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Cahiers CIFAS 2005 - ARTAAS

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C I F A S <strong>2005</strong><br />

3 ième Congrès International<br />

Francophone sur<br />

l'Agression Sexuelle<br />

"Coopérer au-delà des frontières"<br />

Hilton Lac-Leamy / Hull-Gatineau / Québec Canada<br />

4-7 octobre <strong>2005</strong><br />

Notes et documents des Pleinières, Ateliers<br />

et Communications libres auxquels ont<br />

participé les membres de la Fédérations des<br />

Soins aux détenus<br />

C.H.I. de Clermont de l'Oise<br />

Avec l'aimable collaboration de nos collègues de<br />

l'Antenne de Psychiatrie et de Psychologie Légale de<br />

La Garenne Colombes


Présentation :<br />

Ce document réuni les textes, notes, documents qui ont été rédigés ou collectés par les<br />

membres de la Fédération des Soins aux Détenus du centre Hospitalier Interdépartemental de<br />

Clermont de l'Oise ayant participé à ce congrès : Coralina Intsorou; Emmanuelle Terrier et<br />

Bernard Savin.<br />

Les textes des interventions des membres de la Fédération y sont inclus ainsi que des textes<br />

qui nous ont été communiqués et qui nous ont semblés digne d'intérêt. Pour ne pas alourdir<br />

par trop ce document lorsque les textes sont disponibles sur Internet, nous avons renvoyé le<br />

lecteur sur les pages où ceux-ci figurent.<br />

Les collègues de l'Antenne de Psychiatrie et de Psychologie Légale de La Garenne Colombes<br />

dirigé par le Dr Roland Coutanceau et particulièrement Joanna Smith nous ont apporté leur<br />

collaboration, qu'ils en soient remerciés.<br />

Table des Matières<br />

Maltraitance sexuelle, échec de la protection de l'enfance et résilience ....................................6<br />

Le choix du couple à l'origine de la famille incestueuse ............................................................9<br />

L'agression sexuelle dans le cadre d'une relation de couple,<br />

une forme particulière de la violence conjugale.......................................................................21<br />

La thérapie de groupe d'orientation psychodynamique............................................................23<br />

Vide et création : l'espace projectif de l'auteur d'agressions sexuelles<br />

en établissement carcéral ..........................................................................................................42<br />

L'obligation de soin : un outil clinique<br />

Vers une clinique du sujet contraint .........................................................................................44<br />

Abus sexuel : analyse éco-systémique et sociologie<br />

de la mondialisation des industries du sexe .............................................................................56<br />

Approches cliniques des croyances et distorsions en matière de comportements sexuels.<br />

Etude expérimentale sur une population de 400 étudiants .......................................................58<br />

Données psychométriques sur un instrument<br />

mesurant la présence de distorsions cognitives (Bumby, 1996) ..............................................59<br />

Le génogramme imaginaire : un nouvel outil thérapeutique<br />

dans l'intervention auprès des victimes d'abus sexuels intrafamiliaux.....................................61<br />

Le médecin coordonnateur dans la loi du 17 juin 1998 :<br />

intérêts, limites et perpectives de cette fonction à partir<br />

d’un suivi de sujets délinquants sexuels depuis 2002. .............................................................63<br />

Protocole d'évaluation des Auteurs d'Agression Sexuelle<br />

et indication de thérapie ...........................................................................................................82<br />

Évaluation du risque et évolution des pratiques .......................................................................96<br />

Aspects éthiques de l'évolution du risque ................................................................................96<br />

Caractéristiques d'adolescentes agressées sexuellement<br />

suite à la suspicion d'absorption de drogues du viol ..............................................................101<br />

Stratégies et perspectives thérapeutiques face aux patients silencieux<br />

au sein d'un groupe de parole destiné à des agresseurs sexuels .............................................103<br />

Évaluation des distorsions cognitives chez les agresseurs sexuels,<br />

présentation de 2 outils: la Molest Scale et la Rape Scale (Bumby, 1996) ............................105<br />

L'état de santé sexuelle de jeunes femmes<br />

ayant vécu une agression sexuelle durant l'enfance ...............................................................106<br />

2


Evaluation de l'impact de la détresse psychologique du parent non agresseur et de la sécurité<br />

d'attachement de l'enfant d'âge préscolaire ayant vécu une agression sexuelle, sur son profil<br />

comportemental ......................................................................................................................110<br />

3


Mercredi 5 octobre <strong>2005</strong><br />

Plénière<br />

8 h 30 à 10 h<br />

Maltraitance sexuelle, échec de la protection de l'enfance et résilience<br />

Modératrice : Martine Hébert<br />

Maurice Berger, psychanalyste, chef de service en psychiatrie de l'enfant au CHU St-<br />

Etienne, professeur associé de psychologie, Université Lyon 11, membre du CPGF France<br />

Michel Manciaux, pédiatre social et professeur émérite de pédiatrie sociale et de santé<br />

publique, Faculté de médecine, Université Henri Poincaré, Nancy France<br />

Maurice Berger<br />

On constate souvent que lorsqu'un enfant ou un préadolescent commet des agressions<br />

sexuelles, les professionnels ont eu des difficultés à prendre en compte deux sortes de<br />

situations, dans lesquelles les parents ont manifesté des formes d'emprise particulières.<br />

IL s'agit tout d'abord de parents qui ont une forme de séduction perverse. Ils soumettent leur<br />

enfant au spectacle de scènes sexuelles sans l'impliquer directement, l'entraîne dans des jeux<br />

dits de "chatouille" très excitants, etc., ces comportements étant présentés avec "innocence".<br />

Ceci amène les intervenants socio-éducatifs à penser que ces parents sont des sortes de grands<br />

adolescents qu'on va pouvoir aider, ce qui se révèle impossible. A noter que ces enfants ne<br />

sont pas eux-mêmes l'objet d'abus sexuels. Le deuxième genre de situation concerne des<br />

parents très violents qui font peur à leur enfant et aux professionnels.<br />

Donc dans les deux cas, les professionnels sont pris dans le même genre d'emprise séductrice<br />

ou violente que l'enfant, ce qui provoque un retard dans l'évaluation de la gravité de la<br />

situation. L'aspect traumatique de ce que vit l'enfant est effacé, les éventuels abus sexuels sont<br />

impensables pour les professionnels, d'autant plus que les parents, même lorsqu'ils sont<br />

violents, parviennent souvent à émouvoir les intervenants en se présentant comme victimes<br />

d'injustice, d'intrusion dans leur intimité. Sans s'en rendre compte, le professionnel perd<br />

l'identification à l'enfant au profit d'une identification exclusive aux parents, et d'une manière<br />

insidieuse apparaît un raisonnement jamais clairement formulé du genre l'enfant peut bien<br />

supporter ça". D'autant plus que les éléments psychotiques très souvent présents dans la<br />

personnalité des parents sont habituellement eux aussi sous-estimés. Le principal moyen de<br />

contrebalancer cette attitude consiste à proposer une évaluation précise du comportement et<br />

du développement affectif et intellectuel de l'enfant.<br />

Par ailleurs, lorsqu'il apparaît que la situation nécessite un placement de l'enfant, les mêmes<br />

problèmes se retrouvent. On constate souvent une insuffisance de protection au cours des<br />

contacts entre parents et enfant. L'identification aux parents empêche de mettre en place des<br />

visites médiatisées (ou supervisées) réellement protectrices. Rappelons que ce dispositif est<br />

mis en place pour l'enfant (et non contre les parents), et d'utiliser des protocoles précis et<br />

spécifiques pour les parents violents.<br />

Pourtant visites médiatisées et protocoles sont d'autant plus nécessaires à maintenir pendant<br />

une longue durée qu'un parent pervers ou paranoïaque ne renonce presque jamais à l'emprise<br />

6


qu'il exerce sur ses enfants, et il tentera de manière taraudante de rendre inefficace les<br />

dispositifs judiciaires.<br />

De plus, on sait que la séparation éventuelle ne règle pas les problèmes en elle-même. Un<br />

travail doit être fait avec la famille d'accueil car pour une nourrice, la manière dont l'enfant<br />

risque de sexualiser la relation est beaucoup plus difficile à supporter que l'agressivité. Enfin,<br />

il est souvent compliqué d'avoir accès à la vie psychique de ces enfants, ce qui est nécessaire<br />

pour éviter la reproduction compulsive de leurs comportements pathologiques. On est parfois<br />

obligé de passer par un abord spécifique dont un exemple bref sera donné.<br />

Michel Manciaux<br />

Echec de la protection de l'enfance : à quel niveau d'un éventuel processus pathogène ? Sur<br />

quel(s) critère(s) peut-on l'affirmer ? Si échec il y a, est-il définitif, irrémédiable ? Peut-on<br />

guérir d'une enfance abîmée ? Et si oui, à quel prix et comment ?<br />

De tels échecs se voient souvent dans des histoires de maltraitance. L'agression sexuelle en<br />

est-elle spécialement pourvoyeuse ? Quelles formes revêt-elle ?Y en a-t-il qui prédisposent<br />

particulièrement à l'échec ? Quel est le rôle de la maltraitance psychologique associée ?<br />

Quel est l'avenir de ces enfants sexuellement agressés ?Y a-t-il des mécanismes de protection,<br />

dans l'immédiat et/ou à distance ? Que nous apprend la littérature, profane et/ou scientifique ?<br />

Quelle est la part éventuelle de la résilience ? Les professionnels doivent-ils devenir tuteurs de<br />

résilience ? Quels sont les critères d'une résilience réussie ?<br />

Autant de questions très liées entre elles, et dont les réponses pourraient nourrir des stratégies<br />

de prévention à différents niveaux ... tout en sachant que toute histoire est singulière. Éthiques<br />

de responsabilité, de conviction, de réalité peuvent-elles nous aider?<br />

Notes : Emmanuelle TERRIER<br />

Concernant la prise en charge d’un enfant victime de maltraitance de la part d’un parent M.B<br />

parle d’estompage du traumatisme qu’il relie à la force de l’idéologie du lien. En effet il<br />

semble impensable qu’un parent de ne puisse pas évoluer, reste potentiellement maltraitant<br />

malgré le temps passé et les mesures prises pour le tenir à l’écart de la victime. L’enfant<br />

victime et le reste de la famille auront donc tendance à minimiser les risques. Les enfants ont<br />

tendance à idéaliser leur parent. C’est une des conséquences de la sacralisation de l’image du<br />

parent que l’on peut également retrouver chez les travailleurs sociaux qui peuvent avoir<br />

tendance à favoriser le lien plutôt que la protection.<br />

De plus, bien souvent, lorsqu’on parle de parents abuseurs, on sous évalue les<br />

diagnostics psychopathologiques : « Ce n’est pas parce que l’on est parent que l’on<br />

est pas paranoïaque, ce n’est pas parce que l’on est abuseur que l’on est pas<br />

psychotique ».<br />

Si les parents ne peuvent plus ou pas assurer leur fonction il faut prendre les enfants en<br />

charge jusqu’à leur majorité. Il y a souvent une confusion car être parent n’est pas un<br />

droit, c’est une fonction.<br />

7


Le travail d’un parent normal c’est de refouler en permanence les pensées sexuelles<br />

qu’il a envers ses enfants. Pour les auteurs d’agressions sexuelles il y a quelque chose<br />

qui a lâché.<br />

Il semble qu’il soit plus difficile pour les intervenants de prendre en charge le sexuel<br />

que la violence, car dans le domaine du sexuel il y a une idée de plaisir.<br />

MB distingue deux modes de relation mis en place par les parents agresseurs :<br />

- La séduction perverse : Le parent se présente dans ce cas comme un grand<br />

adolescent que l’on a envie d’éduquer, pour lui toucher est une forme d’amour.<br />

L’enfant se trouve absorbé par cette séduction mais le psychologue qui y voit<br />

une forme d’innocence risque aussi de s’y laisser prendre.<br />

- L’emprise violente : Elle commence au niveau de la petite enfance (forçage,<br />

coups) et se poursuit sous la forme d’emprise sexuelle. Souvent une séparation<br />

aurait dû avoir lieu plus tôt pour maltraitance mais rien n’a été fait parce que le<br />

parent nous fait peur. Or si le parent fait peur aux intervenants, il faut<br />

s’imaginer que ce doit être pire pour l’enfant. Pour ces cas, il faut mettre en<br />

place des protocoles parents dangereux car un intervenant de peut pas travailler<br />

sous la peur.<br />

La séduction et la peur font que nous mettons en place des dispositifs tels que les<br />

visites médiatisées, afin d’aider l’enfant à avoir une pensée différenciée de celle du<br />

parent. Ceci permettra de rendre la situation moins dangereuse pour l’enfant car s’il<br />

parvient à penser alors l’emprise diminuera.<br />

Certains professionnels peuvent être des tuteurs de résilience mais ils ne le savent pas<br />

toujours. En fait il s’agit d’être quelqu’un en qui l’enfant a confiance et qui fait<br />

confiance à l’enfant.<br />

De plus il faut arrêter de penser à la répétition transgénérationelle car cela peut avoir<br />

des répercussions graves sur les victimes devenues adultes. Certaines peuvent aller<br />

jusqu’à refuser de fonder une famille de peur de devenir agresseurs/abuseurs euxmêmes.<br />

8


Mercredi 5 octobre <strong>2005</strong><br />

Bloc 1 – Communication libre 5<br />

Modérateur Danny Gagnon<br />

Le choix du couple à l'origine de la famille incestueuse<br />

Coralina INTSOROU<br />

Psychologue clinicienne<br />

Bernard SAVIN<br />

Psychologue clinicien, Docteur en Psychologie<br />

Fédération des Soins aux Détenus<br />

Centre Hospitalier Interdépartemental, Clermont de l'Oise (France)<br />

Résumé<br />

L'inceste est avant tout "une affaire de famille", à l'origine de la famille, le couple.<br />

Le lien familial incestueux se met en place contre des angoisses massives d'abandon et de<br />

perte. Ce type de lien présidera à la mise en couple, au choix du partenaire; ce choix sera<br />

envisagé comme une protection contre l'abandon mais en même temps comme une répétition<br />

de l'abandon. C'est ainsi qu'un homme ou une femme choisira un partenaire protecteur<br />

représentant la mère idéale qu'il n'a jamais eue mais ayant de brusques accès de violence ou<br />

des conduites addictives (alcoolisme, drogues...) qui le rendront absent à la relation. Ainsi se<br />

rejouera le lien traumatique de l'abandon. Ce lien traumatique est fait de beaucoup<br />

d'excitation, excitation protégeant contre la surprise de la perte et de l'abandon.<br />

Nous étudierons ce type de lien et de mise en couple grâce à une situation clinique dans<br />

laquelle nous avons eu en thérapie les deux membres d'un couple incarcéré. Le père était<br />

accusé de viol sur ses deux filles adolescentes. Il avait eu un enfant avec l'aînée. La mère était<br />

accusé de complicité de viol et de non dénonciation d'actes criminelles.<br />

Nous étudierons la personnalité des deux membres du couple révélée lors de la passation des<br />

tests projectifs : Rorschach et T.A.T. (Thematic Aperception test).<br />

L'histoire de vie ainsi que l'histoire de la mise en couple et du couple sera mise en lumière<br />

grâce au Q.I.C.P.A.S.S. (Questionnaire d'Investigation Clinique pour les Auteurs d'Agressions<br />

sexuelles ,© Balier Cl., Ciavaldini A., Girard-Khayat M., 1997) et au contenu des entretiens<br />

thérapeutiques.<br />

Nous dégagerons et ouvrirons à la discussion les différentes modalités tant individuelles que<br />

"couplales" qui seront mises en lumières par l'étude des différents éléments cliniques<br />

collectés.<br />

9


Nous rencontrons Monsieur et Madame M. lors de nos consultations dans deux Maisons<br />

d'Arrêt différentes. En effet, incarcérés pour la même affaire, ils ne peuvent communiquer et<br />

doivent donc être séparés.<br />

Les éléments anamnestiques ont été recueillis grâce au Q.I.C.P.A.A.S. © (Questionnaire<br />

d'Investigation Clinique pour les Auteurs d'Agressions Sexuelles) et aux entretiens cliniques.<br />

Monsieur M. est âgé de 40 ans. Il est directeur d’une entreprise. Marié à l’âge de 18 ans, il<br />

est père de cinq enfants : trois filles âgées respectivement de 21 ans, 20 ans et 5 ans et deux<br />

garçons de 16 et 13 ans. Monsieur M. est accusé de viol sur mineur de moins de 15 ans sur<br />

ses filles aînées avec lesquelles il a eu des relations sexuelles depuis qu’elles ont 15 ans. Il a<br />

un enfant de sa première fille. L’enfant a été placé en pouponnière.<br />

Monsieur M. est issue d’une famille de cinq enfants dont il est le dernier. Ses parents<br />

divorcent quand il a cinq ans. Il est élevé essentiellement par sa grand-mère paternelle.<br />

Ses parents ne veulent pas le garder. Sa belle-mère ne le supporte pas et elle lui apprend qu’il<br />

n’est pas le fils de son père. Sa mère est dépressive et mène une vie professionnelle et<br />

sentimentale instable. Après avoir quitté le domicile, elle ne donne plus de nouvelles et<br />

monsieur M. va essayer de la retrouver toute une partie de son adolescence. Monsieur M. se<br />

sent mal-aimé et rejeté par les membres de sa famille. Ce manque d’attention a été à<br />

l’origine de plusieurs de ses tentatives de suicide.<br />

Scolairement il est bon élève, il change plusieurs fois d’établissement à la suite de<br />

déménagements fréquents de ses parents. Il a ainsi du mal à se faire des amis et à s’adapter.<br />

On retrouve également cette instabilité au niveau professionnel. Il dit évoluer en fonction de<br />

ses projets c’est pourquoi il a souvent changé de travail.<br />

A la mort de sa grand-mère, il décide seul d’intégrer un foyer de l’enfance où il est reste<br />

jusqu’à sa majorité. Puis il rencontre sa femme madame M. qui est plus jeune que lui de<br />

deux ans. Ils se marient rapidement pour fuir la famille de monsieur M. et parce que<br />

madame M. est enceinte. Soutien de famille, il n’effectue pas son service militaire.<br />

Monsieur M. estime s’être marié trop jeune, il considère qu’il était immature, qu’il n’avait<br />

pas de repères familiaux : il ne savait pas ce qu’être père signifiait. Il ne voulait pas tout de<br />

suite avoir un enfant. Cependant le couple décide de construire une famille nombreuse afin<br />

de palier à l’absence d’affection de leurs parents respectifs.<br />

Monsieur M. a un tempérament dépressif, il prend depuis longtemps des antidépresseurs. Il<br />

évoque aussi des attouchements à l’âge de 10 ans de la part d’un de ses oncles et plus tard<br />

adolescent par un éducateur.<br />

Il se décrit comme quelqu’un de méfiant qui ne donne pas sa confiance facilement de peur<br />

qu’on face du mal à sa famille. Par contre, il dit aimer faire du bien aux autres. Quand il était<br />

adolescent, il essayait de venir en aide au plus démunis et il les protégeait des personnes mal<br />

intentionnées.<br />

Au moment des faits, il déclare avoir eu des difficultés au travail : il avait du mal à se faire<br />

respecter par ses collègues et à ce qu’ils aient confiance en lui.<br />

Pour lui, sa femme est l’instigatrice des faits qui lui sont reprochés. Il avoue avoir violé ses<br />

deux filles aînées. Madame M. proposait à sa fille aînée âgée de 15 ans de venir rejoindre son<br />

mari et elle dans le lit conjugal afin de faire à son père une fellation. Puis tous les trois<br />

avaient des relations sexuelles ensemble. Le même scénario s’est déroulé pour la fille<br />

cadette. Puis monsieur M. raconte que sa fille aînée et lui sont tombés rapidement<br />

amoureux l’un de l’autre et ont décidé de faire un enfant. Il décrit une relation de grande<br />

complicité avec sa fille. Il raconte qu’ils n’avaient que 18 ans de différence d’âge et cela leur<br />

permettait d’être très proches. Leur relation était approuvée par sa femme et les autres enfants.<br />

D’ailleurs, c’est madame M. qui leur proposa de s’installer dans la chambre au dessus de leur<br />

garage.<br />

10


Toutefois le dévoilement des faits a été révélé par sa fille cadette qui, selon monsieur M.,<br />

n’a pas supporté qu’il ait plus de complicité avec sa sœur qu’avec elle. Il évoque que sa fille<br />

cadette s’est sentie contrainte d’avoir des relations avec lui. Elle aussi est tombée enceinte,<br />

elle a avorté et décidé de quitter le domicile familial pour s’installer avec son ami. Monsieur<br />

ajoute qu’il « aimait ses filles d’amour comme des partenaires », il parle d’amour partagé.<br />

Cependant il dit avoir souffert de cette relation et qu’il aurait aimé tout arrêter.<br />

D’ailleurs il a essayé de le faire en portant atteinte à sa vie en prenant des médicaments<br />

quelques mois avant d’être incarcéré.<br />

Madame M. est l’aînée d’une famille de deux filles. Elle décrit le climat familial<br />

comme violent, sa sœur et elle-même étant les « esclaves » de sa mère pour les tâches<br />

ménagères. A l’âge de 8 ans, elle est victime pour la première fois d’abus sexuels de la part<br />

de son père. Elle dit être allée chercher secours auprès de sa mère dont la seule réaction a été<br />

de lui donner une gifle. Elle raconte ensuite avoir été victime de viol de la part de son oncle<br />

et de son père à plusieurs reprises. Selon elle, sa mère était au courant de ce qui se passait<br />

mais ne voulait pas remettre son couple en question. Aussi lorsque Mme M. se tourne encore<br />

vers sa mère, à l’âge de 14 ans, elle nous explique que cette dernière la « jettera dehors » en la<br />

traitant de « traînée ». C’est juste après son départ forcé du domicile parental qu’elle<br />

rencontra Monsieur M. Lorsque Mme M. nous raconte sa rencontre avec son époux, c’est sur<br />

un mode enfantin et presque magique : ils avaient tellement souffert tous les deux dans<br />

leurs familles respectives qu’ils ne pouvaient qu’œuvrer ensemble pour un bonheur<br />

futur.<br />

Selon notre patiente, les abus sexuels sur ses filles ont commencé quand celles-ci<br />

étaient âgées de 6 et 8 ans : leur père leur donnait le bain et avoua après coup à son épouse les<br />

avoir « touchées ». Le couple s’effondre alors en larme et Monsieur M. aurait promis à sa<br />

femme de ne jamais recommencer. Mme M. nous explique que la situation n’aurait fait que<br />

s’aggraver, son mari ayant désormais des rapports sexuels fréquents avec ses deux filles.<br />

Pour elle, il n’y avait rien à faire pour empêcher cela sans risquer de détruire la famille.<br />

C’est alors que la cadette tombe enceinte et que sa mère se charge de l’emmener subir une<br />

IVG. Peu de temps après Mme M. nous explique que sa fille aînée et son mari entretiennent<br />

une véritable relation amoureuse. Selon ses dires : « ils étaient vraiment fous l’un de l’autre<br />

(…) elle réussissait à le tenir, pas comme moi ». Le couple met alors au point un<br />

fonctionnement en « alternance » : Monsieur M passera trois nuits par semaine avec sa fille<br />

dans le studio au dessus du garage et les autres auprès de son épouse dans la maison. L’aînée<br />

tombera enceinte et la patiente nous dit qu’elle a demandé à son époux de lui faire un enfant<br />

également.<br />

Madame M ne comprend pas les faits qui lui sont reprochés ni même l’éloignement de<br />

ses enfants. Elle dit avoir toujours été une bonne mère et n’avoir pu s’interposer entre<br />

son mari et ses filles dont l’attirance à l’égard de leur père était « trop forte ». Elle pense<br />

qu’elle a eu tort d’autoriser son mari et sa fille aînée à emménager dans le studio, elle pensait<br />

au départ que ce serait mieux pour les garçons, ceux-ci ayant déjà été relégués dans une petite<br />

maison de jardin. Selon elle, son mari et sa fille aurait dû aller vivre leur amour ailleurs. Elle<br />

se reproche de ne pas avoir été assez forte pour les éloigner du reste de sa famille et en<br />

particulier de sa fille cadette, jalouse de la grossesse de sa sœur.<br />

11


Etude des Rorschach<br />

100<br />

90<br />

80<br />

70<br />

60<br />

50<br />

40<br />

30<br />

20<br />

10<br />

0<br />

R G D F% F+% A% H% RC%<br />

Le Rorschach de monsieur M.<br />

Psychogrammes<br />

Monsieur M.<br />

Madame M.<br />

L’analyse des données met en évidence un nombre moyen de réponses normatives,<br />

l’existence de potentialités intellectuelles et de capacités d’adaptation à la réalité<br />

externe. Elle révèle également une dimension défensive importante dans la manière qu’a<br />

le sujet de traiter les conflits.<br />

Sur le plan quantitatif, l’approche globale est mise de coté, ce qui permet au sujet de<br />

s’appuyer sur les détails afin d’éviter l’expression fantasmatique. On note un<br />

surinvestissement des réponses formelles (le F% élevé). Le contrôle formel est opérant (le<br />

F+ % dans la norme). Toutefois, les affects semblent être absents du protocole.<br />

Les mécanismes de défenses mis en place viennent appuyer l’évitement des conflits (clivage,<br />

anonymat des personnages, dénégation, rigidité).<br />

On remarque que le traitement des conflits est rendu particulièrement difficile voire<br />

impossible en raison de l’abrasion des mouvements pulsionnels. Il y a comme une sorte de<br />

dévitalisation présente tout au long du protocole afin d’éviter l’expression fantasmatique.<br />

Ainsi le protocole est émaillé de remarques symétriques niant le conflit intra-psychique et<br />

la différence.<br />

La représentation de soi n’est pas atteinte mais elle met en avant une instabilité identitaire:<br />

pl. V: «On pourrait dire ça ressemble à un papillon, une chauve souris, une tête d’escargot<br />

avec ses cornes toujours symétriques.».<br />

Le traitement des représentations humaines et relationnelles souligne une fragilité dans les<br />

limites dedans dehors. L’aspect formel du protocole permet au sujet de surinvestir ces<br />

limites afin de mettre à l’écart ces représentations. Ainsi la réponse «peau» donnée à la<br />

planche III «un tablier» vient marquer un surinvestissement des enveloppes dans une planche<br />

relationnelle. Les relations interpersonnelles renvoient à quelque chose de flou,<br />

d’indifférencié. Il semble exister une menace pour le sujet dans les situations relationnelles.<br />

Le maniement de l’agressivité semble être également difficile dans la relation pl. II «(…)<br />

12


des chiens face à face avec des oreilles et un museau en partie rouge. Une tête d’oiseau avec<br />

un bec». Le sujet ne parvient pas à conflictualiser les scénarios relationnels. Le sujet tente<br />

de geler les conflits. Les relations sont traitées sur le mode spéculaire.<br />

La représentation humaine en mouvement est quasiment absente du protocole excepté sous<br />

forme de traits non définis, par exemple: «des silhouettes, des profils» ou bien, elle est réduite<br />

à une partie humaine «des jambes». Ces représentations sont dévitalisées, froides et floues.<br />

Elles n’ont pas de consistance et sont asexuées, ce qui souligne la difficulté du sujet à faire<br />

un choix identificatoire en terme de sexualité.<br />

L’absence de réponse kinesthésique et des réponses à contenus agressifs mettent en évidence<br />

une relation à l’autre angoissante dont le sujet ne peut pas se détacher de peur de<br />

s’effondrer. L’environnement n’est pas rassurant.<br />

On note également une difficulté dans le processus d’individuation séparation comme<br />

l’attestent les nombreuses remarques symétriques et le mode de traitement aux relations aux<br />

imagos parentaux.<br />

La relation à l’imago paternel est empreinte d’agressivité à minima, qui a du mal à se<br />

déployer : pl. IV «ça me dit rien, les petites choses d’à coté, on dirait des oreilles de chien, je<br />

trouve absolument rien». Pour faire face à l’objet, il a besoin de le réduire en un objet partiel<br />

afin de pouvoir le maîtriser. Ainsi, ce dernier n’est pas trop dangereux pour lui. Il semble<br />

aussi que le sujet ait du mal à avoir accès à la position masculine, il a besoin de se rassurer<br />

narcissiquement, pl. VI «C’est pareil, ça ne m’inspire pas. On dirait le haut, comme dans les<br />

restaurants Buffalo grill (…)» et le sujet précise à l’enquête «un poteau en bois avec un décor<br />

symétrique».<br />

La relation à l’imago maternel est quant à elle tenue au loin, inaccessible, elle est parfois<br />

idéalisée. Elle est représentée sous une forme floue, non consistante. Par exemple pl. VII<br />

«c’est terrible toujours symétrique. Là, cela fait penser également à une sculpture mais je ne<br />

vois rien de…non. On pourrait éventuellement voir un profil de chaque coté mais je ne<br />

pourrai pas dire ce que c’est. C’est tout». L’angoisse face à cette image est présente, tous les<br />

mouvements pulsionnels semblent gelés et le sujet ne parvient pas à élaborer : pl. IX «C’est<br />

toujours symétrique et je vois pas vraiment ce que je peux trouver comme image. Non<br />

désolée, je ne veux pas dire n’importe quoi».<br />

L’emprise est présente tout au long du protocole dans le contrôle des pulsions et des<br />

émotions.<br />

Le Rorschach de Madame M.<br />

Le protocole paraît très riche, il présente un nombre de réponses supérieur à la moyenne.<br />

Madame M. a recours à l’imaginaire et est très sensible au matériel. Celui-ci semble peu<br />

rassurant pour elle, en raison du nombre élevé des réponses et de l’éclatement de celles-ci.<br />

L’analyse qualitative met en évidence la présence de commentaires personnels. A cela<br />

s’ajoutent des remarques sur la symétrie du matériel.<br />

L’approche du matériel est de type globale. Elle est marquée par un surinvestissement de<br />

l’aspect formel des planches, révélant des fragilités au niveau de la représentation de<br />

soi. Le contrôle formel est investi correctement, toutefois la maîtrise des affects échoue.<br />

Elle reste aléatoire et insuffisante, le F+% est bas. Les facteurs de socialisation sont<br />

normalement investis.<br />

Le symbolisme sexuel est exprimé à minima. Le conflit est présent entre la pulsion de vie<br />

et la pulsion de mort.<br />

Les thèmes de persécution, de morcellement, de destruction et de néantisation<br />

jalonnent le protocole comme en témoigne la réponse à la pl. VI «Ben là apparemment il<br />

est écrasé, on voit plus rien (…)» et la planche VII «(…) elle est peut être morte (…)». Les<br />

réponses à contenu agressif dominent le matériel. Ils mettent en scène un bestiaire<br />

13


dangereux dans des images entières d’animaux, pl. VI « (…) un scorpion» ou des images<br />

partielles «pince, griffes, épines».<br />

On note également la présence d’une persévération liée à une problématique de<br />

séparation. Madame M. met du lien entre les planches et tente de faire un récit avec les<br />

contenus des différentes planches. Pl. II«La fin de la première photo (…). C’est la fin de la<br />

chauve souris, ce qui reste, ce qui s’est écrasé je sais pas (…).». Paradoxalement à cette<br />

recherche de lien, le contenu des planches fait référence à des représentations morcelées,<br />

notamment dans des réponses « animaux » : pl. III «découpe de bête»», ou des réponses<br />

anatomiques : pl. II «des jambes (…) ».A cela s’ajoute une difficulté dans le processus de<br />

séparation et de différenciation se manifestant par le surinvestissement des limites. Ces<br />

dernières sont instables et fragiles.<br />

Les relations interpersonnelles sont de type spéculaire : pl. III« (…) c’est deux<br />

personnes qui regardent face à face (…) ». L’agressivité se trouve dans la relation. Le sujet<br />

cherche à mettre du lien dans la relation. Les représentations humaines sont atteintes sur le<br />

plan narcissique et sur celui des limites. On note également une réversibilité des objets<br />

témoignant de l’absence de reconnaissance de la différence des générations.<br />

Il existe également un vécu persécutif à l’égard d’un environnement dangereux. Les<br />

représentations humaines sont asexuées et montrent la difficulté pour le sujet de faire<br />

un choix identificatoire.<br />

La relation à l’image maternelle renvoie à un étayage, une enveloppe maternelle<br />

poreuse, vide. Pl. VII «ça y est, il reste plus grand chose, elle est peut être morte… parce<br />

qu’on voit plus de corps (…) et à l’enquête «c’est plat, ça représente plus rien.».<br />

Le traitement de la représentation de soi est marqué par le clivage. On remarque une<br />

fragilité narcissique, ici dans une réponse «peau», pl. VI «(…) on dirait une peau, une<br />

peau morte» dans le recours aux contenus d’animaux à carapace, pl. VI «un scorpion» et<br />

pl. X «un crabe». Afin de lutter contre cette fragilité, madame M tente de se rassurer, de se<br />

restaurer sur le plan narcissique autour de la puissance phallique : pl. IV «(…) un monstre<br />

peut être avec deux bras, deux jambes (…)».<br />

Les réponses aux planches pastel n’intègrent pas la couleur et signent la difficulté pour<br />

madame M. à intérioriser et à régresser.<br />

Compte tenu des éléments, il semble que l’ensemble du protocole soit dominé par une<br />

