? ~ nFC, 7.00l .

CHAPITRE 4: LES DIMENSIONS CACHÉES DU N.O.M.I.C
4.1
4.2
4.3
4.4
Introduction
Que cache le N.O.M.I.C?
Si le N.O.M.I.C devenait réalité,
quels en seraient les effets possibles
sur la scène internationale?
Conclusion partielle du chapitre 4
DEUXIEME PARTIE: LES PAYS DU CONSEIL DE L' ENTENTE
CHAPITRE
1.1
1.2
1. 2.1
1. 2.2
1.2.2.1
1.2.2.2
1. 2.3
1.2.3.1
1.2.3.2
1.2.3.2.1
1.2.3.2.2
1. 2.4
1.2.4.1
1.2.4.2
1: LES SITUATIONS GÉOGRAPHIQUE ET HUMAINE
Introduction : le regroupement régional
Le Conseil de l'Entente: un modèle
de regroupement régional
Les grands groupes ethno-linguistiques
Le contexte politique
Introduction: le cadre historique
De la nécessité de créer le Conseil de l'Entente
La politique économique dans le Conseil
de l'Entente
L'économie à l'époque de la Fédération et
au début des indépendances
Le développement rural dans les pays
du Conseil de l'Entente
Principaux produits vivriers par pays
Les cultures d'exportation
La situation socio-économique et culturelle
La situation socio-économique
L'approche socio-culturelle
CHAPITRE 2: LES MOYENS DE COMMUNICATION DANS LES ETATS
DU CONSEIL DE L'ENTENTE
2.1
2.2
2.2.1
2.2.2
2.2.2.1
2.2.2.1.1
2.2.2.1.2
2.2.2.1.3
2.2.2.1.4
2.2.2.1.5
2.2.3
2.2.3.1
2.2.3.2
2.2.3.3
2.2.3.4
2.2.3.5
Les moyens traditionnels d'information
Les moyens institutionnels de communication
Introduction
La radiodiffusion dans le Conseil de l'Entente
Fiches signalétiques des radios
Bénin
Burkina-Faso
Côte-d'Ivoire
Niger
Togo
La télévision dans le Conseil
de l'Entente
Bénin
Burkina-Faso
Côte-d'Ivoire
Niger
Togo
page
"
11
11
11
"
11
"
63
65
74
76
84
87
88
88
89
95
95
102
103
103
104
104
106
110
115
115
116
120
120
121
122
124
125
126
129
130
131
134
135

IV
TRDISIEME PARTIE: INDUSTRIALISATION DES MEDIAS AUDIOVISUELS: ENJEUX
OU FAUSSES INQUIETUDES DANS LE CONSEIL DE L'ENTENTE?
CHAPITRE 1: LES TRAITS SPÉCIFIQUES DE L'INDUSTRIALISATION
1.1
1.2
Généralité
Qu'entend-on par mondialisation de la culture
et de l'information?
CHAPITRE 2: RAPPORT ENTRE ETAT ET GROUPES FRANCAIS ET
PAYS DU CONSEIL DE L'ENTENTE
page 234
2.1 Introduction " 248
2.2 Outils et moyens de l'action audiovisuelle extérieure
de la France dans le Conseil de l'Entente " 250
2.2.1 Radio France Internationale (RFI) 250
2.2.2 La Sofirad et ses filiales 252
2.2.2.1 Canal France International " 253
2.2.2.2 RFO-AITV 254
2.2.3 Canal Horizon " 256
2.2.4 L'ingénierie: Télédiffusion de France " 260
2.2.5 La formation " 261
2.2.6 L'Agence France Presse (AFP) 262
2.2.7 La francophonie 262
2.2.8 La France face à la concurrence européenne 268
CHAPITRE3: L'INDUSTRIALISATION DES MÉDIAS DANS LE CONSEIL
DE L'ENTENTE
3.1
3.1.1
3.1.1.1
3.1.1.1.1
3.1.1.1.2
3.1.2
3.1.3
3.1.4
3.1.5
Analyse de la situation des médias
La télévision
La situation de la Côte-d'Ivoire
Equipement télévisuel en Côte-d'Ivoire en 1990
L'audience de la télévision ivoirienne
La radio
La presse
L'affichage
Le cinéma
CHAPITRE 4: LA PUBLICITÉ DANS LE CONSEIL DE L'ENTENTE
4.1
4.2
4.2.1
4.2.1.1
4.2.1.1.1
4.2.1.1.2
4.2.2
4.2.2.1
4.2.2.2
4.2.2.3
4.2.2.4
4.2.2.5
Introduction: qu'est-ce que la publicité?
L'organisation de la vente d'espaces publicitaires"
Les annonceurs présents à la télévision
Le comportement des annonceurs "
Les annonceurs nationaux
Les annonceurs étrangers
Durée et tarifs publicitaires dans le Conseil
de l'Entente
Bénin
Burkina-Faso
Niger
Côte-d'Ivoire
Togo
"
236
271
271
273
273
273
274
275
276
279
282
285
285
287
287
288
289
289
290
290
291
292

4.2.3
4.3
4.3.1
4.3.2
4.3.3
4.3.3.1
4.3.3.2
4.3.3.3
4.4
4.4.1
4.4.2
4.4.2.1
4.4.2.2
4.4.2.3
4.4.2.4
4.4.2.5
4.5
v
Le sponsoring dans les télévisions
du Conseil de l'Entente
La typologie des consommateurs
L'élite
Les traditionalistes
La génération des indépendances
Les enfants
Les adolescents
Les jeunes cadres dynamiques
Les spots publicitaires dans le Conseil
de l'Entente
Bref rappel de l'image du negro-africain
dans la publicité occidentale
Forme et contenu des spots publicitaires
Introduction
Spot de la bière Bock Solibra (45 secondes)
Spot de la Peugeot 205 (60 secondes)
Spot de la pâte dentifrice Signal (60 secondes)
Interprétation des spots et positionnement
métaphorique
Impact de la publicité dans les Etats
du Conseil de l'Entente
CHAPITRE 5: LE MARCHÉ DE L'AUDIOVISUEL
5.1
5.2
5.3
Introduction
Le marché propement dit de l'audiovisuel
Conclusion partielle: l'audiovisuel dans
les Etats du Conseil de l'Entente: enjeux
ou fausses inquiétudes?
QUATRIEME PARTIE: PROPOSITIONS
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
Introduction
La télévision: outil au service du développement
Coopération entre les pays du Conseil
de l'Entente
Enrayer l'information unilatérale et aliénante
Rapprocher les journalistes des centres
de décisions
La formation du personnel des médias
Démocratisation et liberté de l'information
Ethique et responsabilité du journaliste
Création d'un Conseil national des médias
Promotion de la coopération internationale
De la nécessité de changer les mentalités
des dirigeants
Conclusion partielle:A problèmes communs,
solutions communes
page 293
294
295
296
297
297
297
" 298
"
299
299
303
303
305
306
307
307
310
317
319
332
344
346
350
354
356
358
361
366
369
370
373
374

CONCLUSION GENERALE
BIBLIOGRAPHIE
Ouvrage et thèses
Articles, communications et études
ANNEXES
Annexe
Annexe
Annexe
Annexe
Annexe
Annexe
Annexe
1
2
VI
carte géographique du continent africain
carte géographique du Conseil de l'Entente Il
2.1 carte géographique du Bénin
2.2 carte géographique du Burkina-Faso
2.3 carte géographique de la Côte d'Ivoire
2.4 carte géographique du Niger
2.5 carte géographique du Togo
page 379
Annexe 3 programme officiel hebdomadaire de la
télévision du Bénin (avril 1990) Il 407
Annexe
Annexe
Annexe
Annexe
Annexe
Annexe
Annexe
3.1 programme officiel hebdomadaire de la
télévision du Burkina-Faso (février 1990)
3.2 programme de films diffusés à la télévision
du Burkina-Faso en février 1990
3.3 programme officiel hebdomadaire de la
télévision du Togo (avril 1990)
4
5
questionnaire soumis aux responsables des
médias
réponse au questionnaire: cas du Niger
5.1 réponse au questionnaire: cas du Togo
5.2 interview de monsieur Nignan, directeur de
Zama publicité, au quotidien Sidwaya (1990)
Annexe 6 Abidjan, auditeurs des stations étrangères
septembre 1985 418
Annexe
Annexe
Annexe
6.1 Abidjan, auditeurs fidèles d'Africa n.l
6.2 Abidjan, écoute régulière des stations
étrangères
6.3 Abidjan, écoute globale des stations
étrangères de radio
Il
Il
Il
Il
386
387
395
399
400
401
402
403
404
405
406
408
409
410
411
413
416
417
419
420
421
/

Annexe
Annexe
Annexe
Annexe
Annexe
Annexe
Annexe
Annexe
Annexe
Annexe
V11
6.4 taille de l'auditoire de RFI, 1991
6.5 Abidjan, écoute radio de la veille, 1991
6.6 Abidjan, écoute de la veille, 1991
6.7 Abidjan, audience de la dernière période,1991
6.8 audience de la veille radio/télévision
7
8
9
à Abidjan
"Le français de Moussa" en Côte d'Ivoire
liste des personnes rencontrées dans les
Etats du Conseil de l'Entente
liste des personnes rencontrées en France
10 Le réseau téléphonique pays par pays
Il résumé en anglais de la thèse
"
122
423
424
425
426
427
428
431
434
435

ACCT
ACP
AFP
AIP
AITV
AOF
AP
AVE
BBC
BCEAO
CAl
CEA
CEDEAO
CEE
CEPE
CESTI
CFI
CI
CIC
CIRTEF
CNUCED
CPAAPP
FAO
SIGLE
Agence de Coopération Culturelle et Technique
Afrique.Caraibe.Pacifique
Agence France Presse
Agence Ivoirienne de Presse
Agence Internationale de Télévision
Afrique Occidentale Francaise
Associated Press
Aménagement de la Vallée du Bandama
British Broadcasting Corporation
Banque centrale des Etats de l'Afrique de l'Ouest
Consortium Audiovisuel International
Commission Economique pour l'Afrique
Commission Economique des Etats de l'Afrique de
l'Ouest
Communauté Economique Européenne
Centre d'Echange et de Production du Conseil de
l'Entente
Centre d'Etudes des Sciences et Techniques de
l'Information
Canal France International
Côte-d'Ivoire
Communauté Internationale d'études des problèmes de la
communication
Conseil International des Radios-Télévisions
d'Expression francaise
Conférence des Nations-Unies pour le Commerce et le
Développement
Centre de Production des Actualités Audiovisuelles et
de Perfectionnement Permanent
Fédération de l'Afrique Occidentale Française

TASS
TDF
TV
UAPT
UDEAO
UIJPLF
UNESCO
UPAT
URTNA
USA
Agence de Presse de l'URSS
Télédiffusion de France
Télévision
Union Africaine des Postes et Télécommunications
Union Douanière des Etats de l'Afrique de l'Ouest
Union Internationale des Journalistes de Presse de
Langue Francaise
Organisation des Nations-Unies Pour l'Education, la
Science et la Culture
Union Panafricaine de Télécommunication
Union des Radios et Télévisions Nationales d'Afrique
United States of America

REMERCIEMENTS
JI ne conviendrait guère de commencer notre propos sans reconnaitre ail
prealable quelques unes des nombreuses deIles personnelles contractées à l'occasion de
celle thèse de doctorat. C'est à Monsieur Le Professeur Bernard M/EGE, President de
l'Université Stendhal de Grenoble 3, qlle nous souhaitons exprimer en premier lieu
notre profonde et respectueuse reconnaissance. Malgré ses nombreuses occupations, il
a dirige notre travail avec une extrême bienveillance. Ses remarques, ses conseils et sa
rigueur scientifique nous ont constamment guidé. Nous sommes heureux de pouvoir lui
témoigner notre gratitude.
NOlis remercions également Madame Yvonne MIGNOT-LEFEBVRE, sociologue 011 CNRS,
Professeur ci l'/EDES. Université de Paris J, dont la générosité intellectuelle et la
grande connaissance des questions Nord-Sud nous ont été d'une aide précieuse dans la
première partie de notre recherche.
Notre travail Il'0 pas manqué de se nourrir de nombreuses expériences de terrain. Qlle
tOIlS ceux qui de loin 011 de près, responsables politiques, diplomates, directeurs de
radio, de télévision ou d'agences de publicité, journalistes. professionnels des médias,
chercheurs en conununication etc... , aussi bien dans les pays du Conseil de l'Entente
qu'en Fronce, nous ont 011vert leurs portes, trouvent ici l'expression de notre
reconnaissance. NOliS n'oublions surtout pas les personnes rencontrées dans les villescapitales
et dons certains villages ail Bénin, Burkina-Faso, Côte-d'ivoire, Niger et Togo
qui bien aimoblement ont répondu à nos interrogations. Leurs situations nous ont aidé
à mieux comprendre le décalage entre les discours officiels et la réalité des 31-1 de la
population.
Que les enseignants, chercheurs et doctorants de l'UFR des sciences de la
connnuuication et du Grollpe de Recherche sur les Enjeux de la Communication
(GRESECj de l'Université Stendhal de Grenoble 3 , trouvent ici l'expression de nos
remerciements. Grâce ci 10 richesse de leur discernement, nous avons trouvé /1/1
environnement scientifique[avorable.

lous les membres de notre famille, nous disons 1111 grand merci car ce travail est
atout le résultat de leur soutien permanent et affectueux.
Enfin, nous remercions le lecteur pour l'attention qu'il voudra bien nous accorder. Si
Jean-Jacques ROUSSEA U lui-même s'estimait incapable de se faire comprendre sans
elle, que pourrions-nous espérer si elle vient à nous manquer?
Ce travail de recherche est un système: on peul donc y entrer par diverses portes, mais
qui en néglige une ne saurait vraiment lejuger.

INTRODUCTION GENERALE
Dans un contexte mondial dominé par les égoïsmes nationaux
et régi par la loi du marché, l'information et la
communication se soumettent obligatoirement aux décisions
du plus fort. Elles sont le reflet dt une situation où un
groupe dominant de nations riches et/ou de puissantes
entreprises transnationales modèlent, suivant leurs
intérêts, les aspects fondamentaux des relations
internationales.
L'essor mondial de la communication portée par les progrès
continus, de plus en plus accélérés, des techniques de
diffusion, pose aux individus et aux sociétés de nouveaux
problèmes complexes et difficiles.
La communication se répand, pénètre partout. Dans ces
circonstances, la tentation est bien davantage plus grande,
pour les pays industrialisés, d' inonder les ondes de leur
conception idéologique, grâce au volume de leurs capitaux
et sans oublier la puissance des moyens dont ils disposent.
Ils ne dominent plus les pays du Tiers -Monde uniquement
dans les domaines politique et technologique, mais aussi
sur le plan économique et culturel par leur mainmise sur
l'ensemble des systèmes de communication. La preuve, les
cinq plus grandes agences internationales, toutes situées
dans les pays riches, ont en effet un pouvoir immense sur
la circulation des nouvelles dans le monde: UPI (United
Press International) et Associated Press, aux Etats-Unis
d'Amérique, Reuter en Angleterre, AFP (Agence France
Presse) en France et l'agence TASS en ex- URSS.
Par ces cinq agences transitent 80% de l'information
mondiale. Les 20% restants proviennent de petites agences
nationales ou régionales dont les deux tiers ont des
installations peu performantes. Il en résulte donc un quasi
monopole des grandes agences qui rend la diffusion de

l'information très inégale,
lièrement déficitaire.
l'Afrique restant particu-
C'est pourquoi l'une des principales préoccupations de la
communauté mondiale a été, au cours de ces dix dernières
années, la recherche d'un Nouvel Ordre tant dans le domaine
de l'économie que de l'information et de la communication.
Les nombreuses conférences à l'Unesco, les rencontres des
responsables politiques chargés de l'information, d'experts
en la matière, de chercheurs et de journalistes prouvent
que tout le monde reconnaît la nécessité de certaines
réformes non seulement au niveau international mais
également au niveau national.
Cette prise de conscience montre que le système actuel qui
régit les relations Nord-Sud ne parvient pas à servir
l'intérêt général de la planète prise dans son ensemble; et
que c'est seulement en instaurant un Nouvel Ordre que l'on
parviendra à pallier les injustices et établir les bases
d'un monde plus juste et plus pacifique.
Sans doute, les pays représentés dans ces conférences
internationales étaient -ils trop disparates à tous points
de vue: géographique, démographique, social, économique,
politique et culturel, pour que l'on pût espérer un bilan
et un programme précis.
Dix ans après(1980-1990), personne n'a encore vérifié ce
que le Nouvel Ordre a apporté aux différentes nations que
déj à survient un autre probLèrne concernant
l'industrialisation de l'audiovisuel.
Dans le cadre de nos recherches, les contours de ce que
nous appelons la nouvelle situation audiovisuelle africaine
se dessinent. Si l'enjeu politique de l'information n'est
pas identique partout dans le monde, la concurrence
économique se révèle être le facteur le plus déterminant

dans la guerre que se livrent les grands groupes pour le
contrôle de l'information devenue un marché rentable pour
leur diversification financière.
En Afrique, là où règne une pénurie d r images, les divers
projets de chaînes cryptées, en attendant le câble, ont
déjà pris des initiatives, qu'ils s'appellent Canal Plus­
Afrique, 2M ou Canal France,etc. Cependant, pour les
africains, la part du rêve se rédui t lorsqu 1 on songe aux
intérêts en jeu. Aujourd'hui, la concrétisation d'un Nouvel
Ordre International et National apparaît encore corrune un
projet à peine ébauché et dont la réussite demande la
convergence de multiples efforts dont on n'est d'ailleurs
pas entièrement assuré.
Ce n'est pas seulement la réduction des prograrrunes importés
ou leur suppression totale, ni encore moins la mise en
pratique des théories de développement, qui s'avère ici
difficile. Ce qui est en jeu, défiant toute réalité, c'est
la compréhension et la maîtrise des médias, quand on sait
pertinemment que le domaine de la communication se trouve
de nos jours en synilliose avec les formes diffuses de
l'idéologie, aux prises avec les démêlés de la politique et
sous la dépendance des influences et turbulences
économiques.
Quels sont par conséquent la place et l'intérêt d'une étude
comme la nôtre dans le flux de l'information et de la
comrnun i. cat ion?
Depuis quelques années, nous nous intéressons aux moyens de
communication dans les pays du Conseil de l'Entente, aussi
bien traditionnels que médiatisés, dans le processus de
développement.
Les propos rassenilllés dans ce travail
affectivement, ni idéologiquement neutres.
des prises de position sur de nonillreux
ne sont ni
Ils impliquent
points et ne

PROBLEMA TIQUE
7
Dans une première partie, nous allons d'abord examiner
comment le déséquilibre qui affecte l'information et la
communication mondiales se manifeste dans les échanges
Nord-Sud. On comprendra alors pourquoi et comment le
N.O.M.I.C. est devenu petit à petit un objet de critique,
une guerre idéologique, alors qu'au départ tout le monde
s'accordait à célébrer ses bienfaits et à souhaiter qu'il
puisse se réaliser dans l'intérêt de tous les peuples.
Mais l'axe Nord-Sud n'est cependant pas le seul lien de ce
déséquilibre, qui se manifeste également entre les pays du
Tiers-Monde et à l'intérieur de chacun d'eux. Cette
situation va nous conduire vers le deuxième chapitre où
sera précisément étudié le déséquilibre Sud-Sud.
Et le troisième chapitre de cette première partie étant
consacré à la quête d'un Nouvel Ordre Mondial de
l'Information et de la Communication, un bref rappel
historique pourra y apporter, semble-t-il, un éclairage
objectif, avant d'en aborder les dimensions cachées.
La deuxième partie de cette étude concerne les cinq pays du
Conseil de l'Entente. Nous y situerons les médias dans leur
environnement socio-politique, avec quelques exemples pris
dans tel ou tel Etat pour les besoins de la démonstration.
Pour mieux saisir la problématique, quant au choix du
Conseil de l'Entente, il nous semble nécessaire de noter
les raisons qui sont à l'origine de la création de cette
organisation sous-régionale. La pauvreté étant la caracté­
ristique essentielle et le sous-développement le dénomi­
nateur commun aux cinq pays, la question principale que
nous dégageons est la suivante:
Quels sont la place et le rôle des médias dans le processus
de développement?

Ceci nous amène à comprendre que les contingences d'un pays
sous-développé, inconnues dans un pays riche, pèsent
nécessairement sur la conception et l'organisation du
réseau d'information.
Alors que
population
relativement
du Conseil
disparités.
les pays industrialisés connaissent une
homogène et un niveau de développement
uniforme, la structure sociale dans les pays
de l'Entente reste marquée par de grandes
Dans ces pays, la population est analphabète à 80% et
réside en zone rurale, tandis que dans les capitales se
côtoient l' él i te aux revenus élevés, les couches moyennes,
les ouvriers et les victimes de l'exode rural. Les écarts
de niveau de
partie de
quotidiennes
logement, la
enfants.
vie restent important s et,
la population, les vraies
demeurent avant tout: la
santé et, si possible, la
pour la grande
préoccupations
nourri t ure, le
scolarisation des
Dans cet ordre d'idées, quelle a été la signification du
N.O.M.I.C. dans ces pays?
Ce premier aspect de la question va nous permettre
d'évaluer les progrès déjà réalisés, mais aussi de déceler
et de dénoncer les lacunes et les carences concernant les
médias et leur fonctionnement. Par ailleurs, nous
vérifierons les grandes croisades lancées par les
gouvernements pour l'autosuffisance alimentaire, l'hygiène,
la lutte contre la faim etc, afin de nous rendre compte si
les médias ont effectivement joué leur rôle d' outils de
développement ou s'ils sont des miroirs déformants.
Le second élément de la réflexion portera sur le
comportement des responsables des pays du Conseil de
l'Entente face aux suggestions et aux conclusions de
l'Unesco, dix ans après.
Nous nous permettrons une remarque pour signaler que le

apport de l'Unesco établi sous la direction de l'irlandais
Sean MacBride 1 sur le Nouvel Ordre Mondial de l'Information
et de la Corrununication es t très intéressant, mais trop
théorique, qu'il ne peut s' intéresser aux spécificités de
chaque pays et de ce fait ne peut les impliquer
concrètement.
Autrement dit, notre démarche s'éloigne des théories
globales et dépasse la vision généralisante pour ne prendre
en considération que les réalités propres des pays que nous
étudions, c'est à dire la situation des paysans, la lutte
contre la mortalité infantile et, comme nous l'avons déj à
avancé, contre la faim et l'analphabétisme, etc. Nous nous
intéressons également, dans cette partie, aux déséquilibres
qui sont le prolongement et les conséquences du
déséquil ibre Nord -Sud et à ceux inhérents aux conditions
socio-économiques, démographiques et politiques au niveau
endogène.
Par exemple, l'Unesco recommande à chaque pays de produire,
au moins pour une tranche de cent habitants: dix
exemplaires de quotidien, cinq postes de radio, deux places
de cinéma, deux postes de télévision.
Quel est le sens d'une telle recommandation dans des pays
qui font partie des plus pauvres de la planète?
Certaines des suggestions de la commission Sean MacBride
méritent d'être prises en considération, à savoir:
- L'identité culturelle doit être sauvegardée. Les pays en
voie de développement doivent être solidaires pour les
échanges des programmes. Ils doivent aussi encourager la
production nationale.
- La communication doit bénéficier d'un financement adéquat
dans tout projet de développement en tant que composante
intégrée à chacun d'eux: santé, agriculture, éducation,
1 Sean MacBride, ancien Ministre Irlandais des Affaires Etrangères,
Prix Nobel de la Paix et Prix Lénine. Décédé depuis quelques
années.

1J
perspective socio-politique dans laquelle on entend se
situer, se trouvent placés devant les mêmes alternatives et
sont sollicités par les mêmes choix que la réalité elle­
même leur impose.
Comme on peut le constater, la problématique de la place
des pays pauvres dans le contexte mondial de l'audiovisuel
est complexe, parce que les enjeux qu'ils suscitent
méritent de sérieuses réflexions pour essayer de repenser
les médias dans ces pays, si l'on veut éviter que
l'industrialisation ne crée de nouveaux problèmes, de
nouvelles dépendances. Elle est vaste, aussi, car bien que
ces pays aient des problèmes analogues il existe
quelquefois entre eux des réal i tés socio- économiques
différentes. Il ne S'agit pas de différence de nature, mais
de degré. Par exemple, le degré de pauvreté ou de sous­
développement en Côte d'Ivoire n'est pas le même qu'au
Bénin et/ou au Burkina-Faso.
Inutile de préciser, eu égard aux limites que nous nous
sommes imposées, que nous ne pouvons nous intéresser qu'à
deux médias audiovisuels (radio et télévision) dans les
cinq pays africains qui font l'objet de notre travail. De
plus, vu l'ampleur et la complexité du sujet, nous avons
écarté toute volonté de nous livrer à des analyses d'ordre
juridique ou politique détaillées.
METHODOLOG1E
Les radios existent en Afrique de l'Ouest francophone
depuis au moins une cinquantaine d'années. Quant à la
télévision, elle a vu le jour au lendemain des
indépendances, en août 1963 pour la Côte d'Ivoire, et dans
les années soixante-dix pour les autres pays du Conseil de
l'Entente: Bénin, Burkina-Faso, Niger et Togo.

