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Les fossés défensifs en Gaule méditerranéenne protohistorique

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Alexandre Beylier, <strong>Les</strong> <strong>fossés</strong> <strong>déf<strong>en</strong>sifs</strong> <strong>en</strong> <strong>Gaule</strong> méditerrané<strong>en</strong>ne <strong>protohistorique</strong> (ixe-iie s. av. n. ère) : formes et fonctions<br />

ère d’un fossé dans le comblem<strong>en</strong>t duquel fur<strong>en</strong>t<br />

recueillis des boulets de baliste et diverses armes de<br />

jet (Ribot 1985).<br />

En guise de conclusion : quelques<br />

considérations générales<br />

Interv<strong>en</strong>ant dès le terme du Bronze final, période<br />

au cours de laquelle des habitats fortifiés émerg<strong>en</strong>t<br />

pour la première fois depuis les débuts du II e millénaire<br />

av. n. ère, la mise <strong>en</strong> œuvre de <strong>fossés</strong> dans<br />

les systèmes <strong>déf<strong>en</strong>sifs</strong> du midi de la France se vérifie<br />

durant toute la durée de l’âge du Fer. La très grande<br />

majorité de ces ouvrages se conc<strong>en</strong>tr<strong>en</strong>t néanmoins<br />

<strong>en</strong> Languedoc occid<strong>en</strong>tal, région dans laquelle ils<br />

apparaiss<strong>en</strong>t comme un élém<strong>en</strong>t caractéristique et<br />

primordial des fortifications, <strong>en</strong> particulier à la fin<br />

de l’âge du Bronze et au début de l’âge du Fer. Au<br />

Bronze final IIIb, tous les sites fortifiés rec<strong>en</strong>sés dans<br />

la vallée de l’Aude comport<strong>en</strong>t ainsi une <strong>en</strong>ceinte<br />

fossoyée (Carsac, Portal Vielh et très probablem<strong>en</strong>t<br />

déjà Le Traversant). Sur ces gisem<strong>en</strong>ts, correspondant<br />

par ailleurs tous à des établissem<strong>en</strong>ts majeurs<br />

de grande ampleur, les <strong>fossés</strong> sont les seuls vestiges<br />

conservés qui trahiss<strong>en</strong>t incontestablem<strong>en</strong>t l’exist<strong>en</strong>ce<br />

d’un dispositif de protection. Leur découverte revêt<br />

donc d’autant plus d’importance qu’elle permet plus<br />

largem<strong>en</strong>t de constater qu’à cette époque les habitats<br />

dotés d’une fortification n’étai<strong>en</strong>t nullem<strong>en</strong>t<br />

exceptionnels, du moins dans le bassin audois. <strong>Les</strong><br />

ouvrages fossoyés représ<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t égalem<strong>en</strong>t à l’ouest<br />

de l’Hérault un moy<strong>en</strong> de déf<strong>en</strong>se privilégié aux vi e<br />

et v e s. av. n. ère, lorsque se développ<strong>en</strong>t les oppida.<br />

Durant cette période, ils atteign<strong>en</strong>t parfois comme à<br />

Pech Maho des dim<strong>en</strong>sions remarquables, mais leur<br />

morphologie ne prés<strong>en</strong>te dans l’<strong>en</strong>semble que peu<br />

de différ<strong>en</strong>ces avec les structures plus anci<strong>en</strong>nes. À<br />

noter néanmoins — et cette évolution est flagrante<br />

à Carsac ainsi qu’à Mailhac — que des creusem<strong>en</strong>ts<br />

avec un profil <strong>en</strong> « V » font pour la première fois<br />

leur apparition. En Prov<strong>en</strong>ce et <strong>en</strong> Languedoc ori<strong>en</strong>tal,<br />

régions qui regroup<strong>en</strong>t à l’âge du Fer un nombre<br />

de fortifications beaucoup plus important que celui<br />

connu dans la partie ouest du midi de la France, les<br />

<strong>fossés</strong> apparaiss<strong>en</strong>t <strong>en</strong> revanche comme une option<br />

déf<strong>en</strong>sive très marginale.<br />

La nature des sols et l’accessibilité des matériaux<br />

a dû dans de nombreux cas influer sur le choix<br />

des moy<strong>en</strong>s de déf<strong>en</strong>se (Moret 1996: 128). Dans les<br />

plaines et vallées alluvionnaires bas-languedoci<strong>en</strong>nes,<br />

le creusem<strong>en</strong>t d’un fossé a pu ainsi très souv<strong>en</strong>t<br />

apparaître sur un plan matériel comme la solution<br />

la plus avantageuse, la terre extraite étant mise à<br />

profit pour l’érection des remparts. <strong>Les</strong> terrains plus<br />

rocailleux que l’on r<strong>en</strong>contre dans l’arrière-pays ont pu<br />

par contre décourager ce g<strong>en</strong>re d’<strong>en</strong>treprise et limiter<br />

les travaux de fortification à la simple construction<br />

de remparts <strong>en</strong> pierres.<br />

La prés<strong>en</strong>ce de <strong>fossés</strong> concern<strong>en</strong>t quoi qu’il <strong>en</strong><br />

soit aussi bi<strong>en</strong> les sites de plaine que les gisem<strong>en</strong>ts<br />

de hauteur. Leur tracé est à chaque fois adapté à<br />

la topographie spécifique des lieux et aux déf<strong>en</strong>ses<br />

naturelles év<strong>en</strong>tuellem<strong>en</strong>t offertes. Ces ouvrages peuv<strong>en</strong>t<br />

ainsi au besoin ceinturer complètem<strong>en</strong>t l’habitat<br />

Revista d’Arqueologia de Pon<strong>en</strong>t 21, 2011, 253-274, ISSN: 1131-883-X<br />

