottin<br />

Soigner l’adolescent en artthérapie<br />

2 ème édition<br />

Jean-Luc Sudres<br />

Dunod<br />

La nouvelle édition <strong>de</strong> cet ouvrage,<br />

initialement intitulé L’adolescent en<br />

art-thérapie s’inscrit à point nommé<br />

dans un air du temps pour le moins<br />

connu... L’art-thérapie suscite un intérêt<br />

dans le cadre <strong>de</strong>s techniques <strong>de</strong><br />

soins <strong>de</strong>stinées à pallier le peu d’engouement<br />

<strong>de</strong>s adolescents pour les<br />

approches purement verbales et/ou<br />

directes. Cet ouvrage montre comment<br />

les médiations artistiques (objets<br />

et situations) peuvent accompagner<br />

les adolescents en souffrance.<br />

Il s’interroge sur la possibilité <strong>de</strong> traiter<br />

<strong>de</strong>s maux toujours pluridéterminés<br />

en éveillant les potentialités créatives<br />

et expressives <strong>de</strong>s jeunes.<br />

Jean-Luc Sudres fait le point sur tous<br />

les aspects <strong>de</strong> cette pratique, sujette<br />

à <strong>de</strong>s effets <strong>de</strong> séduction et <strong>de</strong> mo<strong>de</strong>,<br />

mais mal connue. Une première partie<br />

historique et conceptuelle pose<br />

les jalons d’une démarche qui trouve<br />

sa pleine force dans l’analyse concrète<br />

<strong>de</strong>s indications/contre-indications,<br />

<strong>de</strong>s objectifs et <strong>de</strong>s stratégies cliniques<br />

<strong>de</strong> mise en place d’un atelier (<strong>de</strong>uxième<br />

partie). Quant à la troisième partie,<br />

elle étudie les différents processus à<br />

l’oeuvre en art-thérapie et présente<br />

différentes modalités d’évaluation.Le<br />

tout s’étaye sur <strong>de</strong>s vignettes cliniques.<br />

Enfin, la quatrième partie constitue<br />

un inventaire et un gui<strong>de</strong> méthodique<br />

pour trouver <strong>de</strong>s lieux ressources, <strong>de</strong>s<br />

supports d’informations et <strong>de</strong>s formations<br />

adéquates en artthérapie.<br />

La bibliographie et la filmographie<br />

complètent cet ensemble.<br />

Faut-il plaindre les bons<br />

élèves ?<br />

Le prix <strong>de</strong> l’excellence<br />

Patrice Huerre avec Fabienne<br />

Azire<br />

Hachette Littératures, 16 €<br />

En intégrant une classe préparatoire<br />

aux gran<strong>de</strong>s écoles, certains élèves<br />

poursuivent un parcours <strong>de</strong> réussite<br />

scolaire, commencé parfois <strong>de</strong>puis la<br />

maternelle. Entre l’investissement <strong>de</strong>s<br />

parents et celui <strong>de</strong>s professeurs, com-<br />

<br />

et psychotique. Or, un <strong>de</strong>s fantasmes<br />

<strong>de</strong> base du psychisme, comme Pigott l’a<br />

bien rappelé (3), est celui qui veut que<br />

l’on fécon<strong>de</strong> sa propre mère pour s’en<br />

faire naître soi-même. Cet auteur relève<br />

même qu’il n’existerait pas <strong>de</strong> mythe<br />

qui ne passe par cette combinatoire.<br />

Dès lors, on voit que le Voyage s’inscrit<br />

directement dans ce courant : Axel<br />

pénètre sa mère (la terre) pour s’en<br />

faire éclore lui-même (accouchement<br />

par le Stromboli). C’est là une pensée<br />

psychotique (s’auto-générer) mais, dans<br />

le roman, elle est contrebalancée par la<br />

présence, très forte comme on l’a vu,<br />

du tiers paternel qui vient s’entreposer<br />

entre la Terre-Mère et son fils (cf. le<br />

poignard-phallus du père, etc.). Nihil<br />

novo sub sole ! Verne suit les méandres<br />

<strong>de</strong>s grands complexes inconscients.<br />

BR : Le point le plus original <strong>de</strong> votre<br />

livre tient à la <strong>de</strong>scription du Voyage en<br />

tant que processus antidépressif.<br />

MSC : C’est, effectivement, ce qui m’a<br />

le plus étonné dans mon exploration et<br />

la découverte la plus excitante que j’y<br />

ai faite. Je publie prochainement dans<br />

l’International <strong>Journal</strong> of Psychoanalysis<br />

un article dont le titre est : « Le Voyage<br />

au centre <strong>de</strong> la terre <strong>de</strong> Jules Verne le<br />

secret d’une narrativité antidépressive ? ».<br />

L’idée que j’y développe est, en bref,<br />

celle que le Voyage se déroule en trois<br />

temps. Le premier temps est celui <strong>de</strong> la<br />

séparation radicale du sujet et <strong>de</strong> l’objet,<br />

c’est-à-dire d’Axel et <strong>de</strong> sa mère (il<br />

est orphelin). Le <strong>de</strong>uxième temps est<br />

celui <strong>de</strong> la fusion avec celle-ci (par l’enfoncement<br />

dans une terre qui menace<br />

<strong>de</strong> l’engloutir). Le troisième est celui<br />

d’une nouvelle séparation (par l’expulsion-accouchement).<br />

Or Verne<br />

déploie un certain nombre <strong>de</strong> mouvements<br />

qui épousent cette dynamique :<br />

a) au niveau <strong>de</strong>s thèmes eux-mêmes,<br />

on a un premier temps qui est celui<br />

que l’on pourrait appeler celui <strong>de</strong>s « éléments<br />

séparés ». Exemple : Li<strong>de</strong>nbrock<br />

et Axel sont ceux qui différencient les<br />

roches, le temps et l’espace. Ils classent<br />

les minerais et ils font un plan précis<br />

<strong>de</strong>s routes à suivre et <strong>de</strong>s dates et<br />

heures à observer pour voyager. Autrement<br />

dit, ils sont ceux qui séparent,<br />

intellectuellement, conceptuellement,<br />

les éléments les uns <strong>de</strong>s autres en les<br />

différenciant. Or, dans la terre, les<br />

roches elles-mêmes, <strong>de</strong> distinctes, vont<br />

<strong>de</strong>venir fusionnées (en une pâte <strong>de</strong><br />

lave) et l’espace et le temps <strong>de</strong>venir<br />

ment tirent-ils leur épingle du jeu ?<br />

Quelles para<strong>de</strong>s mettent-ils en œuvre<br />

pour être à la hauteur, se conformer<br />

aux attentes extérieures ? Si, pour certains,<br />

le chemin semble facile, voire jubilatoire,<br />

d’autres connaissent le doute,<br />

l’anxiété, voire le désespoir. Les plus<br />

vulnérables y laisseront <strong>de</strong>s plumes.<br />

Dans cet univers où le seul arbitre <strong>de</strong><br />

l’excellence est le résultat, il y a forcément<br />

un prix à payer, qu’il soit transitoire<br />

ou durable. Face à la pression tous<br />

azimuts, ces étudiants mobilisent <strong>de</strong>s<br />

mécanismes <strong>de</strong> défense pour s’adapter.<br />

Peu échappent aux troubles du sommeil,<br />

aux maux <strong>de</strong> tête, au stress. Tous<br />

traversent <strong>de</strong>s pério<strong>de</strong>s d’excitation ou<br />

d’abattement. Et la confrontation aux<br />

classes préparatoires révèle chez certains<br />

<strong>de</strong>s fragilités psychiques, souvent<br />

anciennes. Ceux-là paieront au prix fort<br />

un idéal auquel ils se sont i<strong>de</strong>ntifiés.<br />

Du bon élève mû par la crainte <strong>de</strong> décevoir,<br />

qui ignore souvent que son<br />

anxiété était installée <strong>de</strong> longue date,<br />

au chargé <strong>de</strong> mission, porteur d’un mandat<br />

qu’il a repris à son compte, <strong>de</strong> celui<br />

qui s’épuise en lançant <strong>de</strong>s signaux<br />

d’alarme peu compris par l’entourage,<br />

à celui qui, entré dans la logique du<br />

« toujours plus », s’installe dans une<br />

conduite addictive…<br />

Ce voyage dans les classes préparatoires<br />

aux Gran<strong>de</strong>s écoles en dit long<br />

sur les problématiques <strong>de</strong> l’adolescence,<br />

les mécanismes d’apprentissage, sur<br />

notre système éducatif, sur les priorités<br />

confus (les explorateurs se per<strong>de</strong>nt,<br />

confon<strong>de</strong>nt le nord et le sud ; censés<br />

aller vers l’avenir en suivant le déroulement<br />

linéaire du temps, ils aboutissent<br />

en fait à la découverte <strong>de</strong> la préhistoire<br />

vivante dans le cœur <strong>de</strong> la terre.<br />

Autrement dit, le temps va ici en même<br />

temps d’avant vers après et d’après vers<br />

avant - Dupuy (4) a d’ailleurs bien montré<br />

les ambiguïtés <strong>de</strong> la géographie vernienne).<br />

Ce mouvement <strong>de</strong> symétrisation<br />

est passionnant et correspond<br />

bien à la métapsychologie <strong>de</strong> Matte<br />

que la société assigne à ses enfants. Ce<br />

public pose à l’extrême les questions<br />

<strong>de</strong> tous les élèves <strong>de</strong> France et leurs parents<br />

: comment mieux construire son<br />

parcours scolaire et, finalement, sa vie.<br />

Usages et effets du savoir<br />

Articuler sciences sociales et<br />

politiques publiques<br />

Revue internationale <strong>de</strong>s sciences<br />

sociales, mars 2004 n° 179<br />

UNESCO / Erès, 20 €<br />

Les Etats contemporains sont amenés<br />

à intervenir, <strong>de</strong> manière <strong>de</strong> plus en plus<br />

fine, dans les tissus <strong>de</strong> leurs sociétés.<br />

On souhaite promouvoir la santé publique<br />

en luttant contre le tabagisme<br />

ou l’insécurité routière, concevoir <strong>de</strong>s<br />

prestations sociales plus adaptées à la<br />

diversité <strong>de</strong>s situations individuelles,<br />

promouvoir un « apprentissage tout au<br />

long <strong>de</strong> la vie » qui équipe les citoyens<br />

pour la « société du savoir », ouvrir les<br />

gran<strong>de</strong>s options techniques à la participation<br />

démocratique. De telles interventions<br />

supposent une connaissance<br />

détaillée <strong>de</strong> l’état <strong>de</strong>s sociétés et la capacité<br />

d’anticiper leurs réactions à d’hypothétiques<br />

dispositifs. Elles supposent<br />

une mise en œuvre improbable <strong>de</strong>s<br />

sciences sociales. Improbable, parce que<br />

les sciences sociales sont souvent rétives<br />

à l’« instrumentalisation » et ont,<br />

pour la conjurer, <strong>de</strong>s arguments épistémologiques<br />

sérieux. Improbable aussi<br />

en ce que les responsables <strong>de</strong> l’action<br />

Pénétrer les entrailles <strong>de</strong> la terre<br />

Blanco (5) un auteur encore injustement<br />

méconnu en France. b) au niveau <strong>de</strong>s<br />

mo<strong>de</strong>s <strong>de</strong> pensée Verne est très subtil.<br />

Dans un premier temps la pensée<br />

rationnelle prévaut dans le roman. Nos<br />

aventuriers sont, en effet, <strong>de</strong>s scientifiques<br />

calculateurs. Mais bientôt (2e<br />

temps), plus l’on s’enfonce dans la terre<br />

et plus la folie règne. Le summum <strong>de</strong><br />

ce mouvement est atteint lors du passage<br />

que Verne nomme « Le rêve<br />

d’Axel », en fait une rêverie oniroï<strong>de</strong><br />

où ce <strong>de</strong>rnier est pris d’une hallucina-<br />

publique sont souvent réticents à prendre<br />

en considération le temps et la logique<br />

propre <strong>de</strong> la démarche scientifique, sans<br />

parler <strong>de</strong> conclusions éventuellement<br />

gênantes. Les articles réunis dans ce numéro<br />

offrent un panorama diversifié,<br />

<strong>de</strong>s Philippines à l’Ouzbékistan et du<br />

Cameroun aux Pays-Bas, <strong>de</strong> l’utilisation<br />

du savoir dans les politiques sociales,<br />

<strong>de</strong> même qu’une analyse <strong>de</strong>s obstacles<br />

qu’elle rencontre et <strong>de</strong>s échecs sur lesquels<br />

elle peut déboucher.<br />

Tout sur mon père<br />

Le Coq-Héron 2004 n°179<br />

Erès<br />

Après l’avoir fait en 2000 dans le numéro<br />

160 intitulé « Malaise dans la clinique<br />

», le Coq Héron publie une sélection<br />

d’articles <strong>de</strong> la revue canadienne<br />

Filigrane, tandis que celle-ci publie l’essentiel<br />

<strong>de</strong>s textes parus dans le numéro<br />

173 sur Winnicott. Cet échange entre<br />

revues <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux bords <strong>de</strong> l’atlantique<br />

francophone amène à présenter <strong>de</strong>s<br />

textes que Filigrane a fait paraître en<br />

<strong>de</strong>ux tomes sous le titre « Tout sur mon<br />

père ». Louise Grenier, responsable <strong>de</strong><br />

cet ensemble, présente la sélection<br />

qu’en a faite le Coq Héron.<br />

Ensuite, sont publiés <strong>de</strong>ux textes qui<br />

sont <strong>de</strong>s réactions <strong>de</strong> témoins à la conférence<br />

prononcée par Tarik Ali aux Etats<br />

Généraux <strong>de</strong> la Psychanalyse qui se<br />

sont tenus à Rio <strong>de</strong> Janeiro au début<br />

<strong>de</strong> novembre 2003. Corinne Daubigny<br />

N°2 - TOME XVIII - MARS 2005<br />

tion. Mais ce n’est pas le seul passage<br />

du livre qui va en ce sens. On n’y<br />

compte pas moins <strong>de</strong> 21 citations y<br />

évoquant le risque <strong>de</strong> la folie. Enfin,<br />

dans les <strong>de</strong>rnières pages (3e temps), la<br />

rationalité est rétablie. Axel y découvre,<br />

en particulier, le pourquoi scientifique<br />

du dérèglement inexpliqué <strong>de</strong> leur<br />

boussole, dérèglement qui avait guidé<br />

leurs pas dans la direction inverse <strong>de</strong><br />

celle qu’ils pensaient suivre. Au total, le<br />

Voyage au centre <strong>de</strong> la terre passe par<br />

les trois temps raison-confusion-raison<br />

et n’est ainsi pas autre chose qu’un<br />

Voyage au centre du psychisme déployé<br />

sous nos yeux <strong>de</strong> lecteur (allant <strong>de</strong> la<br />

conscience superficielle et raisonnante<br />

vers l’inconscient profond et anarchique<br />

pour ensuite en revenir en sens<br />

inverse).<br />

BR : Et la dynamique anti dépressive<br />

dont vous parliez ?<br />

MSC : Elle tient à ce que les retrouvailles<br />

du sujet et <strong>de</strong> l’objet perdu (Axel<br />

et sa mère), <strong>de</strong> par leur fusion (fusion<br />

<strong>de</strong>s éléments et pensée confuse), leur<br />

permet <strong>de</strong> s’anastomoser. Ainsi rassérénés,<br />

ils peuvent se séparer. Axel, mûri,<br />

peut quitter sa mère à qui il a pratiquement<br />

fait don <strong>de</strong> son être (en<br />

acceptant <strong>de</strong> courir le risque <strong>de</strong> sa mort<br />

en elle) et celle-ci peut dès lors re<strong>de</strong>venir<br />

sereine. Ce <strong>de</strong>rnier élément est<br />

illustré par le fait que la terre du début<br />

du livre est très triste (le volcan initial est<br />

sis dans les misérables terres <strong>de</strong> l’Islan<strong>de</strong>)<br />

et sa fin très joyeuse (les pentes du<br />

Stromboli sont riantes et chargées <strong>de</strong><br />

fruits). Ce type <strong>de</strong> dynamique antidépressive<br />

se retrouve dans d’autres<br />

œuvres, et pas seulement dans celles<br />

qui ont eu le moins <strong>de</strong> succès. On les<br />

découvre, parmi tant <strong>de</strong> récits, par<br />

exemple à l’œuvre aussi bien dans<br />

Harry Potter que dans Frère <strong>de</strong> ours ou<br />

dans A la recherche du temps perdu ! <br />

Bibliographie<br />

(1) Albin Michel, 2005.<br />

(2) Ce que Marc Soriano a repris en détail<br />

dans Jules Verne, Le cas Verne, publié en<br />

1978 chez Julliard.<br />

(3) Pigott C., Les imagos terribles. Paris, Le<br />

collège <strong>de</strong> psychanalyse groupale et familiale,<br />

1999.<br />

(4) Dupuy L., Dôle, La clef d’argent, 2005.<br />

(5) Matte Blanco I, Thinking, Feeling and<br />

Being. London & New York, Routledge,<br />

1988.<br />

<strong>de</strong>man<strong>de</strong> si « la psychanalyse peut cautionner<br />

l’antisémitisme, le terrorisme, le<br />

fondamentalisme », question justifiée, à<br />

ses yeux, par les propos tenus par ce<br />

conférencier et aussi, et surtout, par les<br />

réactions qu’ils ont suscitées dans l’auditoire<br />

et, dans les temps qui ont suivi,<br />

dans <strong>de</strong>s cercles plus larges <strong>de</strong> la psychanalyse.<br />

Pour étayer son propos, elle<br />

met en question ce qui lui a paru le plus<br />

significatif et le plus inquiétant dans l’argumentation<br />

<strong>de</strong> Tarik Ali, tant dans la<br />

manière <strong>de</strong> traiter ses informations<br />

que ses sources. E<strong>de</strong>lyne Schweidson<br />

concentre son propos sur les liens <strong>de</strong><br />

complicité que le conférencier a pu établir<br />

avec le public, <strong>de</strong>venu alors le sien.<br />

Elle soulève la question <strong>de</strong> l’i<strong>de</strong>ntification<br />

<strong>de</strong> l’auditoire à celui qui lui parle<br />

ou comment celui-ci peut obtenir l’adhésion<br />

à son propos avec <strong>de</strong>s moyens<br />

efficaces pas forcément visibles.<br />

Dans un tout autre domaine, celui <strong>de</strong><br />

l’Education nationale et <strong>de</strong> ses directives,<br />

Claire Blain rapporte ce qui est<br />

proposé afin que le corps enseignant<br />

soit la cheville ouvrière d’une politique<br />

<strong>de</strong> santé mentale à l’école. Au nom <strong>de</strong><br />

la prévention <strong>de</strong>s troubles <strong>de</strong> ce qui est<br />

stigmatisé comme l’hygiénisme mo<strong>de</strong>rne,<br />

les enseignants se voient chargés<br />

<strong>de</strong> les dépister chez chacun <strong>de</strong> leurs<br />

élèves avec une multitu<strong>de</strong> d’outils et <strong>de</strong><br />

questionnaires et chargés, tout autant,<br />

avec quelques autres, <strong>de</strong> faire en sorte<br />

que les troubles constatés soient soignés.


N°2 - TOME XVIII - MARS 2005<br />

Cette intervention répond pour moi<br />

à une contrainte interne, disons en<br />

partie émotionnelle.<br />

Je vais donc employer le « Je », celui qui<br />

est le représentant du sujet et non pas<br />

d’un individu quelconque. « Je », c’est<br />

aussi ne parler pour personne d’autre<br />

que moi, car j’ai la conviction ou le<br />

désir qu’un discours du collectif ne<br />

puisse être élaboré que collectivement.<br />

Je sais aussi que le « Je » et le collectif<br />

sont en interaction réciproque et que je<br />

suis déterminé par ce contexte là, que<br />

je suis construit par mon expérience<br />

dans ce contexte qui lui donne sens<br />

comme en parlent les visions constructivistes<br />

et du constructionnisme social.<br />

Mais employer le « Je », <strong>de</strong> la responsabilité,<br />

<strong>de</strong> l’éthique personnelle, <strong>de</strong><br />

l’action, c’est aussi en retour afficher<br />

une volonté <strong>de</strong> faire changer ce contexte<br />

qui nous pétrit et qui <strong>de</strong>puis quelques<br />

temps, nous fait souffrir anormalement.<br />

Employer le « Je », pas seulement pour<br />

tenir un discours, mais souhaiter <strong>de</strong>s<br />

mots agissants, les partager avec l’espoir<br />

<strong>de</strong> créer <strong>de</strong>s repères, <strong>de</strong>s résonances<br />

collectives, pour qu’à tout<br />

moment reste ouverte la possibilité <strong>de</strong><br />

construire et <strong>de</strong> déconstruire ce qui<br />

nous unit afin d’agir ensemble. Repères<br />

aussi <strong>de</strong> ce qui nous sépare pour avoir<br />

le courage d’y travailler encore, pour<br />

continuer <strong>de</strong>s changements ou simplement<br />

constater une impossibilité.<br />

Vous l’avez déjà compris et constaté,<br />

« Je » suis <strong>de</strong> ceux qui appellent<br />

à un changement :<br />

- Quoi ? Encore un changement ? Alors<br />

que ça change tout le temps qu’on le<br />

veuille ou non.<br />

- Pourquoi un changement <strong>de</strong> plus ?<br />

D’abord, il vise à solutionner un certain<br />

malaise chez moi, j’allais dire vertige,<br />

au regard <strong>de</strong> cette vie hospitalière<br />

que je fréquente <strong>de</strong>puis si longtemps.<br />

J’ai <strong>de</strong> plus en plus l’impression d’un<br />

manque <strong>de</strong> sens, d’un manque <strong>de</strong> liens,<br />

d’un manque <strong>de</strong> suffisamment <strong>de</strong> respect<br />

et d’intérêt réciproque entre les<br />

acteurs que nous sommes dans cet<br />

hôpital. L’idée et l’espoir seraient que<br />

nous pouvons essayer d’avoir un peu<br />

plus <strong>de</strong> maîtrise sur l’orientation que<br />

prend ce changement. C’est une<br />

croyance comme une autre, comme<br />

on le dirait d’être capable <strong>de</strong> mener<br />

un peu mieux sa vie.<br />

- Changer... Tout en sachant que tout<br />

ne peut pas changer. D’abord parce<br />

que tout n’est pas à changer. J’aimerai<br />

que nous fassions l’exercice suivant :<br />

Qu’est-ce que j’aimerais retrouver dans<br />

ma vie professionnelle <strong>de</strong> tous les jours,<br />

qu’est-ce que j’aimerais gar<strong>de</strong>r pour<br />

<strong>de</strong>main et après-<strong>de</strong>main ?<br />

- Changer... Tout en sachant que l’on<br />

ne peut et/ou qu’il ne faut peut-être<br />

que commencer par <strong>de</strong>s petits changements<br />

avec l’espoir secret <strong>de</strong> voir<br />

apparaître l’effet « boule <strong>de</strong> neige ».<br />

- Changer... En acceptant le paradoxe<br />

qu’on ne peut pas savoir parfaitement<br />

au départ avec précisions où l’on veut<br />

aller. Que cela est impossible car ici les<br />

domaines du changement seront choisis<br />

avec les autres, sûrement dans une<br />

action <strong>de</strong> compromis. Parce qu’aussi<br />

l’hôpital ne m’appartient pas, qu’il est<br />

un bien collectif dont j’ai encore aujourd’hui<br />

la faiblesse <strong>de</strong> penser qu’il est<br />

avant tout fait pour les clients à qui<br />

nous <strong>de</strong>vons faire du soin. Pourtant<br />

Bachelard nous disait : « méfions-nous<br />

<strong>de</strong>s évi<strong>de</strong>nces ».<br />

Plus j’avance dans ma carrière, plus je<br />

ressens l’idée, qui peut vous paraître<br />

exorbitante, que ceux qui sont censés<br />

nous diriger, nous arbitrer, ne connaissent<br />

pas assez bien ce que l’on fait,<br />

pour déci<strong>de</strong>r seuls, sans nous. Mais, les<br />

avons-nous bien informés ? Sommesnous,<br />

pour cela, assez clairs dans nos<br />

têtes pour formaliser un message qui<br />

puisse les toucher ? Croyons-nous assez<br />

à notre force, à l’intérêt <strong>de</strong> ce que nous<br />

faisons, pour ne pas nous résoudre à ne<br />

pas être entendus ?<br />

Car, il faudra co-construire les solutions<br />

<strong>de</strong> cette crise en mouvement avec<br />

toutes les forces en présence, définir<br />

<strong>de</strong>s critères qui nous permettront <strong>de</strong><br />

savoir si nous sommes bien en train<br />

<strong>de</strong> réaliser là où nous voulions aller.<br />

Définir <strong>de</strong>s critères qui nous permettrons<br />

<strong>de</strong> dire que ce que nous faisons<br />

est utile à la réalisation <strong>de</strong> l’objectif où<br />

nous avons décidé d’aller et que nos<br />

actes, nos engagements mesurés par<br />

nous et les autres traduisent bien cela.<br />

Vous l’aurez bien compris, « Je »<br />

suis <strong>de</strong> ceux qui se sentent à vif<br />

aujourd’hui, du fait <strong>de</strong> ce double<br />

assassinat <strong>de</strong> Chantal et Lucette.<br />

Cet état émotionnel est-il bon<br />

conseiller ? Je répondrai oui, en partie<br />

pour laisser <strong>de</strong> côté l’adage « on ne peut<br />

raisonner que la tête froi<strong>de</strong> ». Relisez<br />

29ème Festival International Ciné-Vidéo-Psy <strong>de</strong><br />

Lorquin<br />

Retour à Lorquin, après Paris, le 29 ème Festival International Vidéo Psy se déroulera<br />

du 7 au 9 juin prochain dans son cadre habituel : le centre hospitalier<br />

<strong>de</strong> Lorquin.<br />

Comme chaque année, son ambition est d’être le reflet, par l’image <strong>de</strong> l’actualité<br />

<strong>de</strong> la santé mentale et <strong>de</strong>s faits <strong>de</strong> société qui s’y rattachent au travers<br />

d’un double regard, celui <strong>de</strong>s professionnels <strong>de</strong> l’image, témoins du regard<br />

social et celui <strong>de</strong>s professionnels <strong>de</strong> santé soucieux <strong>de</strong> mettre en image, leurs<br />

pratiques, leurs expériences et leurs interrogations.<br />

Ce panorama s’élargira, cette année, à une nécessaire dimension transculturelle<br />

avec la collaboration <strong>de</strong> l’Association Minkowska et <strong>de</strong> <strong>Psychiatrie</strong> sans<br />

Frontière. Ces films venus d’ailleurs permettront <strong>de</strong> mieux comprendre les<br />

différentes approches culturelles <strong>de</strong> la souffrance psychique.<br />

Notre champ professionnel traverse, actuellement, <strong>de</strong> graves difficultés amenant<br />

un questionnement i<strong>de</strong>ntitaire. Que ce 29 ème Festival nous ouvre <strong>de</strong>s<br />

perspectives plus sereines, que <strong>de</strong>s témoignages enthousiastes nous permettent<br />

<strong>de</strong> relancer une dynamique ou la psychiatrie retrouvera ses lettres <strong>de</strong><br />

noblesse, s’articulant comme il se doit sans conflit dans le champ <strong>de</strong> la santé<br />

mentale.<br />

Qu’une fois encore Lorquin soit ce lieu <strong>de</strong> rencontre, d’échanges dans une<br />

atmosphère conviviale transcendant les différentes catégories professionnelles,<br />

c’est le souhait <strong>de</strong> notre petite équipe.<br />

L’équipe du Festival<br />

ASSOCIATION FESTIVAL PSY, 5 rue du Général <strong>de</strong> Gaulle, 57790 Lorquin. www.cnasm.prd.fr<br />

Tél. : 03 97 23 14 12. Fax : 03 87 23 15 84.<br />

L’association assure également la gestion du Centre National <strong>de</strong> documentation audiovisuelle<br />

en Santé Mentale, 5 rue du Général <strong>de</strong> Gaulle, 57790 Lorquin. Tél. : 03 87 23 14 79.<br />