J2
Ces médias audiovisuels, plus particulièrement la
télévision, sont jeunes dans l'espace francophone de
l'Afrique. C'est à dire qu 1 il n'existe pas encore
véritablement d'ouvrages de base et de recherche les
concernant ni, à fortiori, de critiques à caractère
scientif ique. Certes, sur ce sujet 1 quelques ouvrages ont
été écrits, et de nombreux articles de presse publiés, mais
ils sont trop globalisants pour parler des spécificités de
chaque pays, souvent partisans et parfois polémiques. Donc,
même s'ils reposent. dans certains cas, sur des enquêtes
sérieuses et honnêtes et se veulent objectifs, ces articles
ne peuvent prétendre à l'analyse et à la synthèse
exhaustives, conditions indispensables dl une démonstration
rigoureuse.
D' ailleurs, dans les pays du Conseil de l'Entente, les
journalistes sont tous des fonctionnaires du Ministère de
l'Information et de la Communication. C'est à dire, qu'ils
n'écrivent ou ne relatent les événements que dans le sens
du parti gouvernemental au pouvoir, dont ils sont
obligatoirement membres.
Nous ne voulons pas ignorer l'apport de la presse. Au
contraire, les travaux scientifiques étant inexistants,
cette étude sera basée sur une triple approche.
D' abord, un voyage d'observation sur le terrain dans les
pays concernés a permis de rencontrer toutes les couches
socio-professionnelles: responsables politiques, admini­
stratifs, journalistes, publics, etc.
Ce travail s'est fait à partir d'interviews de type semi­
directif qui ont permis d'obtenir les informations qui font
défaut. puisque l'objectif fondamental d'une recherche est
d'apporter des informations dans un domaine inexploré.
l'interview est, donc considérée, dans une large mesure,
comme génératrice de renseignements formels et informels.

1-1
C'est par sa contribution au processus industriel que ces
pays parviendront à maîtriser leur réseau et à réduire les
inégalités Nord-Sud. Il faut donc créer des marchés tout en
évitant qu'ils soient envahis par les produits occidentaux.
Notre étude vise à attirer l'attention sur les aspects
spécifiques des médias audiovisuels dans les pays du
Conseil de l'Entente. Et, par-delà nos observations et nos
recherches, elle s'interroge sur les moyens possibles pour
des solutions réalistes et adaptées à la situation des pays
de la sous-région ouest africaine francophone.
Puisse cette thèse susciter l'intérêt des chercheurs, des
professionnels des médias, des politiques africains sur
cette délicate question!

15
PREA1IERE PARTIE
BREF APERÇU DU DESEQUILIBRE
DE LA COA1A1UNICA TIO!V MONDIALE

J()
CHAPITRE 1
LE DESEQUILIBRE NORD-SUD
DES 1\'1 0 YEN S D ECO ]\1 ]\1 UNI C A T ION

1.1 INTRODUCTION
17
Le flux de la corrmuni cat i on dans le monde se caractérise
par une grande disparité des possibilités des moyens au
niveau de l'infrastructure. Les pays du Tiers-Monde dans
l'ensemble, faute de moyens financiers, se situent en
dessous du seuil minimal proposé par l'Unesco et sont ainsi
les parents pauvres en matière d'information et de corrunu­
nication.
Dans ce chapitre, nous aborderons le déséquilibre qui
affecte les rapports Nord-Sud, sous son double aspect
quantitatif et qualitatif. Il faut cependant noter que les
données quantitatives dont nous disposons sont assez
multiples et disparates quant à leur source et leur
fiabilité, mais elles dessinent de façon assez suggestive
les contours de la structure mondiale du flux de
l'information et des moyens de corrununication.

1.2. LES ASPECTS QUANTITATIFS
] .2. ] LA RADIODIFFUSION
CONTINENTS, GRANDES REGIONS
ET GROUPE DE PAYS
18
Nombre de récepteurs de radio pour 1000 habitants
Total mondial
Afrique
Amériques
Asie
Europe (URSS comprise)
Océanie
Pays industrialisés
Pays en développement
Afrique (sauf Etats arabes)
Asie (sauf Etats arabes)
Etats arabes
Amérique du Nord
Amérique latine et Caraïbes
1965
pour mille
habitants
170
32
617
28
272
171
486
32
26
27
56
1173
137
1975
pour mille
habitants
255
69
903
60
478
619
762
66
56
58
121
1797
251
1986
pour mille
habitants
362
164
984
164
676
1000
988
160
142
162
247
1992
327
Tableau N°l - Source: Rapport sur la communication dans le monde,
Unesco, Paris 1990, p.180
Les données numériques de ce tableau nous indiquent que la
proportion des récepteurs de radio pour l'année 1986 est
six fois supérieure dans les pays industrialisés que dans
le reste du monde ces dernières années.
Quant aux émetteurs, l'Annuaire statistique de l'Unesco en
signale sur l'ensemble de la planète 28 000 dont 27% dans
les pays en développement et 73% dans les pays riches
occidentaux. Les 3/4 des postes émetteurs sont ainsi
concentrés chez les riches. Ce déséquilibre est encore plus
significatif si l'on ajoute la puissance technique des
émetteurs et le nombre d' heures d' émissions que les pays
développés diffusent à travers le monde.

].2.2 LA TELEVISION
19
Tableau N°2: Nombre de récepteurs de télévision pour 1000 habitants
CONTINENTS / GRANDES REGIONS 1965 1970 1975 1979 1986
ET GROUPE DE PAYS
Total mondial 72 96 122 139 158
Pays développés 166 227 298 353 450
pays du Tiers Monde 7,3 13 21 29 54
Tableau N°2 - Source: Rapport sur la communication, o.p., cit., p.180.
Le tableau ci - dessus nous indique les données numériques
concernant le nombre de récepteurs de télévision pour 1000
personnes et nous interpelle également sur l'ampleur des
écarts. Le taux dans les pays développés est environ trois
fois supérieur au total mondial et huit fois plus élevé que
dans les pays pauvres.
Le nonmre d'émetteurs de télévision dans le monde, de nos
jours, est à peu près de 32 900 dont 95%" sont concentrés
dans les pays riches et 5% dans le Tiers-Monde. Les
disparités entre pays développés et pays sous-développés en
matière d'émetteurs de télévision sont quantitativement
plus frappantes que pour la radio.

disparité dans ce domaine augmente plutôt qU'elle ne
parce que chaque nouveau pas de la technique en
l'avantage d'un petit nombre de peys ") .
1.2.3 LA PRESSE ECRITE
On peut relever ici que les inégalités sont
criantes que pour les récepteurs de radio,
rapport en ce domaine entre pays riches et pays
de l'ordre de un à dix. Il est même, entre les
21
diminue,
accentue
De nos jours, les pays développés possèdent à eux seuls
plus de la moitié des titres de journaux qui existent dans
le monde, le reste dans l'ensemble du Tiers-Monde.
Il Dans les pays riches, pour 1000 habitants on compte 330 quotidiens
contre 35 pour 1000 dans les pays peuvx es ,»? •
encore plus
puisque le
pauvres est
pays riches
et la région la plus pauvre de la planète de ce point de
vue (l' Afrique) , de un à trente cinq environ. Un autre
exemple crucial, celui de l'Inde qui, avec 385 titres,
occupe le 3ème rang mondial pour le nombre de journaux.
En matière de livres, l'énorme fossé qui sépare les pays
riches de ceux du Tiers-Monde peut certes s'expliquer par
l'absence de richesses chez les derniers puisque la
capacité d'investissement est un élément important et
indispensable. Il y a encore d'autres explications: la
différence des taux d'accroissement d'une part et, d'autre
part, le nombre très élevé d'analphabètes dans les pays
sous-développés, si bien que les livres ne sont utilisés
que dans les écoles et par 20% de la population des grandes
capitales. Pour l'Afrique, le caractère essentiellement
oral de la culture est l'une des raisons du retard en ce
domaine.
2 Office des et.e z i st i quee de l'Unesco, No 4, mai 1989, p.7.

124 LES AGENCES DE PRESSE
Cinq grandes agences internationales, toutes situées dans
les pays développés, ont un pouvoir considérable sur la
diffusion des nouvelles dans le monde: Associated Press et
United Press International aux Etats-Unis d'Amérique,
Agence France Presse, Reuter en Angleterre et Tass en ex
Union Soviétique. Le monde entier est dépendant de ces cinq
agences qui transmettent quotidiennement plus de 35
millions de mots servant de référence pour l'ensemble des
médias. Elles jouent un rôle particulièrement important sur
la scène internationale, du fait de l'ampleur et du
perfectionnement technique de leurs systèmes de collecte et
de distribution de l'information dans plusieurs langues.
Chacune de ces agences entretient des bureaux dans plus de
cent pays et emploie des milliers d'agents à temps plein ou
de correspondants à temps partiel. Elles collectent des
centaines de milliers de mots par jour et, si l'on y inclut
la distribution nationale, en émettent des millions.
Chacune transmet des nouvelles vingt quatre heures sur
vingt quatre à des n1illiers de clients: agences nationales,
journaux, abonnés, organismes de radio et de télévision
dans plus de cent pays. Toutes ont des services réguliers,
en général quotidiens, en allemand, anglais, arabe,
espagnol, français, portugais et russe. Certaines
fournissent également des services dans d'autres langues.
Quant aux agences d' information audiovisuelle: Transworld
International, B.B.C., Paramount, visnews, C.B.S. News,
A.B.C. News, CNN etc, elles se sont adaptées à
l'utilisation des bandes vidéo et aux satellites, se
taillant ainsi la part du lion. Elles sont les principales
sources des télévisions dans le monde et fournissent au
Tiers-Monde presque la totalité des nouvelles.
1· '.

2')
1.3 L'INTERPRETATION QUALlTATIVE Dl] DESEQUILlBRE NORD-SUD
DE L'INFORMATION ET DE LA COMMUNICATION
Les aspects quantitatifs ont démontré que la communication
médiatisée n' est plus la prérogative exclusive des pays
riches. Etendus, de nos jours, à tous les pays, bien qu'à
des degrés divers, les médias sont dans le Tiers-Monde
aussi bien dans les grandes villes que dans les zones
rurales. La radio notamment est devenue un instrument
familier chez les paysans.
Cette expansion est encore beaucoup plus considérable dans
les pays industrialisés dont les médias ont, sur les pays
pauvres, une influence grandissante.
Et ce phénomène suscite diverses transformations sociales,
au sens le plus large du terme, qui restent encore à
recenser et à évaluer pleinement.
Pour mieux comprendre, donc, la portée des données
quantitatives qui illustrent les déséquilibres observés, il
faut en dégager une analyse qualitative, seule démarche
indispensable pour traduire ces disparités dans leur
signification réelle. Nous utiliserons ici la radio et la
télévision qui sont les deux médias de référence de notre
sujet de recherche.
La radio est le moyen de communication de masse le plus
populaire et le plus répandu. Il n'est pas surprenant,
comme nous l'avons déj à mentionné 1 de rencontrer dans un
village africain ou d'ailleurs, un vieux paysan possédant
un poste de radio. Une forte progression de ce média dans
les pays en voie de développement est nette. Selon les
estimations de l'Unesco, de l'année 1990, "il yaplusd'un
milliard de récepteurs de radio à travers le monde, c'est à dire un
récepteur en moyenne pour quatre personnes". Cela s'explique par
le fait que le prix d'acquisition d'un transistor reste
relativement accessible à toutes les couches sociales et

2()
son mode d'utilisation ne pose aucune difficulté aux
analphabètes, tant son maniement est facile. De plus, sur
le plan de la technique, la réalisation d'émissions
radiophoniques est relativement moins compliquée, peu
onéreuse et son entretien n'est pas aussi coûteux que celui
de la télévision. Cette facilité a permis, d'autre part, la
création de radios rurales dont les émissions, dans
certains pays du Tiers-Monde, sont entièrement réalisées et
animées par des groupes de paysans analphabètes qui, après
quelques j ours de formation, deviennent opérationnels. En
France, on a vu dès 1980 des radios libres se créer dans
des caves de grandes villes par des groupes de jeunes non
professionnels, pour la plupart, au départ de l'initiative.
C'est pourquoi la radio reste le seul moyen de
communication répandu et populaire dans le monde. Et dans
les pays en développement, elle subit relativement moins la
dépendance des pays occidentaux en matière de programmes.
Quant à la télévision, personne auj ourd ' hui ne peut nier
son extraordinaire développement au cours des trois
dernières décennies. Cependant, le déséquilibre entre
riches et pauvres est considérable au regard du tableau N°2
(voir page 19) qui indique 450 récepteurs de télévision
pour 1000 habitants chez les premiers contre 54 pour 1000
dans le Tiers-Monde.
La disparité se manifeste également en matière
d'équipements, de moyens financiers, de cadres compétents
et de programmes. En effet, les programmes exportés ne sont
jamais ni idéologiquement ni économiquement neutres. Il
existe de nombreux travaux au sujet de l'idéologie latente
et des effets qu'elle est susceptible d'induire au niveau
des populations réceptrices, car tout produit est porteur
de messages et de modèles de société des pays qui
l'exportent.
Cette vocation mondiale tend à une certaine homogénéisation
de la culture, à la lente destruction de celle des pays en

28
CHAPITRE Il
BREF RAPPEL DU FLUX SUD-SUD
DEL' 1 N FOR 1\1 A T ION E T DEL A
C 0 1\1 1\1 UNI C A T ION

2.1 INTRODUCTION
Les faits et chiffres qui traduisent le grand déséquilibre
mondial en matière de l'information et de la communication
sont bien connus: 20% de la population mondiale
de la majorité des ressources et de revenus, et
médias leur domaine exclusif de domination sur
pauvres.
disposent
font des
les pays
Le déséquilibre de la communication et de l'information se
manifeste dans la plupart des cas sur l'axe Nord-Sud; il ne
faut pas pour autant perdre de vue que ce processus
recouvre, en effet, de nombreuses disparités aussi bien
entre pays en développement qu'à l'intérieur même de chacun
d'eux. Par exemple, le degré de pauvreté et/ou de
développement de l'Amérique Latine est différent de celui
des pays africains. Notamment en Afrique noire, on compte
d'énormes disparités entre urbains et ruraux, entre
majorités et minorités linguistiques ou tribales. Et tout
comme le déséquilibre Nord-Sud, celui observé sur l'axe
Sud-Sud est à la fois quantitatif et qualitatif.

2.2.2.2
Tableau N°5-2:Nombre de récepteurs de télévision pour 1000 habitants
32
NOMBRE DE NOMBRE DE
REGIONS POPULATION RECEPTEURS TV RECEPTEURS
POUR 1000
HABITANTS
Total mondial 4.415.000.000 527.000.000 152
Afrique (sauf les 365.000.000 3.700.000 10
Etats arabes)
Asie (sauf les 2.576.000.000 95.000.000 37
Etats arabes)
Etats arabes 169.000.000 9.500.000 56
Europe (avec 753.000.000 233.000.000 309
l'URSS)
Amérique du Nord 254.000.000 157.000.000 618
Amérique Latine 368.000.000 41.000.000 111
Océanie 23.000.000 6.700.000 291
Tableau N°S-2. Source: Lé! circulation internationale des émissions de
télévision, Unesco, O.p., cit. p. 12.
Les écarts entre pays sous-développés en matière de
télévision sont également considérables puisque l'Amérique
Latine devance de loin l'Afrique et l'Asie. L'urbanisation
très accélérée et répandue en Amérique Latine favorise
certainement l'utilisation de la télévision, alors que dans
la plupart des pays africains, ce média n'atteint pas
encore les zones rurales qui représentent 80% de la
population.Le coût de l'acquisition et de l'entretien,
l'absence d' électricité dans les villages africains sont
autant de facteurs qui peuvent expliquer le retard du
continent noir sur l'Amérique Latine et l'Asie.
.1.
'T

35
des appels va vers la Grande-Bretagne.
Au-delà de ces exemples se profile une faiblesse
structurelle des télécommunications des pays du Tiers­
Monde. Contrairement aux pays développés, dont la part du
trafic international dans les recettes est de l'ordre de 3
à 10%, ceux du Tiers -Monde, notamment les pays africains,
voient le trafic international générer 70 à 80% de leurs
recettes globales. Le problème essentiel qui se pose à ce
niveau concerne les risques que le "retournement du
trafic" fait courir aux télécommunications des pays en
développement. Cette situation est la conséquence d'un fait
simple: les pays développés baissent leur trafic
international et incitent les abonnés du Tiers-Monde, où
les communications coûtent plus cher du fait de leur réseau
appliqué à un nombre d'abonnés réduit, à se faire appeler
de l'étranger au lieu de téléphoner eux-mêmes.
La conséquence en est un manque à gagner énorme qui,
longue, peut contribuer à faire disparaître les
communications des pays pauvres.
à la
télé-
L'exemple du Sénégal, en Afrique noire francophone, mérite
qu'on s'y arrête. Dans ce pays on a introduit des
modulations horaires des trafics internationaux,
constituant ainsi une riposte pour éviter "une fuite de
capitaux déguisée". Mais ce n'est pas la seule parade:
l'accroissement du nombre d'abonnés va permettre de baisser
le coût par abonné, donc de réduire les tarifs. Au Sénégal,
le délai d'installation d'une ligne téléphonique est passée
de deux ans à 15 j ours et, chaque mois, il y a mille
nouveaux abonnés. Ailleurs, en Côte-d'Ivoire, il faut au
moins un an, sinon plus, pour obtenir une ligne dont
l'installation est très chère, ce qui n'encourage personne
à solliciter ce moyen de communication.

]7
possible de fournir des matériaux imprimés, en dépit des
efforts de l'Etat ivoirien.
La radio et la télévision reflètent des inégalités
analogues. Ce sont deux médias audiovisuels d'une
importance considérable pour les pays en développement.
Malheureusement il n'y a pas d'échange de programmes entre
latino-américains et africains, ni même avec l'Asie, car la
multiplicité des langues utilisées rend difficile toute
coopération entre les pays sous-développés.
Enfin, à l'intérieur de chacun d'eux, comme nous l'avons
déjà indiqué, la possession d'un récepteur de radio et/ou
de télévision est le signe de l'appartenance à une classe
sociale aisée. Mais les téléspectateurs sont fréquemment
défavorisés sur le plan culturel parce que le contenu des
programmes télévisuels diffusés leur est souvent étranger,
80% de ceux-ci étant importés.
Malgré, dans la plupart des pays du Tiers-Monde, des
efforts de developpement qui se traduisent, en matière de
médias, par un taux de croissance bien supérieur à celui
des pays industrialisés occidentaux ces dernières années,
ceux-ci, grâce à leur niveau très élevé, conservent
toujours une position prédominante.
Un autre point sur lequel nous insistons, c'est le manque
d'informations entre les pays du Tiers-Monde et l'absence
d'échange de programmes entre eux. Ces lacunes absolument
criantes sont liées à l'héritage colonial, donc aux
structures techniques des télécommunications. Mais il faut
aussi indiquer que ce manque de communication entre eux est
dû à une volonté politique de bien des gouvernements qui
sont assez inquiets de voir diffusées à l'intérieur de
leurs propres frontières des informations provenant des
voisins, à cause des contentieux qui existent entre de
nombreux pays. Contentieux de nature historique, mais aussi
politique. Chacun a peur de l'effet de contagion de telle

ou telle expérience voisine. Ainsi, en Afrique noire,
l'exemple de la démocratie au Sénégal dérange les pays
voisins qui craignent une contagion de cette nouvelle
pratique de la vie politique.
Les deux premiers chapitres ont démontré qu 1 il
matière d'information et de communication
existe en
de graves
disparités entre les pays dêvei oppê s et ceux en voie de
développement. Les systèmes de médias habituellement en
place sur le plan international instaurent et perpétuent un
rapport fondé sur l'inégalité. Sur le plan national,
notamment dans le Tiers-Monde, ils créent une
différenciation de plus en plus profonde parmi les
différentes couches de la population.
C'est pourquoi l'une des préoccupations sur la scène
internationale a été, ces dernières années, la quête d'un
Nouvel Ordre National pour réduire également les inégalités
au niveau endogène.

CHAPITRE III
L E FOR lJ 1\1 MON DIA LOU
LE N.O.M.J.C. PROPRE1\1ENT DIT

3.1 lNTRODUCTION
40
Dans le courant des années soixante, l'Unesco demande un
effort de solidarité internationale pour donner à tous les
pays l'occasion et les moyens de participer effectivement à
l'information. Une certaine coopération entre agences voit
le jour sur les divers continents. C'est ainsi qu'au sommet
des pays non alignés d'Alger en 1973 naît l'idée d'un
service d'échange d'informations. Ce pool d'agences de
presse des P.V.D est officiellement fondé en 1976: quarante
agences des quatre continents, avec les faibles moyens dont
elles disposent, envoient leurs articles au centre de
redistribution du pool qui traduit et transmet les textes à
ses clients sans les retoucher. Par cette initiative, les
P.V.D ne prétendent pas évidemment concurrencer les grandes
agences des pays industrialisés qui détiennent le quasi
monopole de la collecte et de la diffusion de
l'information, mais simplement assurer un minimum de
communication sur l'axe Sud-Sud et, si possible, donner aux
pays riches une image dieux qui soit plus conforme à la
réalité. Il s'agit d'un véritable processus de
décolonisation, car les systèmes de communication des pays
pauvres sont encore des systèmes de dépendance, quand on
sait qu r i Ls consomment une information fournie à 90% par
les pays industrialisés, ceux- ci leur imposant,
consciemment ou non, un système de valeurs et de
comportements étrangers à leur mode de penser et d'être.
C'est bien un N.O.M.I.C que les pays pauvres revendiquent.
Il ne s'agit plus seulement d'augmenter le volume de
l'information qu'on leur envoie au nom d'une "1 iberté" de
communication que l'occident chérit parce qu'elle lui
permet de vendre sa marchandise. Il s'agit plutôt de
consentir aux P.V.D. la possibilité de produire et de
diffuser une information puisée à la source même des pays
auxquels elle se rapporte et d' équilibrer ainsi, quelque
peu, le flux de l'information internationale.
Dans cet ordre d'idées le N.O.M.I.C. signifie un changement

41
des structures, la nécessité de développer les moyens
d'information des P.V.D. et, surtout, d'établir une
circulation d'information plus rationnelle et mieux
équilibrée. C' est aussi un objectif parallèle aussi
important que le N.O.E.I. pour la décolonisation et le
progrès. Dans ce domaine, la lutte essentielle vise au
développement des pays pauvres, à leur décolonisation et à
la paix entre toutes les Nations. Ce but particulier était
dirigé depuis le début contre les centres transnationaux
qui ont imposé depuis toujours leurs règles du jeu dans le
domaine des médias. On comprend dès lors pourquoi le
N.O.M.I.C. est historiquement apparu comme un instrument de
combat opposé à ce contexte subtil de domination néo­
coloniale et idéologique.
3.2 LES PRINCIPES DU N.O.M.I.C.
Il convient de savoir que la définition des principes
régissant le N.O.M.I.C. a connu de nombreuses péripéties;
la plus importante fut, vraisemblablement, la XXIe
Conférence de l'Unesco qui a jeté les bases de ce nouvel
ordre après de laborieuses négociations. plus d'une
douzaine de principes définissant ce concept ont été
adoptés, parmi lesquels nous citerons les six qui portent
essentiellement sur la nécessité de:
mettre fin aux déséquilibres et aux
caractérisent la situation mondiale
communication;
inégalités
en matière
qui
éliminer les effets négatifs de certains monopoles
publics ou privés et de la concentration excessive;
supprimer les obstacles internes et externes qui
s'opposent à une circulation libre et à une définition
plus large et mieux équilibrée;
de

sauvegarder l'identité culturelle et le droit de chaque
nation à informer l'opinion publique mondiale sur ses
intérêts, ses aspirations et ses valeurs sociales et
culturelles;
reconnaître le droit de tous les peuples à participer
aux échanges internationaux d'information sur la base
de l'équité, de la justice et de leur intérêt mutuel;
respecter le droit du public,
sociaux et des individus à
l'information et à participer
de la communication.
des groupes ethniques et
accéder aux sources de
activement au processus
Mais bien que ces principes aient été adoptés par
consensus, une campagne de presse aux Etats-Unis
d'Amérique, en Angleterre, en Suisse et dans d'autres pays
de l'Europe occidentale 1 s'est déclenchée contre les pays
en développement et en particulier contre l'Unesco.
Le professeur H. Mowlana 1 de l'université américaine de
Washington, repri s par le journal Il The Times 111 ,a comparé
les tentatives d'instaurer un Nouvel Ordre Mondial de
l'Information à la croisade menée, il y a 6S ans, par
l'agence Associated Press pour briser la domination de la
diffusion des nouvelles qui était alors entre les mains des
agences européennes Reuter et Havas.
Il s'agit là d'une vérité que l'on ne peut perdre de vue;
cet exemple doi t suf f ire pour expliquer la position des
P.V.D. dans le domaine de la communication et éliminer
toute crainte de violation éventuelle des droits de l'Homme
par ces pays puisque la liberté et la démocratie ne sont,
aujourd'hui, que plus affirmées aux U.S.A.,un pays qui a
su faire face avant eux à la domination et aux abus du
monopole.
Les objectifs du Nouvel Ordre ne s'arrêtent pas là pour les
- "The Times." du 20 juillet 1981.