émergence fantasmatique dangereuse et une lutte contre la dépression.<br />

14


Analyse des TAT<br />

60<br />

50<br />

40<br />

% 30<br />

20<br />

10<br />

0<br />

26<br />

23<br />

12<br />

Procédés défensifs du TAT<br />

Série A (Rigidité) Série B (Labilité) Série C (Evitement<br />

du conflit)<br />

4<br />

55<br />

50<br />

7<br />

23<br />

Série E (Emergence<br />

en processus<br />

primaires)<br />

Monsieur M.<br />

Madame M.<br />

Le T.A.T. de Monsieur M.<br />

Le TAT est riche et contient des récits élaborés. Le sujet apporte des commentaires<br />

personnels qui lui permettent ainsi de s’approprier et de contrôler le matériel. Il a également<br />

besoin de s’appuyer sur le clinicien par le recours aux questions.<br />

Les mécanismes de défenses mis en place s’inscrivent dans les registres rigides et<br />

narcissiques : intellectualisation, précaution verbale, isolation, hésitation, éprouvé subjectif,<br />

évitement, idéalisation, identification projective… Ce mécanisme est mis en oeuvre lorsque le<br />

sujet est confronté à l’image d’un enfant dans des contextes de solitude pl. 1 et 13. «ça me fait<br />

penser à mon histoire, j’étais souvent à attendre, à être dans cette position là quand ma grandmère<br />

partait faire des courses, je pouvais l’attendre pendant des heures…».<br />

Le recours aux mouvements défensifs d’ordre rigide témoigne du contrôle du sujet sur le<br />

matériel. Quant aux mouvements défensifs d’ordre narcissique, ils rendent compte de la<br />

fragilité narcissique.<br />

A cela s’ajoute l’inhibition des conflits ou de leur résolution qui ne semble pas relever de<br />

représentations œdipiennes.<br />

Contrairement au Rorschach les mouvements pulsionnels sont présents ainsi que les affects<br />

qui sont employés sur un ton dramatique.<br />

La représentation des relations interpersonnelles met en avant une mise à distance dans<br />

les relations et une difficulté dans le repérage identitaire. Ainsi l’indifférenciation et<br />

l’anonymat des personnages dominent par ex. «une dame», «quelqu’un», «il» sur l’ensemble<br />

du protocole.<br />

L’agressivité a du mal à se déployer dans certains récits relationnels. Ex : pl. 4 «C’est<br />

l’histoire d’un couple qui a l’air de se déchirer un peu, pas de se disputer...». Le sujet tente<br />

de réprimer ce mouvement pulsionnel. L’étayage caractérise aussi les relations<br />

interpersonnelles toujours pl. 4 «… la dame fait tout pour le retenir…». Le symbolisme<br />

sexuel est exprimé à minima, il est plaqué.<br />

L’évocation des contenants parentaux est peu fiable.<br />

15


La relation à l’imago paternel est marquée par une mise à distance dans la relation et<br />

par une faille narcissique renvoyant à un éprouvé dépressif par exemple pl. 7 BM<br />

«...Un vieux monsieur qui est en train de parler à un jeune qui pourrait être son fils. On voit<br />

vraiment pas de joie sur le visage de ce vieux monsieur. On dirait qu’il parle à un proche.<br />

On voit un homme assez défait regardant droit devant lui, pas en direction de ce monsieur.<br />

On peut dire qu’il ne va pas bien, les personnes sont en train de le raisonner pour lui<br />

donner un peu de courage pour dédramatiser la situation».<br />

La relation à l’imago maternel renvoie à un évitement de la relation sous-tendue par<br />

une angoisse de perte. Le sujet a du mal à élaborer un récit en raison de troubles<br />

perceptifs. Pl. 5 «…il y a une chose qui n’apparaît pas bout à bout. Je ne peux rien rajouter<br />

parce qu’il manque des éléments…». Quand elle est traitée, elle laisse place à une précarité<br />

et à une relation abandonnique.<br />

Le traitement des relations aux imagos parentaux révèle également une fragilité du coté<br />

de la problématique de la séparation individuation : la planche 6BM évoque un secret<br />

familial lié à la filiation, secret qui permet de tenir le sujet dans la relation «…elle pourrait<br />

lui annoncer quelque chose de grave, le décès d’un proche, des confidences qu’elle lui<br />

aurait caché pendant quelques années, l’origine de son père…». La réponse à la planche<br />

7BM met en avant une réponse «symétrique» : «situation qui se ressemble» en rapport<br />

avec la planche précédente.<br />

La position dépressive est présente à minima et associée à des affects forts de tristesse et à<br />

des représentations de perte sur un versant narcissique et non objectale. La<br />

confrontation à la dépression et à la solitude vient déstabiliser le sujet et témoigne d’une<br />

instabilité identitaire ainsi : pl. 3BM «C’est à priori un jeune qui est recroquevillé sur luimême<br />

qui pleure et qui est très abattu, qui est dans un état de détresse très important. Son<br />

attitude est vraiment désespérante. C’est quelqu’un qui a besoin de beaucoup d’aide. C’est un<br />

état dépressif (?). Y’a quelque chose qui lui est arrivé qui ne fonctionnent pas. C’est<br />

quelqu’un qui est dans un grand désarroi. Je ne sais pas le motif de son désarroi».<br />

Cette confrontation laisse apparaître une problématique d’angoisse d’abandon et une quête<br />

importante d’étayage sous-jacente comme le montre la planche 3 BM et la 13 B dans<br />

laquelle le sujet s’identifie complètement au personnage en ayant recours à des références<br />

personnelles «ça me fait penser à mon histoire, j’étais souvent à attendre, à être dans cette<br />

position là quand ma grand-mère partait faire des courses, je pouvais l’attendre pendant des<br />

heures…».<br />

Le T.A.T. de Madame M.<br />

Du fait de l’aspect figuratif, l’élaboration du récit de madame L est mieux structurée que<br />

lors du Rorschach.<br />

Le protocole de madame M. met en évidence des mécanismes de défenses narcissiques,<br />

d’évitement du conflit, de l’accrochage à la réalité externe et des émergences en<br />

processus primaires (scotomes et télescopage des rôles). Ces défenses de type rigide et<br />

narcissique mettent à l’écart l’élaboration de conflits intra-psychiques.<br />

L’étayage caractérise les relations interpersonnelles. Les relations interpersonnelles ne<br />

mettent pas en avant l’ambivalence affective au sein de la relation. Cependant le conflit<br />

peut être présent dans la relation mais il n’est pas précisé. Ces relations laissent place à<br />

un vécu persécutif et à un environnement non sécurisant. Pl. 4 «il a un regard<br />

méchant ».<br />

La représentation de soi est entière. La relation aux imagos parentaux témoigne d’une<br />

instabilité de l’objet : pl. 2 «est ce que c’est la mère ou la fille ?» Elle ne permet pas au<br />

sujet d’établir un choix identificatoire.<br />

16


L’image paternelle est idéalisée et marquée par l’étayage. L’image maternelle renvoie<br />

également à une difficulté d’accès à la position féminine et maternelle. L’imago<br />

maternel n’est pas contenant. La relation à l’imago maternel met en avant le déni des<br />

génération, pl. 7GF «elle ne peut pas être sa mère». L’agressivité est présente dans le lien<br />

à l’image maternelle.<br />

La position dépressive a du mal à se développer. Les affects de tristesse sont présents<br />

mais ils ne sont pas liés à des représentations de perte d’objet. Pl. 3BM « une fille qui<br />

pleure…». Face à la dépression, le sujet a recours à la demande d’étayage de l’autre<br />

(sollicitation au clinicien).<br />

ELEMENTS COMMUNS AUX QUATRE PROTOCOLES :<br />

- Les mécanismes défensifs rigides et narcissiques<br />

- La prépondérance du clivage et de l'identification projective<br />

- L'angoisse de perte et d’abandon<br />

- L’impossibilité d’avoir accès à la problématique de séparation-individuation<br />

- La dépression sous jacente, mais non élaborée<br />

- Le besoin d'étayage<br />

- La défaillance des imagos parentales<br />

- La difficulté dans le choix des identifications<br />

- Le vécu relationnel spéculaire et persécutif<br />

- L'instabilité des objets, le besoin de contrôle sur l’objet<br />

- La fragilité des limites<br />

- L'environnement vécu comme dangereux<br />

- L'importance des réponses «peau»<br />

- La difficulté à lier les mouvements pulsionnels<br />

- L’absence de conflit intra-psychique<br />

- La bonne adaptation à la réalité<br />

Analyse<br />

Notons tout d'abord que les protocoles des tests projectifs de Monsieur et Madame M. sont<br />

très semblables et présentent un nombre important d'éléments communs. Ils sont tous<br />

deux dans la lignée narcissique et cela confirme un choix de partenaire essentiellement<br />

narcissique. Tout lien, a fortiori le lien amoureux présente toujours deux composantes, l'une<br />

narcissique et l'autre objectale et ce, dans des proportions diverses.<br />

Pour Monsieur et Madame M. la dimension narcissique domine, tous deux ont un vécu<br />

relationnel spéculaire, l'un est le miroir de l'autre et vice versa. Ceci est confirmé par<br />

l'anamnèse. Ils se sont mis ensemble parce qu'ils avaient, en fin de compte, une histoire<br />

infantile très proche, faite de rejet, de disqualification, de persécution et de manque d'amour.<br />

Ils ont uni leurs deux détresses en un besoin d'étayage mutuel. Ils se sont connus très jeunes,<br />

tous deux pour quitter le milieu où ils vivaient. Monsieur M., le foyer où il avait demandé à<br />

être hébergé et Madame M., sa famille.<br />

Ils ont conçu très rapidement un enfant comme s'il fallait une preuve objective et objectivable<br />

de leur lien, celui-ci ne pouvant se décliner sur un mode symbolique. Le corps de l'enfant<br />

devient la "preuve" du lien qui les unit. Mais aussi ne leur permet pas d'approfondir un lien<br />

amoureux de couple, les voilà parents avant d'avoir pu faire l'expérience d'une réelle vie de<br />

couple, le lien filiale est alors confondu avec le lien d'alliance. Monsieur M. dira d'ailleurs<br />

qu'ils étaient beaucoup trop jeunes pour avoir un enfant et pour s'en occuper.<br />

Ce premier enfant arrivant peut également se comprendre comme une protection contre<br />

l'angoisse d'abandon. Celle-ci est l'angoisse prépondérante que nous retrouvons dans les<br />

17


tests projectifs pour les deux membres du couple. Cet enfant vient sceller leur union et les<br />

protéger contre l'abandon.<br />

Le lien abandonnique est un lien doué de paradoxalité : il combine le lien et ce qui s'y<br />

oppose, un lien fait de vécus de ruptures, un lien fondé sur la discontinuité.<br />

La famille incestueuse est bloquée dans son fonctionnement au niveau de la position<br />

narcissique paradoxale (CAILLOT J.P., DECHERF G., 1989) qui se résume en cette phrase:<br />

"vivre ensemble nous tue, nous séparer est mortel". L'aménagement défensif principal lors<br />

d'un blocage à cette position psychique est l'oscillation. La famille oscillera entre un pôle<br />

"collage" qui réveillera rapidement des angoisses très fortes d'écrasement, d'enlisement,<br />

d'étouffement qui enverront vers le pôle "décollage", "arrachage" qui suscitera des angoisses<br />

d'abandon, de chute… et renverra vers le pôle "collage".<br />

Cette mise en couple où domine l'impossibilité d'avoir accès à la problématique de<br />

séparation-individuation pour les deux partenaires augure d'une famille où cette dimension<br />

de la vie familiale sera difficile à élaborer. Dans toute famille, lors de l'évolution des enfants,<br />

lors de la mise à l'école, à l'adolescence, cette dimension sera particulièrement sollicitée.<br />

Il ne faut pas confondre séparation et rupture. La séparation suppose une élaboration<br />

suffisante de cette problématique et la possibilité d'un travail de deuil. Il faut donc que le lien<br />

familial, en l'occurrence, le lien filial soit suffisamment objectal c'est-à-dire entrant dans le jeu<br />

des relations objectales internes. La rupture quand à elle vient court-circuiter toute cette<br />

dimension du travail psychique, elle ne provoque qu'effroi, incompréhension, persécution et<br />

conduit alors à des clivages radicaux. Soit l'adolescent doit rester dans la famille quel que soit<br />

les moyens à employer pour l'y maintenir, soit s'il part, il ne "remettra plus les pieds" à la<br />

maison.<br />

Notons que les viols incestueux dans cette famille se sont intensifiés à l'adolescence des<br />

aînées, au moment où cette question de la séparation allait forcément avoir à se poser avec<br />

une acuité particulière. Les actes incestueux sous forme d'attouchements avaient commencé<br />

bien avant, aux dires de madame, ce qui dénote un fonctionnement global incestueux de la<br />

famille.<br />

Mais intéressons nous maintenant de plus près au fonctionnement de cette famille tel que le<br />

couple nous en parle.<br />

Monsieur peut être considérer comme un "tyran domestique". Il régit tout dans la famille et<br />

la place laissée à sa femme est uniquement celle d'élever ses enfants et de tenir la maison. Il<br />

lui a toujours interdit de travailler. L'idéologie familiale est d'un extrême rigidité à l'image<br />

des mécanismes défensifs des deux parents que nous retrouvons lors de l'analyse des tests<br />

projectifs. Le besoin de contrôle est total, le lien d'emprise joue à plein. Ce lien d'emprise sur<br />

l'objet externe découle d'une impossibilité d'organiser un mode objectale interne et ce pour les<br />

deux parents, qui puisse organiser symboliquement les places et les rôles dans la famille.<br />

Remarquons que pour les deux partenaires, existe dans leur fonctionnement psychique une<br />

défaillance des imagos parentales, l'imago étant entendu comme "un prototype inconscient<br />

de personnages qui oriente électivement la façon dont le sujet appréhende autrui"<br />

(LAPLANCHE J., PONTALIS J.-B., 1967). Ce monde imagoïque n'étant pas en place, il n'est<br />

pas surprenant de retrouver dans les tests projectifs de Monsieur et Madame M. une grande<br />

difficulté dans le choix des identifications. Il n'y a pas de références permettant d'orienter<br />

les choix identificatoires. Les places dans la familles ne peuvent donc pas non plus être<br />

organisées symboliquement.<br />

Notons également plusieurs éléments communs aux quatre protocoles qui vont nous permettre<br />

de mieux comprendre le fonctionnement de ce couple puis de cette famille. La fragilité des<br />

limites nécessite une rigidification de l'enveloppe familiale, La famille M. est une famille<br />

"forteresse" où les échanges avec l'extérieur sont réduits au minimum. D'autant que<br />

l'environnement est vécu par les deux parents comme dangereux. Le fonctionnement en<br />

18


autarcie est prépondérant. Rien ne doit sortir de la famille et rien ne doit y entrer. La famille<br />

doit se suffire à elle-même. C'est bien là la définition de la famille incestueuse !<br />

Cette question des limites est également mise en lumière dans les protocoles par l'importance<br />

des réponses "peau". Ceci est très intéressant, car lorsque l'on ne peut pas organiser un<br />

ensemble de liens symboliques c'est-à-dire se penser en lien dans un système symbolique, il<br />

faut alors se sentir en lien. C'est alors l'excitation, la sensation qui va permettre d'éprouver<br />

en permanence le lien. « La sensation fait contact mais ne fais pas lien » écrit P. JEAMMET<br />

(<strong>2005</strong>). L'inceste, ce corps à corps, peau à peau vise à faire éprouver le lien mais,<br />

paradoxe oblige, dans une destruction du lien symbolique.<br />

La difficulté à lier les mouvements pulsionnels va de paire avec l'absence de conflit intrapsychique.<br />

Ceci est présent chez les deux parents. Le conflit ne pouvant s'internaliser devra<br />

se jouer avec l'extérieur, ce qui renforcera la dimension persécutoire et dangereuse de<br />

l'environnement extérieur à la famille, comme nous l'avons déjà mis en lumière plus haut.<br />

Terminons par une dimension que nous connaissons bien dans nos rencontres avec les pères et<br />

les mères incestueux, à savoir, la bonne adaptation à la réalité. Le clivage, déjà cité, oblige<br />

le sujet à se construire une personnalité factice, un "faux-self" aurait dit D.W. Winnicott qui<br />

lui permet un bonne adaptation sociale, voire même, parfois, un hyperadaptation. C'est le cas<br />

de Monsieur M. qui était chef d'entreprise et qui réussissait bien dans son travail. Il est vrai<br />

que souvent des "revers de fortune" signe la difficulté à maintenir dans le temps ce<br />

fonctionnement psychique, ou alors il est aménagé en quittant régulièrement un travail pour<br />

en reprendre un autre. Peut-on parler de "faux-self familial" ? Certainement. Nombre de<br />

familles incestueuses sont, somme toute, des familles ordinaires qui ne font pas parler d'elles<br />

jusqu'à ce que les révélations de l'un des enfants viennent mettre à jour son fonctionnement<br />

dramatique.<br />

Conclusion<br />

Cette étude, grâce aux tests projectifs, a confirmé notre hypothèse intuitive que le<br />

fonctionnement familial ultérieur se mettait en place lors de la rencontre du couple. Il va<br />

sans dire que de nombreux autres facteurs, historiques, environnementaux, traumatiques<br />

interviennent également et peuvent modifier et modeler ce fonctionnement. Nous ne sommes<br />

pas dans des systèmes de causalité directe. Cependant, l'appareil psychique de couple<br />

constitue la base, la fondation de l'appareil psychique familial.<br />

Certains couples à travers l'histoire de chacun, le fonctionnement psychique individuel des<br />

deux partenaires, les circonstances de leur rencontre, construisent une famille où la<br />

potentialité incestueuse est certainement plus importante que dans d'autres fonctionnements<br />

familiaux.<br />

Savoir reconnaître et analyser le fonctionnement familial le plus précocement possible<br />

peut permettre de mettre en place des actions de préventions salutaires face à l'irruption de<br />

l'inceste.<br />

Les outils conceptuels de la Thérapie Familiale Psychanalytique peuvent grandement y<br />

aider.<br />

19


Bibliographie<br />

BRELET F., Le TAT Fantasme et situation projective. Narcissisme, fonctionnement limite,<br />

dépression, Paris Dunod, 1986, 188p.<br />

CAILLOT J.-P., DECHERF G. : Psychanalyse du couple et de la famille, Paris, A.PSY.G.<br />

Editions, coll. "Le Corps Commun", 1989, 180 p.<br />

JEAMMET P., "L'excitation : un concept séduisant mais trompeur. Pour une critique du point<br />

de vue économique en psychanalyse", Revue Française de Psychanalyse, LXIX, 1, <strong>2005</strong>,<br />

p.103-120.<br />

LAPLANCHE J., PONTALIS J.-B., Vocabulaire de la psychanalyse, Paris, P.U.F., 1967,<br />

p.196.<br />

NEAU F., "L'apport des épreuves projectives à la clinique des agirs violents" in BALIER C.<br />

(sous la direction de), La violence en Abyme, Paris, P.U.F., <strong>2005</strong>, p.253-295.<br />

RUFFIOT A. et al., La thérapie familiale psychanalytique, Paris, Dunod, 1981, 223 p.<br />

SAVIN B., "Sujets auteurs d'inceste", in CIAVALDINI A., BALIER C., Agressions sexuelles<br />

: pathologies, suivis thérapeutiques et cadre judiciaire, Paris, Masson, 2000, p.27-37.<br />

SMITH J., "Rorschach et évaluation clinique des délinquants sexuels", Santé Mentale, 64,<br />

2002, p.50-51.<br />

20


Communication libre 6<br />

L'agression sexuelle dans le cadre d'une relation de couple,<br />

une forme particulière de la violence conjugale<br />

Violaine-Patricia Galbert, thérapeute de couple France<br />

A l'Antenne de Psychiatrie et de Psychologie Légales de la Garenne-Colombes, les sujets que<br />

nous recevons le plus fréquemment ont commis leur agression sexuelle soit en dehors de leur<br />

famille, soit encore dans le cadre d'un lien de parenté comme dans l'inceste.<br />

Mais que dire de ceux qui commettent leur agression sexuelle au sein même du couple ?<br />

Dans le cadre d'une relation de couple (mariage, concubinage, pacte civil de solidarité) nous<br />

nous situons à la frontière de l'intra-familial et de l'extra-familial car la victime n'est pas<br />

totalement étrangère à la vie de l'agresseur sans que pour autant il existe un lien de sang.<br />

Le lien dont il est question ici repose sur le désir et le choix de deux personnes adultes et<br />

consentantes, hétérosexuelles ou homosexuelles, de se lier affectivement et sexuellement.<br />

Ce lien est un lien d'amour, un lien affectif et sexuel, un lien parfois de vie commune et de<br />

cohabitation, un lien parfois juridique.<br />

Dans tous les cas, il s'agit de „ faire couple », c'est-à-dire de composer un groupe de deux<br />

personnes avec tout ce que cela comporte d'interactions entre les membres du groupe.<br />

C'est pourquoi nous avons été conduitsà élaborer une distinction entre l'agression sexuelle<br />

classique et l'agression sexuelle dans le cadre d'une relation de couple.<br />

De plus, nous nous sommes aperçus, qu'aux côtés des agressions sexuelles le plus souvent<br />

physiques et punies par la loi tels que le viol et les attouchements, il existe toute une gamme<br />

d'agressions sexuelles non judiciarisées qui sont propres à la structure même du couple. Il<br />

s'agit des agressions sexuelles verbales, morales et psychologiques.<br />

En étudiant le déroulement d'agressions sexuelles physiques graves au sein du couple, nous<br />

nous sommes rendus compte que bien souvent ces actes ont été précédés par d'autres formes<br />

d'agressions sexuelles dont le caractère est allé crescendo comme si l'agression sexuelle<br />

physique n'avait été que la résultante d'une violence sexuelle ancrée depuis des années.<br />

Cette violence sexuelle est un processus au cours duquel, dans le cadre d'une relation de<br />

couple, un des partenaires a adopté à l'encontre de l'autre, au fil du temps, des comportements<br />

sexuels de plus en plus agressifs, violents et destructeurs. Dans la majorité des cas, dans les<br />

couples hétérosexuels, c'est l'homme qui est agresseur et la femme qui est la victime.<br />

Dès lors, notre pratique en est venue à considérer que l'agression sexuelle dans le cadre d'une<br />

relation de couple n'est pas uniquement d'ordre sexuel mais relève aussi du domaine de la<br />

violence.<br />

Il convient donc d'envisager aussi ces abus sexuels sous l'angle de la violence conjugale si l'on<br />

veut prévenir efficacement la récidive.<br />

C'est ainsi que nous avons considéré que l'agression sexuelle dans le cadre d'une relation de<br />

couple est une des composantes de la violence conjugale aux côtés de la violence verbale, de<br />

la violence psychologique, de la violence physique ou encore de la violence économique.<br />

C'est pourquoi nous nous sommes inspirés du modèle de traitement des violences conjugales<br />

pour mettre en oeuvre la prévention de la récidive pour les auteurs d'agression sexuelle dans<br />

le cadre d'une relation de couple.<br />

21


Notes : Emmanuelle TERRIER<br />

La violence conjugale se caractérise par les trois éléments suivants :<br />

- un cycle d’une durée moyenne d’un mois.<br />

- Un continuum de violence devenant de plus en plus grave.<br />

- Une stratégie consciente : l’homme choisit d’être violent pour indiquer qui a le<br />

pouvoir à la maison, pour rectifier le comportement de sa partenaire. Il y a le<br />

choix d’un lieu privé, dans l’intimité, le choix de la victime et le choix des<br />

violences. (Certains choisissent ou non de laisser des traces visibles).<br />

La loi reconnaît de puis 2002 une spécificité de la violence conjugale qui s’applique aussi<br />

pour les ex partenaires. Cependant il reste difficile de reconnaître l’existence d’une violence<br />

sexuelle dans le couple car top souvent il y a télescopage avec l’idée de devoir conjugal, le<br />

mariage est parfois envisagé comme un consentement à un service sexuel obligatoire. Les<br />

époux se retrouvent ainsi privés du droit de refuser un rapport sexuel.<br />

Il existe plusieurs types de violences sexuelles dans le couple. Tout d’abord les violences<br />

sexuelles physiques :<br />

- Administration de drogue.<br />

- Refus de mettre un préservatif.<br />

- Refus d’avoir des relations sexuelles.<br />

- Accuser d’être responsable de ses problèmes sexuels.<br />

- Empêcher le partenaire d’atteindre l’orgasme.<br />

- Torture et acte de barbarie.<br />

- Coups, blessure ou brûlure des parties génitales.<br />

- Agression sexuelle : c'est-à-dire tout acte de pénétration sexuelle commis par<br />

violence, contrainte ou surprise.<br />

Egalement les violences sexuelles psychologiques :<br />

- Contrôle de la vie sexuelle.<br />

- Enlèvement ou séquestration.<br />

- Harcèlement moral.<br />

- Harcèlement sexuel.<br />

- Dénigrement, injures, humiliations.<br />

- Acte d’intimidation, menaces.<br />

- Indifférence aux demandes affectives et sexuelle de la partenaire.<br />

- Garder le secret de son homosexualité.<br />

- Proxénétisme.<br />

- Atteinte à l’intimité.<br />

- Dévoilement d’un secret intime sexuel.<br />

- Non assistance à sa conjointe en danger.<br />

- Violation de domicile.<br />

La prise en charge des personnes concernées implique que l’on s’intéresse :<br />

- au lien de couple : fusionnel, dépendance de la conjointe, passage du besoin au<br />

désir, addiction.<br />

- au comportement violent,<br />

- au continuum et au cycle de la violence,<br />

- à la représentation de l’homme et de la femme.<br />

22


Mercredi 5 octobre <strong>2005</strong><br />

Bloc2 et 3, Atelier F<br />

Monique Tardif, PhD<br />

La thérapie de groupe d'orientation psychodynamique<br />

Au Centre de psychiatrie légale de Montréal (affilié à l'Institut Philippe Pinel de Montréal), le<br />

programme de traitement externe pour les agresseurs sexuels comporte plusieurs modalités<br />

thérapeutiques se rattachant aux théories soit behaviorale, cognitive ou psychodynamique. À<br />

cet égard, les agresseurs sexuels peuvent être orientés vers des groupes de prévention de la<br />

rechute, de l'apprentissage des habiletés sociales ou groupes de maintien ou des groupes de<br />

thérapie et des thérapies individuelles d'orientation psychodynamique.<br />

Dans cet atelier, nous aborderons les différents aspects impliqués dans la thérapie de groupe<br />

d'orientation psychodynamique auprès des agresseurs sexuels, des évolutions thérapeutiques<br />

de deux cas seront présentées :<br />

1. Indications et contre-indications<br />

2. Éléments dynamiques spécifiques aux agresseurs sexuels<br />

3. Avantages et limites de la thérapie de groupe avec des agresseurs sexuels<br />

4. Cadre du groupe (taille, composition, groupe ouvert, règles)<br />

5. Approche systémique et dynamique<br />

6. Travail des résistances<br />

7. Évolution des liens affectifs<br />

8. Enjeux de pouvoir et contrôle<br />

9. Symptômes sexuels déviants<br />

10. Rôle des cliniciens<br />

Notes : Bernard SAVIN<br />

Monique Tardif associe deux approches<br />

Une approche psychodynamique dans la compréhension et l'écoute individuelle en<br />

groupe<br />

Une approche systémique en se qui concerne le fonctionnement groupal.<br />

Les groupes sont constitués uniquement d'auteurs d'agression sexuelle tous délits ou crimes<br />

confondus. Elle insistera cependant sur la nécessité d'équilibrer les groupes tant au niveau des<br />

délits ou crimes qu'aux niveaux de la personnalité des participants. Ce sont des groupes<br />

ouverts. Ils fonctionnent en dehors du monde carcéral.<br />

Les A.A.S. ont une possibilité limitée de mentalisation qui les conduit soit au passage à l'acte<br />

soit à la somatisation. Le groupe doit les amener à mentaliser. Il y a nécessité à ce que les<br />

sujets soient interpellés par la singularité de l'autre. L'interactivité développée dans les<br />

groupes permet une meilleure mentalisation.<br />

D'autre part le groupe permet une "dilution" du transfert qui rend plus tolérable la rencontre à<br />

l'autre.<br />

23


Monique Tardif insistera sur l'importance d'un cadre rigoureux, invariant et indestructible.<br />

L'arrêt des séances pour les vacances par exemple entraîne le groupe dans une régression<br />

importante de son évolution. D'où l'importance que les thérapeutes animateurs du groupe ne<br />

prennent pas leur vacance en même temps.<br />

L'approche systémique permet le repérage des interactions entre les différents participants, les<br />

enjeux de pouvoir qui doivent être communiqués au groupe et cette communication constitue<br />

une part importante du travail du thérapeute. En outre, le thérapeute doit repérer à quelle<br />

séquence de développement en est le groupe et y adapter ses interventions.<br />

Le travail clinique dans l'atelier<br />

Par petit groupe, Monique Tardif distribue à chacun les textes de trois cas cliniques, charge au<br />

groupe de répondre aux questions suivantes :<br />

Diagnostic (référence, le DSM IV)<br />

Indication thérapeutique<br />

Facteurs de pronostic<br />

Objectifs thérapeutiques dans le cadre d'une thérapie de groupe<br />

Pour plus de précision voir le texte de Monique Tardif sur Internet :<br />

www.psychiatrieviolence.ca/articles/tardif.pdf<br />

24


M. Caméra<br />

Identification<br />

M. Caméra est âgé de 32 ans, séparé depuis un an de sa conjointe à la suite du dévoilement<br />

des abus sexuels envers sa fille âgée de 3 ans. Au moment de I 'évaluation, il vit seul en<br />

appartement. Il occupe un emploi dans une usine depuis 10 ans.<br />

Situation légale<br />

Une demande d'évaluation a été requise par une représentante de la CPEJ afin d'envisager un<br />

traitement en regard de la problématique incestueuse. M. s'est vu imposé par la CPEJ une<br />

interdiction d'être seul en présence de sa fille ce qui implique qu'il la voit dans le cadre de<br />

visites supervisées.<br />

Histoire de délinquance<br />

Aucun antécédent criminel: Il a volé des biens dans une voiture alors qu'il était âgé de 16 ans.<br />

Consultations psychologiques ou psychiatriques antérieures<br />

M. a consulté des professionnels à deux reprises. À la première occasion, il a rencontré un<br />

psychologue pour un problème de voyeurisme durant deux mois. Il invoque le manque<br />

d'argent et son refus de se dévoiler davantage pour y avoir mis fin. Far la suite, il a eu recours<br />

à quelques séances d'hypnothérapie pour découvrir s'il a été victime d'abus sexuel durant<br />

l'enfance.<br />

Habitudes de consommation<br />

M. consomme de l'alcool de façon occasionnelle. Il reconnaît toutefois s'être laissé aller<br />

davantage à des passages à l'acte voyeuristes après avoir consommé. Il ne fait aucun usage de<br />

drogues.<br />

Histoire familiale et scolaire<br />

M. est le cadet d'une famille de cinq enfants (trois filles et deux garçons). Il y a un écart d'âge<br />

de 18 ans entre la soeur aînée et le patient. Il relate une histoire familiale sans particularité et<br />

il affirme avoir eu une enfance normale. Le père était plutôt absent en raison de son horaire de<br />

travail. La mère est décrite telle une femme peu confiante en elle-même, angoissée et<br />

nerveuse. Les parents manifestaient peu leur affection. Toutefois, il n'y aurait pas eu de<br />

violence physique, psychologique ni sexuelle dans leur famille. M. Caméra préférait jouer<br />

seul car l'écart d'âge entre les autres membres de la fratrie l'y incitait.<br />

30


L'adaptation au milieu scolaire a été plutôt mitigée parce qu'il se tenait à distance des autres<br />

enfants et qu'il ne parvenait pas à se faire des amis. Sa tendance à l'isolement a amené la<br />

directrice de l'école à suggérer la fréquentation d'une école spécialisée dans les difficultés<br />

d'apprentissage où les groupes sont restreints. La mère aurait opposé un refus catégorique en<br />

affirmant que son fils était normal. M. aurait doublé sa quatrième et sa huitième années. Les<br />

conclusions d'une évaluation psychologique avancent que M. Caméra dispose d'une<br />

intelligence vive à supérieure et que ses difficultés scolaires reposent sur d'autres aspects de sa<br />

personnalité. M. Caméra a complété un cours secondaire, mais il a échoué un cours technique<br />

de niveau collégial.<br />

Développement sexuel<br />

M. Caméra relate que dès l'âge de 5 ans, il s'adonnait à des activités « voyeuristes »<br />

impliquant une soeur, la mère, le père alors qu'ils se trouvaient dans la salle de bain.<br />

Toutefois, il ne peut fournir d'explications sur le fait d'avoir choisi ces personnes. À l'âge de<br />

10 ans, M. s'est laissé toucher aux fesses plusieurs fois par un jeune de 12 ans. C'est dans ce<br />

contexte qu'il a surpris son copain en érection. A une occasion, M. Caméra a enlevé son<br />

maillot de<br />

bain devant lui. La venue précipitée des parents aurait incité M. à enfiler le maillot à l'envers<br />

ce qui aurait été remarqué. M. Caméra n'aurait plus revu le copain par la suite. A l'âge de 11<br />

ans, M. Caméra feuilletait des revues érotiques appartenant à son frère. Vers l'âge de 12 ans, il<br />

jouait avec son cousin de 15 ans au « violeur tout nu » où le cousin lui caressait le pénis et le<br />

masturbait. Ces jeux auraient cessé quand le cousin a demandé à M. Caméra de le caresser<br />

également.<br />

Vers l'âge de 13 ans, M. Caméra s'est adonné à la masturbation en pensant à des filles de son<br />