Fax : 03 87 23 15 84. www.cnasm.prd.fr<br />

Le CNASM propose ses nouveautés ainsi qu’un catalogue <strong>de</strong> plus <strong>de</strong> 350 films.<br />

Contribution à la CME exceptionnelle du<br />

10 janvier 2005 sur la situation <strong>de</strong> crise<br />

du Centre Hospitalier <strong>de</strong>s Pyrenées<br />

L’erreur <strong>de</strong> Descartes. Cet état émotionnel,<br />

je le ressens aujourd’hui plutôt<br />

comme une force. Il me pousse à<br />

souhaiter que ces morts là, empêchent<br />

que cette crise se referme en laissant les<br />

choses comme avant. Cette émotion<br />

déclenche quelque chose par effet <strong>de</strong><br />

résonance et il faut que se marque,<br />

que s’inscrive, que nous inscrivions collectivement,<br />

si possible en positif,<br />

quelque chose <strong>de</strong> cet événement. Un<br />

rituel collectif ? Comme les groupes<br />

savent en sécréter face à cet acte qui<br />

peut ressembler à un sacrifice. Parce<br />

que cet acte et ses conséquences sont<br />

proches, nous ont touchés, semblent<br />

avoir touché nombre d’entre nous,<br />

il n’a plus rien à voir alors avec cette<br />

longue litanie d’images <strong>de</strong>s faits divers<br />

dont les médias ont le secret.<br />

Bien sûr le désir <strong>de</strong> changement existait<br />

avant, mais allions-nous dans la bonne<br />

direction ?<br />

Je ne peux pas ne pas ressentir <strong>de</strong> la<br />

culpabilité. Je ne peux pas, ne pas imaginer<br />

une part <strong>de</strong> responsabilité collective<br />

concernant ces événements. Ne<br />

serait-ce que par une sous-estimation<br />

du vécu <strong>de</strong> peur et <strong>de</strong> danger qu’ont<br />

exprimé et fait remonter <strong>de</strong>puis pas<br />

mal <strong>de</strong> temps <strong>de</strong>s personnels, sans être<br />

entendus. Certes, je n’enfourcherai pas<br />

le discours du tout sécuritaire. Certes<br />

l’extraordinaire violence <strong>de</strong>s faits ne<br />

fait peut-être pas partie du prédictible,<br />

et est, peut-être, en partie à renvoyer du<br />

côté du hasard ; mais je tiens ici à<br />

témoigner <strong>de</strong> ce que j’ai entendu par<br />

les équipes dès le Samedi 18, sur le<br />

fait qu’un certain nombre d’entre-elles<br />

vivaient ce travail <strong>de</strong> nuit avec angoisse<br />

et craintes. C’est comme si je découvrais<br />

cela. Ai-je bien écouté ? Certains<br />

cadres affirment que tout cela a été<br />

exprimé dans différents staffs. On ne<br />

peut éviter la question <strong>de</strong> savoir si nous<br />

pouvions prévenir ces crimes. On ne<br />

peut élu<strong>de</strong>r la question <strong>de</strong> la responsabilité.<br />

On ne peut pas éviter la colère,<br />

même si cela témoigne plus, en partie,<br />

<strong>de</strong> notre ré-élaboration <strong>de</strong> <strong>de</strong>uil<br />

que d’une causalité effective et directe.<br />

Culpabilité aussi, ou craintes plutôt,<br />

sans doute partagées par pas mal<br />

d’entre-nous, si <strong>de</strong>main nous avions<br />

connaissance que le ou les criminels<br />

sont <strong>de</strong>s patients qui n’auraient pas fait<br />

l’objet d’un suivi suffisamment vigilant.<br />

On ne peut pas, non plus, ne pas se<br />

questionner sur les garanties que l’on se<br />

doit <strong>de</strong> donner concernant les missions<br />

sociales et sécuritaires <strong>de</strong> la psychiatrie.<br />

Il faudra bien qu’un jour, on se<br />

rappelle que l’envoi d’un nombre <strong>de</strong><br />

plus en plus grand <strong>de</strong> mala<strong>de</strong>s mentaux<br />

dans les prisons, n’est pas une<br />

véritable solution. Il manque cette articulation<br />

<strong>de</strong> la loi et du soin. Je ne peux<br />

pas m’empêcher <strong>de</strong> dire ou <strong>de</strong> redire<br />

que nos débats sur les interfaces entre<br />

pôles, à propos <strong>de</strong>s suivis <strong>de</strong>s mala<strong>de</strong>s<br />

en HDT ou en HO nous fait parfois<br />

flirter avec l’irresponsabilité. Comment<br />

conjuguer une réflexion collective<br />

approfondie avec la responsabilité individuelle<br />

du thérapeute qui fait penser<br />

que, parfois, nous sommes très pointilleux<br />

sur la liberté <strong>de</strong> mener dans ce<br />

domaine notre politique <strong>de</strong> soins dans<br />

notre petit coin. Je crois que nous<br />

<strong>de</strong>vons plus rendre compte <strong>de</strong> nos<br />

décisions au collectif. Je crois qu’il faut<br />

que nous montrions avec transparence<br />

nos faiblesses, nos choix difficiles, nos<br />

méthodologies, nos critères <strong>de</strong> décisions,<br />

afin <strong>de</strong> ne pas donner trop l’impression<br />

<strong>de</strong> faire <strong>de</strong>s paris sur l’avenir.<br />

Qui n’a pas lu certains dossiers où la<br />

prise en charge d’un patient en sortie<br />

d’essai s’interrompt, ce qui n’est pas<br />

choquant en soi, mais sans que l’on<br />

sache très bien le sens <strong>de</strong> cet arrêt et la<br />

position du thérapeute. Il faut expliquer<br />

cela. Expliquer au réseau pourquoi<br />

un mala<strong>de</strong> hospitalisé 19 ou 20<br />

fois <strong>de</strong>vient d’un seul coup décrété<br />

non problématique et ne relevant plus<br />

du soin, alors qu’il pose <strong>de</strong>s problèmes<br />

sur la voie publique.<br />

Je suis <strong>de</strong> ceux qui veulent changer<br />

car ils sont dans une impasse<br />

dans leur travail et qui souhaite<br />

votre ai<strong>de</strong> collective, votre intérêt,<br />

vos conseils, un partage.<br />

Dans mes moments <strong>de</strong> colère, j’ai un<br />

sentiment d’abandon où j’imagine que<br />

vous pensez que l’équipe <strong>de</strong> Gérontopsychiatrie<br />

a réglé le problème <strong>de</strong>s<br />

vieux dans cet hôpital, au sens où le<br />

seul problème posé était la sur-occupation<br />

<strong>de</strong>s lits dans les années 80 par<br />

les personnes âgées. Alors, puisque c’est<br />

réglé, tout le mon<strong>de</strong> se moque <strong>de</strong> la<br />

suite.<br />

Je pose ici la question <strong>de</strong> la vie <strong>de</strong>s institutions,<br />

<strong>de</strong> leur évolutivité, <strong>de</strong> l’énergie,<br />

<strong>de</strong> l’obstination, <strong>de</strong> la souffrance<br />

parfois qu’il faut à une équipe pour<br />

mener à bien un projet. Est-ce bien<br />

normal que dans la fonction publique<br />

il faille au moins 10 ans pour réaliser un<br />

projet ? Où sont les lour<strong>de</strong>urs ? Où<br />

est la fixité, où sont nos rigidités ? Que<br />

faire pour assouplir tout cela ? Comment<br />

se protéger ainsi <strong>de</strong> cela ? Ce<br />

que je n’ai manifestement pas encore<br />

su faire. Mais comment aussi protéger<br />

les équipes quand on accepte d’être<br />

responsable d’un service ?<br />

Pourquoi les Tutelles ne nous ai<strong>de</strong>nt<br />

pas plus à ce sujet ? Ce n’est pas faute<br />

<strong>de</strong> dire, d’écrire les difficultés dans lesquelles<br />

nous nous trouvons.<br />

Je suis <strong>de</strong> ceux qui s’interrogent,<br />

qui ne peuvent s’empêcher <strong>de</strong> penser<br />

à un lien, une résonance entre<br />

ces <strong>de</strong>ux morts affreuses et quelque<br />

chose autour <strong>de</strong> l’ambiance que<br />

nous construisons dans cet hôpital,<br />

dans la psychiatrie publique, dans la<br />

psychiatrie en général, etc.<br />

Il ne s’agit pas ici, une fois <strong>de</strong> plus, <strong>de</strong><br />

parler <strong>de</strong> causalités directes, mais peutêtre<br />

<strong>de</strong> processus facilitateurs :<br />

- Quel rapport au malaise chronique<br />

dans cet hôpital, avec le sentiment<br />

qu’ont les personnels <strong>de</strong> ne pas toujours<br />

être entendus ? Est-ce partout<br />

ainsi ? Sommes-nous <strong>de</strong>s râleurs professionnels<br />

?<br />

- Quel rapport avec notre clientèle marquée<br />

du sceau d’une mort si proche ?<br />

- Quel rapport avec cette perte <strong>de</strong> sens<br />

collectif que je ressens et ces morts<br />

insensées ?<br />

- Quel rapport entre les jeux <strong>de</strong> pouvoirs<br />

épuisants dans l’institution et cette<br />

mise en acte d’un pouvoir absolu sur<br />

l’autre dans la décision <strong>de</strong> le faire disparaître<br />

? (Je sais que les jeux <strong>de</strong> pouvoir<br />

appartiennent naturellement à<br />

toute relation, mais c’est la façon dont<br />

ils sont exercés qui peut poser problèmes.<br />

C’est en partie la question <strong>de</strong><br />

la gestion <strong>de</strong> conflits, d’un manque <strong>de</strong><br />

transparence, d’un trop <strong>de</strong> triangulation.)<br />

- Notre institution est-elle saine ? Plus<br />

saine ou moins saine que les autres ?<br />

Est-ce une question que vous vous<br />

posez ? Qu’est qu’une institution saine ?<br />

Cette question, je me la suis posée,<br />

avec d’autres dès 1985, quand un groupe<br />

a fait ce projet <strong>de</strong> Gérontopsychiatrie.<br />

Cette annonce d’un changement<br />

m’a fait percevoir <strong>de</strong> la violence, sinon<br />

<strong>de</strong> la menace autour <strong>de</strong> moi et j’étais<br />

ainsi menaçant pour l’équilibre <strong>de</strong><br />

l’institution. Est-ce une illusion ? Est-ce<br />

que nous prenons assez en compte<br />

le fait que nous sommes tous porteurs<br />

<strong>de</strong> violence, qui ne <strong>de</strong>man<strong>de</strong><br />

<br />

LIVRES<br />

TÉMOIGNAGE ■ 13<br />

La psychiatrie en mutation<br />

Les Cahiers Hospitaliers 2004<br />

N°206, 9 €<br />

Berger-Levrault*<br />

Les Cahiers hospitaliers présentent un<br />

dossier remarquable, consacré à l’évolution<br />

<strong>de</strong> la psychiatrie en France. Le<br />

ton est donné dès l’éditorial <strong>de</strong> Jean-<br />

Noël Cabanis : « Lorsqu’ils sont insérés<br />

dans les services classés « MCO » les<br />

psychiatres sont, en général, ceux qui<br />

bougent, qui se battent et argumentent.<br />

Avec leurs armes, confrontés aux<br />

disciplines médicales plus ordinaires,<br />

et ils ne s'en sortent pas si mal. Lorsqu’ils<br />

chassent en meute, dans les établissements<br />

spécialisés (publics ou privés)<br />

les discussions sont plus ru<strong>de</strong>s et<br />

les changements en général mo<strong>de</strong>stes,<br />

l’administration pouvant toujours utiliser<br />

l’arme fatale <strong>de</strong> leurs divisions.<br />

Qui peut citer aujourd’hui les syndicats<br />

représentatifs en psychiatrie ? Mais les<br />

résultats sont là, et notre système apparaît<br />

soli<strong>de</strong>, malgré <strong>de</strong> fortes et injustes<br />

inégalités d’accès, géographiques,<br />

sociales et financières, ce qui n’est pas<br />

la même chose. Le système est soli<strong>de</strong><br />

et utile à la communauté. Cela n’est<br />

pas contestable et il suffit <strong>de</strong> passer une<br />

nuit en service d’accueil <strong>de</strong>s urgences<br />

psychiatriques pour s’en convaincre.<br />

Les moyens ont donc suivi, avec la bénédiction<br />

<strong>de</strong>s administrations et <strong>de</strong>s<br />

politiques, si l’on en juge par le nombre<br />

<strong>de</strong> professionnels qui exercent en établissement,<br />

en ville, en structures intermédiaires.<br />

Il n’est pas inintéressant<br />

<strong>de</strong> se comparer aux pays <strong>de</strong> l’Union<br />

européenne à cet égard, en consultant<br />

l’excellente base <strong>de</strong> données <strong>de</strong> l’IRDES<br />

(ECO-santé). »<br />

Les textes qui suivent sont tous d’un<br />

grand intérêt, qu’il s’agisse <strong>de</strong> La réforme<br />

du service public <strong>de</strong> psychiatrie<br />

par P. Mor<strong>de</strong>let, La conduite du changement<br />

en santé mentale par Jean-<br />

Marie Fessler, Quelle place pour le secteur<br />

psychiatrique dans la nouvelle<br />

planification sanitaire ? par Eric Graindorge,<br />

Le recours aux soins <strong>de</strong>s troubles<br />

mentaux s’accroît par Magali Coldèfy<br />

ou <strong>de</strong> Les représentations <strong>de</strong> la maladie<br />

mentale dans la population par A.<br />

Caria.<br />

* 3 rue Ferrus, 75014 Paris. Tél. 01 40 64 42 32.<br />

Fax : 01 40 64 42 40. E-mail :advble@bergerlevrault.fr<br />

Adapter les établissements<br />

pour personnes âgées<br />

Besoins, réglementation,<br />

tarification<br />

Alain Villez<br />

Dunod<br />

On assite à une évolution sensible<br />

<strong>de</strong>s besoins sociaux et médico-sociaux<br />

exprimés par les personnes<br />

âgées. Les marqueurs <strong>de</strong> cette évolution<br />

sont bien connus : <strong>de</strong>s <strong>de</strong>man<strong>de</strong>s<br />

d’admission en établissement<br />

qui <strong>de</strong>vraient s’accroître très<br />

rapi<strong>de</strong>ment; un âge moyen d’entrée<br />

dans les établissements supérieur à<br />

84 ans ; un niveau moyen d’incapacité<br />

fonctionnelle en constante évolution<br />

et <strong>de</strong>s pathologies <strong>de</strong> plus en<br />

plus nombreuses, parmi lesquelles la<br />

maladie d’Alzheimer et les pathologies<br />

apparentées (800 000 personnes<br />

seraient aujourd’hui concernées). Face<br />

à ce constat, l’ensemble <strong>de</strong>s établissements<br />

est invité à s’interroger sur<br />

le sens à donner aux prestations qu’ils<br />

délivrent et sur le statut qu’ils reconnaissent<br />

aux rési<strong>de</strong>nts et à leur famille<br />

au sein même <strong>de</strong> l’établissement.<br />

La première partie <strong>de</strong> l’ouvrage<br />

détaille l’évolution <strong>de</strong>s besoins d’hébergement<br />

et la structuration <strong>de</strong> l’offre.<br />

La secon<strong>de</strong> analyse les réformes récentes<br />

relatives à la tarification et au<br />

fonctionnement <strong>de</strong>s EHPAD. En annexe,<br />

ce livre fournit les principaux<br />

outils d’auto-évaluation (AGGIR, ANGÉ-<br />

LIQUE et Afnor Geriapa). Il propose<br />

également un modèle <strong>de</strong> règlement<br />

<strong>de</strong> fonctionnement <strong>de</strong>s EHPAD.


14<br />

■ TÉMOIGNAGE ■ EXPOSITION<br />

LIVRES ET REVUES<br />

Maladie Mentale et<br />

Situations <strong>de</strong> Handicap<br />

Pratiques en santé mentale<br />

Revue Pratique <strong>de</strong> Psychologie <strong>de</strong> la<br />

Vie Sociale et d’Hygiène Mentale<br />

2005, n°1, 11 €<br />

A la veille <strong>de</strong> la promulgation <strong>de</strong> la<br />

loi sur « l’égalité <strong>de</strong>s droits, la participation<br />

et la citoyenneté <strong>de</strong>s personnes<br />

handicapées », il était important que<br />

la Fédération d’Ai<strong>de</strong> à la Santé Mentale<br />

Croix-Marine approfondisse sa<br />

réflexion sur le handicap auquel les<br />

usagers et les familles attachent tant<br />

d’importance. Pendant longtemps, la<br />

psychiatrie a été i<strong>de</strong>ntifiée à son dispositif<br />

institutionnel, si ce n’est même<br />

au nombre <strong>de</strong> ses lits. Ce n’est plus<br />

le cas et cela implique que <strong>de</strong>s aménagements<br />

soient proposés pour répondre<br />

aux conséquences sociales<br />

<strong>de</strong>s pathologies psychiatriques au<br />

long cours, c’est-à-dire aux situations<br />

<strong>de</strong> handicap. Mais, quels qu’ils soient :<br />

accueil dans <strong>de</strong>s institutions médicosociales,<br />

logement associatif, tentatives<br />

<strong>de</strong> réinsertion professionnelle,<br />

clubs d’entrai<strong>de</strong>, il reste un impératif<br />

majeur : la continuité <strong>de</strong>s soins. Il a<br />

justifié la pratique <strong>de</strong> secteur et, plus<br />

que jamais, celle-ci reste d’actualité.<br />

Les Journées <strong>de</strong> Vannes on permis<br />

<strong>de</strong> retrouver ce qui fait la singularité<br />

<strong>de</strong> la Fédaration d’Ai<strong>de</strong> à la Santé<br />

Mentale Croix Marine : extrême diversité<br />

d’origine <strong>de</strong>s participants tant<br />

sur le plan professionnel que géographique,<br />

richesse <strong>de</strong>s expériences<br />

présentées, qualité <strong>de</strong>s échanges. A<br />

cela, il faut ajouter l’intérêt <strong>de</strong>s exposés<br />

initiaux (F. Chapireau, B. Durand,<br />

C. Dejours, L.M. Villerbu, J. Kristeva,<br />

C. Mille) comme celui d’une<br />

table-ron<strong>de</strong> et <strong>de</strong>s ateliers qui sont<br />

restitués dans ce numéro.<br />

Co-éduquer<br />

Pour un développement social<br />

durable<br />

Frédéric Jésu<br />

Dunod, 23 €<br />

Ce livre est un plaidoyer en faveur<br />

<strong>de</strong> la coopération <strong>de</strong>s parents, <strong>de</strong>s<br />

professionnels et <strong>de</strong>s autres acteurs,<br />

privés ou publics, <strong>de</strong> l’éducation familiale,<br />

sociale et institutionnelle. Il<br />

propose <strong>de</strong> promouvoir l’articulation,<br />

voire la confrontation, <strong>de</strong> l’ensemble<br />

<strong>de</strong>s logiques, <strong>de</strong>s cultures, <strong>de</strong>s sentiments<br />

qui déterminent chez les adultes<br />

les espaces et les temps éducatifs <strong>de</strong>stinés<br />

aux enfants. Tout plaidoyer est<br />

nourri d’observations, <strong>de</strong> convictions<br />

et d’argumentations. Celles-ci doivent<br />

être d’autant plus ouvertes à la discussion<br />

que le concept <strong>de</strong> « co-éducation<br />

» est loin, non seulement <strong>de</strong><br />

faire l’objet d’un consensus entre les<br />

acteurs concernés, mais aussi d’être<br />

inscrit au catalogue <strong>de</strong> leurs références.<br />

Ce livre se présente comme une<br />

ébauche <strong>de</strong> référentiel théorique pour<br />

concevoir, mettre en œuvre et évaluer<br />

les formes que peut prendre la<br />

coopération <strong>de</strong>s éducateurs, <strong>de</strong> métier<br />

ou <strong>de</strong> fait, dans les différentes circonstances<br />

où elle s’avère souhaitable<br />

et faisable. Il est soumis aux<br />

appréciations <strong>de</strong> ceux et celles que<br />

leurs responsabilités, parentales ou<br />

institutionnelles, amènent à traduire<br />

leurs intuitions ou leurs convictions<br />

en principes, et leurs principes en actions.<br />

Il s’agit d’inciter à échanger <strong>de</strong>s<br />

points <strong>de</strong> vue et à rapprocher <strong>de</strong>s<br />

compétences <strong>de</strong> façon méthodique<br />

et délibérée, et pas seulement sous<br />

la pression <strong>de</strong>s situations <strong>de</strong> crise et<br />

<strong>de</strong> la gestion <strong>de</strong>s problèmes individuels<br />

; autrement dit, à sortir <strong>de</strong> l’isolement<br />

pour conjuguer recherches et<br />

moyens, et surtout pour le faire dans<br />

une perspective <strong>de</strong> projet.<br />

<br />

qu’à s’exprimer dans certains contextes<br />

et qui peut déstabiliser les plus fragiles<br />

d’entre nous, même s’ils ne sont pas<br />

considérés comme <strong>de</strong>s mala<strong>de</strong>s.<br />

Je suis <strong>de</strong> ceux qui ne savent pas<br />

trop ce qu’il faudrait faire ? Qui ne<br />

savent pas vraiment comment analyser<br />

cette situation où s’enchevêtrent<br />

situation précaire <strong>de</strong> l’hôpital,<br />

traumatisme <strong>de</strong> ces <strong>de</strong>ux morts, qui<br />

fonctionnent comme un analyseur<br />

à son tour, comme une caisse <strong>de</strong><br />

résonance <strong>de</strong> la crise <strong>de</strong> notre hôpital<br />

et peut-être <strong>de</strong> toute la psychiatrie<br />

publique, comme en attestent<br />

les messages que nous avons reçus.<br />

Mon repère, c’est <strong>de</strong> dire que nous<br />

sommes face à une complexité, qui<br />

par définition ne peut se définir simplement<br />

ou en quelques mots. Mais<br />

surtout que l’on ne peut comprendre<br />

avant d’agir. Mais surtout aussi où l’action<br />

sera dialogique, soit qu’elle intégrera<br />

nos contractions radicales. La<br />

complexité c’est l’ouverture et l’aventure,<br />

c’est l’action dans la réalité pour<br />

enfin la découvrir. C’est peut-être avant<br />

tout <strong>de</strong>s métho<strong>de</strong>s d’action instituées,<br />

garanties consensuellement où nous<br />

trouverons <strong>de</strong>s solutions, sans savoir<br />

encore vraiment lesquelles, nous aurons<br />

à choisir, à expérimenter, traduisant un<br />

foisonnement d’idées, <strong>de</strong> visions, <strong>de</strong><br />

contextes, d’hypothèses. Tout en se<br />

souvenant que notre statut est celui<br />

d’aveugles tâtonnant, découvrant,<br />

créant <strong>de</strong>s solutions dont on ne vérifie<br />

Dans une exposition, du 11 au 27 janvier<br />

2005, à la Galerie Crous-Beaux-<br />

Artss*, Pascale Valentinelli et l’équipe <strong>de</strong><br />

l’hôpital <strong>de</strong> jour d’Antony, avec la collaboration<br />

<strong>de</strong> Corinne Ben Samoun,<br />

prési<strong>de</strong>nte <strong>de</strong> Zig Zag Color et Catherine<br />

Allier, prési<strong>de</strong>nte <strong>de</strong> Futur composé<br />

ont présenté <strong>de</strong>s peintures, encres<br />

et colages <strong>de</strong> jeunes artistes <strong>de</strong>s hôpitaux<br />

<strong>de</strong> jour d’Antony (92), Santos-<br />

Dumont (75), Chevilly-Larue (94),<br />

Sèvres (92) ; <strong>de</strong>s Instituts médico-éducatifs<br />

: Alternance Bourg-la-Reine (92),<br />

Alternance Paris (75) ; <strong>de</strong> foyers spécialisés<br />

comme Alternat (92), Meriel<br />

(95).<br />

Les peintures exposées, gaies ou troublantes,<br />

rayonnantes ou chaotiques,<br />

semblent relever <strong>de</strong> l’art brut. Chacune<br />

suit son propre cheminement pour<br />

aboutir à une élaboration originale. A<br />

bien y regar<strong>de</strong>r, la plupart épousent<br />

pourtant, discrètement, <strong>de</strong>s courants<br />

artistiques reconnus. L’une suit l’élan<br />

fauve <strong>de</strong> Matisse, l’autre l’exigence abstraite<br />

<strong>de</strong> Paul Klee ou le maniérisme<br />

minutieux d’Henri Michaux, etc.<br />

Comme si ces jeunes évoluaient « Sur<br />

les traces <strong>de</strong> » leurs célèbres prédécesseurs.<br />

Certaines institutions, refusant l’hospitalisation<br />

traditionnelle, proposent divers<br />

ateliers (dont le <strong>de</strong>ssin et la peinture) et<br />

expositions afin <strong>de</strong> confronter ces<br />

jeunes au mon<strong>de</strong>. Sous la direction <strong>de</strong><br />

plasticiens, ces <strong>de</strong>rniers manient le pinceau<br />

ou le bambou, se jouent <strong>de</strong>s<br />

formes et <strong>de</strong>s couleurs avec une<br />

concentration surprenante. L’accueil<br />

heureux fait à leurs productions les<br />

introduit dans notre société. Un réseau<br />

subtil <strong>de</strong> communication s’établit et<br />

ébauche une vie en communauté. Ces<br />

créations, puissamment personnelles,<br />

révèlent une relation secrète à l’art et au<br />

sentiment d’être artiste.<br />

Adolescents et jeunes gens s’emparent,<br />

chacun à sa façon, <strong>de</strong> la création.<br />

Cédric, hanté par les visages ou les animaux<br />

bondissant, éclabousse sa toile<br />

<strong>de</strong> couleur. Fe<strong>de</strong>rico retrace avec obstination,<br />

vingt fois <strong>de</strong> suite, les contours<br />

souvent la justesse que dans l’aprèscoup<br />

<strong>de</strong> l’action.<br />

Vous voyez, c’est plutôt un message<br />

d’espoir, même si le chemin n’est pas<br />

tout tracé et que nous seuls le traçons.<br />

Je vous renvoie aussi à ce mouvement<br />

ou cette ambiance actuelle, qui voudrait<br />

que l’on abandonne un peu l’idée<br />

<strong>de</strong> toujours se plaindre, ce que traduit<br />

F. Roustang, dans son livre La fin <strong>de</strong> la<br />

plainte.<br />

Parce qu’avec la même fermeté, le<br />

même sentiment d’être quelqu’un<br />

<strong>de</strong>bout. Si la fonction publique, si l’institution<br />

opprime ses membres, si elle ne<br />

leur permet pas <strong>de</strong> donner le meilleur<br />

d’eux-mêmes, en créant, en s’épanouissant<br />

pour les objectifs et le mandat<br />

qu’elle a reçus, alors il faudra la<br />

remettre radicalement en cause. Et<br />

nous avons aussi en nous les potentialités<br />

pour la paralyser, la saboter encore<br />

plus peut-être.<br />

Que faire ?<br />

• Créer d’urgence un espace <strong>de</strong> paroles<br />

et <strong>de</strong> gestion commune qui va lutter<br />

contre le surcroît <strong>de</strong> clivage, <strong>de</strong> triangulations,<br />