P.V.D. Sans avoir les moyens dont disposent les U.S.A., ces
Etats ne cessent d'observer les expériences
révolutionnaires qui se font dans ce grand pays et d' en
tirer, en fonction de leurs possibilités, les enseignements
qui s'imposent. Tout en étant conscients des limites et des
contraintes affectant leurs pays qui, dans l'ensemble, ne
consacrent en moyenne que 2 ou 3% de leur budget
d'équipement ou de gestion au secteur de l'information, les
experts des P. V. D. estiment que l'action essentielle doi t
d'abord venir d'eux-mêmes. Mais ils considèrent que 1 pour
des raisons diverses, les efforts nationaux doivent être
soutenus parallèlement dans le cadre d'une large
coopération internationale.
3.3 RETOUR sun L'HIST01RE: LA CONFERENCE DE BANDOENG OU
LA NAISSANCE DE L'AXE NORD-SUD
Vingt neuf pays avaient participé du 18 au 24 avril 1955 à
la Conférence de Bandoeng 1 placée sous la houlette de la
Birmanie 1 du Sri - Lanka, de l'Inde, de l'Indonésie et du
Pakistan.
Aujourd'hui, en 1990, trente cinq années se sont écoulées
depuis cette réunion que l'histoire retiendra comme un des
plus importants événements politiques de l'après-guerre,
car la période des assises de la Conférence de Bandoeng
était exceptionnelle à maints égards. La grande coalition
antifasciste avait éclaté peu de temps après la guerre et
les ex-alliés avaient commencé à s'affronter. Les blocs
militaro-politiques antagoniques avaient déjà pris corps et
maintes batailles de la guerre froide n'étaient pas
gagnées. Les grandes puissances, quant à elles cherchaient
les moyens de s'entendre. Khrouchtchev se rendait aux
Etats-Unis d'Amérique et les délégations occidentales
faisaient le voyage de Moscou. Les ministres des Affaires
Etrangères des quatre Grandes puissances multipliaient les

conférences consacrées au problème allemand et à diverses
autres questions. Le SOITUllet des principales puissances de
la coalition antihitlérienne n'était pas parvenu à mettre
au point une plate-forme crédible pour promouvoir la
coopération dans la stabilité et la coexistence. Et sans
revenir à la guerre froide des années cinquante, les
relations internationales accusaient sans cesse des
oscillations et la course à l'armement allait bon train.
Ces années là, la révolution ant i - coloniale corrrrnençai t à
s'intensifier en Asie et en Afrique. A la conférence de
Bandoeng, les délégations d'Afrique étaient peu nombreuses
car ce processus devait émerger un peu plus tard sur le
continent noir. En Asie, en revanche, la création de grands
Etats indépendants battait son plein. Il S'agissait de pays
possédant une population nombreuse, une longue histoire et
de vieilles civilisations. L'Inde, la Chine, la Birmanie,
l'Indonésie, le viêt-nam, le Pakistan et d'autres encore
apparaissaient déjà comme des acteurs importants de la vie
internationale. Développant la solidarité afro-asiatique,
ces pays frayaient des voies nouvelles par leur action
internationale, si bien qu 1 aux Nations-Unies leur présence
s'était immédiatement fait sentir.
Le fait que la première bombe atomique avait été utilisée
contre des êtres vivants dans la région, au Japon,
infléchissait fortement la conscience politique des peuples
en leur laissant entrevoir les atrocités de la guerre
nucléaire. Dans leurs discours à la Conférence de Bandoeng,
les éminents leaders ne manquèrent pas, dès lors, d'attirer
l'attention sur les dangers qui menaçaient déjà l'Asie et
le monde entier. C'étaient des champions aussi ardents que
convaincus de la paix dans laquelle ils voyaient la seule
chance de salut pour leurs pays qui venaient de
s'affranchir d'un asservissement colonial séculaire, en les
engageant dans la voie de la civilisation moderne.
Naturellement, bien des choses ont changé dans le monde au
cours de ces trente cinq dernières années. COITUlle de

nombreux autres pays en développement 1 les Etats d'Afrique
et d'Asie ont couvert un trajet aussi complexe que pénible.
On peut citer aujourd'hui de nombreux pays qui ont réalisé
un important progrès économique et technique. Certains
Etats d'Asie du Sud-Est sont même à la pointe du
développement et résistent efficacement aux retombées de la
crise économique mondiale.
L'émergence et le développement du mouvement des Non­
Alignés se situent dans le prolongement direct de cette
Conférence de Bandoeng. Les Chefs d'Etat ou de gouvernement
de ce mouvement ont formulé à leurs réunions des positions
contemporaines face aux nouvelles questions et aux
multiples défis qui confrontent la communauté
internationale. Elles fondent notamment le rôle constructif
que le mouvement joue aux Nations-unies et également hors
de l'organisation mondiale. Par l'entremise du groupe des
24 et du groupe des 77, les Non-Alignés mènent une action
efficace sur le plan économique international. De
nombreuses organisations régionales mettent également en
oeuvre l'esprit et les idées-force de Bandoeng. On est
cependant obligé de convenir qu'aujourd'hui le fossé
économique qui divise le monde est peut-être plus grand et
plus profond qu'il y a 35 ans. La politique du dollar cher
et des taux d'intérêt élevés a considérablement épuisé les
économies des pays en voie de développement. Une sorte de
consensus international existai t certes, autrefoi s , au
sujet de la nécessité d'accélérer le développement des
régions retardataires spécialement en Asie et en Afrique.
Et ce consensus avait trouvé son expression dans de
nombreux documents des Nations-Unies. Mais il faut
malheureusement conclure que la promesse de s' y tenir ne
s'est pas réalisée dans la pratique, car les pays
développés se replient sur eux-mêmes, tout en continuant de
mettre en place leur propre système de mécanismes
multilatéraux, et en percevant également les P.V.D. comme
un espace marginal de leur expansion économique.

Ordre International
Hamelink 1
de l'Information" , comme le dit Cees
Un Nouvel Ordre International dans le domaine de
l'information et de la communication est aussi important
qu'un Nouvel Ordre Economique International, déclare-t-on
dans le document final de la Conférence des Non-Alignés à
Colombo.
" L'auto-détermination progressive et le développement des médias
nationaux de masse font partie de la lutte générale en vue de
l'indépendance politique, économique et sociale pour la plupart
des pays du Tiers-Monde n •
Le même auteur ajoute plus loin:
Il s' appuyer sur ses propres forces est aussi important pour 1 es
sources d'information que pour la technologie, vu que la
dépendance dans le domaine de l'information entrave la croissance
politique et économique".2
La plupart des P. V. D., qui s' efforcent d'innover dans la
manière de traiter l'information au niveau international,
conçoivent la politique des médias en tant qu'aspect de la
politique de développement. Et c'est ainsi qu'il faut
comprendre la coopération au sein du pool d'information
créé en janvier 1975 par l'agence de presse yougoslave
TANJUG en commun avec 16 pays africains et arabes. Depuis
cette date (1975), près de 60 agences de presse de pays
Non-Alignés participent au pool et échangent quotidienne­
ment plus de 60 000 mots.
On ne saurait mieux terminer cette partie de notre travail
sans affirmer que les liens entre le N.O.E.I. et le
N.O.M.I.C. sont évidents parce que les causes des
dépendances parallèles des P.V.D. dans des secteurs de
l'économie et de la communication sont presque identiques,
les pays riches imposant toujours et d'emblée la règle du
l
2
- Cees Hamelink, op.cit., p.J.
Ci té par Jorg Becker, "FIee Flow of InfoJ;lJ1tliQn", Franc i ort: 1979,
p.215.

3.3.2.1 La position des pays occidentaux
50
Pour l'Ouest qui a créé l'Unesco, l'Organisation devrait
servir les rencontres, l'échange d'idées et d'expériences,
la coopération concrète orientée vers la solution de
problèmes précis. Autrement dit, l'Unesco a une vocation
technique.
Comme tous les autres pays qui ont participé aux différents
débats, les pays industrialisés occidentaux reconnaissent
et déplorent le déséquilibre de l'information et de la
communication entre le Nord et le Sud. Sans hésiter, ils se
sont ralliés aux thèses visant à la suppression de ce
déséquilibre par le renforcement de la capacité de
communication du Tiers-Monde. Mais malgré cette
convergence, les occidentaux restent méfiants et trouvent
que le concept de N.O.M.I.C. est vague. Quelques pays tels
que la Grande-Bretagne, la Suisse et les Etats-Unis
d'Amérique ont même avancé l'idée d'une manipulation des
pays du Tiers-Monde par l'URSS.
Selon la conception occidentale de la presse, celle-ci sert
le public et non l'Etat. Au contraire, elle surveille les
autorités et les critique en toute indépendance ; mais, en
compensation, l'Etat n'est en aucune manière responsable à
son égard. De l'avis général, l'Etat, dans les ex- pays
communistes, utilisait la presse comme instrument de
propagande officielle. L' URSS a donc astucieusement tendu
un piège aux P. v _D. , dont les dirigeants sont des
dictateurs plus ou moins rigoureux. Pour ces derniers,
aussi, les médias ne sont que des instruments à leur
service, c ' est pourquoi ils essaient de valoriser cette
conception en qualifiant la presse de moyen pour éduquer le
peuple. Les occidentaux dénoncent cette espèce de presse
muselée comme un outil d'endoctrinement, et de propagande,
en faveur d'une "libre circulation de l'information". "La

C'est dans un tel contexte que l'on doit placer le
véritable réquisitoire des P.V.D. contre les portraits
humiliants et méconnaissables que véhiculent les grandes
agences de presse et les médias du Nord. Ce réquisitoire
émane des pays Non-Alignés et se situe dans le cadre de
leurs tentatives d' instaurer un "Nouvel Ordre Economique
Mondial". "L'indépendance politique, avancent-ils, doit aller de
pair avec un Nouvel Ordre Economique et avec l'indépendance en matière
de cul ture et d'information".
Sur le plan mondial, dans le domaine
d'information, il existe, selon eux, un
flagrant. Et ils le dénoncent publiquement:
des échanges
déséquilibre
L'échange mondial des nouvelles est dominé en sens unique
par un petit nombre d'agences de presse transnationales
dont les sièges sont basés dans les pays occidentaux.
Ces agences manquent d'objectivité car elles récoltent,
sélectionnent et traitent les informations en fonction de
leurs intérêts et/ou selon des critères de sélection des
nouvelles qui visent avant tout à défavoriser les pays du
Tiers-Monde en donnant souvent une image négative de
leurs réalités.
- Il est difficile d'admettre le passage obligé de
l'échange de nouvelles entre les P.V.D. par les centrales
des agences de presse des anciennes puissances
tutélaires.
Enfin il ne saurait y avoir de la "libre circulation"
pour la simple raison qu'on ne peut parler de circulation
véritable de l'information quand plus de cent pays qui
représentent 80% de l'humanité ne possèdent que 10% des
médias, pour la plupart traditionnels et périmés et,
souvent, dépendants entièrement et encore du système de
domination transnational.

d) contenu des informations
.'i 1)
e) formation des journalistes et éthique professionnelle
f) nouvel ordre international dans le domaine de
l'information et de la communication.
A côté de celles-ci, on voit se poser, en tant que parties
intégrantes des groupes thématiques cités, les questions
suivantes: "computérisation" de la société, industrialisa­
tion et commercialisation de l'information, propagande
politique et économique, problèmes linguistiques, etc.
Si nous abordons ce thème en inversant l'ordre des
problèmes prioritaires et en commençant la réflexion sur la
réalisation d'un Nouvel Ordre International dans le domaine
de Il information et de la communication, qui sert à bien
des égards de cadre principal de l'examen de toutes les
questions citées, nous devons souligner, en premier lieu,
deux de ses composantes essentielles.
D'abord, la nécessité de dépasser le fossé séparant les
pays riches des P.V.D., donc, l'obligation d'un
développement accéléré de l'infrastructure de l'information
et des communications d'une part et de la politique
d'information et de la communication correspondante d'autre
part qui doit être coordonnée avec les besoins et les
objectifs durables du développement des pays du Tiers­
Monde; ensuite, la nécessité d'une démocratisation des
processus d'information et de communication non seulement
sur le plan international mais aussi à l'intérieur de
chaque pays en particulier. Ce qui implique avant tout
l'accroissement de la participation, à tous les niveaux
plus élevés de l'opinion, au processus de prise de décision
sur l'activité de tous les moyens d'information et de
communication (non seulement des communications de masse,
mais de tous les systèmes d'information). Le dépassement du
fossé entre les pays industrialisés et ceux du Tiers-Monde
est la question centrale qui englobe toute une série de
problèmes complexes: les problèmes du développement et du
transfert de la technologie en matière d'information et de

communication, les problèmes de corrélation entre le niveau
de développement économique de la société et son système
d'information et de communication (surtout celui de la
puissance économique et de l'information, ceux de la
commercialisation de l'information, etc.) , le rapport
système d' éducation- système d r information et de communi­
cation (en général et en particulier en ce qui concerne la
formation des journalistes et des autres cadres
nécessaires), ce qui soulève à son tour l'importante
question de l'évolution des valeurs et des besoins
socio-culturels dans chaque société en particulier; enfin
la question de l'idéologie et de son influence sur le
développement général de la société, etc, la question de la
liberté de l'information et celles relatives à la
protection des journalistes dans l'exercice de leur
profession se rangent parmi les problèmes clés traités par
le rapport Sean MacBride. Le principe de la liberté
d' information, c'est à dire le concept controversé de "la
libre circulation des informations" est, certes, un des
problèmes les plus compliqués, englobant presque toutes les
questions essentielles de ce domaine, les plus délicates du
point de vue politique. Lors de l'examen de ce problème, la
plupart des membres de la Commission ainsi que la maj eure
partie des réponses parvenues à celle-ci ont souligné
l'importance de la conception selon laquelle la liberté
implique l'égalité (à savoir qu'il est illusoire de parler
de liberté dans les conditions d'inégalité des partenaires)
et, aussi, qu'il n'y a pas de liberté sans responsabilité,
autrement dit, que les moyens de communication et
d' information jouent un rôle social important, quel que
soi t leur propriétaire. Les auteurs recommandent la
décolonisation de l'information pour un équilibre qui
favorise la compréhension internationale, la paix et
l'amitié entre les peuples.
Ce livre,
Commission]
J -
d'une qualité
Sean MacBride,
remarquable, rédigé
a le mérite de rendre
par
tout
Présidée par Sean NacBride {Irlande}, Lauréat du Prix Nobel et du
la
le

CHAPITRE IV
LES DIMENSIONS CACHEES DU
N.O.M.I.C.

4.1 INTRODUCTION
63
A l'exception, certainement, de la fameuse Conférence de
Bandoeng en 1955 et de l'augmentation du prix du pétrole en
1973, aucune initiative collective prise par les P.V.D. n'a
entraîné de répercussions internationales aussi importantes
que les propositions visant à instaurer un Nouvel Ordre
Mondial de l'Information et de la Communication. Les médias
de tous les pays s t en sont emparés; aucun diplomate ou
ministre, aucun expert du "développement" ne songerait à
parler de nos jours de la situation du monde en matière de
médias, sans pour le moins citer le N.a.M.I.C. Certains
commencent à s'en lasser et le qualifient de pur slogan ou
de mythologie. Cyniques et réalistes invétérés définissent
le tout comme une rébellion rhétorique des P.V.D. Mais il
faudrait manquer de délicatesse pour s'en tenir là, car la
question en cause n' est autre que l'amélioration de la
situation des trois-quarts de la population de la planète
et, par delà, le fonctionnement de la communication dans le
monde.
Cependant, convaincus qu'il faut dénoncer publiquement ce
que pensent beaucoup de personnes en dehors des cadres
officiels, nous projetons de soumettre ici le N.O.M.I.C.
tel qu 1 il existe déj à, au moins dans les documents, à un
examen critique et, sur certains aspects, délibérément
polémique. La réticence de certains à faire entendre une
critique honnête et ouverte provient, d'une part, du fait
que certains Tiers-Mondistes occidentaux ont peur de
déranger les "systèmes" en place ou simplement ont la
crainte de gêner les intérêts et/ou les relations de leurs
pays d'origine. Voici un petit exemple que nous empruntons
à un quotidien français:
1/ Jean-Pierre Cot, qui avait été choqué par les fastes de
Yemoues okr o (en Côte-d'Ivoire), le "village natal" du Président
Félix Houphouet-Boigny, et la complaisance à l'égard des
autocrates "amis" de la France, fut vite remplacé comme Ministre

64
de la Coopération par. . . Christian Nu c c i ! ,,1.
Cet exemple montre pourquoi certains Tiers -Mondistes
engagés dans la lutte contre l'impérialisme de toute
nature, hésitent parfois à faire des critiques franches.
D'autre part, les dirigeants des P.V.D. souvent tributaires
de l'occident, de crainte de perdre des aides ou des appuis
quant à leur sécurité personnelle ou leur maintien au
pouvoir, n'ont aucun moyen de s'opposer aux idées
officielles lors des rencontres internationales. Ils ne
peuvent s'aligner que sur les positions des anciennes
puissances tutélaires. Il est pourtant difficile
d'imaginer, par exemple sur la libre circulation de
l'information, que les dirigeants togolais, nigériens et/ou
ivoiriens ont voté avec plaisir et conviction des textes
contraires à leurs propres réalités, politique, économique
et culturelle.
Cette brève introduction permet de situer ce qui va suivre.
Il nous est donc possible, maintenant, afin de procéder à
une analyse sereine du Nouvel Ordre proposé, de nous
interroger sur deux questions :
1. quelle est la réalité
différentes thèses lors
Est-Tiers-Monde?
qui se cache derrière les
du débat triangulaire Ouest-
2. si le N.O.M.I.C. devenait réalité, quels en seraient
les effets possibles sur la scène internationale?
"Libé:rélCiOJJ", quotidien français, jeudi 17 mai 1990, p.J, riouve l I e
série, N°2793.

marché tant à l'échelon national qu'international et aussi
bien dans les pays en voie de développement. Elles peuvent
quotidiennement exercer leur influence idéologique, politi­
que et culturelle dans le domaine de la formation de
l'opinion publique tant dans les pays industrialisés que
dans ceux du Tiers-Monde.
C'est pourquoi, la "libre circulation de l'information"
rend les P. V. D. dépendants aussi bien en ce qui concerne
aspects les
signifie que
pour produire
de
les
la
des
plus graves du sous -développement, car cela
les P. V. D. n'ont pas les moyens nécessaires
des émissions nationales, former des cadres
ou améliorer les conditions de travail des journalistes
tant au niveau de la formation et du recyclage que de
l'achat du matériel nécessaire.
La dépendance par les exportations naît de cette situation
endogène. Il faut vendre le café et/ou le cacao à
l'étranger pour financer les importations de programmes de
télévision, ou pour s'offrir du matériel ou pour payer
l'abonnement aux grandes agences de presse.
De nos jours, nul n'ignore que dans les P.V.D., les produits
agricoles constituent plus de la moitié des exportations,
alors que la quasi totalité de leurs importations est
composée des produits manufacturés. Ce genre d'échange se
traduit, à cause de la chute des prix des matières
premières, par d'autres formes de dépendance.
Les occidentaux sont conscients, du fait de la
détérioration des termes de l'échange, gue les P.V.D. n'ont
pas les moyens de produire des programmes convenables tant
sur le plan de la qualité que des normes, et qu i i.Ls sont
donc incapables d'exporter, d'une part, et dans l'impossi-

7()
diffusé, alors qU'ils ferment leurs portes aux journalistes
étrangers qU'ils trouvent indésirables. C'est là une preuve
parmi tant d'autres. Ainsi, en 1990, le journaliste
français Robert Minangoy de Radio France Internationale et
collaborateur au magazine "Jeune Afrique" a été expulsé de
la Côte-d'Ivoire. Il avait diffusé une information sur la
basilique de Yamoussokro et une autre sur une aide
éventuelle du Président Félix Houphouet-Boigny aux rebelles
libériens de Charles Taylor contre l'ex-Président dictateur
Samuel Doe. L'Afrique est le théâtre de ce genre de
situation. Le jeudi 24 mai 1990, au Gabon, les journalistes
de TF1 ont été refoulés de ce pays. Ils avaient tenté de
couvrir les événements sur la manifestation du peuple
gabonais après l'assassinat d'un opposant au régime du
Président Omar Bongo. Le rapport Sean MacBride cite une
statistique de l'Institut International de la Presse selon
laquelle sur quinze mois de 1976 à 1978:
" 24 journalistes ont été assassinés et 57 autres bl essés, torturés
ou enlevés. Aucun de ces crimes n'a été commis dans les pays
démocratiques occidentaux. Ill.
Nous ne saurons certes oublier les traitements que
subissent les journalistes des P.V.D. quand ils ne se
conforment pas aux lignes officielles des partis
gouvernementaux. Il est, pourtant, bien évident que trop
nombreux sont les P.V.D. quise servent de la lutte pour
une "libre circulation de l'information" dans le but de se
donner un visage plus progressiste et ainsi masquer une
situation intérieure des plus répressives.
Ainsi, selon Michel Lemerle, ancien Président du Syndicat
National des Journalistes en France, "nombreux sont les chefs
d'Etats qui réclament, à juste ti tre, un rééquil ibrage international
et plus d'information, mais n'envisagent pas un moment, sur le plan
interne, de confronter les citoyens il d'autres messages que le
cii s cour s officiel. ,,2.
1
2
- Voix multiples, un seul monde, op, , c i t; , p.29J.
Bourges Herv é : uëcsüxuuees: l'infQnnçtUs;.fl, Ed. Cana, Paris 1978,

d'évoluer dans des directions assez inattendues, créant
ainsi des modèles de développement jusqu'alors inconnus.
Malheureusement, partisans du moindre effort, les
gouvernants du Tiers-Monde, notamment africains, ont choisi
les photocopies glacées du modèle occidental et succombent
ainsi à une sorte d'autocolonisation mentale. Le danger est
grand pour les P. V. D. dont les dirigeants assimilent le
modèle occidental et le propagent sur le plan national
comme si c'était un produit de chez eux. On trouve ainsi le
cynique très au fait des avantages que les classes
dirigeantes du Tiers-Monde tireraient d'un renforcement des
liens avec le monde industrialisé, mais pas des effets
bénéfiques du N.O.M.I.C. pour le peuple.
Examinons, enfin, une autre dimension cachée: la base du
N.O.M.I.C., qu'on le veuille ou non, est statocratique, si
bien qu'à chaque rencontre internationale la primauté de
l'Etat est répétée et réaffirmée. Les mots d'ordre à la
mode lors de ces discussions ne sont-ils pas: souveraineté,
non- ingérence dans les affaires intérieures, autodé­
termination' intégrité territoriale, etc.? De cette
conception naissent deux questions, quand elle sous - tend
une négociation internationale. Tout d'abord, l'asymétrie
entre pays riches et pays pauvres. Tout le monde
conviendrait que le fait que les P.V.D aient manifesté leur
présence massive sur la scène internationale ne résout en
aucune manière le problème de l'intégrité dans les
négociations. Ainsi, l'on peut se rendre compte de
l'évidente contradiction entre l'affirmation de la
supériorité de l'Etat d'une part, et l'incapacité, d'autre
part, pour un système international fondé justement sur
cette supériorité, d'apporter un équilibre réel entre les
différents protagonistes. Dès lors, on peut se demander
pour quelles raisons les responsables des P.V.D. cherchent
à défendre un N.O.M.I.C. basé sur la primauté de l'Etat, si
ce n'est dans le fond, parce qU'elle les protège quand on
met en cause leur comportement à l'égard de leurs

populations. Les dirigeants des P.V.D. négocient,
revendiquent et engagent leurs pays dans tous les domaines
de la vie économique, politique, sociale et culturelle,
tant au niveau national qu'international. Malheureusement,
l'absence de démocratie dans ces pays fait que leurs
dirigeants ne sont pas exempts de toute sujétion à 11égard
de l'occident.
4.3 SI LE N.O.M.Le. DEVENAIT REALITE, QUELS EN SERAIENT LES
EFFETS POSSIBLES SUR LA SCENE INTERNATIONALE?
Supposons un instant que le N.O.M.I.C. soit effectivement
instauré. Sans trop se hasarder dans la spéculation on
peut, de manière raisonnable, accepter les trois
possibilités suivantes: équilibre, inégalités et
dépendance.
1. L'échange des programmes serait légèrement modifié, non
pas dans sa structure fondamentale, mais l'on verrait
un certain équilibre quant au pourcentage correspondant
à la part des P.V.D. dans la production mondiale des
programmes de télévision. Ensuite, la circulation de
l'information, pour être libre, serait bi-direction­
nelle et non plus en sens unique. Les P.V.D. pourraient
ainsi, en exportant leurs productions, financer leurs
entreprises de médias, ce qui est indispensable pour
leur indépendance vis-à-vis de l'Etat et des
multinationales. Et par ailleurs, ils pourraient
rectifier la "fausse image" que les médias occidentaux
véhiculent d'eux. s'il s'instaurait, le N.O.M.I.C.
apporterait, donc, un léger équilibre.
2. Les inégalités entre Etats et à l'intérieur de chacun
d'eux continueraient touj ours à exister comme par le
passé. Compte tenu en effet de l'inégale répart i t ion

75
des ressources mondiales,
réaliser un Nouvel Ordre
varient d'un pays à l'autre.
les moyens
National ou
permettant de
International
Notons que les disparités seraient plus grandes non
seulement entre les pays riches et pauvres, mais
également entre le pays industrialisés. On pourrait
voir se mettre en évidence la supériorité des Etats­
Unis d' Amérique, du Japon, de l'Allemagne etc... de
même qu'entre pays en voie de développement.
3. L' absence de capitaux, de technologie et de savoir­
faire rendrait toujours les P.V.D. dépendants des pays
industrialisés. Cette dépendance serait particuliè­
rement grave pour les pays importateurs de la quasi
totalité de leurs programmes audiovisuels et qui sont
obligés de se faire assister par des cadres et
techniciens des anciennes puissances tutélaires pour le
fonctionnement de leurs médias et, quelquefois, pour
l'élaboration de leur politique nationale de l'infor­
mation.
Même si le N.O.M.I.C. existait concrètement, nous
l'avons déjà dit, il aurait peut-être un équilibre
susceptible de créer une certaine interdépendance. Mais
en réal i té, les grands perdants seraient touj ours les
pays du Tiers-Monde qui ne sont ni industrialisés, ni
producteurs de "matière grise", ni, encore moins,
producteurs de programmes de haute qualité exportables.
Dans cet ordre d'idées, les pays en voie de
développement ne sont à l'abri des grandes entreprises
multinationales de l'Occident, si bien qU'ils l'ont
dénoncé d'une même voix:
" le colonialisme est en voie de disparition, mais l'exploitation
économique des P.V.D. par les pays développés demeure un obstacle
majeur au développement égal et équilibré de tous les pays. ,,1.
Comme nous l'avons déjà évoqué, l'inefficacité du
- Déclaration de Dakar, Sénégal, du 8 février 1975.