école qui l'intimidaient. Par la suite, il s'excitait avec des photographies érotiques et la vue de<br />

femmes à des émissions télévisées. Un an plus tard, il s'attarde à la fenêtre pour regarder<br />

passer des femmes sur la rue en se masturbant. Il aurait aussi aperçu une voisine âgée de 16<br />

ans la poitrine nue ce qui aurait provoqué une forte excitation et des séances de surveillance à<br />

la fenêtre qui lui procura à une occasion la satisfaction de la voir entièrement nue. M. Caméra<br />

a cessé ces comportements voyeuristes il y a un an ce qui coïncide au dévoilement et à la<br />

séparation avec sa conjointe.<br />

À l'âge de 16 ans, M. Caméra a élaboré des fantasmes de viol où il s'imaginait amener des<br />

femmes qu'il qualifie d'inaccessibles dans un guet-apens, de les attacher et d'avoir des<br />

relations sexuelles. M. n'a jamais tenté de mettre en scène un de ses scénarios imaginaires. Il<br />

explique toutefois qu'il éprouve beaucoup de plaisir à imaginer soumettre une femme à ses<br />

désirs. Ces fantasmes étaient présents dans l'imaginaire du patient jusqu'à tout récemment<br />

sans qu'il y ait d'escalade dans l'expression imaginaire de la violence physique ou<br />

psychologique ni dans la fréquence du recours à la fantasmatique. M. Caméra ne présente pas<br />

selon lui de problèmes de dysfonctions sexuelles.<br />

Histoire relationnelle et maritale<br />

M. Caméra aurait eu une première relation sexuelle complète à l'âge de 16 ans avec une amie,<br />

âgée de 14 ans. Il estime que la relation s'est bien déroulée sans difficulté particulière. Cette<br />

amie ne lui plaisait pas vraiment, mais il désirait avoir des relations sexuelles avec elle. C'est<br />

M. Caméra qui aurait mis fin à la relation après trois ans de fréquentations. Par la suite, il a<br />

invité une fille qui l'intéressait, depuis plusieurs années, à voir le film « Caligula ». À la fin de<br />

la soirée, il l'a invité à venir chez lui et ils ont eu une relation sexuelle complète. Après trois<br />

31


mois de fréquentation, M. Caméra a mi-fin à la relation parce qu'il estimait que la jeune fille<br />

n'était pas intéressée à lui et qu'elle le narguait.<br />

À l'âge de 20 ans, M. Caméra a rencontré la femme qui allait devenir son épouse. Elle<br />

fréquentait le même groupe d'amis que lui et elle venait de rompre avec son ami. Il appréciait<br />

particulièrement son sens de l'humour, sa gaieté, sa vivacité et son apparence physique.<br />

L'attachement aurait été rapide et ils auraient partagé le même appartement un an plus tard.<br />

Au début, la vie de couple était ponctuée de conflits qui amenaient madame à retourner chez<br />

sa mère et monsieur à retrouver un sentiment de liberté. Par la suite, M. estime s'être trop<br />

accroché à son amie. Il verbalise qu'il vivait sa vie à elle et qu'il lui enviait ses habiletés<br />

sociales. Ils se sont mariés quelques années plus tard.<br />

M. Caméra aurait parlé de son désir d'avoir un enfant à 29 ans afin de briser la routine et de<br />

franchir une autre étape dans sa vie. La venue de l'enfant aurait permis un certain<br />

rapprochement avec son épouse tout en restreignant sa liberté et la fréquence des relations<br />

sexuelles. Il se sent rejeté par sa femme et en veut à l'enfant de prendre tant de place. Durant<br />

la dernière année de vie commune. Mme était au fait de certains comportements voyeuristes<br />

du patient et elle verbalisait des critiques fréquentes au patient.<br />

Problématique sexuelle<br />

Le recours à la fantasmatique sexuelle déviante s'est poursuivi durant la vie commune avec la<br />

conjointe. Il s'est aussi procuré un télescope pour s'adonner à des activités voyeuristes lorsque<br />

son épouse dormait. Il se promenait aussi dans la rue pour satisfaire le même genre de désir.<br />

M. essayait aussi de voir sous les jupes des clientes que son épouse coiffait à la maison. De<br />

plus, il faisait une utilisation fréquente d'un film montrant la soeur de madame, âgée de 18<br />

ans, mettant sa poitrine à nu devant la caméra. A la suite de cet incident, l'idée lui serait venue<br />

d'employer une caméra pour faire du voyeurisme. Il a convaincu son épouse d'opérer un salon<br />

de bronzage à la maison. Cela lui a<br />

permis de camoufler à deux occasions des caméras qui ont été découvertes pour l'une, un an<br />

après l'installation et l'autre peu de temps après. Des plaintes ont été portées et M. Caméra a<br />

été arrêté<br />

Les premiers contacts sexuels avec la fille se sont produits dans le contexte de soins donnés à<br />

l'enfant âgée de 8 mois. M. Caméra a procédé à des contacts oraux génitaux. M. Caméra a été<br />

sous le choc lorsque sa fille lui aurait signifié de la caresser oralement en l'attirant vers elle.<br />

Au moment du dévoilement, M. Caméra a tout nié pour ensuite reconnaître certains gestes. Il<br />

ne reconnaît aucune fantasmatique de nature pédophile mais il admet que son attirance pour<br />

des adolescentes qui ont l'apparence de femmes adultes est associée à son désir de dominer.<br />

32


M. Passe-Partout<br />

Identification<br />

M. Passe-Partout est âgé de 41 ans, marié et père de deux garçons (9 et 12 ans). M. vit avec sa<br />

famille et travaille à titre de fonctionnaire depuis plusieurs années.<br />

Situation légale<br />

M. Passe-Partout se présente à la clinique après avoir consulté un psychiatre pour son<br />

problème de pédophilie. Histoire de délinquance<br />

À l'adolescence, M. Passe-Partout a été conduit devant le tribunal de la jeunesse pour<br />

vagabondage à l'âge de 14 ans et pour introduction par effraction à l'âge de 16 ans.<br />

Consultations psychologiques et psychiatriques<br />

À l'âge de 23 ans, M. Passe-Partout a consulté en psychologie sur une période de 4 ou 5 mois<br />

pour des problèmes reliés à sa relation de couple.<br />

Habitudes de consommation<br />

La consommation d'alcool a débuté à l'adolescence pour s'intensifier lorsqu'il a servi dans les<br />

forces armées. Il ne consommerait que de façon occasionnelle depuis plusieurs années en<br />

raison de maux de tête associés à l'abus de cette substance. Parallèlement à cela, il s'est<br />

adonné à la consommation des dérivés du cannabis dès l'âge de 13 ans. Il a aussi essayé de la<br />

mescaline et à un moindre degré de la cocaïne. La consommation de drogues lui a d'ailleurs<br />

occasionné des problèmes de délinquance. Il a diminué sa consommation après son mariage<br />

pour se limiter à une consommation hebdomadaire des dérivés du cannabis.<br />

Histoire familiale et scolaire<br />

M. Passe-Partout est le cadet d'une famille de sept enfants. Sa mère est décédée alors qu'il<br />

était âgé de deux ans des suites d'une hystérectomie. Le père, fonctionnaire de son état, a réagi<br />

au décès en devenant plus froid et distant et en augmentant ses heures de travail pour faire<br />

face à ses obligations financières additionnelles. C'est la soeur aînée qui est devenue la figure<br />

maternelle auprès des enfants plus jeunes. Cependant, celle-ci a quitté le domicile familial<br />

alors que M. était âgé de 5ans pour se marier. Cette seconde perte fut difficile à vivre pour M.<br />

Passe-Partout.<br />

Après le départ de la soeur aînée, les enfants ont tous été placés à l'exception d'un frère qui est<br />

resté avec le père en raison d'un problème de langage. En premier lieu, le patient a été placé<br />

dans un orphelinat durant un an. Il allait les fins de semaine au domicile paternel et les retours<br />

à la crèche étaient péniblement vécus. En deuxième lieu, il a séjourné en foyer nourricier où il<br />

percevait la femme responsable sévère et punitive à son endroit alors qu'elle était chaleureuse<br />

avec son propre fils. Il s'est senti ostracisé et humilié. Il est à nouveau changé de foyer à la<br />

demande du père qui a été sensible aux réactions du fils. Entre l'âge de 7 et 9 ans, M. Passe-<br />

Partout se retrouve dans un foyer où trois filles plus vieilles que lui y habitent déjà. Il se<br />

sentait bien investi par les membres de cette famille jusqu'à ce que les responsables en<br />

viennent à adopter un bébé. A l'âge de 9 ans, il réintègre avec joie le domicile paternel même<br />

s'il éprouvait des regrets à quitter le foyer nourricier.<br />

Malgré les nombreux placements, M. Passe-Partout a réussi à maintenir un bon rendement à<br />

l'école et il a complété son secondaire V à l'âge de 18 ans. Cependant, il affirme avoir été le<br />

bouc émissaire en raison de son physique plutôt chétif. Bien qu'il ait pu se sentir ostracisé, il<br />

est parvenu à se faire quelques amis à l'école.<br />

33


Développement sexuel<br />

À partir de l'âge de 5 ans jusqu'à l'âge de dix ans, M. Passe-Partout a été victime<br />

d'attouchements sexuels et de fellations par son frère plus âgé. Ces contacts sexuels étaient<br />

vécus comme un jeu étant donné que le frère ne faisait pas usage de force ni de contrainte.<br />

Avec le temps, M. incitait le frère à reprendre leur jeu. Il est arrivé à<br />

une occasion que le père les surprenne et punisse le frère aîné ce qui n'a pas empêché ce<br />

dernier de recommencer. Le fait de poursuivre leurs activités en cachette ajoutait à l'excitation<br />

selon M.<br />

M. Passe-Partout a commencé à se masturber à l'âge de 8 ans lorsqu'il prenait plaisir à<br />

regarder l'adolescente (12 ans) qui partageait la même chambre que lui, se dévêtir. A l'âge de<br />

10 ans, il a développé des intérêts sexuels pour une nièce âgée de 5 ans qu'il qualifie d'une<br />

beauté remarquable et très chaleureuse envers lui. Il préférait sa compagnie et ses jeux à celle<br />

des copains de son âge. Vers l'âge de 12 ans, M. Passe-Partout a cédé à ses fantasmes en<br />

effleurant les organes génitaux de la jeune fille. Une réaction de réticence a aidé M. à ne plus<br />

poser de tels gestes malgré la persistance des fantasmes sexuels associés. Vers l'âge de 15 ans,<br />

il lui est arrivé de danser avec elle dans les party en s'imaginant qu'elle était son amie. Il lui<br />

est arrivé de l'embrasser et d'imaginer avoir des relations sexuelles complètes avec elle. Ces<br />

fantasmes ont accompagné ses activités masturbatoires jusqu'à l'âge de 17 ans.<br />

Parallèlement à cela, M. Passe-Partout a commencé à fréquenter les filles de son âge à partir<br />

de l'âge de 13 ans sans toutefois réussir à s'attacher. Vers l'âge de 15 ans, il aurait connu<br />

plusieurs relations amoureuses où il expérimente des contacts sexuels, mais les relations ne<br />

durent pas en raison semble-t-il de sa fuite devant le moindre conflit et de son intérêt<br />

prédominant pour les contacts sexuels. A l'âge de 16 ans, il connaît sa première relation<br />

sexuelle complète avec une fille plus expérimentée qui a pris un rôle actif lors de la relation<br />

sexuelle. M. Passe-Partout qualifie la relation d'échec parce qu'il a Pu une éjaculation précoce.<br />

Entre 16 et 20 ans, M. Passe-Partout décrit une suite de tentatives de relations amoureuses qui<br />

se sont soldées par un échec. De toutes ces relations, il n'a connu qu'une seule autre relation<br />

sexuelle complète<br />

Histoire maritale et familiale<br />

M. Passe-Partout a fait la connaissance de sa future conjointe sur les lieux de son travail alors<br />

qu'il était âgé de 20 ans. Il s'est montré sensible à la douceur et la délicatesse de cette femme.<br />

Ils se sont fréquentés deux ans avant de se marier à la demande de madame qui désirait<br />

officialiser leur relation. M. Passe-Partout s'est trouvé rapidement déçu dans ses attentes, car il<br />

ne voyait pas sa conjointe souvent en raison de son travail de soir, de son stress au travail et<br />

des désaccords sur la répartition des tâches domestiques à accomplir. D'autres sources<br />

d'insatisfaction plus profondes n'ont pu être identifiées. Cependant, M. a été réticent à<br />

répondre au désir de madame d'avoir des enfants après six ans de mariage. Il gardait le<br />

souvenir de s'être fait voler sa place au foyer nourricier par la venue d'un bébé. Après la<br />

naissance du premier garçon, le couple s'est montré moins disponible l'un envers l'autre et<br />

vivait davantage de frictions. C'est dans ce contexte que M. Passe-Partout a cédé au désir de<br />

madame d'avoir un deuxième enfant. Or, les deux enfants auraient des problèmes importants<br />

de surdité et d'élocution ce qui aurait exigé davantage d'implication de la part des deux<br />

parents afin de favoriser leur développement.<<br />

34


Problématique sexuelle<br />

M. est aux prises avec un problème de pédophilie envers les petites filles. De façon<br />

longitudinale, rappelons qu'il a présenté des fantasmes sexuels à l'endroit de sa nièce plus<br />

jeune de 5 ans durant toute son adolescence. Entre les âges de 17 à 25 ans, les fantasmes<br />

pédophiles se seraient estompés à la faveur de son intérêt pour les femmes adultes.<br />

Cependant, dès les premières années de son mariage, M. ressentait sa vulnérabilité envers les<br />

fillettes qui étaient proche de lui physiquement ou qu'il percevait chaleureuses et il évoquait<br />

des fantasmes de nature pédophile lors de ses activités masturbatoires. Deux ans après la<br />

naissance de leur premier fils, M. Passe-Partout a commencé à s'intéresser à une petite voisine<br />

qui venait souvent les visiter. Il a cédé devant l'intensité de ses fantasmes en procédant à des<br />

attouchements aux organes génitaux par-dessus les vêtements. Comme la fillette n'a pas<br />

révélé les agirs de M. et qu'elle continuait à lui rendre visite, il conclut qu'il s'agissait d'un<br />

désir mutuel, ce qui ajoutait à son excitation. Les attouchements se sont échelonnés sur une<br />

période de cinq ans et ont cessé après que la fillette lui eut retiré la main. Toutefois, M. Passe-<br />

Partout évoquait la fillette lors de ses activités masturbatoires. La jeune fille a dévoilé les abus<br />

sexuels dont elle a été victime à ses parents après avoir vu un film portant sur le sujet à son<br />

école.<br />

Un an avant le dévoilement, M. Passe-Partout s'est rapproché de deux autres fillettes âgées de<br />

6 et de 4 ans que sa conjointe gardait à la maison. Il a procédé à des attouchements de même<br />

nature. Cependant, il a rapidement délaissé l'aînée qui s'est montrée plus réticente pour se<br />

tourner vers la cadette qui a pu le solliciter à l'occasion.<br />

Celle-ci aurait manifesté son désaccord à une occasion ce qui aurait amené M. a cessé ses<br />

pratiques durant deux mois. Cependant, l'absence de réactions venant de l'entourage de la<br />

victime l'a incité à refaire des attouchements sexuels.<br />

Lors du dévoilement de la première victime, M. Passe-Partout a avoué avoir abusé<br />

sexuellement des deux autres fillettes. La conjointe de M. a avisé la mère de celles-ci qui a<br />

décidé de laisser la garde de ses filles à Mme Passe-Partout qui exerce une surveillance plus<br />

étroite et ne laisse plus son mari seul en présence des fillettes.<br />

35


M. Cybersex<br />

Identification<br />

M. Cybersex est âgé de 53 ans au moment de l'évaluation psychiatrique. Il est séparé de sa<br />

conjointe depuis de nombreuses années et il n'a pas d'enfant. Il occupe un travail régulier chez<br />

un concessionnaire d'automobiles.<br />

Situation légale<br />

M. consulte de son propre chef afin d'entreprendre une thérapie pour son problème de<br />

pédophilie. Il y a six mois, M. a plaidé coupable à deux accusations de grossière indécence<br />

envers deux adolescents. Il doit se présenter à nouveau devant la Cour dans quatre mois afin<br />

de recevoir sa sentence.<br />

Histoire de délinquance<br />

M. n'a pas connu d'antécédents juvéniles. Toutefois, il a quatre antécédents criminels de<br />

nature pédophile à son actif. Consultations psychologiques et psychiatriques antérieures<br />

M. a bénéficié de rencontres psychologiques ponctuelles pour des problèmes de couple entre<br />

l'âge de 30 et 35 ans. A l'âge de 40 ans, il consulte un sexologue pour son problème de<br />

pédophilie et ses difficultés conjugales. À l'âge de 47 ans, il est suivi conjointement par un<br />

psychologue et un psychiatre, il reçoit alors une médication anxiolytique.<br />

Histoire familiale et scolaire<br />

M. est le deuxième d'une famille de deux garçons. Son père était un homme d'affaires et<br />

travaillait à titre de gérant d'une compagnie d'assurances. M. décrit son père en termes<br />

élogieux sur le plan professionnel. Bien que la relation n'ait pas présenté de difficultés<br />

relationnelles particulières au dire du patient, il dépeint un homme doux et réservé, mais<br />

distant. D'emblée, M. s'identifie davantage à sa mère. Il décrit celle-ci comme une femme<br />

énergique, réservée, mais «gueularde». Dès sa prime enfance, la mère aurait souffert de<br />

différentes maladies qui ont grandement perturbé le cours de la vie familiale. Cela allié au<br />

manque de disponibilité du père, aurait nécessité le placement des deux garçons dans un<br />

jardin d'enfance, le patient était alors âgé de trois ans. Par la suite, ils furent confiés aux<br />

autorités religieuses qui s'occupaient d'un pensionnat puis d'un couvent. En raison de<br />

l'éloignement semble-t-il, les visites des parents n'avaient lieu qu'une fois par année. M.<br />

Cybersex confie s'être beaucoup ennuyé de ses parents et s'être senti abandonné. Sa réaction<br />

au placement évoque des épisodes dépressifs suivis de réactions de rejet en refusant tout<br />

contact avec les parents. M. affirme que malgré la proximité qu'il avait avec son frère et le<br />

sentiment d'admiration qu'il éprouvait envers lui, il est demeuré distant.<br />

M. Cybersex a été premier de classe pendant plusieurs années. Cependant, ses notes auraient<br />

décliné en raison de ses problèmes émotifs. Il a néanmoins poursuivi son cours classique<br />

jusqu'à l'âge de 19 ans.<br />

Développement sexuel<br />

La curiosité face à la sexualité s'est manifestée vers l'âge de 10 ans lorsque M. a entendu des<br />

récits décrivant des contacts sexuels entre certains compagnons et des religieux du<br />

pensionnat. À une occasion, il a été victime de touchers furtifs aux fesses de la part de son<br />

directeur spirituel. L'incident allait à l'encontre des principes que tentait de lui inculquer cet<br />

homme et cela l'a choqué au point d'ébranler sa confiance face aux représentants de l'autorité.<br />

Un autre abus sexuel de même nature est survenu alors qu'il était âgé de 14 ans et a conforté<br />

le patient dans sa révolte face à l'autorité.<br />

36


C'est vers l'âge de 11 ans qu'il a pratiqué la masturbation de façon solitaire. Rapidement, il a<br />

connu des séances masturbatoires avec un autre garçon de son âge. Entre l'âge de 12 et 14 ans,<br />

M. Cybersex s'est rapproché de quelques jeunes filles avec qui il fumait et a expérimenté des<br />

contacts sexuels qui le rendaient mal à l'aise. Vers l'âge de 14 ans, M. a été renvoyé du<br />

pensionnat parce qu'on l'a surpris à se masturber en compagnie d'un compagnon. Son père<br />

aurait fortement réagi en lui disant qu'il n'aimait pas les homosexuels et il lui aurait imposé un<br />

suivi psychiatrique. M. a néanmoins continué ses activités sexuelles avec les jeunes garçons.<br />

Par la suite, il a repris des contacts sexuels avec des garçons de son âge allant de simples<br />

masturbations à des fellations, et ce, vers l'âge de 15 ans. Ces pratiques avaient lieu<br />

régulièrement et elles étaient associées au plaisir. À l'adolescence, il se perçoit différent des<br />

autres en raison du peu de relations qu'il entretenait avec les filles.<br />

Histoire maritale<br />

Au début de l'âge adulte, M. Cybersex fréquentait les jeunes femmes sans s'engager<br />

affectivement. Il ne s'estimait pas aussi habile que ses congénères masculins et il s'interdisait<br />

toute intimité physique avec elles.<br />

À l'âge de 23ans, il rencontre une femme qui le séduit et l'initie aux relations sexuelles, et ce,<br />

durant 3 jours consécutifs. Mme était au fait des attirances homosexuelles de M. et elle<br />

l'acceptait tel qu'il était. Bien que la vie maritale ait été satisfaisante les trois premières<br />

années, les aspirations de M. face à la vie de couple et au désir d'avoir des enfants ne<br />

rencontraient pas celles de sa conjointe.<br />

Dès les premières années de la relation, M. aurait entretenu une relation avec un jeune homme<br />

de 18 ans qui a habité ab domicile du couple durant 3 mois. M. Cybersex éprouvait davantage<br />

de difficultés à s'impliquer dans sa relation de couple et la relation s'est détériorée lorsque<br />

Mme a cessé de faire des efforts pour séduire M. À l'âge de 33 ans, M. Cybersex a consulté un<br />

psychologue afin de travailler ses problèmes de couple. Parallèlement à cela, il avait recours<br />

aux services de prostitués de 13 à 15 ans.<br />

Entre l'âge de 40 et 50 ans, M. Cybersex a tenté d'établir en vain des relations amoureuses<br />

avec des adultes homosexuels. Ces relations ont été vraisemblablement éconduites en raison<br />

des difficultés du patient à investir affectivement. Il se sent rejeté.<br />

Histoire occupationnelle et sociale<br />

M. Cybersex présente une fiche occupationnelle où l'on dénote une certaine instabilité. En<br />

effet, il a changé fréquemment d'emploi invoquant qu'il est incapable de soutenir la pression.<br />

Depuis Tans, il travaille pour un cousin à la location de voiture.<br />

Problématique sexuelle<br />

Les premiers délits ont été perpétrés à l'endroit de jeunes prostitués masculins âgés entre 13 et<br />

15 ans et ce, il y a 22 ans. Beaucoup plus tard, il se retrouve devant les tribunaux pour avoir<br />

eu des rapports sexuels fréquents durant quelques mois, avec un adolescent âgé de 15 ans, le<br />

fils d'une amie. La dernière accusation est relative au fait que l'accusé ait eu des relations<br />

sexuelles avec deux prostitués adolescents.<br />

Vers l'âge de 18 ans, il s'est tourné vers des garçons plus jeunes (13 à 15 ans) qu'il perçoit plus<br />

sensibles et moins dominateurs, préférence qui est demeurée présente tout au long de sa vie.<br />

M. n'aurait jamais fait usage de contrainte pour arriver à ses fins.<br />

37


Après la séparation, 16 ans plus tard, M. Cybersex héberge un adolescent âgé de 15 ans<br />

durant un an et demi. M. en est venu à des contacts sexuels dans un contexte de<br />

consommation d'alcool et de drogues sur une période de 2 ou 3 mois. Un signalement aux<br />

autorités policières a conduit M. devant les tribunaux. Rappelons que les délits actuels de<br />

grossière indécence ont été perpétrés envers deux adolescents qui ont identifié M. Cybersex<br />

lorsqu'ils furent appréhendés pour leurs activités de prostitution.<br />

38


Mercredi 5 octobre <strong>2005</strong><br />

Bloc 2 – Communication libre 22<br />

Modérateur Josée Rioux<br />

Vide et création : l'espace projectif de l'auteur d'agressions sexuelles<br />

en établissement carcéral<br />

Christophe Sy-Quang-Ky, Psychologue clinicien, U.C.S.A/ C.M.P Est, Centre Hospitalier<br />

de Mont-de-Marsan<br />

France<br />

Depuis 1999, date de ma prise de fonction au Centre hospitalier Sainte-Anne et en<br />

établissement pénitentiaire, il m'a paru essentiel de proposer à cette catégorie de détenus<br />

différentes médiations de soins, et ce, pour trois raisons<br />

l'entretien clinique ne convenait pas à tous les sujets, notamment les plus démunis par rapport<br />

à la représentation sémantique », afin d'exprimer leur passage à l'acte, leur affect, leur traumatisme<br />

puissamment enfoui inconsciemment;<br />

la faible dotation d'heures d'intervention du psychologue clinicien et le nombre important de<br />

détenus, ajouté au temps limité à 3-4 ans de l'écrou de la préventive au procès, supposaient un<br />

médium susceptible d'instaurer une relation de confiance et des bases cliniques qui seraient<br />

reprises en centre de détention par mes collègues;<br />

enfin, face à la solitude et à l'isolement du clinicien faible étayage de l'équipe dans le soin,<br />

une seule priorité : créer et soigner dans la diversité.<br />

Trois types d'intervention sont donc apportés selon un contrat de soins signé entre le patient et<br />

le clinicien (Cf. statistiques UCSA* auteurs d'agressions sexuelles), - incestueux : 65 %,<br />

pédophiles 33 %, violeurs : 2 % à savoir : l'entretien clinique individualisé (40 minutes toutes<br />

les 3 semaines), le groupe de parole (G.P.) et le groupe atelier thérapeutique de peinture<br />

(A.T.P., 1 heure en alternance tous les quinze jours, groupes ouverts de 5 patients maximum).<br />

Binôme possible : présence de stagiaire psychologue de 4ème ou de 5ème année d'université<br />

de psychologie clinique et pathologique. Les trois instances sont reliées les unes aux autres :<br />

ce qui est dit ou peint en groupe peut être repris en entretien clinique mais l'inverse n'est pas<br />

possible afin que le sujet intériorise et différencie la notion d'espace intime réservé à<br />

l'entretien clinique et l'espace public - la dynamique de groupe, chaque espace ayant ses règles<br />

comme dans la société; deux espaces transgressés dans le passage à l'acte.<br />

C'est en m'inspirant de l'art pictural taoïste chinois - exercice personnel à titre privé de<br />

méditation dite active »* - et des mandalas tibétains* que j'ai construit un protocole clinique<br />

passant de la psychanalyse à l'ethnopsychopathologie afin d'appréhender ce que je considère<br />

comme indicible, inénarrable et terrifiant : le fonctionnement psychique d'un violeur d'enfant.<br />

Il m'a semblé important également dans la construction de la relation de confiance avec le<br />

patient de lui fournir un espace d'expression et de créativité là où, jusqu'à l'écrou, son monde<br />

intérieur produisait de la destruction sans reconnaissance de ses émotions et de ses angoisses<br />

ou sans pouvoir les relier à des mots, et surtout à l'altérité. Mon objectif clinique à partir de la<br />

H dynamique du vide et du plein dans l'art pictural chinois », le vide à penser devenait du<br />

plein à raconter et surtout apaiser le sujet dans un cadre contenant, un bon plein, un vide<br />

faisant de la place pour chacun dans le groupe. L'épreuve du narcissisme pour se (re-<br />

42


)construire peu à peu avec la bienveillance du clinicien en espérant la dépasser pour la<br />

rencontre avec l'autre. »<br />

Le texte complet de la communication ainsi que les dessins sont disponibles sur Internet :<br />

www.artaas.org/videCS.pdf<br />

43


Mercredi 5 octobre <strong>2005</strong><br />

Bloc 3 – Communication libre 27<br />

Modérateur Alexandrine Chevrel<br />

L'obligation de soin : un outil clinique<br />

Vers une clinique du sujet contraint<br />

Alain HARRAULT Psychologue clinicien, service de psychiatrie et de psychologie médicale<br />

– secteur 3-Centre hospitalier, 40 av Ch. De Gaulle 79021 NIORT Cedex<br />

Claudette HUGON Psychologue clinicienne, service de psychiatrie et de psychologie<br />

médicale secteur 3 – et U.C.S.A (maison d’arrêt de Niort) Centre hospitalier 40 Av Charles<br />

De Gaulle 79021 NIIORT Cedex<br />

Aborder la question des soins aux Auteurs de Violence Sexuelle soulève rapidement un<br />

ensemble de questions et suscite souvent des réponses peu nuancées. Ces soins étant presque<br />

toujours "pénalement ordonnés", ils posent d’emblée la question des rapports entre Santé et<br />

Justice.<br />

Ce débat existe quasiment depuis la naissance de la psychiatrie au XIX ème siècle et il n’est<br />

jamais réglé sauf à prendre des positions caricaturales. Cependant l’extension de la<br />

judiciarisation depuis la dernière décennie a intensifié les enjeux de ce débat à l’intérieur des<br />

corps professionnels en écho à la rumeur médiatique.<br />

Jusqu’à récemment la position la plus répandue parmi les soignants était celle de<br />

l’incompatibilité. Il existait "une insurmontable contradiction entre la logique du soin et celle<br />

de la peine".Position que X. Lameyre qualifie de « stérile et anachronique" car il estime que<br />

derrière "l’apparente antinomie des termes existe une féconde antonymie"(1).<br />

Pour notre part, sans méconnaître le débat éthique, nous avons souhaité rester au plus près de<br />

notre clinique, suivant ainsi la remarque de D. Zagury(2) " l’omniprésence du recours à<br />

l’éthique accompagne l’indigence d’une clinique qui se confond désormais pratiquement avec<br />

l’usage des classification. Or la conduite éthique doit être subordonnée à la clinique et non<br />

l’inverse".<br />

Lorsque nous écoutons des sujets délinquants sexuels soit lors d’entretien en prison ou lors<br />

d’hospitalisation nous constatons leur difficulté voir leur impossibilité à exprimer la<br />

souffrance que pourtant ils nous montrent par leurs attitudes, leurs comportements ou leurs<br />

somatisations. Dès lors nous appuyant sur les écrits de C. Balier qui ont montrer en quoi<br />

l’obligation de soins est une nécessité pour ces sujets* [3], nous avons centré notre réflexion<br />

sur les conditions à remplir pour que notre intervention dans ce cadre soit en accord avec les<br />

règles déontologiques des soignants.<br />

Si l’articulation santé-justice était nécessaire aux soins il fallait trouver comment au travers de<br />

cette articulation la place du sujet pouvait être garantie. Il ne s’agissait pas de relayer<br />

simplement la contrainte mais de travailler avec et de pouvoir l’analyser. Afin que "celui qui<br />

fait initialement objet de soin cède la place à un sujet de soin" comme l’écrit Xavier Lameyre.<br />

POURQUOI UN DISPOSITIF SPECIAL ?<br />

Pour aborder la prise en charge des agresseurs sexuels et définir nos modalités de prise en<br />

charge, nous sommes partis d'un double constat.<br />

44


1 - La signification et les enjeux de l’obligation de soin<br />

L'obligation de soin se présente comme un paradoxe qui transforme le sujet à soigner en objet<br />

de soins. D’autre part, il existe le risque d’entendre le mot pathologie uniquement dans son<br />

sens normatif alors que pathologie signifie d’abord souffrance.<br />

Dans la pratique, l’obligation de soin telle qu’elle était mise en œuvre habituellement se<br />

traduisait le plus souvent par un suivi parallèle et étanche. D’un coté le C.I.P. (4) qui recevait<br />

les attestations de présence aux consultations médicales et de l’autre coté le médecin qui<br />

ignorait les raisons précises de la consultation.<br />

Cette pratique contribuait à entretenir et même renforcer le fonctionnement psychologique du<br />

sujet. La mise en œuvre de l’obligation de soin venait contredire son objectif : à savoir<br />

soigner la problématique du sujet en partie à l’origine de sa transgression.<br />

Dans ces conditions, il est indispensable d’analyser ce paradoxe et la manière dont le sujet et<br />

nous même y répondons. Si l’on fait l’économie de cette analyse le sujet risque d’utiliser ce<br />

paradoxe pour se présenter comme victime de la société. Il évitera ainsi le travail<br />

thérapeutique qui le confronte à sa souffrance et à sa responsabilité. A l’opposé, si l’on<br />

suppose ce paradoxe résolu on risque de cautionner et de renforcer la position d’évitement du<br />

sujet. A moins que nous justifiions ainsi notre propre évitement<br />

Cependant nous reprendrons à notre compte la mise en garde de X. Lameyre contre un excès<br />

de proximité qui succéderait à une trop grande distance. Cela mènerait à, dit-il "un<br />

confusionnisme, à une "confusion des langues" qui nie la polysémie d’un vocabulaire<br />

commun et favorise le chevauchement des ordres discursifs. Alors le sujet de droit et le sujet<br />

de soins sont en danger face à la toute puissance du juge ou à l’attitude inquisitoriale du<br />

soignant"(1). Et il poursuit " l’arthrologie professionnelle qu’impose la pratique des soins<br />

pénalement ordonnés nécessite que les rôles et les langues ne soient pas confondus dans "un<br />

espéranto du partenariat"(1). Mais au contraire "un certain polyglottisme et le rappel vigilant<br />

des prescriptions déontologiques de chacun"(1) sont indispensables.<br />

2 - Les aspects psychopathologiques principaux des délinquants sexuels<br />

a) Même s’il n’existe pas de profil psychopathologique des auteurs de<br />

violences sexuelles, les chercheurs qui ont étudié leurs personnalités (Balier, Ciavaldini,<br />

Coutanceau) sont d’accord pour dire que des éléments spécifiques se retrouvent très souvent<br />

dans leur fonctionnement psychologique. Les auteurs de violences sexuelles utilisent des<br />

mécanismes de défenses archaïques tels que le clivage, le déni d’altérité, l’emprise et le<br />

recours à l’acte.<br />

Ainsi leur fonctionnement peut-il s’approcher d’un fonctionnement<br />

psychotique, psychopathique ou pervers.<br />

Ce fonctionnement clivé nous donne à voir un sujet coupé en deux. D'un côté<br />

le délinquant, "le monstre" rejeté par la société et condamné par la justice; de l'autre le sujet<br />

plus ou moins adapté, niant en grande partie toute souffrance psychologique et parfois aussi<br />

toute implication dans les faits qui lui sont reprochés.<br />

Quand on rencontre ces patients, seul en consultation, on a le plus souvent à<br />

faire uniquement à la partie adaptée. On se retrouve ainsi face à un discours qui projette la<br />