<strong>de</strong> façon à ce que ce qui doit<br />

être dit à quelqu’un lui soit dit et non<br />

rapporté. Une sorte <strong>de</strong> commission<br />

adhoc, que j’ai à plusieurs reprises évoquée,<br />

en particulier avec la direction,<br />

mais qui semble à ce sujet ne pas m’entendre.<br />

Il faut pour cela qu’un état <strong>de</strong>s<br />

lieux <strong>de</strong> tout ce qui fait problème soit<br />

abordé sans tabou, en prenant le temps<br />

et l’engagement <strong>de</strong> le faire. Nous<br />

n’avons pas besoin d’une décision <strong>de</strong><br />

Sur les traces <strong>de</strong>...<br />

autiste ou artiste, une<br />

lettre <strong>de</strong> différence<br />

d’hommes préhistoriques. François<br />

reconstitue, personnage par personnage,<br />

une immense « foule <strong>de</strong> Chine ».<br />

Claire s’immobilise extatique, esquisse<br />

puis noircit <strong>de</strong>s portraits insolites, se<br />

lève et lance un impérieux « J’ai fini ».<br />

Mohamed trace gravement <strong>de</strong> lourds<br />

bateaux sur une mer poissonneuse,<br />

sous <strong>de</strong>s nuages en saucisson ; puis il<br />

hume l’air à droite et à gauche, se dresse<br />

et entame une danse africaine avant<br />

<strong>de</strong> se rassoir pour reprendre son travail.<br />

Cette quête et cette découverte du<br />

bonheur <strong>de</strong> peindre fait sortir ces<br />

jeunes artistes <strong>de</strong> l’isolement. Chaque<br />

tableau établit une passerelle inattendue.<br />

Des pistes multiples s’entrecroisent<br />

sous notre regard, souvent strict<br />

et conformiste, qui perd peu à peu ses<br />

préjugés. Toutes imposent, avec force,<br />

le droit à l’art, à l’inspiration et à l’invention.<br />

Autant <strong>de</strong> démarches d’intégration<br />

à notre société que leurs bizarreries<br />

inquiètent. Nos yeux apprennent<br />

à se poser sur leurs tableaux et se laissent<br />

apprivoiser : celui qui entre ici<br />

n’est plus le même lorsqu’il en sort.<br />

Avec quel soutien ?<br />

• Celui du docteur Gilles Roland-<br />

Manuel, directeur <strong>de</strong> l’hôpital <strong>de</strong> jour<br />

d’Antony et fondateur <strong>de</strong> l’association<br />

Futur Composé : « La société donne<br />

aux autistes le statut d’incapable majeur,<br />

nous pensons qu’ils sont néanmoins, les<br />

œuvres exposées le prouvent, capables<br />

d’intuitions majeures ».<br />

• <strong>de</strong> Pascale Valentinelli, artiste-peintre<br />

et plasticienne initiatrice <strong>de</strong> cette exposition.<br />

Sa sélection exigeante <strong>de</strong>s<br />

tableaux est fondée sur vingt-<strong>de</strong>ux ans<br />

d’enseignement <strong>de</strong> l’art aux musées<br />

<strong>de</strong>s Arts décoratifs, d’Art mo<strong>de</strong>rne et au<br />

Centre Pompidou.<br />

• <strong>de</strong> Jane Hervé, écrivain et journaliste,<br />

participant à la conception et à la réalisation<br />

culturelle du projet.<br />

• <strong>de</strong> Caroline El-Ouali-Kojnok, chef du<br />

service éducatif et créatrice <strong>de</strong> l’atelier<br />

<strong>de</strong> peinture à Antony.<br />

quiconque pour l’instituer. Y seront<br />

invitées, toutes les forces vives <strong>de</strong> cet<br />

hôpital et au-<strong>de</strong>là. Arrêtons <strong>de</strong> râler<br />

contre l’éventuelle nouvelle gouvernance.<br />

Créons la nôtre. Je vous apprend<br />

que quand nous avons rencontré le<br />

Ministre <strong>de</strong> la Santé, il a reconnu une<br />

crise profon<strong>de</strong> et un retard <strong>de</strong> la psychiatrie<br />

publique qui s’ajoutait chez<br />

nous à la crise humaine que vous savez.<br />

Il a dit je crois « que nous <strong>de</strong>vions être<br />

exemplaires ». Alors prenons le au mot,<br />

soyons exemplaires, au sens <strong>de</strong> donner<br />

l’exemple pour qu’il nous ai<strong>de</strong> et<br />

que l’on apprenne aussi aux déci<strong>de</strong>urs<br />

ce qu’est la psychiatrie publique, au<br />

moins dans notre version. Pour cela,<br />

nous l’avons dit et écrit, nous souhaitons<br />

une mission d’appui et nous ne<br />

<strong>de</strong>mandions pas une mission <strong>de</strong> l’IGAS.<br />

Cette <strong>de</strong>rnière a <strong>de</strong>mandé à rencontrer<br />

les quatre mé<strong>de</strong>cins du conseil<br />

d’Administration ce Jeudi 13 Janvier à<br />

19h. Nous ne connaissons même pas le<br />

mandat exact <strong>de</strong> cette mission. Est-ce<br />

que vous nous donnez mandat pour<br />

y aller, et pour dire quoi ? Par ailleurs,<br />

aurons-nous l’audace d’exiger la mission<br />

d’enquête ? Comment ?<br />

1°) En le re<strong>de</strong>mandant au Ministre et à<br />

l’ARH tout en précisant que sous réserve<br />

d’une réponse négative, nous continuerons<br />

d’abandonner la gestion <strong>de</strong><br />

cet hôpital et par exemple <strong>de</strong> rentrer les<br />

actes PMSI.<br />

2°) Autre façon, pour créer un contexte<br />

extraordinaire, pour une situation<br />

extraordinaire. Si nous n’obtenons pas<br />

• <strong>de</strong> Corinne Ben Samoun, directrice<br />

<strong>de</strong> l’IME Altenance 75 et prési<strong>de</strong>nte<br />

<strong>de</strong> Zig Zag Color.<br />

• <strong>de</strong> Catherine Allier, directrice <strong>de</strong> l’IME<br />

Alternance 92 et prési<strong>de</strong>nte du Futur<br />

Composé.<br />

• <strong>de</strong> Hélène Villefort, directrice <strong>de</strong> la<br />

Galerie Crous-Beaux-Arts.<br />

• d’un collectif <strong>de</strong> centres et d’associations<br />

spécialisés dans la prise en charge<br />

<strong>de</strong> personnes autistes et troubles apparentés.<br />

Les hôpitaux <strong>de</strong> jour d’Antony,<br />

37 avenue Léon Jouhaux, 92160<br />

Antony ; Santos-Durnont, 25 villa Santos<br />

Dumont, 75014 Paris ; <strong>de</strong> Chevilly-Larue,<br />

50, rue du Petit Leroy,<br />

94556 Chevilly-Larue ; <strong>de</strong> Sèvres, 12<br />

rue Ernest Renan, 92310 Sèvres. Les<br />

instituts médico-éducatifs Alternance<br />

N°2 - TOME XVIII - MARS 2005<br />

gain <strong>de</strong> cause, ceux qui en sont d’accord,<br />

et sous réserve d’organisation<br />

minimum, pour respecter l’intérêt <strong>de</strong>s<br />

mala<strong>de</strong>s et <strong>de</strong>s familles, nous pourrions<br />

débuter une grève <strong>de</strong> la faim collective,<br />

en invitant à Pau, dans un large débat<br />

ininterrompu, les médias, les partenaires<br />

<strong>de</strong> toute la France, syndicalistes ou non<br />

qui se sont montrés si attentifs.<br />

• Faire autorité sans être autoritaire, ni<br />

faire <strong>de</strong> l’autoritarisme, c’est montrer<br />

notre détermination à déci<strong>de</strong>r pour<br />

nous <strong>de</strong> façon réfléchie, c’est changer<br />

notre façon d’être, c’est continuer <strong>de</strong><br />

définir une qualité et une transparence<br />

<strong>de</strong>s prestations et <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r aux autres<br />

ce qu’ils pensent. Si l’on veut que les<br />

autres changent à notre égard, il faut<br />

sans doute que nous commencions à<br />

changer nous-mêmes.<br />

Quelles sont les thématiques multiples<br />

que j’aimerai abor<strong>de</strong>r et dont<br />

la liste n’est pas close ?<br />

- Va-t-on arrêter <strong>de</strong> dire qu’il faut associer<br />

les mé<strong>de</strong>cins à la gestion (qui est<br />

une bonne idée), tout en leur déniant<br />

le temps pour le faire, la possibilité <strong>de</strong><br />

se former, la reconnaissance institutionnelle<br />

même. Quand j’ai occupé<br />

mon premier poste <strong>de</strong> Praticien Hospitalier,<br />

Chef <strong>de</strong> service en 1976, nos<br />

revendications syndicales <strong>de</strong> l’époque<br />

incluaient la reconnaissance d’un temps<br />

pour la gestion, comme nécessaire à<br />

se consacrer correctement à ce travail.<br />

Demandons la création d’un temps<br />

plein médical, réparti en <strong>de</strong>ux mi-temps<br />

92, 23 bis rue Ravon, 92340 Bourg-la-<br />

Reine ; Alternance 75, 10 rue <strong>de</strong><br />

Thionville, 75019 Paris. Les foyers spécialisés<br />

Alternat, 37 rue Alfred <strong>de</strong> Musset,<br />

92160 Antony ; La Pommeraie,<br />

15 rue Neuve, 7972 Ellignies-Sainte-<br />

Anne (Belgique) ; Foyer Jeanne d’Arc,<br />

1 rue du Maréchal Leclerc, 91270<br />

Vigneux-sur-Seine ; Foyer <strong>de</strong> vie La<br />

Garenne, allée <strong>de</strong> la Clairière, 95630<br />

Meriel.<br />

• <strong>de</strong> plusieurs écrivains qui renouvellent,<br />

par l’intimité chaleureuse <strong>de</strong> leur observation,<br />

notre regard sur ces artistes atypiques.<br />

■<br />

*Galerie CROUS-Beaux-Arts. Directrice : Madame<br />

Hélène VILLEFORT, 11 rue <strong>de</strong>s Beaux-<br />

Arts, 75006 Paris. Tél./Fax : 01 43 54 10 99.


N°2 - TOME XVIII - MARS 2005<br />

permettant d’ai<strong>de</strong>r <strong>de</strong>ux élus <strong>de</strong> la<br />

CME qui sacrifient une partie du travail<br />

du service pour la gestion. Ces actes<br />

donneraient, enfin, <strong>de</strong> la cohérence<br />

aux paroles (cela permettrait aux praticiens<br />

généralistes qui rejoignent la<br />

psychiatrie <strong>de</strong> faire <strong>de</strong>s rotations dans<br />

différents types <strong>de</strong> soins, pathologies<br />

et clientèles). Ce temps <strong>de</strong> gestion doit<br />

pouvoir, aussi, permettre d’approfondir<br />

les méthodologies d’évaluation <strong>de</strong>s pratiques<br />

<strong>de</strong> soins, <strong>de</strong> l’efficience <strong>de</strong>s soins<br />

par <strong>de</strong>s métho<strong>de</strong>s d’évaluations cliniques,<br />

complément indispensable à la<br />

gestion comptable. Il nous faut <strong>de</strong>s<br />

ai<strong>de</strong>s méthodologiques. Mais jusqu’à<br />

nouvel ordre, les projets <strong>de</strong> gouvernance<br />

mettent en haut <strong>de</strong> la pyrami<strong>de</strong>,<br />

comme arbitre suprême, un gestionnaire<br />

comptable et non un clinicien.<br />

- Sur la question, actuelle, <strong>de</strong> la sécurité,<br />

au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> certains actes urgents qui<br />

ont été posés, quand et avec qui débattrons-nous<br />

sereinement et en transparence<br />

sur ce thème ? C’est cette commission<br />

adhoc qui doit se réunir autant<br />

qu’il le faut, qui doit permettre <strong>de</strong> clarifier<br />

qui fait quoi et quand et donc<br />

qui est responsable <strong>de</strong> quoi. Comment<br />

se faire une idée <strong>de</strong>s choses, entre le<br />

directeur dont on a l’impression qu’on<br />

ne le voit qu’entre <strong>de</strong>ux portes, et qui<br />

nous laisse entendre qu’il a déjà signé<br />

ou formalisé un contrat d’objectifs et <strong>de</strong><br />

moyens avec l’ARH ? De l’autre, une<br />

position syndicale au CHSCT, certes<br />

peut-être minoritaire mais ultra-sécuritaire<br />

qui viserait certains mala<strong>de</strong>s ?. De<br />

l’autre, un article syndical dans Libération<br />

<strong>de</strong> Samedi, où l’on ne veut surtout<br />

pas d’un hôpital, sorte <strong>de</strong> prison ?<br />

Et <strong>de</strong> l’autre, <strong>de</strong>s mé<strong>de</strong>cins qui se<br />

relaient dans ces discussions sans que<br />

l’on sache très bien, au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> leur<br />

qualité, ce qu’ils défen<strong>de</strong>nt comme<br />

points <strong>de</strong> vue et <strong>de</strong> qui ils en ont reçu<br />

le mandat ? Le bazar est là, qui participe<br />

à l’insécurité.<br />

- Ainsi je m’interroge sur la façon dont<br />

le directeur assure son lea<strong>de</strong>rship actuel,<br />

même et surtout, parce qu’il est évi<strong>de</strong>mment<br />

lui aussi profondément touché<br />

par ce qui nous arrive. La gentillesse,<br />

le respect dans les relations<br />

individualisées, les bonnes idées <strong>de</strong> rencontres<br />

plus fréquentes et conviviales<br />

autour d’un buffet, bien que très utiles<br />

et appréciables, ne suffisent pas à déterminer<br />

une politique claire et ne peuvent<br />

se passer d’un rappel au respect <strong>de</strong><br />

certaines règles, si possible négociées.<br />

Mais cette façon d’exercer, ce lea<strong>de</strong>rship<br />

doit avoir une réciprocité dans<br />

l’encadrement, dans nos services et<br />

pour les mé<strong>de</strong>cins. Quand je travaillais<br />

au Canada en 1973-1974, chaque<br />

année, en même temps que je <strong>de</strong>vais<br />

évaluer les agents, il était institué que,<br />

eux aussi m’évaluaient et je trouve ça<br />

très bien.<br />

- Parler aussi <strong>de</strong> nos rapports avec nos<br />

Tutelles, DDASS, DRASS, ARH. De<br />

grands absents ? Certes, elles ont leurs<br />

propres difficultés, avec un Etat qui<br />

n’est pas forcément clair dans ses directives.<br />

Certes, elles ont aussi un manque<br />

<strong>de</strong> moyens pour fonctionner. Certes,<br />

elles ont un rôle difficile, un pied<br />

<strong>de</strong>dans pour la collaboration et un pied<br />

<strong>de</strong>hors pour l’arbitrage. Une contradiction<br />

pas toujours facile à gérer. Pour<br />

autant, il ne faudrait pas confondre<br />

l’hôpital et l’armée, ou alors j’aurais<br />

souhaité qu’on me le dise avant. Mais<br />

là encore, c’est peut-être encore notre<br />

façon <strong>de</strong> nous comporter avec eux qui<br />

ne les ai<strong>de</strong> pas assez. Nous avons peutêtre<br />

trop accepté <strong>de</strong> parler leur langage<br />

<strong>de</strong> gestion sans contrepartie au<br />

niveau <strong>de</strong> la valorisation <strong>de</strong> nos savoirfaire<br />

cliniques. Nous n’avons, peut-être,<br />

pas su les intéresser ? Et puis, pourquoi<br />

leur en vouloir quand on a le sentiment<br />

qu’au fond ils n’y connaissent<br />

peut-être pas grand chose à ce que l’on<br />

fait. On ne peut pas tout savoir ? J’attends<br />

d’eux aussi qu’ils aient cette<br />

mo<strong>de</strong>stie et qu’ainsi ils s’intéressent à ce<br />

que nous faisons. Comment expliquer<br />

un rapport effectué il y a quatre ans à<br />

leur adresse, pour signaler l’état <strong>de</strong> dif-<br />

ficultés et d’épuisement <strong>de</strong> mon service,<br />

sans jamais n’avoir eu aucune<br />

réponse nette ? Même pas un accusé<br />

<strong>de</strong> réception. Je n’accepte pas cela.<br />

Quand on parle autant <strong>de</strong> réseau, c’est<br />

quelque chose qui vous absorbe. Il n’y<br />

a pas, d’un côté, ceux qui font du<br />

réseau et <strong>de</strong> l’autre les déci<strong>de</strong>urs extérieurs.<br />

Le réseau c’est la rencontre jugée<br />

utile, après-coup, par tous ceux qui la<br />

fon<strong>de</strong>nt, c’est la capacité à gérer les<br />

désaccords, c’est un peu plus d’horizontal<br />

au détriment du pyramidal.<br />

- Poser la question <strong>de</strong>s rapports avec la<br />

direction <strong>de</strong>s soins, les mé<strong>de</strong>cins, la triangulation<br />

avec l’encadrement.<br />

Il est juste que le corps professionnel<br />

infirmier, progressivement définisse<br />

mieux son i<strong>de</strong>ntité et son autonomie.<br />

L’encadrement supérieur l’a traduit en<br />

termes <strong>de</strong> rapports <strong>de</strong> pouvoir <strong>de</strong> façon<br />

assez juste pour se dégager <strong>de</strong> la dépendance<br />

aux mé<strong>de</strong>cins, se dégager contre<br />

les inégalités <strong>de</strong> traitement possible<br />

d’un mé<strong>de</strong>cin chef jugé omni-puissant,<br />

pour ne pas parler <strong>de</strong> la métho<strong>de</strong> du<br />

« droit <strong>de</strong> cuissage » pour les promotions.<br />

Il y a peut-être encore trop <strong>de</strong><br />

mépris <strong>de</strong>s mé<strong>de</strong>cins à l’égard du collectif<br />

infirmier et une insuffisante reconnaissance<br />

<strong>de</strong> leur fonction thérapeutique<br />

authentique.<br />

Mais fallait-il et je le dis dans mes<br />

moments <strong>de</strong> colère, pour autant chercher<br />

à « caporaliser l’encadrement »,<br />

favoriser ce changement radical où il ne<br />

faut surtout plus nommer <strong>de</strong>s cadres en<br />

fonction <strong>de</strong> leur bonne connaissance<br />

<strong>de</strong> la clinique et du soin ? Je <strong>de</strong>man<strong>de</strong><br />

<strong>de</strong>puis toujours, aux cadres avec lesquels<br />

je travaille, <strong>de</strong> gar<strong>de</strong>r au moins<br />

10 % <strong>de</strong> leur activité dans la clinique.<br />

Fallait-il, pour autant, décourager toutes<br />

sortes d’infirmiers <strong>de</strong> qualité <strong>de</strong> postuler<br />

à l’encadrement du fait <strong>de</strong> ce nouveau<br />

modèle, qui les rebute ? Puisque<br />

la première chose qu’on leur dit en<br />

école <strong>de</strong>s cadres est d’oublier le soin<br />

et la clinique. Travailler au changement<br />

dans la thérapeutique, travailler au<br />

changement dans la vie collective, travailler<br />

au management, est-ce souvent<br />

si différent ?<br />

Fallait-il, pour autant, pour gagner la<br />

paix sociale, favoriser la nomination <strong>de</strong><br />

représentants syndicaux à cette fonction<br />

? Surtout si ce critère paraît déterminant<br />

?<br />

A qui doit aller, en priorité, la loyauté<br />

<strong>de</strong>s cadres ? Aux clients, à son équipe,<br />

à son service, aux mé<strong>de</strong>cins, au<br />

Directeur <strong>de</strong>s soins ? En même temps,<br />

je reconnais bien volontiers, que le<br />

choix d’un futur cadre n’est pas un problème<br />

forcément facile. On se trompe<br />

souvent. Pour autant, faut-il se refuser<br />

une réflexion collective approfondie<br />

et loyale à ce niveau. L’enjeu en est<br />

bien la qualité <strong>de</strong>s soins. J’ai entendu<br />

dire que l’encadrement parlait peu. Ils<br />

sont peut-être trop coincés entre un<br />

marteau et l’enclume. Et puis, il faut<br />

se le rappeler, pour que les gens parlent<br />

il faut se taire et les écouter.<br />

- Comment réguler, gérer mieux la responsabilité<br />

et la fonction médicale avec<br />

ou sans pôle ? Comment reconnaître<br />

nos insuffisantes élaborations ? notre<br />

insuffisance capacité d’expliciter ce que<br />

nous faisons, notre insuffisant intérêt<br />

réciproque, notre manque <strong>de</strong> métho<strong>de</strong><br />

? (exemple : fonctionnement du<br />

collège médical). On ne peut pas passer<br />

notre temps à palabrer, même si<br />

ce temps est aussi nécessaire. Est-ce<br />

que chaque service a bien défini son<br />

tour d’astreinte médicale ? L’a-t-il bien<br />

officialisé ? Est-ce que chaque mé<strong>de</strong>cin<br />

a et prend le temps d’expliciter ses<br />

orientations <strong>de</strong> soins à son équipe ?<br />

- Il y a la nécessité <strong>de</strong> gérer nos conflits<br />

doctrinaux, <strong>de</strong> les réguler. On voit bien<br />

la crise actuelle avec l’USSI ; les tensions<br />

régulières dont parle le SAAU<br />

avec les services, les interfaces du SAS<br />

avec les services adultes, la question<br />

<strong>de</strong> la démence et <strong>de</strong> l’entrée en gérontopsychiatrie,<br />

même si c’est rare.<br />

- Je voudrais dire aussi à mes collègues,<br />

y compris aux responsables <strong>de</strong> pôles<br />

qui reconnaissent ne pas ouvrir leur<br />

ordinateur, et ne pas être au courant<br />

<strong>de</strong>s infos que nous essayons <strong>de</strong> partager,<br />

que je ressens leur position comme<br />

du mépris à l’encontre <strong>de</strong> ceux qu’ils<br />

ont élus et qui tentent <strong>de</strong> partager l’information.<br />

S’engager à être responsable<br />

<strong>de</strong> pôle c’est s’engager à jouer un rôle<br />

collectif. Cela peut paraître un détail,<br />

mais il y a <strong>de</strong>s détails qui par moment<br />

<strong>de</strong>viennent tellement symptomatiques.<br />

Symptomatiques <strong>de</strong> désengagement ?<br />

Symptomatiques d’une stratégie <strong>de</strong> la<br />

chaise vi<strong>de</strong>. J’ai bien connu cela durant<br />

l’élaboration du projet Gérontopsychiatrique.<br />

Manager un service c’est<br />

aussi un métier. Ça prend du temps,<br />

<strong>de</strong>s apprentissages, <strong>de</strong>s compétences<br />

et nous <strong>de</strong>vons être évalués à ce<br />

niveau.<br />

- J’ai déjà, à plusieurs reprises, dit qu’il<br />

faudrait enfin que l’on puisse se rencontrer<br />

avec d’autres soignants sur autre<br />

chose qu’un débat sur les moyens à<br />

ne pas se partager, mais s’ouvrir sur le<br />

travail clinique, qui est notre « poire »<br />

pour la soif et notre espace <strong>de</strong> créativité.<br />

C’est le pôle investissement et<br />

recherche <strong>de</strong> notre hôpital. Pourquoi<br />

ne pas utiliser, si ils en sont d’accords,<br />

les réunions avec les praticiens en formation,<br />

pour une analyse large et collective<br />

<strong>de</strong>s situations difficiles où nous<br />

sommes si souvent seuls ? Pourquoi<br />

ne pas, régulièrement, faire circuler<br />

nos publications, nos intérêts, nos synthèses<br />

et prévoir une fois par an, une<br />

journée d’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> présentation collective<br />

?<br />

J’aurai aimé parler aussi <strong>de</strong>s problèmes<br />

budgétaires et <strong>de</strong> ce rapport<br />

qui nous a été adressé vers<br />

Juillet, dont tout le mon<strong>de</strong> a constaté<br />

qu’il était un tissu d’erreurs. Il<br />

nous a beaucoup inquiété. Il nous a<br />

révolté. Comment quelques uns<br />

vont déci<strong>de</strong>r pour nous, à partir <strong>de</strong><br />

tant d’erreurs ? Comment est-il possible<br />

que les services administratifs<br />

sachent si peu <strong>de</strong> choses sur ce que<br />

l’on fait ?<br />

J’attends toujours <strong>de</strong> savoir qui est responsable<br />

<strong>de</strong> cela. Nous, les mé<strong>de</strong>cins,<br />

si nous faisons <strong>de</strong> grosses bêtises avec<br />

nos mala<strong>de</strong>s, nous avons le risque <strong>de</strong> la<br />

plainte. Vous, le ou les directeurs,<br />

quand vous laissez publier <strong>de</strong> telles<br />

bêtises, que risquez-vous ? J’attendais,<br />

après cela, quelques mots <strong>de</strong> regrets ;<br />

sans aller jusqu’aux excuses. Comment<br />

faire pour que cela ne recommence<br />

pas ? Je ne peux accepter que l’on me<br />

dise que c’est une technique <strong>de</strong> communication<br />

voulue pour nous faire<br />

réagir, une sorte d’électrochoc qui aurait<br />

eu son effet. Certes, certains, nous ont<br />

dit, <strong>de</strong>puis quelques années que nous<br />

allions dans le mur, nous avons été<br />

sourds ? Et/ou ils n’ont pas su nous<br />

convaincre ? Ou, l’ont fait trop mo<strong>de</strong>stement,<br />

sans y mettre véritablement<br />

<strong>de</strong> l’énergie ?<br />

Il y aurait tant d’autres choses à<br />

évoquer : les rapports psychologuesmé<strong>de</strong>cins,<br />

une meilleure utilisation<br />

<strong>de</strong> la formation continue, une évaluation<br />

qualitative du soin et un<br />

droit à l’expérimentation, la place<br />

du transfert <strong>de</strong>s compétences dans<br />

cette pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> pénurie, l’articulation<br />

avec la pharmacie, etc..<br />

Alors c’est quoi faire autorité ? C’est<br />

je crois, être capable <strong>de</strong> conjuguer différents<br />

niveaux :<br />

1°) Respecter et faire fonctionner ce<br />

qui est régi par la loi, comme les Instances<br />

déjà définies.<br />

2°) Mettre en place <strong>de</strong>s structures <strong>de</strong><br />

concertation permanente qui signifient<br />

analogiquement le type <strong>de</strong> liens et <strong>de</strong><br />

gouvernance que nous voulons. A peu<br />

<strong>de</strong> choses près, tous les thèmes <strong>de</strong> l’hôpital<br />

nous intéressent tous. Presque rien<br />

ne doit rester dans le secret. Il faut systématiquement<br />

regrouper les forces en<br />

présence : les syndicats, la direction,<br />

les cadres, les mé<strong>de</strong>cins, que j’appelle<br />

structure <strong>de</strong> crise pour le moment,<br />

commission adhoc, <strong>de</strong> façon que nos<br />

actes aient bien cette légitimité et ce<br />

label <strong>de</strong> notre i<strong>de</strong>ntité collective. Cela<br />

peut se décliner bien sûr pour le projet<br />

médical, pour les dimensions stratégiques,<br />

pour la régulation <strong>de</strong>s conflits et<br />

ça manque énormément dans nos<br />

hôpitaux. Faut-il toujours attendre le<br />

disciplinaire pour agir et prévenir ? Je<br />

rêve d’un « groupe <strong>de</strong> sages » réduit à 5<br />

ou 6 personnes, élu chaque année par<br />

les différentes composantes <strong>de</strong> l’hôpital,<br />

saisi pour les conflits, pour mettre <strong>de</strong>s<br />

mots sur les conflits, pour enrichir les<br />

visions possibles, pour complexifier,<br />

pour empêcher la désignation facile,<br />

somme toute pour relativiser, faciliter<br />

les choix, y compris si rien ne se résout,<br />

pour ai<strong>de</strong>r les instances officielles disciplinaires<br />

à trancher. Mieux définir la<br />

pratique <strong>de</strong> l’information dans cet hôpital,<br />

avec le formidable outil Intranet, y<br />

mettre une synthèse <strong>de</strong>s conseils <strong>de</strong><br />

service, <strong>de</strong>s projets <strong>de</strong> service, <strong>de</strong>s dif-<br />

LIVRES ET REVUES<br />

TÉMOIGNAGE ■ 15<br />

Les constructions <strong>de</strong> l’intolérable<br />

Étu<strong>de</strong>s d’anthropologie et d’histoire sur les frontières <strong>de</strong> l’espace<br />

moral<br />

Sous la direction <strong>de</strong> Didier Fassin et Patrice Bour<strong>de</strong>lais<br />

Collection Recherches<br />

La Découverte, 26,50 €<br />

Torture, abus sexuels, traite <strong>de</strong>s personnes, esclavage, crimes <strong>de</strong> guerre génoci<strong>de</strong>s<br />