76
N.O.B.I.C. au niveau des P.V.D. menacés par la pauvreté,
l'absence de cadres et de démocratie, résulte d' effets de
détournement. Au travers de ceux-ci, le bénéfice principal
d'un N.O.B.I.C. effectif et concret revient indiscuta­
blement aux pays industrialisés qui sont déjà dans une
position favorisée.
4.4 CONCLUSION
Le programme d'action du N.O.B.I.C. se compose
essentiellement d'une liste de revendications du Tiers-Bon­
de adressées aux pays industrialisés. C'est à eux d'aider
les P.V.D. à former leurs cadres, à eux aussi de faire
l'effort d'utiliser les productions en provenance de ces
pays pauvres et d'acheter davantage de matières premières,
afin que les P.V.D. se donnent les moyens de s'équiper ou
de se développer dans tous les domaines. L'obligation la
plus vitale des P.V.D. est de renforcer la coopération Sud­
Sud. La réaction des pays riches occidentaux doi t être
examinée tant pour ce qui est dit que pour ce qui est
effectivement réalisé, car la tactique fréquemment utilisée
consiste à accepter le principe d'une réforme du système
international et à soutenir les idées des P.V.D. sans
offrir de concessions concrètes. On devine la manoeuvre
diplomatique.
Les responsables occidentaux paraissent conciliants et
ouverts devant les grandes assemblées internationales, sans
oublier que les secteurs économiques et politiques des pays
qu'ils représentent retardent encore considérablement, même
sur les positions réformistes les plus timides du Tiers­
Bonde.
Par exemple, avec la décision des U.S.A. de n'opérer aucun
changement fondamental dans les relations Nord-Sud, il y a
bien de quoi compliquer et envenimer une situation déjà

77
complexe. Le comportement des anciens pays socialistes
était, à certains égards, encore plus décevant: l' ex- URSS
évitait, à chaque rencontre, les difficultés en réaffirmant
qu'elle ne partageait point les responsabilités et les
décisions des anciennes puissances coloniales qui devraient
réparer les dommages causés par l'impérialisme capitaliste.
Elle se complaît aussi souvent dans d'interminables
déclarations sur le désarmement qui libérerait des fonds
considérables pour le développement. Sur ce point, les
sovietiques n1avaient pas tort, mais peut-être pourraient­
ils commencer par appliquer eux-mêmes cette idée.
D' une manière générale, quelles que soient les tendances
idéologiques, il faut noter que la stratégie de la
coopération internationale proposée sous le nom du
N.O.M.I.C. est associative et uniformisante. Elle est
associative en ce sens qu'elle recherche des solutions
pacifiques par la négociation internationale, optant pour
un développement extraverti, et essaie d'intégrer
complètement les P.V.D. dans l'économie mondiale. Elle est
uniformisante parce qu'elle ne propose aucune mesure
concrète tenant compte de la grande diversité de situations
dans lesquelles se trouvent les pays d'Afrique, d'Amérique
Latine et d'Asie.
Pour ce qui est de savoir si une stratégie associative
et/ou uniformisante doit être qualifiée de positive ou de
négative cela dépend de l'échelle de valeurs, des
convictions économiques et des choix politiques pour
lesquels on a opté. Mais il convient de souligner le grave
dilemme qui se pose quand on examine les réactions que
suscite la proposition d'instaurer le N.O.M.I.C.
On constate, d'une part, dans les milieux d'affaires une
forte résistance des pays à l'économie de marché. Tout ce
qui implique un certain contrôle est regardé avec méfiance
et scepticisme par les défenseurs d'une économie
internationale libérale. Mais, sous la pression des P.V.D.,

DEUXIEA1E PARTIE
LES PA YS DU CONSEIL
DE L'ENTENTE

XII
CHAPITRE 1
LES SITUATIONS
G E 0 G R A PHI QUE ETH U 1\1 AIN E

1.1. INTRODUCTION: LE REGROUPEMENT REGIONAL
En 1885, le Congrès de Berlin, pour étendre l'influence
économique, culturelle et idéologique des occidentaux, a
imposé un découpage de l'Afrique qui s'est soldé par la
naissance des frontières artificielles, sans tenir compte
des ressemblances socio-culturelles que les peuples de ce
continent avaient en commun.
Aujourd' hui, il nous est possible de constituer une carte
approximative de ce continent par régions en prenant en
considération les composantes linguistiques, religieuses,
ethniques et historiques concernant des pays géogra­
phiquement et historiquement proches. L'Afrique des régions
existe par le fait que certains Etats sont regroupés au
sein d'associations culturelles, économiques au moins dans
les textes, en acceptant d'unir leurs efforts pour créer
des ensembles sous-régionaux.
Le continent Africain pourrai t se subdiviser, selon nous,
en cinq grandes régions géographiques, économiques, et
politiques qui correspondraient elles -mêmes à des regrou­
pements sous-régionaux qui se présentent ainsi:
l'Afrique du Nord, communément appelée le Maghreb regroupe
l'Algérie, la Tunisie, le Maroc et la Libye. Nous
associons, pour des raisons de langue, l'Egypte et le
Soudan au Maghreb. Cette zone regroupe 133 millions
d'habitants (58 millions pour les pays du Maghreb et 75
millions pour l'Egypte et le Soudan), sur 8,3 millions de
kilomètres-carrés dont 3,5 millions pour les deux pays de
la vallée du Nil que sont l'Egypte et le Soudan.
L'Afrique centrale est constituée de 11 pays: le Cameroun,
le Centrafrique, le Congo, le Gabon, la Guinée Equatoriale,
le Tchad, le Burundi, le Rwanda, Sao-Tomé, l'Angola et le
Zaïre qui s'étendent sur 6,7 millions de kilomètres-carrés
pour 78 millions d' habitants. La langue officielle est le

français sauf pour l'Angola et Sao- Tomé, qui
lusophones, et la Guinée Equatoriale, hispanophone.
X2
sont
L'Afriqùe de l'Est qui comprend le Kenya, l'Ouganda, la
Tanzanie, l'Ethiopie, la Somalie et Djibouti, abrite un
ensemble de 78 millions d'habitants, sur 2 millions de km2.
L'anglais est ici la langue officielle sauf en République
de Djibouti qui fut une des dernières colonies françaises à
accéder récemment à l'indépendance en 1977.
L' Afrique du Sud s'étend sur 4,3 mill ions de kilomètres­
carrés pour un ensemble de 78 millions d'habitants .. Cette
partie du continent est divisé en deux blocs; ainsi
l'Afrique du Sud, pour des raisons de politique raciale
menée par la minorité blanche, est considérée séparément. A
côté de ce pays, la région comprend le Malawi, le
Mozambique, la zambie, le Botswana, le Lesotho, la Namibie
et le Zwaziland. L'Anglais et le Swahili sont les langues
officielles sauf pour le Mozambique qui demeure lusophone.
L'Afrique de l'Ouest, qui est la r eq i on géographique que
nous étudions, regroupe seize pays dont cinq anglophones:
Ghana, Nigéria, Libéria, Gambie, Sierra-Léone; deux
lusophones: Guinée Bissao et les Iles du Cap-Vert; et neuf
francophones: le Bénin, le Burkina-Faso, la Côte-d'Ivoire,
la Guinée, le Mali, la Mauritanie, le Niger, le Sénégal, et
le Togo. Cette région s'étend sur 6,2 millions de
kilomètres - carrés et abrite 186 millions d' habitants qui
font de cette Communauté Economique des Etats de l'Afrique
de l'Ouest (C.E.D.A.O.) la plus peuplée des cinq grandes
régions du continent. Chacun de ces espaces sous-régionaux
peut être caractérisé par quatre éléments essentiels qui
permettront de comprendre les raisons qui motivent certains
Etats à se regrouper:
1. la population
2. la superficie
3. une donnée économique
4. une donnée culturelle et historique.
.J,_

Au total, les cinq grandes régions d' Afr i que! que nous
avons retenues occupent une superficie de 29,7 millions de
km 2 sur lesquels vivent 590 millions d'habitants. Ce vaste
continent ne produit que 380 milliards de dollars par an,
offrant ainsi à leurs populations un revenu annuel de moins
de 650 dollars par habitant.
Nous venons de le voir, l'Afrique des régions nous donne un
aperçu global du continent. Quelle est, maintenant, la
situation spécifique des pays du Conseil de l'Entente, qui
est l'ensemble sous-régional que nous étudierons le plus
longuement dans notre travail?
Dans notre travail sur l'Afrique, nous n'avons retenu ni
Nadagascar, ni les Iles de la Réunion, Maurice, les Comores, ni
1es Seychell es.
Cependant, il est intéressant de savoir que cette "Afrique de
l'Océan Indien" s'étend sur 595 millions de km 2, pour une
population de 13,2 millions d'habitants. Cette région de l'Océan
Indien produit 6 milliards de dollars de PIE, offrant un revenu
annuel moyen de 460 dollars à ses habitants.

84
1.2. LE CONSEIL DE L'ENTENTE: UN MODELE DE REGROUPEMENT
REGIONAL
Le Conseil de l'Entente est une entité géographique de
2.032.284 km 2 en Afrique de l'Ouest, regroupant 5 pays pour
une population totale de 34.520.000 d'habitants.
GROUPE PIB RE:\'
SUPl>RFICII> LANClUE
PAYS CAPITALE POP\.lLJ\TION STI!NO- MIO $ ENS
F:N« OFFICIELLE
LINClUIsna.
Bénin O:::Jtonou 4.450.000 192.622 30 1.140 253 français
Burkina-
Faoo
Côte-
d'Ivoire
Ouagadougou 9.530.000 274.200 40 1.240 177 français
Abidjan Il. 600.000 322.462 60 9.700 791 français
Niqer Niamey 6.690.000 1,267.000 30 1.690 297 français
Toqo Lomé 3.250.000 56.000 30 790 236 français
Nous présentons ci-dessus les caractéristiques des différents Etats du
Conseil de l'Entente selon les sept agrégats que nous avons retenus:
la superficie, la capitale, la population, les groupes ethnolinguistiques,
le produit brut du marché,le revenu annuel per capita,
la langue officielle. Les chiffres cités sont généralement de 1988
voire ceux de "l'Etat du Monde 1989-1990, Annuaire géographiQue et
économique mondiç1", Edition la Découverte.
constituée d'un grand massif précambrien qui s'étend de
l'Atlantique jusqu'au Niger, cette sous - région a été
transformée, sur le plan de la politique, en des pays
indépendants aux frontières artificielles. C'est l'aspect
culturel et humain qui nous intéresse le plus dans cette
partie de notre recherche.
Une des originalités des pays du Conseil de l'Entente est
son extraordinaire morcellement ethnique et linguistique
qui f ai t de cet ensemble une véritable mosaïque humaine.
Ils comprennent, en effet, au moins cent quatre vingt dix
ethnies ou groupements ethno-politiques, que l'on peut
répartir de la même façon à l'intérieur de chaque pays:au
Bénin, le problème du pluralisme linguistique est également
au coeur des débats, comme dans la plupart des pays

et les liens culturels entre les différentes populations
sont très sensibles.
Les familles ont été dispersées par la colonisation. Et de
nos jours, l'on peut voir que les membres d'une même
famille, vivant de part et d'autre des frontières, se
retrouvent bien souvent dans l'un ou l'autre des pays à
ltoccasion de certains évènements. Les mêmes langues sont
parlées à la fois dans plusieurs pays. Par exemple, les
langues Mina et Kabyè sont utilisées aussi bien au Togo
qu'au Bénin; le Dendi du Niger est parlé dans le nord du
Bénin; la langue Dioula est utilisée en Côte-d'Ivoire, au
Burkina- Faso et au Mali. C'est aussi le cas du Peulh que
l'on parle au Burkina-Faso, en Guinée, au Niger, au Nigéria
et au Mali, pour ne citer que ceux-là, en Afrique de
l'Ouest.
On pourrait citer encore d'autres exemples nombreux de la
parenté culturelle qui existe entre les différents pays de
l'entente. La solidarité et le développement croissant de
l'ensemble, depuis au moins une trentaine d'années, ne sont
donc pas uniquement liés aux opportunités économiques que
chaque Etat y trouve. Les affinités humaines y sont très
importantes, si bien que la circulation des biens et des
personnes est libre entre les Etats.
1.2.1 LE CONTEXTE POLITIQUE
1.2.1.1 Introduction: Le cadre historique
Depuis la Conférence de Berlin en 1885 en Allemagne, où
l'Europe est devenue maîtresse de l'Afrique par son
partage, la région Ouest-africaine a été essentiellement le
théâtre de trois formes de colonisation:
La France avait 9 pays Bénin (ancien Dahomey),
Faso (anciennement Haute-Volta), Côte-d'Ivoire,
Burkina­
Guinée,

Mali, VBuritanie, Niger, Sénégal et Togo.
oq
,L
La colonisation anglaise comptait quatre colonies: Gambie,
Ghana, Nigéria, et Sierra - Léone et, enfin, les portugais
ont eu droit en Afrique de l'Ouest au Cap-Vert et à la
Guinée-Bissao, le cas du Libéria étant particulier.
Cette période coloniale qui a duré jusqu'en 1960 pour la
plupart des pays en question, à cause des frontières
artificielles érigées, a divisé et éloigné les uns des
autres des peuples qui non seulement sont frères, mais ont
surtout les mêmes aspirations.
Cependant, dès les premières heures de l'indépendance,
certains Etats prirent conscience du danger de vouloir agir
isolément dans la recherche du bien -être de leurs
populations. Se rendant compte de la complémentarité de
leurs économies, de la lutte contre le sous-développement,
ils ont manifesté leur volonté d'échapper à une
balkanisation qui ne pouvait que les desservir, d' où de
nombreuses tentatives de regroupement furent entreprises.
C'est particulièrement au niveau des pays francophones que
la volonté était manifeste. Ceci pourrait s'expliquer,
peut-être, par le fait que la colonisation française leur
en avait donné le goût grâce à la Fédération de l'Afrique
Occidentale Française, dont ils furent tous membres. Cette
Fédération qui, évidemment, était conçue pour servir les
intérêts français, n'a pas survécu après les indépendances.
Parmi les nombreuses tentatives, nous retenons bien
évidemment le Conseil de l'Entente qui fait l'objet de
notre étude et dont le but était d'harmoniser les relations
sur la base de l'amitié, de la fraternité et de la
solidarité.
1.2.1.2. De la nécessité de créer le Conseil de l'Entente
En dehors des relations bilatérales, les relations

inter -africaines se déroulent et se développent dans un
cadre régional ou sous-régional. Plusieurs facteurs d'unité
ont favorisé la création d'institutions régionales ou sous­
régionales en vue de développer les relations entre pays
africains.
Après le joug colonial, les Etats africains sentirent la
nécessité de réaliser une unité politique afin de mieux
affirmer leur indépendance à l'égard des blocs et défendre
les intérêts du continent dans le concert des nations. La
création de l'Organisation de l'Unité Africaine,
organisation régionale politique, en fut la manifestation
probante.
Convaincus que l'indépendance politique ne saurait être
acquise et se consolider sans l'indépendance économique,
les Etats africains mirent sur pied nombre d'Institutions
d'intégration économique sur la base d'affinités hitorico­
culturelles. C' est dans cet ordre d'idées qu'est né le
Conseil de l'Entente.
Fondé en mai 1959 à Abidjan, le Conseil de l'Entente est la
plus vieille organisation sous-régionale d'Afrique. Il
comprend cinq pays qui, outre les liens géographiques,
historiques et culturel s qui les rapprochent, étaient à
l'origine dirigés par des leaders amis, partageant les
mêmes convictions politiques et idéologiques.
Cela avait naturellement favorisé la construction, autour
de la Côte-d'Ivoire, d' un édifice avant tout destiné à
s'opposer à l'attraction qU'exerçait la Fédération du Mali,
alors animée par le Sénégal. Ayant à leur tête deux chefs
rivaux, Messieurs Félix Houphouët -Boigny et Léopold Sédar
Senghor, les deux pays entendaient se constituer chacun sa
propre zone d'influence en Afrique de l'Ouest, sinon au­
delà, tout en conjuguant leurs efforts en vue de contenir
l'esprit indépendantiste et panafricaniste du ghanéen Kwamé
N'Krumah.
Le Conseil de l'Entente est donc une réaction à la

A son tour,
en
l'ancien Président Sangoulé Lamizana de la
Haute-Volta (actuel Burkina-Faso) fait remarquer:
n A l'intérieur de ce Conseil, nous formons vraiment un ensemble
homogène, nous sommes conscients de la nécessité de nous regrouper
et de serrer les coudes, nous savons que nous sommes condamnés à
vivre ensemble et à mettre ensemble nos efforts pour vaincre les
maux du sous-développement. Il faut dire ici que c'est le vieux
bon sens africain qui a guidé les partenaires de l'Entente. Et,
déjà, cet organisme nous procure une assurance qui nous permet de
consolider nos assises au dedans, conditions sine qua non de
l'unité. Ici l'union fait réellement la force et le mérite de ce
Conseil revient d'abord au Président Houphouét-Boigny et aux ainés
dont l'expérience nous profite grandement. "
Et l'ancien Président Hamani Diori du Niger à son tour,
d'affirmer:
" Le Conseil de l'Entente, c'est une grande zone de solidari té
-..... ...
constituée pour le développement de nos pays, souci cardinal,
souci brûlant pour tous les dirigeants. On peut dire que ceci
constitue la finalité entrevue dès 1946 par les responsables du
"Rassemblement Démocratique Africain", ce grand mouvement dont on
retrouve les principes fécondants au sein du Conseil de l'Entente,
ce qui ne doit surprendre personne. En effet, il existait déjà au
sein du R.D.A. un Comité de Coordination très lié et très souple
et qui ressemble étrangement à ce que l'on observe aujourd'hui à
l'intérieur du Conseil de l'Entente. Dans notre lutte pour
l'indépendance et pour la digni té de l'Homme africain, c ' étai t
l'organisme suprême et soudé qui décidait de tout. Nous sommes
fiers, dans le Conseil, d'être restés partisans farouches de cette
formule souple qui, tout en décidant de mettre en commun beaucoup
de secteurs qui commandent le développement de nos régions,
respecte la souveraineté de chaque pays; et nous avons pour règle,
absolument, de ne pas nous immiscer dans les affaires internes des
partenaires. tt
Enfin, le Colonel Djadja Chef de la Délégation du Togo fait
remarquer:
" Nous savions, nous aussi, dès le départ, que l'unité africaine ne
pourrait se réaliser que par la création préalable, un peu partout,
d'organismes régionaux, maillons qui, mûrs et expérimentés,
pourront s'insérer ensuite dans un ensemble plus vaste. A 1 'heure
où l'on par1 e en Europe d'intégration économique, d'intégration
politique, il n'est pas concevable que nous ne cherchions
activement à nous regrouper et à réaliser notre intégration
économique dont le besoin se fait sentir ici, sur nos terres, plus
fort que partout ailleurs. De plus, on constate aujourd'hui, et le
phénomène va grandissant, qu'une ligne de démonstration se dessine
entre pays industrialisés (Ouest et Est) et pays sous-développés.
La situation difficile sur le plan économique et politique que
cela risque b i erit ôt: de nous créer n' impose- t'elle pas aux pays
".

9.+
des entreprises privées ayant leur siège et leur champ
d'activité principal dans l'un ou plusieurs des Etats
de l'Entente, et destinés au financement de projets
industriels, agricoles et commerciaux rentables et de
projets d'infrastructures.
de contribuer au développement économique des Etats
membres car les activités de l'organisation sont
essentiellement économiques. (Création en 1968 d'un
Conseil Technique inter-étatique pour le Tourisme; en
1970, adoption d'un protocole créant un Comité
supérieur des transports terrestres, et d'une
Convention créant une Communauté économique du bétail
et de la viande; création des sociétés multinationales
et d'établissement de formation).
Sur le plan des institutions, en dehors de la "Réunion des
Chefs d'Etat et de Gouvernement Il seul et unique organe
d'étude et de prise de décision, c'est seulement en 1970
que le Conseil des Ministres de l'organisation a été fondé
pour tenir compte de la nécessité d'une étude plus
technique et scientifique des dossiers économiques. C'est
dans le même esprit que la Convention du 8 décembre 1973
relative aux Statuts du Fonds a créé un Conseil
d'Administration, un Comi té de gestion et un Secrétariat
administratif. La primauté accordée aux activités
économiques et la grande liberté d'options politiques que
connaissent les Etats membres font du Conseil de l'Entente,
une organisation économique paraissant rentable pour ses
Etats membres, qu'ils soient de régime marxiste-léniniste
ou révolutionnaire l comme la République du Bénin et du
Burkina-Faso ou de régime modéré comme la Côte-d'Ivoire, le
Niger ou le Togo. De ce point de vue, le Conseil de
l'Entente est une organisation sous-régionale économique.
1 _ Avant 1991,le Bénin et le Burkina-Faso étaient les seuls Etats
marxistes ,membres du Conseil de l'Entente. Depuis cette date, la
Republique du Bénin est devenue un Etat démocratique ot1 des
élections libres ont eu lieu. Le Burkina-Faso est également en
voie de démocratisation,corrune l'avait souhaité feu Thomas Sankara.

95
Grâce au précieux instrument de solidarité qu'est le Fonds
d'entraide et de garantie des emprunts, les cinq pays ont,
en effet, tissé de solides relations de coopération
économique; le Fonds jouant le rôle d'une véritable agence
de développement destinée à faciliter aux investisseurs le
financement des projets à caractères économiques, quitte à
accorder sa garantie pour le remboursement des emprunts
contractés par les membres. Ainsi, en 1988, la garantie du
Fonds portait sur 21 milliards de Frs CFA (420 millions de
FF) intéressant 35 opérations d'investissement d'un montant
global de 64 milliards de Frs CFA (1,28 milliards de FF).
Et chaque pays membre a bénéficié des réalisations
économiques les plus diverses: agriculture, industrie,
tourisme, transport, élevage, activités maritimes, médias,
formation de cadres dans les différents domaines, etc...
Ainsi, après trente ans d'existence, le Conseil de
l'Entente, qui abrite aujourd'hui 34.520.000 habitants, a
toutes les raisons de se mobiliser pour de grands projets
sous-régionaux.
On examinera donc successivement les facteurs politiques,
culturels et socio-économiques.
1.2.3 LA POLITIQUE ECONOMIQUE DANS LE CONSEIL DE L'ENTENTE
1.2.3.1 L'Economie à l'époque de la Fédération et au début
des indépendances
Avant les indépendances, les cinq pays du Conseil de
l'Entente constituaient un seul et unique espace douanier
puisqu'ils étaient tous membres de la Fédération de
l'Afrique Occidentale Française qui représentait, sur le
plan économique, un marché commun intégré à l'ancienne
puissance tutélaire. Si bien que la libre circulation des

personnes et des produits y était reconnue; l'existence en
A.O.F., d'une coopération dans les domaines fiscal,
financier et budgétaire semblait être une meilleure
solution.
Cette coopération signifiait, sur le plan fiscal, une
uniformisation et une harmonisation des dispositions
fiscales et des règles d'assiette d'imposition directe
et/ou indirecte. Concernant l'aspect financier et budgé­
taire, elle se traduisait par la collecte des droits à la
Fédération; et cette collecte, d'autre part, était redis­
tribuée à chacun des membres sous forme de subvention
tenant compte des réalités spécifiques de chaque pays pour
que ceux des plus pauvres puissent bénéficier de la
solidarité de l'ensemble. Il faut noter, cependant, que la
répartition des compétences financières et économiques
reposait sur la distinction entre services fédéraux et
services territoriaux arbitrés et coordonnés par le pouvoir
fédéral.
Quelques mois après la disparition de la F.A.O., sept
Etats, tous anciens membres de la Fédération: Côted'Ivoire,
Dahomey, Haute -Volta, Mali, Mauritanie, Niger et Sénégal
ont signé, le 9 juin 1959, une Convention instituant
l'Union Douanière de l'Afrique Occidentale (U.D.A.O.).
L'objectif était de réaliser entre les Etats signataires
une union douanière totale qui prévoyait d'une part
qu'aucun droit douanier ou fiscal ne pouvait frapper les
échanges entre les membres de L'U.D.A.O. et d'autre part
que la répartition des droits et taxes perçus lors des
opérations d'exportation et/ou d'importation à l'intérieur
de la Communauté serait fai te de telle sorte que chaque
Etat recevrait la totalité des recettes lui revenant.
Malheureusement, les Etats membres n'ont jamais respecté
les accords signés, si bien que l'union douanière laissa la
place à une autre Convention qui vit le jour le 3 juin 1966
sous la dénomination de l'Union Douanière des Etats de
l'Afrique de l'Ouest (U.D.E.A.O.).
Cette fois, il ne s'agit plus d'une union douanière totale

mais seulement de l'application d'un tarif extérieur
commun, (constitué par un seul droit de douane) et d'une
législation et réglementation douanière harmonisées. En
outre, il ne s'agit pas non plus de libre circulation pour
les produits originaires des Etats de l'Union mais de
taxation réduite tandis que pour les produits originaires
des pays tiers transférés d'un Etat signataire à un autre
il est question de remboursement de droits et taxes.
Selon les Chefs d'Etat, dans le préambule du traité
instituant la Communauté Economique de l'Afrique de
l'Ouest, l'Union douanière n'a pas permis suffisamment
d'avancer dans la voie souhaitée d'un développement
économique rapide et mieux équilibré de l'ensemble des
Etats membres. De cette constatation naquit la volonté
d'instituer une nouvelle organisation de coopération
économique régionale se substituant à l'U.D.E.A.O. et
dénommée Communauté Economique de l'Afrique de l'Ouest
(C.E.A.O.), qui vit le jour le 3 juin 1972 à Bamako au
Mali. Deux Etats membres du Conseil de l'Entente, le Bénin
et le Togo, n'en font pas partie mais ils ont obtenu le
statut d'observateurs. Cette nouvelle communauté a pour
mission, comme toutes les autres d'ailleurs, de favoriser
le développement harmonisé et équilibré des activités
économiques des membres en vue de parvenir à une
amélioration aussi rapide que possible du niveau de vie de
leurs populations. Ses objectifs fondamentaux sont:
la mise en oeuvre, au niveau régional, d'une politique
active de coopération et d'intégration économiques en
ce qui concerne le développement de l' agriculture, de
l'élevage, de la pêche, de l'industrie, des transports,
du tourisme et des moyens de communication.
le développement des échanges de produits agricoles et
industriels des Etats membres, notamment par l'éta­
blissement, entre eux, d'une zone d'échanges organisés.