(Mont Joui, Carsac) ou bi<strong>en</strong> se cont<strong>en</strong>ter, comme cela<br />

arrive le plus fréquemm<strong>en</strong>t, de barrer les voies d’accès<br />

les plus vulnérables (Pech Maho, Le Traversant,<br />

<strong>Les</strong> Caisses, etc.). Mais leur rôle ne se réduit pas<br />

uniquem<strong>en</strong>t à former un accid<strong>en</strong>t de terrain malaisé<br />

à franchir ou bi<strong>en</strong> simplem<strong>en</strong>t à v<strong>en</strong>ir accroître la<br />

hauteur d’une muraille ou d’une palissade. À l’instar<br />

de ce que l’on observe à Pech Maho au second âge<br />

du Fer, ils balis<strong>en</strong>t et définiss<strong>en</strong>t <strong>en</strong> effet quelquefois<br />

les accès, de manière à canaliser les assaillants<br />

pot<strong>en</strong>tiels vers des points de passage précis et plus<br />

faciles à déf<strong>en</strong>dre. Loin de constituer une protection<br />

d’appoint, ils représ<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t au contraire dans ce type<br />

de configuration un élém<strong>en</strong>t fondam<strong>en</strong>tal du système<br />

fortifié et <strong>en</strong>treti<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t avec les remparts des li<strong>en</strong>s<br />

fonctionnels très étroits. Mais ils peuv<strong>en</strong>t égalem<strong>en</strong>t<br />

dans certains cas abriter des espaces autres que ceux<br />

protégés par la ligne de fortification principale du site,<br />

constituant <strong>en</strong> cela de véritables déf<strong>en</strong>ses avancées<br />

(voir par exemple le fossé méridional de Pech Maho,<br />

ceux du Traversant et du Cayla à Mailhac ou <strong>en</strong>core<br />

celui de Buffe Arnaud).<br />

Globalem<strong>en</strong>t, l’intégration de <strong>fossés</strong> dans les systèmes<br />

fortifiés élaborés sembl<strong>en</strong>t résulter de décisions<br />

foncièrem<strong>en</strong>t pratiques derrière lesquelles se devin<strong>en</strong>t<br />

de véritables préoccupations déf<strong>en</strong>sives. Étant exposés<br />

— du moins pour ceux qui sont creusés dans la terre<br />

— aux phénomènes de ravinem<strong>en</strong>t et de colluvionnem<strong>en</strong>t<br />

provoquant colmatage et dégradation des parois,<br />

leur <strong>en</strong>treti<strong>en</strong> est considérablem<strong>en</strong>t plus contraignant<br />

que ne peut l’être celui d’une muraille <strong>en</strong> pierres<br />

et nécessite de fait une gestion publique constante et<br />

régulière. <strong>Les</strong> efforts déployés pour leur édification et<br />

pour assurer leur bon fonctionnem<strong>en</strong>t sont toutefois<br />

comp<strong>en</strong>sés par la nette amélioration déf<strong>en</strong>sive que<br />

ces excavations pouvai<strong>en</strong>t apporter. La mise <strong>en</strong> place<br />

de <strong>fossés</strong>, parallèlem<strong>en</strong>t à une ou plusieurs autres<br />

lignes de déf<strong>en</strong>se, dénote donc manifestem<strong>en</strong>t une<br />

volonté de se mettre le plus efficacem<strong>en</strong>t possible<br />

à l’abri de dangers clairem<strong>en</strong>t id<strong>en</strong>tifiés. En Prov<strong>en</strong>ce,<br />

l’apparition des ouvrages fossoyés à l’extrême fin<br />

de l’âge du Fer est parfois interprétée <strong>en</strong> ce s<strong>en</strong>s comme<br />

une adaptation des fortifications aux progrès de la<br />

poliorcétique, ces structures pouvant <strong>en</strong> effet <strong>en</strong>traver<br />

le déplacem<strong>en</strong>t et la mise <strong>en</strong> place de matériel de<br />

guerre roulant (Fiches, Nin 1985: 46). Au premier âge<br />

du Fer, les dispositifs tels que celui de Pech Maho,<br />

empilant courtines et <strong>fossés</strong>, devai<strong>en</strong>t théoriquem<strong>en</strong>t<br />

donner aux sites concernés un caractère inexpugnable.<br />

À cette époque <strong>en</strong> effet, les moy<strong>en</strong>s d’attaque étai<strong>en</strong>t<br />

<strong>en</strong>core rudim<strong>en</strong>taires, 7 si bi<strong>en</strong> que les déf<strong>en</strong>seurs, à<br />

condition d’être suffisamm<strong>en</strong>t nombreux pour couvrir<br />

toute la longueur des remparts, possédai<strong>en</strong>t de par<br />

leur position un très net avantage sur les assaillants.<br />

De ce point de vue, l’emploi durant l’âge du Fer<br />

de <strong>fossés</strong> <strong>déf<strong>en</strong>sifs</strong> sur un certain nombre de sites du<br />

midi de la France laisse transparaître l’exist<strong>en</strong>ce de<br />

m<strong>en</strong>aces tangibles et de périodes d’insécurité. <strong>Les</strong><br />

destructions brutales, à la suite de faits de guerre<br />

7. <strong>Les</strong> machines de siège et les premières pièces d’artillerie<br />

ne se développ<strong>en</strong>t que vers le début du iv e s. av. n. ère dans<br />

le monde grec. Mais cet armem<strong>en</strong>t ne semble pas avoir été<br />

adopté et employé par les populations <strong>protohistorique</strong>s du sud<br />

de la France.<br />

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