: les figures <strong>de</strong> l’intolérable se sont multipliées jusqu’à saturer l’espace public<br />

<strong>de</strong> faits socialement réprouvés et juridiquement sanctionnés. Ce que l’on<br />

affirme ainsi injustifiable est vu comme un mal radical, voire absolu, comme le<br />

franchissement d’une limite. Pourtant, le regard vers un passé encore proche<br />

apprend qu’il s’agit d’une limite historiquement constituée, donc frappée <strong>de</strong><br />

relativité temporelle, et ces transgressions n’ont pas la même valeur ou la<br />

même gravité, suggérant ainsi une hiérarchie morale. A l’encontre d’une vision<br />

essentialiste <strong>de</strong>s droits <strong>de</strong> l’homme, les étu<strong>de</strong>s présentées dans ce livre ren<strong>de</strong>nt<br />

compte <strong>de</strong> la façon dont se sont formées les frontières <strong>de</strong> l’espace moral contemporain.<br />

Après avoir tracé les fon<strong>de</strong>ments anthropologiques <strong>de</strong> ce qui constitue l’intolérable<br />

<strong>de</strong>s sociétés humaines, ce livre s’attache à cette pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> basculement<br />

que représente la Révolution française. Puis les auteurs analysent certaines figures<br />

significatives <strong>de</strong> notre mo<strong>de</strong>rnité morale : le travail <strong>de</strong>s enfants et la maltraitance<br />

infantile, la gestion <strong>de</strong>s corps morts et l’empreinte psychique <strong>de</strong> la<br />

violence, le traitement différentiel <strong>de</strong>s épidémies à l’échelle planétaire. Ainsi,<br />

se <strong>de</strong>ssine une généalogie <strong>de</strong>s intolérables <strong>de</strong> notre mon<strong>de</strong>, mais aussi, en<br />

contrepoint, notre remarquable tolérance à l’égard <strong>de</strong>s inégalités et <strong>de</strong>s injustices<br />

les plus profon<strong>de</strong>s, à commencer par celles qui différencient la valeur <strong>de</strong>s<br />

vies humaines.<br />

Avec <strong>de</strong>s contributions <strong>de</strong> Jean-Pierre Dozon, Serenella Nonnis Vigilante, Richard Rechtman, Georges<br />

Vigarello et Sophie Wahnich.<br />

Que faisons-nous ensemble ?<br />

Pluriels, La lettre <strong>de</strong> la Mission Nationale d’Appui en Santé Mentale<br />

Décembre 2004-janvier 2005 n°48/49<br />

A l’âge <strong>de</strong> onze ans, à un an <strong>de</strong> son éventuel renouvellement par ses parrains,<br />

la DGS, la DHOS et, <strong>de</strong>main, la DGAS, la Mission Nationale d’Appui en Santé<br />

Mentale, réunie en séminaire à Brienne-le-Château les 20 et 21 octobre, s’est<br />

interrogée sur son avenir à la lumière <strong>de</strong> ses travaux.<br />

Elle l’a fait en sollicitant la réflexion <strong>de</strong> tous ses membres, permanents et correspondants,<br />

sur six thèmes révélateurs <strong>de</strong> la situation actuelle <strong>de</strong>s progrès et<br />

<strong>de</strong>s obstacles suscités par le changement <strong>de</strong> paradigme marqué par le passage<br />

d’une vision purement psychiatrique à un paysage ouvert sur la santé mentale<br />

: <strong>de</strong>puis le cloisonnement <strong>de</strong>s aspects médicaux, médico-sociaux et sociaux,<br />

jusqu’à <strong>de</strong>s interactions organisées <strong>de</strong> ces trois secteurs.<br />

Elle l’a fait à sa manière plurielle et franche, confrontant entre ses membres<br />

<strong>de</strong>s positions diverses et critiques, soucieuse <strong>de</strong> se servir <strong>de</strong>s divergences comme<br />

<strong>de</strong> tremplins pour poursuivre les chemins du changement.<br />

Après une brève introduction <strong>de</strong> Christian Bonal en forme <strong>de</strong> souhait pour l’avenir,<br />

les six thèmes proposés ont été mis en discussion.<br />

- Sur le premier, « l’évolution <strong>de</strong> l’ambulatoire », sont intervenus un mé<strong>de</strong>cin, Catherine<br />

Isserlis ; <strong>de</strong>ux cadres socio-éducatifs, Monique Lips et Sarah Saragoussi<br />

et un directeur <strong>de</strong>s soins, Patrick Desombre.<br />

- Sur le second, « le décloisonnement <strong>de</strong>s dispositifs », trois mé<strong>de</strong>cins, Claire Bourdais-Mannone<br />

(DIM), Gérard Bourcier et Dominique Provost ; un directeur d’hôpital,<br />

Daniel Brandého ; un permanent <strong>de</strong> la MNASM, Carole Festa, et le Docteur<br />

Martine Barrès <strong>de</strong> la DGAS.<br />

- Sur le troisième, « l’évolution <strong>de</strong>s fonctions », un cadre socio-éducatif, Jacques<br />

Houver, et trois mé<strong>de</strong>cins, Marie-Christine Cabié, François Bridier et Frédéric Pochard.<br />

- Sur le quatrième « l’évaluation <strong>de</strong>s besoins » <strong>de</strong>ux mé<strong>de</strong>cins, Clau<strong>de</strong> Marescaux,<br />

Gaétan Wagenaar (DIM), et une directrice <strong>de</strong>s soins, Nicole Chavallard ; le Docteur<br />

Michel Gentile <strong>de</strong> la DHOS et Carole Festa.<br />

- Sur le cinquième, « la MNASM et les pouvoirs publics », <strong>de</strong>ux mé<strong>de</strong>cins, Dominique<br />

Arnaud et Bernard Durand.<br />

- Sur le sixième, « Que fait-on ensemble ? », <strong>de</strong>ux mé<strong>de</strong>cins, Pierre Caillault et Anne-<br />

Marie Garnier, et un directeur <strong>de</strong>s soins, Jean-Jacques Moitié.<br />

Gérard Massé a proposé une synthèse du séminaire.<br />

On trouve les numéros <strong>de</strong> Pluriels sur le site : www.mnasm.com<br />

ficultés <strong>de</strong>s services, <strong>de</strong> toutes les productions<br />

institutionnelles.<br />

Pour conclure, sans conclure : il faut<br />

promouvoir une gouvernance qui ne<br />

soit pas figée et qui prenne une forme<br />

où les espaces et les actions <strong>de</strong> créativité<br />

soient reconnus. Ne nous plaignons<br />

pas trop, agissons, amplifions la concertation,<br />

obtenons la mission d’appui,<br />

créons la commission adhoc, balayons<br />

<strong>de</strong>vant notre porte, faisons autorité au<br />

nom <strong>de</strong> la qualité. Nous avons un<br />

métier que je crois formidable. Nous<br />

sommes vivants. Ce positionnement<br />

aujourd’hui avec un peu plus <strong>de</strong> force,<br />

j’ai le sentiment que je le dois aussi à<br />

Chantal et Lucette qui ne sont plus. ■<br />

Dr Philippe Guillaumot*<br />

*Département <strong>de</strong> Gérontopsychiatrie, Centre<br />

Hospitalier <strong>de</strong>s Pyrénées.


16<br />

LIVRES<br />

■ THÉRAPEUTIQUE<br />

Dans le dédale <strong>de</strong>s<br />

thérapies familiales<br />

Un manuel systémique<br />

Muriel Meynckens-Fourez<br />

Marie-Cécile Henriquet-Duhamel<br />

Préface d’Edith Tilmans-Ostyn<br />

Erès, 23 €<br />

Du fait <strong>de</strong> la complexité croissante<br />

du mouvement systémique et <strong>de</strong>s<br />

thérapies familiales, ce livre propose<br />

<strong>de</strong>s repères théoriques illustrés par<br />

la pratique <strong>de</strong>s auteurs. Conçu comme<br />

un manuel didactique, il permet <strong>de</strong><br />

découvrir différents modèles <strong>de</strong> thérapie<br />

familiale en mettant en évi<strong>de</strong>nce<br />

leurs idées maîtresses et leur<br />

application dans divers contextes.<br />

Ainsi sont explorées les approches<br />

<strong>de</strong> Salvador Minuchin, <strong>de</strong> Jay Haley,<br />

<strong>de</strong> Mara Selvini-Palazzoli et <strong>de</strong> l’école<br />

<strong>de</strong> Milan, <strong>de</strong> l’école <strong>de</strong> Rome, <strong>de</strong> Murray<br />

Bowen, <strong>de</strong> Boszormenyi-Nagy,<br />

<strong>de</strong> Carl Whitaker, <strong>de</strong> Steve <strong>de</strong> Shazer<br />

et <strong>de</strong>s thérapies brèves, ainsi que<br />

les développements récents liés au<br />

constructivisme et au constructionnisme<br />

social. Dans chaque cas, six<br />

rubriques sont développées : les<br />

concepts-clés ; sur quoi porte l’observation<br />

? comment le problème estil<br />

défini ? l’objectif <strong>de</strong> l’intervention<br />

ou <strong>de</strong> la thérapie ; les outils utilisés ;<br />

la position <strong>de</strong> l’intervenant ou du thérapeute.<br />

Des illustrations issues <strong>de</strong><br />

différents champs professionnels montrent<br />

le cheminement <strong>de</strong> thérapeutes<br />

engagés auprès d’usagers à partir <strong>de</strong><br />

fonctions et <strong>de</strong> mandats multiples.<br />

Dépendance à la nicotine<br />

Critique d’une théorie<br />

Les Belles Lettres, 25 €<br />

Si la dépendance au tabac est un phénomène<br />

reconnu, la nicotine est-elle<br />

pour autant la substance responsable<br />

<strong>de</strong> cette dépendance ? Traduit <strong>de</strong> l’anglais,<br />

cet ouvrage entreprend <strong>de</strong> montrer,<br />

sans présupposer <strong>de</strong> connaissances<br />

spécifiques chez le lecteur,<br />

l’invalidité <strong>de</strong> la thèse répandue du<br />

caractère addictif <strong>de</strong> la nicotine en la<br />

confrontant aux démonstrations expérimentales<br />

qui préten<strong>de</strong>nt l’établir,<br />

même si ce n’est pas « politiquement<br />

correct », exposant les erreurs méthodologiques,<br />

les biais d’interprétation<br />

et le rôle néfaste du principe d’autorité<br />

qui ont conduit à l’affirmation<br />

<strong>de</strong> cette thèse. Le livre n’est pas, pour<br />

autant, un encouragement à fumer,<br />

soulignent les auteurs. Il est préfacé<br />

par le Pr Robert Molimard du Centre<br />

<strong>de</strong> tabacologie Paul-Guiraud <strong>de</strong> Villejuif,<br />

qui dit avoir retrouvé dans cet<br />

ouvrage ses « propres doutes ».<br />

Psychologie <strong>de</strong> la Mémoire<br />

Histoire, théories, expériences<br />

Alain Lieury<br />

Dunod, 28 €<br />

Contrairement à d’autres chercheurs<br />

spécialistes <strong>de</strong> la mémoire, comme<br />

l’Anglais Alan Bad<strong>de</strong>ley, qui a consacré<br />

sa carrière à la mémoire <strong>de</strong> travail,<br />

le Canadien En<strong>de</strong>l Tulving qui<br />

s’est surtout intéressé aux mécanismes<br />

<strong>de</strong> récupération et à la mémoire épisodique,<br />

ou à Allan Paivio dont le<br />

nom seul évoque l’image, l’intérêt<br />

d’Alain Lieury, qui est professeur <strong>de</strong><br />

psychologie cognitive à l’Université<br />

Rennes 2, pour la mémoire est éclectique,<br />

et ce livre reflète cette diversité.<br />

Le lecteur y trouvera les mécanismes<br />

fondamentaux, l’architecture<br />

modulaire, le fonctionnement associatif<br />

et organisé <strong>de</strong> la mémoire et<br />

les processus <strong>de</strong> récupération. Sont<br />

traitées également d’autres questions :<br />

la mémoire <strong>de</strong>s visages, les mémoires<br />

prodigieuses, la mémoire <strong>de</strong>s grands<br />

joueurs d’échecs, les souvenirs anciens,<br />

le vieillissement <strong>de</strong> la mémoire,<br />

sans oublier l’historique.<br />

Observance, adhésion<br />

et contexte<br />

environnemental<br />

L’adhésion du patient au traitement<br />

qui lui est prescrit n’est pas une problématique<br />

nouvelle. Elle a été maintes<br />

fois évoquée à propos <strong>de</strong>s maladies<br />

chroniques ou <strong>de</strong>s essais thérapeutiques.<br />

Mais elle semble avoir gagné<br />

en actualité et en urgence dans le cadre<br />

<strong>de</strong> la prise en charge <strong>de</strong>s sujets atteints<br />

<strong>de</strong> schizophrénie. L’importance qui lui<br />

est donnée dans ce contexte est d’autant<br />

plus justifiée qu’elle met en jeu le<br />

pronostic clinique, socioprofessionnel et<br />

vital <strong>de</strong> l’individu (Conley et Kelly,<br />

2001). Une adhésion relative peut avoir<br />

<strong>de</strong>s conséquences désastreuses : dans<br />

certains cas, un <strong>de</strong>mi-traitement peut<br />

être pire qu’une absence totale <strong>de</strong> traitement<br />

(exemple <strong>de</strong> certains neuroleptiques<br />

atypiques aux effets désinhibiteurs<br />

à <strong>de</strong> faibles posologies) (Stahl,<br />

1999). Ce constat est différent <strong>de</strong> celui<br />

que l’on peut faire pour la plupart <strong>de</strong>s<br />

autres maladies chroniques, où <strong>de</strong>s<br />

médicaments pris à une dose inférieure<br />

valent, malgré tout, mieux que rien.<br />

Il apparaît ici important <strong>de</strong> souligner<br />

les problèmes liés à la représentation<br />

que les sujets se font <strong>de</strong> leur maladie,<br />

ainsi que ceux liés aux inévitables préjugés<br />

vis-à-vis <strong>de</strong>s psychotropes. Mais<br />

ces problèmes ne sont pas faciles à<br />

mettre en évi<strong>de</strong>nce, alors qu’ils doivent<br />

absolument être pris en compte<br />

dans la décision d’instaurer un traitement<br />

(Garavan et al., 1998 ; Courtet,<br />

2001). Les patients, en effet, ne parlent<br />

pas volontiers <strong>de</strong> leurs convictions ;<br />

ils les évoquent d’autant moins qu’elles<br />

pourraient se trouver en porte à faux<br />

par rapport à l’approche scientifique.<br />

Ainsi, nous citerons le cas d’un sujet<br />

hypochondriaque profondément<br />

convaincu que la médication allait provoquer<br />

une réaction <strong>de</strong> rejet <strong>de</strong> la part<br />

<strong>de</strong> son organisme, et que la prise <strong>de</strong>s<br />

comprimés entraînerait <strong>de</strong> fait une allergie<br />

massive éventuellement léthale.<br />

Incapable d’exprimer cette angoisse<br />

envahissante, il ne communiquait quasiment<br />

pas et faisait mine <strong>de</strong> prendre<br />

son traitement avant <strong>de</strong> le recracher à<br />

l’insu <strong>de</strong> l’équipe soignante.<br />

Il nous arrive également d’être confronté,<br />

dans un contexte similaire, à une<br />

idéologie « écolotoxicomane », qui<br />

consiste à refuser systématiquement<br />

tout ce qui est artificiel, chimique<br />

(Leong et Silva, 1988). Une telle idéologie<br />

est particulièrement prégnante<br />

chez les personnes qui, à un moment<br />

<strong>de</strong> leur vie, ont abusé <strong>de</strong> substances<br />

illicites (Palazzolo et al., 2002). Ainsi,<br />

une étu<strong>de</strong> prospective réalisée par Baumann<br />

et al. (2001) a permis <strong>de</strong> mettre<br />

en exergue le fait que les usagers <strong>de</strong><br />

drogues prennent plus <strong>de</strong> temps avant<br />

<strong>de</strong> se déci<strong>de</strong>r à accepter un traitement<br />

antipsychotique ou antidépresseur sur<br />

le long cours.<br />

Il existe, par ailleurs, <strong>de</strong>s problèmes<br />

d’observance liés au style <strong>de</strong> vie du<br />

sujet (Bobes et al., 1998). Ainsi, il est<br />

aisé <strong>de</strong> concevoir que la prise <strong>de</strong> midi<br />

pose souvent <strong>de</strong> gros problèmes aux<br />

personnes qui travaillent. Dans la plu-<br />

Au moins 40% <strong>de</strong>s patients n’ont pas vu <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cin<br />

dans les trois mois suivant la prescription d'un<br />

antidépresseur ISRS en Rhône-Alpes<br />

Il a été montré que, au moins, 40% <strong>de</strong>s patients n'ont vu ni mé<strong>de</strong>cin généraliste<br />

ni psychiatre dans les trois mois suivant la délivrance unique d'un antidépresseur<br />

<strong>de</strong> la classe <strong>de</strong>s inhibiteurs sélectifs <strong>de</strong> la recapture <strong>de</strong> la sérotonine<br />

(ISRS), par une étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> l'Union régionale <strong>de</strong>s caisses d'assurance<br />

maladie (Urcam) <strong>de</strong> Rhône-Alpes.<br />

L'Urcam s'inquiète <strong>de</strong> ces résultats puisqu’« un rythme <strong>de</strong> consultation au<br />

moins hebdomadaire est souvent nécessaire pendant les premières semaines et<br />

que le traitement doit être réévalué après 4 à 8 semaines ».<br />

Dans cette étu<strong>de</strong> publiée sur le site internet <strong>de</strong> la CNAM, les auteurs expliquent<br />

avoir voulu évaluer l'écart entre la pratique et les recommandations<br />

émises, en 2002, par l’Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en<br />

santé (Anaes) sur la prise en charge d'un épiso<strong>de</strong> dépressif isolé <strong>de</strong> l'adulte.<br />

Les antidépresseurs ont généré en 2002 en Rhône-alpes pour le régime général<br />

(hors sections locales mutualistes) et l'assurance maladie <strong>de</strong>s professions<br />

indépendantes, une dépense <strong>de</strong> 47 millions d'euros dont 68% dus aux cinq<br />

ISRS citalopram (Seropram ® , Lundbeck), fluoxétine (Prozac ® , Lilly et génériques),<br />

fluvoxamine (Floxyfral ® , Solvay), paroxétine (Deroxat ® , GSK) et sertraline<br />

(Zoloft ® , Pfizer).<br />

L'étu<strong>de</strong> a porté sur 154.937 patients <strong>de</strong> plus <strong>de</strong> 20 ans dont le traitement a<br />

débuté et s'est terminé entre le 1er avril 2001 et le 31 mars 2003. Parmi<br />

eux, 58% ont reçu une délivrance unique d’ISRS, prescrit à 92% par un mé<strong>de</strong>cin<br />

généraliste. Chez ces patients, 23% ont consulté le mé<strong>de</strong>cin qui leur<br />

a prescrit l'antidépresseur dans les trois mois suivant la délivrance et 37% ont<br />

vu un généraliste ou un psychiatre autre que le prescripteur initial. Parmi les<br />

42% ayant bénéficié <strong>de</strong> plusieurs délivrances d’ISRS, 71,5% (45.999 patients)<br />

ont eu un traitement continu, entre <strong>de</strong>ux et cinq mois pour 34.412 et entre<br />

six et dix-sept mois pour 11.587. Enfin, 18.344 patients ont reçu, en moyenne,<br />

4,5 délivrances au cours <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux années d'étu<strong>de</strong>, ne permettant pas un traitement<br />

continu.<br />

Malgré les limites <strong>de</strong> cette étu<strong>de</strong>, les auteurs estiment que le nombre <strong>de</strong> patients<br />

traités sur une durée trop courte « ne peut être que sous-estimé ». En<br />

outre, les autres indications <strong>de</strong>s ISRS, attaques <strong>de</strong> panique, troubles obsessionnels<br />

compulsifs, anxiété généralisée, spécifient que le traitement est également<br />

<strong>de</strong> plusieurs mois, ce qui « n'explique donc pas l'importance <strong>de</strong>s délivrances<br />

uniques ».<br />

Le relais par un autre antidépresseur d'une autre classe lorsque l'ISRS ne<br />

donne pas <strong>de</strong> réponse ou une réponse incomplète après un à <strong>de</strong>ux mois <strong>de</strong><br />

traitement ne permet pas, non plus, d’expliquer ce taux important <strong>de</strong> délivrances<br />

uniques puisqu'il n'a été observé que dans 8% <strong>de</strong>s cas.<br />

Enfin, l'étu<strong>de</strong> a mis en évi<strong>de</strong>nce l'association, dans un cas sur trois, d'un anxiolytique<br />

avec la délivrance unique d'un ISRS. Or, « il n'y a pas lieu d'associer<br />

systématiquement en début <strong>de</strong> traitement » un anxiolytique à un antidépresseur.<br />

Ces résultats montrent la nécessité <strong>de</strong> conduire « une étu<strong>de</strong> médicalisée plus<br />

approfondie sur les indications et les motifs d'abandon chez ces personnes traités<br />

insuffisamment longtemps : indication mal posée, accompagnement insuffisant<br />

ou mauvaise observance ». ■<br />

F.C.<br />

Les ISRS chez l’adulte : les traitements courts, 5 pages, disponible sur www.ameli.fr<br />

De l’observance médicamenteuse<br />

à l’adhésion au traitement<br />

Deuxième partie<br />

part <strong>de</strong>s cas, il suffit d’éliminer cette<br />

prise, dans la mesure du possible, pour<br />

que l’adhésion au traitement re<strong>de</strong>vienne<br />

tout à fait satisfaisante. Il faut, en<br />

outre, prendre en considération le fait<br />

que l’absorption pluriquotidienne d’un<br />

psychotrope vient rappeler plusieurs<br />

fois par jour la réalité <strong>de</strong> la maladie<br />

mentale...<br />

Enfin, les effets secondaires peuvent<br />

perturber le bon suivi <strong>de</strong> la médication.<br />

C’est, par exemple, le cas <strong>de</strong> certaines<br />

prises <strong>de</strong> poids importantes chez<br />

<strong>de</strong>s mala<strong>de</strong>s sous antipsychotique (Wirshing<br />

et al., 1999 ; Rosenheck et al.,<br />

2000). Alors que certaines personnes<br />

n’y attachent pas d’importance, d’autres,<br />

plus sensibles à leur aspect physique,<br />

vivent mal cette agression concernant<br />

leur esthétique corporelle. Mais il leur<br />

est, par ailleurs, difficile d’exprimer leurs<br />

réticences à l’égard d’un médicament<br />

qui leur permet <strong>de</strong> ne plus entendre<br />

<strong>de</strong> voix...<br />

Même si l’on se réfère, uniquement,<br />

aux patients qui ont décidé <strong>de</strong> suivre<br />

correctement leur traitement et qui ont<br />

intégré à leur décision tout le savoir et<br />

la réflexion nécessaires, les problèmes<br />

d’adhésion restent, malgré tout, fréquents.<br />

Les difficultés majeures sont<br />

liées aux prises quotidiennes multiples<br />

et aux horaires à respecter par rapport<br />

aux repas ou au coucher (Claxton et<br />

al., 2001). La prescription <strong>de</strong> plusieurs<br />

comprimés toutes les quatre heures est<br />

extrêmement difficile à suivre (exemple<br />

<strong>de</strong> certaines ordonnances pouvant<br />

comporter plusieurs médicaments à<br />

8h, 12h, 16h, 20h et 22 heures). Comment<br />

s’adapter à un rythme d’une<br />

pareille régularité ? Ce processus est<br />

particulièrement problématique pour<br />

les personnes qui mènent une vie irrégulière...<br />

Par ailleurs, une mauvaise<br />

compréhension <strong>de</strong>s consignes peut également<br />

jouer un rôle perturbateur.<br />

Comment, par exemple, s’y retrouver<br />

quand on en est au cinquième changement<br />

<strong>de</strong> traitement ? Les confusions<br />

sont pour le moins légitimes, et il est<br />

indispensable <strong>de</strong> prêter la plus gran<strong>de</strong><br />

attention à ce risque, ce qui implique<br />

une information adéquate du patient et<br />

une gran<strong>de</strong> vigilance quant à la qualité<br />

rédactionnelle <strong>de</strong>s ordonnances et à la<br />

bonne collaboration du pharmacien<br />

(Goff, 2001 ; Lingam et Scott, 2002).<br />

Comme nous l’avons souligné plus<br />

haut, il est important d’évaluer la représentation<br />

que le patient se fait <strong>de</strong> sa<br />

maladie et du traitement proposé<br />

(Chung et al., 1997). Mais il ne s’agit<br />

pas là d’une tâche facile. Le praticien<br />

doit s’efforcer d’évaluer au mieux les<br />

paramètres d’ordre personnel ou social<br />

susceptibles d’influencer l’adhésion au<br />

traitement, mais il existe d’inévitables<br />

éléments qui lui échappent ou qui<br />

seront i<strong>de</strong>ntifiés ultérieurement. Dans<br />

ce contexte, la qualité <strong>de</strong> la relation<br />

qui s’instaure entre le mé<strong>de</strong>cin et le<br />

patient joue un rôle essentiel. Aucune<br />

mesure d’autorité ne saurait, en effet,<br />

pallier un manque <strong>de</strong> confiance<br />

mutuelle, et il n’est évi<strong>de</strong>mment pas<br />

possible d’imaginer que les prises <strong>de</strong><br />

médicaments puissent se faire en présence<br />

<strong>de</strong>s soignants sur le très long<br />

terme. De nombreux auteurs préconisent<br />

à ce propos <strong>de</strong> réaliser une évaluation<br />

systématique du mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> vie,<br />

<strong>de</strong> l’activité professionnelle, du type<br />

d’horaire <strong>de</strong>s repas, <strong>de</strong>s sorties du mala<strong>de</strong><br />

(Thomas, 1997; Adams et Scott,<br />

2000). Il est également important <strong>de</strong><br />

savoir si l’entourage est informé ou<br />

non, si la personne désire réellement<br />

être traitée et si elle comprend l’utilité<br />

d’un tel traitement (Horne et al., 2001).<br />

Les objectifs <strong>de</strong> vie, la conception <strong>de</strong> la<br />

morbidité doivent aussi être pris en<br />

N°2 - TOME XVIII - MARS 2005<br />

considération (Lin et al., 1979). Enfin,<br />

il est primordial d’accor<strong>de</strong>r un temps <strong>de</strong><br />

réflexion avant l’instauration du traitement,<br />

lorsque cela est possible sur un<br />

plan clinique. Ce temps <strong>de</strong> réflexion<br />

doit permettre au patient <strong>de</strong> faire le<br />

point quant à la signification qu’il attribue<br />

aux médicaments et quant aux<br />

aspects pratiques en lien avec son quotidien.<br />

La tolérance psychologique en cas d’effets<br />

secondaires ou d’échec <strong>de</strong> la médication<br />

sera évaluée dans un <strong>de</strong>uxième<br />

temps. Le psychiatre doit, à ce propos,<br />

rester vigilant, car il est facile d’omettre<br />

l’évaluation <strong>de</strong> certains éléments à partir<br />

du moment où le patient est vu en<br />

<strong>de</strong>hors <strong>de</strong> son contexte habituel <strong>de</strong><br />

vie. Une difficulté consiste à apprécier<br />

à juste titre les croyances <strong>de</strong> l’individu<br />

au sujet <strong>de</strong> son état <strong>de</strong> santé et au sujet<br />