Néanmoins, le comportement des dirigeants de la Côte­
d'Ivoire laisse penser que ce pays a adhéré à ces
différentes "communautés" plus par sentiment que par
raison. Les responsables ivoiriens semblaient convaincus,
en effet, que le développement économique de leur pays
avait été handicapé par l'existence de la Fédération. Ils
étaient tous plus favorables à la création d'une union
douanière dans un cadre restreint jugé plus pragmatique,
celui du Conseil de l'Entente, et à une répartition
équitable des droits et taxes perçus lors des opérations
d'importation ou d'exportation ainsi qu'aux consultations
périodiques indispensables.
Comme nous pouvons le constater, c'est la langue française
qui a été la base commune de tous les efforts d'intégration
entrepris dans la région du Conseil de l'Entente à la
Communauté Economique de l'Afrique de l'Ouest Africain.
Ainsi donc les difficultés de communication dues à la
langue et les différences de structures politiques et
économiques héritées de colonisateurs différents ont
conduit les Etats francophones à se regrouper tout en
ignorant l'existence, à leur côté, du Nigéria plus riche et
plus peuplé, du Ghana, du Libéria, de la sierra-Léone, de
la Gambie, tous anglophones.
Pour revenir plus spécifiquement aux pays du Conseil de
l'Entente, il faut noter que la solidarité a touj ours été
de mise entre les Etats membres en ce sens que leurs
économies et leurs administrations sont assez proches. On
comprend pourquoi les Voltaïques (actuels Burkinabés) 1
constituèrent d'une part une main-d'oeuvre importante pour
l'économie ivoirienne en plein développement et furent la
cause, d' autre part, des transferts de devise non
négligeables pour leur pays d'origine. Il faut rappeler que
le taux de croissance du Burkina-Faso est estimé à 1,8%
1 - La rëpubI ique de Haute- Vol ta est devenue Burkina - Faso après 1 e
coup d'Etat militaire du (feu) Capitaine Thomas Sankara en 1983.
Les ci t.oyens Vol talques sont devenus Burkinabè.

environ par an, depuis 1982. Avec une superficie de 274.200
krn- , ce pays est considéré, pour la zone d'Afrique
Occidentale, comme ayant une densité élevée de la
population. Malheureusement, l'accroissement de cette
population n'a pas connu une politique sociale adéquate
tenant compte d'une part d'une égale répartition des
habitants entre les zones urbaines et rurales et d'autre
part de l'amélioration de leurs conditions de vie.
Cette situation a créé, outre un exode des ruraux vers les
cités urbaines, un flux migratoire vers la Côte-d'Ivoire
qui, dans le Conseil de l'Entente, était et demeure
relativement le pays le plus riche. Cet apport humain du
Burkina-Faso a aidé la Côte-d'Ivoire à développer son
économie, l'agriculture utilisant 80% des Burkinabès comme
main-d'oeuvre agricole. La Côte-d'Ivoire constitue
également une flotte marchande moderne bien adaptée aux
besoins de sa desserte maritime, et qui, en outre offre au
Burkina-Faso le transport de ses produits d'importation ou
d'exportation puisque ce dernier est un pays enclavé, sans
accès à la mer.
Les transports ferroviaires entre les deux pays sont
assurés par la Régie Abidjan-Niger (R.A.N.) dont le réseau
ferré se limite à la voie qui relie la capitale économique
ivoirienne Abidj an à Ouagadougou au Burkina - Faso, sur une
distance de 1.140 kilomètres. Cette voie ferrée constitue
l'épine dorsale de la Côte -d'Ivoire, favorisant ainsi les
relations avec le Burkina - Faso. Il n' est pas superflu de
noter qu'un phénomène très net d'industrialisation apparaît
tout au long du parcours.
Dans l'espace du Conseil de l'Entente, outre la
Côte-d'Ivoire et le Burkina - Faso, il existe également une
solidarité ou une complémentarité dans le même ordre
d'idées entre les économies du Bénin et du Niger. Ce
dernier, tout comme le Burkina - Faso, es t un pays de
l'intérieur, dont les produits d'importation et
d'exportation sont acheminés par voie maritime par le

101
Avec l'apparition des facteurs économiques nouveaux, à la
suite de l'accession des pays africains à l'indépendance,
le besoin de se regrouper a été plus conscient dans le
Conseil de l'Entente, car désormais ces nouveaux Etats
étaient responsables de leur propre destin. Les dirigeants
se rendirent vite compte que les problèmes initiaux de leur
développement économique, social et culturel et ceux nés de
l'indépendance pouvaient trouver des solutions heureuses
dans le cadre d'un regroupement régional.
On ne saurait terminer ce chapitre concernant les
solidarités sans impliquer la France, d'ailleurs favorable
à de tels regroupements. Cette déclaration du Général de
Gaulle, dès la mise en place des institutions de la
Comn1unauté explique la position de l'ancienne puissance
tutélaire:
1/ L'apparition de ces nations, presque toutes à leurs débuts,
chacune assemblant des fractions ethniques très différentes, à
l'intérieur de frontières qui n'avaient été tracées, au temps de
la colonisation, que pour des considérations de partage entre les
Etats européens ou de commodités administratives, pourrait conduire
à un morcellement désordonné après la disparition de nos
anciennes "Fédérations" d'Afrique Occidentale et d'Afrique Equatoriale.
Mais il se forme entre voisins des groupements que nousmêmes
aidons à nai tre et à fonctionner.
C'est ainsi que, dès janvier 1959, le Congo Brazzaville, la
République CentreLricei ne , le Tchad, le Gabon, auxquels se joindra
le Cameroun, conclurent à Paris, l'Union Douanière Equatoriale.
C'est ainsi qu'en avril, le "Conseil de l'Entente", qui comprend:
la C6te-d'Ivoire, le Dahomey, le Niger et la Haute-Volta, et dont
plus tard se rapprochera le Togo, établit des règles et une
pratique communes dans les relations de ces pays étendus du Sahara
jusqu'au golfe du Bénin. Il est vrai que la tentation du Sénégal
et du Soudan de se fondre en une fédération appel ée "Mal i"
échouera, parce que les dirigeants libéraux et démocrates de Dakar
redouteront d'être étouffés par les marxistes de Bamako, que
Senghor, Président de l'Assemblée Fédérale, rompra avec Modibo
Ke i t:e , Chef du Gouvernement, que le Sénégal reprendra son nom
tandis que le Soudan gardera celui du Mali. Mais ensuite se
constituera une "Organisation des Etats Riverains du Fleuve
Sénégal", où travailleront ensemb.1e.1e Sénégal, le Mali, la Nauritanie
et même .la Guinée. En outre, dans maintes régions africaines
la navigation sur fleuves, .1 'uti.1isation des accès maritimes, font
J'objet, avec notre concours, d'al-rangements mu.1tilatéraux. ,,1.
En octroyant des aides publiques et/ou privées par la
1 Charles de Gaul.1e: tIeJlLQixe.J>_Q:Ji5J2Qir...e., Plon, 1970, Tome I, p.70.

JO}
présence de coopérants dans tous les domaines d'activité,
la France a ainsi manifesté sa volonté d'être présente dans
ses anciennes colonies devenues indépendantes. La langue
française renforcera dl une part les liens entre elles, et
entre elles et Paris et d'autre part les investissements
français.
Ainsi, après la situation économique de l'époque de la
Fédération et des premières années des indépendances, on
examinera successivement la conjoncture économique et
socio-culturelle des pays membres du Conseil de l'Entente.
1.2.3.2 Le développement rural
La politique dans les Etats du Conseil de l'Entente se
conçoi t par le développement de l' agriculture, considérée
comme priorité des priorités. Elle est l'activité
économique principale des cinq pays. Deux tiers de la
population consacrent l'essentiel de leurs activités dans
ce secteur dont l'apport annuel est très important en ce
qui concerne les ressources des Etats. Depuis les
indépendances en 1960, plusieurs sociétés dites de
développement ont été créées dans les différents pays en
vue de relever le niveau de vie des populations et
d'alimenter le budget des Etats. Ces sociétés sont pour la
plupart des coopératives, des sociétés agro-industrielles,
s'intéressant surtout à l'économie rurale sur la production
du café, du cacao et du coton.
Comme on peut le constater, l'accent est surtout mis sur
les cultures d'exportation, sources de devises pour les
pays. Cette tendance a commencé à s'inverser à partir de
1980, lorsque les Chefs d'Etats africains avaient adopté le
plan d'action de Lagos, faisant de l'autosuffisance
alimentaire l'objetctif prioritaire à atteindre.
Le but de la "révolution verte" dans les pays de l'Entente
est la diversification de la production agricole. Une
progression raisonnable a été enregistrée au cours de ces

JO]
dernières années, plus dans certains pays que dans
d'autres. C'est le cas du Burkina-Faso et du Niger où les
conditions climatiques ont été défavorables.
Mais d'une manière générale, l' agriculture se porte bien,
avec une mention spéciale à la Côte-d'Ivoire, qui, depuis
l'indépendance, connaît un développement extraordinaire,
rapide et apparaît comme la plus prospère de toute
l'Afrique francophone. Cela tient en premier lieu aux
progrès très marqués de la production agricole,. principal
pilier de lléconomie.
Principaux produits vivriers par pays
Bénin huile de palme, taro, igname, manioc, patate douce,
mais
Burkina-Faso haricot, maïs, mil, sorgho
Côte-d'Ivoire .bQnane 1 , taro, igname, manioc, mais, mil,
ammas 1 , riz, patate douce, sorgho, coco, canne à
sucre, arachide, huile de palme 1
Niger sorgho, mais, mil
Togo manioc, igname, taro, mais, patate douce, huile de
palme.
- La Côte-d'Ivoire exporte la banane, l'ananas et 1 'huile de palme
qu'elle produit en quantité considérable.
Dans l'ensemble, la production vivrière parvient, sauf en
ce qui concerne le riz, à couvrir les besoins des pays,
mais elle est répartie de façon inégale;
portuaires (Bénin, Côte-d'Ivoire et Togo)
dentaires alors que les deux autres de
(Burkina-Faso et Niger) connaissent quelques
En revanche, ces derniers ont le meilleur
fournissent
ainsi
de
la viande
à
l'ensemble
les
sont
pays
excé-
l'intérieur
difficultés.
cheptel et
des membres.
Tous les pays importent du riz, sauf la Côte-d'Ivoire dans
une moindre mesure.
1.2.3.3 Les cultures d'exportation
Les cultures
coloniale la
d'exportation constituent
plus importante source
depuis l'époque
de revenus. Leur

)()-\
variété permet, dans une certaine mesure, de pallier
l'inconvénient de la fluctuation des cours sur le marché
mondial. Le café et le cacao représentent pour le Bénin, la
Côte -d' Ivoire et le Togo, l'essentiel des recettes
d'exportation, et 45% dans le cas de la Côte-d'Ivoire en
1990. La caféière ivoirienne s'étale sur 1.350.000
hectares, dont plus d'un million d'hectares en production.
Près de 60% des plantations ont plus de quinze ans d'âge.
Troisième producteur mondial de café après le Brésil et la
Colombie, la Côte-d'Ivoire est le premier producteur de la
variété "Robusta", alors que pour le cacao, le pays occupe
le premier rang mondial, devant le Brésil, le Ghana et le
Nigéria.
On peut remarquer, dans le Conseil de l'Entente, que la
Côte-d'Ivoire est le seul pays véritablement agricole tant
pour les produits vivriers que d'exportation. Ce pays
exporte également l'ananas et la banane dont les cultures
sont en constante extension dans la région littorale. Et
l'exportation du bois représente en valeur pour l'année
1988, plus de 20% des produits d'exportation grâce à
l'amélioration des moyens de transport, à l'augmentation
des investissements et du nombre des chantiers et surtout,
à la création, dans le port d'Abidjan, d'installations
spécialisées pour le stockage et les manipulations du bois.
Quant aux autres pays de l'Entente, dont le volume et les
produits d'exportation sont très faibles comparativement à
la Côte-d'Ivoire, ils font partie des pays les plus
pauvres.
1.2.4. LA SITUATION SOCIO-ECONOMIQUE ET CULTURELLE
1.2.4.1. La situation socio-économique
Le Conseil de l'Entente constitue un ensemble de pays à
forte prédominance rurale. Ce phénomène a renforcé la

communication interpersonnelle, chère aux africains, en
défaveur de celle qui est médiatisée. L' implantation des
industries et la création des écoles, des hôpitaux et des
services administratifs dans les grandes villes ont fait
connaître à celles-ci un développement rapide qui modifiera
la répartition villages-cités urbaines.
Les africains, dans leur grande majorité, restent très
attachés aux campagnes dont ils sont originaires, malgré
leur migration vers les centres urbains, en quête d'un
travail plus "valorisant". Les populations des villes vont
donc augmenter, sans aucune politique de planification des
responsables administratifs et politiques, à cause de cette
présence massive de nouveaux "candidats-ouvriers" qui, dans
l'espoir d'une meilleure condition de vie, délaissent les
travaux champêtres pour s'exiler à Abidjan, Ouagadougou,
Lomé ou Niamey où ils vivront dans des bidonvilles. Et ces
nouveaux migrants déchantent assez vite devant la dure
réalité car leur pouvoir d'achat reste très faible.
Malheureusement, aucune étude dans les pays de l'Entente
n'a été entreprise concernant le rapport salaire/niveau de
vie. Pourtant cet aspect socio-économique est indispensable
ici pour justifier la présence et l'évolution des médias. A
titre indicatif, en Côte-d'Ivoire, (selon l'hebdomadaire
ivoirien "Nouvel Horizon", N D47 du 9 août 1991),
" Le salaire minimum de base est de 33.245 CFA (soit 665 FF) et le
cadre supérieur, dans le corps le plus élevé de la Fonction
Publique débute sa carrière avec un salaire de base ne
franchissant guère la barre de 154.000 CFA {soit 3.080 FF}. Le
taux indiciaire, ainsi que les avancements réguliers sont gelés et
rien ne laisse entrevoir des contours reluisants dans les années ii
venir. Pendant ce temps, que de valses n'ont pas subies les prix
en C6te-d'Ivoire, du fait d'une imposition qui prend à la gorge et
d'une augmentation de prix insoutenable Tous les biens de
consommation usuels, frappés de taxes sauvages diverses, sont à
des prix inaccessibles."
Que signifient concrètement ces salaires quand on sait
qu'un poste de télévision en noir et blanc coûte en moyenne
100.000 CFA (2.000 FF) et que le prix d'un téléviseur
couleur varie entre 200.000 et 300.000 CFA (4.000 à 6.000

lOG
FF)? Il faudrait à un cadre ivoirien qui économiserait
mensuellement 10% de son salaire toute une année pour
acquérir un poste de télévision en couleur. Dans le même
cas de figure, deux ans pour un cadre moyen dont le salaire
est de 120.000 CFA (2.400 FF) et cinq ans pour un ouvrier
ivoirien qui gagne à peu près 60.000 CFA (1.200 FF). La
population rurale a généralement, sauf pour les grands
exploitants agricoles, le plus faible pouvoir d'achat. En
1989, l'Etat ivoirien achetait le kilogramme de café 150
francs CFA (3 FF) aux paysans. Cette couche de la
population doit donc vendre au moins une tonne de café pour
s'offrir un téléviseur couleur. Il n1est pas banal de
signaler que 1000 kilogrammes de café représentent, dans la
plupart des cas, la production annuelle des paysans
dépourvus de matériaux agricoles motorisés et dont les
familles comptent en moyenne 6 à 8 enfants à nourrir.
Ainsi, en épargnant 10% de son gain annuel, le paysan
achèterait en dix ans son poste de télévision en couleur.
Ainsi qu'il a été déjà dit, la situation socio-culturelle
est indispensable pour comprendre la place des médias dans
le processus de développement. Examinons donc cet aspect
dans le sous chapitre ci-dessous.
1.2.4.2 L'approche socio-culturelle
La culture dans les Etats du Conseil de l'Entente fait
l'objet d'un effort de diffusion. On s'efforce également de
dynamiser la société traditionnelle tout en respectant les
réalités socio- culturelles de chaque pays. Le souci
d' harmoniser les conditions d'enseignement a conduit les
Ministères de l'Education des Etats membres à se réunir à
Ouagadougou le 1er et le 2 décembre 1960. Et, depuis, toute
décision et/ou toute initiative font l'objet d'une
concertation et d'une coordination afin d'éviter des
disparités dans les progranm1es d'études.
Parmi les grandes préoccupations, on peut noter le
développement de la formation professionnelle accélérée, de

J07
l'éducation permanente et l'amélioration de la liaison
entre l'éducation et la vie active.
Dans cette étude, nous privilégierons l'alphabétisation et
la scolarisation qui nous serviront d'éléments de base de
comparaisons, à l'intérieur du Conseil de l'Entente, et
d'analyse. Toute réflexion pouvant aider à comprendre
l'homogénéité ou la disparité entre les Etats membres doit
tenir compte du cadre culturel, mais aussi du contexte
éducationnel de chaque pays. Selon le Professeur Guy
Shulders, coopérant français en Afrique Centrale, et
spécialiste des problèmes de croissance et de
développement,
" Les taux d'alphabétisation peuvent, au demeurant, relever de
définitions plus ou moins extensibles du sens donné à ce concept:
si l'on considère comme "analphabète" un occidental qui ne lit pas
un livre entier dans son année, 1 e taux risquera d'être très
élevé. La différence existant entre l'aptitude au déchiffrage d'un
texte écrit en langue nationale et sa compréhension orale
relativise également cette notion. Au demeurant, l'alphabétisation
peut faire l'objet de mesures dans le cadre d'une langue
officielle écrite, qui n'a que peu de liens, surtout dans les
campagnes, avec la langue non écrite que parlent les enfants et
les adultes, quel que soit le niveau de leur scolarisation
antérieure.,,1 .
Il est très difficile d'établir le taux exact
d'alphabétisation, parce que les gouvernants, pour des
raisons de 11propagande ", gonflent les chiffres . L'Unesco
l'estime à environ 21%- pour l'Afrique au sud du Sahara,
pour l'année 1987. La moyenne devrait être de 20%- dans les
pays du Conseil de l'Entente. A titre comparatif, il est
situé à 15%- au Zaïre, 16%- au Cameroun, 12%- au Mali, à 66%­
aux Indes, à 82%- en Europe, à 99%- aux Etats-Unis, etc...
Dans le Conseil de l'Entente, le taux de scolarisation est
de 80%- dans l'enseignement primaire. Le secondaire
accueille des enfants ayant achevé l'école primaire. Le
cycle supérieur est dispensé autant que possible à environ
20%- des jeunes ayant terminé leurs études secondaires. Il
faut signaler que l'adéquation entre le nombre des diplômés
1 - Guy Schulders: S'unir, 1 'Harmattan, 1990, p.p. 59-60

et le marché de l'emploi n'est pas satisfaisante, faute
d'une politique de planification.
Considérée comme la priorité des priorités, l'éduca­
tion/formation absorbe en moyenne 40% du budget général de
fonctionnement et environ 10% du budget spécial des
investissements en équipements. Face à la demande sociale
croissante dans le Conseil de l'Entente et à la raréfaction
des ressources, cet effort à la limite du possible devient
difficile à supporter. L'importance de la demande
d'éducation/formation est directement liée à la croissance
démographique.
Ainsi, la satisfaction de la demande résultant de
l'augmentation de la population se traduit globalement par
une évolution concomitante des structures et des capacités
d'accueil dont le fonctionnement dépend de la disponibilité
de personnels enseignants qualifiés en nombre suffisant; il
en résulte que les Etats doivent consentir plus d'efforts
financiers et humains sans lesquels une partie importante
de la population visée serait laissée pour compte.
L'alphabétisation doit s'inscrire dans un mouvement plus
vaste de progrès et de réformes qui promet de transformer
la vie de ceux qui sont alphabétisés en suscitant des
espoirs et en ouvrant des perspectives nouvelles. Aussi
exige-t-elle une action importante et soutenue durant
plusieurs années. Elle est un facteur particulier d'un
processus complexe de transformation des mentalités, élé­
ment essentiel du développement. Il ne peut y avoir, en
effet, de développement sans mise en valeur préalable des
ressources humaines.
L'Homme est le capital humain le plus précieux et la
ressource fondamentale à partir de laquelle tout
possible. A côté de l'école ou parallèlement à elle,
est
médias devraient constituer de manière progressive et
systématique des réseaux d'éducation et de formation.
Quelle est donc leur place dans les Etats menmres de
l'Entente? Nous examinerons tour à tour la situation des
médias, aussi bien traditionnels qu'électroniques dans les
prochains chapitres.
les

10')
CHAPITRE Il
LES J\10YENS DE COMJ\lUNICATION
DANS LES ETATS DU CONSEIL DE
L'ENTENTE

1 J()
2.1 LES MOYENS THADITIONNELS D'INFORMATION
La formation de l'opinion publique dans les pays du Conseil
de l'Entente, et d'une manière générale en Afrique noire,
n'est pas la résultante d'une action des forces politiques
en place, c'est à dire le Gouvernement et le Parti au
pouvoir. Elle n'est pas non plus, comme c'est le cas dans
les pays industrialisés, le fait presque automatique de
moyens de communication de masse, quels que soit la nature,
le volume ou le degré d'intensité de ceux-ci. La formation
de l'opinion publique dans l'Entente, dont les populations
sont analphabètes, peut être avant tout l'émanation d'un
système populaire et traditionnel d'information,
parfaitement observable, mais difficilement saisissable
dans toute sa dimension. Et, de ce fait, le contrôle d'un
tel phénomène peut échapper au pouvoir politique en place.
Appelons "moyens traditionnels d'information", tous les
moyens utilisés par les populations elles-mêmes pour se
tenir au courant des événements dans leur environnement
proche ou lointain. Savoir ou s'informer a toujours été un
besoin impérieux de l'être humain et l'échange de
connaissances entre les individus est une donnée vitale,
observée depuis toujours. Ces différents canaux
traditionnels de communication échappent partiellement ou
entièrement au contrôle du pouvoir et des organisations
politiques. Parmi ceux que l'on peut observer, nous en
proposons quelques uns, comme exemples à partir des
villages et des cités urbaines:
- dans le village, le responsable de toute la comrnunauté réunit t.ous
les chefs de famille, chaque fois qu 1il a un message à faire
passer. Ces derniers, à 1eul.- tour deviennent auprès de leurs
épouses et de leurs enfants des "répétiteurs" consciencieux et
fidèles des informations reçues.
Quand le village a la chance de disposer d'une école, c'est
l'instituteur, personnage très important grâce à ses
contacts quotidiens avec ses élèves et leurs familles, qui

] ] 2
entre lui et les récepteurs qui sont généralement le clan,
la tribu, le village etc...
Mais dans ces zones rurales, on trouve aussi d'autres
moyens de communication:
le tam-tam et le tambour sont deux instruments de musique
employés dans nos villages, car capables d'émettre des sons
entiers que seuls les initiés peuvent décoder. Certains
ethnologues les ont du reste désignés par des expressions
corrnne "tambours-téléphone" ou "tambours-parlantIll.
Le masque est un mode de corrnnunication beaucoup plus
profond que le tarn-tarn. Il est assez utilisé dans le Nord
et l'Ouest de la Côte-d'Ivoire et dans certaines régions du
Bénin et du Burkina-Faso. Très personnifié, il faut donc
être initié pour le porter ou pour comprendre son message.
Chaque fois qu'il y a un décès, on se sert du fusil pour
informer à distance les villages voisins ou les proches du
défunt qui sont allés aux travaux des champs. Le fusil est
donc un moyen de communication capable d'annoncer
l'événement le plus loin possible, et dont le message peut­
être interprété à partir du nombre de coups. Selon qu'il
S'agisse d'un horrnne ou d'une ferrnne décédé(e) le nombre de
coups de fusil peut-être différent selon les régions.
La danse est aussi un langage et un moyen de communication
dans les villages. Le corps humain, l'instrument que
l'Homme utilise pour s'exprimer, a des possibilités
diverses dans l'accomplissement total des mouvements
naturels, qU'il S'agisse de danses guerrières,
d'initiation, de danses religieuses, de deuil ou de
réjouissance etc... Tous les aspects humains émis par le
corps à travers elles traduisent la pensée du danseur au
public. La danse doit donc paraître aux yeux du profane non
l - Jean Lohisse: COlTUl1unication et Ss2s::.i-éJ;_é, Edit.ions Galilée,1980,
p.42.