"folie" à l'extérieur, sur la justice et le système. Il nous est alors très difficile de pouvoir<br />

interroger leurs comportements et susciter une analyse. Le discours est le plus souvent<br />

opératoire, accroché à la réalité matérielle et dans l’évitement des conflits internes.<br />

b) De son coté A. Ciavaldini a rapproché cette "défaillance de la<br />

mentalisation"des "troubles de la sphère des affects".<br />

45


Selon lui "la clinique des sujets auteurs de violence sexuelle confronte toujours<br />

à de multiples non-reconnaissances des vécus affectifs qui en imposent souvent pour un<br />

processus de déni et/ou d'alexithymie * qui nous indique le peu de capacité de mise en<br />

représentation de ces sujets "(5).<br />

Il relie cela à des carences de l’environnement primaire de l’enfant ce qui fait<br />

que les éléments nécessaires à la transformation immédiate des percepts en affects qui ouvre<br />

la voie à la subjectivation, ne sont plus transmis. "C'est ce processus qui, à terme, ne permet<br />

pas au sujet de reconnaître ce par quoi il est affecté et a fortiori ce que ses actions<br />

engendrent chez l'autre : dès lors l'autre n'est plus reconnu dans son statut d'humanité et peut<br />

être ramené à celui d'objet-ustensile (pour reprendre le terme de P.-C. Racamier)"(5).<br />

Ainsi l’auteur de violences sexuelles aura de très grandes difficultés pour<br />

reconnaître sa souffrance et la souffrance de l’autre. Parfois, même la seule solution pour<br />

éprouver quelque chose sera de faire éprouver la souffrance à l’autre.<br />

Ces travaux nous ont conduit à adapter le cadre de soins aux potentiels de ces<br />

sujets.<br />

L'importance du regard, la position active du thérapeute, l’utilisation de techniques<br />

médiatrices, seront des aménagements nécessaires.<br />

Face à ce double constat, nous avons cherché à construire un dispositif de soin<br />

qui, au lieu d’isoler les intervenants, organise des liens, et tente de favoriser les rencontres, la<br />

prise en compte de l’autre et de la loi. Il s’agit de rendre possible la rencontre entre les deux<br />

parties clivées, entre le sujet souffrant et le "monstre" afin de pouvoir interroger ce<br />

fonctionnement dans un contexte sécurisant et contenant pour le patient et chacun des<br />

intervenants.<br />

Il s’agit aussi de s’appuyer sur le ressenti, les manifestations affectives plutôt<br />

que sur le discours souvent pauvre et opératoire.<br />

Pour cela il nous faut aussi définir avec précision notre champ d’intervention et<br />

le différencier de celui de la justice. Mais nous ne devons pas ignorer l’intervention judiciaire<br />

et tenir compte de ses effets dans la réalité actuelle tant pour le sujet que pour nous-même.<br />

Au-delà de cette articulation centrée sur le sujet c’est la rencontre entre deux<br />

institutions, qui est interrogée.<br />

COMMENT S’ORGANISE NOTRE DISPOSITIF ?<br />

Notre groupe est constitué de 6 soignants : 2 psychologues, 3 infirmiers et un<br />

cadre infirmier. Lorsque nous parlons du groupe de soignants nous faisons référence à ces 6<br />

personnes. Nos rôles sont certes différenciés par nos formations mais surtout par la place que<br />

nous occupons dans le dispositif de soin qui va être présenté ci-dessous.<br />

1°) Nous commençons par une évaluation de la demande qui prend en compte<br />

la personnalité, les faits reprochés, la position du patient vis à vis des faits et de l’obligation<br />

de se soigner. Nous utilisons pour cette phase l’entretien classique ou le QICPAAS ©<br />

(Questionnaire d'Investigation Clinique pour les Auteurs d'Agression Sexuelle)<br />

Pour cette évaluation le sujet rencontre deux soignants différents.<br />

2°) Les deux soignants qui ont rencontré le sujet présentent au groupe de<br />

soignants la situation, leurs observations et leurs difficultés avec ce patient. Après discussion<br />

* L’alexithymie se définit par 4 points : l’incapacité à reconnaître et exprimer verbalement ses propres émotions ;<br />

la limitation de la vie imaginaire ; la tendance à recourir à l’action pour résoudre les conflits ; la description<br />

détaillée des faits en contrepoint de la carence de la vie imaginaire<br />

46


du cas en groupe nous définissons les objectifs et les modalités possibles de notre<br />

intervention.<br />

3°) Nous organisons une rencontre avec le sujet, le Conseiller d’Insertion et de<br />

Probation référent et les deux soignants pour rendre compte de nos propositions et prendre<br />

connaissances du contexte judiciaire. Nous demandons au sujet de s’exprimer sur ces<br />

différents aspects et ensuite de se déterminer sur notre proposition de soins. Il doit nous faire<br />

connaître ainsi qu’au C.I.P. sa réponse quelques jours après notre rendez-vous.<br />

Nous ne contactons pas le C.I.P. en dehors de la présence du sujet. De même<br />

nous ne faisons pas d’attestation directement au J.A.P. Le C.I.P. fait le lien et répond aux<br />

demandes du Juge selon ses critères et ses objectifs.<br />

4°) Les prises en charges peuvent être diverses mais elles se composent<br />

toujours de deux types d’interventions auprès du sujet et se structurent autour de trois<br />

niveaux. Ceci afin de tenir compte des remarques, concernant le clivage et l’obligation de<br />

soin, que nous avons faites ci-dessus.<br />

a) Un cadre assez classique centré sur le vécu intra et intersubjectif du sujet. Cela pourra se<br />

dérouler en entretien individuel, en groupe de parole ou en groupe avec médiations. Des<br />

entretiens de couple ou familiaux peuvent aussi être proposés. Le travail sera animé par un<br />

des deux soignants qui a déjà rencontré le patient et éventuellement avec un co-thérapeute.<br />

Ce sera un lieu où la souffrance ne manquera pas d’apparaître le plus souvent sous forme<br />

archaïque. Elle se donnera plus à vivre dans le groupe ou dans la relation aux thérapeutes<br />

qu’elle ne se dira, au moins dans un premier temps.<br />

Le travail sera d’abord d’étayage et de réassurance, étayage sur le groupe ou/et sur les<br />

thérapeutes. Souvent il s’appuiera sur les ressentis et les éprouvés. Progressivement ceux-ci<br />

pourront être reconnus, reliés et des affects pourront être nommés.<br />

b) Un cadre plus original que nous appelons Réunion Triangulaire (R.T.) parce qu’il réunit<br />

le patient, le C.I.P., et le deuxième soignant qui a participé à l'évaluation (il connaît donc déjà<br />

le patient).<br />

Dans ce cadre, seront abordées les questions qui concernent le déroulement de<br />

l’obligation de soins. Comment cela se déroule t il pour le patient, pour le CIP et pour les<br />

soignants ?<br />

Seront traitées les questions qui émergent au décours de la prise en charge : par exemple envie<br />

d’arrêter du sujet ; problèmes d’absences répétées qui gêne le déroulement des soins ; souhaits<br />

de modifier la forme de la prise charge, etc.…<br />

Il s’agit d’un lieu où sont pris en compte les aspects liés à la réalité de la contrainte<br />

que le patient subit et où l’on tente de les mettre en perspective avec d’autres moments ou<br />

d’autres aspects de la vie du sujet. Cette contrainte est certes extérieure au sujet mais surtout<br />

interne à celui-ci.<br />

La manière dont le sujet réagit et se positionne face à cette contrainte permet de faire des liens<br />

avec son histoire. Son comportement peut être alors remis en perspective avec celle-ci.<br />

C’est là qu’est pris en compte l’existence des différentes autorités auxquelles chacun<br />

des participants sont soumis. C’est dans cet espace que se construit le cadre qui légitime notre<br />

action. Les limites de chacun des participants et la nécessité de travailler ensemble sont sans<br />

cesse mis en jeux et interrogés. C’est la triangulation qui est ainsi interpellée. Il est fréquent<br />

d’observer des tentatives pour annuler la médiation par un tiers. Par exemple, le patient peut<br />

chercher une alliance avec un des professionnels, les deux professionnels peuvent être<br />

amenés à annuler leur différence ou à s’affronter...<br />

47


Le C.I.P. connaît l’histoire judiciaire du patient et le rencontre à l’extérieur. Cette<br />

réunion est l’occasion de confronter trois discours différents concernant le sujet. Afin, non<br />

pas de chercher une vérité, mais pour interroger les écarts d’appréciation observés. C’est un<br />

moyen pour aborder le clivage.<br />

Le plus important dans cet espace, ce n’est pas le contenu mais l’expérience que fait le<br />

patient de l’altérité et des modes de résolution des conflits dans un cadre non jugeant mais<br />

responsable.<br />

La réunion triangulaire est aussi l’occasion de faire apparaître et vivre les conflits alors<br />

que nous avons affaire à des sujets qui sont le plus souvent dans le déni et l’évitement. C’est<br />

l’occasion de faire exister les deux faces qui sont le plus souvent clivées et ainsi d’aborder le<br />

conflit dans une perspective constructive et non dans le sens qu’ils connaissent le mieux, celui<br />

de la destructivité.<br />

La réunion triangulaire est un lieu d’exercice de cette "arthrologie des pratiques"<br />

prônée par X. Lameyre ou de cette "conflictualité constructive" dont parle B. Gravier(6): lieu<br />

d’articulation des pratiques, des enjeux, des attentes et des désirs.<br />

Mais cela ne pourrait fonctionner sans les autres espaces (entretiens, groupes<br />

thérapeutiques et entretiens des C.I.P.). C’est dans ces espaces que le mouvement mis en route<br />

lors des réunions triangulaires pourra se développer et être repris. Et à l’inverse ce sera<br />

souvent au cours des R.T. que des mouvements psychiques amorcés dans les autres espaces<br />

pourront apparaître.<br />

Il s’agit ainsi au travers de ces allers et retours de faciliter la mise en mouvement psychique et<br />

d’aider le sujet à lutter contre la passivité. C’est à dire lui permettre d’exercer son autonomie<br />

"celle qui substitue à l’obéissance à l’autre, l’obéissance à soi-même" comme le dit Paul<br />

Ricœur (7).<br />

c) Enfin il existe un troisième élément qui est, en fait un second lieu d’articulation mais<br />

pour les pratiques des soignants uniquement cette fois. Nous nous réunissons toutes les<br />

semaines pour parler des différents suivis en cours. Lors de ces échanges nous mettons en<br />

commun notre vécu et nos analyses concernant les deux lieux fréquentés par le sujet. Nous<br />

analysons en groupe les défenses mise en œuvre par le sujet et nos réactions contretransférentielles.<br />

Nous sommes aussi très attentifs à la manière dont les rôles de chacun<br />

peuvent être confondus ou déformés. C’est à dire comment le patient a pu générer de la<br />

confusion, du conflit, du clivage ou de la soumission et de la passivité. Cela nous permet de<br />

prendre conscience de la manière dont s’actualisent (pour lui et pour nous) les réactions de<br />

déni, de clivage ou autre.<br />

C’est notre manière de concrétiser les limites et la nécessité d’en passer par l’autre.<br />

Cela d’abord entre nous pour ensuite pouvoir le reprendre avec le patient. Ce temps doit avoir<br />

une forme groupale même si nous pouvons être amené à agir entre nous les conflits que le<br />

patient à déposer en nous.<br />

5°) La fin des prises en charge se discute toujours en réunions triangulaires. Elles<br />

peuvent se produirent à différents moments, soit :<br />

- Au cours du déroulement de la mesure :<br />

Le sujet ou les soignants souhaitent arrêter le travail. Nous provoquons une réunion<br />

triangulaire pour connaître les positions de chacun et pour étudier les conséquences et les<br />

autres possibilités.<br />

- A la fin de la mesure d’obligation :<br />

Nous consacrons la dernière R.T au bilan de la prise en charge.<br />

48


Si le patient souhaite poursuivre les soins, nous fixons un nouveau rendezvous<br />

pour définir les nouvelles modalités de prise en charge.<br />

Il est précisé aussi que si le sujet souhaite ou éprouve le besoin, de reprendre<br />

contact avec l’un de nous pour reprendre des soins ultérieurement il sera reçu.<br />

ILLUSTRATIONS CLINIQUES.<br />

Madame B.<br />

A travers cet exemple, nous allons tenter de montrer comment le travail<br />

plus classique de soin est facilité par les réunions triangulaires et le lien établi entre les<br />

soignants de ces deux espaces. On remarquera ici comment c'est un travail sur la relation<br />

aux autres mais aussi sur le rapport à la réalité qui devient accessible.<br />

Madame B, 40 ans a été accueillie dans le service auquel nous sommes<br />

rattachés suite a une tentative de suicide. C’est ensuite la psychiatre qui la suivait qui l’a<br />

orientée vers notre équipe. Elle a été condamnée à 6 mois d’emprisonnement et à un suivi<br />

mise à l’épreuve avec OS .Elle est accusée d’agression sexuelles sur son fils.<br />

Suite à l’évaluation elle a accepté notre proposition: participer à un groupe de<br />

parole et à des réunions triangulaires.<br />

Au début de la prise en charge, il est frappant d’observer les changements<br />

d’apparence de Mme B. Elle peut se présenter tel une petite fille sage, comme une mère de<br />

famille comme une femme séduisante. Elle a alors la tenue vestimentaire, la posture, la<br />

mimique, le ton, le discours en accord avec le personnage du jour.<br />

Elle participe à un groupe de paroles, elles sont 4 patientes, les deux<br />

thérapeutes sont également des femmes.<br />

La compétition est très présente dans le groupe.<br />

Mme B, elle, soit se met en retrait semblant "bouder", soit se positionne<br />

comme victime relatant des événements graves survenus dans la semaine. Elle parvient à<br />

attirer l’attention sur elle et à émouvoir le groupe (thérapeutes compris). Elle peut être<br />

ensuite d'avantage disponible aux autres et réfléchir un peu : cette attitude cependant est agie<br />

et ne peut être questionnée.<br />

Nous avons quelques doutes sur la véracité des dires de Madame B: elle fait<br />

état de catastrophes nouvelles pratiquement à chaque séance de groupe. Ses enfants sont<br />

victimes ou témoins des situations relatées. Nous sentons les résonances avec son histoire,<br />

nous comprenons bien les tentatives de rejouer certaines situations mais ce ne peut être<br />

travaillé. Dans un premier temps il nous a semblé important et suffisant de prendre ce qui<br />

arrivait tel quel. Peu à peu cependant, Madame B. semble enfermer dans ces comportements.<br />

Nous communiquons avec la soignante présente en réunion triangulaire, lui<br />

faisant part de nos interrogations. Peu après, lors de l'une de ces rencontres, le décalage<br />

entre la réalité et le discours de Madame B. dans le groupe apparaît très clairement: le CIP<br />

rappelle que Mme B n’a, entre autre, pas le droit de voir ses enfants et ne les a pas vus depuis<br />

le dépôt de plainte (plusieurs années). Madame B. n'est pas à l'aise, elle s’agite, semble<br />

perdue. Ma collègue dit son étonnement puis essaie de la rassurer.<br />

Pour notre part, à la séance suivante, nous évoquons cet écart avec madame<br />

B., en commentant "nous avons compris que vous aviez besoin de sentir que nous pouvions<br />

être touchées par votre discours". Elle semble rassurée, en convient facilement et se met à<br />

parler de scénarii qu'elle invente pour se réconforter. Certains jours, le plus souvent quand<br />

elle est seule, elle parle à ses enfants, fait tout comme s'ils étaient là, alors qu'ils sont placés<br />

et qu’elle ne les voit plus depuis son inculpation (plusieurs années).<br />

Depuis ces échanges son positionnement vis à vis des thérapeutes a changé.<br />

L'angoisse d'abandon a diminué, Mme B différencie "ces rêveries" de la réalité. Elle peut<br />

49


parler des moments où les deux sont confrontés, c'est très douloureux. Nous pouvons<br />

travailler les positionnements de femme, de mère. Sa présentation physique ne change plus.<br />

Elle a l’aspect d’une femme de son âge plutôt soignée, parfois mal à l’aise mais au regard<br />

volontaire.<br />

Cet exemple nous semble illustrer comment la rencontre entre deux éléments<br />

clivés est certes violente, mais permet d'accéder à un travail de fond. L'étayage reste très<br />

important, indispensable, mais il ne constitue plus la seule dimension de la prise en charge.<br />

Nous ne voudrions pas que nos réflexions prêtent à confusion. Il est évident<br />

que dans un premier temps, recevoir les émotions de Madame B., pouvoir être ému par elle, a<br />

constitué un élément essentiel permettant l'acceptation de la confrontation à la réalité, la<br />

déstabilisation, la mise en mouvement puis le travail.<br />

Ce sont les mouvements à l'intérieur de chaque espace et entre les différents<br />

espaces qui nous semblent opérants pour accompagner les patients sur le chemin de la<br />

subjectivation. Seule la mise en mouvement "réelle" semble opérante. C'est à dire, la<br />

conflictualisation avec projection du conflit sur différentes personnes.<br />

Avec certains patients, seule la répétition de ces épisodes de conflictualisation<br />

est opérante. Le clivage évitait le conflit et donc la rencontre entre des ressentis différents.<br />

Lors des réunions triangulaires, les éléments clivés vont souvent être projetés sur deux<br />

personnes différentes, la différence des fonctions le favorise. La troisième personne a<br />

souvent à éprouver et à supporter un sentiment d'impuissance face à ces deux ressentis<br />

présents dans un même lieu. Ce n'est qu'ensuite que quelque chose pourra s'en représenter<br />

puis se nommer dans ce lieu ou dans un autre de notre dispositif. C'est à partir de ce vécu<br />

partagé que le patient pourra dans un premier temps vivre le conflit comme non destructeur,<br />

puis progressivement comme constructif. Le lieu de projection des éléments clivés n'est pas<br />

toujours le même, ni toujours en accord avec les fonctions, la personne tierce n'est pas<br />

toujours la même. Cependant, nous veillons à ce que les fonctions de chacun des participants<br />

soient conservées.<br />

Il nous semble que les mouvements, à l'intérieur d'un cadre qui tient, constituent en<br />

eux-mêmes un début de représentation, dans le sens ou le lieu des émotions et des projections<br />

se représente de fait différemment.<br />

Monsieur H.<br />

Monsieur H. est inculpé d'agression sur une voisine, adulte handicapée. Il est<br />

condamné à du sursis et à une mise à l'épreuve avec entre autre une obligation de soin. Il a<br />

accepté notre proposition de soin, à savoir participation à un groupe de Photolangage © et à<br />

des réunions triangulaires .Le Photolangage © est une méthode de travail en groupe où il est<br />

demandé aux participants de choisir une photo parmi une vingtaine disposées sur une table.<br />

Le choix s’effectue suite à l’énoncé d’un thème en tout début de séance, celui-ci est choisi par<br />

les thérapeutes en fonction du déroulement et du contenu de la séance qui précède. Les<br />

participants doivent expliciter leur choix.<br />

Mr H est régulièrement absent de ce groupe.<br />

Les réunions triangulaires débutent toujours sur le même mode, le clivage y est<br />

manifeste. Monsieur H. commence par dire que tout va bien, puis il nous explique sans<br />

transition qu'il a besoin de soin et il l'argumente avec sincérité et à propos (il "manque<br />

souvent d'énergie, il a peur d'échouer" …). Nous l'interrogeons sur ses absences, peut-être<br />

c'est difficile pour lui de venir ? peut-être a-t-il des soucis familiaux ?<br />

Non, il va bien,"même si parfois c'est difficile, il se débrouille". S'il n'a pas pu<br />

venir, c'est que sa voiture est en panne, ou qu'il n'avait plus d'argent pour mettre de l'essence.<br />

Toute tentative de rassembler les éléments évoqués est vaine.<br />

Lors de la réunion triangulaire que nous avons choisi de relater, je ressens de<br />

50


l'exaspération et dit avec humour mais aussi avec fermeté: "j'ai plutôt l'impression que c'est<br />

vous qui manquez de carburant". Monsieur N., le C.I.P., sourit. Monsieur H. pas du tout. Il<br />

grommelle. Je lui demande ce qui se passe. Il s'énerve: "Vous êtes comme ma femme, vous<br />

dites que je ne me bouge pas et vous ne supportez pas".<br />

Je formule le ressenti de colère et dit que je peux le comprendre. Je dis<br />

également que s'il ne" se bouge" pas" c'est, selon moi, qu'il est mal, je ne ressens pas du rejet<br />

mais l'envie de le soutenir et éventuellement de chercher à comprendre avec lui. C'est le<br />

sentiment qu'il est coincé dans son malaise qui m'exaspère.<br />

Monsieur H. est toujours énervé. Il ne semble pas avoir réellement écouté, il<br />

est agité, refuse de s'exprimer.<br />

Monsieur N., le C.I.P., fait le parallèle avec les démarches de Monsieur H.<br />

pour trouver un emploi. Il se renseigne, il sait faire, il est capable, mais il bloque. Monsieur<br />

N. a proposé plusieurs fois à Monsieur H de l'aider, celui-ci ne veut pas. Monsieur N.<br />

rappelle sa disponibilité. Il est sincèrement affecté, touché.<br />

Monsieur H. est très tendu, et reste silencieux.<br />

Monsieur N. commence alors à rappeler calmement le cadre de l'obligation de<br />

soin puis semble à son tour s'exaspérer. Il parle de confrontation avec le Juge d'Application<br />

des Peines. Il renvoie à Monsieur N. le risque de récidive s'il ne parvient pas à modifier son<br />

mode de relation à l'autre (Monsieur H l'a déjà évoqué ici).<br />

Monsieur H. se tasse sur sa chaise, semble se recroqueviller, lance des regards<br />

inquiets.<br />

Le changement d'attitude me touche, je dis le sentir complètement abattu,<br />

paralysé comme peut-être parfois avant de venir au groupe.<br />

Monsieur H. relève la tête : "ma femme va me quitter, jamais je ne vais<br />

supporter, enfin remarquez elle ne me criera plus dessus".<br />

Il évoque une sensation d'effondrement à l'idée de vivre seul, "mais d'un autre<br />

côté, je serai obligé de compter sur moi et de penser à moi", ajoute-t-il. L'ambivalence est<br />

nommée avec les affects adaptés. A la suite, un autre exemple de conflit pourra être amené.<br />

A la fin de la réunion, je reprécise la loi de l'engagement du groupe de<br />

photolangage et l'encourage à venir et évoquer ce qui précède, de mon côté je ferai la liaison<br />

avec mes collègues.<br />

Cette situation illustre comment les tentatives, pendant la réunion triangulaire,<br />

de rassembler les éléments clivés n'aboutissent dans un premier temps qu'à un immobilisme<br />

(répétition du même déroulement sans ouverture) . Cet immobilisme est fait de tension, il est<br />

épuisant à vivre et devient insupportable.<br />

C'est ici, tour à tour, la soignante, le CIP et Monsieur H. qui sont en position<br />

de le vivre et d'être insupportés. (Ils vont tour à tour être support de la projection: de la<br />

partie adaptée ou de la partie souffrante du patient ou encore du bon objet ou du mauvais<br />

objet.)<br />

C'est ce vécu d'insupportable qui va faire émerger le conflit. Celui-ci pourra<br />

cependant rester seulement agi, comme ici à travers les grommellements, l'attitude, le ton de<br />

Monsieur H.<br />

Dans cet exemple, c'est la circulation de l'exaspération, de la compassion et de<br />

l'appui sur le cadre, à travers chacun des participants, qui a finalement permis à Monsieur H.<br />

d'accéder ponctuellement à l'ambivalence.<br />

On pourra remarquer combien il est question d'accepter de vivre un<br />

positionnement sur l'axe impuissance / toute puissance pour pouvoir en sortir. C'est donc la<br />

capacité des soignants et du CIP à être référé à un tiers (le cadre de la réunion triangulaire<br />

et leurs cadres respectifs) qui est sollicité.<br />

51


CONCLUSIONS<br />

Le cadre de prise en charge des auteurs de violences sexuelles que nous avons<br />

mis en place depuis , maintenant 9 années tient compte de la spécificité de leur problématique<br />

et de la situation dans laquelle ils se trouvent, tout en maintenant notre position de soignants.<br />

La prise en charge des auteurs d'agression sexuelle sous obligation de soin, est<br />

déstabilisante pour notre identité de soignant. S’engager dans cette tâche nécessite un travail<br />

d'élaboration autour de la fonction soignante. Cela nous a conduit à aménager notre dispositif<br />

de soin et, en créant des dispositifs groupaux, à “travailler psychanalytiquement à plusieurs”<br />

pour reprendre l’expression de B. Penot (8).<br />

Maintenant que nous avons un peu de recul, nous savons que ce travail est<br />

possible à condition de laisser la clinique questionner notre fonctionnement et alimenter notre<br />

réflexion.<br />

NOTES :<br />

(1) Lameyre X. Les soins pénalement ordonnés, une pratique limite. Ann. Médico-<br />

Psychol. 162(2004)657-661.<br />

(2) Zagury D. Clinique, éthique et mutations sociales. Rapport au XVI ème journées de<br />

l’information psychiatrique. L’Inf. Psych. 1998, 74, 1, 47-55.<br />

(3) Balier Cl.<br />

(4) C.I.P. : Conseiller d’Insertion et de Probation.<br />

(5) Ciavaldini A. Vers une clinique de l’agir. Ann. Médico-Psychol. 162(2004)664-667<br />

(6) Gravier B. Le psychiatre, le juge et la peine. Ann. Médico-Pychol.162(2004)676-681<br />

(7) P. Ricoeur cité par X. Lameyre in (1)<br />

(8) Penot B. La passion du sujet freudien. Ed. Eres, Toulouse, 2001.<br />

BIBLIOGRAPHIE :<br />

- Aubut J. et coll. Les agresseurs sexuels. Théorie, évaluation et traitement. Maloine,<br />

1993<br />

- Balier C. Psychanalyse des comportements violents, Presses Universitaires de France,<br />

Paris, 1988<br />

- Balier C. Psychanalyse des comportements sexuels violents, Presses Universitaires de<br />

France, Paris, 1996.<br />

- Balier C. La violence en abyme. P.U.F. Le Fil Rouge, <strong>2005</strong>.<br />

- Bayle G. Epître aux insensés. P.U.F, Paris, 1998.<br />

- Ciavaldini A. Psychopathologie des Agresseurs Sexuels, Masson, Paris, 1999 .<br />

- Ciavaldini A, Balier C (Eds). Agressions sexuelles :pathologies, suivis thérapeutiques et<br />

cadres judiciaire, Masson, Paris, 2000.<br />

- Conférence de consensus. Psychopathologie et traitements actuels des auteurs<br />

d’agression sexuelle. Fédération Française de Psychiatrie et John Libbey Eurotext, Paris,<br />

2001.<br />

- Coutanceau R. Consultations ambulatoires spécialisée ou Antennes de psychiatrie et<br />

psychologie légale. Forensic 1996 ; 13 :29-30.<br />

- Dubret G, Cousin F.R. La peine et le soin Nécessaire coordination de deux logiques<br />

pour une prise en charge des délinquants sexuels. Evolution Psychiatrique 1998 ;63 ,1-<br />

2 :157-174.<br />

52


- Lameyre X. Une poétique des soins pénalement ordonnés. Forensic, 13, 2003, 13-23.<br />

- Du Mesnil du Buisson G. Entre le juge et le thérapeute, quelle place pour le condamné<br />

agresseur sexuel ? L’Evolution Psychiatrique,1996,61 :1,159-169.<br />

- Penot B. Figure du déni. En deçà du négatif. Dunod, Paris, 1989<br />

- Savin B. Abord analytique groupal dans le traitement des délinquants sexuels. In : Gabel<br />

M, Lebovici S, Mazet P. Le traumatisme de l’inceste. P.U.F, Paris, 1995 :223-238.<br />

- Savin B. Prise en charge et traitement des abuseurs sexuels :L’expérience du S.M.P.R. de<br />

la maison d’arrêt de Varces, In : Govindama Y, Rosenblat Ch, Sanson M . Itinéraires des<br />

abuseurs sexuels L’Harmattan, Paris, 1999.<br />

- Senon J.L.Evolution des attentes et des représentations en clinique dans les rapports<br />

entre psychiatrie et justice. Evol.Psych. 70(<strong>2005</strong>)117-130.<br />

53


Jeudi 6 octobre <strong>2005</strong><br />

Plénière<br />

8 h 30 à 10 h<br />

Modérateur: Claude Lelièvre<br />

Abus sexuel : analyse éco-systémique et sociologie<br />

de la mondialisation des industries du sexe<br />

Richard Poulin, professeur titulaire, Département de sociologie , Université d'Ottawa<br />

Canada<br />

Matiada Ngalikpima, juriste expert en droits de l'homme et droit humanitaire, responsable<br />

de l'Antenne juridique de la Fondation Scelles France<br />

Mondialisation des industries du sexe, crime organisé et prostitution. Éléments d'une<br />

sociologie de la production « prostitutionnelle »<br />

Richard Poulin<br />

L'explosion des industries du sexe est largement contrôlée par le crime organisé. S'il en est<br />

ainsi, ce n'est pas parce que la prostitution est illégale ou prohibée, même si cet argument est<br />

utilisé par les pays qui ont légalisé la prostitution. Dans les pays où la prostitution est<br />

réglementée (Allemagne, Pays-Bas, etc.), comme dans ceux où des bordels sont propriétés<br />

d'État (Turquie, Indonésie) ou dans les pays qui la reconnaissent comme une industrie vitale à<br />

l'économie nationale (Thaïlande, Philippines), le rôle du crime organisé reste fondamental<br />

dans l'organisation des marchés. C'est que la violence — plus particulièrement les différentes<br />

formes de violence sexuelle — est décisive dans la production des « marchandises sexuelles »<br />

que sont les personnes prostituées. C'est ce que tentera de montrer cette communication en<br />

analysant, dans un premier temps, le rôle du crime organisé dans le déploiement des marchés<br />

sexuels au niveau mondial. Dans un deuxième temps, il s'agira de comprendre le processus de<br />

« marchandisation » à l'oeuvre et d'examiner les mécanismes par lesquels sont fabriquées »<br />

les marchandises particulières que sont les êtres humains qui sont amenés à aliéner leur sexe.<br />

La lutte contre la traite des êtres humains à des fins d'exploitation sexuelle: constats,<br />

enjeux et perspectives<br />

Matiada Ngalikpima<br />

Notes : Emmanuelle TERRIER<br />

Contrairement aux idées reçues la légalisation de la prostitution ne permet ni de protéger ni<br />

d’améliorer les conditions de travail des prostituées. Il s’agit bel et bien d’un esclavage<br />

moderne.<br />

Les procxénètes ont des comportements comparables à des époux qui battent leur femme :<br />

isolement, menaces, abus, violences psychologiques et physiques, diminution des repères afin<br />

de les rendre dociles et dépendantes, dépersonnalisation, viol de leur humanité. On assiste à la<br />

soumission d’êtres humains devenus marchandises pour satisfaire et obéir aux règles du<br />

marché. Malheureusement comme toute marchandise, la personne prostituée est rapidement<br />

dévaluée.<br />

56


Les causes de la prostitution sont à la fois alimentaires, liées la paupérisation des populations<br />

mais également psychologiques. Il y a certains éléments qui prédisposeraient des personnes à<br />

tomber entre les mains des réseaux, une histoire en amont dans laquelle on retrouve un lourd<br />

passé traumatique et des abus sexuels chroniques pendant la jeunesse.<br />

On observe chez les prostituées une dissociation émotionnelle, qu’elles ont mise en place pour<br />

permettre leur survie aux abus sexuels et aux traumatismes de l’enfance. Elles présentent donc<br />

souvent un état de stress post-traumatique.<br />

A cause de la sexualisation d’une société de domination masculine et d’industrialisation,<br />

fondée sur les inégalités sociales, on assiste à une marchandisation généralisée. Les femmes et<br />

les enfants prostitués sont gérés comme des boites à plaisir, des machines à sous. Pour y<br />

parvenir il faut au préalable transformer un être en marchandise en créant les conditions et en<br />

utilisant des moyens contraignants pour favoriser son fonctionnement en tant qu’objet.<br />

57


Jeudi 6 octobre <strong>2005</strong><br />

Bloc 4 – Communication libre 38<br />

Modérateur Yves Depauw<br />

Approches cliniques des croyances et distorsions en matière de comportements sexuels.<br />

Etude expérimentale sur une population de 400 étudiants<br />

Loïck Villerbu, enseignant chercheur, psychologue expert, Institut de Criminologie et<br />

Sciences Humaines, Université Rennes 2<br />

Philippe Genuit, psychologue, Service médico psychologique Régional, Maison d'Arrêt,<br />

Jacques Cartier<br />

Laurence Mousset, psychologue, Institut de Criminologie et Sciences Humaines, Université<br />

Rennes 2 France<br />

Le protocole identifié sous « Test des Quatre Motifs (TQM) se propose d'explorer la<br />

dynamique de représentation proportionnelle de quatre motifs d'exercer une sexualité non<br />

conventionnelle et/ou illégale : offre et demande de pratiques sexuelles tarifées, agressions<br />

sexuelles intra familiales, agressions sexuelles extra familiales.<br />

L'objectif est de disposer de tables normatives diagnostiques dans l'expertise et le suivi des<br />

personnes auteurs d'agressions à caractère sexuel et de poser quelques hypothèses heuristiques<br />

sur l'attaque sélective du champ sexuel par ces mêmes auteurs. Le protocole s'inscrit dans une<br />

démarche expérimentale clinique plus large de guidance projective et de réévaluation des<br />

médias projectifs d'expression.<br />

Notes : Emmanuelle TERRIER<br />

Présentation du test des 4 motifs qui a pour but d’établir un profil individuel normatif par<br />

rapport aux questions concernant la déviance sexuelle.<br />

Il s’agit d’explorer tout d’abord les croyances et les distorsions à propos des modifications<br />

corporelles induites par l’exercice de la sexualité, également les représentations et les rêveries<br />

et enfin les représentations liées à l’exercice d’une sexualité déviante ou délinquante.<br />