<strong>de</strong> la maladie mentale en elle-même<br />

(Schwartz, 1998). S’il ignore comment<br />

le mala<strong>de</strong> considère sa pathologie, le<br />

praticien peut favoriser l’émergence<br />

d’une relation conflictuelle. Certains<br />

patients sont persuadés que le psychisme,<br />

le « mental », est primordial.<br />

Ils estiment alors qu’une psychothérapie<br />

peut être mise en danger par la<br />

prise <strong>de</strong> médicaments, qu’une chimiothérapie<br />

peut rendre caduque une<br />

démarche <strong>de</strong> guérison spirituelle, que<br />

l’allopathie n’est pas compatible avec<br />

diverses mé<strong>de</strong>cines parallèles. Franchir<br />

le pas <strong>de</strong> l’absorption d’un psychotrope<br />

peut être ressenti comme une défaite<br />

et une trahison, la valeur <strong>de</strong>s autres<br />

démarches entreprises étant dans cette<br />

optique impossible à reconnaître. Il y a<br />

contradiction, alors même que les <strong>de</strong>ux<br />

mo<strong>de</strong>s d’intervention pourraient être<br />

complémentaires. Dans ce contexte,<br />

mieux vaut éviter <strong>de</strong> traiter, là encore,<br />

dans les limites imposées par l’urgence<br />

et par la gravité <strong>de</strong> la symptomatologie.<br />

Il s’agit donc ici <strong>de</strong> découvrir<br />

et d’élaborer les modalités d’une possible<br />

alliance entre croyances et traitement.<br />

Que ressent la personne ? De<br />

quoi a-t-elle peur ? Quelles expériences<br />

traumatisantes - par exemple le décès<br />

d’un proche qui prenait une médication<br />

analogue - a-t-elle vécues ? Et quelle<br />

est son envie <strong>de</strong> guérir ?... Il s’agit en<br />

tout cas d’éviter que le patient ne s’engage<br />

dans une démarche qui consisterait<br />

à accepter le traitement sans conviction,<br />

pour faire plaisir à son mé<strong>de</strong>cin<br />

psychiatre... (Mills et Spencer, 2001).<br />

Les données d’ordre social jouent également<br />

un rôle. Selon que le sujet est<br />

SDF, chômeur, cadre, intégré ou pas<br />

dans le champ socio-professionnel, les<br />

capacités d’adhésion peuvent varier.<br />

La mise en route d’un traitement psychotrope<br />

exige donc un entretien préliminaire<br />

prolongé avec le patient. La<br />

première question qu’il convient <strong>de</strong> se<br />

poser est, comme nous l’avons souligné,<br />

<strong>de</strong> savoir s’il est impératif <strong>de</strong> traiter<br />

tout <strong>de</strong> suite. Par ailleurs, il est important<br />

d’ajouter qu’en <strong>de</strong>hors d’une anosognosie<br />

massive la motivation est<br />

généralement très forte lorsque le<br />

patient ne va pas bien. Il ne faut alors<br />

pas hésiter à fournir <strong>de</strong>s informations<br />

complémentaires, répéter les entretiens<br />

et favoriser les réflexions motivationnelles<br />

(Favrod et al., 1996 ; Buchkremer<br />

et al., 1997). Il est, d’autre part,<br />

essentiel d’inciter le sujet à prendre<br />

contact avec le réseau associatif afin<br />

qu’il puisse bénéficier du soutien<br />

d’autres mala<strong>de</strong>s ou <strong>de</strong> leurs proches<br />

(Haxaire et al., 1999). Diverses étu<strong>de</strong>s<br />

rétrospectives ont été réalisées dans le<br />

but d’évaluer les raisons d’un défaut<br />

initial d’adhésion aboutissant à la nonprescription<br />

provisoire d’un traitement<br />

psychotrope (Kemp et David, 1996). Il<br />

y apparaît, en premier lieu, que l’éla-


N°2 - TOME XVIII - MARS 2005<br />

boration d’une approche pédagogique<br />

mieux adaptée, en particulier au niveau<br />

du langage, <strong>de</strong> la dynamique collaborative,<br />

<strong>de</strong> la qualité <strong>de</strong> la communication,<br />

doit être la préoccupation première<br />

<strong>de</strong>s équipes <strong>de</strong> soin, et ce afin<br />

d’optimiser la qualité <strong>de</strong> la relation soignant-soigné<br />

(Kemp et al., 1996 ; Franchini<br />

et al., 1999). Dans un tel contexte,<br />

une meilleure adhésion entraîne<br />

une meilleure inscription du patient<br />

dans le projet thérapeutique. Par<br />

ailleurs, il est important <strong>de</strong> souligner<br />

que l’accès au traitement est fonction<br />

non seulement <strong>de</strong> la capacité d’observance<br />

du mala<strong>de</strong>, mais également <strong>de</strong> la<br />

priorité que ce <strong>de</strong>rnier va donner à la<br />

prise en charge <strong>de</strong> sa pathologie. L’utilisation<br />

<strong>de</strong> comprimés pour se soigner<br />

n’est pas un concept universel... De<br />

fait, l’utilisation <strong>de</strong>s psychotropes est<br />

inégale. Une meilleure information, à la<br />

fois <strong>de</strong>s mé<strong>de</strong>cins et <strong>de</strong>s patients, est<br />

nécessaire.<br />

Selon <strong>de</strong> nombreux auteurs, une gran<strong>de</strong><br />

partie <strong>de</strong>s usagers <strong>de</strong> drogue pose<br />

problème concernant l’adhésion au traitement<br />

(Legrain et Lecomte, 1998 ;<br />

Lin<strong>de</strong>n et al, 2001). Ces sujets ont souvent<br />

<strong>de</strong>s croyances assez particulières<br />

en matière <strong>de</strong> médicaments; habitués à<br />

une certaine forme d’automédication,<br />

ils supportent difficilement les prescriptions<br />

ordonnées par une tierce personne.<br />

Ce qu’ils avalent par choix ne<br />

leur pose aucun problème, puisqu’il y<br />

a alors conformité avec leur sentiment<br />

<strong>de</strong> toute-puissance. Par contre, un psychotrope<br />

prescrit par un mé<strong>de</strong>cin est<br />

perçu comme une agression potentielle,<br />

une menace, voire un poison. Cette<br />

attitu<strong>de</strong> paradoxale, irrationnelle, a souvent<br />

pour finalité un refus massif du<br />

traitement, et il reste encore <strong>de</strong> nombreuses<br />

réflexions à entreprendre afin<br />

<strong>de</strong> mieux définir <strong>de</strong>s démarches éventuellement<br />

susceptibles <strong>de</strong> remédier,<br />

au moins partiellement, à cette situation.<br />

Représentation <strong>de</strong> la<br />

maladie et adhésion aux<br />

soins<br />

Le <strong>de</strong>gré <strong>de</strong> difficulté d’obtention d’une<br />

bonne adhésion au traitement dépend<br />

largement <strong>de</strong> l’acceptation par le patient<br />

<strong>de</strong> sa maladie et <strong>de</strong> la capacité à définir<br />

une organisation spécifique <strong>de</strong>s soins<br />

(Lieberman, 1996 ; Dunbar-Jacob et<br />

Mortimer-Stephens, 2001). Le corps<br />

médical est dans l’ensemble bien<br />

conscient que le fait <strong>de</strong> suivre à la lettre<br />

une prescription peut être astreignant.<br />

Mais l’ordonnance est d’autant plus<br />

aisée à respecter que sa nécessité est<br />

bien comprise et intégrée, dans le cadre<br />

d’une faisabilité adaptée dans le quotidien.<br />

Pour Benkert et al. (1997), il est nécessaire<br />

<strong>de</strong> <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r régulièrement aux<br />

patients s’ils arrivent à prendre correctement<br />

leur traitement, et les techniques<br />

mises en oeuvre par ces <strong>de</strong>rniers<br />

pour ne pas l’oublier; dans<br />

l’optique <strong>de</strong> ces auteurs, la confiance<br />

réciproque et la non-pénalisation en<br />

cas d’omission facilitent les échanges.<br />

Dans certains cas, l’acceptation d’une<br />

médication psychotrope constitue un<br />

pas symbolique vers la folie ou la mort,<br />

et il faut parfois en passer par là pour<br />

reconnaître qu’il s’agit, en définitive,<br />

d’un pas biologique vers la vie. A cet<br />

égard, Blackwell (1973) préconise <strong>de</strong><br />

s’inspirer <strong>de</strong> la riche expérience accumulée<br />

en diabétologie : <strong>de</strong> nombreux<br />

travaux <strong>de</strong> recherche concernant l’adhésion<br />

au traitement ont été réalisés<br />

dans cette spécialité, diverses<br />

démarches pédagogiques ayant été proposées<br />

avec <strong>de</strong>s succès remarquables<br />

dans l’éducation à la bonne gestion<br />

d’une maladie chronique. Le contexte<br />

<strong>de</strong> la pathologie mentale nécessite,<br />

certes, <strong>de</strong>s adaptations, mais la possibilité<br />

pour nos patients <strong>de</strong> recourir à<br />

<strong>de</strong> telles métho<strong>de</strong>s contribuerait probablement<br />

à améliorer la qualité <strong>de</strong><br />

leur observance. Cependant, si le<br />

mé<strong>de</strong>cin ne favorise pas l’émergence<br />

d’une relation thérapeutique basée sur<br />

l’écoute et l’échange, il est peu probable<br />

que ce type d’éducation porte<br />

ses fruits (Hornung et al., 1998). Les<br />

croyances individuelles en matière <strong>de</strong><br />

santé sont souvent ancrées profondément,<br />

et <strong>de</strong>puis longtemps en chaque<br />

individu. Il est donc nécessaire que le<br />

praticien décrypte la problématique<br />

inhérente aux convictions personnelles,<br />

à la prise <strong>de</strong> risque, au sentiment <strong>de</strong><br />

toute-puissance, ... Les représentations<br />

collectives et transculturelles <strong>de</strong> la maladie<br />

mentale et <strong>de</strong>s traitements ne doivent,<br />

par ailleurs, pas être minimisées.<br />

3-4% <strong>de</strong>s usagers <strong>de</strong> psychotropes en France<br />

pourraient être dépendants à leurs médicaments<br />

3à 4% <strong>de</strong>s personnes qui se font<br />

prescrire <strong>de</strong>s psychotropes par<br />

<strong>de</strong>s mé<strong>de</strong>cins généralistes pourraient<br />

avoir un profil <strong>de</strong> dépendance à ces<br />

médicaments, suggère une étu<strong>de</strong> présentée<br />

à un colloque sur l'addiction<br />

organisé par la Mission interministérielle<br />

<strong>de</strong> lutte contre la drogue et la<br />

toxicomanie (Mildt) et l'Inserm. Cette<br />

étu<strong>de</strong> avait pour but <strong>de</strong> répondre à un<br />

sujet controversé : savoir « si la notion<br />

<strong>de</strong> dépendance peut s'appliquer aux<br />

médicaments psychotropes prescrits »,<br />

selon Philippe Le Moigne du Centre<br />

<strong>de</strong> recherches psychotropes, santé<br />

mentale, société (CNRS, Inserm, université<br />

Paris V).<br />

La difficulté avec les médicaments est<br />

<strong>de</strong> « pouvoir distinguer l'usage au long<br />

cours <strong>de</strong> la dépendance », qui serait<br />

également caractérisée, dans le cas<br />

<strong>de</strong>s psychotropes, par une difficulté<br />

ou une impossibilité d'arrêter le traitement,<br />

un surinvestiment dans le produit<br />

et par un rapport ambivalent au<br />

produit. En général, le diagnostic et<br />

le traitement sont impliqués dans une<br />

relation logique, du type moyen/fin, et<br />

peuvent être formellement distingués.<br />

Mais cette distinction n'opère pas toujours<br />

et la dépendance peut naître<br />

d'un surinvestissement médical.<br />

Ont été analysées les données <strong>de</strong><br />

10.295 patients qui ont été remboursés<br />

par la Caisse Primaire d'Assurance<br />

Maladie <strong>de</strong> Rouen pour <strong>de</strong>s<br />

psychotropes (hypnotiques, anxiolytiques<br />

et antidépresseurs) prescrits par<br />

<strong>de</strong>s mé<strong>de</strong>cins généralistes au cours<br />

du premier trimestre 2002 par une<br />

étu<strong>de</strong> rétrospective <strong>de</strong>s prescriptions<br />

faites pour ces patients entre 2000 et<br />

2002 puis ont été réalisés <strong>de</strong>s entretiens<br />

avec un échantillon <strong>de</strong> 10 mé<strong>de</strong>cins<br />

et 44 patients.<br />

Les résultats montrent que l'usage<br />

ponctuel, inférieur ou égal à 6 mois,<br />

est le plus répandu, représentant 60%<br />

<strong>de</strong>s patients. Ce type <strong>de</strong> consommation<br />

semble plus fréquent chez les<br />

jeunes et les cadres, concernant davantage<br />

les anxiolytiques et/ou les antidépresseurs.<br />

Dans ce cas, les motifs<br />

<strong>de</strong> recours sont, plus souvent, <strong>de</strong>s difficultés<br />

sociales et/ou professionnelles<br />

(<strong>de</strong>uil, séparation d'un conjoint, perte<br />

d'un emploi), « <strong>de</strong>s situations qui échappent<br />

au contrôle du patient ».<br />

Les entretiens réalisés avec ce type<br />

<strong>de</strong> patients indiquent qu'ils distinguent<br />

bien la cause <strong>de</strong> leur trouble et la thérapeutique<br />

et qu'ils ont un sentiment<br />

d'amélioration. Le plus souvent, l'amélioration<br />

<strong>de</strong> l'état du patient est liée à<br />

une amélioration <strong>de</strong> ses conditions<br />

<strong>de</strong> vie : l'amélioration étant nettement<br />

distinguée <strong>de</strong> la thérapeutique, l'appropriation<br />

du médicament et <strong>de</strong> ses<br />

effets reste conçue en terme « d'ajustement<br />

» et ne donne pas lieu à un<br />

investissement massif dans le produit.<br />

Parmi les personnes qui font un usage<br />

au long cours (un an et plus, jusqu'à<br />

15 ou 20 ans parfois) <strong>de</strong>s psychotropes,<br />

en particulier les hypnotiques,<br />

la majorité sont <strong>de</strong>s personnes âgées<br />

et <strong>de</strong>s femmes <strong>de</strong>s milieux populaires.<br />

Elles représentent 15% <strong>de</strong> l'ensemble<br />

<strong>de</strong> l'échantillon. Les chercheurs notent,<br />

parmi ces patients âgés, que la prescription<br />

<strong>de</strong> psychotropes permet <strong>de</strong><br />

soulager <strong>de</strong>s insomnies et <strong>de</strong>s douleurs<br />

associées à <strong>de</strong>s pathologies organiques<br />

chroniques.<br />

Dans ce cas, les patients ont plus un<br />

sentiment d'un « maintien par défaut »<br />

<strong>de</strong> leur état et ne s'atten<strong>de</strong>nt pas à<br />

une amélioration car soit la maladie<br />

n'est pas curable, soit elle est attribuée<br />

à une structure <strong>de</strong> la personnalité<br />

considérée comme immuable (« je<br />

suis insomniaque »).<br />

Même s'il est marqué par le fatalisme,<br />

l'investissement dans le médicament<br />

est fort et n'engage pas <strong>de</strong> rapport<br />

contradictoire au produit car il<br />

est considéré comme utile et dicté<br />

par la nécessité.<br />

Un usage minoritaire<br />

mais paradoxal<br />

Enfin, se distingue « un usage minoritaire<br />

mais paradoxal » concernant 3<br />

à 4% <strong>de</strong>s patients qui présentent un<br />

profil <strong>de</strong> dépendance.<br />

Ce sont <strong>de</strong>s personnes qui ont autour<br />

<strong>de</strong> la cinquantaine, consomment les<br />

trois groupes <strong>de</strong> psychotropes <strong>de</strong>puis<br />

5 à 10 ans, appartenant à la classe<br />

moyenne.<br />

L'importance <strong>de</strong> la consommation par<br />

tranches d'âge fait apparaître un pic <strong>de</strong><br />

consommation, en particulier les antidépresseurs,<br />

chez les 45-55 ans, « une<br />

nouveauté <strong>de</strong>puis dix ans », alors que la<br />

forte consommation chez les personnes<br />

âgées est une constance.<br />

Ces personnes ont tendance à affirmer<br />

qu'elles vont bien puis à s'autodévaloriser,<br />

d'une manière proche <strong>de</strong>s<br />

patients dépressifs, se disant que si<br />

elles prennent <strong>de</strong>s médicaments, c'est<br />

qu'elles vont mal. L'investissement<br />

dans le produit est massif (associations<br />

thérapeutiques, variations <strong>de</strong>s<br />

dosages et <strong>de</strong>s molécules) et sans<br />

cesse dénigré. Le sentiment d'amélioration<br />

est temporaire et il semble<br />

dépendre du patient lui-même : il veut<br />

démontrer sa capacité à faire face<br />

mais n'y parvient pas et s’en fait le<br />

reproche. La guérison est considérée<br />

comme l'arrêt du traitement et tant<br />

que le patient prend son médicament<br />

et le soulage, c'est pour lui un « désaveu<br />

personnel ».<br />

Ce rapport au produit présente ainsi<br />

<strong>de</strong>s similitu<strong>de</strong>s à la plupart <strong>de</strong>s toxicomanies<br />

par ses « effets <strong>de</strong> boucle » :<br />

l'amélioration personnelle, qui motive<br />

le recours aux psychotropes, est sans<br />

cesse démentie par sa mise en oeuvre<br />

(perte d'autonomie, dévalorisation,<br />

manque <strong>de</strong> soulagement, si bien que<br />

le surinvestissement dans le produit<br />

et le désaveu <strong>de</strong> soi finissent par s'engendrer<br />

mutuellement.<br />

En conclusion, l’étu<strong>de</strong> note que la<br />

plus gran<strong>de</strong> part <strong>de</strong>s prescriptions <strong>de</strong><br />

psychotropes en mé<strong>de</strong>cine générale<br />

ne respecte pas les indications strictes,<br />

servant davantage à « gérer le mal-être<br />

et à accompagner les maladies somatiques<br />

».<br />

Lorsque la prescription se rapproche<br />

<strong>de</strong>s indications, soit elle est très conforme<br />

aux recommandations, soit elle<br />

entretient un symptôme et pourrait<br />

induire une dépendance. Cette étu<strong>de</strong><br />

souligne l'importance d'améliorer la<br />

formation <strong>de</strong>s mé<strong>de</strong>cins généralistes à<br />

la prise en charge <strong>de</strong> la dépression.<br />

■<br />

G.M.<br />

Observance, adhésion et<br />

information<br />

Un certain message préventif, <strong>de</strong>stiné<br />

au grand public, tend à mettre en évi<strong>de</strong>nce,<br />

parfois aussi à dramatiser, les<br />

effets secondaires et les risques liés à<br />

une consommation excessive <strong>de</strong> psychotropes<br />

(Chambaretaud, 2000). Le<br />

discours visant à optimiser l’adhésion au<br />

traitement peut parfois être brouillé<br />

par une telle communication, dont l’objet<br />

peut paraître dissuasif. Dans la majorité<br />

<strong>de</strong>s cas, et ce malgré <strong>de</strong>s difficultés<br />

<strong>de</strong> tolérance le plus souvent passagères,<br />

la plupart <strong>de</strong>s patients sont satisfaits<br />

dans les semaines qui suivent l’instauration<br />

<strong>de</strong> la médication (Schaffer et<br />

Yoon, 2001). Ce résultat dépend, évi<strong>de</strong>mment,<br />

<strong>de</strong> la capacité du psychiatre<br />

à prendre au sérieux la survenue<br />

d’éventuels effets secondaires, à effectuer<br />

un travail d’explication honnête<br />

et franc, à ajuster la posologie en cas <strong>de</strong><br />

nécessité. Mais il n’est pas rare que <strong>de</strong>s<br />

sujets pourtant moyennement adaptés<br />

à leur schéma thérapeutique refusent<br />

les simplifications proposées par leur<br />

mé<strong>de</strong>cin (Mottur-Pilson et al., 2001).<br />

Pour Morris et Shulz (1992), lorsqu’un<br />

traitement est envisagé, le praticien doit<br />

expliquer à son patient les difficultés<br />

inhérentes à la prise régulière du principe<br />

actif, le mala<strong>de</strong> <strong>de</strong>vant alors être<br />

vraiment décidé, s’approprier la décision<br />

thérapeutique et se mettre en état<br />

<strong>de</strong> combativité. Selon ces auteurs, le<br />

message préventif collectif paraît avoir<br />

moins d’impact qu’un discours individualisé.<br />

Pour Zrinyi (2001), c’est à la simplification<br />

<strong>de</strong>s schémas thérapeutiques qu’il<br />

convient d’accor<strong>de</strong>r la plus gran<strong>de</strong><br />

attention : « A cet égard, il est nécessaire<br />

<strong>de</strong> prendre parfois <strong>de</strong>s distances avec<br />

les illusions perfectionnistes. Prescrire dixsept<br />

pilules quotidiennement, imaginer<br />

que tout ira très bien, et mettre ensuite un<br />

éventuel échec sur le compte d’une mauvaise<br />

observance, ce n’est pas sérieux.<br />

Un traitement simple, tout aussi efficace<br />

et pris correctement vaut mieux qu’un<br />

traitement compliqué mais pas pris du<br />

tout ».<br />

Il convient par ailleurs, selon Duncan et<br />

Rogers (1998), <strong>de</strong> valoriser le temps<br />

<strong>de</strong> la consultation médicale et <strong>de</strong> renforcer<br />

les groupes <strong>de</strong> patients traités.<br />

Pour ces auteurs, les associations d’usagers<br />

ont un grand rôle à jouer, les discussions<br />

entre sujets sous traitement<br />

leur paraissant <strong>de</strong>s plus utiles : « De<br />

telles séances d’information permettent<br />

d’entendre <strong>de</strong>s avis différents, <strong>de</strong> confronter<br />

les points <strong>de</strong> vue pour ce qui concerne<br />

la prise régulière et la tolérance d’un<br />

traitement psychotrope ».<br />

Corrigan et al. (1990) insistent, quant<br />

à eux, sur la nécessité <strong>de</strong> renforcer et<br />

d’améliorer la collaboration entre les<br />

diverses instances impliquées, par<br />

exemple les proches, les pharmaciens,<br />

les assistants sociaux, les associations,...<br />

et, en particulier, d’engager un dialogue<br />

définissant <strong>de</strong>s objectifs communs susceptibles<br />

d’ai<strong>de</strong>r les patients en difficulté<br />

et, ainsi, <strong>de</strong> mieux contrer certains<br />

mouvements sectaires qui<br />

entretiennent une représentation négative<br />

<strong>de</strong>s médicaments utilisés en psychiatrie.<br />

Frank et al. (1995) vont dans<br />

le même sens, en soulignant qu’« il<br />

semble important <strong>de</strong> réviser l’image en<br />

général trop négative qui est véhiculée<br />

à propos <strong>de</strong>s psychotropes. Pourquoi ne<br />

pas entendre aussi <strong>de</strong>s patients qui vont<br />

bien, qui gèrent remarquablement leurs<br />

prises <strong>de</strong> médicament ? Et mettre en<br />

place une dynamique d’encouragement<br />

plutôt que d’entretenir le scepticisme ? Il<br />

ne s’agit pas, à notre sens, <strong>de</strong> proclamer<br />

que tout est facile, au risque <strong>de</strong> culpabiliser<br />

les individus qui éprouvent <strong>de</strong>s difficultés<br />

ou expriment <strong>de</strong>s doutes légitimes.<br />

Mais bien plutôt <strong>de</strong> soutenir, <strong>de</strong><br />

réconforter, <strong>de</strong> stimuler, d’ai<strong>de</strong>r chaque<br />

patient à intégrer une perception éclairée,<br />

motivante et aussi raisonnablement critique,<br />

<strong>de</strong>s traitements proposés ». Parmi<br />

les initiatives allant dans ce sens, on<br />

peut citer celle du « buddy system »<br />

<br />

THÉRAPEUTIQUE ■ 17<br />

LIVRES<br />

Cigognes et paillettes<br />

L’assistance médicale à la<br />

procréation<br />

Dossier coordonné par Jacques<br />

Dayan<br />

Spirale n° 32<br />

Erès<br />

Le titre <strong>de</strong> cet ouvrage provient d’une<br />

enquête menée dans plusieurs écoles<br />

maternelles qui a clairement montré<br />

que la représentation populaire infantile<br />

<strong>de</strong> la naissance n’était plus<br />

celle <strong>de</strong>s cigognes, ni <strong>de</strong>s choux mais<br />

celle <strong>de</strong>s graines et <strong>de</strong>s paillettes : la<br />

science avait pénétré le mon<strong>de</strong> infantile,<br />

mais toujours sous la forme<br />

d’un conte. Qu’en pensent les adultes ?<br />

Sont-ils moins perméables que les<br />

enfants à l’irrationnel ? Les craintes<br />

que font naître ces nouvelles formes<br />

<strong>de</strong> procréation sont-elles justifiées ?<br />

Ce numéro <strong>de</strong> Spirale apporte quelques<br />

éléments à cette discussion. Le désir<br />

d’enfant est nuancé par un abord philosophique<br />

(L. Petit) et social (J. Dayan<br />

et N. Trouvé). Les choix éthiques sont<br />

abordés à propos <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux pratiques,<br />

l’une déjà réelle, le diagnostic préimplantatoire<br />

(P. Barjot), l’autre encore<br />

virtuelle, le clonage (P. Le Coz).<br />

Le témoignage <strong>de</strong>s femmes ou <strong>de</strong>s<br />

couples souhaitant concevoir un enfant<br />

par don <strong>de</strong> gamètes est présenté.<br />

L’article <strong>de</strong> C. Trouvé et coll. se focalise<br />

sur la question du secret et <strong>de</strong><br />

l’anonymat auprès <strong>de</strong> parents ayant<br />

conçu un enfant par IAD, celui <strong>de</strong> O.<br />

Rosenblum auprès <strong>de</strong> couples en <strong>de</strong>man<strong>de</strong><br />

d’enfant dont l’un est séropositif<br />

(VIH). C. Coëffin-Driol présente<br />

une recherche originale qui consiste<br />

à abor<strong>de</strong>r <strong>de</strong>ux facettes, apparemment<br />

opposées, <strong>de</strong> la problématique<br />

féminine, l’une menant aux PMA,<br />

l’autre à l’interruption volontaire <strong>de</strong><br />

grossesse.<br />

Sont, également, proposés les témoignages<br />

d’une psychologue (N.<br />

Guelle), d’une sage-femme (C. Bouet)<br />

et d’une biologiste (I. Galeraud-Denis)<br />

impliquées dans la prise en charge<br />

<strong>de</strong>s couples dans le cadre <strong>de</strong>s PMA.<br />

Euriat présente avec une gran<strong>de</strong> clarté<br />

les aspects juridiques qui ont soustendu<br />

la préparation <strong>de</strong> la nouvelle<br />

loi <strong>de</strong> bioéthique. Enfin, un texte en<br />

annexe d’A. Sauvalle éclaire sur les<br />

sigles et les techniques permettant<br />

au lecteur <strong>de</strong> ne pas s’égarer.<br />

Communiquer dans les<br />

organisations sociales et<br />

médico-sociales<br />

2ème édition<br />

Daniel Gacoin<br />

Dunod, 30 €<br />

Certains aspects <strong>de</strong> la première édition,<br />

qui étaient liés à la réponse à la<br />

loi du 2 janvier 2002, détaillaient <strong>de</strong>s<br />

approches pour la mettre en œuvre<br />

à partir, notamment, <strong>de</strong>s projets <strong>de</strong><br />

décrets d’application. Or ces <strong>de</strong>rniers,<br />

après avoir tant tardé, ont été publiés<br />

<strong>de</strong>puis peu et leur contenu vient modifier<br />

les présentations initiales. Les<br />

repères historiques, théoriques, stratégiques<br />

et méthodologiques ont été<br />

maintenus et parfois enrichis, la <strong>de</strong>nsité<br />

globale du texte ayant été revue<br />

pour faciliter une lecture plus immédiate<br />

et interactive.<br />

Enfin la <strong>de</strong>rnière partie <strong>de</strong> l’ouvrage<br />

initial, consacrée aux stratégies et<br />

métho<strong>de</strong>s a été découpée en trois<br />

approches distinctes. La première<br />

concerne la communication avec l’usager,<br />

dans les organisations sociales<br />

et médico-sociales, intégrant donc les<br />

<strong>de</strong>rnières versions réglementaires <strong>de</strong><br />

la loi du 2 janvier 2002. La <strong>de</strong>uxième<br />

regar<strong>de</strong>, entièrement, la question <strong>de</strong><br />

la communication interne <strong>de</strong>s organisations.<br />

Enfin, la <strong>de</strong>rnière est consacrée,<br />

à part entière, à la communication<br />

externe <strong>de</strong>s organisations.