Il-l
Parlant de communication non verbale, Edward Hall que nous
avons déjà cité, a consacré à ce sujet un excellent ouvrage
intitulé: "Le langage silencieux", aux Editions
Point/Seuil.
Malheureusement, de nos jours, la communication
traditionnelle se meurt en faveur des moyens électroniques
de communication de masse, et avec elle disparaissent
également nos valeurs culturelles et notre âme africaine.
Dans les villes, les professeurs, les étudiants et les
élèves grâce au milieu pédagogique et culturel qu'ils
fréquentent, constituent un bataillon précieux
d'informations. Les fonctionnaires et les cadres de
l'administration sont également des communicateurs, grâce à
leur statut et à leur niveau intellectuel. Les uns et les
autres, ayant des attaches familiales, sociales ou
géographiques différentes, répandent, à leur manière,
diverses informations.
Les conversations occupent, en Afrique, une part encore
plus importante quand on analyse la manière dont les
nouvelles se répandent. Les bruits, les rumeurs circulent
aussi vite que les informations officielles. Dans les
capitales ou les grandes villes, le "bouche à oreille"
diffuse les nouvelles à une rapidité foudroyante.
Les centres culturels et les foyers de jeunes, dans les
grandes villes, sans être des relais conscients et voulus
comme tels, jouent de ce fait ce rôle. Ils sont
généralement équipés d'un récepteur de télévision et d'un
poste de transistor. Les animateurs présents deviennent
automatiquement des communicateurs, des relayeurs, car
l'information télévisée ou radiodiffusée est souvent
complétée, vivifiée, animée sur place par eux. Ils
traduisent également en langue locale le contenu de la
presse écrite. Selon nous, ils occupent une part
essentielle dans l'efficacité des campagnes d'informations
publiques entreprises par les pouvoirs politiques et

11(i
Aussi, par moyens institutionnels, nous entendons
spécialement les médias mis en place par le pouvoir ou
contrôlés par lui, pour transmettre les messages à
l'ensemble de la population à l'intérieur de chaque pays du
Conseil de l'Entente, c ' est à dire la presse écrite, la
radio, la télévision et les services du Ministère de
l'Information.
Dans le cadre de notre étude, seules la radio et la
télévision retiendront notre attention.
2.2.2. LA RADIODIFFUSION DANS LE CONSEIL DE L'ENTENTE
La radiodiffusion fit son apparition dans les Etats membres
du Conseil de l'Entente, sur décision du gouvernement
français, le 14 septembre 1954, portant création d'un
réseau radiophonique dans les "Territoires d'Outre-Mer".
Il fallut attendre l'année 1960, date à laquelle les pays
de l'Entente comme la plupart des pays d'Afrique
d'expression française accédèrent à l'indépendance, pour
assister à un développement rapide de la radiodiffusion,
avec la création des premières radios nationales.
Fort conscient de l'immense impact qu'elle pouvait avoir
dans la vie économique, sociale, culturelle et surtout
politique, chaque pays de l'Entente s'est chargé de
l'organiser et de l'administrer. Ce souci est d'autant plus
légitime, en raison de l'état déplorable de l'ensemble des
moyens d' information, que seule· la radio présentait des
privilèges considérables en jouissant d'une large audience
auprès de toutes les couches sociales.
Placées sous l'autorité directe des Ministres de
l'Information, ces radios nationales ont la triple mission
d'informer, d'éduquer et de distraire les populations. Il
faut souligner cependant que les conditions techniques ne

117
sont pas encore au point, et l'écoute difficile dans
certains pays, si bien que les régions éloignées de leur
capitale sont sous l'influence de radios étrangères, avec
tous les risques que cela comporte.
On peut par exemple remarquer que dans la zone frontalière
ivoiro-guinéenne, les populations écoutent plus facilement
radio-conakry (Guinée) que la radio nationale de Côte­
d'Ivoire, et qu'à l'est, c'est à dire à la frontière
ivoiro-ghanéenne, "radio-ghana" résonne dans presque tous
les foyers.
Néanmoins, la radio est le moyen de diffusion le plus
répandu. aussi bien dans les cités urbaines que dans les
zones rurales. Il n' est plus étonnant de voir dans les
villages, chaque famille réunie autour d'un transistor et
en train de suivre une émission en langue vernaculaire ou
écouter le commentaire d'un match de football. Aujourd'hui,
de façon à toucher chaque individu, la radio s'adresse en
français et en langues locales à tous les publics: femmes
et hommes, jeunes et vieux, citadins et ruraux.
L'explication de cet état de choses se trouve dans le fait
que la majorité de la population est pauvre et analphabète;
par conséquent, elle n'a ni les moyens matériels pour aller
voir un film au cinéma ni les moyens intellectuels pour
lire les journaux. Aussi, l'acquisition d'un poste de
transistor est-elle le seul moyen susceptible de leur
permettre de suivre les nouvelles du pays, et de leur
offrir une distraction à domicile sans grand frais. De
plus, la radio répond parfaitement à l'oralité de la
tradition africaine.
Sur le plan organisationnel, ces radios nationales sont
toutes dirigées par des chefs de service nommés par décret
en Conseil des Ministres, et qui prennent le titre de
Directeur de la Radio-diffusion nationale. Les Directeurs
ainsi nommés relèvent du Ministre de l'Information, devant
lequel ils sont responsables des services dépendant de

leurs attributions.
II X
En règle générale, conçues au départ comme moyen
d'éducation populaire, les radios dans le Conseil de
l'Entente transmettent fidèlement les nouvelles et les mots
d'ordre du .Président et du parti unique ou gouvernemental.
Elles dispensent, dans une moindre mesure, des conseils
pratiques et offrent aussi un grand nombre d'émissions de
variétés.
Les productions nationales sont plus ou moins
satisfaisantes quand on sait les mauvaises conditions dans
lesquelles travaillent les journalistes africains. Certains
techniciens sont même des "génies" car ils arrivent à faire
fonctionner la radio avec du matériel vétuste et souvent
inadapté. On y rencontre aussi d'excellents journalistes
attachés à faire connaître au public le patrimoine culturel
authentique du pays, en proposant des contes, de la musique
traditionnelle et des récits historiques.
Les retransmission des matches de football, les avis et les
communiqués et le "concert des auditeurs" ont les meilleurs
indices d'écoute. Quant aux enregistrements en provenance
de la France par le biais de la coopération, ils se
limitent aux classiques: anthologie du mystère, théâtre
(une fois par semaine), mémoire d'un continent etc. peu
prisés par les jeunes qui préfèrent les variétés
internationales et africaines.
La jeune génération manifeste très peu d'intérêt pour les
émissions en langues vernaculaires, alors que la langue
française représente environ 40 à 50 % des programmes de
radio et/ou de télévision. Cela S'explique par le fait qu'à
l'intérieur de chaque Etat de l'Entente il y a une
multitude d' ethnies donc une pléthore de dialectes. Dans
ces conditions, les jeunes des zones urbaines, pour
communiquer, utilisent le français qu'ils ont généralement
appris à l'école. C'est surtout dans les capitales que l'on
écoute les chaînes étrangères de radio, en raison d'une
population maîtrisant le français et d'un niveau de vie

plus aisé facilitant
11CJ
l'ouverture aux réalités
internationales, mais aussi, bien évidemment, parce que les
récepteurs sont plus perfectionnés.
Avant de passer aux fiches
radiodiffusions de chaque pays membre,
d'examiner les thèmes hebdomadaires
aux populations.
signalétiques des
il n'est pas inutile
(1) qu'elles offrent
Thèmes ruraux sensibilisation aux techniques agricoles
nouvelles, au dialogue entre paysans, entre
encadreurs ruraux et paysans, etc...
Thèmes culturels histoire, géographie, littérature, contes,
musique, jeux radiophoniques, variétés.
Thèmes sociaux sensibilisation à l'amélioration du niveau de
vie, problème d'hygiène, campagne d'alphabétisation,
rôle de la fenune, droits des
travailleurs, exode rural, etc...
Thèmes politiques adhésion au parti unique ou gouvernemental,
cohésion nationale, campagne de sensibilisation
à la participation volontaire de la population
à l'effort national.
Thèmes économiques sensibilisation à l'épargne, valorisation du
travail agricole, gestion domestique.
Information avis et communiqués, actualités nationales,
compte rendu des activités du président et/ou
des Ministres, nouvelles internationales,
sports nationaux et à l'étranger.
Nous avons construit ce tableau thématique à partir des programmes
de radio de chaque pays. Il s'avère que les thèmes sont en général
1 es mêmes.

2 . 2 . 2 . 1 . 5 TOGO
Dénomination
Adresse
Création
t- )
Nombre de chaînes
Programme
hebdomadaire
Langues utilisées
Moyens techniques
12:1
Radiodiffusion-Télévision de la Nouvelle Marche
(R.T.N.M. )
B.P. 434 Lomé
La radio nationale du Togo a vu le jour en 1960
et est devenue en août 1973 la Radiodiffusion­
Télévision de la Nouvelle Marche.
1
130 heures
français 80\ et deux langues nationales: ewé
10\ et kabyé 10%.
La radio togolaise dispose de 3 studios et de 2
cars de reportage.
1 émetteur de 10 kw à Agou
1 "10 kw à Alédjo
1 " 1 kw à Lomé
Sources d'information: Agence Togolaise de Presse (A.T.O.P.) abonnée à
l'A.F.P.
Ressources
Nombre de récepteurs
Population
Subvention 100* Etat
300.000
3.250.000
(*) Nous avons constitué cette fiche signalétique de la radio
nationale du Togo à partir des données officielles du Ministère
togolais de l'information et de celles prises dans
L'Observètoire de l'informètion,1988, op. cit. pp 568-570

2.2.3 LA TELEVISION DANS LE CONSEIL DE L'ENTENTE
Les premières télévisions dans le Conseil de l'Entente
virent le jour en mars 1963 au Burkina-Faso et en août de
la même année en Côte-d'Ivoire, où elle fut opérationnelle
pour la première fois. C'est pourquoi la télévision
ivoirienne fut surnommée la "doyenne" en Afrique de l'Ouest
d'expression française.
Il fallut attendre 12 à 15 ans pour voir respectivement les
trois autres pays se doter de ce nouveau média : le Togo en
1973, le Bénin en décembre 1978 et enfin le Niger en 1979.
Tout comme les radios nationales que nous avons déjà
étudiées, la télévision dans l'Entente est au service des
Etats et des partis uniques ou gouvernementaux. Elle
constitue une importante étape dans le processus de
développement et d'expression des moyens modernes de
communication. Il faut signaler qu 1 à ses débuts la
télévision a longuement végété, à cause d'une part des
difficultés financières qui ont limité son équipement
technique et restreint son personnel, et de l'absence,
d'autre part, d'une politique définissant clairement ses
objectifs et ses tendances. Cependant, à cause de sa
puissance de persuasion et d' éducation, elle représentait
Ir espoir. Ce média devait aider à la création de l'unité
nationale, participer au processus de développement des
Etats, dans les domaines culturel, social, économique et
politique, en servant de courroie de transmission entre les
populations et les responsables politiques et
administratifs. C'est pourquoi, dans le Conseil de
l'Entente, il est directement placé sous l'autorité des
Ministres de l'information et subventionné entièrement par
les Etats.
Chaque télévision nationale ne dispose que d r une chaîne,
sauf la Côte-d'Ivoire qui en possède deux, mais personne ne

comprend l'utilité de
pauvre où la première
fonctionner.
127
cette seconde chaîne dans un
a déjà d'énormes difficultés
pays
pour
La plupart du temps, ces télévisions diffusent
exclusivement des émissions venues d'Europe et des Etats­
Unis d'Amérique, alors que les productions nationales ne se
limitent qu'aux informations concernant les activités
officielles du Chef d'Etat et des membres du gouvernement.
Parfois, le mariage d'un proche du Président de la
République peut être retransmis des heures durant, ce qui
est le cas en Côte-d'Ivoire, comme si ce genre d'événement
avait une importance nationale.
D'une manière générale, les différents programmes
hebdomadaires de télévision que nous avons consultés (voir
annexes: Bénin, semaine du 26 mars au 1er avril 1990;
Burkina-Faso, semaine du 1er au 7 février 1990; Togo,
semaine du 26 mars au Ler avril 1990) font ressortir les
thèmes suivants:
1. information politique
2. émission sportive
3. émission scientifique et technique
4. information sociale
5. émission culturelle
6. éducation
7. divertissement (musique, téléfilm, théâtre etc)
En ce qui concerne la Côte - d 1 Ivoire, selon le professeur
André-Jean Tudesq la situation est la suivante sur les deux
chaînes ivoiriennes:
\

III
2.2.3.3 FICHE SIGNALETIQUE DE LA TELEVISION IVOIRIENNE
La Côte-d'Ivoire, en ce qui concerne les médias, est une
exception dans le Conseil de l'Entente.
Elle possède en effet le parc télévisuel le plus développé
de toute l'Afrique francophone.
Pour la radio, faisant fi de l'habituel clivage qui veut
qu'en Afrique seules les grandes villes aient accès aux
médias, le pays tout entier vi t à l' heure de la
communication. L'on trouve pratiquement un transistor dans
chaque famille. De plus, chaque jour, plusieurs milliers de
téléspectateurs se regroupent en famille ou chez un ami,
voire chez le voisin, devant la "boite magique" qui devrait
très prochainement, grâce aux satellites, s'ouvrir aux
programmes étrangers. Et l'impact de la télévision est, de
toute façon, croissant. Ainsi, dans une société à tradition
orale et à majorité analphabète, nous constatons que le son
et l'image fascinent.
"Il n'est pas question pour la Côte-d'Ivoire de se mettre en dehors de
cette mondial isation des images. Cela serai t un combat perdu
d'avance", souligne madame Danielle Boni Claverie,
Directrice d' alors de la télévision ivoirienne, qui fait
preuve d'un optimisme à toute épreuve puisqu'elle voit dans
cette future concurrence un défi stimulant.
La situation des médias audiovisuels en Côte-d'Ivoire
mérite d' être suivie avec une attention particulière, car
elle présage ce qui pourrait se passer dans tous les pays
africains, ces années à venir.
Nous allons donc présenter une fiche signalétique de la
télévision ivoirienne et, plus loin, consacrer quelques
pages à la télévision scolaire qui a fait couler beaucoup
d'encre dans ce pays friand de nouveautés.

2.2.3.6 LA TELEVISION SCOLAIRE: LE CAS DE LA COTE D'IVOIRE
2.2.3.6.1. Introduction
Existerait-il un lien de causalité entre la télévision et
l'éducation? Evidemment cette interrogation est d'une
brûlante actualité en Afrique où l'on recherche tous les
moyens nécessaires pour sortir du sous-développement. Une
des réponses apportées aux soucis des PVD gravite
constamment autour de la problématique de la télévision.
C'est que les moyens d'information, comme nous l'avons
plusieurs fois évoqué, constituent de plus en plus un
baromètre intéressant pour mesurer le niveau de
développement. Aussi n'est - il pas étonnant que les
gouvernements africains aient vu en la télévision le moyen
qui allait résoudre leurs problèmes. Dans le Conseil de
l'Entente, les stations de télévision scolaire virent le
jour pour la première fois en 1964 au Niger sous le régime
de l'ancien président Hamani Diori, et en 1971 en
Côte-d'Ivoire. Mais l'enseignement télévisuel est-il en
mesure d'assurer le poids de cette responsabilité? Analyser
le rôle de la télévision scolaire oblige à poser quelques
équations: Quelles en sont les hypothèses de base? A qui
s'adresse-t-elle?
Son programme reflète - t -il les attentes du public?
Bénéficie-t-elle d'un cadre politique, économique et social
favorable à son action? Autant de questions qui seront au
centre de cette étude.
2.2.3.6.2 Les origines de l'expérience et les motivations
politiques
D'après les nombreux documents consultés, les origines de
l'expérience remonteraient à 1967, et les premières études
furent entreprises par des experts français et canadiens,
en collaboration avec les Ministères ivoiriens du Plan et
de l'Education Nationale, les experts de l'Unesco et de la

Fondation Ford. Ces fameux experts ne connaissaient rien
des sociétés africaines, si bien que leurs études portèrent
sur des réalités qui ne cadraient pas avec la spécificité
du contexte ivoirien. S'il est vrai que par la suite les
ivoiriens furent., d'une certaine manière, associés à ce
proj et, il n' est pas exagéré de dire que ce n'était guère
une initiative de la Côte-d'Ivoire.
Les raisons politiques sont beaucoup plus difficiles à
saisir et nous n'en possédons que des indices. Il est
certain que la Coopération française, agissant dans
l'intérêt de la France, a influencé la mise en oeuvre de ce
projet, car dans une note confidentielle adressée aux
Directeurs de la Coopération Culturelle et Technique, le
Ministre français de la Coopération déclare:
" 11 va de soi qu'il est du plus haut intérêt de profiter d'une
conjoncture politique favorable au développement de la langue et
de la culture françaises en participant à la production d'un
matériel audio-visuel cohérent, rediffusable, et dont la France
qerâerei t la copropriété". 1
Dans le même ordre d' idées, un autre exemple, mais très
récent, de l'opportunisme français en Afrique nous a été
révélé dans un document que le service culturel de
l'Ambassade de France au Bénin a mis à notre disposition:
" Notre effacement à la tél évi s i on et à la radio
risque pour le maintien de notre influence
linguistique, pour ne parler que de ce1les-ci,,2.
n'est pas sans
culturelle et
Ainsi, la volonté manifeste de favoriser le développement
de la langue et de la culture françaises dans les anciennes
colonies et notamment en Côte -d' Ivoire qui, à l'époque,
connaissait une économie florissante, n'est pas négligeable
parmi les raisons qui ont précipité ce projet. Mais il
serait maladroit de soutenir que seul cela suffirait à
engager l'avenir d'une jeunesse sur des bases aléatoires.
J
2
Ninistère de la coopér e t i on française, mission du 4 au 14 janvier
1965: Niger-C8te d'Ivoire. Dossier, c-228.
noo» sonunes en possession de ce document s us cept: ib1 e d'être
vérifié si besoin était mais nous espérons que le lecteur
comprendra notre souci de ne pas dévoiler le nom de ce diplomate
qui l'a mis à notre disposition dans le cadre de notre recherche.

2.2.3.6.3. Les hypothèses
La création de la télévision scolaire en Côte-d'Ivoire
émane du diagnostic de la situation du pays sur le plan
économique et éducatif. A l'origine du projet se trouvent,
plus ou moins, les hypothèses de base suivantes:
1. La Côte d'Ivoire est un pays pauvre et sous-équipé.
2. Dans un pays du Tiers-Monde, l'éducation est un
élément important dans le processus de développement.
3. La pol i tique
4.
cohérence et
développement.
ivoirienne de l'enseignement manque
donc ne répond pas aux objectifs
La télévision est un moyen
augmenter le nombre d'enfants en
créer de dépenses supplémentaires.
indispensable
âge scolaire,
de
de
pour
sans
Nous retrouvons ces suppositions dans la déclaration faite
par le Président Félix Houphouet-Boigny en janvier 1967. Il
annonce en effet son intention de réformer profondément
l'éducation ivoirienne pour
" âécouvr i r un système foncièrement efficace, des méthodes réalistes
de sélection des élites et de formation des cadres, des techniques
d'information et de diffusion permettant à l'ensemble de la
population de se sentir intégré et de participer activement aux
efforts des responsables politiques"l.
Ces affirmations du Président HOuphouët-Boigny et les
hypothèses de base vont faire ici l'objet d'un certain
nombre d'observations:
1. En disant
sous-équipée,
que
il
la
est
Côte-d'Ivoire
intéressant
est
de
pauvre
préciser
contenu de la notion, celui-ci n'étant pas sans effet
sur les objectifs et les stratégies de développement,
et sur les jugements que l'on pourra porter sur tel ou
tel moyen, comme la télévision scolaire, dans le but
de vaincre le sous-développement.
- Problèmes audiovisuels n011, documentation française, 1983, pp.22.
et
le

problèmes scolaires du pays.
2.2.3.6.4. Les raisons d'ordre technique et économique
l·lO
La Côte-d'Ivoire est un pays sous-développé qui, comme la
plupart des pays africains, dispose de moyens insuffisants
pour la construction de dispensaires, d' écoles et pour la
formation des enseignants, etc... Face à cette situation,
dans un Etat où l'espoir passe, selon les autorités, par
l'éducation des jeunes, la télévision se distinguait conune
le moyen de communication qui pouvait atteindre plusieurs
élèves en même temps, et dans des régions différentes,
voire très éloignées de la capitale, par un message unique
déjà construit dans les laboratoires spécialisés et
susceptible de ce fait de se passer d'un personnel qualifié
dans les zones de réception.
Dans l'esprit des autorités, il s'agissait de réduire le
budget de l'enseignement, tout en augmentant le nombre de
jeunes scolarisés par un télé-enseignement à distance.
C'était donc l'occasion de réaliser une expérience unique
au monde d'utilisation d'une technologie de pointe dans un
pays du Tiers- Monde.
Et sur le plan économique, les experts ont convaincu les
dirigeants ivoiriens que l'éducation par la télévision ne
coûterait pas plus cher que le système traditionnel
d'enseignement.
2.2.3.6.5. Les raisons pédagogiques et les objectifs
L'intérêt pédagogique défini par les experts découle des
possibilités propres de la télévision en tant que moyen
d'enseignement original, souple et d'un emploi facile. C'est
un outil d'expression qui combine le son et l'image. Les
élèves sont très intéressés par ce nouveau système, si bien
que le taux d'absentéisme est moindre par rapport au

141
système traditionnel où l'instituteur pouvait frapper et/ou
punir tel ou tel élève pour n'avoir pas su une leçon ou
résoudre un exercice d' arithmétique ou de grammaire. La
télévision permet de répéter en repassant plusieurs fois
les mêmes séquences pour ceux des élèves qui n'auraient pas
suivi, au départ, des bandes visuelles et sonores. Elle a
un véritable pouvoir d'illustration supérieur à celui des
manuels classiques. Les images animées en font un
instrument indispensable pour l'apprentissage du langage.
Quant aux objectifs, la Côte-d'Ivoire a adopté la
télévision scolaire en 1968, pour tenter de réaliser entre
cette date et l'année 1990, une scolarisation à 100% du
cycle primaire avec un coût pas trop élevé.
2.2.3.6.6 Les résultats: Un échec
La difficulté et l'échec du projet résident dans cette
confiance totale entre le caractère expérimental et sa
programmation précise d'une part, et la naiveté des
autorités ivoiriennes d'autre part, quand on sait que
toutes propositions de base impliquent des données sûres
hautement crédibles sur lesquelles on peut légitimement se
fier pour démarrer un tel projet. L'essai d'application,
par contre, suppose qu 'on ne dispose au départ que
d'hypothèses à éprouver à la confrontation des faits, afin
d'en tirer, à l'occasion, des données fiables pour servir
de base à une programmation. En bonne logique,
l'expérimentation se fait avant la programmation. Fonder un
programme de cours sur les résultats d'une expérience,
c'est connaître au départ un échec, car dans tous les cas,
les résultats de l'expérience remettront en cause tout le
travail accompli. C'est ce qui s'est passé précisément en
Côte-d'Ivoire.
Dans tout le pays s'est manifesté le mécontentement des
parents qui s'inquiétaient pour l'avenir de leurs enfants.
A cela s'ajoute l'opposition du Syndicat National des

1·12
Enseignants du Supérieur de Côte-d'Ivoire (SYNESCI) qui n'a
jamais cautionné ce système d'enseignement. Et pour preuve,
l'extrait d'un texte signé du SYNESCI:
" Considérant la faiblesse des élèves issus de l'enseignement
télévisuel et leur difficile intégration dans le secondaire
(écriture phonétique, moyenne de passage rabaissée à 7, voire 6
sur 20, exclusion massive en fin de cycle d'observation),
Considérant la masse financière énorme
pour l'achat, l'exploitation, l'entretien
système et autres matériels s'y afférant,
consentie par l'Etat
des appareils dudit
Considérant les défaillances techniques qui entravent le bon
fonctionnement de ce système,
Considérant que le projet d'étendre ce système à tous les
cycles de l'enseignement demeure encore lettre morte parce que
difficilement réalisable,
Fort de l'expérience des autres pays qui ont dû l'abandonner
parce que trop coûteux et inefficace, et même des pays nantis
comme la France, les Etats-Unis, le Canada, etc... qui ne
l'expérimentent qu'en circuit fermé,
Le 10è Congrès du SYNESCI réuni les 29, 29, 30 et 31 juillet 1980
à l'Ecole Normale Supérieure d'Abidjan,
Dénonce la
télévisuel
carence attestée du système d'enseignement
... Demande sa suppression pure et simple avant que plusieurs
générations d'ivoiriens ne soient intellectuellement eecri t i é ee»-
D'une manière générale, le système télévisuel
d'enseignement n'a jamais bénéficié d'une opinion publique
favorable depuis sa création, et l'on peut observer, dans
la dernière semaine du mois d'août 1980, un abondant
courrier qui ouvre le débat le concernant, et où l'on peut
lire ce cri d'un enseignant de collège:
" Comment m'expliquez-vous le fait qu'un enfant puisse lire le mot
"maman" et qu'il soit incapable de reconnaitre la lettre "m" ou
"a" une fois prise cS part? Comment m'expliquez-vous le fait qu'un
enfant puisse lire son livre de la première ligne à la dernière
avec l'appui des dessins et qu'une fois le dessin caché, il soit
incapable de lire le nom écrit en âes sous "? .
1
2
- EnJ_k-ernité nai.iu, quotidien ivoirien d'information, 5 août 1980,
p.3.
Ivoire-Dimé1JlS:.lli;., hebdomadaire de Côte-d'Ivoire, N°499 du 31 août
1980, p. 8.