Voici les 4 consignes de ce teste telles qu’elles ont été présentées aux groupes d’étudiants de<br />

DEUG et de licence de psychologies de l’université de Rennes :<br />

Enumérer 4 motifs de sollicitations sexuelles auprès de prostituées.<br />

Enumérer 4 motif de l’offre de propositions sexuelles prostitutionnelle<br />

Concernant les personnes qui commettent des actes sexuels violents,<br />

énumérer 4 motifs.<br />

Concernant les personnes qui commettent des agressions sexuelles<br />

intra-familliales énumérer 4 motifs.<br />

L’objectif, ici, est de parvenir à un épuisement des motifs, à une impasse de la légitimité.<br />

Evidemment il existe un biais à cette recherche puisque les étudiants étaient majoritairement<br />

de sexe féminin. La grille d’interprétation doit donc être comprise comme résultant d’un<br />

regard essentiellement féminin sur les situations évoquées :<br />

Question 1 :<br />

Manque ( accidentel, partenaire..)<br />

Troubles associées ( difficulté d’ordre sexuelle)<br />

Expérience privilégiée (initiation, interdit …)<br />

Evitement ( anonymat…)<br />

58


Question 2 :<br />

Manque lié à l’argent (absence, pression mafieuse…)<br />

Trouble associé (nosographie, enfance…)<br />

Expérience privilégiée ( plaisir, faire payer…)<br />

Evitement ( anonymat, fuite d’une expérience…)<br />

Question 3 :<br />

Manque et défaut d’accès.<br />

Troubles associés<br />

Expérience privilégiée.<br />

Evitement.<br />

Question 4 :<br />

Manque et défaut d’accès<br />

Troubles associés.<br />

Expérience privilégiée<br />

Evitement.<br />

Dans cette étude pilote, on constate que l’absence de réponse à une question doit être<br />

également prise en compte. En effet, pour donner un sens à un réponse, il faut tenir compte de<br />

la présence ou de la disparition d’un réponse : la disparition montrant l’intérêt de la question,<br />

c’est l’équivalent d’un silence en entretien.<br />

Cette recherche doit encore se poursuivre en incluant dans l’échantillon des individus de sexe<br />

masculin et d’horizons plus variés.<br />

Jeudi 6 octobre <strong>2005</strong><br />

Bloc 4 – Communication libre 39<br />

Modérateur Yves Depauw<br />

Données psychométriques sur un instrument<br />

mesurant la présence de distorsions cognitives (Bumby, 1996)<br />

Véronique Muschang, étudiante en psychologie, Université de Montréal<br />

Joanne Rouleau, professeur, docteur en psychologie, Université de Montréal<br />

Katia Lavallée, psychologue, Cetas (Centre d'Entraide et de Traitement des Agressions<br />

Sexuelles) Canada<br />

La pertinence des variables cognitives dans l'étiologie et la maintenance de l'agression<br />

sexuelle sont considérées depuis longtemps par de nombreux chercheurs (Abel, Becker &<br />

Cunningham-Rathner, 1984; McGrath, Hoke & Vojtisek, 1998; Ward, Hudson, Johnston &<br />

Marshall, 1997). Bien que les chercheurs dans le domaine de l'agression sexuelle ont<br />

concentré leurs efforts dans le développe-ment de mesures psychométriques des distorsions<br />

cognitives (Abel & al., 1984 ; Abel, Gore, Holland, Camp, Becker & Rathner, 1989; Bumby,<br />

1996; Hanson, Gizzarelli & Scott, 1994), la littérature consultée (Abel & al., 1989; Arkowitz<br />

& Vess, 2003; Bumby, 1996; Burt, 1984; Cortoni, Gordon, Mal-corn & Ellerby, 1991;<br />

Finklehor, 1984; Hanson, Gizzarelli & Scott, 1994; Malamuth, 1984; Marolla & Scully, 1986;<br />

McGrath, Cann & Konopasky, 1998; Murphy, 1990; Pollack & Hashmall, 1991; Stermac &<br />

Segal, 1989; Stermac, Segal & Gillis, 1990) met en évidence que peu d'études empiriques ne<br />

portent sur ce sujet, la majorité des recherches publiées concerne des rapports descriptifs,<br />

cliniques et anecdotiques. Bumby (1996) précise que la plus grande difficulté résulte dans la<br />

59


déficience psychométrique des techniques d'évaluation. Or, l'inventaire cognitif de pédophilie<br />

de Bumby possède d'excellentes qualités psychométriques. En effet, la consistance interne est<br />

excellente, le coefficient alpha est de .97. La fiabilité test-retest, quant à elle, pendant une<br />

période de deux semaines est de .84, ce qui indique une stabilité temporelle acceptable.<br />

Cependant, deux recherches (Arkowitz & Vess, 2003; Rouleau, Barsetti, Lavallée & Tétrault,<br />

2003) nous permettent de nous questionner quant à la discrimination que l'inventaire cognitif<br />

d'abuseurs d'enfants de Bumby (1996) offre entre des abuseurs d'enfants et un groupe<br />

contrôle. De plus, l'inventaire de Bumby (1996) est unidimensionnel et ne possède pas de<br />

seuil permettant de déterminer la présence ou l'absence de distorsions cognitives. Ces<br />

questionnements psychométriques n'ont pas été abordés par l'auteur de l'inventaire. Aussi, une<br />

analyse factorielle exploratoire portant sur 200 abuseurs d'enfants ayant répondu au<br />

questionnaire dans une évaluation pré-traitement permettra de nous positionner par rapport à<br />

ces questionnements. Cette analyse permettra de déterminer le nombre de facteurs mesurés<br />

par l'inventa ire.<br />

Notes : Emmanuelle TERRIER<br />

Les études montrent que la présences de distorsions cognitives et , partant, de croyances<br />

irrationnelles, est un facteur stable de récidive chez les auteurs d’agressions sexuelles.<br />

Il existe plus échelles permettant de les mesurer mais celles qui semblent les plus valides et<br />

qui se trouve recommandées par la littérature empirique et la clinique sont celles de Bumby,<br />

parmi lesquelles l’Inventaire cognitif de pédophilie ?<br />

Identifier les cognitions permet de savoir où mettre l’accent dans un travail de restructuration<br />

cognitive.<br />

Il est apparu en effet que les abuseurs d’enfants présentaient plus de distorsions que la<br />

population générale. De même, les AAS n’ayant jamais été incarcérés et qui ont commis un<br />

seul passage à l’acte ont plus de distorsions que les multi-récidivistes. On est donc en droit de<br />

s’interroger sur l’impact de l’incarcération sur ces croyances inadaptées mais aussi sur<br />

l’influence des évaluations répétées et des programmes de prises en charge de ces sujets.<br />

60


Jeudi 6 octobre <strong>2005</strong><br />

Bloc 4 – Communication libre 47<br />

Modérateur : Tony Brien<br />

Le génogramme imaginaire : un nouvel outil thérapeutique<br />

dans l'intervention auprès des victimes d'abus sexuels intrafamiliaux<br />

Sasha Goldzstein, psychologue, doctorante, chercheur, Service de Psychologie Clinique et<br />

Différentielle, Université Libre de Bruxelles<br />

Zoé Rosenfeld, psychologue, assistante, doctorante, thérapeute, Service d'Aide aux<br />

Justiciables de Bruxelles 1- section victimes, Service de Psychologie Clinique et<br />

Différentielle, Université Libre de Bruxelles<br />

Belgique<br />

Le génogramme imaginaire est un outil thérapeutique récent dans le champ de la clinique. Il a<br />

été mis au point par deux thérapeutes français, Dominique Mérigot et Judith 011ié-Dressayre<br />

(2001).<br />

Cet "objet flottant" ( P. Caillé & Y. Rey, Les objets flottants, ESF éditeur, 1994), médiateur<br />

dans la relation thérapeutique, permet, par le biais de l'imaginaire d'approcher la réalité des<br />

modalités d'investissement psychique d'un sujet par rapport à son contexte relationnel,<br />

compris comme un réseau d'affiliations s'enracinant dans une trame de filiation. Cet outil<br />

montre à voir, au sujet ainsi qu'au thérapeute, la réalité de sa '< famille de coeur celle qu'il<br />

s'est construite parmi les gens qui l'entourent.<br />

Cet exposé développera l'apport spécifique du génogramme imaginaire dans le suivi de<br />

victimes d'a-bus sexuels intra-familiaux.<br />

La construction d'une famille imaginaire permettra au sujet de sortir d'une configuration<br />

familiale pathologique qui l'enferme et sur laquelle il n'a aucune prise. Le patient, en même<br />

temps que le thérapeute, pourra constater son réseau d'appartenance, ce tissage de lien sur<br />

lequel il peut compter. L'intérêt sera donc de révéler les forces résilientes présentes - et parfois<br />

ignorées - dans l'entourage, leur disposition, et la façon dont le sujet se situe par rapport à ces<br />

forces. L'expérience clinique montre en effet que, bien que présentes, les ressources sont<br />

parfois mal disposées et ne peu-vent être investies.<br />

Intervenant et patient pourront ensuite se mobiliser autour de cette nouvelle représentation, et<br />

dans un processus de co-construction être amenés à changer une dynamique relationnelle qui<br />

fait souffrance.<br />

Nous illustrerons notre propos par deux vignettes cliniques d'abus sexuels intrafamiliaux :<br />

celle de Fatima, 20 ans, et celle de Marie, 60 ans.<br />

Notes : Coralina INTSOROU<br />

Le génogramme imaginaire est un outil médiateur conçu par deux psychologue français<br />

Dominique Mérigot et Judith Ollié. Cet outil est un objet intermédiaire dans la relation<br />

thérapeutique permettant d’approcher par l’imaginaire le système relationnel du sujet dans un<br />

cadre thérapeutique.<br />

Il a pour objectif de permettre au sujet de réfléchir sur ses potentialités de résilience et de<br />

penser ses liens de filiations et d’affiliation.<br />

Les consignes du génogramme imaginaire se déroulent en plusieurs étapes<br />

61


Première étape:<br />

"Ce jeu comporte deux parties. Dans un premier temps, je vous demanderai de trouver les 10<br />

personnes qui vous semblent les plus importantes aujourd’hui autour du problème qui nous<br />

occupe / …qui vous paraissent les plus importantes pour vous aujourd’hui. Ces personnes<br />

peuvent être des personnes vivantes ou des personnes mortes, des personnes que vous aimez<br />

ou que vous détestez, enfin des personnes de votre famille, ou des amis, ou des professionnels<br />

impliqués dans ce qui nous occupe aujourd’hui. Autrement dit, les 10 personnes qui vous<br />

viennent le plus en tête quand vous vous laissez aller à rêvasser à ce sujet."<br />

Seconde étape :<br />

"Je vous demanderai maintenant de rassembler les 10 personnes que vous avez choisies, sous<br />

la forme d’un génogramme, comme si c’était une même famille (brève explication sur le<br />

génogramme si celle-ci est nécessaire). L’objectif est de situer chacune des 10 personnes à la<br />

place qui lui correspond le mieux, comme vous le ressentez aujourd’hui. Chacun peut se<br />

retrouver à une place qui n’est pas celle qu’il a en réalité. Mais vous devez nécessairement le<br />

placer avec des liens de parenté."<br />

Le travail consiste à faire élaborer le sujet et repérer les ressources et les obstacles rencontrés<br />

par lui à partir du génogramme.<br />

Mérigot Dominique et Ollié Judith, Le génogramme imaginaire, liens du sang et liens du<br />

cœur ESF,2001<br />

62


Jeudi 6 octobre <strong>2005</strong><br />

Bloc 4 – Communication libre 50<br />

Modérateur : Marc Ravart<br />

Le médecin coordonnateur dans la loi du 17 juin 1998 :<br />

intérêts, limites et perpectives de cette fonction à partir<br />

d’un suivi de sujets délinquants sexuels depuis 2002.<br />

Jean-Pierre Joubert, psychiatre, chef de secteur, psychiatrie adulte, Centre hospitalier<br />

Joseph Imbert, France<br />

Résumé :<br />

Le code de la santé publique détaille les dispositions de la loi du 17/06/98 instaurant le suivi<br />

socio-judiciaire et précise notamment la qualité du médecin coordonnateur comme étant<br />

« …psychiatre ou médecin ayant suivi une formation appropriée… ». Les axes de cette<br />

charge sont précisés ainsi que les modalités de relation avec le juge de l’application des<br />

peines, le médecin traitant et le condamné devenu patient.<br />

Les relations psychiatre/juge (et leurs déclinaisons : éthique médicale/ordre public,<br />

soins/peines, obligation de soins /contrôle social…) ont toujours été complexes. De nombreux<br />

psychiatres sont perplexes voire réticents face à cette loi car ils ont du mal à y inscrire leurs<br />

options nosologiques et théoriques ainsi que leur pratique.<br />

La fonction du coordonnateur se fonde sur l’indépendance indispensable du soin et de la<br />

peine. Contrairement aux plus fréquentes critiques et résistances observées, il apparaît être le<br />

garant du respect non seulement du secret professionnel mais également d’une pluralité de<br />

pratiques.<br />

Nous proposons une analyse des effets de l’injonction de soins à propos de sujets délinquants<br />

sexuels condamnés et suivis pendant au moins deux ans. Les conséquences de cette modalité<br />

de prise en charge sont envisagées dans différents registres : accès aux soins, évolution<br />

clinique, garantie des libertés, respect du secret professionnel…<br />

Constat est fait de la nécessité d’une articulation précise des différents intervenants dans le<br />

respect des fonctions des uns et des autres. La structure psychique des sujets délinquants<br />

sexuels ne peut se satisfaire, d’un point de vue thérapeutique, d’une articulation<br />

approximative avec un cadre quel qu’il soit .<br />

Les écueils qui guettent le coordonnateur sont soit d’être réduit à une simple courroie de<br />

transmission soit de se coller au fantasme fréquemment rencontré de «contrôleur»<br />

(superviseur dans le meilleur des cas, inspecteur dans les autres).<br />

Selon nous, il doit se faire l’ambassadeur et la cheville ouvrière de rencontres<br />

interdisciplinaires, lieu d’élaboration de la conflictualité constructive (ayant une fonction<br />

d’écoute, de médiation et de supervision pour l’ensemble des intervenants). Les repères<br />

symboliques constitués par ces instances pourraient éviter l’impasse de «confrontation »<br />

souvent stériles et décevantes juge/délinquant (peut être malade), psychiatre/ patient et juge<br />

/psychiatre …<br />

63


PLAN<br />

Introduction<br />

1 . Entre répression, prévention et soins, la loi du 17 juin 1998 et ses applications :<br />

1.1. Le S.S.J peut comporter des obligations et une injonctions de soins :<br />

1.2. La juridiction peut prononcer un suivi socio-judiciaire… :<br />

…pour les seuls cas de délinquance sexuelle<br />

…en s’appuyant sur une expertise médicale<br />

…mais n’est pas liée par celle-ci<br />

…la juridiction qui prononce un S.S.J. doit décider :<br />

…modifications introduites par la loi du 9 mars 2004<br />

1.3. L’importance du consentement est reconnue et impose l’information faîte par la<br />

juridiction<br />

1.4. Le J.A.P. a un rôle déterminant dans les règles générales d’exécution<br />

1.5. L’implication des soignants et les mesures d’incitation :<br />

…en milieu carcéral<br />

…hors détention<br />

2. Le médecin coordonnateur, pivot de la mise en œuvre de l’injonction de soins :<br />

2.1. La loi prévoit (art. L 355-33 CSP) :<br />

2.2 .Le décret du 18 mai 2000 précise le cadre :<br />

2.3 .Recommandations de la conférence de consensus « psychopathologie et<br />

traitements actuels des auteurs d’agressions sexuelles » :<br />

2.4 Recommandations du groupe de travail mené par le ministère de la Justice et le<br />

ministère de la Santé (mars 2001 avril 2002) :<br />

3. A propos de quelques S.S.J avec injonction se soins :<br />

3.1 Evolution des pratiques judiciaires<br />

3.2 Quelques exemples de SSJ :<br />

4. Considérations générales<br />

4.1 les délits<br />

4.2 les peines<br />

4.3 Constat<br />

- l’acceptation des soins<br />

- le secret médical et les relations avec les médecins traitants.<br />

- Demande de coopération des professionnels de la Justice<br />

5. Intérêt, limites et perpectives de la fonction de médecin coordonnateur<br />

64


Introduction :<br />

L’évolution législative en France en fin de 20 ème siècle traduit bien les préoccupations de<br />

notre société à propos d'un nouvel équilibre à trouver entre répression et libertés, justice et<br />

psychiatrie et donc dans notre travail quotidien, entre la prison et l'hôpital.<br />

Nous avons vu en effet la loi de 1838, réglementant les hospitalisations sous contrainte,<br />

réformée en juin 1990 (dans un sens libertaire), la loi 18 janvier 1994 transférant aux hôpitaux<br />

la prise en charge sanitaire de la population pénale et la loi de juin 1998 sur la répression et<br />

la prévention des infractions sexuelles.<br />

Le droit positif se met depuis quelques années à faire preuve d’une plus grande sévérité : une<br />

loi de janvier 1994 (modifiée en 98), facilite les poursuites à l’encontre des « touristes<br />

sexuels » en étendant la compétence de nos juridictions et créée une peine perpétuelle<br />

incompressible à l’usage d’assassins violeurs d’enfants. Le Nouveau Code de Procédure<br />

Pénale, en vigueur à partir du 1 er mars 1994, a aggravé les peines pour viol et créé de<br />

nouvelles incriminations comme « la pornographie enfantine ». Une loi du 4 février 1995<br />

(modifiée, elle aussi, en 98) pose des règles particulières quant à la prescription de l’action<br />

publique pour tout crime ou délit commis par un ascendant ou une personne ayant autorité sur<br />

la victime.<br />

La loi du 17 juin 1998, a bénéficié des travaux de multiples commissions (3 rapports<br />

parlementaires, 3 commissions ) et de vifs débats opposant souvent magistrat/médecin ; elle<br />

s’est fortement inspirée (en en reprenant l’architecture générale) du premier projet de loi<br />

déposé sous la précédente majorité.<br />

Elle contribue à rapprocher le sanitaire et le judiciaire et elle introduit « le suivi sociojudiciaire<br />

», décrit pour l'essentiel aux articles 131-36-1 à 131-36-8 du Code Pénal (C.P), ces<br />

articles étant complétés par les articles 763-1 à 763-9 du Code de Procédure Pénale (C.P.P.) et<br />

L 355-35 à L 355- 37 du Code de la Santé Publique.<br />

Cette diversité des sources fait apparaître la complexité de la nouvelle institution et sa nature<br />

mixte, judiciaire et médicale à la fois.<br />

Au sein de ce dispositif, est dévolu au médecin coordonnateur, un rôle spécifique entre<br />

l’équipe de soins et le juge de l’application des peines.<br />

1 . Entre répression, prévention et soins, la loi du 17 juin 1998 et ses applications :<br />

Le SSJ comporte, pour le condamné, l’obligation de se soumettre, sous le contrôle du juge de<br />

l’application des peines et pendant une durée déterminée par la juridiction de jugement, à des<br />

mesures de surveillance et d’assistance destinées à prévenir la récidive (art. 131-36-1, alinéa 2<br />

du CP).<br />

Le SSJ peut comprendre une injonctions de soins (art. 131-36-9 du CP).<br />

65


1.1 Le SSJ peut comporter des obligations et une injonctions de soins :<br />

En cela, il rapproche du sursis avec mise à l’épreuve tels que nous le connaissions. Dans le<br />

cadre d’un SME, des experts ayant préconisés un suivi psychiatrique, des consultants se<br />

présentent aux équipes soignantes à l’instigation du comité de probation.<br />

Le condamné à un SSJ devra répondre aux convocations du J.A.P. et pourra se voir imposer<br />

l’exercice d’une activité professionnelle.<br />

Certaines obligations s’ajoutent à celles prévues pour les probationnaires :<br />

(art131-36-2 alinéa 2)<br />

- s’abstenir de paraître en tout lieu spécialement désigné, notamment les lieux<br />

accueillant les mineurs<br />

- s’abstenir de fréquenter certaines personnes et notamment des mineurs<br />

- ne pas exercer d’activité impliquant un contact habituel avec des mineurs<br />

L’injonction de soins est la grande nouveauté du texte. Elle s’apparente en fait aux mesures<br />

« de traitement ou de soins, même sous le régime de l’hospitalisation » d’ores et déjà prévues<br />

par l’article 132-45-3 du CP concernant le sursis probatoire. Elle en diffère en ce qui concerne<br />

la durée : le délai d’épreuve pour le sursis probatoire est compris entre 18 mois et 3 ans alors<br />

que la durée du SSJ ne peut excéder 10 ans en matière de délit et 20 ans en cas de<br />

condamnation pour crime.<br />

Le SSJ est assez proche du sursis avec mise à l’épreuve. Le prononcé cumulatif de la nouvelle<br />

mesure et d’une peine d’emprisonnement assortie, en tout ou partie, d’un S.M.E est interdit<br />

(article 131-36-6 du CP)<br />

Le SSJ n’est pas une peine complémentaire mais principale. S’il est dans sa forme une peine,<br />

il doit être interprété comme une mesure de sûreté : le suivi est appliqué en fonction de la<br />

dangerosité du sujet, il vise à éviter la récidive (…vise à prévenir la récidive…)<br />

Le SSJ est donc, dans la forme, une peine mais, sur le fond, une mesure de sûreté.<br />

1.2. La juridiction peut prononcer un suivi socio-judiciaire… :<br />

La juridiction de jugement peut ordonner un S.S.J dans des cas déterminés et selon une<br />

procédure précise<br />

… les seuls cas de délinquance sexuelle : (en interdisant donc en vertu du principe de<br />

l’interprétation stricte, toute extension d’application)<br />

- meurtre ou assassinat précédé ou accompagné d’un viol de tortures ou d’actes de<br />

barbarie (article 221-9-1 CP)<br />

- Viol et autres agressions sexuelles, y compris les exhibition sexuelles , à l’exception du<br />

harcèlement sexuel (art.222-48-1 du CP).<br />

- Atteintes sexuelles commises sans violences sur des mineurs et délit de corruption de<br />

mineurs, de diffusion d’images de mineurs présentant un caractère pornographique ou de<br />

diffusion de messages pornographiques susceptibles d’être vus par un mineur.(art.227-31<br />

CP).<br />

…en s’appuyant sur une expertise médicale<br />

66


L’article 706-47 du CPP systématise la pratique de l’expertise psychiatrique en la rendant<br />

obligatoire et en l’étendant à toute procédure préalable au jugement : l’expertise peut être<br />

ordonnée par le Parquet dès les premiers temps de l’enquête.<br />

Ceci modifie les pratiques car, pour les affaires ne faisant pas l’objet d’une ouverture<br />

d’information (passages à l’acte mineurs) mais d’une convocation sur procès verbal ou<br />

comparution immédiate il est nécessaire d’avoir recours à un médecin expert pour préciser<br />

l’opportunité d’une injonction de soins dans le cadre d’un SSJ. Cette mission réalisée « en<br />

urgence », en fin de garde à vue pour pouvoir procéder à une comparution immédiate, n’est<br />

pas sans difficultés. Une évaluation précoce est importante : dans de nombreux cas<br />

d’infractions sexuelles graves, il est noté dans les antécédents, des passages à l’acte mineurs<br />

qui auraient pu avoir valeur d’interpellation.<br />

Ces expertises sont réalisées par un expert unique.<br />

Dans les cas particuliers de poursuite pour meurtre ou assassinat d’un mineur précédé ou<br />

accompagné d’un viol, de torture ou d’acte de barbarie, l’expertise est réalisée par deux<br />

experts.<br />

Certains ont noté qu’avec la loi de 98, on passait de l’expertise de responsabilité à l’expertise<br />

de dangerosité et même à une expertise à valeur thérapeutique qui visait à proposer<br />

l’indication de soins.<br />

L’évolution de la pratique expertale est importante pour l’application de cette loi . L’expertise<br />

était un acte isolé qui devient longitudinal puisqu’il faudra à l’expert rencontrer l’auteur<br />

d’infraction sexuelle à plusieurs reprises et apprécier son engagement dans les soins proposés.<br />

…mais n’est pas liée par celle-ci :<br />

En droit du moins, la juridiction n’est pas liée par le rapport d’expertise. On imagine<br />

l’embarras d’une équipe soignante, face à un sujet ne présentant aucune pathologie et pour<br />

lequel un SSJ avec injonction de soins aurait été prononcé alors que l’expert ne le jugeait pas<br />

opportun.<br />

La juridiction qui prononce un S.S.J. doit décider :<br />

si il est ordonné seul (en matière correctionnelle il peut être ordonné comme peine<br />

principale)<br />

elle fixe la durée du suivi ; la durée de l’injonction de soins est calquée celle du SSJ .<br />

elle détermine les autres obligations.<br />

elle fixe le durée de l’emprisonnement encouru par le condamné en cas d’inobservation de<br />

ses obligations y compris celle découlant de l’injonction de soins.<br />

La loi du 9 mars 2004 a modifié la durée de l’emprisonnement encouru en cas de violation<br />

des obligations du SSJ ; au termes de l’ancien article 136-1-1 du CP la durée était au<br />

maximum de 2 ans en matière délictuelle et de 5 ans en matière criminelle. Elle est<br />

aujourd’hui au maximum de 3 ans pour les délits et 7 ans pour les crimes.<br />

Cette même loi a également renforcé les dispositions concernant le SSJ :<br />

- en matière correctionnelle : la durée de la mesure ne peut excéder 10 ans sauf si le tribunal<br />

correctionnel par décision spécialement motivée porte cette durée à 20 ans.<br />

67


- en matière criminelle : la durée du SSJ ne peut excéder 20 ans sauf s’il s’agit d’un crime<br />

puni de 30 ans de réclusion criminelle; dans cette hypothèse la durée du SSJ est de 30 ans.<br />

S’il s’agit d’un crime puni par la R.C. à perpétuité la Cour d’Assises peut décider que le<br />

SSJ s’appliquera sans limitation de durée, sous réserve pour le tribunal de l’application<br />

des peines de mettre fin à la mesure à l’issue d’un délia de 30 ans, après débat<br />

contradictoire.<br />

1.3 L’importance du consentement est reconnue et impose l’information faîte par la<br />

juridiction :<br />

Le Président de la juridiction avertit alors le condamné qu’aucun traitement ne pourra être<br />

entrepris sans son consentement, mais que s’il refuse les soins qui lui sont proposés ,<br />

l’emprisonnement, prononcé en application du 3 ème alinéa de l’article 131-36-1 pourra être<br />

mis à exécution (Article 131-36-4 alinéa 2CP)<br />

1.4 Le J.A.P. a un rôle déterminant dans les règles générales d’exécution :<br />

La personne condamnée à un S.S.J. est placée sous le contrôle du juge de l’application des<br />

peines dans le ressort duquel elle a sa résidence habituelle … (Article 763-1 CPP)<br />

Le condamné est tenu de :<br />

- répondre aux convocations du J.A.P<br />

- recevoir les visites de l’agent de probation<br />

- prévenir de ses changements de résidence ou d’emploi<br />

- Il peut être tenu :<br />

- d’exercer une activité professionnelle,<br />

- d’établir sa résidence en un lieu déterminé,<br />

- de se soumettre à des mesures d’examen médical,<br />

Il doit justifier auprès du JAP de l’accomplissement de ces obligations (article 763-2 CPP).<br />

La preuve de l’exécution de l’obligation de soins incombe au condamné et non au médecin<br />

traitant.<br />

Le consentement est nécessaire et le « devoir de coopération » de la personne condamnée est<br />

fortement encadré.<br />

Pendant l’exécution de la mesure, le J.A.P. peut, après audition du condamné, et avis du<br />

parquet, modifier ou compléter les mesures de contrôle et d’assistance prévues. Ce pouvoir<br />

est indispensable pour assurer l’évaluation longitudinale des soins.<br />

Le J.A.P. peut délivrer un mandat d’amener, un mandat d’arrêt, ordonner la mise à exécution<br />

de l’emprisonnement tel qu’il avait été prononcé par le Tribunal.<br />

Il rend une décision motivée à la suite d’un débat contradictoire qui est susceptible d’appel .<br />

L’exécution de l’emprisonnement ne dispense pas le condamné de l’exécution du suivi.<br />

Le législateur a prévu une possibilité de mansuétude (prévue à l’article 763-6 CPP). Le<br />

condamné doit attendre au moins un an après la condamnation pour formuler sa demande.<br />

Elle sera examinée, après nouvelle expertise médicale, par la juridiction qui a prononcé le<br />

SSJ.<br />

68


1.5 L’implication des soignants et les mesures d’incitation :<br />

En milieu carcéral :<br />

Le législateur a souhaité que les soins médicaux commencent dès la détention et non pas<br />

seulement après la sortie de l'établissement pénitentiaire. Cette incitation et très régulièrement<br />

rappelée :<br />

- le président de la juridiction de jugement informe le condamné qu'il pourra commencer un<br />

traitement pendant l'exécution de la peine d'emprisonnement (art. 131-36-4 CP)<br />

- ultérieurement, le juge de l'application des peines à la même obligation et si le condamné<br />

refuse les soins, il renouvelle l'avertissement tous les six mois (art. 763-7 alinéa 2 CPP).<br />

Afin de faciliter les soins, trois règles sont à signaler :<br />

- le condamné exécute sa peine dans un établissement pénitentiaire prévu article 718 alinéa<br />

2 du CPP qui vise les établissements « permettant d'assurer le suivi médical et<br />

psychologique adapté ». Ce concept a été imaginé par loi du 1 er février 94 concernant les<br />

personnes condamnées pour le meurtre ou assassinat d'un mineur de 15 ans précédés ou<br />

accompagnés d'un viol, de torture ou actes de barbarie...<br />

- la seconde règle est relative à la libération conditionnelle. Après un an de détention, une<br />

réduction supplémentaire de peine peut être accordée au condamné qui manifeste des<br />

efforts sérieux de réadaptation. La loi du 17 juin 98 considère comme ne manifestant pas<br />

de tels efforts, le condamné qui refuse les soins (art 721-1 alinéa 1 du CPP).<br />

- enfin, le J.A.P. peut ordonner pendant la détention, notamment avant la libération, une<br />

expertise ce qui peut laisser espérer au condamné certains assouplissements dans<br />

l'exécution de la peine.<br />

Hors détention :<br />

La loi de 1998 a essayé de régler la question des relations entre magistrats et médecins. Elle a<br />

pour cela institué un médecin coordonnateur .<br />

Les relations triangulaires, JAP/ médecin traitant /médecin coordonnateur, sont traitées dans<br />

un nouveau titre du CSP intitulé « du suivi socio-judiciaire ».<br />

2. Le médecin coordonnateur, pivot de la mise en œuvre de l’injonction de soins :<br />

La fonction du médecin coordonnateur (M.C.) a été élaborée pour maintenir l’indépendance<br />

indispensable du soin et de la peine, dans l’articulation des missions respectives….<br />

2.1 La loi prévoit (art. L 355-33 CSP) :<br />

...la désignation par le J.A.P. d’un M.C. sur une liste de psychiatres ou de médecins<br />

ayant suivi une formation appropriée, établie par le Procureur de la République…<br />

Il a un mandat défini en 4 points :<br />

1. Inviter le condamné, au vu des expertises réalisées au cours de la procédure ainsi que le<br />

cas échéant au cours de l’exécution de la peine privative de liberté, à choisir, un médecin<br />

69


traitant. En cas de désaccord le médecin sera désigné par le juge après l’avis du médecin<br />

coordonnateur<br />

2. Conseiller le médecin traitant, si celui-ci lui en fait la demande.<br />

3. Transmettre au juge ou à l’agent de probation les éléments nécessaires au contrôle de<br />

l’injonction de soins.<br />

4. Informer, en liaison avec le médecin traitant, le condamné parvenu au terme de<br />

l'exécution du SSJ , de la possibilité de poursuivre son traitement en l'absence de tout<br />

contrôle de l'autorité judiciaire et de lui indiquer les modalités et la durée qu’il estime<br />

nécessaire et raisonnables, à raison notamment de l’évolution des soins en cours.<br />