18<br />

■ THÉRAPEUTIQUE<br />

Le risque <strong>de</strong> saignement avec les antidépresseurs dépend<br />

du <strong>de</strong>gré d’inhibition <strong>de</strong> la recapture <strong>de</strong> la sérotonine<br />

Les antidépresseurs inhibant la recapture <strong>de</strong> la sérotonine sont associés à une<br />

augmentation du risque <strong>de</strong> saignement anormal, le risque dépendant du <strong>de</strong>gré<br />

d’inhibition <strong>de</strong> la recapture, selon une étu<strong>de</strong> néerlandaise.<br />

Plusieurs étu<strong>de</strong>s ont mis en évi<strong>de</strong>nce une augmentation du risque <strong>de</strong> saignement<br />

avec <strong>de</strong>s antidépresseurs, notamment <strong>de</strong>s inhibiteurs <strong>de</strong> la recapture<br />

<strong>de</strong> la sérotonine (ISRS). Welmoed Meijer, <strong>de</strong> l’institut <strong>de</strong> pharmacologie<br />

d’Utrecht, et ses collègues, ont relié le risque hémorragique et la puissance<br />

d’inhibition <strong>de</strong> la recapture <strong>de</strong> la sérotonine. Ils ont inclus tous les types <strong>de</strong><br />

saignements, mais uniquement les saignements sévères, et se sont intéressés<br />

à tous les types d’antidépresseurs. Dans une étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> suivi <strong>de</strong> 64 647 personnes<br />

ayant été traitées par antidépresseurs, sur un suivi moyen <strong>de</strong> 229<br />

jours, 196 cas <strong>de</strong> saignement conduisant à une admission à l’hôpital ont été<br />

rapportés. Les chercheurs ont fait une étu<strong>de</strong> cas-contrôle, comparant chacun<br />

<strong>de</strong>s 196 cas à 5 contrôles. Ils ont classé les antidépresseurs en 3 groupes selon<br />

que le <strong>de</strong>gré d’inhibition <strong>de</strong> la recapture <strong>de</strong> la sérotonine est bas, intermédiaire<br />

ou élevé.<br />

La catégorie à inhibition élevée ne recoupe pas totalement la classe <strong>de</strong>s ISRS.<br />

En effet, dans cette catégorie on trouve la fluoxétine, la sertraline et la paroxétine,<br />

3 ISRS, mais aussi la clomipramine. En revanche, la fluvoxamine,<br />

le citalopram et la venlafaxine (qui inhibe aussi la recapture <strong>de</strong> la noradrénaline)<br />

sont dans le groupe à <strong>de</strong>gré d’inhibition intermédiaire, avec <strong>de</strong>s<br />

membres d’autres classes d’antidépresseurs : dothiépine, amitriptyline, imipramine.<br />

Dans le groupe à faible inhibition <strong>de</strong> la recapture <strong>de</strong> la sérotonine, on trouvait<br />

la mirtazapine, la maprotiline, la miansérine, la néfazodone, la trazodone,<br />

la doxépine, la nortriptyline, la désipramine, le bupropion et le moclobémi<strong>de</strong>.<br />

Par rapport aux produits à faible <strong>de</strong>gré d’inhibition, les produits à <strong>de</strong>gré d’inhibition<br />

intermédiaire multipliaient le risque <strong>de</strong> saignement par 1,9 et les produits<br />

à <strong>de</strong>gré d’inhibition élevé multipliaient le risque par 2,6. Des résultats<br />

similaires sont obtenus pour les analyses séparées d’une part <strong>de</strong>s saignements<br />

utérins anormaux et d’autre part <strong>de</strong>s saignements gastro-intestinaux. ■<br />

Archives of internal medicine, vol.164, n°21, p.2367-2370<br />

australien qui consiste à faire prendre<br />

en charge un nouveau patient par un<br />

ancien. Sur le plan associatif, il est par<br />

ailleurs intéressant <strong>de</strong> noter qu’au sein<br />

<strong>de</strong> nombreux réseaux d’accompagnement<br />

se forment <strong>de</strong>s groupes <strong>de</strong> soutien<br />

en matière d’adhésion au traitement.<br />

Définir, dans un tel cadre, <strong>de</strong>s<br />

objectifs communs apparaît comme<br />

une nécessité pour la plupart <strong>de</strong>s usagers<br />

participant.<br />

Synthèse<br />

Pour <strong>de</strong> nombreux auteurs, en amont<br />

<strong>de</strong> la problématique <strong>de</strong> l’adhésion au<br />

LIVRES<br />

Manuel <strong>de</strong> Santé Mentale<br />

relationnelle<br />

José GuimÓn<br />

Mé<strong>de</strong>cine et Hygiène (Genève) 39 €<br />

Professeur et Chef du Département<br />

<strong>de</strong> <strong>Psychiatrie</strong> <strong>de</strong> l’Université <strong>de</strong> Genève,<br />

José GuimÓn, seul auteur <strong>de</strong><br />

l’ouvrage, présente un large panorama<br />

<strong>de</strong> la psychiatrie actuelle. L’ensemble<br />

<strong>de</strong>s perspectives y sont abordés<br />

: biologie, phénoménologie,<br />

psychanalyse, cognitivo-comportementalisme,<br />

modèle systémique, facteurs<br />

environnementaux et culturels...<br />

Selon Otto Kernberg, qui préface le<br />

livre, « GuimÓn indique <strong>de</strong> façon élégante<br />

comment la révolution en neurosciences<br />

peut être complétée par une<br />

approche psychodynamique actuelle<br />

provenant <strong>de</strong> la compréhension psychanalytique.<br />

Il défie <strong>de</strong> façon adéquate<br />

la profession psychanalytique<br />

<strong>de</strong> réexaminer sa responsabilité à la<br />

fois envers l’évolution scientifique <strong>de</strong><br />

son domaine et sa responsabilité sociale<br />

dans la prévention et le traitement<br />

<strong>de</strong> la maladie mentale ». On regrettera,<br />

cependant, que l’auteur se<br />

cite un peu trop abondamment, que<br />

ses références soient essentiellement<br />

anglo-saxonnes ou genevoises, et<br />

que les auteurs francophones ne<br />

soient qu’exceptionnellement mentionnés...<br />

M. Goutal<br />

P.C.<br />

traitement se trouvent les questions du<br />

dépistage et <strong>de</strong> l’accès aux soins (Breen<br />

et Thornhill, 1998 ; Misdrahi et al.,<br />

2002). En Amérique du Nord, <strong>de</strong>s initiatives<br />

très intéressantes sont prises<br />

afin <strong>de</strong> sensibiliser la population aux<br />

nouveaux enjeux du dépistage <strong>de</strong> la<br />

maladie mentale (Kampman et Lehtinen,<br />

1999). Et cela avec le soutien <strong>de</strong>s<br />

associations d’usagers. Globalement, il<br />

faut souligner que la précocité du suivi<br />

constitue un sérieux atout pour le<br />

patient, indépendamment <strong>de</strong> l’intérêt<br />

indéniable concernant l’instauration<br />

rapi<strong>de</strong> d’un traitement adapté. En France,<br />

et ce malgré les avancées <strong>de</strong> ces<br />

<strong>de</strong>rnières années (Baylé et al., 1999;<br />

Spadone, 2002), <strong>de</strong>s progrès restent à<br />

faire dans le domaine <strong>de</strong> l’information<br />

<strong>de</strong>s sujets atteints <strong>de</strong> maladie mentale,<br />

ainsi que dans celui du dépistage. L’adhésion<br />

ultérieure à une médication ne<br />

peut être possible que si la signification<br />

du traitement est expliquée objectivement<br />

aux sujets concernés. Le suivi<br />

médical nécessite une confiance dans le<br />

réseau sanitaire local et une acceptation<br />

<strong>de</strong> la morbidité.<br />

Par ailleurs, s’exposer à une rechute,<br />

c’est pour Elliott (2001) repousser toujours<br />

une limite et tester à répétition<br />

son immortalité : « Je crois que les messages<br />

ciblant la symptomatologie ellemême<br />

et le risque <strong>de</strong> rechute sont les<br />

plus utiles. Indépendamment <strong>de</strong> l’information<br />

préventive, les discours ignorant<br />

l’impact positif <strong>de</strong>s traitements sont à<br />

modifier ». <br />

Jérôme Palazzolo*,<br />

Virginie Morel**,<br />

Blandine Chermette**<br />

*Psychiatre Hospitalier,<br />

**Internes DES en <strong>Psychiatrie</strong><br />

Centre Hospitalier Sainte-Marie, Réseau ERASM,<br />

87 avenue Joseph Raybaud, BP 1519, 06009<br />

Nice ce<strong>de</strong>x 01<br />

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2001, 10, 5, 618-627.<br />

WIRSHING DA, WIRSHING WC, KYSAR<br />

L, Novel antipsychotics: comparison of weight<br />

gain liabilities, J Clin Psychiatry 1999, 60,<br />

358-363.<br />

ZRINYI M, The influence of staff-patient<br />

interactions on adherence behaviours,<br />

EDTNA ERCA J 2001, 26, 1, 13-16.<br />

Seul un mé<strong>de</strong>cin généraliste sur cinq prescrit <strong>de</strong> la<br />

buprénorphine en relation avec un réseau,<br />

selon une étu<strong>de</strong> dans les Bouches-du-Rhône<br />

Seul un mé<strong>de</strong>cin généraliste sur cinq dans les Bouches-du-Rhône prescrit <strong>de</strong><br />

la buprénorphine (Subutex ® ), traitement <strong>de</strong> substitution <strong>de</strong> la dépendance<br />

aux opiacés, en relation avec un réseau, montre une enquête, menée en<br />

2002 par l'Inserm U379 à <strong>Mars</strong>eille et l'Observatoire régional <strong>de</strong> la santé <strong>de</strong><br />

Provence-Alpes-Côte d'Azur (ORS PACA), et présentée lors du colloque<br />

« Recherche sur les enjeux sanitaires et sociaux <strong>de</strong>s drogues », organisé par la<br />

Mission interministérielle <strong>de</strong> lutte contre la drogue et la toxicomanie (MILDT)<br />

et l'Inserm.<br />

Jean-Paul Moatti <strong>de</strong> l'Inserm U379 et ses collègues ont évalué la diffusion <strong>de</strong><br />

la prescription <strong>de</strong> buprénorphine en mé<strong>de</strong>cine générale, et étudié <strong>de</strong>s éventuelles<br />

différences dans les modalités <strong>de</strong> prescription et le suivi <strong>de</strong>s recommandations.<br />

Ils ont interrogé 345 mé<strong>de</strong>cins généralistes prescripteurs <strong>de</strong> buprénorphine<br />

dans un échantillon <strong>de</strong> 700 praticiens <strong>de</strong>s Bouches-du-Rhône.<br />

Les résultats indiquent qu'en 2002, 38% <strong>de</strong>s mé<strong>de</strong>cins généralistes libéraux<br />

avaient prescrit au moins une fois <strong>de</strong> la buprénorphine, contre environ 25%<br />

en 2000. Mais si la prescription s'est diffusée, seulement 20% <strong>de</strong>s mé<strong>de</strong>cins<br />

assurent 80% <strong>de</strong>s prescriptions et prennent en charge 65% <strong>de</strong>s patients.<br />

Plus <strong>de</strong> 40% <strong>de</strong>s mé<strong>de</strong>cins n'ont prescrit la buprénorphine qu'une seule fois<br />

sur la pério<strong>de</strong> d'étu<strong>de</strong> et près <strong>de</strong> 87,5% d'entre eux ont prescrit, au total,<br />

moins <strong>de</strong> dix fois le médicament. Malgré les préconisations <strong>de</strong> l'autorisation<br />

<strong>de</strong> mise sur le marché <strong>de</strong> Subutex ® (« Le résultat du traitement dépend (...)<br />

d'autre part <strong>de</strong>s mesures médico-psychologiques et socio-éducatives associées<br />

pour le suivi du patient »), seul un mé<strong>de</strong>cin sur cinq était en relation avec un<br />

réseau. En outre un tiers seulement <strong>de</strong>s prescripteurs avaient suivi une formation<br />

en toxicomanie, le plus souvent au cours <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux années immédiatement<br />

postérieures à la délivrance <strong>de</strong> l'AMM.<br />

Ainsi, les pratiques <strong>de</strong> suivi <strong>de</strong>s patients dépen<strong>de</strong>nt, également, <strong>de</strong> la formation.<br />

Lorsque le patient s'injecte le produit ou exprime un manque, les praticiens<br />

qui ont une file active importante ou sont formés à la prise en charge<br />

<strong>de</strong>s toxicomanes réagissent plus facilement par une augmentation <strong>de</strong>s posologies<br />

ou un changement du mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> délivrance.<br />

A l'inverse, les mé<strong>de</strong>cins qui ont une file active restreinte, ne sont pas formés<br />

ou ne sont pas en relation avec un réseau, ont plus tendance à déclarer<br />

cesser la prise en charge du patient.<br />

Enfin, l'enquête indique que 40% <strong>de</strong>s mé<strong>de</strong>cins prescrivent la buprénorphine<br />

exclusivement en relais d'un autre praticien. ■<br />

B.L.


N°2 - TOME XVIII - MARS 2005<br />

Contribution à l’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s toxicomanies<br />

A propos <strong>de</strong> 212 cas vus dans l’unité <strong>de</strong> Neuro-psychiatrie <strong>de</strong> l’hôpital<br />

Joseph Raseta <strong>de</strong> Befelatanana au Centre Hospitalier Universitaire d’Antananarivo<br />

Nous rapportons dans ce travail 212<br />

cas <strong>de</strong> toxicomanie vus dans le<br />

Service <strong>de</strong> Mé<strong>de</strong>cine 1 Unité <strong>de</strong><br />

Neuro-<strong>Psychiatrie</strong> à l’Hôpital Joseph<br />

Raseta <strong>de</strong> Befelatanana Centre Hospitalier<br />

Universitaire d’Antananarivo en<br />

2001. Le vocable « toxicomanie »<br />

désigne l’usage habituel et excessif, nuisible<br />

pour l’individu et pour la société,<br />

<strong>de</strong>s substances ou <strong>de</strong>s médicaments<br />

toxiques détournés <strong>de</strong> leur usage thérapeutique<br />

habituel (1).<br />

Signalons que, <strong>de</strong>puis 1969, l’Organisation<br />

Mondiale <strong>de</strong> la Santé tente <strong>de</strong><br />

remplacer le terme <strong>de</strong> toxicomanie par<br />

celui <strong>de</strong> pharmacodépendance : état<br />

physique ou psychique qui se caractérise<br />

par <strong>de</strong>s modifications du comportement<br />

et par d’autres réactions qui<br />

comprennent toujours une pulsion à<br />

prendre le médicament ou le produit<br />

afin <strong>de</strong> retrouver ses effets psychiques<br />

et, quelquefois, d’éviter le malaise <strong>de</strong> la<br />

privation (2).<br />

Nous avons abordé ce thème en raison<br />

<strong>de</strong> son intérêt pratique. En effet, la toxicomanie,<br />

fait <strong>de</strong> société, est <strong>de</strong>venue un<br />

problème <strong>de</strong> santé publique. L’usage<br />

<strong>de</strong> drogue et la toxicomanie sont <strong>de</strong>s<br />

phénomènes communs à tous les pays,<br />

et à toutes les cultures mais avec <strong>de</strong>s<br />

variations quantitatives et qualitatives<br />

très importantes, dans le temps et dans<br />

l’espace. Si la coopération internationale<br />

en matière <strong>de</strong> trafic est bien organisée,<br />

il n’en va pas <strong>de</strong> même pour le<br />

traitement et la prévention d’un pays à<br />

l’autre. L’engagement <strong>de</strong>s pouvoirs<br />

publics et <strong>de</strong>s mé<strong>de</strong>cins reste inégal.<br />

Dans notre pays, le diagnostic <strong>de</strong> toxicomanie<br />

<strong>de</strong>meure subjectif (3).<br />

Tenter <strong>de</strong> dégager une démarche diagnostique<br />

et une conduite thérapeutique<br />

<strong>de</strong>meure notre objectif.<br />

Métho<strong>de</strong>s<br />

Il s’agit d’une étu<strong>de</strong> rétrospective du<br />

1 er janvier 2001 au 31 décembre<br />

2001. Nous avons colligé 2225 dossiers.<br />

Pour chaque dossier, nous avons<br />

étudié les données anamnestiques et<br />

retenu 212 toxicomanies, soit environ<br />

10% <strong>de</strong>s patients, en incluant les<br />

mala<strong>de</strong>s admis dans l’unité, déclarés<br />

comme « présentant une toxicomanie »<br />

répartis en 175 <strong>de</strong> sexe masculin et 37<br />

<strong>de</strong> sexe féminin Ont été exclus les toxicomanes<br />

vus en consultation. Seuls, 3<br />

adolescents ont été hospitalisés (1 pour<br />

alcoolisme, 2 pour prise <strong>de</strong> cannabis).<br />

Les données retenues sont présentées<br />

dans les tableaux suivants :<br />

Produits Patients<br />

Alcool 200<br />

Alcool + cannabis 01<br />

Cannabis 06<br />

Benzodiazépine 02<br />

Trihexiphénidyle 02<br />

Barbiturique 01<br />

Produits ingérés Masculin Féminin<br />

Alcool 165 35<br />

Alcool + cannabis 01 00<br />

Cannabis 06 00<br />

Benzodiazépine 02 00<br />

Trihexiphénidyle 01 01<br />

Barbiturique 00 01<br />

Les situations cliniques rencontrées<br />

sont :<br />

- syndrome anxieux dû au malaise <strong>de</strong>s<br />

jeunes, résultant <strong>de</strong> la conjoncture<br />

sociale, familiale (conflits <strong>de</strong> génération,<br />

difficultés d’i<strong>de</strong>ntification à un<br />

modèle parental stable, difficultés à<br />

trouver une orientation professionnelle<br />

adéquate) ;<br />

- immaturité idéo/affective ;<br />

- impulsivité majeure et tendance aux<br />

transgressions ;<br />

- appétences toxicophiliques ;<br />

- syndrome dépressif dont le taux <strong>de</strong><br />

prévalence est plus élevé chez les célibataires,<br />

divorcés, séparés, veufs ou<br />

veuves, chômeurs ;<br />

- schizophrénie : la consommation <strong>de</strong><br />

substances psycho-actives peut<br />

répondre à <strong>de</strong>s objectifs divers : compenser<br />

un déficit, essayer <strong>de</strong> faire face<br />

à <strong>de</strong>s difficultés émotionnelles ou à<br />

une incapacité sociale (4).<br />

Commentaires,<br />

discussions, suggestions<br />

Les drogues licites et illicites peuvent<br />

être détectées par <strong>de</strong>s métho<strong>de</strong>s qualitatives<br />

<strong>de</strong> détection et quantitatives<br />

<strong>de</strong> dosage.<br />

Le choix dépend du but recherché :<br />

- dépistage d’une toxicomanie,<br />

- diagnostic d’un coma par surdosage<br />

ou surveillance <strong>de</strong> l’abstinence.<br />

Par ailleurs, l’actualité s’empare, <strong>de</strong><br />

temps à autre, du dépistage en entreprise<br />

à l’embauche, lors <strong>de</strong> la conduite<br />

automobile ou <strong>de</strong> la pratique du sport.<br />

La procédure notamment américaine<br />

(National Institute of Drug Abuse -<br />

NIDA) prévoit le dépistage en <strong>de</strong>ux<br />

temps : dépistage par métho<strong>de</strong>s immunologiques<br />

puis confirmation par chromatographie<br />

en phase gazeuse couplée<br />

à la spectrométrie <strong>de</strong> masse.<br />

La plupart <strong>de</strong>s stupéfiants peuvent être<br />

détectés notamment dans les urines (5)<br />

où ils se dégra<strong>de</strong>nt moins rapi<strong>de</strong>ment<br />

que dans le sang : 48 à 72 heures après<br />

la <strong>de</strong>rnière prise. les travaux actuels<br />

explorent beaucoup les « milieux alternatifs<br />

non invasifs » : salives, cheveux,<br />

peuvent être plus faciles à recueillir<br />

que les urines.<br />

Pour la confirmation <strong>de</strong> l’alcoolisme<br />

aigu l’alcoolémie et l’alcooltest sont uti-<br />

lisés, Draeger<br />

(6, 7).<br />

Il serait utile, en ce temps <strong>de</strong> mondialisation,<br />

que Madagascar se dote <strong>de</strong><br />

Laboratoires <strong>de</strong> Toxicologie Médicale,<br />

en vue :<br />

- d’espérer pouvoir faire un diagnostic<br />

toxicologique <strong>de</strong> certitu<strong>de</strong>,<br />

- <strong>de</strong> mener une conduite thérapeutique<br />

adéquate et <strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>s statistiques<br />

fiables.<br />

Dans cette <strong>de</strong>rnière perspective, nous<br />

pensons utile <strong>de</strong> considérer les toxicomanies<br />

comme faisant partie <strong>de</strong>s maladies<br />

à déclaration obligatoire.<br />

Sur le plan thérapeutique, la toxicomanie<br />

requiert un traitement préventif<br />

multidisciplinaire (8) et/ou un traitement<br />

curatif bien codifié :<br />

1/ l’urgence toxicomaniaque intervient<br />

dans trois circonstances :<br />

- l’overdose, risque <strong>de</strong> collapsus cardio-respiratoire,<br />

- les complications septiques,<br />

- l’association à une pathologie psychiatrique<br />

;<br />

2/ toute ordonnance médicamenteuse<br />

doit être proscrite (9). Le syndrome <strong>de</strong><br />

sevrage n’existe que pour les produits<br />

susceptibles <strong>de</strong> provoquer une dépendance<br />

physique. Ces produits peuvent<br />

être résumés mémo techniquement<br />

par : Benzodiazépine, Alcool éthylique,<br />

Barbiturique, Opiacés sauf tétrahydrocannabinol<br />

(THC) (10).<br />

En l’absence <strong>de</strong> consommation actuelle<br />

d’héroïne, les overdoses et les complications<br />

septiques ne sont pas rencontrées.<br />

Par contre, les pathologies<br />

psychiatriques associées nécessitent un<br />

traitement et une prise en charge adéquate<br />

alors que le volet préventif multidisciplinaire<br />

mériterait d’être renforcé<br />

<strong>de</strong> façon socio-culturelle (11). <br />

A. Raharivelo*, V.<br />

Ratzaramandimby*, J.C.<br />

Samuelian**, D.S. Andriambao***<br />

*Unité <strong>de</strong> Neuropsychiatrie, service <strong>de</strong> Mé<strong>de</strong>cine<br />

I, CHU d’Antananarivo, Madagascar.<br />

**Chef <strong>de</strong> service <strong>de</strong> <strong>Psychiatrie</strong>, Timone, <strong>Mars</strong>eille.<br />

***Directeur du Laboratoire <strong>de</strong> Neuroscience<br />

et <strong>de</strong> Santé Mentale Antsakaviro, Madagascar.<br />

Bibliographie<br />

(1) GARNIER M, DELAMARE V, Dictionnaire<br />

<strong>de</strong>s termes techniques <strong>de</strong> Mé<strong>de</strong>cine,<br />

Maloine, Paris, 1985.<br />

(2) SENON JL, SECHTER D, RICHARD<br />

P, Toxicomanie in Thérapeutique Psychiatrique,<br />

Eds Hermann, Paris, 1995, 723-750.<br />

(3) RAMANANATONANADRASANA J,<br />

Contribution à l’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s toxicomanies à<br />

propos <strong>de</strong> 90 cas découverts et traités au<br />

Centre Hospitalier Régional <strong>de</strong> Fiabarabtsoa,<br />

Thèse <strong>de</strong> doctorat en Mé<strong>de</strong>cine Antananarivo,<br />

2000.<br />

(4) RAYNAUD JP, AMETEPE L, Schizophrénie<br />

et comorbidité : addictions et violence,<br />

Rév Prat 2002, 52, 1192.<br />

(5) CHARLES NICOLAS A, Toxicomanies,<br />

Traité <strong>de</strong> Mé<strong>de</strong>cine, Troisième édition,<br />

Mé<strong>de</strong>cine Sciences Flammarion 1996.<br />

(6) CHARLES NICOLAS A, Toxicomanie,<br />

Ency Med Chir (Elsevier, Paris) <strong>Psychiatrie</strong>,<br />

37-396-A-10, 1994, 24p.<br />

(7) EY H, BERNARD P, BRISSET Ch,<br />

Manuel <strong>de</strong> <strong>Psychiatrie</strong>, Psychoses alcooliques,<br />

5ème édition, Masson et Cie 1985.<br />

(8) SAMBANY, Traitement <strong>de</strong> la schizophrénie,<br />

Cours polycopié 6ème année<br />

Mé<strong>de</strong>cine, Antananarivo 2002.<br />

(9) BINETY P, Les urgences psychiatriques,<br />

Thèse <strong>de</strong> Mé<strong>de</strong>cine, Antananarivo 2001.<br />

(10) KERNEIS O, L’urgence en psychiatrie,<br />

in Pathologie et soins d’urgence, Eds Arnette<br />

1988, 199-203.<br />

(11) RASOALAHADY RD, Contribution à<br />

l’étu<strong>de</strong> socio-culturelle <strong>de</strong> l’infection au VIH,<br />

Thèse Mé<strong>de</strong>cine, Antananarivo 2001.<br />

LIVRES ET REVUES<br />

Festival <strong>de</strong>s auteurs Psy<br />

Nîmes, 2 et 3 avril<br />

Femmes hommes<br />

L’invention <strong>de</strong>s possibles<br />

Sous la direction <strong>de</strong> Armand<br />

Touati<br />

Editions Cultures en mouvement<br />

21 €<br />

Les femmes et les hommes inscrivent<br />

leurs choix dans une histoire millénaire<br />

<strong>de</strong> relations. L’affirmation <strong>de</strong><br />

l’émancipation féminine au XX e siècle<br />

s’est traduite par <strong>de</strong>s transformations<br />

dans le travail, la famille et, au-<strong>de</strong>là,<br />

dans la cité. Le présent nous confronte<br />

à <strong>de</strong>s conduites diversifiées comme<br />

si la société était, <strong>de</strong> plus en plus, plurielle<br />

: du fonctionnement le plus traditionnel,<br />

le couple monogame et hétérosexuel<br />

autrefois modèle quasi<br />

exclusif, aux nouvelles familles, du<br />

renouveau <strong>de</strong> certaines valeurs à l’invention<br />

<strong>de</strong> nouvelles formes <strong>de</strong> la<br />

vie privée. Au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> l’invention <strong>de</strong><br />

soi qui caractériserait notre temps,<br />

chacune et chacun <strong>de</strong>vrait, également,<br />

inventer sa manière d’être à<br />

<strong>de</strong>ux voire d’être seul(e). Penser ces<br />

possibles, c’est repérer les changements<br />

mais aussi reconnaître les permanences<br />

qui se heurteraient à une<br />

limite, celle que l’on pourrait qualifier<br />

« d’impossible » pour penser l’humain<br />

: l’entrée dans un mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> reproduction<br />

<strong>de</strong> l’espèce distinct<br />

radicalement du lien entre les sexes.<br />

La question <strong>de</strong> la différence <strong>de</strong>s sexes<br />

se pose. Qu’est-ce qui, <strong>de</strong> cette différence,<br />

se révèle incertain ou irréductible<br />

dans ses fon<strong>de</strong>ments, ses dispositions<br />

existentielles et inconscientes<br />

et ses voies d’expression ?<br />

Où en sommes-nous quant aux avancées<br />

du mouvement <strong>de</strong>s femmes dans<br />

les sociétés « développées » (notamment<br />

le droit à la contraception et à<br />

l’avortement, la revendication d’égalité<br />

dans le travail, la parité en politique…).<br />

Ces avancées <strong>de</strong>meurent<br />

Pour être invité au FAP chaque conférencier doit être au top dans son<br />

domaine mais aussi répondre à un <strong>de</strong>uxième critère : être sympathique et<br />

abordable.<br />

Parmi eux, <strong>de</strong>s gran<strong>de</strong>s pointures : Christophe André (psychologue <strong>de</strong> la<br />

peur), Christophe Faure (vivre la maladie d’un proche), Thomas d’Ansembourg<br />