2 _2 _3 _7 _ REMARQUES:
1--1-+
La rédaction de ce chapitre concernant les fiches
signalétiques des radios et télévisions des pays du Conseil
de l'Entente a présenté des difficultés.
Nous nous sorrnnes en effet référé aux documents officiels
que les pays ont mis à notre disposition, à ceux des
ambassades de France dans chacun des Etats et à ceux de
l'Unesco. Nous avons également consulté "Les télévisions du
Monde", un panorama dans 110 pays, publié par Cinémaction
et Télérama N°48, juin 1987, L'observatoire de l'information
dans le monde: 206 pays au microscope, Seuil, avril 1989,
ainsi que l'article sur les médias africains dans Marchés
tropicaux du 29 avril 1988, p.p. 1022-1036 et enfin les
Dossiers de l'audiovisuel de septembre/octobre 1991, p.30.
Nous avons constaté, à la lecture de ces divers documents,
que les données chiffrées ne concordaient pas. Nous avons
donc procédé par recoupements et retenu les chiffres les
plus vraisemblables. Nous sommes convaincu que l'ensemble
donne plus ou moins une idée correcte des tendances
globales bien que, dans les pays du Conseil de l'Entente,
il soit très difficile de comptabiliser le nombre de
récepteurs de radio et de télévision, et de magnétoscopes.
Cette brève présentation des fiches signalétiques se
rapportant à chacun des pays membres nous a permis
également de découvrir et comprendre les premières
difficultés d'ordre technique et financier. Face aux
problèmes du sous-développement, les médias ont-ils assumé
leurs fonctions et leurs rôles?
2.2.3.8. . L'analyse des programmes de télévision dans le
Conseil de l'Entente
Il est important de s'intéresser aux programmes des

145
télévisions nationales des Etats du Conseil de l'Entente
pour mieux comprendre la place de ce média dans le contexte
de développement.
Le premier élément qui retient notre attention de par son
évidence même, c' est que les cinq télévisions nationales
pourraient être les filiales des principales chaînes
françaises: TF1, France 2 et France 3 dont les émissions
culturelles, de variétés et les documentaires, sont
régulièrement repris.
Ensuite, nous constatons que 60 à 70 % des programmes
proviennent de France, d'Allemagne, d'Angleterre et des
Etats-Unis d'Amérique, pour la plupart des films
documentaires que les pays de l'Entente sont incapables de
produire eux-mêmes, du fait des infrastructures lourdes en
moyens techniques, humains et financiers qu'elles
nécessitent.
Observons quelques données chiffrées: au Bénin, le
programme hebdomadaire de la télévision, du 26 mars au
dimanche 1er avril 1990 (voir programme en annexe) a donné
un volume horaire de 27h35. La part de la production
nationale était de 9h30 soit 32% contre 18h05 soit 68% de
productions étrangères.
Au Burkina-Faso, du 1er au 7 février 1990, le volume
horaire hebdomadaire était de 42 heures 40 minutes
réparties ainsi: 20h15 mn (47%) de production locale contre
22h25 (53 %) d'apport étranger, (voir annexe) .
Au Togo, le programme hebdomadaire du 26 mars au dimanche
1er avril 1990 (voir annexe) était de 41h46 minutes dont
20h06 de production nationale soit 48% contre 21h40mn (52%)
de programmes importés.
Le Niger, qui devrait défendre la francophonie, puisque
voisin du grand et puissant Nigéria anglophone, ne diffuse
que 30% d'émissions dans la langue de Victor Hugo. Les
programmes en français, composés du journal télévisé et de
quelques jeux, ne dépassent pas six heures hebdomadaires.
C'est l'unique pays à produire presque la totalité de ses
émissions en langues nationales, car il tient compte de la

I·n
Diabi n'en révèle pas moins une très forte dépendance par
rapport aux sources étrangères au rang desquelles il faut
signaler la France, les U.S.A., la Grande-Bretagne,
l'Allemagne, etc. Il n'est pas inutile de noter également
que la prédominance des émissions importées n'est pas le
seul handicap à la réalisation d'une production nationale
adaptée aux exigences du développememt. Les grilles de
progranunes, telles qu'elles sont conçues à l' heure
actuelle, ne semblent pas non plus compatibles avec les
politiques "originelles" favorables à l'éducation des
masses populaires pour leur émancipation et leur bien-être.
En effet, que remarque-t-on? D'abord que la part belle est
faite aux informations officielles. Par exemple, le
Président de la République et les membres du gouvernement
dans les Etats du Conseil de l'Entente sont quotidiennement
orrmiprésents sur le petit écran. Cette tendance à
"l'officialisation" des émissions télévisées relègue au
dernier plan les programmes sociaux ou quotidiens
susceptibles d'intéresser les populations. Il en résulte,
fatalement, un processus de distanciation entre la
télévision (70 % d'émissions importées) et son public (80%
d' analphabètes). Ensuite, l'absence de rétroaction et de
sondages d'opinions crédibles, accentue ce divorce. Enfin,
la situation matérielle précaire des journalistes et
techniciens, par ailleurs soumis à de multiples pressions
et tiraillés entre des directives diverses, annihile leur
motivation et ils finissent par se complaire dans un
fonctionnarisme peu constructif.
Ces données expliquent très bien, pensons - nous, l'état de
dépendance vis à vis de la France pour l' acquisition de
l'équipement et la formation des cadres, VlS à vis des
Etats-Unis d'Amérique pour les séries.
La télévision est un signe extérieur de richesse pour les
personnes qui possèdent un récepteur et un instrument de
prestige pour les Etats dont l'unique souci semble être
l'acquisition d' un volume horaire le plus important
possible. Peu importe l' inadéqua t ion des programmes avec

les politiques de développement, encore moins leur qualité!
Ainsi, de Lomé à Abidjan via Ouagadougou, l'on voit défiler
sans discernement sur le petit écran des séries
essentiellement américaines: "Dallas", "Dynastie",
"Colombo" la plupart du temps programmées à des heures
confortables, juste après les journaux télévisés. Sans
discernement, disions - nous, car personne, chez les hauts
responsables, ne s'interroge sur la signification réelle de
telles émissions pour un public dont les préoccupations
essentielles demeurent la survie de la famille, du clan ou
de la corrrrnunauté, face aux grands problèmes de famine,
d'hygiène et de scolarisation des enfants.
La France perd quelques acquis sur cet ensemble francophone
face au dynamisme de la production américaine. Sa création
n'est pas à la hauteur de sa culture, si bien que par
exemple le feuilleton "Chateauvallon" n'a pas connu de
succès dans ses anciennes colonies.
Les Etats sont si pauvres qu'ils préfèrent acheter les
séries américaines qui, reconnaissons-le, sont bon marché.
Alors que les chaînes françaises ou suisses paient les
trente minutes de "Dallas" 9 millions de francs CFA
(180.000 FF), les pays du Conseil de l'Entente l'obtiennent
pour seulement 65.000 francs CFA (1.300 FF), ce qui
généralement ne couvre pas les frais de port. Les
américains pratiquent une politique d'adaptation aux
différents marchés qui leur permet de s'implanter même dans
les pays les plus pauvres de la planète; ainsi ils rendent
dépendants aussi bien les pays occidentaux riches que ceux
d'Afrique, d'Asie et d'Amérique Latine. Personne ne peut
échapper à leurs sociétés multinationales géantes. C'est
pourquoi les télévisions africaines sont plus tentées
d'acheter que de produire, ce qui explique la présence des
directeurs de chaînes au M.I.P.-TV de Cannes.
L'exemple de la Côte-d'Ivoire est très significatif dans ce
sens, parce qU'elle a augmenté en 1989 son budget "achats"
de 26 millions FF contre 800.000 FF pour les productions

nationales afin de mieux acquérir les produits étrangers.
La situation n'a pas changé depuis car les séries
américaines et françaises sont de plus en plus nombreuses
dans les programmes des chaînes africaines. C'est ce qui
explique la présence, sur les marchés internationaux, des
directeurs de stations de télévision du Conseil de
l'Entente en quête de produits occidentaux récents vendus à
des prix abordables, alors que les films africains ne sont
pas achetés à cause du prix (invoquent-ils) relativement
élevé de leur standard horaire. C'est ainsi que Il Visages de
femmes Il du cinéaste ivoirien Désiré Ekaré a été diffusé en
France sur Antenne 2 le 15 juin 1991, alors que les
télévisions africaines ne l'ont jamais programmé. Dans le
même sens, le "mandat ll du sénégalais Sembène Ousmane n'a pu
être diffusé dans son propre pays que grâce à un don de
France Média International. Cette situation tend à
décourager les artistes et cinéastes nationaux et souvent,
par la présence considérable d'émissions étrangères, à
éloigner les téléspectateurs de leurs réal i tés, de leur
culture.
Quant aux productions nationales dans les Etats du Conseil
de l'Entente, elles sont constituées de trois parties d'une
manière générale:
1. Quotidiennement des émissions d'éducation et d'informations
en langues vernaculaires sont proposées aux
populations rurales mais l'impact d'une telle
programmation est presque nul pour trois raisons:
- Le public visé n'a pas les moyens d'acquérir un poste
de télévision.
Les zones rurales
électricité.
ne sont pas couvertes en
- Les émetteurs des stations de télévision sont faibles
pour atteindre les zones éloignées des capitales.
2. Les journaux télévisés ne font guère que rendre compte
des activités du Chef de l'Etat et/ou des membres du

gouvernement.
intégrale du
"camarade ll ou
1)0
Souvent on assiste à la retransmission
discours du Il sage Il , du "timonier", du
du "guide éclairé"; c'est selon le pays.
n Aussi, lorsque les statistiques (officielles) affirment que plus
de la moitié des programmes sont "nationaux", il faut noter que
près des deux tiers de ces "heures africaines" sont réservées aux
informations détaillant les moindres faits et gestes du Chef de
l'Etat ou des membres du gouvernement. De tell es images sont
ensuite rediffusées, éventuellement pendant une semaine, par
exemple sous la forme d'éditions spéciales"}.
Ainsi, les informations en langues nationales ou en
français (langue officielle) permettent à l'Etat
d'exprimer son idéologie et sa politique en matière de
développement. Les nouvelles nationales qui sont lues
par un présentateur ne sont jamais illustrées, alors
que les informations internationales sont des reprises
ou des synthèses du journal de la chaîne française
Antenne 2.
3. Enfin, la dernière partie qui se situe après le journal
télévisé propose dès 20h30 des émissions de variétés,
des documentaires, des téléfilms américains ou
français. Curieusement les responsables des programmes
ne se préoccupent pas en général du contenu idéologique
et culturel des films occidentaux, mais ils censurent
simplement les scènes où les actrices sont dévêtues.
Quant aux variétés, essentiellement composées de
musique, elles constituent la spécialité des
télévisions africaines qui en produisent au moins 50%.
Il semble que le divertissement soit la fonction
prerru e r e de la plupart des moyens audiovisuels
d'information, ce qui est bien dommage!
De plus, il convient de noter ici que le contenu des
programmes de télévision est destiné avant tout à un public
urbain. L'information est donc conçue pour l'élite en
général et les quelques citadins sachant parler le
français. Malheureusement cette conception est loin de se
modifier parce que les Etats sont de plus en plus pauvres
et la multiplicité des langues n'arrange pas les choses.

151
La langue officielle est le français, qU'utilisent
seulement 20% de la population et les programmes importés
qui envahissent les médias nationaux diffusent dans cette
langue leurs documentaires, feuilletons, films, etc, alors
que les informations rurales sont pratiquement
inexistantes. Il est clair, dans ce contexte, que le gros
de la population est sélectivement écarté, si bien que la
télévision en tant qu'outil d'éducation des masses est très
inefficace, ce qui est un frein à la réalisation des plans
nationaux de développement.
A l'instar de leurs confrères des pays latino-américains,
les hommes politiques et les professionnels du Conseil de
l'Entente ne réfléchissent pas sérieusement à l'utilisation
appropriée des médias audiovisuels. Les plans sont si mal
élaborés et les plages horaires si mal gerees que la
télévision ne soutient pas effectivement les activités de
développement.
Nous reviendrons ultérieurement sur les effets et les
conséquences des programmes étrangers qui envahissent ces
chaînes nationales.

]52
CHAPITRE III
LA POLITIQUE NATIONALE DES MEDIAS
DANS LE CONSEIL DE L'ENTENTE

153
3.1 AU NIVEAU DES INSTITUTIONS NATIONALES
Les analyses de la science politique traditionnelle peuvent
certainement expliquer le mécanisme et le fonctionnement
des systèmes des ex-pays de l'est ou ceux du monde libéral
capitaliste, mais elles rencontreront des difficultés à
tous les niveaux dans les pays du Conseil de l'Entente où
les populations furent longtemps membres d'un seul part i
unique dont le langage politique se prête à plusieurs
niveaux d'interprétation. La démocratie en occident
correspond à une participation de chacun à la vie de la
cité, à la liberté d'expression donc à une pluralité
d'opinions, et cette démocratie n'est possible qu'à
condition qu'un minimum de développement existe et que
seuls, l'incivisme, les malversations, l'organisation
donnent lieu à des discussions.
En ce qui concerne les pays du Conseil de l'Entente, au
lendemain des indépendances, des amendements
constitutionnels ont abouti à l'existence de partis uniques
et de leur primauté sur les gouvernements, car l'excuse des
dirigeants était (et l'est encore malheureusement) la
construction nationale. La formation et la construction de
l'unité nationale doivent être fondées sur l' authenticité
qu'implique, après la phase de dépersonnalisation des
africains du fait de la colonisation, un retour des peuples
à leurs sources sociales et culturelles. Sékou Touré résume
parfaitement la situation, quand il écrit:
"La nation n'implique pas seulement l'unité géographique,
l'identité des conditions économiques et des lois sociales. Elle
exige en plus d'une communauté de destin "un langage pratique
commun" qui peut exister même si de nombreuses ethnies et de
nombreuses langues s'y trouvent groupées. Un programme de
développement historique national Butour d'objectifs économiques
et sociaux communs, impliquant des principes et des pratiques
politiques, économiques et sociales identiques, et enfin des

Mais en pratique, l'Etat et le Parti unique ne font qu'un
car, à tous les niveaux de direction, on prend les mêmes et
on recommence.
3.2 AU NIVEAU DE LA DOCTRINE
La domination étrangère, l'introduction parfois brutale de
nouvelles méthodes de pensée et d'action, les heurts entre
la société moderne et la culture traditionnelle ont
provoqué, dans la plupart des pays africains, une réaction
de défense contre le colonisateur, une unification du
peuple face à l'envahisseur.
Mais cette réaction n'a pas suffi pour créer une nation et
l'indépendance a vu les pays du Conseil de l'Entente
confrontés à la fois au problème de développement politique
c'est à dire de la construction nationale, et à celui du
développement économique et social.
Or, dans les deux cas, le rôle des moyens de communication
est essentiel et apparaît dans la mise en relation des deux
mondes étrangers que sont les élites occidentalisées des
villes et les populations rurales sous-développées. Il
apparaît également lorsqu'il s'agit de l'introduction de
techniques modernes dans une société en transition.
Aussi, dans l'accomplissement de l'oeuvre de construction
nationale, les gouvernements utilisent-ils les moyens de
communication de masse, à la fois pour provoquer un
changement d'attitude et de comportement de la population,
et pour franchir les barrières qui séparent les différentes
cultures et les différentes ethnies à l'intérieur du pays.
La façon de transmettre le message politique, les idées

156
nouvelles ou les techniques modernes est l'un des éléments
qui conditionnent la participation du peuple : suivant que
le monde extérieur lui sera présenté comme hostile ou
amical, la population sera disposée ou non à participer à
la modernisation de son propre pays et à son intégration
dans la communauté internationale. Encore faut-il que cette
intégration ne se fasse pas au détriment de la culture
populaire profonde et de son original i té, car Cl est
précisément grâce à elle que cette population acquiert une
conscience nationale et se différencie des autres.
De manière générale, les dirigeants du Conseil de l'Entente
détestent les critiques et les assimilent systématiquement
au dénigrement et à la malveillance.
La tâche essentielle, pour les dirigeants des Etats membres
se trouve donc être la construction et la consolidation de
la nation, assurant ainsi le développement économique et
social.
L'information, de ce fait, est conçue comme un moyen majeur
de réalisation de cette politique. Cette conception
explique sa nature et ses relations avec l'Etat,
personnification juridique de la nation. Cela donne une
première limitation à la liberté de la presse.
3.3 ETATISATIül" DES MEDIAS
La mainmise des autorités sur les médias ne s'est pas faite
brutalement. Elle résulte d'une prise en charge progressive
des divers organes de presse déj à existants, soit, comme
c'est le cas pour la radio, grâce à l'utilisation, lors des
indépendances, de services initialement contrôlés par
l'ancienne puissance coloniale, soit par la substitution à

157
l'Agence France-Presse d'une Agence de Presse Nationale, ou
encore par la création pure et simple de nouveaux moyens de
cOITIDunication, en l'occurrence la télévision.
La situation des principaux organes de presse montre que le
"patron", dans le Conseil de l'Entente, c'est l'Etat. Les
Ministres de l'Information jouent un rôle essentiel. Les
directeurs des organes de presse, de radio et de télévision
dépendent d'eux. A un échelon supérieur, eux-mêmes à leur
tour ont directement affaire aux Chefs de leurs Etats. Il
est évident qu'il s ne peuvent pas, de leur propre
initiative, prendre la responsabilité de changer quoi que
ce soit d'important dans un domaine aussi délicat que celui
de l'information.
Ce même réflexe est observé chez les directeurs de chaînes
nationales de radio, télévision et de presse écrite, qui,
nommés par décret en Conseil des Ministres, appliquent par
allégeance les directives qui leur parviennent des milieux
gouvernementaux. Par prudence, à leur tour, ils ne
permettent pas à leurs collaborateurs et aux journalistes
de s'en écarter. Cela n'exclut pas qu 1 il existe quelques
directeurs honnêtes qui sont des hommes de progrès. Mais
souvent la conviction conservatrice ou le respect de la
hiérarchie (quand ce n'est pas le souci de faire carrière)
prennent le dessus.
En apparaissant comme un moyen de la politique, la gestion
des canaux de communication de masse ne peut donc qu'être
attachée au niveau le plus élevé de la décision politique.
Un extrait de la déclaration, en 1984, du Ministre ivoirien
de l'Information, devant le dernier congrès du syndicat
national des journalistes de Côte d' Ivoire permettra de
comprendre la conception de l'information en Afrique:

] :'il)
membres, essaient d'intéresser les paysans en leur parlant
de problèmes généraux sur l'agriculture, ainsi que du bilan
des activités de la région 00 ils résident etc...
Mais il ne suffit pas d'éveiller la curiosité de l'auditeur
ou du téléspectateur, il faut encore le retenir en
l'amusant; c'est ce que recherchent les émissions sur le
folklore, les chansons, les contes, etc ...
Pourtant, si cela n'offre pas de difficultés particulières,
il en va autrement lorsque sont abordés les problèmes
politiques ou nationaux. En effet, nous avons constaté que
l'action d'information sur les pays en général, et sur les
politiques gouvernementales en particulier, qui devrait
accompagner l'action de compréhension entre les différentes
ethnies, rencontre la réticence des gouvernements.
Dans la plupart des cas, l'explication reste à un niveau
très vague et superficiel; les déclarations officielles
sont diffusées à longueur de journée, les activités
gouvernementales et parlementaires font l'objet de comptes
rendus, les réceptions et les festivités sont l'occasion de
reportages variés. Cependant, il est rare de voir un
dirigeant expliquer devant les micros la position
gouvernementale sur telle ou telle politique des prix ou de
l'emploi. Cela s'explique certainement par le fait que les
autorités jugent nécessaire de transformer et d'éduquer le
peuple avant de l'informer.
La transformation des mentalités est donc la condition
préalable à toute mobilisation du peuple en vue du
développement. "11 Ile faut jamais perdxe de vue que la bataille du
développement repose sur l'aptitude de l'homme à se reconvertir" nous
confiait un haut dignitaire ivoirien en privé.

ICJlJ
Que signifie cette reconversion? Il s'agit de savoir si le
principal rôle des moyens de communication de masse dans le
Conseil de l'Entente est d'entraîner un changement dans
l'action, d'obtenir, par exemple, qu'un paysan agisse dans
le sens voulu par le gouvernement. Ne serait-il pas plutôt
de favoriser un changement d'attitude à l'égard de la
modernisation?
Mais le changement d'attitude considéré comme un simple
moyen pour aboutir à un changement d'action est
insuffisant. Il est relativement facile d'obtenir une
action déterminée de la part d'une population par la
persuasion, la terreur 1 la promesse d'une récompense ou
l'autorité.
L'attitude des gouvernements des Etats de l'Entente semble
assez ambiguë à ce sujet. Ils souhaitent, en effet, une
transformation des mentalités qui favoriserait leurs
politiques de développement mais restent assez vagues sur
la possibilité d'une évolution des attitudes.
De toutes les façons, les autorités estiment qu'une telle
transformation sera longue et difficile. Les traditions
sont solidement enracinées, et la construction d'une nation
moderne ne saurait se faire au détriment des valeurs
culturelles traditionnelles.
Le rôle des médias est donc de faciliter une évolution des
mentalités en évitant les ruptures psychologiques.
Enfin, transformer les mentalités ne suffit pas; il est
indispensable de proposer une solution de remplacement
lorsqu 1 une pratique est condarrmée et d'intégrer la
population au développement général du pays grâce à
l'éducation. Alors que dans les pays industrialisés, les
problèmes de l'information et ceux de l'éducation sont le
plus souvent distincts, dans les P.V.D. ils font partie

d'une seule et même stratégie de développement.
Les moyens de communication de masse doivent prendre en
charge l'éducation et la formation professionnelle de la
population, ou au moins diffuser l'enseignement donné dans
les écoles. Ils constituent en effet, un multiplicateur à
ne pas négliger dans des pays où les écoles et les
enseignants ne sont pas encore en nombre suffisant:
Ainsi, la radio et la télévision peuvent être utilisées,
non seulement pour permettre une ouverture sur le monde
extérieur, mais encore pour éduquer la population, et
alphabétiser le monde rural. C'est pourquoi:
1/ la communication doit bénéficier d'un financement adéquat, dans
tout projet de développement, en tant que composante intégrée à
chacun d'eux. Les activités dites de "communication à l'appui du
développement" sont essentielles pour mobiliser les initiatives et
fournir à l'action dans tous les domaines du âével oppement:v? .
Or, dans cet ordre d'idées, les Etats ont consenti dans ce
domaine quelques efforts que nous allons tenter de vérifier
dans le sous-chapitre suivant.
3.5 LES EFFORTS CONSENTIS PAR LES GOUVERNEMENTS
3.5.1 DES PROGRES TIMIDES AU NIVEAU DES ETATS
Parmi les grandes innovations apportées, notons que la
radio et la télévision ont été dotées de moyens techniques
dont la puissance permet aujourd'hui de couvrir un peu plus
de la moitié des territoires nationaux.
- Rapport NacBride, o.p., c i t., p.319.

Ainsi, le contenu des émissions radiophoniques faitune
large place à l'éducation populaire par des campagnes de
sensibilisation sur les questions de santé, d'éducation,
d'épargne, de planification familiale, d'hygiène et de
vulgarisation agricole en langues vernaculaires.
Par exemple, en Côte d'Ivoire, dans la diffusion de
nouvelles techniques agricoles, on a su tirer profit de
l'idée d'une discussion à tous les niveaux entre les
techniciens agricoles, les animateurs et les ruraux, en
utilisant la radio pour expliquer à cette couche de la
population le meilleur moyen pour produire mieux. Satisfait
de ce genre d'émissions, le Ministère de l'Information a
créé un j eu radiophonique baptisé: "La Coupe nationale du
progrès". C'est une série de campagnes d'éducation en
milieu rural. Mais comme son nom l'indique, c'est aussi une
compétition mettant en jeu quatre trophées: Coupe des
sous-préfectures, coupe des exploitants agricoles indi­
viduels, coupe des villages et prix spécial du meilleur
jeune agriculteur.
L'émission de radio qui est le support de cette campagne de
sensibilisation comporte trois magazines: "Le quart d'heure du
paysan" de 6h.30 mn à 6h.4S mn, tous les jours sauf le
dimanche, "Terre au soleil" et enfin "Terre et culture".
Dans tous les pays du Conseil de l'Entente, la radio joue
un rôle important dans tous les domaines, car elle est le
meilleur outil pour éduquer les ruraux et réduire les
handicaps liés au sous-développement. D'ailleurs, elle n'a
pas besoin d'énormes investissements par rapport à la
télévision dont le coût d'exploitation est onéreux. Elle
offre une grande souplesse d'emploi tant au niveau de la
production qu i à celui de la réception; et elle est une
technologie appropriée et efficace pour une région gui

163
compte encore 80 % d'analphabètes.
L'utilisation de la télévision aux fins de développement
est quant à elle une pratique récente qui date de ces dix
dernières années en Afrique. Grâce à sa puissance
d'illustration par l'image, elle a participé à des actions
générales pour faire comprendre aux paysans l'importance et
la nécessité de reconvertir leurs méthodes de travail. Très
souvent, du fait de l'absence des voies et des moyens de
transport, elle a permis aux dirigeants de s'adresser
directement aux populations. Ainsi, en Côte d'Ivoire,
l'opération "Barrage de Kossou" en est un bel exemple qui
mérite d'être cité:
La vallée du Bandama 1 est une région du centre du pays qui
doit être aménagée par la création dl un barrage. Trente
villages, habités par plusieurs ethnies, doivent être
évacués. Il S'agit donc de persuader les personnes à
déplacer, que cette situation n'est pas catastrophique.
L'autorité de l'aménagement de la vallée du Bandama
commande un film destiné aux habitants de la région en
question, et trois villages - témoins sont désignés par un
sociologue qui les choisit dans trois ethnies différentes.
Le scénario comprend trois parties:
1. La vie actuelle de ces villages
2. Les travaux du barrage
3. La vie d'un nouveau village au Ghana (pays voisin) créé
après la construction d'un barrage similaire.
De plus, le film est tourné dans un style d'accès facile et
des copies sont livrées:
1 L'aménagement de la vallée du Bandama, service de vulgarisation du
Ministère àe l'Information et de la Communication, Abidjan,
octobre 1972

ICA
1. A la société d'aménagement de la vallée du Bandama, qui
les projette dans les villages à évacuer. Un
commentaire parlant le dialecte de la région accompagne
la projection du film.
2. Au ministère de l'information pour une diffusion plus
large au niveau national.
Au Bénin et au Burkina-Faso, la télévision se prête
également en effet, grâce à la force pédagogique et
idéologique des images, à des démonstrations et à des
représentations d'événements. L'image et le son constituent
une puissance de persuasion, mais son plus gros handicap
est le coût élevé qu 1 elle entraîne tant au niveau de la
production que de l'entretien.
Sur le plan international, l'Unesco demande à tous les pays
de
Il prévoir les facilités nécessaires pour l'éducation et la formation
du personnel des médias et des organisations de production, ainsi
que pour la formation des gestionnaires, des techniciens et du
personnel d'entretien".
Dans ce sens, l'effort des gouvernements s'est orienté vers
la formation et le recyclage de quelques cadres et
techniciens de l'information et de la communication. A cet
effet, quelques jeunes ressortissants du Conseil de
l'Entente ont été envoyés au Centre d'Etudes des Sciences
et Techniques de l'Information de Dakar pour une formation
de haut niveau en journalisme, qui tient compte des
réalités africaines. D'autres vont en France pour des
études universitaires de troisième cycle préparant à la
recherche en communication.
On les rencontre au Groupe de Recherche sur les Enjeux de
la Communication de l'Université de Grenoble III, à