Les différentes pièces du dossier pénal (rapport d’expertises réalisées pendant l’enquête, le<br />

réquisitoire définitif, l’ordonnance de renvoi devant le Tribunal …s’il y a lieu toute autre<br />

pièce… et les expertises ordonnées par le J.A.P. ) sont communiquées, à sa demande, au<br />

médecin traitant, par l’intermédiaire du M. C.<br />

Le médecin traitant délivre des attestations de suivi du traitement à intervalles réguliers, afin<br />

de permettre au condamné de justifier auprès du juge de l’application des peines de<br />

l’accomplissement de son injonction de soins.<br />

2.2 Le décret du 18 mai 2000 précise le cadre :<br />

- la constitution des listes de M.C . :<br />

…établie tous les trois ans par le Procureur, …psychiatre ou médecin ayant<br />

suivi une formation, délivrée par une université ou par un organisme agréé de<br />

formation médicale continue, répondant aux caractéristiques fixées par arrêté<br />

du ministre chargé de la Santé…<br />

- la désignation des M.C. :<br />

…par ordonnance du J.A.P…. mais ne peut être désigné un médecin qui est parent avec le<br />

condamné, son médecin traitant, ou qui a été désigné pour procéder à son expertise au<br />

cours de la procédure…<br />

le M.C. ne peut ni devenir médecin traitant ni être désigné pour procéder à une<br />

expertise du condamné…<br />

- du choix du médecin traitant :<br />

…le M.C. convoque la personne condamnée à un SSJ comprenant une injonction de soins<br />

pour un entretien au cours duquel il lui fait part des modalités d’exécution de cette<br />

injonction et l’invite à choisir un médecin traitant …<br />

…le M.C. ne peut refuser d’avaliser le choix d’un médecin traitant par la<br />

personne condamnée que si ce médecin n’est manifestement pas en mesure de<br />

conduire la prise en charge d’auteurs d’infractions sexuelles…<br />

…le M.C. informe le médecin traitant du cadre juridique dans lequel s’inscrit<br />

l’injonction de soins...et s’assure de son accord (par écrit) …<br />

- du déroulement de l’injonction de soins :<br />

…les relations entre la personne condamnée et le médecin traitant, sous<br />

réserves des disposition du présent titre (titre IX du livre III du CSP)<br />

70


conformément aux dispositions du code de déontologie médicale. Le JAP ne<br />

peut intervenir dans le déroulement des soins décidés par le médecin traitant…<br />

...le médecin traitant peut décider d’interrompre le suivi ..il en informe alors<br />

immédiatement le M.C. par lettre recommandée…<br />

…au cours du SSJ le M.C. convoque périodiquement au moins une fois par an<br />

la personne condamnée afin d’être en mesure de transmettre au juge les<br />

éléments nécessaires au contrôle de l’injonction de soins…<br />

Le nombre maximum de personnes condamnées suivies par un médecin coordonnateur est<br />

fixé, au cours d’une même année à 15 (arrêté du 7 mars 2001).<br />

Le médecin coordonnateur est chargé de contrôler l’effectivité des soins. Outre les<br />

expertises réalisées et les éléments du dossier pénal dont il dispose pour l’exercice de sa<br />

mission, il n’aura d’autres informations cliniques sur la personne que celles qui résultent<br />

de ses propres examens. Il n’est pas en situation de secret partagé avec le médecin traitant.<br />

2.3 Recommandations de la conférence de consensus « psychopathologie et traitements<br />

actuels des auteurs d’agressions sexuelles » (5):<br />

Les textes d’applications devraient préciser davantage les relations du M.C. avec les<br />

travailleurs sociaux du Service Pénitentiaire d’insertion et de probation qui sont impliqués<br />

dans le S.S.J.<br />

2.4 Recommandations du groupe de travail mené par le ministère de la Justice et le<br />

ministère de la Santé sur la prise en charge des AIS soumis à une injonction de soins dans<br />

le cadre d’un SSJ (14) :<br />

R.4. Formation des médecins coordonnateurs<br />

R.20. Explicitation des différentes modalités de soins pénalement obligés qui s’appliquent aux<br />

A.I.S. et suppression éventuelle de l’obligation de soins les concernant. Un groupe thématique<br />

constitué de psychiatres, psychologues, personnels pénitentiaires et magistrats débattra de la<br />

question, qu’il pourra aborder au-delà du champ strict des infractions sexuelles.<br />

Et plus spécifiquement, un chapitre est intitulé :<br />

Clarification du rôle du M.C. :<br />

Selon le groupe de travail son rôle est double : évaluer l’effet des soins et<br />

garantir le secret professionnel. La motivation qui conduit à une modification<br />

du décret du 18 mai 2000 devra être argumentée et engager une saisine du<br />

conseil national de l’ordre des médecins.<br />

R.22. Circulaire définissant plus précisément le rôle du M.C. , au delà de ce qui est défini<br />

dans le décret du 18 mai 2000<br />

R.23.Arrêté fixant les caractéristiques de la formation permettant à des médecins nonpsychiatres<br />

d’être médecins coordonnateurs.<br />

R.24. Modification du décret 200-412 du 18/05/00 relatif à l’injonction de soins concernant<br />

les A.I.S. (art. R 355-40) afin que l’expert qui a été désigné au cours de la procédure<br />

judiciaire puisse exercer à la suite les fonctions de médecin coordonnateur pour la même<br />

personne, permettant une évaluation longitudinale de celle-ci, sous réserve de l’accord de<br />

celle-ci.<br />

71


3. A propos de quelques S.S.J avec injonction de soins :<br />

3.1 L’évolution des pratiques en France<br />

L’évolution des condamnations, peines et mesures prononcées pour les infractions à<br />

caractère sexuel montre (11):<br />

Année 1984 1999 2000 2001 2002 2003<br />

Condamnations 5077 10111 9688 9382 9766 9917<br />

Nb de peine de<br />

Réclusion<br />

Emprisonnement<br />

ferme<br />

Quantum moyen<br />

réclusion (1)<br />

Quantum moyen<br />

Emprisonnement<br />

(1)<br />

Mesure SSJ<br />

à titre principal<br />

Mesures<br />

complémentaires<br />

de SSJ<br />

Soit rapport :<br />

total SSJ<br />

/condamnations<br />

(1) en mois<br />

303 839 558 591 588 602<br />

1728 3733 3592 3397 3501 3588<br />

100 161 160 162 162 160<br />

16.4 31.6 31.1 29.8 29.3 29.6<br />

Au 1 er janvier <strong>2005</strong>, 426 SSJ étaient en cours (15).<br />

53 77 69<br />

360 549 706<br />

413/9382<br />

= 4.4%<br />

3.2 Quelques SSJ avec injonction de soins pour exemples :<br />

. Exemple n°1 :<br />

626/9766<br />

= 6.4%<br />

775/9917<br />

= 7.8%<br />

Né en 1957, marié en 85 (divorce en 98), il est père de 4 enfants nés en 83, 89 et des jumeaux<br />

en 97.<br />

Délit : agression sexuelle sur mineur par ascendant<br />

Faits établis : attouchements et fellation en ébriété et à jeun sur sa fille, née en 89, 8 ans au<br />

temps des faits réitérés à 3 ou 4 reprises entre 97 et 98.<br />

Condamnation par le Tribunal Correctionnel en fév. 2000: 4 ans d’emprisonnement + SSJ<br />

pendant 6 ans (deux ans d’emprisonnement en cas d’inobservation)<br />

Contexte psycho-social :<br />

Aucune formation professionnelle, manutentionnaire en CDI au temps des faits<br />

Parmi les événements familiaux : abus du père sur une sœur alors que l’intéressé avait 9<br />

ans (faits dont il dit avoir été le témoin direct et qui se reproduisent pendant plusieurs<br />

années).<br />

A.E.M.O. au sein de la famille en raison de son intempérance alcoolique à partir de 1992<br />

Grossesse de son épouse et inappétence sexuelle de celle-ci au temps des abus .<br />

Alcoolisme.<br />

Expertise psychiatrique : «… pas de pathologie mentale …personnalité fruste, régression<br />

affective anaclitique… »<br />

72


Première GAV en 97 : faits dénoncés par sa femme non reconnus par l’auteur qui récidive<br />

peu après (la semaine suivante) et reconnaît les faits lors de la seconde GAV.<br />

Incarcération de février 2000 à novembre 2003 (45 mois).<br />

Notification des obligations de SSJ en nov. 2004 : pas de suivi entre novembre 2003 et<br />

novembre 2004.<br />

Suivi par un psychiatre après la première période d’incarcération (3 mois en 1998).<br />

Interruption en raison d’un grave accident de moto en 99 avec hospitalisations et chirurgie<br />

réparatrice contrariant l’accès aux soins pendant la rééducation.<br />

. Exemple n° 2 :<br />

Né en 1980, célibataire, fils unique d’un couple d’employés.<br />

Délit : agression sexuelle sur mineur de 15 ans<br />

Faits : sous l’emprise d’alcool et cannabis, il caresse une nièce de trois ans puis il se<br />

masturbe devant elle, ceci à deux ou trois reprises.<br />

Condamnation par le Tribunal Correctionnel en mars 2002 : SSJ (peine principale ) avec<br />

injonction de soins pendant 3 ans, et peine encourue de un an d’emprisonnement en cas<br />

d’inobservation des obligations imposées.<br />

Notification des obligations de SSJ en juin 2002 : (fin en juin <strong>2005</strong>)<br />

Contexte psycho-social<br />

Il révèle les faits dans un contexte d’accident psychotique aigu : hospitalisation sous<br />

contrainte immédiatement consécutive aux auto-accusations<br />

Consommateur habituel de divers dysleptiques (amphétamines, ecstasy, cannabis….)<br />

Notification des obligations de SSJ en juin 2002 : (fin en juin <strong>2005</strong>)<br />

Exemple n°3 :<br />

Né en 1956, marié en 84 (divorce en 2003), 3 filles nées en 88 (jumelles) et 93.<br />

Délit : tentative d’atteinte sexuelle par majeur sur mineur de 15 ans - exhibition sexuelle<br />

Faits reconnus : « jeux » de masturbation sous le regard d’adolescent.<br />

Condamnation en correctionnel en juin 2002: 10 mois ferme + 3 ans de SSJ un an<br />

d’emprisonnement en cas d’inobservation<br />

Notification des obligations de SSJ en octobre 2002 : 1 er entretien en nov. 2002<br />

Fin du SSJ 5/07/05<br />

Contexte psycho-social :<br />

73


4 ème enfant d’une fratrie de 11, faibles facultés intellectuelles, situation de carence<br />

affective et éducative (placement en institution de 8 ans à 14 ans ).<br />

Condamnation pour des faits d’attentat à la pudeur en 96 à 10 mois d’emprisonnement et<br />

10 mois avec sursis plus 3 ans de mise à l’épreuve avec 3 ans d’obligation de soins. Fin de<br />

cette première incarcération en septembre 97. Réitération des faits avec scénario similaire<br />

en août 99 et 2000 : masturbations en compagnie de jeunes garçons, adolescents.<br />

Aucune formation professionnelle, emploi en CDI en 97 au temps de la première<br />

incarcération puis emploi en intérim<br />

Pas de prise de toxique<br />

Expertise : « ..absence de pathologie mentale… »<br />

. Exemple n°4 :<br />

Né en 1948 au Maroc, marié, père de 6 enfants (5 filles et un fils )<br />

Délit : agression sexuelle sur mineur de 15 ans par ascendant ou personne ayant autorité<br />

Faits : attouchements sur une de ses filles pendant plusieurs années (de l’âge de 4 à 8 ans)<br />

Incarcération un mois après la révélation des faits.<br />

Condamnation par le Tribunal Correctionnel en novembre 2002 : 18 mois d’emprisonnement<br />

avec sursis + SSJ pendant 5 ans ( un an d’emprisonnement en cas d’inobservation)<br />

Notification des obligations de SSJ en nov. 2003.<br />

Réception du dossier et premier entretien le 16/12/03<br />

Suivi régulier par un psychiatre avec traitement antipsychotique.<br />

Fin du SSJ 26/11/07.<br />

Contexte psycho-social :<br />

- Né au Maroc, d’un père polygame, élevé par les trois femmes du père sous le même toit .<br />

6 ème enfant d’une fratrie de 12 .<br />

- Chauffeur routier, installé en France depuis l’âge de 24 ans .<br />

- Expertise psychiatrique : « …tendance à la manipulation ainsi qu’à la sursimulation,<br />

...traits d’organisation de type pervers (au sens psychologique du terme) dans le sens là<br />

encore d’une tendance à la maîtrise , à la manipulation, à l’utilisation d’autrui, il paraît<br />

effectivement présenter de manière sous jacente des troubles de la personnalité évoquant<br />

non pas réellement une psychose caractérisée mais probablement une névrose hystérique<br />

grave, connotée par ailleurs d’éléments culturels avec également la notion d’un<br />

dysfonctionnement familial évoluant depuis quelques années… »<br />

. Exemple n°5 :<br />

Né en 1960, Marié, divorce pendant l’incarcération, père de trois enfants, dont la victime née<br />

en 1990 (2 ème dans la fratrie).<br />

Condamnation par le Tribunal Correctionnel de T. en août 1999 à 5 ans d’emprisonnement<br />

et SSJ pendant 3 ans ( emprisonnement encouru en cas d’inobservation à un an maximum.)<br />

Délit : Atteinte sexuelle sur mineure de 15 ans (Victime sa fille âgée de 8 ans au temps des<br />

faits).<br />

(…le 8 novembre 1998, a exercé sans violence, ni contrainte, ni surprise, une atteinte<br />

sexuelle en l’espèce en procédant à des attouchements sur Céline, mineure de 15 ans pour<br />

être née le 23 avril 1990, avec cette circonstances que les faits ont été commis par ascendant<br />

légitime en l’espèce le père de la victime..).<br />

74


Faits reconnus : il dit avoir sollicité et obtenu une fellation puis avoir tenté une pénétration<br />

vaginale (constat médico-légal d’une lésion vulvaire chez l’enfant)<br />

Mandat de dépôt : 12/11/98. Libération : 12/07/02 (41 mois)<br />

Notification des obligations du suivi socio-judiciaire le 15 juillet 2002<br />

Réception du dossier de SSJ en septembre 2003.<br />

Contexte psycho-social :<br />

- 9 ème enfant d’une fratrie de 10, père alcoolique, mère diabétique tous deux décédés<br />

courant 1995.<br />

- Aucun diplôme (très faibles acquis ; lecture à peine maîtrisée) ni formation<br />

professionnelle<br />

- Licenciement économique subi en 1997 après avoir été 15 ans employé comme ouvrier<br />

soudeur dans une usine . Chômage au temps des faits<br />

- Alcoolisme .<br />

- Pas d’antécédent psychiatrique<br />

- Expertise psychiatrique : « …faibles capacités intellectuelles...alcoolisme …absence de<br />

pathologie psychiatrique…»<br />

De juillet 2002 à septembre 2003, malgré l’information expressément contenue dans le<br />

procès verbal de notification, l’intéressé n’a pas pris contact avec le médecin coordonnateur.<br />

Il a cependant pris des rendez vous, dès le 22 août 2002 auprès d’un psychiatre dans un<br />

Centre Médico-Psychologique qu’il va ensuite rencontrer avec régularité, y compris lors du<br />

changement de lieu de consultation du thérapeute.<br />

SSJ fin en juillet <strong>2005</strong>.<br />

. Exemple n° 6 :<br />

Condamnation par jugement du Tribunal Correctionnel en date du 7 mars 2000 à 2 mois<br />

d’emprisonnement et SSJ pendant 60 mois et emprisonnement encouru en cas<br />

d’inobservation à 6 mois maximum.<br />

Délit : exhibition sexuelle (les faits se sont déroulés en février 2000).<br />

Notification par J.A.P. le 15/01/02 .<br />

Contexte psycho-social :<br />

- Condamnation par le Tribunal correctionnel à un an d’emprisonnement pour le même<br />

type de délit. Incarcération en cours (fin de détention en août 2003 ).<br />

- Bulletin n° 1 : plusieurs condamnations pour des faits d’exhibition à partir de 1997 par<br />

trois tribunaux de la région.<br />

- Rapports d’expertises psychiatriques :<br />

75


20/11/00 :« …L’examen de M…met en évidence une tendance exhibitionniste<br />

constante , répétitive. Il développe un plaisir à ce que les femmes le regarde s’exhiber,<br />

se masturber sur la voie publique. Il s’agit d’une tendance sexuelle de type<br />

pervers… »<br />

26/10/01 : « …il continue à érotiser sensiblement le regard féminin dans des<br />

conduites paraphiliques, de type exhibitionniste qui ont manifestement résisté à<br />

diverses tentatives de prise en charge thérapeutique, bien qu’il puisse louer les<br />

traitement qui lui sont appliqué (hypnose)...Il conviendra dès lors d’intensifier, de<br />

radicaliser les soins en particulier sous la forme d’une injonction thérapeutique dans<br />

le cadre d’une peine de SSJ tout en relevant à cet égard quelques paramètres<br />

préoccupants (inefficacité des tentatives antérieures, absence de réelle culpabilité,<br />

faible résonance émotionnelle des événements présentés comme précocement<br />

déstabilisateurs) …<br />

…il présente une personnalité mal structurée (instabilité), avec une nette dimension<br />

narcissique et un besoin d’affirmation de virilité… il pourrait faire l’objet d’une<br />

radicalisation de sa prise en charge dans le cadre d’un SSJ bien qu’il convienne<br />

d’émettre quelques réserves quant au pronostic relatif à sa réadaptabilité…»<br />

19/02/00 : « ….la conduite reprochée est donc un exhibitionnisme caractérisé c’est à<br />

dire un comportement classé parmi les paraphilies, marqué par la présence<br />

d’impulsions sexuelles et fantaisies sexuelles imaginatives sexuellement excitantes<br />

survenant de façon répétée et intense et consistant à exposer ses organes génitaux<br />

devant un personne étrangère et prise au dépourvu par ce comportement…Dans le cas<br />

présent on ne met pas en évidence de lutte anxieuse précèdent l’acte…aucun sentiment<br />

de culpabilité…En ce sens le sujet nous est apparu comme ayant un pôle pervers au<br />

niveau de sa personnalité ce qui est un élément de mauvais pronostic… ».<br />

M. est absent aux trois premières convocations adressées de novembre à janvier 2004 .<br />

A la demande du JAP, ultime convocation adressée en février 2004 ; lors de cette rencontre,<br />

il nous apprend qu’il n’a toujours pas rencontré de thérapeute. Il dit avoir cependant pris un<br />

rendez vous avec un psychiatre, auquel j’adresse un courrier pour demander la confirmation<br />

par écrit . Absence de réponse du médecin désigné par l’intéressé.<br />

Courrier adressé au JAP en juin 2004 pour l’informer de l’absence de prise en charge et du<br />

non respect des obligations de SSJ.<br />

Rapport d’expertise établi en août 2004, à la demande du Tribunal Correctionnel où il est<br />

cité pour des faits d’exhibition durant le 1 er trimestre 2004.<br />

« …M.Y présente des manifestations d’exhibition sexuelle qui sont présentes depuis 14<br />

ans. Il est tout à fait coopérant et participatif reconnaissant les faits et souhaitant<br />

maîtriser dans l’avenir ce type de comportement.<br />

76


Par ailleurs nous n’avons pas relevé de processus en inhibition ou en hystérisation ni<br />

d’organisation de la personnalité sur un mode pervers.<br />

Dans ces conditions nous sommes favorables à des soins dans le mesure où l’intéressé<br />

présente donc des troubles psychiques susceptibles d’influencer son comportement.<br />

Un SSJ doit être signifié avec une fréquence de prise en charge que nous fixons à une fois<br />

par semaine si possible avec un apport de thérapie comportementaliste. L’intéressé<br />

apparaît dès à présent participatif pour une augmentation de sa prise en charge … ».<br />

Entretien le 21 septembre 2004 : M.Y nous informe que des procédures sont en cours pour<br />

des récidives de conduites déviantes du même type.<br />

Courrier du Dr W., le 1 er octobre 2004, attestant d’un suivi concernant une problématique<br />

d’exhibition sexuelle (il a rencontré ce médecin deux fois en 6 mois)<br />

Ordonnance de dessaisissement le 30/11/04 du JAP motivée par le changement de domicile<br />

de l’intéressé qui a déclaré son logement habituel depuis ces dernières années dans une autre<br />

ville du département.<br />

Convoqué en février <strong>2005</strong>, M.Y nous informe au téléphone qu’il a été convoqué par un<br />

médecin coordonateur à Marseille, qu’il n’a d’ailleurs pas pu rencontrer en raison de son<br />

désistement.<br />

Nous apprendrons peu après qu’il vient de récidiver et est incarcéré à nouveau pour des faits<br />

du même type.<br />

4. Considérations générales sur ces SSJ avec injonctions de soins :<br />

4.1 Les délits :<br />

Il s’agit, étant donné la proximité de la promulgation de la loi et de son application,<br />

uniquement de condamnations pour des délits qui sont :<br />

- agression sexuelle sur mineur par ascendant (pères incestueux)<br />

- agression sexuelle sur mineur de 15 ans<br />

- atteinte sexuelle sur mineur de15 ans<br />

- tentative d’atteinte sexuelle<br />

- exhibition sexuelle<br />

4.2 Les peines prononcées vont de quelques mois à quelques années :<br />

- 4 ans + SSJ 6 ans dont 2 ans d’emprisonnement encouru si inobservation du SSJ<br />

- 5 ans + SSJ 3 ans dont 1 ans d’emprisonnement encouru si inobservation du SSJ<br />

- 10 mois + SSJ 3 ans dont 1 d’emprisonnement encouru si inobservation du SSJ<br />

- 18 mois + SSJ 5 ans dont 1 d’emprisonnement encouru si inobservation du SSJ<br />

- 2 mois + SSJ 5 ans dont 6 mois d’emprisonnement encouru si inobservation du SSJ<br />

77


Le SSJ a été prononcé à titre principal une fois (3 ans et un an encouru en cas<br />

d’inobservation) dans le seul cas où l’intéressé présentait un trouble psychiatrique avéré.<br />

4.3 Le constat :<br />

L’acceptation des soins :<br />

Dans les situations de sursis avec mise à l’épreuve et obligations de soins, l’abord<br />

thérapeutique est trop fréquemment contrarié par l’absence d’évaluation des troubles et<br />

des demandes. Le biais fondamental est formulé par le très classique « …je viens parce<br />

que le juge m’a dit de me soigner … ».<br />

Pour l’injonction de soins telle qu’elle est prévue dans le cadre d’un SSJ, le législateur a<br />

expressément insisté sur le consentement. Bien sûr, il ne s’agit pas d’être dupe des<br />

circonstances de l’acceptation.<br />

Mis à part dans un seul cas, nous avons constater un engagement authentique des A.I.S<br />

dans une prise en charge, engagement comparable à ce que nous pouvons observer<br />

habituellement en consultation de CMP fréquenté par des pathologies variées.<br />

Les évaluations de l’existence d’une demande de soins et d’un engagement potentiel dans<br />

une prise en charge ont été faîtes au temps de l’expertise d’une façon très satisfaisante .<br />

Cependant aucun des sujets rencontrés n’a entendu d’informations éclairées sur la<br />

possibilité d’accepter ou refuser des soins, au moment de la condamnation.<br />

(…Le Président de la juridiction avertit alors le condamné qu’aucun traitement ne pourra<br />

être entrepris sans son consentement...).<br />

Dans le seul cas de S.S.J. prononcé à titre de peine principal, l’injonction de soins a constitué<br />

un cadre permettant une orientation et l’accès au soins d’un sujet en errance. Le dispositif est<br />

venu suppléer l’instabilité de la personnalité mais également les difficultés d’accès aux soins<br />

rencontrés dans les secteurs de psychiatrie.<br />

Le secret médical et les relations avec les médecins traitants :<br />

Nous n’avons eu, au cours de ces SSJ, aucun contact direct et à notre initiative, avec les<br />

médecins traitants afin de ne pas renforcer le fantasme de « médecin inspecteur » très<br />

présent au sein de la profession.<br />

- Dans un courrier fait systématiquement au médecin désigné par le condamné, je<br />

précise le cadre de l’injonction de soins et les éventualités de transmission d’expertises<br />

ou autre pièces du dossier. J’insiste auprès des médecins pour obtenir un écrit<br />

précisant leur acceptation d’être « médecin traitant ». Dans plus d’un cas sur deux le<br />

délai de réponse témoignait d’une nette réticence pour établir cette simple attestation .<br />

Aucun médecin traitant n’a fait de demande de transmissions .<br />

La demande de coopération des professionnels de la Justice :<br />

Le contraste est frappant entre le silence des collègues et l’intensité et la multiplicité des<br />

demandes des agents de probation ainsi que les juges de l’application des peines.<br />

78


5. Intérêt, limites et perspectives de la fonction de médecin coordonnateur :<br />

. Le premier point et premier intérêt de cette fonction est « l’invitation aux soins ».<br />

L’absence de respect voire de rigueur du cadre juridique, laisse le condamné en proie à sa<br />

problématique de dénégation/banalisation …Les retards (oublis ?) dans la transmission des<br />

dossiers sont à l’origine d’une fragilisation des demandes de soins.<br />

Le médecin coordonnateur, dans un temps situé entre le judiciaire et le soins, ne peut se<br />

contenter d’un simple rappel des fonctions des intervenants et de la procédure en cours. Les<br />

malentendus, pour de multiples raisons qui ne sont pas uniquement liées aux A.I.S. sont<br />

constants. La structure psychique des sujets délinquants sexuels ne peut se satisfaire, d’un<br />

point de vue thérapeutique, d’une articulation approximative avec un cadre quel qu’il soit .<br />

Cette explication du cadre doit être précise et répétée ce qui doit ouvrir des possibilités, pour<br />

le condamné, d’en discuter les modalités. La soumission/passivité constatée dans notre série<br />

de SSJ nous conduit à mettre en question la dimension du consentement au soins. Le sujet ,<br />

dans le dispositif actuel peut –il exprimer son refus des soins autrement qu’en passant à l’acte<br />

ou en disparaissant ?<br />

. Mis à part dans les situations extrêmes, le choix du médecin traitant est très difficilement<br />

contestable. D’autant plus que la légitimité du M.C. (en terme de compétence en matière de<br />

soins au AIS) est loin d’être établie. En l’absence de formation spécifique et de<br />

« reconnaissance » de cette fonction , le dispositif risque d’être considérablement affaibli.<br />

. Afin de ne pas être réduit à une simple courroie de transmission nous devons être<br />

l’ambassadeur et la cheville ouvrière de rencontres interdisciplinaires. L’existence de lieux<br />

d’élaboration ayant une fonction d’écoute, de médiation et de supervision pour l’ensemble<br />

des intervenants nous paraît déterminante dans la trajectoire des AIS. Les repères<br />

symboliques constitués par ces instances pourraient éviter l’impasse de confrontations<br />

souvent stériles et décevantes juge/délinquant (peut être malade), psychiatre/patient et<br />

juge/psychiatre, conduisant parfois aux passages à l’acte (3).<br />

. Nous ne pouvons que confirmer les recommandations ci-dessus évoquées (paragraphes 2.3<br />

et 2.4) :<br />

- les textes d’applications devraient préciser davantage les relations du M.C. avec<br />

les travailleurs sociaux du Service Pénitentiaire d’insertion et de probation qui<br />

sont impliqués dans le S.S.J.<br />

- Circulaire définissant plus précisément le rôle du M.C., au delà de ce qui est défini<br />

dans le décret du 18 mai 2000<br />

. Le plan de santé mentale récemment élaboré (fin 2004) aborde ces questions dans un<br />

chapitre spécifiquement consacré au auteurs d’agressions sexuelles . Il définit des objectifs :<br />

Assurer une bonne application de la loi du 17 juin 1998 et garantir l’exécution de<br />

l’injonction de soins prononcé par le juge :<br />

Faciliter les prises en charge et l’accès aux soins par une offre adaptée.<br />

Augmenter le nombre et améliorer les compétences des médecins coordonnateurs.<br />

Spécifier la prise en charge des mineurs auteurs d’infractions sexuelles.<br />

79


Poursuivre la politique d’amélioration des connaissances et des pratiques d’un plus grand<br />

nombre de professionnels de psychiatrie.<br />

Améliorer l’expertise pénale .<br />

Clarifier l’articulation des différentes prises en charge (sanitaire, judiciaire, sociale,<br />

éducative), les formaliser à travers l’élaboration de référentiels de pratiques et les<br />

diffuser.<br />

Il est également prévu le « déploiement de 5 centres ressources interrégionaux » ayant une<br />

fonction de référence et de conseil, avec pour objectifs d’améliorer et diffuser les<br />

connaissances et compétences auprès de l’ensemble des professionnels de psychiatrie, de<br />

susciter des vocations d’experts et de médecins coordonnateurs à travers des actions de<br />

recherche, de formation et la mise en place de réseaux et de partenariats aux niveaux local et<br />

national .<br />

Pour une meilleure articulation avec la justice, la mise en œuvre du plan de santé mentale<br />

devrait permettre :<br />

Augmentation du nombre de médecins coordonnateurs par différentes actions :<br />

- création à court terme des premiers centres ressources,<br />

- incitation à la création de diplômes universitaires,<br />

- élaboration d’instructions à l’attention des services déconcentrés du ministère de la santé<br />

sur la rémunération des médecins coordonnateurs, en lien avec le ministère de la justice,<br />

- modification du décret du 18 mai 2000 afin de permettre à l’expert psychiatre initial<br />

d’être médecin coordonnateur ultérieurement pour une même personne,<br />

- expertise de la modification de l’arrêté du 7 mars 2001 pour permettre à un médecin<br />

coordonnateur de suivre plus de 15 auteurs d’agressions sexuelles sous injonction de soins<br />

en même temps, le nouveau chiffre devant être fixé en concertation avec les représentants<br />

des psychiatres.<br />

Finalisation du programme de travail mené par les ministères de la santé et de la<br />

justice sur 3 thématiques spécifiques : la formation des différents professionnels à la<br />

prise en charge d’un public commun, l’expertise, les mineurs auteurs d’infractions<br />

sexuelles.<br />

. Enfin , dans le cadre d’un travail plus général sur la prévention de la récidive, le rapport<br />

BURGELIN (15) recommande qu’il soit permis à des psychologues titulaires d’un diplôme<br />

universitaire de 3 ème cycle en psychologie clinique (DESS) d’assurer le suivi du condamné et<br />

que le médecin coordonnateur puisse intervenir à un niveau régional et non départemental. Le<br />

rapport de cette commission précise qu’en cas de pénurie, le manque d’effectifs doit conduire<br />

à dépasser pour chaque coordonnateur, le seuil de 15. En outre, si le caractère novateur du<br />

SSJ a pu inciter le législateur à limiter prudemment son application aux infractions à caractère<br />

essentiellement sexuel, la commission considère qu’il pourrait aujourd’hui être utilement<br />

étendu, d’une part en matière d’injonction de soins, à toutes personnes souffrant de troubles<br />

mentaux, en lien avec l’infraction commise et, d’autre part, pour les autres mesures de<br />

surveillance et d’assistance, à tous les auteurs présentant un état de dangerosité<br />

criminologique. Ainsi, ces deux nouvelles catégories de condamnés pourraient bénéficier, à<br />

l’issue de leur emprisonnement, de l’ensemble des mesures prévues par cette peine.<br />

80


Bibliographie :<br />

1. Pradel J., Senon J-L. : De la prévention et de la répression des infractions sexuelles,<br />

commentaires de la loi n°98-468 du 17 juin 1998, Revue Pénitentiaire et de Droit Pénal,<br />

3-4, 1998, 208-243.<br />

2. Dubret G.: Obligation et continuité de soins pour les auteurs d’infractions sexuelles ;,<br />

L’information psychiatrique, n°5, mai 2001, 476-482.<br />

3. Gravier B.: le psychiatre, le juge et la peine, Annales Médico-Psychologiques, 2004<br />

Textes législatifs et réglementaires :<br />

4. Loi 98-468 du 17 juin 1998 relative à la prévention et à la répression des infractions<br />

sexuelles ainsi qu’à la protection des mineurs<br />

5. Décret n° 2000-412 du 18 mai 2000 pris pour l’application du titre IX du livre III du code<br />

de la santé publique et relatif à l’injonction de soins concernant les auteurs d’infractions<br />

sexuelles et modifiant le code de santé publique .<br />

6. Arrêté du 7 mars 2001 pris pour l’application de l’article R.355-43 du code de la santé<br />

publique relatif à l’indemnité versée aux médecins coordonateurs.<br />

7. Arrêté du 7 mars 2001 pris pour l’application de l’article R.355-43 du code de la santé<br />

publique relatif au nombre maximum de personnes condamnées suivies par un même<br />

médecin coordonnateur.<br />

Rapports et documents officiels :<br />

8. Rapports des commissions d’études présidées par le Pr M.E CARTIER (1994), le Dr<br />

C.BALIER (1995) et le Pr Th LEMPERIERE (1996).<br />

9. Rapport F. BREDIN au nom de la commission des lois de l’assemblée nationale , 23<br />

septembre 1997, n° 228<br />

10. Rapports JOLIBOIS : Commission sénatoriale des lois n° 49, octobre 97.<br />

Commission sénatoriale des lois n° 265, février 1998.<br />

11. Tableaux récapitulatifs relatifs aux contentieux des infraction sexuelles publiés par la<br />

DACG (direction des affaires criminelles et des grâces ) Ministère de la Justice. Février<br />

<strong>2005</strong>.<br />

12. Mémento de l’application des peines : Le suivi socio-judiciaire. Mise à jour (mars <strong>2005</strong>).<br />

Publication Ecole nationale de la magistrature.<br />

13. 5 ème<br />

conférence de consensus de la Fédération Française de Psychiatrie :<br />

« Psychopathologie et traitements actuels des auteurs d’agression sexuelle » 32 p ;<br />

psydoc-fr.broca.inserm.fr<br />

14. Recommandations du groupe de travail mené par le Ministère de la Justice et le Ministère<br />

de la Santé sur « la prise en charge des auteurs d’infractions sexuelles soumis à une<br />

injonction de soins dans le cadre d’une mesure de suivi socio-judiciaire ». Mars 2001-<br />

Avril 2002. 35 p. (site du ministère ).<br />

15. Rapport de la commission Santé, Justice: « Santé , justice et dangerosités : pour une<br />

meilleure prévention de la récidive » présidée par J-F BURGELIN juillet <strong>2005</strong>.<br />