(être heureux n’est pas nécessairement confortable), Isabelle Nazare-<br />

Aga (approcher les autres est-ce si difficile ?), Charly Cungi (vaincre la timidité,<br />

c’est possible).<br />

THÉRAPEUTIQUE ■ 19<br />

fragiles et incomplètes alors que, dans<br />

la plupart <strong>de</strong>s pays, les droits élémentaires<br />

<strong>de</strong>s femmes ne sont même pas<br />

ébauchés. Au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> cette dimension,<br />

l’évolution <strong>de</strong> l’i<strong>de</strong>ntité masculine doit<br />

être située dans une analyse plus large<br />

du <strong>de</strong>venir <strong>de</strong>s relations femmes/hommes<br />

notamment l’émergence <strong>de</strong> nouvelles<br />

conduites (les notions <strong>de</strong> « nouveaux<br />

pères » ou d’« homme flou »,<br />

l’interrogation <strong>de</strong> la « fonction paternelle<br />

», la « confusion » <strong>de</strong>s genres) ou le<br />

retour <strong>de</strong> conduites archaïques et machiste<br />

dans une partie <strong>de</strong> la jeunesse.<br />

La possibilité du clonage reproductif,<br />

qui, même si elle n’est pas encore entrée<br />

dans les faits, transforme déjà les<br />

représentations concernant le <strong>de</strong>venir<br />

<strong>de</strong>s relations femmes/hommes. Un processus<br />

est-il enclenché qui, à terme,<br />

transformera radicalement la nature <strong>de</strong><br />

ces relations ? S’agit-il d’une fracture<br />

symbolique qui accélèrera les « ruptures »<br />

actuelles (familles recomposées, monoparentales,<br />

célibat prolongé…) ? La<br />

revendication d’homoparentalité déplaçant<br />

sur un plan symbolique le rôle<br />

« paternel » classique <strong>de</strong> « tiers séparateur<br />

», exprime-t-elle une forme anticipatrice<br />

? Cela implique une réflexion<br />

actualisée sur le féminin et le masculin<br />

en ce qui concerne la construction <strong>de</strong>s<br />

i<strong>de</strong>ntités.<br />

Avec Nicole Aubert, Geneviève Fraisse, Thierry Goguel<br />

d’Allondans, Jean-Clau<strong>de</strong> Kaufmann, Martine<br />

Lani-Bayle, Edith Lecourt, Margaret Maruani, Nancy<br />

Midol, Janine Mossuz-Lavau, André Rauch, Clau<strong>de</strong><br />

Rivière, Danielle Rosenfeld-Katz, Joseph Rouzel, Patrick<br />

Schmoll, Daniel Welzer-Lang.<br />

L’esprit sociologique<br />

Bernard Lahire<br />

La Découverte, 25 €<br />

Par une réflexion sur le travail d’interprétation<br />

sociologique mis en œuvre<br />

sur <strong>de</strong>s données <strong>de</strong> nature différentes<br />

(données d’observation, entretiens, documents<br />

écrits, données quantitatives),<br />

Bernard Lahire abor<strong>de</strong> <strong>de</strong>s questions<br />

importantes dans l’apprentissage <strong>de</strong><br />

l’esprit sociologique : la <strong>de</strong>scription,<br />

l’interprétation et la surinterprétation,<br />

l’usage sociologique <strong>de</strong>s analogies, les<br />

rapports entre objectivation sociologique<br />

et critique sociale, entre l’ordre<br />

<strong>de</strong> la pratique et l’ordre du discours,<br />

entre sociologie et littérature, etc.<br />

De par sa tonalité critique et sa volonté<br />

d’expliciter ce qu’est la connaissance<br />

sociologique mais aussi ce qu’elle n’est<br />

pas, ce livre peut être classé dans la catégorie<br />

<strong>de</strong>s anti-manuels.<br />

Petit traité <strong>de</strong> la banlieue<br />

Marc Hatzfeld<br />

Dunod 23 €<br />

La question posée par la mise au ban<br />

d’une partie <strong>de</strong> la population pauvre<br />

dans du béton pauvre est moins, pour<br />

Marc Hatzfeld, celle du <strong>de</strong>venir <strong>de</strong>s cités<br />

elles-mêmes que celle <strong>de</strong> l’intégration<br />

urbaine. D’un côté, <strong>de</strong> vieilles villes<br />

pétrifiées, <strong>de</strong> l’autre <strong>de</strong>s brouillons à<br />

peine esquissés. Les villes historiques<br />

d’Europe sont, en gran<strong>de</strong> partie, et/pour<br />

beaucoup d’entre elles, bloquées par la<br />

<strong>de</strong>nsité et la structure du bâti, les enjeux<br />

financiers et l’épuisement <strong>de</strong> leurs<br />

formes. Les cités, en dépit <strong>de</strong> tout ce<br />

qu’on y constate d’infamant concernant<br />

l’idée <strong>de</strong> la ville et la place faite aux humains,<br />

sont <strong>de</strong>s lieux ouverts et plastiques.<br />

Si la ville veut bouger, c’est là<br />

qu’elle peut le faire. La relation <strong>de</strong>s habitants<br />

à leurs villes est disponible et<br />

n’attend que d’être prise en main, mise<br />

en forme et en matière. Tout n’y est pas<br />

possible mais beaucoup. Il s’agit bien<br />

d’un problème <strong>de</strong> civilisation car ce livre<br />

montre à quel point il influait les valeurs<br />

et les pratiques.<br />

A l’heure où l’on prend conscience <strong>de</strong><br />

l’inanité <strong>de</strong>s choix du passé proche, la<br />

question n’est, sans doute, pas <strong>de</strong> détruire<br />

pour tenter d’oublier mais <strong>de</strong> faire<br />

avec, pour inventer les villes <strong>de</strong> notre<br />

époque.


20<br />

LIVRES<br />

■ ANNONCES PROFESSIONNELLES<br />

Pour une approche<br />

intégrative <strong>de</strong> l’intelligence<br />

Un siècle après Binet<br />

Paulette Rozencwajg<br />

L’Harmattan 25,50 €<br />

Ce livre est le fruit d’un travail <strong>de</strong> recherches<br />

et <strong>de</strong> réflexion sur les différentes<br />

approches <strong>de</strong> l’intelligence <strong>de</strong>puis<br />

Binet. En effet, on ne savait alors<br />

que mesurer <strong>de</strong>s processus élémentaires<br />

ayant peu <strong>de</strong> pertinence pour comprendre<br />

le fonctionnement psychologique<br />

d’un enfant « normal » et son<br />

adaptation à l’école. Non seulement,<br />

Binet, en bon expérimentaliste, est le<br />

premier à avoir su mesurer l’intelligence<br />

en se basant sur les processus supérieurs,<br />

mais <strong>de</strong> surcroît, ses qualités cliniques<br />

le conduisent à décrire les comportements<br />

<strong>de</strong>s enfants en situation <strong>de</strong><br />

test <strong>de</strong> façon qualitative.<br />

Depuis Binet, l’évaluation <strong>de</strong> l’intelligence<br />

a pris et prend encore plusieurs<br />

formes : globale avec les échelles <strong>de</strong><br />

Wechsler, quantitative avec l’approche<br />

factorielle, ou processuelle avec l’approche<br />

cognitive <strong>de</strong> l’intelligence, approches<br />

décrites dans cet ouvrage.<br />

Après cet historique, la proposition théorique<br />

et empirique qui est ensuite présentée,<br />

qualifiée d’approche intégrative,<br />

propose une mesure qui se veut quantitative<br />

et qualitative à travers l’i<strong>de</strong>ntification<br />

<strong>de</strong>s stratégies <strong>de</strong> résolution <strong>de</strong><br />

problèmes. Il s’agit, en quelque sorte,<br />

d’un retour à Binet pour l’objet <strong>de</strong> l’évaluation,<br />

mais enrichi par la psychologie<br />

cognitive et les possibilités données par<br />

les outils informatiques et statistiques.<br />

L’évaluation participative au<br />

service du développement<br />

social<br />

Jean-François Brenoux<br />

Dunod, 24 €<br />

Explorant les influences <strong>de</strong> l’évaluation<br />

et leur portée dans la construction <strong>de</strong><br />

projets sociaux, l’auteur propose une<br />

métho<strong>de</strong> d’évaluation participative transposable<br />

à <strong>de</strong> nombreuses configurations.<br />

Elle est déclinée sous forme <strong>de</strong><br />

trois applications pratiques : dans les<br />

centres sociaux, dans les réseaux parentalité<br />

et sur les territoires <strong>de</strong> la politique<br />

<strong>de</strong> la ville. Un abécédaire <strong>de</strong> l’évaluation,<br />

en fin d’ouvrage, complète les<br />

repères méthodologiques et techniques<br />

présentés.<br />

100 Mots pour 100<br />

Philosophes<br />

De Héraclite à Derrida<br />

Jean-Clet Martin<br />

Les Empêcheurs <strong>de</strong> penser en rond<br />

15 €<br />

Chaque philosophe peut être associé<br />

à un mot autour duquel son œuvre<br />

rayonne. Or ce mot n’est pas une pure<br />

déduction intellectuelle et est généralement<br />

inscrit dans un épiso<strong>de</strong> crucial<br />

<strong>de</strong> la vie du philosophe. Il ne s’agit donc<br />

pas, dans ce livre, <strong>de</strong> faire dans l’anecdotique,<br />

comme c’est souvent le cas <strong>de</strong>s<br />

auteurs qui essaient <strong>de</strong> lier la vie et<br />

l’œuvre d’un philosophe, mais, tout en<br />

fuyant l’abstraction, <strong>de</strong> restituer en<br />

quelques pages ce qui lui a permis d’être<br />

innovant. Ces 100 portraits invitent à<br />

réfléchir à ce qu’il y a <strong>de</strong> singulier chez<br />

chaque philosophe. L’ensemble permet<br />

<strong>de</strong> restituer le mouvement animant<br />

l’histoire <strong>de</strong> la philosophie. On peut citer<br />

quelques exemples : Arendt, crise ;<br />

Bergson, durée ; Blanchot, fin ; Deleuze,<br />

multiplicité ; Epicure, matière ; Hobbes,<br />

terreur ; Hume, expérience ; Hyppolite,<br />

irrationnel ; Jankélévitch, irréversible ;<br />

Lévinas, visage ; Merleau-Ponty, chair ;<br />

Plotin, contemplation ; Weber, désenchantement.<br />

Pour vos annonces professionnelles<br />

contactez Madame Susie Caron au<br />

01 45 50 23 08<br />

ou par e-mail<br />

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LE CENTRE HOSPITALIER SAINT-JEAN DE DIEU<br />

ETABLISSEMENT PRIVÉ PARTICIPANT AU SERVICE PUBLIC HOSPITALIER<br />

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un PSYCHIATRE à Temps Plein<br />

pour compléter l’équipe médicale du secteur 22G05 (4ème poste)<br />

à SAINT-BRIEUC (Préfecture <strong>de</strong>s Côtes d’Armor)<br />

• Activités <strong>de</strong> secteur :<br />

CMP, hospitalisation plein temps, CATTP, hôpital <strong>de</strong> jour.<br />

• Activités intersectorielles possibles :<br />

urgences et psychiatrie <strong>de</strong> liaison au CHG voisin.<br />

Poste offert au choix <strong>de</strong>s PH ; possibilité CCN 51<br />

Pour tout renseignement merci <strong>de</strong> contacter :<br />

Dr Philippe Carrière (chef <strong>de</strong> service)<br />

Centre St-Benoît Menni - 8 rue Charles Pradal<br />

22000 Saint-Brieuc<br />

Tél : 02 96 77 27 10<br />

email : p.carriere@hopital-sjd-lehon.asso.fr<br />

Amiens,capitale <strong>de</strong> la Picardie<br />

à 1h15 <strong>de</strong> PARIS et <strong>de</strong> LILLE<br />

Le Centre Hospitalier Philippe Pinel<br />

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PSYCHIATRES<br />

Conventions avec le C.H.U. d’AMIENS.<br />

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hôpitaux <strong>de</strong> jour, C.M.P.<br />

Volonté <strong>de</strong> soutenir tout projet innovant et plan <strong>de</strong> formation<br />

dynamique.<br />

Toutes les possibilités statutaires peuvent être étudiées,<br />

notamment avec Confrères libéraux et/ou les généralistes.<br />

Contact : 03.22.53.47.02<br />

L’Association ’Association Rénovation<br />

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RECRUTE POUR SON<br />

CENTRE DE SANTÉ MENTALE INFANTILE<br />

1 mé<strong>de</strong>cin Psychiatre H/F à mi-temps en CDI<br />

Poste à pourvoir le 01/03/2005<br />

Adresser lettre <strong>de</strong> motivation et CV à :<br />

Professeur Manuel BOUVARD, Mé<strong>de</strong>cin Directeur<br />

246 avenue du Général <strong>de</strong> Gaulle<br />

33290 Blanquefort<br />

Tél.:0556950754•Fax:0556950729<br />

E-mail : csmi@renovation.asso.fr<br />

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N°2 - TOME XVIII - MARS 2005<br />

ENTRE H OSPIT OSPITALIER<br />

ALIER DE T ULLE<br />

(CORRÈZE)<br />

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UN PSYCHIATRE TEMPS PLEIN CHEF DE SERVICE<br />

(secteur adulte)<br />

Poste à pourvoir immédiatement<br />

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Pour tout renseignement, contacter :<br />

Mr le docteur BALESTE ou Mme le docteur JOUVE<br />

Psychiatres<br />

Tél. : 05 55 29 79 85<br />

Mr EYMET, Directeur<br />

Tél. : 05 55 29 80 13<br />

L E C ENTRE H OSPITALIER D U G ERS<br />

Etablissement public <strong>de</strong> santé départemental,<br />

10 rue Michelet, 32008 AUCH Ce<strong>de</strong>x<br />

RECRUTE<br />

■ Un Praticien Hospitalier (PH) à temps plein spécialisé<br />

en psychiatrie pour l’un <strong>de</strong> ses secteurs <strong>de</strong> psychiatrie<br />

adulte (équipe <strong>de</strong> 5 PH psychiatres à temps plein)<br />

■ Deux PH à temps plein et un PH à temps partiel<br />

spécialisés en psychiatrie pour son secteur <strong>de</strong><br />

psychiatrie infanto-juvénile (équipe <strong>de</strong> 5 PH à temps<br />

plein et temps partiel)<br />

Pour tout renseignement sur ces postes qui seront publiés<br />

dans le cadre du tour <strong>de</strong> recrutement 2005<br />

(mars – avril 2005) et à pourvoir à compter <strong>de</strong> l’été 2005 :<br />

- Monsieur Patrick PROT, Directeur du Centre Hospitalier du Gers,<br />

tél. : 05.62.60.65.10 ; e-mail : p.prot@ch-gers.fr<br />

- Monsieur le Docteur Michel LAVERGNE, Prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> la CME,<br />

tél. : 05.62.60.66.46 ; e-mail : m.lavergne@ch-gers.fr<br />

LE CENTRE HOSPITALIER<br />

DES PAYS DE MORLAIX (Finistère)<br />

3 secteurs <strong>de</strong> psychiatrie générale, un secteur <strong>de</strong><br />

pédopsychiatrie et un secteur d’alcoologie<br />

Agglomération touristique <strong>de</strong> 30 000 habitants,<br />

dotée d’une gare TGV, située à 10 mn <strong>de</strong> la mer,<br />

30 mn <strong>de</strong> Brest (ville universitaire, aéroport)<br />

Recherche<br />

<strong>de</strong>s praticiens en psychiatrie générale et<br />

infanto-juvénile (tous statuts)<br />

Adresser candidature et CV à :<br />

Centre Hospitalier Direction <strong>de</strong>s Affaires Médicales<br />

BP 97237 - 29672 Morlaix Cé<strong>de</strong>x<br />

Renseignements auprès <strong>de</strong> la direction <strong>de</strong> affaires médicales :<br />

02 98 62 69 11, ou <strong>de</strong>s chefs <strong>de</strong> services <strong>de</strong> psychiatrie par<br />

l’intermédiaire du standard : 02 98 62 61 60.


N°2 - TOME XVIII - MARS 2005<br />

LIVRES<br />

De la disparition <strong>de</strong>s<br />

psychologues cliniciens<br />

Luttes et conflits<br />

entre cliniciens et cognitivistes,<br />

entre universitaires et praticiens,<br />

entre mé<strong>de</strong>cins et psychologues<br />

Sous la direction <strong>de</strong> Patrick Ange<br />

Raoult *<br />

L’Harmattan 17,50 €<br />

Cet ouvrage s’interroge sur la profession<br />

et les métiers <strong>de</strong> psychologue dans<br />

ses difficultés et impasses. En abordant<br />

la posture éthique du clinicien, il pro-<br />

pose une interrogation concrète sur<br />

l’exercice <strong>de</strong> la profession <strong>de</strong> psychologue.<br />

La construction <strong>de</strong> l’ouvrage s’est<br />

faite en regard d’approches théoriques<br />

diverses, même si les courants psychanalytiques<br />

sont au premier plan pour<br />

abor<strong>de</strong>r l’impossible épistémologique<br />

<strong>de</strong> l’unité <strong>de</strong> la psychologie. A cet impossible<br />

répond la nécessaire fonction<br />

unitaire du titre et du champ.<br />

La psychologie a connu une évolution<br />

contradictoire : <strong>de</strong> niveau universitaire,<br />

source <strong>de</strong> nombreux travaux, elle est<br />

réduite à la portion congrue dans le terrain<br />

pratique. La professionnalisation<br />

semble insuffisante au plan <strong>de</strong> la responsabilité<br />

clinique et <strong>de</strong>s liens entre<br />

le lieu universitaire et le champ <strong>de</strong> la<br />

praxis.<br />

Ce livre constate la dispersion suicidaire<br />

<strong>de</strong>s diplômes universitaires distribués,<br />

du mouvement d’élimination du courant<br />

clinique à l’université, <strong>de</strong> la prégnance<br />

<strong>de</strong> la recherche sur la professionnalité,<br />

du décalage entre <strong>de</strong>s<br />

enseignants isolés et <strong>de</strong>s praticiens exclus<br />

<strong>de</strong> l’université. Il souligne la nécessité<br />

<strong>de</strong> repenser la formation universitaire,<br />

en mettant en avant une<br />

formation doctorante avec un stage à<br />

responsabilité clinique, soutenue par<br />

<strong>de</strong>s universitaires praticiens et <strong>de</strong>s liens<br />

effectifs université/lieu <strong>de</strong> stage. Il critique<br />

un recrutement d’enseignantschercheurs,<br />

en psychologie clinique et<br />

pathologique, non psychologues, expérimentalistes<br />

ou sans expérience réelle<br />

sur le terrain clinique et défend l’idée<br />

d’enseignants praticiens ou d’un statut<br />

hospitalo-universitaire.<br />

Il n’est donc pas étonnant, alors, que<br />

soient relevés les dénis et dénégations<br />

qui rationnalisent une dépendance et<br />

une impossibilité à soutenir <strong>de</strong>s positions<br />

éthiques et déontologiques.<br />

21<br />

L’impossibilité d’accès direct <strong>de</strong> la part<br />

<strong>de</strong>s usagers en <strong>de</strong> nombreux endroits<br />

soit en raison d’une préséance mal justifiée<br />

<strong>de</strong>s mé<strong>de</strong>cins, soit par <strong>de</strong>s entretiens<br />

infirmiers, éducatifs mimant une<br />

praxis psychologique est dénoncée. Les<br />

enjeux actuels autour <strong>de</strong> la psychothérapie<br />

sont discutés. Si l’éclectisme théorique<br />

du champ <strong>de</strong> la psychologie est<br />

soutenu, une clarté épistémologique du<br />

clinicien est requise. Chaque auteur défend<br />

l’une ou l’autre option, sans être<br />

en accord, nécessairement, avec l’ensemble.<br />

Chaque texte engage son auteur<br />

dans les limites <strong>de</strong> son propos. Aucun,<br />

hormis le coordonnateur, n’est<br />

re<strong>de</strong>vable <strong>de</strong> l’ensemble d’un ouvrage<br />

qui n’est pas un manifeste mais un espace<br />

critique <strong>de</strong> réflexion.<br />

*En collaboration avec F. Féry, Y. Gérin, B. Guérin-<br />

Carnelle, A. Ohayon, P.A. Raoult, R. Samacher.<br />

Evaluer en protection <strong>de</strong><br />

l’enfance<br />

Théorie et métho<strong>de</strong><br />

2 e édition revue et augmentée<br />

Francis Alföldi<br />

Dunod, 27 €<br />

Ce livre propose une méthodologie pour<br />

renforcer la prévention et la prise en<br />

charge <strong>de</strong> l’enfance en danger. Au moment<br />

où la loi <strong>de</strong> rénovation du 2 janvier<br />

2002 modifie, profondément, les<br />

conceptions et pratiques <strong>de</strong> l’évaluation<br />

dans l’action sociale. Des développements<br />

importants sont réservés à<br />

l’évaluation : le recueil et la pertinence<br />

<strong>de</strong>s informations retraçant les faits, la<br />

construction et l’utilisation <strong>de</strong>s critères.<br />

Deux instruments d’évaluation sont proposés<br />

à partir du modèle MPS (médicopsycho-social)<br />

: le génogramme d’évaluation<br />

et le critéroscope. La métho<strong>de</strong><br />

est illustrée au moyen d’une étu<strong>de</strong> <strong>de</strong><br />

cas qui accompagne la présentation du<br />

génogramme d’évaluation.<br />

Les personnalités<br />

pathologiques<br />

Approche cognitive et<br />

thérapeutique<br />

Quentin Debray<br />

Daniel Nollet<br />

4 e édition<br />

Masson, 25,50 €<br />

Cette 4 e édition est actualisée, plus particulièrement<br />

pour ce qui concerne les<br />

personnalités bor<strong>de</strong>rline, antisociale (ou<br />

psychopathique) et dépressive.<br />

Récit, attachement et<br />

psychanalyse<br />

Pour une clinique <strong>de</strong> la narrativité<br />

Sous la direction <strong>de</strong> Bernard Golse<br />

et Sylvain Missonnier<br />

Erès, 23 €<br />

Ce livre rassemble un certain nombre<br />

<strong>de</strong>s interventions qui ont eu lieu à l’hôpital<br />

Necker-Enfants mala<strong>de</strong>s en mars<br />

et en octobre 2002, au cours <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux<br />

journées <strong>de</strong> travail que le groupe WAIMH<br />

– Francophone* a consacré à la question<br />

<strong>de</strong> la narrativité. Les diverses contributions<br />

<strong>de</strong> linguistes, <strong>de</strong> spécialistes <strong>de</strong><br />

l’attachement, <strong>de</strong> psychiatres, <strong>de</strong> psychologues<br />

et <strong>de</strong> psychanalystes convergent<br />

vers la construction d’une sémiologie<br />

et d’une psycho(patho)logie<br />

psychanalytique <strong>de</strong> la narrativité.<br />

Avec la participation <strong>de</strong> Jacques Angelergues, Christelle<br />

Bénony-Viodé, Ayala Borghini, Drina Candilis-<br />

Huisman, Dominique Charlier-Mikolajczak, Laurent<br />

Danon-Boileau, Pierre Delion, Alberto Konicheckis,<br />

Sophie Marinopoulos, Denis Mellier, Raphaële Miljkovitch,<br />

Roger Perron, Blaise Pierrehumbert, Arlette<br />

Seghers, Michel Soulé, Daniel Stern.<br />

*waimh : World Association of Infant Mental Health.<br />

www.psynem.necker.fr/WaimhFrancophone


22<br />

ANNONCES EN BREF<br />

10 mars 2005. Paris. 6 e Colloque organisé<br />

par l’APEP (Association Psychanalyse<br />

et Psychothérapies), le CHU Pitié-Salpêtrière<br />

et l’Association <strong>de</strong> Santé<br />

Mentale du 13 ème arrt sur le thème : Le<br />

débat en psychanalyse. Inscriptions : Catherine<br />

Lefèvre, Centre Ph Paumelle, 11<br />

rue Albert Bayet, 75013 Paris. Tél. :<br />

01 40 77 44 52.<br />

17 mars 2005. Clermont-<strong>de</strong>-l’Oise. 14 ème<br />

Journée Scientifique <strong>de</strong> l’Association<br />

Clermontoise <strong>de</strong> Recherche, d’Enseignement<br />

et <strong>de</strong> Formation en <strong>Psychiatrie</strong><br />

et Psychologie sur le thème :<br />

L’inconscient politiquement correct ? Inscriptions<br />

: Dr Catherine Zoute, CHI, 2<br />

rue <strong>de</strong>s Finets, 60600 Clermont-<strong>de</strong>-l’Oise.<br />

18 et 19 mars 2005. Aire-sur-l’Adour.<br />

7èmes Journées <strong>de</strong> l’Adolescence <strong>de</strong> la<br />

Clinique Médicale et Pédagogique Jean<br />

Sarrailh - Fondation Santé <strong>de</strong>s Etudiants<br />

<strong>de</strong> France sur le thème : Après l’urgence,<br />

les réponses. Renseignements et inscriptions<br />

: Clinique Médicale et Pédagogique<br />

Jean Sarrailh, 40800 Aire-surl’Adour.<br />

Tél. : 05 588 71 65 08. Fax :<br />

05 58 71 89 52. j.sarrailh@fsef.net<br />

19 et 19 mars 2005. Paris. 3 ème Congrès<br />

National pour la Promotion <strong>de</strong>s Soins<br />

Somatiques en Santé Mentale sur le<br />

thème : Pour une approche pluridisciplinaire.<br />

Renseignements et inscriptions :<br />

Association Nationale pour la Promotion<br />

<strong>de</strong>s Soins Somatiques en Santé<br />

Mentale, Département d’explorations<br />

fonctionnelles et <strong>de</strong> soins somatiques,<br />

EPSM Georges Mazurelle, 85026 La<br />

Roche sur Yon. E-mail : ronan.fevrier@chmazurelle.fr<br />

24 mars 2005. Paris. Colloque sur le<br />

thème : Promotion <strong>de</strong> la santé mentale<br />

chez le jeune enfant. Inscriptions : Pr Viviane<br />

Kovess-Masféty, Directrice, Fondation<br />

MGEN pour la Santé Publique, 3<br />

square Max Hymans, 75015 Paris. Tél. :<br />

01 40 47 24 20. Fax : 01 40 47 21 91.<br />

Mobile : 06 07 42 67 88. Site : www.fondationmgen.org<br />

24 et 25 mars 2005. Biarritz. Congrès<br />

National <strong>de</strong> l’ASPS (Association Scientifique<br />

<strong>de</strong>s Psychiatres <strong>de</strong> Secteur) sur le<br />

thème : Le trauma psychique. Mé<strong>de</strong>cine,<br />

psychiatrie, police, justice. Secrétariat scientifique<br />

et inscriptions : Dr Bernard M.H.<br />

Boussat, Centre Hospitalier Côte Basque,<br />

64109 Bayonne Ce<strong>de</strong>x. Secrétariat :<br />

05 59 44 42 32. Fax : 05 59 44 42 39.<br />

E-mail : dr.boussat@wanadoo.fr<br />

1 au 3 avril 2005. Lyon. XXXIV èmes Journées<br />

Annuelles <strong>de</strong> Thérapie psychomotrice<br />

du SNUP (Syndicat National<br />

d’Union <strong>de</strong>s Psychomotriciens). XV ème<br />

Colloque <strong>de</strong> la SITP (Société Internationale<br />

<strong>de</strong> Thérapie Psychomotrice). Inscriptions<br />

: SNUP, 01 56 20 14 70 ; SITP,<br />

01 34 19 87 86.<br />

2 avril 2005. Paris. XII è Journée <strong>de</strong> psychopathologie<br />

du nourrisson sur le<br />

thème : Traumatisme et clinique précoce.<br />

Inscriptions : Mme Rat, Melle Favier,<br />

Service <strong>de</strong> l’Enseignement. Tél. :<br />

01 40 77 43 18. Fax : 01 40 77 43 55.<br />

2 et 3 avril 2005. Paris. Colloque sur le<br />

thème : Subjectivation. Un nouveau point<br />

<strong>de</strong> vue en psychanalyse ? Programme et<br />

inscriptions : Carnet Psy, 8 ave Jean-<br />

Baptise Clément, 92100 Boulogne. Tél. :<br />

01 46 04 74 35, 06 19 90 59 60. Fax :<br />

01 46 04 74 00. E-mail : estelle@carnetpsy.com.<br />

Site : www.carnetpsy.com<br />

5 avril 2005. Tours. Journée <strong>de</strong> Formation<br />

Continue organisée par la Fédération<br />

d’Ai<strong>de</strong> à la Santé Mentale Croix-<br />

Marine sur le thème : L’urgence et après...<br />

Que se passe-t-il après l’urgence ? Inscriptions<br />

: Tél. : 01 45 96 06 36. Fax :<br />

01 45 36 06 05. E-mail : croixmarine@wanadoo.fr.<br />

15 et 16 avril 2005. Caen. Congrès International<br />

Frances Tustin. Inscriptions :<br />

Secrétariat du Pr Houzel, Hôpital Clémenceau,<br />

avenue Georges Clémenceau.<br />

Tél. : 02 31 27 23 09. Fax : 02 31 27 24 03.<br />

houzel-d@chu-caen.fr<br />

22 et 23 avril 2005. Bruxelles. 1 er Colloque<br />

organisé par le Groupe interdisciplinaire-interuniversitaire<br />

<strong>de</strong> périnatalité<br />

ULB/UCL (GIP) sur le thème :<br />

Naissances difficiles : quand les émotions<br />

nous submergent. Inscriptions : Mme Calistri<br />

ou Mme Gustin. Tél. : (00 32)<br />

472 90 89 71. E-mail : marielaure_gustin@stpierre-bru.be<br />

29 et 30 avril 2005. Grenoble. 18 èmes<br />

Journées <strong>de</strong> réflexion organisées par le<br />

Centre d’Ethnopsychologie Clinique<br />

APPM-CREFSI sur le thème : Adolescence<br />

et contexte <strong>de</strong> rupture. Passage à l’acte,<br />

conduites à risque et travail en Réseau. Inscriptions<br />

: Yahyaoui A./Mme Lakhdar,<br />

APPM-CREFSI, 10 ter Bd Gambetta, 38000<br />

Grenoble. Tél. : 04 76 46 94 00. Fax :<br />

04 76 43 09 64. E-mail : appmcrefsigre@aol.com<br />

5 au 8 mai 2005. Paris. 65 ème Congrès<br />

<strong>de</strong>s Psychanalystes <strong>de</strong> Langue Française<br />

organisé par la SPP sur le thème :<br />

La sublimation. Inscriptions : Tél. :<br />

01 43 29 66 70. Lundi et mercredi <strong>de</strong><br />

9h à 13h. mardi et jeudi <strong>de</strong> 13h à 17h.<br />

E-mail : infoCongres@spp.asso.fr<br />

10 au 12 mai 2005. Gruissan (Au<strong>de</strong>).<br />

11 ème Rencontre nationale <strong>de</strong>s CMP<br />

(Centres Médico-Psychologiques adultes)<br />

sur le thème : Migration – intégration.<br />

Exil intérieur et santé mentale. Renseignements<br />

et inscriptions : ERAP Formations,<br />

19 rue Auguste Chabrières,<br />

75015 Paris. Tél. : 01 48 28 98 51. Fax :<br />

01 42 50 43 20. E-mail : annie.bardon@wanadoo.fr<br />

14 et 15 mai 2005. Chambéry. Colloque<br />

organisé par le CERP sur le thème : Corps<br />

et violence à l’adolescence : entre effraction,<br />

agir et narcissisme. Inscriptions : P.A.<br />

Raoult, CERP. Tél. : 04 79 69 68 22. Email<br />

: patrickange.raoult@wanadoo.fr<br />

19 et 20 mai 2005. Lyon. Colloque organisé<br />

par la Société Française <strong>de</strong> Psychothérapie<br />

<strong>de</strong> Groupe (SFPPG) sur le<br />

thème : La groupalité en débat, émergence<br />

et travail du lien. Renseignements : Secrétariat<br />

<strong>de</strong> la SFPPG. Tél./Fax :<br />

01 43 36 03 40. E-mail : sfppg@wanadoo.fr<br />

26 et 27 mai 2005. Hyères les Palières.<br />

Congrès organisé par Sauvegar<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’Enfance<br />

sur le thème : Lien familial, lien social,<br />

Individualisme, normes, vulnérabilités.<br />

Inscriptions : La Sauvegar<strong>de</strong> <strong>de</strong><br />

l’Enfance, 121 avenue Vauban, 83000<br />

Toulon. Tél. : 04 94 93 30 30.<br />

26 et 27 mai 2005. Paris. Colloque organisé<br />

par le CIRFIP (Centre International<br />

<strong>de</strong> Recherche, Formation et Intervention<br />

Psycho-sociologiques) sur le<br />

thème : L’angoisse du risque et les paradoxes<br />

<strong>de</strong> la responsabilité. Situations et stratégies.<br />

Inscriptions : Tél. : 06 80 90 07 21.<br />

E-mail : cirfip@wanadoo.fr<br />

26 au 29 mai 2005. Turin. 23 ème Congrès<br />

International <strong>de</strong> Psychologie Adlerienne<br />

sur le thème : Pouvoir et culture. Inscrip-<br />

45 €*<br />

pour un an<br />

75 €*<br />

pour 2 ans<br />

Tarif<br />

étudiant et internes<br />

30 €*<br />

*supplément étranger<br />

et DOM/TOM =30 €/an<br />

tions : Yannick Le Jan. Tél. : 06 80 46 80 51.<br />

E-mail : yannick.lejan@free.fr<br />

27 mai 2005. Avignon. Soirée <strong>de</strong> réflexion<br />

sur L’archaïque avec Sophie <strong>de</strong><br />

Mijolla-Mellor organisée par l’ANREP.<br />

Inscriptions : Dr Rémi Picard, Secteur<br />

27, Centre hospitalier <strong>de</strong> Montfavet, 2<br />

avenue <strong>de</strong> la Pinè<strong>de</strong>, BP 92, 84143<br />

Montfavet Ce<strong>de</strong>x. Tél. : 04 90 03 94 70.<br />

E-mail : remi.picard@ch-montfavet.fr.<br />

27 et 28 mai 2005. Paris. Colloque médical<br />

Franco-Japonais, sous les patronages<br />

<strong>de</strong>s Sociétés Franco-Japonaises<br />

<strong>de</strong> Mé<strong>de</strong>cine <strong>de</strong> France et du Japon, <strong>de</strong><br />

l’Ambassa<strong>de</strong> <strong>de</strong> France à Tokyo et <strong>de</strong><br />

l’ambassa<strong>de</strong> du Japon à Paris sur les<br />

thèmes : Le vieillissement et Que reste-til<br />

<strong>de</strong>s névroses en France et au Japon en<br />

2005 ? Inscriptions : Dr Hervé Benhamou,<br />

76 avenue Edison, 75013 Paris.<br />

28 mai 2005. Abbaye Royale <strong>de</strong> Fontevraud.<br />

20 ème Journée psychiatrique<br />

du Val <strong>de</strong> Loire sur le thème : De la mémoire<br />

et <strong>de</strong> l’oubli. Inscriptions : Secteur<br />

7-Césame, Ste Gemmes sur Loire, Secrétariat<br />

<strong>de</strong> Docteur Lhuillier, BP 89,<br />

49137 Les Ponts <strong>de</strong> Ce ce<strong>de</strong>x. Tél. :<br />

02 41 80 79 93. Fax : 02 41 80 79 63.<br />

E-mail : secteur7@ch-cesame-angers.fr,<br />

ou Service <strong>de</strong> <strong>Psychiatrie</strong> et <strong>de</strong> Psychologie<br />

Médicale, CHU Angers, Secrétariat<br />

du Professeur Garré, 49033 Angers<br />

ce<strong>de</strong>x 01. Tél. : 02 41 35 32 43.<br />

Fax : 02 41 35 49 35. E-mail : <strong>Psychiatrie</strong>-Adultes@chu-angers.fr<br />

28 mai 2005. Paris. Journée Nationale<br />

<strong>de</strong> la Société <strong>de</strong> Gynécologie et Obstétrique<br />

Psychosomatique (SFGOP) sur le<br />

thème : La relation thérapeutique à l’ère<br />

<strong>de</strong>s protocoles, <strong>de</strong>s évaluations et <strong>de</strong>s consentements.<br />

Inscriptions : Tél. : 01 46 42 11 30.<br />

28 et 29 mai 2005. Metz. Forum organisé<br />

par l’ARPPE (Association <strong>de</strong> recherche<br />

en <strong>Psychiatrie</strong> et Psychanalyse <strong>de</strong> l’Enfant)<br />

sur le thème : <strong>Psychiatrie</strong>, psychothérapie,<br />

psychanalyse. Quels enjeux pour<br />

les soins ? Inscriptions : ARPPE, CMP DW<br />

Winnicott, 11 avenue Leclerc <strong>de</strong> Hauteclocque,<br />

Metz. Tél. :03 87 38 00 75.<br />

Fax : 03 87 56 03 82. E-mail : a.r.p.p.e@<br />

wanadoo.fr<br />

2 et 3 juin 2005. Besançon. 8 ème réunion<br />

annuelle <strong>de</strong> la Société Marcé<br />

Francophone sur le thème : La <strong>de</strong>man<strong>de</strong><br />

<strong>de</strong> soins psychologiques en périnatalité.<br />

Entre sollicitu<strong>de</strong> et contrainte.<br />

Inscriptions : Dr Sylvie Nezelof et Pr P.<br />

Bizouard, Service <strong>de</strong> <strong>Psychiatrie</strong> Infanto-<br />

Juvénile, CHU Saint Jacques, 25030<br />

Besançon. Tél. : 03 81 21 81 54 (ou 52).<br />

Fax : 03 81 21 88 17. E-mail : snezelof<br />

@chu-besancon.fr<br />

3 juin 2005. Paris. Colloque Le <strong>de</strong>uil. L’inconscient,<br />

le collectif organisé par l’Association<br />

Franco-Argentine <strong>de</strong> <strong>Psychiatrie</strong><br />

et <strong>de</strong> Santé Mentale avec la participation<br />

<strong>de</strong> : Jeanine Altounian, Equipo Argentino<br />

<strong>de</strong> Antropologia Forense, Equipo<br />

Argentino <strong>de</strong> Trabajo e Investigacion Psi-<br />

Nom :<br />

Prénom :<br />

Adresse :<br />

cosocial, Edmundo Gomez-Mango, Diana<br />

Kamienny-Boczkowski, Jean Clau<strong>de</strong> Métraux,<br />

Richard Rechtman, Michael Turnheim.<br />

Informations : Dr. D. Kamienny-<br />

Boczkowski. Tél. :01 55 42 94 94. E-mail :<br />

d.kamienny@wanadoo.fr, psy. francoarg.asso@free.fr.<br />

Site : www.psy. francoarg.asso.free.fr<br />

4 juin 2005. Paris. VI e Journée d’étu<strong>de</strong>s<br />

sur le thème Psychanalyse et théorie <strong>de</strong><br />

l’esprit. Autismes avec déficit et autismes<br />

<strong>de</strong> haut niveau. Inscriptions : ASM13, 76<br />

avenue Edison, 75013 Paris. Tél. :<br />

01 40 77 43 40. Fax : 01 40 77 43 55.<br />

E-mail : asm13@asm13.org<br />

9 juin 2005. Paris. Séminaire sur le<br />

thème : La classification Québécoise, Processus<br />

<strong>de</strong> production du handicap (PPH) :<br />

Développement, caractéristiques, applications<br />

et comparaisons avec le CIF (Classification<br />

internationale du fonctionnement,<br />

du handicap et <strong>de</strong> la santé) <strong>de</strong> l’OMS. Renseignements<br />

et inscriptions : CTNERHI,<br />

à l’attention <strong>de</strong> Régine Martinez, 236<br />

bis rue <strong>de</strong> Tolbiac, 75013 Paris. Tél. :<br />

01 45 65 59 40. Fax : 01 45 65 44 94.<br />

E-mail : r.martinez@ctrenhi.com.fr. Site :<br />

www.ctnerhi.com.fr<br />

9 au 11 juin 2005. Tours. Journées Nationales<br />

2005 <strong>de</strong> la Société Française<br />

<strong>de</strong> l’Enfant et <strong>de</strong> l’Adolescent et Disciplines<br />

associées (SFPEADA) sur le thème :<br />

Quand l’enfant se développe autrement.<br />

Autismes. Retards. Renseignements : Dr<br />

Pascal Lenoir, Service Universitaire <strong>de</strong><br />

Pédopsychiatrie, Hôpital Bretonneau,<br />

CHRU <strong>de</strong> Tours, 2 bis Bd Tonnellé, 37044<br />

Tours ce<strong>de</strong>x 9. Tél. : 02 47 47 60 94 /<br />

86 46. Fax : 02 47 47 82 92. E-mail :<br />

p.lenoir@chu-tours.fr<br />

10 juin 2005. Paris. Colloque annuel<br />

<strong>de</strong> <strong>Psychiatrie</strong> adulte <strong>de</strong> l’Association<br />

<strong>de</strong> santé mentale du XIII è arrondissement<br />

sur le thème : L’acte <strong>de</strong> présence.<br />

Renseignements et inscriptions : C. Thévenin,<br />

Centre Philippe Paumelle, 11 rue<br />

Alnert Bayet, 75013 Paris. Tél. :<br />

01 40 77 44 48. Fax : 01 45 83 28 77.<br />

E-mail : Colette.Thevenin@asm13.org<br />

10 et 11 juin 2005. Auxerre. X ème Congrès<br />

<strong>de</strong> psychothérapie <strong>de</strong> groupe d’enfants<br />

et d’adolescents sur le thème : Quels<br />

groupes et pour qui ? Contact : Centre<br />

d’Information et <strong>de</strong> Recherche en Psychologie<br />

et Psychanalyse Appliquées.<br />

Tél. : 01 42 40 41 12 / 03 86 48 23 08.<br />

E-mail : cirppa@wanadoo.fr<br />

18 juin 2005. Paris. Colloque du Samedi<br />

du Centre International <strong>de</strong> Psychosomatique<br />

(CIPS) sur le thème : La thérapie<br />

relationnelle, l’espace et le temps. Renseignements<br />

et inscriptions : CIPS, 56<br />

avenue Mozart, 75016 Paris. Tél./fax :<br />

01 45 20 28 75.<br />

25 et 26 juin 2005. Paris. XIV ème rencontre<br />

du champ freudien, Rencontre<br />

PIPOL2 (Programme International <strong>de</strong><br />

recherches sur la Psychanalyse appliquée<br />

d’Orientation Lacanienne) sur le<br />

Je m’abonne pour : 1 an 2 ans<br />

CHÈQUE À L’ORDRE DE MAXMED à envoyer avec ce bulletin,<br />

54, boulevard <strong>de</strong> la Tour Maubourg, 75007 Paris<br />

Téléphone : 01 45 50 23 08<br />

Je souhaite recevoir une facture acquittée justifiant <strong>de</strong> mon abonnement.<br />

N°2 - TOME XVIII - MARS 2005<br />

thème : Les effets thérapeutiques rapi<strong>de</strong>s<br />

en psychanalyse. Renseignements : Tél. :<br />

06 13 63 00 92. E-mail : pipol2@wanadoo.fr<br />

8 au 10 septembre 2005. Boulogne-<br />

Billancourt. Congrès organisé par la Société<br />

Française <strong>de</strong> Psychothérapie Psychanalytique<br />

<strong>de</strong> Groupe (SFFPPG) et la<br />

Fédération <strong>de</strong>s Associations <strong>de</strong> Psychothérapie<br />

Analytique <strong>de</strong> Groupe (FA-<br />

PAG) sur le thème : L’individu et le groupe.<br />

Inscriptions : C. Ouzilou, Tél./fax :<br />

01 45 88 23 22. E-mail : fapag@clubinternet.fr<br />

15 et 16 septembre 2005. Paris. 21 ème<br />

Congrès International <strong>de</strong> la Société <strong>de</strong><br />

Psycho-Gériatrie <strong>de</strong> Langue Française<br />

sur le thème : Stress, environnement et<br />

vieillesse. Renseignement et inscriptions :<br />

KSCommunication, 149 bd Voltaire, BP<br />

242, 92602 Asnières ce<strong>de</strong>x, France. Tél. :<br />

01 41 32 31 70. Fax : 01 47 93 17 28.<br />

E-mail : secretariat@kskom.com<br />

20 au 24 septembre 2005. Nanterre.<br />

Congrès <strong>de</strong> l’European Scientific Association<br />

for Resi<strong>de</strong>ntial and Foster Care<br />

(EUSARF) sur le thème : Enfance en difficulté<br />

dans un mon<strong>de</strong> difficile. Université<br />

Paris X Nanterre, Département <strong>de</strong>s<br />

Sciences <strong>de</strong> l’Education, Secrétariat-<br />

Congrès EUSARF 2005, 200 ave <strong>de</strong> la<br />

Républiqe, 92001 Nanterre ce<strong>de</strong>x. Tél. :<br />

01 40 97 59 92. E-mail : congreseusarf@u-paris10.fr<br />

22 au 24 septembre 2005. Paris. VI e<br />

Congrès <strong>de</strong> l’European Association for<br />

the History of Psychiatry (EAHP).<br />

Informations, inscriptions et proposition<br />

<strong>de</strong> communication : Secrétariat<br />

EAHP, 23 rue <strong>de</strong> La Rochefoucauld,<br />

75009 Paris. Tél. : 01 49 70 88 58.<br />

Fax : 01 42 81 11 17. E-mail : EAHP.<br />

secretary@elan-retrouve.asso.fr<br />

5 au 8 octobre 2005. La Rochelle.<br />

XXIV èmes Journée <strong>de</strong> la Société <strong>de</strong> l’Information<br />

Psychiatrique sur le thème :<br />

Clinique <strong>de</strong> l’acte. Renseignements et inscriptions<br />

: Dr Philippe Prevost, Centre<br />

Hospitalier, 208 rue Marius Lacroix,<br />

17000 La Rochelle. Tél. : 05 46 45 61 00.<br />

8 et 9 décembre 2005. 9 èmes Journées<br />

<strong>de</strong> <strong>Psychiatrie</strong> <strong>de</strong> Dax organisées par<br />

l’Association pour le Recherche et l’Etu<strong>de</strong><br />

en <strong>Psychiatrie</strong> Publique, le Secteur <strong>de</strong><br />

<strong>Psychiatrie</strong> Générale <strong>de</strong> Dax et le Centre<br />

Hospitalier <strong>de</strong> Dax avec la collaboration<br />

<strong>de</strong> la Société Portugaise pour l’Etu<strong>de</strong><br />

<strong>de</strong> la Santé Mentale, l’Union Internationale<br />

d’Ai<strong>de</strong> à la Santé Mentale Croix-<br />

Marine, l’Association SOFOR (Sud-Ouest<br />

Formation Recherche) et les Editions<br />

Erès sur le thème : Autour <strong>de</strong> la notion<br />

<strong>de</strong> mo<strong>de</strong>rnité en psychiatrie. Renseignements<br />

et inscriptions : Centre <strong>de</strong> Santé<br />

Mentale, 1 rue Labadie, BP 323, 40107<br />

Dax. Tél. : 05 58 91 48 38 / 05 58 91<br />

46 26. Fax : 05 58 91 46 84. E-mail :<br />

csm@ch-dax.fr<br />

Bulletin d’abonnement<br />

Le <strong>Journal</strong> <strong>de</strong> <strong>Nervure</strong> + La Revue<br />


N°2 - TOME XVIII - MARS 2005<br />

LIVRES<br />

Vivre avec un proche atteint<br />

d’Alzheimer<br />

Marie-Pierre Pancrazi et Patrick<br />

Métais<br />

Interéditions, 16 €<br />

Ce gui<strong>de</strong> a été conçu pour ai<strong>de</strong>r les<br />

proches <strong>de</strong>s personnes atteintes <strong>de</strong> la<br />

maladie d’Alzheimer. Il expose les symptômes,<br />

les manières <strong>de</strong> gérer les troubles<br />

du comportement, les façons d’adapter<br />

l’environnement du mala<strong>de</strong>, et explique<br />

aux familles l’importance <strong>de</strong> préserver<br />

leur propre équilibre <strong>de</strong> vie.<br />

Les Philosophies pluralistes<br />

d’Angleterre et d’Amérique<br />

Jean Wahl<br />

Préface <strong>de</strong> Thibaud Trochu<br />

Les Empêcheurs <strong>de</strong> penser en rond<br />

4 €<br />

En réaction au culte <strong>de</strong> l’Absolu totalisant,<br />

hérité <strong>de</strong> la philosophie alleman<strong>de</strong>,<br />

en particulier <strong>de</strong> Hegel, les penseurs anglais<br />

et américains ont pris en compte<br />

la diversité du mon<strong>de</strong> sensible, et l’expérience<br />

humaine. Au tournant du siècle<br />

<strong>de</strong>rnier se sont élaborées <strong>de</strong>s philosophies<br />

en <strong>de</strong>hors <strong>de</strong>s traditions, tout en<br />

les incorporant. Les pensées viennent<br />

se rencontrer, s’ajuster, se confronter<br />

d’un bout <strong>de</strong> l’Europe à l’autre, et <strong>de</strong><br />

part et d’autre <strong>de</strong> l’Atlantique, autour<br />

d’une insistance sur la transformation<br />

du mon<strong>de</strong> et <strong>de</strong> l’individu et la question<br />

du mal : l’accepter ou le combattre<br />

sans diminuer le potentiel d’action possible.<br />

Cette aventure <strong>de</strong> la pensée, centrée<br />

sur le pragmatisme et le réalisme, particulièrement<br />

fécon<strong>de</strong> en œuvres majeures,<br />

fait l’objet d’une redécouverte<br />

incitant à revenir à la diversité interrogative<br />

et à la richesse <strong>de</strong>s origines.<br />

Véritable passeur vers <strong>de</strong>s pensées complexes<br />

ou méconnues comme le pragmatisme<br />

<strong>de</strong> William James mais aussi<br />

le néo-réalisme, Jean Wahl montre que<br />

bien <strong>de</strong>s « monistes » sont plus ouverts<br />

qu’il n’y paraît aux idées pluralistes. Bien<br />

<strong>de</strong>s philosophes sont à découvrir ou redécouvrir<br />

dans ce livre : Russel, Dewey,<br />

Howison ou Royce, mais aussi Bosanquet<br />

ou Bradley.<br />

Les Philosophies pluralistes d’Angleterre<br />

et d’Amérique, qui a constitué la thèse<br />

principale <strong>de</strong> doctorat <strong>de</strong> Jean Wahl et<br />

a été publiée, ultérieurement, en 1920,<br />

ont constitué une source primordiale<br />

23<br />

pour la construction <strong>de</strong> la pensée <strong>de</strong><br />

Gilles Deleuze. Elles donnent à voir une<br />

« autre » Amérique, pionnière, indépendante<br />

et créative, foisonnante et<br />

contradictoire, en phase avec notre<br />

époque avi<strong>de</strong> d’approches plurielles,<br />

plus respectueuses <strong>de</strong> la diversité <strong>de</strong>s<br />

individus et <strong>de</strong>s cultures.<br />

La fatigue intellectuelle<br />

(1898)<br />

Alfred Binet et Victor Henri<br />

Introduction <strong>de</strong> Bernard Andrieu et<br />

Serge Nicolas<br />

L’Harmattan 33 €<br />

L’ouvrage d’Alfred Binet et <strong>de</strong> son collaborateur<br />

Victor Henri sur La fatigue<br />

intellectuelle est le premier écrit sur ce<br />

thème traité dans une perspective expérimentale.<br />

Publié en 1898, il est reproduit dans ce<br />

livre en édition fac similé. En fournissant,<br />

à la pédagogie scolaire, un fon<strong>de</strong>ment<br />

scientifique soli<strong>de</strong>, les <strong>de</strong>ux auteurs<br />

étudient l’effet <strong>de</strong> la fatigue sur<br />

les diverses fonctions physiologiques ;<br />

et surtout les conséquences psychologiques<br />

du travail intellectuel. Ils tentent<br />

<strong>de</strong> préciser la notion <strong>de</strong> « surmenage intellectuel<br />

» et les conditions <strong>de</strong> sa production.<br />

D’une lecture facile, le livre <strong>de</strong><br />

Binet et Henri présente un grand nombre<br />

d’observations et <strong>de</strong>s analyses <strong>de</strong> détail.<br />

L’ouvrage se divise en <strong>de</strong>ux parties<br />

complémentaires : la première traite<br />

<strong>de</strong>s effets physiologiques du travail intellectuel<br />

et la secon<strong>de</strong> <strong>de</strong>s effets psychologiques<br />

du travail intellectuel.<br />

Directeur <strong>de</strong> la rédaction :<br />

Gérard Massé<br />

Rédacteur en chef : François Caroli<br />

Comité <strong>de</strong> rédaction : Centre Hospitalier<br />

Sainte-Anne, 1 rue Cabanis, 75014 Paris.<br />

Tél. 01 45 65 83 09.<br />

Botbol M., Carrière Ph., Dalle B., Goutal M.,<br />

Guedj M.-J., Jonas C., Lascar Ph., Martin A.,<br />

Paradas Ch., Sarfati Y., Spadone C.,<br />

Tribolet S., Weill M.<br />

Comité scientifique : Bailly-Salin P.<br />

(Paris), Besançon G. (Nantes), Bourgeois<br />

M. (Bor<strong>de</strong>aux), Buisson G. (Paris), Caillard<br />

V. (Caen), Chabannes J.-P. (Grenoble),<br />

Chaigneau H. (Paris), Christoforov B.<br />

(Paris), Colonna L. (Rouen), Cornillot P.<br />

(Paris), Dufour H. (Genève), Dugas M.<br />

(Paris), Féline A. (Paris), Ginestet D.<br />

(Paris), Guelfi J.-D. (Paris), Guyotat J.<br />

(Lyon), Hochmann J. (Lyon), Koupernik<br />

C. (Paris), Lambert P. (Chambéry), Loo H.<br />

(Paris), Marcelli D. (Poitiers), Marie-<br />

Cardine M. (Lyon), Mises R. (Paris),<br />

Pequignot H. (Paris), Planta<strong>de</strong> A. (Paris),<br />

Ropert R. (Paris), Samuel-Lajeunesse B.<br />

(Paris), Scotto J.-C. (<strong>Mars</strong>eille), Sechter D.<br />

(Lille), Singer L. (Strasbourg), Viallard A.<br />

(Paris), Zarifian E. (Caen).<br />

Comité francophone : Anseau M.<br />

(Belgique), Aubut J. (Canada), Bakiri M.-A.<br />

(Algérie), Cassan Ph. (Canada), Douki S.<br />

(Tunis), Held T. (Allemagne), Lalon<strong>de</strong> P.<br />

(Canada), Moussaoui D. (Maroc), Romila A.<br />

(Roumanie), Simon Y.-F. (Belgique), Stip E.<br />

(Canada), Touari M. (Algérie).<br />

Publicité<br />

médical<br />

SUPPORTER<br />

promotion<br />

Renata Laska - Susie Caron,<br />

54, bd Latour-Maubourg, 75007 Paris.<br />

Tél. 01 45 50 23 08.<br />

Télécopie : 01 45 55 60 80<br />

E-mail : info@nervure-psy.com<br />

Edité par Maxmed<br />

S.A. au capital <strong>de</strong> 40 000 €<br />

54, bd Latour-Maubourg, 75007 Paris<br />

Maquette : Maëval. Imprimerie Fabrègue<br />

Directeur <strong>de</strong> la Publication :<br />

G. Massé<br />

www.nervure-psy.com

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