81


Jeudi 6 octobre <strong>2005</strong><br />

Bloc 5 – Communication libre 60<br />

Modératrice : Julie Carpentier<br />

Protocole d'évaluation des Auteurs d'Agression Sexuelle<br />

et indication de thérapie<br />

Emmanuelle TERRIER<br />

Psychologue clinicienne<br />

Bernard SAVIN<br />

Psychologue clinicien, Docteur en Psychologie<br />

Fédération des Soins aux Détenus<br />

Centre Hospitalier Interdépartemental, Clermont de l'Oise (France)<br />

Résumé<br />

Au sein de la Fédération des soins aux Détenus de l'Oise (France), lorsque un détenu auteur<br />

d'agression sexuelle formule une demande de suivi lors de l'entretien infirmier qui suit son<br />

arrivée à l'établissement pénitentiaire, il est rapidement orienté vers un des intervenants de<br />

l'équipe en vue d'une évaluation.<br />

Ce protocole d'évaluation comprend quatre étapes distinctes.<br />

1. Le premier entretien a pour but de reconstruire le parcours personnel du patient ainsi que<br />

d'évaluer l'authenticité de sa demande de suivi psychologique. Ceci, grâce à l'échelle URICA<br />

qui permet de situer à quel stade de changement se situe le sujet par rapport au problème qu'il<br />

expose comme étant à l'origine de sa demande de soin.<br />

2. Le second entretien est consacré à la passation de l'entretien diagnostic SIDP IV qui<br />

repose sur l'exploration des critères du DSMIV pour les troubles de la personnalité.<br />

3. Au cours du troisième entretien s'effectue la passation du Rorschach système intégré.<br />

4. La passation du Q.I.C.P.A.S.S. (Questionnaire d'Investigation Clinique pour les Auteurs<br />

d'Agressions sexuelles ,© Balier Cl., Ciavaldini A., Girard-Khayat M., 1997) constitue la<br />

quatrième étape de ce dispositif d'évaluation. La passation de ce questionnaire peut prendre<br />

plusieurs entretiens.<br />

Une fois l'évaluation terminée, le cas du patient est présenté au cours d'une réunion d'équipe<br />

où il est discuté de la meilleure orientation thérapeutique envisageable : thérapie individuelle<br />

d'orientation psychanalytique, thérapie de groupe (groupe de parole d'orientation<br />

psychanalytique, groupe d'entraînement aux habiletés sociales cognitivo-comportementale),<br />

thérapie individuelle cognitivo-comportementale, relaxation et travail corporel.<br />

Le patient sera revu une dernière fois par l'évaluateur et un membre de l'équipe thérapeutique<br />

pour lui restituer les résultats de l'évaluation ainsi que la proposition de prise en charge.<br />

82


Depuis janvier 1999 tous les entrants au Centre de Détention sont systématiquement<br />

vus en entretiens infirmiers dans un premier temps puis par le psychiatre ou les<br />

psychologues dans un second temps s'il y a indication de suivi psychiatrique ou<br />

psychologique.<br />

Les entretiens infirmiers s'organisent à partir d'un questionnaire permettant d'évaluer le<br />

désir d'engagement du patient dans un processus psychothérapique et d'esquisser un<br />

profil de personnalité. Lorsque un détenu formule une demande de suivi lors de l’entretien<br />

infirmier, il est rapidement orienté vers un des intervenants de l’équipe en vue de son<br />

évaluation.<br />

Ce protocole comprend trois étapes distinctes. Le premier entretien a pour but de<br />

reconstruire le parcours personnel du patient ainsi que d’évaluer l’authenticité de sa<br />

demande de suivi psychologique. Ceci, grâce à l’échelle « University of Rhode Island<br />

Change Assessment scale» qui permet de situer à quel stade de changement se situe le sujet<br />

par rapport au problème qu’il expose comme étant à l’origine de sa demande de soin.<br />

Ces entretiens sont suivis de la passation du Rorschach système intégré.<br />

Les entretiens suivants sont consacrés à la passation du Questionnaire d’Investigation<br />

Clinique Pour les Auteurs d’Agressions Sexuelles ( QICPAAS © ).<br />

Une fois l’évaluation terminée, le cas du patient est présentée au cours d’une réunion du<br />

Pôle de Soins aux Auteurs d'Agressions Sexuels (PSAAS) où il est discuté de la meilleure<br />

orientation thérapeutique envisageable.<br />

Le patient sera revu une dernière fois par l’évaluateur pour lui restituer les résultats de<br />

l’évaluation ainsi que la proposition de prise en charge.<br />

1- L’ÉCHELLE URICA- UNIVERSITY OF RHODE ISLAND ASSESSMENT SCALE.<br />

URICA est une échelle de mesure auto administrée qui contient 4 sous échelles<br />

correspondant aux 4 stades du processus de changement: pré contemplation, contemplation,<br />

action et maintien.<br />

Les réponses sont données sur une échelle allant de (1) totalement en désaccord à (5)<br />

totalement d’accord. Les scores obtenus aux sous échelles seront ensuite combinés<br />

arithmétiquement pour obtenir un score définitif qui permettra d’apprécier où se situe le<br />

patient, lorsqu’il débute sa prise en charge, dans le processus de changement par rapport au<br />

problème cible qui aura été préalablement désigné avec le thérapeute<br />

Habituellement utilisée dans le cadre de prise en charge de sevrage alcoolique, ou avec des<br />

toxicomanes, nous avons décidés détendre l’application de cette échelle en la proposant<br />

systématiquement aux patients demandeurs de prise en charge. En leur demandant de définir<br />

un problème cible nous espérons les amener à formuler le plus clairement et authentiquement<br />

possible ce qu’ils attendent de leur futur suivi thérapeutique.<br />

Cette échelle fait référence au modèle des stades de changement. Celui-ci décrit<br />

comment les individus parviennent à modifier un comportement/problème ou à acquérir un<br />

comportement positif. Le changement est un phénomène qui se produit dans la durée, le<br />

modèle transthéorique le présente comme un processus impliquant une progression à travers<br />

une série de 4 stades principaux :<br />

83


Pré contemplation: est un stade où les individus n’envisagent pas de changement dans un<br />

future proche. Bien souvent les sujets n’ont pas conscience des conséquences de leurs<br />

comportements ou bien il s’agit de patients ayant tenté à plusieurs reprises d’entreprendre un<br />

travail sans succès ce qui les a conduit a sous estimer leur capacité à progresser. (Ce type de<br />

patient est souvent décrit dans les autres théories comme résistants ou sans motivation. )<br />

Contemplation: À ce stade les patients ont l’intention de changer. Ils sont conscients des<br />

avantages d’une modification de leur comportement mais également des conséquences d’un<br />

véritable changement. La mise en balance des bénéfices et des conséquences liés au<br />

changement peut produire chez eux un état d’ambivalence susceptible de les maintenir à ce<br />

stade pendant une longue période. Ce phénomène est définit comme « contemplation<br />

chronique » ou « procrastination comportementale ».<br />

Action : Après une phase de préparation, ce stade est celui au cours duquel les sujets ont déjà<br />

mis en place des modifications significatives. La mise en œuvre des projets de changement est<br />

observable. Cependant l’Action constitue seulement une étape du processus et les<br />

modifications réalisées ne sont pas forcément efficaces ou adaptées au problème initial. De<br />

plus, ce stade est celui où la vigilance par rapport au risque de rechute doit est accru. On<br />

nomme ici rechute la régression d’un patient à un stade antérieur du processus de<br />

changement.<br />

Maintien: À ce stade les patients travaillent essentiellement à prévenir la rechute et à<br />

maintenir les changements qu’ils sont parvenus à m’être en place lors du stade précédent. Ils<br />

sont cependant moins vulnérables et de plus en plus confiants dans leur capacité à poursuivre<br />

leur progression.<br />

Voici les caractéristiques psychométriques de l’URI CA:<br />

=> Population cible :<br />

Adulte<br />

=> Administration :<br />

- Nombre de question :<br />

32 pour la version classique, réparties en 4 sous échelles de 8 questions.<br />

24 pour la version abrégée, réparties en 4 sous échelles de 6 questions.<br />

- Mode d’administration : Papier/crayon.<br />

-Temps de réalisation : 5 à 10 minutes.<br />

-Formation spécifique requise pour l’administrateur : Aucune.<br />

=> Normes :<br />

Les normes disponibles ont été établies sur une population d’adultes consultants pour<br />

dépendance alcoolique aux Etats-Unis. En l’absence de validation en France ainsi que sur la<br />

population carcérale, nous n’utilisons cette échelle qu’à titre indicatif et également comme<br />

support à un entretien de « motivation » à l’investissement personnel dans un travail<br />

psychologique.<br />

84


=> Données psychométriques :<br />

- Fiabilité : Consistance interne/ analyse de facteur<br />

- Validité : Prédictive<br />

2- Le Rorschach, système intégré, J .Exner.<br />

Les raisons qui nous ont poussé à utiliser ce test projectif et surtout la cotation selon la<br />

méthode du système intégré contemplation sont variées. Nous nous proposons de les<br />

expliquer après avoir donné une définition de la méthode d’interprétation selon le S.I.<br />

Le système intégré est une méthode d’interprétation des réponses fournies au test du<br />

Rorschach, fondée sur des données empiriques et s’inscrivant dans le cadre d’un modèle<br />

perceptivo cognitif du processus de la réponse. Celui-ci étant assimilé, par J.Exner, à une<br />

activité de résolution de problème plutôt qu’à un processus d’association libre.<br />

L’interprétation porte donc sur les procédures cognitives qui président à la formation des<br />

réponses et aux décisions prises par le sujet dans le tri et la sélection des réponses.<br />

Notre choix s’est tout d’abord porté sur cette méthode car elle permet d’explorer 4<br />

dimensions nouvelles qui sont un apport considérable dans le champ de la psychiatrie et de la<br />

psychopathologie :<br />

La distinction entre des facteurs situationnels et structuraux. Ce qui nous a semblé<br />

intéressant étant donné que les sujets rencontrés viennent de subir des ruptures<br />

importantes dans leur histoire de vie, dont l’incarcération, pouvant générer des<br />

stress désorganisateurs.<br />

La compréhension de la pathologie d’un sujet comme située au carrefour d’un<br />

style de fonctionnement et d’un processus pathologique.<br />

L’évaluation du risque suicidaire.<br />

La mise en évidence d’indices pathologiques.<br />

De plus, notre service procédait à cette évaluation initiale dans la perspective de<br />

pouvoir par la suite apprécier tout au long du séjour en prison du sujet, les effets des<br />

différentes prises en charge dont il aurait pu bénéficier. Or une revue des recherches sur<br />

l’utilisation du Rorschach S.I. dans l’évaluation de l’efficacité de psychothérapies, effectuée<br />

par D. Fouques (2004), montre que le ce test est probablement un instrument pertinent pour<br />

évaluer les changements psychologiques induit par une psychothérapie (ou tout autre type de<br />

traitement).<br />

Un autre étude ( Fouques, Autran, Tilikite, Clergeot, Aubin & Andrinikof, 2002) avait mis<br />

en évidence, lors d’une série de test/ re-test allant de 3 ans à 1 an, que seul un faible<br />

pourcentage de contenus sont identifiés par les sujets comme ayant été précédemment perçus.<br />

Le rorschach SI présente donc un atout et un complément par rapport aux questionnaires et à<br />

l’analyse de contenus du discours du patient d’habitudes utilisé dans les études d’efficacité<br />

des psychothérapies. Cet outil pourrait également contribuer à définir le type de thérapie<br />

adaptée au patient et concourir à dégager des facteurs prédictifs au traitement.<br />

85


3- Le QICPAAS<br />

Le Questionnaire d’Investigation Clinique Pour les Auteurs d’Agressions Sexuelles<br />

(QICPAAS © ) est un questionnaire permettant d’explorer 3 registres complémentaires :<br />

épidémiologique, thérapeutique et préventif (évaluation clinique). Il a été testé et validé en<br />

milieu pénitentiaire auprès d’une population d’auteurs d’ agressions sexuelles.<br />

Il est conçu selon une progression hiérarchisée en 11 parties :<br />

1- Recueil de critères sociodémographiques ;<br />

2- Exploration de nature du chef d’inculpation actuel et de la reconnaissance des faits<br />

par le sujet ;<br />

3- Nature de l’acte d’agression sexuelle ;<br />

4- Description de l’acte ;<br />

5- Perception de l’acte par le sujet et des conséquences pour la victime ;<br />

6- Investigation de l’acte sexuel en dehors de l’acte consigné dans le chef d’inculpation<br />

7- Investigation de la personnalité : angoisses, phobies, activité onirique, comportement<br />

relationnel et émotionnel avant et pendant l’incarcération, antécédents psychiatriques,<br />

comportements addictifs, enfance du sujet ;<br />

8- Investigation familiale : recherche d’éléments ou d’effets de transgénérationalité ;<br />

9- Investigation des relations affectives et amicales ;<br />

10- Investigation somatique ;<br />

11- Evaluation par l’investigateur permettant l’étude du contre-transfert.<br />

L’utilisation de cet outil a essentiellement pour but de susciter un discours personnel,<br />

authentique et de favoriser une rencontre permettant que des vécus transférentiels<br />

apparaissent. C’est un initiateur de la relation, il peut servir de base pour une trame<br />

relationnelle thérapeutique. La passation de ce questionnaire peut s’étaler sur un nombre<br />

variable et parfois important de séances, à l’issue desquelles, le thérapeute, sensible à la<br />

qualité de la rencontre, pourra évaluer les possibilités de mobilisation psychique et<br />

d’inscription dans un dispositif thérapeutique spécifique.<br />

Comme il a été mentionné précédemment, l'évaluation est ensuite étudiée lors d'une réunion<br />

du Pôle de Soins aux Auteurs d'Agressions Sexuelles (PSAAS).<br />

Le Pôle de Soins pour les Auteurs d’Agressions Sexuelles (PSAAS) a été créé pour<br />

répondre à un besoin important de prises en charge thérapeutiques concernant les auteurs<br />

d'agression sexuelle. Notons qu'en France environ 20% de la population carcérale est<br />

concernée par ce type de délit ou de crime. Notons encore qu'au Centre Pénitentiaire de<br />

Liancourt où nous intervenons principalement, la proportion est beaucoup plus importante,<br />

dans certains quartiers elle est de l'ordre de 80% des détenus. Depuis la Loi du 17 juin 1998,<br />

dite du "suivi-socio-judiciaire", les détenus sont "incités" fortement par le Juge de<br />

l'Application des Peines à débuter des soins psychologiques en prison. Cette incitation<br />

assortie d'une menace de suppression de remise de peine ou d'aménagement de peine fait que<br />

tous les détenus concernés font une demande de soin.<br />

Ce pôle permet la mise en place d'actions thérapeutiques coordonnées et répondant au plus<br />

près et de la manière la plus efficace aux profils psychopathologiques des sujets incarcérés<br />

pour ce type de délit ou de crime.<br />

86


Il réunit les membres de l'équipe de la Fédération des Soins aux Détenus intéressés et formés<br />

aux différentes approches thérapeutiques appropriées. Il assure également la continuité des<br />

soins entre les différents espaces thérapeutiques proposés. Actuellement, il réunit : deux<br />

infirmières et 6 psychologues.<br />

Le PSAAS se réunit une fois par semaine afin d'étudier les évaluations des détenus-patients et<br />

de proposer l'approche thérapeutique la mieux adaptée.<br />

Précisons que ces réunions ont aussi un but de formation et de réflexion sur les différentes<br />

approches théorico-cliniques utiles face à ces comportements sous-tendus par des<br />

fonctionnements psychiques spécifiques.<br />

En outre, le PSAAS participe activement aux actions de formation et de réflexion régionale et<br />

nationale de l'<strong>ARTAAS</strong> (Association pour la Recherche et le Traitement des Auteurs<br />

d'Agression Sexuelle).<br />

L'indication<br />

Les dispositifs thérapeutiques pouvant être proposés :<br />

- Entretien individuel<br />

o D'orientation psychanalytique<br />

o Cognitivo-comportementaliste<br />

- Thérapie de groupe<br />

o Groupe de parole d'orientation psychanalytique<br />

o Psychodrame psychanalytique<br />

o Groupe de relaxation et de travail corporel<br />

o Groupe d'entraînement aux habiletés sociales<br />

- Atelier thérapeutique<br />

o Groupe vidéo<br />

- Rencontres familiales thérapeutiques<br />

Au cours de la prise en charge thérapeutique, des évaluations régulières sont effectuées.<br />

L'évolution du patient-détenu est régulièrement évaluée lors des réunions du PSAAS et aussi,<br />

bien sûr avec lui. Ces évaluations peuvent avoir pour issue, éventuellement, la décision d'un<br />

changement de dispositif thérapeutique.<br />

Une fiche de suivi permet d'objectiver le parcours thérapeutique du détenu-patient.<br />

Lors de la libération ou du transfert du patient-détenu dans un autre établissement<br />

pénitentiaire, les membres du PSAAS peuvent, à la demande du détenu, prendre contact avec<br />

l'équipe de soins ou le thérapeute qui assurera la suite de la prise en charge thérapeutique.<br />

1-Circonstances de la prise en charge<br />

ETUDE DE CAS<br />

Nous avons rencontré Denis au Centre de Détention de Liancourt où il est incarcéré depuis<br />

Juillet 2002 pour viol. C’est à sa demande que la psychiatre de l’établissement nous l’a<br />

adressé car il est incarcéré pour la seconde fois et prend conscience que son « comportement<br />

violent et impulsif l’empêche de mener l’existence paisible à laquelle il aspire. »<br />

87


2- Anamnèse.<br />

Denis, aujourd’hui âgé de 34 ans, est issu d’une famille modeste. Son père et sa mère<br />

étaient ouvriers dans la même usine.<br />

Il est le deuxième d’une fratrie de trois enfants. Lorsqu’il a un an, ses parents décident qu’il<br />

ira vivre chez ses grands parents paternels qui résident dans un lotissement proche du<br />

domicile familial. Il restera chez eux jusqu’à l’âge de 6 ans. Pendant cette période il verra<br />

régulièrement ses parents ainsi que son frère et sa sœur sans jamais vraiment comprendre<br />

pourquoi il a été ainsi mis à l’écart. Sa mère donnera successivement différentes raisons à<br />

cette séparation. La première justifie l’éloignement par le fait que, bébé, il ne semblait pas<br />

l’aimer. Celle–ci se sentant rejetée l’a donc confié à son grand-père dont il était très proche. A<br />

l’adolescence, sa mère lui expliquera qu’en raison de son emploi du temps professionnel<br />

ainsi que celui de son mari, ils ont été obligés de confier deux de leurs enfants à une nourrice<br />

et le troisième à ses grands-parents, retraités.<br />

A six ans, Denis, retourne vivre chez ses parents mais il garde de cette période le souvenir<br />

douloureux des disputes fréquentes entre son père et sa mère. Selon lui, sa mère, dépressive<br />

depuis des années, criait et se montrait régulièrement violente à l’égard de son père. Il décrit<br />

par ailleurs ce dernier comme un homme juste mais très effacé derrière une épouse au<br />

caractère autoritaire, intrusive et imprévisible.<br />

Le jeune homme nous apprend que les difficultés psychologiques de sa mère ont beaucoup<br />

marqué son adolescence. A 16 ans, alors qu’il rentre d’une journée de formation, Denis<br />

trouve sa mère allongée qui lui annonce qu’elle s’apprête à mettre fin à ses jours. Il décide<br />

que sa mère est «cinglée» et fugue pendant quelques jours.<br />

Denis nous explique que son parcours scolaire et professionnel a été influencé par<br />

l’attitude de sa mère qui lui répétait sans cesse qu’il n’était qu’un « bon à rien ». Son<br />

comportement dissipé et opposant entraînera de nombreuses difficultés scolaires aboutissant à<br />

son renvoi du collège en fin de 3 ème . Il suit après un CAP en boulangerie sans parvenir à<br />

obtenir le diplôme final. Selon lui, cet échec n’a fait que confirmer l’opinion de sa mère à son<br />

sujet puisque sa sœur aînée est finalement devenue psychologue et son jeune frère, ingénieur.<br />

Il effectue ensuite son service militaire, et il nous dit garder un très bon souvenir de ces 12<br />

mois bien qu’il ait passé près de 30 jours au « trou » pour non respect de la discipline et<br />

insulte à un supérieur. En quittant l’armée, il occupera des emplois divers mais ces difficultés<br />

face à l’autorité de ses employeurs occasionneront de nombreux renvois.<br />

La vie personnelle de Denis est, elle aussi, émaillée de ruptures et très instable. A 21<br />

ans il rencontre Catherine avec qui il aura une relation houleuse pendant un an et demi. Il<br />

nous explique que cette dernière était devenue très proche de sa mère et que toutes les deux<br />

lui rappelaient en permanence qu’il n’était qu’un « incapable ». Par ailleurs, Catherine est<br />

ouvertement infidèle et fini par le quitter pour un de ces amis. Ce soir là, Denis se réfugie<br />

dans un bar où il boit énormément et agresse une jeune femme dans la rue.<br />

Il sera incarcéré pour la première fois pendant 6 ans où il tentera de se suicider quelques jours<br />

après son arrivée. Il purgera l’intégralité de sa peine, ayant refusé de bénéficier de permission<br />

ou de remise de peine. A sa sortie de prison, il nous raconte avoir eu de nombreuses aventures<br />

jusqu’à ce qu’il rencontre Béatrice. Il décrit cette relation comme étant tout à fait semblable à<br />

la relation qu’il avait eu auparavant, son amie étant elle aussi infidèle et lui totalement<br />

désarmé. Elle finira par le quitter un soir de nouvel an. Le soir même de la rupture, Denis,<br />

ivre, violera une jeune fille rencontrée à la sortie d’une discothèque. Récidiviste, il sera cette<br />

88


fois condamné à 15 ans de prison assortis d’un suivi socio judiciaire et d’une obligation de<br />

soins.<br />

2-DEROULEMENT DE LA PRISE EN CHARGE DE DENIS.<br />

2-1 Entretien infirmier.<br />

Lors de cet entretien, Denis a formulé clairement un désir de changement et d’engagement<br />

dans un processus thérapeutique. Il explique rapidement à l’infirmier qu’il a des problèmes de<br />

consommation d’alcool, que lorsqu’il est en état d’ébriété il devient violent. Il raconte aussi<br />

qu’il supporte difficilement l’autorité de ses patrons et que c’est pour cette raison qu’il ne<br />

garde jamais un poste longtemps. Cette première rencontre se passe bien, Denis tente de se<br />

montrer sympathique et parvient à créer une complicité avec l’infirmier qui nous l’adressera<br />

directement, accélérant ainsi le processus de prise en charge habituel.<br />

2-2 Evaluation psychologique initiale.<br />

Au cours du mois de janvier 2003, nous avons demandé à Denis de répondre à différents<br />

échelles et questionnaires dont les résultats sont présentés ici :<br />

- URICA :<br />

Denis semble suffisamment avancé dans son processus motivationnel pour adhérer<br />

et participer activement au processus de changement supporté par une prise en charge<br />

thérapeutique.<br />

- SIDP IV : Entretien structuré de personnalité selon le DSMIV.<br />

La cotation des informations recueillies lors de cet entretien nous apprend que Denis présente<br />

au premier plan un trouble de la personnalité borderline (toutes les manifestations sont<br />

présentes ainsi que les CDG selon le DSM IV) auquel s’ajoute de nombreux traits<br />

appartenant au tableau clinique de la personnalité paranoïaque ainsi que celui de la<br />

personnalité antisociale.<br />

- Rorschach . Méthode Exner système intégré.<br />

Les réponses données par Denis au test du Rorchach montrent l’existence d’une angoisse<br />

diffuse d’intensité moyenne ainsi que la présence d’idéation dépressive.<br />

Cependant nous remarquons surtout que l’indice CDI (Coping deficit index) est positif (5)<br />

ce qui signifie que Denis présente une certaine immaturité sociale susceptible d’entraîner des<br />

difficultés dans la gestion des situations sociales. Il risque de ne pas se sentir capable de<br />

faire face aux demandes sociales de son environnement. Cet aspect de son fonctionnement<br />

psychique est tout d’abord une source de stress mais constitue aussi un facteur de<br />

vulnérabilité pour le développement d’une pathologie.<br />

- QUESTIONNAIRE ABREGE DE BECK : score obtenu = 15(< 15) Dépression modérée.<br />

89


- QUESTIONNAIRE D’AUTO-EVALUATION STAY FORME YA : score obtenu = 56<br />

FORME YB : score obtenu = 56<br />

2-3 Prise en charge.<br />

2-3-1 Thérapie individuelle cognitive et comportementale.<br />

A l’issue de l’évaluation de Denis, il est apparu que celui-ci était authentiquement désireux de<br />

s’impliquer dans un suivi psychologique. Il considérait comme un problème ses réactions<br />

impulsives et agressives qui l’empêchaient « d’avancer dans la vie et de se stabiliser ». Il nous<br />

explique dés le premier entretien qu’il a « raté sa vie » et que ses problèmes de comportement<br />

sont à l’origine de son renvoi de l’armée dans laquelle il aurait aimé faire carrière puisque,<br />

selon lui , c’est le seul endroit où il se soit senti à sa place et reconnu.<br />

Nous lui proposons tout de même d’intégrer le groupe de parole réservé aux agresseurs<br />

sexuels mais Denis refuse de se retrouver dans un groupe comprenant des pédophiles et pères<br />

incestueux.<br />

Il sera donc orienté vers nous pour un travail d’acquisition et de renforcement des habiletés<br />

sociales ainsi que sur la gestion de la colère et de l’impulsivité.<br />

Lors de notre première rencontre nous apprenons que Denis ne reconnaît pas les faits<br />

qui lui sont reprochés. Selon lui il aurait eu un rapport sexuel consenti avec la victime. Nous<br />

décidons alors d’aborder avec lui le déroulement des évènements dans le détail. Nous<br />

relevons beaucoup d’incohérences et de contradictions dans son récit ce qui nous pousse à le<br />

questionner plus spécifiquement sur le rapport sexuel. A l’issu d’un entretien de 50 minutes,<br />

Denis fini par nous apprendre que la jeune femme, consentante au début, a souhaite<br />

interrompre le rapport en cours. Il nous dit avoir ressenti une violente colère et avoir poursuivi<br />

malgré tout, plus violemment.<br />

Une fois les principes des thérapies comportementales et cognitives ainsi que la notion de<br />

trouble de la personnalité expliqués à Denis, nous lui restituons les résultats des tests qu’il a<br />

passés et passons enfin avec lui un contrat initial en fixant pour objectif d’atténuer ses<br />

réactions de colères impulsives par des séances de travail individuelles pendant les six<br />

premiers mois puis en le faisant participer à 12 séances de groupe d’entraînement aux<br />

habiletés sociales.<br />

Les premières séances sont centrées sur les situations de conflit avec perte de contrôle passées<br />

et présentes. Denis s’est montré violent et agressif envers ses patrons, ses supérieurs à l’armée<br />

(ce qui lui a valu plus de 20 jours d’isolement) et rencontrent des problèmes fréquents avec<br />

ses codétenus. Selon lui, toutes ces personnes lui ont manqué de respect et rentrer en conflit<br />

avec eux était le seul moyen de leur « faire passer l’envie de se moquer de lui ». Nous isolons<br />

une croyance conditionnelle du type : « si je ne me défends pas les autres vont me nuire ».<br />

Denis nous explique que c’est pour cette raison qu’il utilise souvent la menace comme mode<br />

d’interaction. C’est une façon pour lui de prévenir les attaques à venir.<br />

Les séances suivantes sont marquées par l’apparition d’un comportement suradapté de<br />

Denis à ce qu’il imagine être notre demande de changement vis à vis de lui. Il se comporte<br />

désormais comme un jeune « enfant fautif ». Il nous faudra reprendre à plusieurs reprises le<br />

motif de sa demande de soin, les objectifs qui ont été fixés en début de thérapie ainsi que<br />

90


edéfinir le rôle du thérapeute par rapport au patient. Nous essayons également de renforcer<br />

positivement les efforts qu’il fournit pour tenter de contrôler ses emportements et nous<br />

constatons que ces périodes d’énervement diminuent en fréquence et en intensité.<br />

2-3-2 Résumé des séances de travail sur l’acquisition et le renforcement des habiletés<br />

sociales.<br />

Denis accepte de participer au groupe lorsque nous lui montrons la liste des patients<br />

qui ont été pressentis pour travailler avec lui ( ceci afin d’éviter des antagonismes entre les<br />

détenus pouvant se révéler ingérables).<br />

Lors des premières séances Denis se montre agressif et réticent à participer authentiquement<br />

au travail. Il critique et ricane devant les réflexions des autres. Il prend à parti d’autres<br />

patients qui n’hésitent pas à le suivre et à l’encourager dans ses tentatives pour désorganiser et<br />

dévaloriser les autres participants. Lorsque nous abordons pour la première fois la question<br />

des jeux de rôle, Denis refuse et explique qu’il refuse de « faire le clown ».<br />

Lors d’une séance sur la formulation et la réponse aux critiques il acceptera par provocation<br />

de jouer une scène mais il s’agira d’une situation dans laquelle il a une critique à nous<br />

formuler sur les retards que nous avons eu la semaine précédente pour les entretiens<br />

individuels. Nous lui répondrons de manière adaptée en suivant les recommandations qui ont<br />

été faites plus tôt dans la séance. Denis semble déçu et se place en retrait jusqu’à la fin de la<br />

réunion.<br />

Au fur et à mesure des séances, ses complices finissent par s’impliquer plus dans le groupe, et<br />

Denis se retrouve isolé. Il finira par abandonner progressivement cette position pour faire des<br />

propositions intéressantes, jouer des rôles avec ses codétenus et même les complimenter<br />

lorsqu’ils développent un point de vue qui lui semble juste.<br />

Le patient nous dira par la suite que les groupes auxquels il a participé lui ont permis<br />

de faire face à son agressivité et lui ont permis de repérer un peu mieux ses réactions dans les<br />

situations sociales. Il se dit donc satisfait mais nous explique qu’il ne s’est pas senti aussi à la<br />

hauteur que les autres participants. Nous lui demandons quels sont les critères qui lui<br />

permettent d’évaluer négativement sa prestation. Nous sommes, à l’heure actuelle, toujours en<br />

cours d’examen de ses arguments. Nous avons également entrepris une réflexion sur les<br />

relations qu’il entretient avec sa mère, et de manière plus générale, avec les femmes.<br />

Conclusion<br />

Ce mode d'intervention permet de proposer au patient la forme de thérapie la plus<br />

adaptée à son fonctionnement psychique, et aux dimensions de celui-ci qu'il nous semble<br />

possible de travailler avec lui au moment où nous effectuons l'évaluation.<br />

Une évaluation régulière de l'évolution du patient permet d'ajuster notre offre de<br />

soins et de lui proposer d'autres dispositifs thérapeutiques.<br />

Ainsi, et compte tenu des durées d'incarcérations très longues en France, nous pouvons<br />

assurer une prise en charge psychothérapeutique évolutive et importante visant à<br />

assouplir le fonctionnement psychique des patients et ainsi participer à la prévention de la<br />

récidive.<br />

91


Références bibliographiques<br />

American Psychiatric Association. (1996). DSM IV. Manuel diagnostique et<br />

statistique des troubles mentaux. Quatrième Edition, Paris, Masson.<br />

Aubut J. et coll., Les agresseurs sexuels, Les éditions la Chenelière, Montréal, 1993.<br />

Balier C., Psychanalyse des comportements sexuels violents, P.U.F., coll. Le fil rouge,<br />

1996.<br />

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GABEL Marceline, LEBOVICI Serge, MAZET Philippe, Le traumatisme de l'inceste,<br />

PUF, Collection monographie de la psychiatrie de l’enfant, p.211-222, 1995<br />

Blatier, C. (1999). Attributions causales et comportement délinquant. In Journal de<br />

Thérapie Comportementale et Cognitive. 9 (3),pp89-93.<br />

Blatier, C. (2002) . Criminologie, attittude sociocognitive et jugement des actes<br />

déviants. In Journal de Thérapie Comportementale et Cognitive. 12 (1), pp 19-23.<br />

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suivis thérapeutiques et cadre judiciaire, Editions Masson, coll. Pratiques en<br />

psychothérapies, 2000.<br />

Ciavaldini A. (sous la direction de), Violences sexuelles. Le soin sous contrôle<br />

judiciaire, Editions IN PRESS, coll. Explorations psychanalytiques, 2003.<br />

Cottraux,J et Blackburn,I,M.(2001). Thérapies cognitives des troubles de la<br />

personnalité. Paris,Masson.<br />

Debray, Q et Nollet,D. (2001). Les personnalités pathologiques. Approche cognitive et<br />

thérapeutique. Paris, 3 ème Edition, Masson.<br />

DiClemente, C.C., Hughes, S.O. (1990) Stages of change profiles in alcoholism<br />

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Treatment. Rockville, MD: National Institute on Drug Abuse.<br />

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Disorder. In The Journal, 8 (1).<br />

92


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Psychology. 135, (3), pp. 277– 291.<br />

SAVIN B., "A l'ombre… vers la lumière. Quels dispositifs de soins "psy" en prison ?<br />

Dialogue, "Ces souffrances qui nous obligent à inventer", 162, p.59-70, Editions Erès,<br />

Toulouse, 2003.<br />

Services correctionnels du Canada. (1990). Les traitements de santé mentale en milieu<br />

carcéral. 2, (3).<br />

Spett,Milton. (2002). What is Dialectical Behavior Therapy?. The New Jersey<br />

Association of Cognitive Behavioural Therapists.<br />

93


Vendredi 7 octobre <strong>2005</strong><br />

Pleinière - 8 h 30 à 10 h<br />

Évaluation du risque et évolution des pratiques<br />

Modératrice : Line Bernier<br />

Évaluation du risque et évolution des pratiques<br />

Karl Hanson, psychologue, agent principal de recherche, Recherche sur les questions correctionnelles,<br />

Sécurité publique et Protection civile Canada Canada<br />

L'évaluation du risque de récidive est une tâche centrale pour ceux qui s'occupent des<br />

délinquants sexuels, mais ce n'est pas une tâche facile. Jusqu'à récemment, les experts<br />

judiciaires et les intervenants ont montré une faible exactitude quand ils ont essayé d'identifier<br />

les récidivistes potentiels parmi des groupes mixtes de délinquants sexuels. Cependant, la<br />

pratique de l'évaluation du risque a beaucoup progressé depuis les années 1980. Les résultats<br />

collectifs des centaines d'études de suivi ont clarifié les facteurs liés et non liés à la récidive<br />

sexuelle. Plus récemment, un certain nombre d'instruments d'évaluation du risque a été<br />

élaboré. On peut placer ces outils en deux grandes catégories. Les lignes directrices<br />

professionnelles spécifient les facteurs à observer pendant l'évaluation, mais la manière de<br />

déterminer le risque global dépend du jugement professionnel de l'évaluateur (par ex., SVR-<br />

20). En contraste, les outils actuariels spécifient les facteurs ainsi que la manière de les<br />

organiser afin de déterminer le risque global (par ex.,Static-99). Ces nouveaux instruments<br />

sont plus exacts que le jugement professionnel non-structuré. De plus, ils rendent explicite le<br />

processus de l'évaluation du risque, laissant ces jugements ouverts à la critique et la révision.<br />

Malgré les vertus de ces nouveaux outils, leur niveau d'exactitude est seulement modéré et<br />

aucun d'entre eux ne cible tous les facteurs importants. En conséquence, les chercheurs et les<br />

intervenants continuent leurs efforts en vue de faire progresser la pratique de l'évaluation du<br />

risque chez les délinquants sexuels.<br />

Aspects éthiques de l'évolution du risque<br />

Jocelyn Aubut, psychiatre, Institut Philippe-Pinel de Montréal Canada<br />

Les recherches sur les échelles actuarielles de prédiction du risque de récidive ont eu des<br />

répercussions importantes dans la gestion légale des agresseurs sexuels. Qu'on le veuille ou<br />

non, ces échelles sont là pour rester. Les chercheurs s'entendent pour dire que ces échelles<br />

sont plus fiables que<br />

le jugement clinique seul mais reconnaissent en même temps que leur niveau d'exactitude est<br />

tout au plus modéré. Malgré ces limites, les échelles actuarielles sont de plus en plus utilisées<br />

non pas tant pour la gestion clinique mais pour la gestion légale des agresseurs sexuels,<br />

notamment dans la durée de leur incarcération ou dans leur remise en liberté. Il est important<br />

qu'une réflexion éthique en profondeur s'amorce et que des balises éthiques claires soient<br />

énoncées afin d'éviter que les professionnels ne deviennent que des complices du grand<br />

renferment » tel que l'avait évoqué Foucault dans les années 1970, tel que l'évoque maintenant<br />

le sociologue David Garland. Une réflexion sur notre éthique individuelle et collective sera<br />

proposée.<br />

96


Évaluation du risque et évolution des pratiques<br />

Karl Hanson, psychologue, agent principal de recherche, Recherche sur les questions<br />

correctionnelles, Sécurité publique et Protection civile Canada Canada<br />

Facteurs de risque<br />

dynamiques (changeants)<br />

Stables<br />

Problèmes sur le plan de l’intimité<br />

Préférences sexuelles déviantes<br />

Troubles de la personnalité<br />

Aigus<br />

Humeur négative<br />

Substances intoxicantes<br />

Accès aux victimes<br />

L’Évaluation de risque de récidive<br />

chez les délinquants sexuels<br />

dans la communauté:<br />

Facteurs statiques, stables et aigus<br />

R. Karl Hanson, Ph.D.<br />

Sécurité publique et Protection civile Canada<br />

Troisième Congrès international francophone sur<br />

l’agression sexuelle, Hull-Gatineau, 7 octobre, <strong>2005</strong><br />

STATIQUE-99<br />

•Infractions sexuelles antérieures (3 points)<br />

•Victime sans lien de parenté<br />

•Victime de sexe masculin<br />

•Jeune (moins de 25 ans)<br />

•Prononcés de peine antérieurs<br />

•Infractions sexuelles sans contact<br />

•Infractions de violence non-sexuelle<br />

•Infractions de violence non-sexuelle antérieures<br />

•Victime inconnue<br />

•Célibataire<br />

• Statique<br />

– Taux de base, prévision à long-terme du risque<br />

• Stable<br />

– Cibles d’intervention<br />

• Aigu<br />

– Signe précurseur de récidive<br />

Facteurs de risque statiques<br />

– Infractions antérieures<br />

– Âge<br />

– Victimes sans lien de parenté<br />

– Victimes de sexe masculin<br />

Stable-2000<br />

1. Influences sociales importantes<br />

2. Problèmes sur le plan de l’intimité<br />

A mants/partenaires intimes; identification émotive aux enfants;<br />

hostilité à l’égard des femmes; solitude/isolement/rejet social en<br />

général; manque d’intérêt à l’égard des autres<br />

3. Maîtrise de soi sur le plan sexuel<br />

Pulsions/préoccupations sexuelles; recours au sexe comme<br />

mécanis me d’adaptation; intérêts sexuels déviants<br />

4. Attitudes tolérantes à l’égard de l’agression<br />

sexuelle<br />

Droit au sexe; attitudes face au viol; attitudes propices à<br />

l’agression d’enfants<br />

5. Coopération dans le cadre de la surveillance<br />

6. Maîtrise de soi en général<br />

Gestes impulsifs; faible aptitudes cognitives pour la résolution<br />

de problèmes; émotions négatives/hostilité


Facteurs de risque aigus<br />

• Risque à court terme<br />

• Depuis la dernière rencontre (1 mois)<br />

• Proximité de la récidive<br />

Le projet de surveillance dynamique<br />

Méthodologie<br />

• Suivi de plus de 1000 délinquants sexuels<br />

dans la collectivité – 2001 à <strong>2005</strong><br />

• Plusieurs administrations<br />

• Admission continuelle de participants<br />

- nouveaux dossiers consécutifs<br />

Yukon<br />

T.N.-O.<br />

Ontario<br />

Alaska<br />

Î. -P.-É.<br />

N.-B.<br />

Québec<br />

Lieu<br />

Saskatchewan<br />

Nombre d’agents<br />

4<br />

1<br />

35<br />

12<br />

5<br />

10<br />

12<br />

8<br />

Fiabilité de cotation<br />

Nombre de<br />

délinquants<br />

10<br />

1<br />

129<br />

116<br />

19<br />

73<br />

192<br />

• Statique-99, CIC = .90 (+/- un point)<br />

• Stable-2000, CIC = .90 (+/- deux points)<br />

23<br />

• Aigu-2000, CIC = .89 (+/- deux points)<br />

7<br />

Facteurs aigus<br />

• Accès aux victimes<br />

• Effondrement émotionnel<br />

• Écroulement des soutiens sociaux<br />

• Hostilité<br />

• Consommation d’alcool ou d’autres drogues<br />

• Préoccupations sexuelles<br />

• Refus de la surveillance<br />

• Facteur unique (facultatif)<br />

Le projet de surveillance dynamique<br />

Méthodologie<br />

• Une évaluation des facteurs statiques<br />

(Statique-99)<br />

• Évaluation des facteurs stable tous les six<br />

mois (Stable-2000)<br />

• Évaluation des facteurs aigus à chaque<br />

rencontre (Aigu-2000)<br />

Colombie-<br />

Britannique<br />

Manitoba<br />

Iowa<br />

Nouvelle-Écosse<br />

Nunavut<br />

Terre-Neuve<br />

Alberta<br />

SCC Atlantique<br />

N = 978<br />

Total<br />

250<br />

200<br />

150<br />

100<br />

50<br />

0<br />

14<br />

8<br />

5<br />

4<br />

4<br />

30<br />

7<br />

1<br />

160<br />

STATIQUE-99<br />

134<br />

34<br />

95<br />

10<br />

12<br />

93<br />

45<br />

13<br />

999<br />

0 1 2 3 4 5 6+<br />

98


STATIQUE-99<br />

• 0-1 = risque faible 6% après 5 ans<br />

• 2-3 = faible - modéré 11% après 5 ans<br />

• 4-5 = modéré - élevé 30% après 5 ans<br />

• 6+ = risque élevé 39% après 5 ans<br />

• Conclusion – La plupart des délinquants démontre<br />

un niveau de risque faible à modéré selon le<br />

Statique-99. 0<br />

0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12<br />

STABLE Risque<br />

• 0-4 = Risque faible (n = 338)<br />

• 5-8 = Modéré (n = 378)<br />

• 9-12 = Risque élevé (n = 89)<br />

• Conclusion = Selon la échelle Stable-2000, la<br />

plupart des délinquants démontrent un niveau de<br />

risque faible ou modéré<br />

Statique-99<br />

Stable-2000<br />

Niveau de prévision (Zone<br />

CER/ROC)<br />

Aigu-2000<br />

(n=14 récidivistes )<br />

25<br />

20<br />

15<br />

10<br />

5<br />

0<br />

Sexuelle<br />

.72<br />

.76<br />

.74<br />

Sexuelle<br />

plus vc<br />

.67<br />

.77<br />

Violente<br />

.74<br />

.74<br />

Statique-99 & Stable-2000<br />

Récidive avec violence<br />

Faible Mod-faible Mod-élevé Élevé<br />

Statique-99<br />

Totale<br />

.68<br />

.70<br />

Modéré +<br />

Faible<br />

N =805<br />

120<br />

100<br />

80<br />

60<br />

40<br />

20<br />

Stable-2000<br />

Liées avec la récidive?<br />

Résultats préliminaire (mai <strong>2005</strong>)<br />

• Suivi de 20 mois<br />

– 29 nouvelles infractions sexuelles (2,8% de 989)<br />

– 47 nouvelles infractions sexuelles ou violations de<br />

conditions (sexuelles)<br />

– 50 nouvelles infractions avec violence (incluant<br />

infractions sexuelles)<br />

– 137 récidives au total (incluant violations)<br />

14<br />

12<br />

10<br />

8<br />

6<br />

4<br />

2<br />

0<br />

40<br />

35<br />

30<br />

25<br />

20<br />

15<br />

10<br />

5<br />

0<br />

Statique-99 & Stable-2000<br />

Récidive sexuelle<br />

Faible Mod-faible Mod-élevé Élevé<br />

Statique-99<br />

Statique-99 & Stable-2000<br />

Toute récidive<br />

Faible Mod-faible Mod-élevé Élevé<br />

Statique-99<br />

Modéré +<br />

Faible<br />

Modéré +<br />

Faible<br />

99


Facteurs aigus<br />

• Accès aux victimes<br />

• Effondrement émotionnel<br />

• Écroulement des soutiens sociaux<br />

• Hostilité<br />

• Consommation d’alcool ou d’autres drogues<br />

• Préoccupations sexuelles<br />

• Refus de la surveillance<br />

• Facteur unique (facultatif)<br />

Intervenir maint.<br />

Oui, problème<br />

Peut être problème<br />

Aucun problème<br />

Total (ÉT)<br />

Récidive sexuelle<br />

le mois suivant?<br />

Oui (14)<br />

%<br />

7,1<br />

42,9<br />

92,9<br />

7,1<br />

3,8<br />

1<br />

6<br />

13<br />

1<br />

(2,9)<br />

Non (7049)<br />

%<br />

1,6<br />

13,6<br />

65,5<br />

34,5<br />

1,8<br />

Récidive sexuelle<br />

le mois prochain?<br />

n<br />

116<br />

956<br />

4550<br />

2499<br />

(2,3)<br />

P<br />

0,52<br />

0,015<br />

0,001<br />

0,001<br />


Vendredi 7 octobre <strong>2005</strong><br />

Bloc 7 – Communication libre 80<br />

Modérateur Pierre Leduc<br />

Caractéristiques d'adolescentes agressées sexuellement<br />

suite à la suspicion d'absorption de drogues du viol<br />

Jo-Anne Couillard, infirmière B.Sc., clinique pour victimes d'agressions sexuelles, section de<br />

médecine de l'adolescence, CHU Ste-Justine, Montréal Canada<br />

Les „ drogues du viol o sont un sujet d'actualité et apportent une nouvelle dimension à la<br />

problématique des agressions sexuelles. Malgré la médiatisation et l'importance de ces drogues, il<br />

semble que peu de tests soient positifs lorsqu'on les recherche. Nous décrirons d'abord ces<br />

différentes drogues, leurs effets et les raisons qui expliquent qu'on les dépiste peu. La section de<br />

médecine de l'adolescence du CHU Sainte-Justine offre annuellement des services à plus de 125<br />

jeunes agressés sexuellement. Nous avons fait un relevé des adolescentes et adolescents victimes<br />

d'agression sexuelle avec suspicion de recours aux' drogues du viol o. Jusqu'à maintenant,nous<br />

avons compilé des don-nées pour 2003, mais les données de 2003-04 seront présentées. En 2003,<br />

sur 152 adolescents vus pour agression sexuelle, on peut suspecter l'absorption de drogues du viol<br />

chez 26 d'entre eux. Parmi les 26, 11 souffraient d'une amnésie partielle (par exemple, une se<br />

souvient d'avoir eu une relation sexuelle mais a oublié des détails, une autre d'avoir été retenue de<br />

force par les bras). Les 15 autres victimes avaient une amnésie totale, c'est-à-dire qu'elles n'ont<br />

aucun souvenir de l'agression (comme cette adolescente qui se réveille nue dans un motel<br />

entourée de plusieurs garçons). Vingt victimes avaient le souvenir d'avoir consommé de l'alcool<br />

et 11 d'avoir consommé de la drogue. En ce qui a trait au dépistage de l'alcool et des drogues dans<br />

le sang et dans l'urine, seulement 14 victimes avaient eu des prélèvements; 12 des victimes n'ont<br />

pas eu de prélèvements pour des raisons diverses. Les résultats des prélèvements se sont avérés<br />

négatifs chez 9 des 14 victimes ayant eu un dépistage, et pour les 5 résultats positifs, dans 3 cas<br />

on retrouve la présence d'éthanol dans le sang et dans 2 cas, de cannabinoïdes dans l'urine. Pour<br />

ce qui est des lieux et circonstances, 5 adolescentes étaient en fugue, 5 ont été agressées dans un<br />

fête privée, 5 dans un bar, 2 dans un motel et pour 9 des victimes les lieux sont inconnus. Dixsept<br />

des victimes connaissaient leur agresseur et 9 n'ont aucune idée de l'identité de leur<br />

agresseur. Parmi les agresseurs connus, nous retrouvons des connaissances (7), des amis (3), des<br />

garçons rencontrés sur la rue ou sur Internet (4) et des amis d'ami(e)s ou de la fratrie. Une<br />

comparaison avec des victimes d'agression sexuelle non affectées par l'usage de drogues sera<br />

présentée. Malgré que cette problématique soit très prévalente et très discutée, les intervenants<br />

peuvent se sentir démunis face à cette situation. Un des objectifs de cette présentation vise à<br />

permettre aux professionnels qui interviennent auprès de victimes d'agression sexuelle suite à la<br />

suspicion d'absorption de drogues du viol de comprendre les besoins particuliers et les<br />

interventions spécifiques dans ce groupe de victimes.<br />

Notes : Emmanuelle TERRIER<br />

Les drogues les plus fréquemment utilisées lors d’agressions sexuelles sont : les<br />

benzodiazépines,GHB, les opiacées, l’alcool, le cannabis et la codéine.<br />

Il y a des consommations volontaires ( alcool, médicaments, cannabis) et consommations<br />

involontaires ( benzodiazépine, GHB).<br />

Les lieux les plus propices sont les bars, les soirées, les rencontres internet.<br />

101


Les cas d’agressions sous GHB sont difficiles à détecter car le temps de prise de conscience de la<br />

victime est long alors que la période de détection de la drogue est court (8 à 12h). De plus la<br />

victime n’est jamais certaine qu’il y a eu viol et elle se sent coupable car elle pense avoir consenti<br />

sous l’effet de la substance.<br />

Les éléments qui caractérisent les victimes sous drogues par rapport aux autres sont les suivants :<br />

- Antécédent d’usage de drogue.<br />

- Difficulté et retard sexuel.<br />

- Refus de plainte<br />

- Ingestion souvent volontaire.<br />

- Absence de trouble du sommeil après l’agression.<br />

- Absence de trouble de l’appétit.<br />

- Sentiment de culpabilité d’avoir absorbé de la drogue ou de l’alcool.<br />

Chez les victimes qui n’ont pas consommées de substance on note souvent la présence de<br />

cauchemar, de perte d’appétit, une grande peur de revoir l’agresseur et la culpabilité d’avoir<br />

fréquenté l’agresseur ou de s’être rendu sur le lieu de l’agression. Ces victimes souhaitent<br />

souvent la mort et la prison à leurs agresseurs, elles ont plus de difficultés à récupérer que les<br />

victimes sous drogue qui ne gardent que peu de souvenirs.<br />

Contrairement aux idées actuelles le plus souvent les substances utilisées dans ces agressions sont<br />

l’alcool et le cannabis bien plus qu’une consommation involontaire de GHB. Certaines victimes<br />

n’ont pas contrôlé leur conso d’alcool et ont voulu faire des expériences avec la drogue.<br />

Il est également intéressant de constater que les victimes sous drogue ne rapportent pas de baisse<br />

de l’estime de soi, pourtant importante chez les autres. Il faut cependant être prudent avec cette<br />

information car il peut aussi s’agir d’une négation.<br />

102


Vendredi 7 octobre <strong>2005</strong><br />

Bloc 7 – Communication libre 83<br />

Modérateur : Michel Raymond<br />

Stratégies et perspectives thérapeutiques face aux patients silencieux<br />

au sein d'un groupe de parole destiné à des agresseurs sexuels<br />

Joanna Smith, psychologue clinicienne, Antenne de Psychiatrie et de Psychologie Légales<br />

Carole Hanni, psychologue clinicienne, Antenne de Psychiatrie et de Psychologie Légales<br />

France<br />

Au sein de l'Antenne de Psychiatrie et de Psychologie Légales, la psychothérapie de groupe<br />

est l'indication thérapeutique privilégiée dans la prise en charge des auteurs d'agressions<br />

sexuelles. Cependant, des difficultés peuvent être rencontrées dans l'animation de ces groupes,<br />

notamment face à des patients constamment silencieux, qui refusent de participer aux<br />

échanges. Cette communication aura pour objectif de présenter les stratégies thérapeutiques<br />

que nous avons développées afin d'assouplir un tel positionnement.<br />

L'exposé de trois cas cliniques nous permettra de décrire notre contre-transfert, les<br />

conséquencesdu silence d'un participant sur la dynamique groupale et les significations de ce<br />

silence « chronique ». Nous développerons les différentes stratégies thérapeutiques<br />

envisagées face à ces trois cas, ainsi que leur évolution et leur discours dans l'après-coup.<br />

Ceci nous permettra de passer en revue les différentes stratégies thérapeutiques possibles face<br />

à ces patients qui assistent silencieusement au groupe, quelle que soit la raison de ce silence :<br />

provo-cation agressive, réticence, passivité, timidité, honte...<br />

Définition<br />

Silencieux : « qui s’abstient de parler, peu communicatif »<br />

Silence absolu / silence relatif<br />

Acte volontaire / choix relationnel<br />

Mode d’entrée en relation particulier<br />

Objet de notre réflexion : le silence « chronique »<br />

Expressions non verbales associées<br />

Significations du silence<br />

Gène, malaise, timidité, complexe d’infériorité<br />

Difficulté à demander de l’aide<br />

Opposition passive, ambivalence<br />

Consentement sans demande ni motivation<br />

Manifestation d’agressivité, provocation / défi<br />

Attaque du cadre et du groupe<br />

Désir d’avoir une place privilégiée dans le groupe<br />

Refus de s’identifier aux autres membres du groupe<br />

Dimension psychopathologique<br />

Yalom (<strong>2005</strong>)<br />

Terreur du dévoilement<br />

Peur de s’affirmer / de sa propre agressivité<br />

Attente d’un sauveteur idéalisé<br />

Quête de perfection


Tentative de contrôle<br />

Sentiment de menace de la part d’un autre membre du groupe<br />

Peur d’être perçu comme faible, insipide<br />

Bouderie silencieuse / quête d’attention<br />

Analyse psychopathologique<br />

Agressivité problématique<br />

Immaturité<br />

Tentatives de contrôle<br />

Fragilité narcissique<br />

Dimension persécutive / psychotique<br />

Conséquences du silence sur le groupe<br />

Pas de conséquences particulières<br />

Intrusion d’un voyeur<br />

Refus de s’exprimer si tout le monde ne s’exprime pas<br />

Destructivité à l’égard du groupe<br />

Agressivité en retour<br />

Incompréhension<br />

Tabou<br />

Frustration / impuissance<br />

Irritation<br />

Compassion<br />

Incompréhension / bizarre<br />

Agressivité / hostilité<br />

Envie de rejeter le patient<br />

Contre-transfert<br />

Stratégies adoptées<br />

Pourquoi?<br />

« Bain » de groupe<br />

Interventions du groupe<br />

Composition du groupe<br />

Interventions des thérapeutes<br />

Entretiens individuels<br />

Discours des patients<br />

après-coup<br />

Alex « je n’ai pas les mots »<br />

Claude : « j’aime pas être obligé »<br />

Léon : « j’en ai rien à foutre »<br />

Conclusion<br />

Evolution des patients<br />

Le silence comme symptôme psychopathologique<br />

Ecouter le silence<br />

Merci de votre attention!<br />

smith@psylegale.com hanni@psylegale.com www.psylegale.com<br />

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Vendredi 7 octobre <strong>2005</strong><br />

Bloc 8 – Communication libre 99<br />

Modérateur Christian Mormont<br />

Évaluation des distorsions cognitives chez les agresseurs sexuels,<br />

présentation de 2 outils: la Molest Scale et la Rape Scale (Bumby, 1996)<br />

Olivier Vanderstukken, psychologue; Service MédicoPsychologique Régional (SMPR) de<br />

Loos, chercheur associé, CRDS (Tournai, Belgique), membre <strong>ARTAAS</strong> (France)<br />

Georgia Schiza, psychologue, Service MédicoPsychologique Régional (SMPR) de Loos<br />

Evry Archer, psychiatre, chef de service, Service MédicoPsychologique Régional (SMPR)<br />

de Loos France<br />

Thierry Pham, directeur, CRDS (Tournai, Belgique), Professeur, UMH (Mons, Belgique),<br />

chercheur associé, Institut Philippe-Pinel de Montréal<br />

Belgique<br />

En référence à la littérature, une introduction au champ des distorsions cognitives relatives<br />

aux agresseurs sexuels sera succinctement présentée. Les problématiques quant à l'évaluation<br />

de celles-ci seront soulevées.<br />

Deux auto-questionnaires récents et spécifiques aux distorsions cognitives des agresseurs<br />

d'enfants et des violeurs de femmes adultes seront présentés: La Molest Scale et la Rape Scale<br />

( Bumby, 1996).<br />

La construction, les qualités psychométriques, la validité convergente avec d'autres<br />

instruments de mesure, la validité discriminante (agresseurs d'enfants, violeurs de femmes<br />

adultes, contrôles; ou en début et en fin de traitement), ainsi que les limitations de ces outils<br />

seront discutées (Bumby, 1996; Arkowitz & Vess, 2001; Vanhouche & Vertommen, 1999;<br />

Schneider & Wright, 2001).<br />

Enfin, les résultats de la littérature seront confrontés à ceux obtenus, sur la base d'une version<br />

française de ces questionnaires (Barsetti, 1999), sur une population d'agresseurs sexuels<br />

français incarcérés au Centre de Détention de Loos.<br />

Ainsi, au vu des résultats de la littérature empirique (Bumby, 1996; Arkowitz & Vess, 2001),<br />

nous formulons les hypothèses suivantes: les scores des agresseurs d'enfants sont plus élevés<br />

que ceux des violeurs de femmes adultes et des sujets contrôles sur la Molest Scale. Les<br />

problèmes inhérents à la validité discriminante de la Rape Scale devraient se retrouver dans<br />

notre étude, à savoir que les violeurs de femmes adultes ne se différencient pas<br />

significativement des agresseurs d'enfants sur ce questionnaire. La Rape Scale devrait,<br />

cependant, différencier les agresseurs sexuels des sujets contrôles.<br />

Notre recherche est basée sur les analyses par anova à 1 facteur pour 4 groupes de sujets<br />

incarcérés: 20 agresseurs d'enfants, 20 violeurs de femmes adultes, 10 contrôles violents nonsexuels<br />

10 contrôles non-violents.<br />

Les sujets sont équivalents tant au niveau du QI (WAIS-R, formule de Silverstein, 1990), que<br />

de la desirabilite sociale (Marlowe-Crowne Social Desirability Scale, 1960). Les résultats sont<br />

discutés à la lumière de la littérature internationale.<br />

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QUELQUES AFFICHES<br />

L'état de santé sexuelle de jeunes femmes<br />

ayant vécu une agression sexuelle durant l'enfance<br />

Céline Lacelle, étudiante au doctorat en psychologie, Université du Québec à Montréal<br />

Martine Hébert, professeur, chercheur, Département de sexologie, Université du Québec à<br />

Montréal<br />

Francine La voie, professeur, École de psychologie, Université Laval<br />

R. E. Tremblay, Ph.D<br />

F. Vitaro, Ph.D<br />

Canada<br />

Environ 30% des femmes rapportent des expériences de victimisation sexuelle à l'enfance<br />

ainsi qu'à l'adolescence (Briere et Elliott, in press). Ces expériences seraient liées au<br />

développement ultérieur de plusieurs difficultés psychosociales telles que l'état de stress posttraumatique,<br />

la dépression, les problèmes interpersonnels, l'abus de substances ainsi que les<br />

symptômes de dissociation (Briere, 2003). La plupart des recherches tentant de qualifier les<br />

conséquences associées aux antécédents d'agression sexuelle ont adressé la morbidité<br />

psychiatrique de même que les symptômes liés à la santé mentale.<br />

Toutefois, certains auteurs suggèrent que les survivantes d'agression sexuelle (AS) à l'enfance<br />

doivent également faire face à problèmes reliés à leur santé sexuelle (Doll, Koenig, & Purcell,<br />

2003). Ainsi les études empiriques menées à ce jour suggèrent que les survivantes sont<br />

davantage susceptibles de vivre une grossesse non désirée, d'éprouver des dysfonctions<br />

sexuelles, d'être atteinte d'infections transmises sexuellement et de s'engager dans des<br />

comportements sexuels à ris-que comparativement aux femmes n'ayant pas d'antécédents<br />

d'agression sexuelle. Une inquiétude majeure actuelle repose sur le lien possible entre<br />

l'agression sexuelle à l'enfance et une variété de comportements sexuels à risque pouvant<br />

augmenter le risque de contracter le VIH (Greenberg, 2001) ainsi que de s'engager dans la<br />

prostitution (Widom & Kuhns, 1996). Cette étude s'effectue dans le but d'atteindre une<br />

meilleure compréhension des répercussions de la victimisation sexuelle sur l'état de la santé<br />

sexuelle de jeunes femmes.<br />

La plupart des études dans ce domaine furent conduites auprès d'échantillons cliniques ou<br />

universitaires. Dans la présente analyse, l'évaluation de la santé sexuelle se fait auprès d'un<br />

échantillon communautaire de 1062 jeunes femmes québécoises (âge moyen--22 ans)<br />

provenant de diverses régions administratives du Québec. Les données indiquent que près<br />

d'un tiers (29%) des jeunes femmes questionnées rapportent une histoire d'agression sexuelle<br />

à l'enfance ou à l'adolescence. Une variété de mesures sur le plan des indicateurs de santé<br />

sexuelle sera prise en considération lors des analyses, soit : l'âge lors de la première relation<br />

sexuelle, le nombre de partenaires sexuels, la fréquence d'utilisation du condom, l'histoire<br />

relative aux infections transmises sexuellement ainsi que les attitudes négatives à l'égard des<br />

activités sexuelles, l'anxiété sexuelle et la peur de la sexualité. De plus, la présente étude<br />

propose d'explorer l'apport de la co-occurrence de d'autres formes d'abus (physique,<br />

psychologique) durant l'enfance et du degré d'optimisme à l'âge adulte dans la relation entre la<br />

présence d'une agression sexuelle à l'enfance et la santé sexuelle à l'âge adulte. Ainsi, la<br />

considération d'autres formes d'abus et le niveau d'optimisme peuvent s'avérer des indices<br />

importants dans la compréhension des conséquences négatives de la violence sexuelle sur la<br />

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vie sexuelle adulte. Les résultats de cette étude seront discutés en termes de plan<br />

d'intervention pour les survivantes d'agression sexuelle à l'enfance.<br />

vie sexuelle adulte. Les résultats de cette étude seront discutés en termes de plan<br />

d'intervention pour les survivantes d'agression sexuelle à l'enfance.<br />

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Evaluation de l'impact de la détresse psychologique du parent non agresseur et de la<br />

sécurité d'attachement de l'enfant d'âge préscolaire ayant vécu une agression sexuelle,<br />

sur son profil comportemental<br />

Geneviève Beaudoin, candidate au doctorat en psychologie, Université du Québec à<br />

Montréal<br />

Martine Hébert, professeur, chercheur, Département de sexologie, Université du Québec à<br />

Montréal<br />

Annie Bernier, psychologue chercheur, Université du Québec à Montréal<br />

Canada<br />

Plusieurs auteurs ont rapporté la présence immédiate ou à long terme de difficultés<br />

comportementales et psychologiques chez les enfants agressés sexuellement (Brière et Elliot,<br />

2001; Paolucci, Ge-nuis & Violato; 2001; Putnam, 2003). L'anxiété, les affects dépressifs, les<br />

symptômes de stress post-traumatique, les comportements sexualisés inappropriés ainsi que<br />

les comportements agressifs et de dissociation peuvent être présents chez plusieurs victimes<br />

d'agression sexuelle. Cependant, certains enfants semblent éprouver moins de difficultés<br />

d'adaptation suite au dévoilement d'une agression sexuelle (Morrow & Smith, 1995; Putnam,<br />

2003) et il semblerait que la présence d'éléments favorables dans le milieu de vie immédiat de<br />

l'enfant facilite son adaptation suite au traumatisme vécu. Ainsi, plusieurs chercheurs ont<br />

souligné l'importance du soutien parental du parent non agresseur dans l'adaptation de l'enfant<br />

(Deblinger, Sterr & Lippman, 1999 ; Grosz, Kempe & Kelly, 2000), Or, la qualité du soutien<br />

parental semble en partie influencée par la présence d'une détresse psycho-logique chez la<br />

mère (Runyan et al., 1992) et parle type de rapport entre le parent non agresseur et l'enfant<br />

victime d'agression sexuelle (Everson, Hunter, Runyon, Edelsohn et Coulter,1989). La présence<br />

de détresse psychologique chez les parents non agresseurs, tout comme la sécurité<br />

d'attachement des enfants, pourraient affecter leur adaptation suite au dévoilement de<br />

l'agression sexuelle vécue.<br />

L'objectif de la présente étude est d'évaluer la valeur prédictive de la détresse psychologique<br />

du parent non agresseur et de la sécurité d'attachement de l'enfant agressé sexuellement, sur la<br />

présence de difficultés d'adaptation comportementales chez ce dernier. Les hypothèses<br />

stipulent que plus le parent accompagnateur de l'enfant agressé sexuellement a une détresse<br />

psychologique élevée et que moins l'enfant agressé sexuellement a une sécurité d'attachement<br />

élevée, plus les difficultés comportementales observées chez l'enfant seront importantes. Dans<br />

le cadre d'une évaluation médicale à la clinique socio-juridique de l'hôpital Sainte-Justine de<br />

Montréal, 80 dyades parents enfants ont été recrutées. Tous les enfants évalués sont âgés entre<br />

4 et 6 ans et rencontrent l'équipe traitante suite à un dévoilement ou un soupçon d'agression<br />

sexuelle. Le parent accompagnateur a complété différents instruments de mesure, dont<br />

l'échelle de détresse psychologique de Santé Québec (Préville, Boyer, Potvin, Perreault et<br />

Legaré, 1987), le Child Behavior Checklist (Achenback et Edelbrock, 1991) et le Q-sort<br />

d'attachement (Waters et Deane, 1985). Des analyses de régressions multiples seront<br />

effectuées pour répondre aux différentes hypothèses soulevées. Les résultats obtenus seront<br />

discutés en lien avec l'intervention clinique auprès de cette clientèle et des pistes de traitements<br />

seront suggérées.<br />

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Les justifications des agresseurs sexuels<br />

Yves Paradis, sexologue, Centre d'intervention en délinquance sexuelle (CIDS) Canada<br />

Présentation des résultats d'une étude qualitative réalisée auprès d'un échantillon de 30<br />

délinquants sexuels. Cette recherche menée au Centre d'intervention en délinquance sexuelle<br />

(CIDS) de Laval a été faite en partenariat avec le Département de sexologie de l'Université du<br />

Québec à Montréal. Son objectif est de mieux comprendre comment sont élaborées ces<br />

justifications cognitives. Elles nous donnent l'occasion de réfléchir à certaines des fonctions<br />

de ces justifications. Contrairement à d'autres études plus cliniques, cette recherche originale<br />

prend sa source dans le discours des agresseurs plutôt que dans la seule expérience clinique.<br />

Par sa méthodologie, elle propose une perspective inductive qui vise à faire émerger de<br />

nouvelles catégories de justifications ou à apporter un nouvel éclairage sur des catégories de<br />

justifications déjà répertoriées dans d'autres écrits. Cette recherche permettra ultimement de<br />

dégager de nouvelles pistes dans l'intervention auprès des délinquants sexuels négateurs ou<br />

minimisateurs.<br />

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Prix d'excellence "Jeunes chercheurs"<br />

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