]65
l'Institut Français de Presse de Paris II et à l'Institut
des Sciences de l'Information et de la Communication de
Bordeaux III etc... Mais la plupart de ces étudiants
disposent de très peu de moyens matériels, ce qui peut
limiter la portée du travail et risque d'influencer sur le
choix du sujet, du contexte, voire de la méthodologie des
recherches.
De plus sur le plan de la coopération, les Etats de
l'Entente ont pris des initiatives en vue d'instaurer entre
eux des échanges de programmes, des cadres de coproduction
d'une part et des cadres d'échanges au niveau international
d'autre part. Nous en livrons ici quelques exemples.
3.5.2 COOPERATION AU NIVEAU REGIONAL ET INTERNATIONAL
3.5.2.1 CENTRE D'ÉCHANGE ET DE PRODUCTION DE L'ENTENTE
(C.E.P.E.)
Les Etats membres ont créé en 1975 le C.E.P.E. à Abidjan,
mais c'est à la capitale togolaise, Lomé, que revient
l'honneur d'en être le siège. Financé par le Fonds d'Aide
et de Coopération (FAC), le Fonds Européen de Développement
de la CEE (FED), et l'aide internationale des Etats -Unis
pour le développement, le C.E.P.E. est une banque de
données mise à la disposition des politiques, des
professionnels et des chercheurs de l'Entente.
Malheureusement, il est entravé par des difficultés de
financement et par l'absence de cadres compétents. En
outre, la méfiance entre eux a entraîné des divergences sur
les attributions exactes de cet organe. Aussi, en attendant
de résoudre les problèmes internes, les pays membres se
sont-ils tournés vers d'autres organisations régionales
et/ou internationales en matière d'information et de

communication.
3.5.2.2 UNION DES RADIOS
D'AFRIQUE (URTNA)
ET TÉLÉVISIONS NATIONALES
Il est réaliste de noter qu'aucun pays africain ne peut
résister isolément à l'expansion des puissantes entreprises
combinatoires de médias audiovisuels, voire de la presse
écrite et des agences publicitaires.
Développer la coopération panafricaine sur la base
d'échanges et de productions de programmes est un moyen
efficace pour l'établissement d'un nouvel ordre en matière
d'information et de communication.
C' est pourquoi les Etats du Conseil de l 1 Entente,
conscients de la nécessité d'une coopération africaine
visant à créer des échanges d'informations plus équitables
et plus pertinents, ont adhéré à l'Union des Radios et
Télévisions Nationales d'Afrique. L'U.R.T.N.A., née le 29
septembre 1962 à Lagos capitale du Nigéria, à travers ses
textes constitutifs, se donne comme buts de:
[lromouvoir,
entre les
maintenir et développer
Etats africains et régler
différends entre membres.
la coopération
les éventuels
Assurer l'approvisionnement des pays membres en matière
de programmes.
Favoriser les échanges et la promotion de productions
africaines sur le marché international.
Défendre, dans tous les domaines, les intérêts des
membres utilisant ses services.
1
i
1
)

167
Encourager la promotion de la culture africaine à
travers la programmation d'émissions tenant compte des
spécificités du continent noir.
Conformément à l'article XV des statuts, l'URTNA dispose de
trois centres qui assurent son fonctionnement. Il s'agit du
Centre administratif qui se trouve à Dakar au Sénégal,
siège de l'Union. Le Centre technique est au Mali dans la
petite ville de Makala à 250 Km de la capitale Bamako.
Enfin l'honneur revient au Kenya d'abriter le Centre
d'échanges de prograrrrrnes dans sa ,capitale Nairobi.
En réalité, ce Centre ne gère que 600 programmes africains
en quête d'échanges, car les pays membres ne s'intéressent
pas assez à ce stock du fait de la mauvaise qualité des
productions africaines. Pour recevoir un programme, le pays
intéressé doit alors envoyer au Centre de Nairobi une
cassette vierge BVU 3/4 de pouce et en retour, il reçoit
ainsi une copie. Mais l'argent nécessaire à l'acquisition
d'une cassette vierge fait défaut dans bon nombre de pays,
ce qui limite ce type d'échanges.
En réalité, depuis 28 ans que l'URTNA est créée, ses
résultats restent jusqu'à présent insuffisants à cause de
l'insouciance des membres qui ne payent pas leurs
cotisations ou encore ne mettent pas leurs propres
productions à la disposition de l'Union. Ce qui est plus
grave encore, c'est que personne ne veut diffuser des
prograrmnes d'un autre pays sur sa chaîne nationale. Par
conséquent, les événements survenus dans un pays limitrophe
ne sont connus que grâce aux radios étrangères: RFI, Voix
de l'Amérique, ou BBC, etc. Aussi, sans être obstinément
pessimiste pour autant, pouvons nous déclarer que le seul
recours reste encore pour longtemps les émissions gratuites
proposées par la France, les Etats -Uni s d'Amérique,

l'Allemagne...etc.
3.5.2.3 PANAFRICAINE DES TÉLÉCOMMUNICATIONS (PANAFTEL)
]6::\
parmi les exemples de coopération régionale en matière de
communication, citons le réseau panafricain des
télécommunications qui regroupe les cinquante pays du
continent. Créé sur l'initiative de l'Organisation de
l'Unité Africaine (O.U.A), Panaftel est une tentative
visant à implanter dans la région une technique permettant
aux Etats membres de communiquer directement par le moyen
de liaisons hertziennes à large bande, de câbles sous­
marins et de systèmes de communication par satellite. Et
bien que sa réalisation ait été entravée par des pénuries
de ressources, le réseau comptait à la fin de 1986 environ
43 000 kilomètres de liaisons installées dans 41 pays dont
35 000 par faisceaux hertziens et 8 000 par câbles sous­
marins, ces liaisons étant complétées par des stations
terrestres de communication par satellite.
Au nombre des dispositifs régionaux visant à encourager
d'étroits rapports entre les exploitants de télécommuni­
cations et à harmoniser et améliorer les services
administratifs et techniques, on compte:
3.5.2.4 L'UNION AFRICAINE DES POSTES ET TÉLÉCOMMUNICATIONS
(U.A.P.T.)
Depuis sa création en 1961, l'Union Africaine des Postes et
Télécommunications, dont font partie douze Etats, s'est
efforcée d'encourager la coordination et la coopération
entre les membres pour le développement des télécommuni­
cations et des services postaux.
3.5.2.5 L' UNION PANAFRICAINE
(U.P.A.T.)
DES TÉLÉCOMMUNICATIONS
1 ::

!G9
L'Union Panafricaine des Télécommunications a été créée en
décembre 1977 en tant qu'institution spécialisée de
l'Organisation de l'Unité Africaine s'occupant de
télécommunications. L'UPAT qui est une organisation inter­
gouvernementale africaine compte 50 pays membres, et son
siège se trouve à Kinshassa (Zaire) L'organe suprême de
l'UPAT est la Conférence des plénipotentiaires qui se
réunit tous les quatre ans en session ordinaire. Le Conseil
administratif, qui comprend 19 Etats membres, se réunit
tous les ans pour donner des directives quant à
l'administration de l'Union et approuver le programme des
activités et le budget. Les activités de l'Union en matière
de développement de la communication sont, d'une manière
concertée et intégrée, centrées sur le développement
harmonieux, l'exploitation et l'entretien des réseaux et
services de télécommunication en Afrique.
L'UPAT joue également le rôle d'intermédiaire en matière
d'assistance technique et de bourses pour le compte des
administrations africaines de télécommunication. L'Union
fait porter l'essentiel de ses activités sur les divers
aspects du Panaftel: réalisation, exploitation,
maintenance, tarification, gestion et formation. Elle s'est
aussi employée à réaliser des études sur la radiodiffusion
en Afrique, à favoriser la création de matériels de
télécommunication sur le continent, la coopération entre
Etats et la participation à des conférences ayant un lien
avec le développement des télécommunications en Afrique.
Pour notre part, nous ajouterons quelques exemples qui
peuvent aider à comprendre l'utilité de la modernisation
des télécommunications dans les pays du Conseil de
l'Entente:
Des parents s'inquiètent pour leurs enfants qui ont
quitté le village afin de poursuivre des études dans la

grande ville.
170
Un infirmier détaché dans une zone rurale sollicite du
Ministère de la santé l'envoi de médicaments
nécessaires de toute urgence pour combattre une
épidémie de rougeole ou de choléra qui sévit dans une
agglomération.
L'instituteur du village demande quand il recevra les
prochaines fournitures scolaires à distribuer aux
élèves nécessiteux.
Un homme d'affaires africain veut des renseignements à
Paris pour conclure un marché urgent.
Un étudiant africain en Europe, dans le cadre de ses
études, doit obtenir des statistiques concernant son
pays, etc ...
3.5.2.6 L'AGENCE PANAFRICAINE DE L'INFORMATION (PANA)
AU cours des vingt dernières années, la plupart des médias
africains aussi bien de presse écrite qu'audiovisuels ont
adhéré à la Pana, unique organisme spécifique du genre au
niveau supranational sur le continent. En voici les
principales étapes:
pour la première fois, à la Conférence générale de l'UNESCO
à Nairobi au Kenya en novembre 1976, l'Assemblée générale
promulgua le concept du NOMIC. Trois ans plus tard, du 4 au
9 avril 1979 à Addis-Abeba en Ethiopie, lors de la deuxième
Conférence des Ministres africains de l'information, la
Convention portant établissement de la Pana vit le jour.
Après quatre années de transition,
anniversaire de l'OUA le 25 mai 1983,
lors du vingtième
la première dépêche
l,"
.,g ... !.

171
signée par la PANA fut transmise depuis Dakar, sous la
direct.ion du Nigérien Cheick Ousmane Diallo. En novembre
1985, la première session extraordinaire des Ministres
africains au Caire, en Egypte, a nommé le Congolais Auguste
Mpassi-Muba au poste de directeur Général de l'Agence
Continentale.
L' Agence est basée à Dakar et possède 5 pools régionaux.
Elle dispose en outre d'un Bureau à Addis-Abéba qui couvre
les événements se produisant au niveau de l'Organisation de
l'Unité Africaine et de la Commission Economique (des
Nations Unies) pour l'Afrique (CEA). Un autre Bureau, basé
à Hararé au Zimbabwé, traite et transmet des informations
relatives à la lutte de libération nationale en Afrique
Australe.
La PANA est la plus jeune des Agences de Presse à
prétention mondiale. Elle est même, dans sa structure,
unique en son genre, en ce qu'elle est la seule agence au
fonctionnement de laquelle les pays de tout un continent
ont mis leurs moyens en commun. Tels que déf inis par sa
convention d' établissement, les objectifs de la PANA sont
les suivants:
Promouvoir les buts et objectifs de l'OUA
consolidation de l'indépendance, de l'unité
solidarité africaines.
pour
et de
Mieux faire connaître les luttes de libération des
peuples contre le colonialisme, le néo-colonialisme,
l'impérialisme, l'apartheid, le racisme et le sionisme
ainsi que toutes autres formes d'exploitation et
d'oppression.
Favoriser un échange efficace d'information sur le plan
la
la
...
,-;
1 .'
i/
",(

172
politique, économique, social et culturel entre les
Etats membres.
Oeuvrer pour l'intégration sous-régionale et régionale
des pays africains, renforcer entre eux une coopération
bilatérale et multilatérale en assurant une circulation
rapide et permanente d'informations objectives et
responsables.
Corriger l'image déformée de l'Afrique, de ses pays et
de ses peuples, par suite d'informations partiales
négatives diffusées par les agences de presse
étrangères, et oeuvrer avec détermination à
l'expression de ses valeurs culturelles.
Constituer une banque
développement des
traitement et de
adéquate.
de données sur l'Afrique pour le
possibilités de collecte, de
diffusion de la documentation
Contribuer au développement des agences nationales déjà
établies et encourager, en Afrique, la création
d'agences nationales et d'instituts multinationaux de
formation dans le domaine de l'information et, si
nécessaire, en coopération avec les organisations
internationales ayant compétence dans ce domaine.
Veiller à la
communication
visuelle.
préservation et
traditionnelle,
à la promotion de
orale, écrite
Coopérer avec les organismes africains d' information
pour une plus grande impulsion en matière de presse, de
radio, de télévision et de cinéma.
la
et

173
La PANA, dans sa conception même et au regard des objectifs
qui lui ont été assignés, est donc une agence
multifonctionnelle dont l'évolution s'opérera selon les
quatre axes suivants:
- un pool des agences africaines de presse qui a pour
mission d'assurer l'échange de nouvelles entre les
agences de presse des pays membres.
La PANA dispose de cinq pools correspondant à 5 grandes
régions du continent:
1. l'Afrique
Zaire
2. l'Afrique
3. l'Afrique
4. l'Afrique
au Soudan
Centrale dont le siège est à Kinshassa au
du Nord avec pour siège Tripoli en Libye
du Sud ayant pour siège Lusuka en Zambie
de l'Est dont le siège se trouve à Khartoum
5. l'Afrique de l'Ouest dont le siège se trouve à Lagos
au Nigéria.
Les nouvelles sont, en outre, diffusées en français,
anglais, arabe et portugais.
- une agence classique de presse: c'est la fonction-test de
la capacité de la PANA à faire face à tous les défis
d'indépendance et de crédibil i té propres à une grande
agence de presse.
- une banque de données qui réunit, traite, stocke et met à
la disposition d'une clientèle diversifiée et, en
priorité, des médias les informations concernant
l'Afrique.
- une agence photographique
permettra, à l'avenir,
encore
à la
au stade de projet qui
PANA de mettre à la

17-t
disposition de ses clients des documents photographiques
et audio-visuels.
Malheureusement, la création de l'Agence Panafricaine se
heurte non seulement à la pénurie de moyens financiers et
techniques, mais aussi au manque de crédibilité des agences
nationales muselées par les partis uniques ou
gouvernementaux, qui constituent, malgré tout, ses
principales sources d'informations.
Cette situation a créé des effets négatifs, parce que même
les membres n'utilisent pas (ou rarement) les informations
que la PANA met à leur disposition. Quant aux médias
occidentaux, ils préfèrent les sources de leurs envoyés
spéciaux, si bien qu'aucun d'entre eux n'est encore abonné
à l'Agence Panafricaine.

3.5.2.7 L'ESPRIT DU NOMIC DANS LE CONSEIL DE L'ENTENTE
175
Dans le sens des recorrrrnandations du NOMIC, les Etats du
Conseil de l'Entente ont pris quelques initiatives
favorisant la coopération dans divers domaines de
l'information. A cet égard, ils sont membres de plusieurs
organismes internationaux et acceptent également, sur leur
territoire, la présence de journalistes et médias étrangers
tels que:
- l'Agence France Presse (AFP), installée dans les pays du
Conseil de l'Entente depuis juin 1958,
- l'Agence Reuter depuis octobre 1960,
- la voix de l'Amérique qui a ouvert un bureau en Côte-
d'Ivoire en septembre 1971,
- la New Agency of Nigeria (NAN) qui a aussi ouvert un
bureau permanent en Côte-d'Ivoire, faisant de ce pays son
premier poste en Afrique francophone,
- Les Etats membres de l'Union Internationale des
Journalistes de Presse de Langue Française (UIJPLF).
Pour la télévision, la Côte-dt Ivoire dispose à Paris d'un
Bureau d'information et de liaison, dont la mission
consiste à assurer la coopération directe entre la Radio­
Télévision Ivoirienne (RTl) et les chaînes françaises de
l'audiovisuel. Il réalise ponctuellement pour la RTl des
reportages concernant uniquement l'actualité politique
ivoirienne en France et qui sont retransmis à Abidjan par
satellite depuis Paris. Mais si, dans les Etats du Conseil
de l'Entente, on écoute les radios nationales, on y écoute
aussi, régulièrement, les stations étrangères:
Radio France Internationale est présente en Afrique depuis
très longtemps. C'est un média de service public qui, jadis,
dépendait de Radio France. Avec l'arrivée des socialistes
au pouvoir, et le bouleversement du paysage audiovisuel

" " '.. ,.. .
tous les problèmes intérieurs et étrangers.
17

3.6. CRITIQUE DES MEDL\.S AUDIOVISUELS
IRl
Dans bon nombre de pays africains, les médias audiovisuels
ont été considérés dès leur naissance comme des moyens de
communication favorables à la démocratisation et au
développement, à tel point que tout le
convaincu de leurs possibil i tés d'éducation.
les attitudes à l'égard dé la télévision ont
qui concerne le Conseil de l'Entente, la
monde était
Auj ourd 1 hui,
changé. En ce
télévision se
trouve en mauvaise position car elle est, d'une part,
concurrencée par la radio; et l'on assiste, d'autre part, à
une totale absence de programmes nationaux tenant compte
des réalités spécifiques de chaque pays, de sorte que plus
de la moitié des émissions est importée. Ainsi, une
télévision que l'on croyait être au départ un outil de
développement est présentée, de nos jours, par quelques
intellectuels et universitaires nationaux intègres, comme
un instrument dangereux et coûteux. Alors que les 3/4 des
régions ne sont pas encore couvertes en électricité, et que
la plupart des villages manquent de dispensaires et de
classes d'école, les gouvernants ont introduit
maladroitement la télévision en couleur. Au contraire, par
les énormes investissements de "prestige" qu'ils
entraînent, certains choix ne font que compromettre le
développement de ces pays déjà assez pauvres. Pierre Péan,
dans "l'Argent noir" fait une remarque judicieuse:
" Beaucoup de projets seraient mieux à leur place: une route, un
chemin de fer, un aéroport peuvent servir grandement le
développement d' un pays, mais peuvent aussi contribuer à
l'appauvrir irrémédiablement. Exemple: une autoroute qui relie la
capitale au village du Président, un chemin de fer qui relie la
capitale au village du Président et transporte peu de matières
premières, un aéroport international dans le village natal d' un
autre président. Une fois en1 ev ées ces dépenses de
"prestige-déve1oppement" qui ont encore dévoré des dizaines de
milliards de dollars, combien, parmi les 1200 milliards de dollars
de dette, ont réellement servi à financer des usines, des
1 •
1
' , '
.',
: :>
",

complexes
agricol e,
agro-alimentaires,
des routes utiles?Nl
des projets de développement
Les propos du journaliste français Pierre Péan sont justes
parce que la télévision nécessite un budget énorme sans
pour autant être un moyen de communication accessible à
l'ensemble de la population. Entièrement financée par
l'Etat, elle ne fonctionne que pour les 2% qui constituent
l'élite capable d'acheter un récepteur de télévision. Pour
la plupart des dirigeants, la télévision était quasiment
une chance, parce que capable simultanément d'atteindre
même les régions les plus isolées par l'absence des voies
de communication. On attendait d'elle une contribution
directe et immédiate au développement et une impulsion
décisive vers la démocratie et le progrès social. C'est
dans cette optique que moult efforts ont été déployés dans
chaque Etat pour se doter précipitamment de chaînes
nationales sans avoir eu le temps de remettre en cause les
modèles hérités des anciennes métropoles tutélaires,
compromettant ainsi le développement.
Il est vrai, reconnaissons-le, que ce média, s'il est bien
utilisé, peut participer à des actions de sensibilisation
en matière de santé, de techniques agricoles, d'hygiène et
d'éducation, etc... Malheureusement, quand elles ont lieu,
les émissions n' atteignent que peu de citadins et encore
moins le public rural dont la grande majorité ne possède
pas de récepteurs de télévision. L'initiative de ce genre
d'émissions est bonne en soi, mais l'inégale répartition
des ressources donne aux populations rurales un faible
pouvoir d'achat qui rend la télévision inaccessible.
D'autre part, la majorité des villages ne sont pas équipés;
or, le développement des médias audiovisuels doit également
se vérifier par les moyens dont disposent les différentes
1 - Péan Pierre, l'Argent noir, Fayard 1988, p. 278.

183
couches de la population pour recevoir les informations
chez elles chaque jour, quelles que soient les distances
qui les séparent de Lomé, ouagadougou, Cotonou, Niamey ou
Abidjan, villes-capitales.
En revanche, une attention plus favorable doit être
accordée à la radio qui convient mieux aux besoins des pays
en développement et qu'il faudrait par conséquent mieux
utiliser en la "repensant". Alors que les experts du
développement reconnaissent l' efficacité de la radio, la
télévision se révèle incapable d'opérer les ajustements
qualitatifs qu'on espérait d'elle et de s'adapter aux
besoins réels des différentes couches de la population. Sa
place est contestée aujourd'hui par quelques intellectuels
avisés des pays du Conseil de l'Entente.
Dans le même sens, nous partageons l'avis d'Amadou Koné
qui, au sujet de la télévision ivoirienne, écrit:
je crois d'ailleurs généralement qu'il a été prématuré
d'installer la télévision dans ce pays (... ), qu'on aurait pu s'en
passer pour le moment. Et puis, le problème, est-ce vraiment
d'être 1 e pl us proche de 1 /Europe ? ,,1
Pour répondre à cette interrogation d'Amadou Koné, qui est
aussi la nôtre, nous disons simplement qu'avant d'acheter
un téléviseur il faudrait d'abord avoir les moyens de se
nourrir, de se loger et de scolariser les enfants; et pour
pouvoir suivre une émission, il faut savoir le français, ce
qui n'est pas le cas de la majorité ?e la population. Signe
extérieur de richesse dans les familles, "élément de
prestige" pour les Etats, la télévision n'est pas encore un
média populaire parce qu'elle ne répond pas aux exigences
des pays du conseil de l'Entente.
Amadou Koné: Sous le pouvoir aes . Blakoros, Nouvelles Editions
Africaines, pp. 126-127, 1985.
1.

IX-i
Pour qui essaie d'analyser la situation d'un point de vue
historique et sociologique, la télévision comme moyen de
communication contingent est née d'un besoin réel au
lendemain des indépendances. Mais pour être efficace, elle
doit s'adapter, s'africaniser dans son contenu et répondre
aux spécificités de chaque pays ou de chaque région. Et
comme il est essentiel, dans ce genre de travail, de donner
précisément des preuves de ce qu'on avance, nous allons en
examiner les plus importantes qui sont, on s'en doute, de
nature et de valeur inégales.
3.6.1 DEPENDANCE DES MEDIAS
Les télévisions nationales dans le Conseil de l'Entente,
édifiées selon le modèle français, sont d'un coût tellement
élevé que les Etats n'ont pas les moyens d'en assumer les
charges. Cette situation est d'autant plus dramatique
qu i e l Les restent encore dépendantes des aides étrangères.
Les télévisions constituent ainsi un corps étranger sans
lien avec les milieux qu'ils sont censés conduire vers un
changement. L'importance que revêt l'assistance extérieure
dans ce domaine rend quasiment impossible tout effort de
réforme véritable. De ce fait, cette dépendance devient si
inquiétante que l'expansion des médias constitue un danger.
Alors que tous les Etats du Conseil de l'Entente sont de
plus en plus pauvres, les nouvelles technologies, quant à
elles, loin d'avoir atteint leur point de stabilisation,
continuent à évoluer à grande vitesse et dans des
conditions qui rendent souvent toute prévision délicate.
Ces technologies modernes offrent certainement des
facilités nouvelles en permettant des installations plus
légères et plus souples mais, en contrepartie, elles
exigent des capitaux importants et des techniciens de haut

185
niveau. Dans ce domaine, plus que dans d'autres encore, ces
pays se trouvent dans une situation difficile à surmonter,
car ces technologies coûtent cher tant pour leur
installation que pour leur renouvellement. Il en est de
même des études préliminaires qu'elles exigent et qui,
lorsqu'elles existent, sont plus souvent faites en fonction
des souhaits des constructeurs occidentaux que par rapport
aux besoins des utilisateurs et à leurs moyens de
financement. Ces derniers éléments technique, économique et
financier sont valables pour l'ensemble de tous les
continents, mais leur poids se fait beaucoup plus sentir en
Afrique où l'économie est fragile. Une autre dépendance,
dont on parle très peu, est celle imposée par les Etats
eux-mêmes au nom de l'unité nationale et des exigences du
développement. Eternel prétexte dont usent encore les
dirigeants du Conseil de l'Entente pour se masquer le
visage afin de mieux contrôler l'information. Dans ce sens,
il n'est pas honnête d'accuser l'Occident des maux
endogènes, si les africains ne sont pas capables de
procéder à une autocritique objective, car il est trop
facile de dénoncer sur la scène internationale le caractère
à sens unique de l'information, alors qu'à l'intérieur des
Etats, les médias sont confisqués par les pouvoirs en
place. Souvent, on a vite fait de poser le problème sous
l'angle international pour s'offrir une excuse, alors qu'il
convient de le faire en priorité sous l'angle local ou
national. L'absence de démocratie qui caractérise l'Afrique
explique peut- être cet état des choses.
3.6.2.LES fAIBLESSES TECHN1QUES DES MED1AS
Pour que les médias soient efficaces afin de mieux remplir
leur rôle d'outil de développement, ils doivent reposer sur
un réseau de communication fiable. On comprend dès lors

pourquoi, dans dans le Conseil de l'Entente, leurs
activités se heurtent à des obstacles autres que
politiques. L'état de sous-développement total dans lequel
ces pays évoluent laisse à chacun le soin de comprendre les
difficultés de fonctionnement que connaissent la radio et
la télévision pour ne citer que ces deux-là. Il n'est pas
touj ours possible, en ce qui concerne la télévision, de
couvrir toutes les régions car la plupart des émetteurs,
dans chaque pays, sont d'une faible puissance si bien
qu'ils n'atteignent que les capitales et leurs environs
proches. Les villages n'étant pas équipés, il est quasiment
impossible de joindre, par téléphone, un parent ou un ami,
quand on a besoin très vite d'une information.
De plus, l'absence d'électricité dans les 3/4 des régions
constitue un frein évident à la généralisation de la
télévision et d'autres moyens technologiques d'information.
Dans les villes de l'intérieur, les populations se heurtent
souvent à un service défectueux lorsqu'elles essaient
d'utiliser radio, télévision ou téléphone, à cause de la
faiblesse des émetteurs ou d'une maintenance inexistante.
Il n'est pas rare de voir, en Côte d'Ivoire, qu'une partie
du pays est couverte en son télévisé et l'autre dépourvue
d'images. Par exemple,
/1 la mise à l'écart délibérée, inacceptable et injuste d'une grande
partie du territoire ivoirien (Tai pour le téléphone, Bouna pour
la radiodiffusion etc... J, ne favorise pas l'intégration nationale
et ne permet pas une répartition harmonieuse sur l' ensemb1 e du
territoire. Au contraire, elle accentue l'exode rural et favorise
1 es concentrations de populations. ,,1
Plusieurs facteurs se combinent pour expliquer cet état de
choses: une grande partie de l'équipement est vétuste et
tombe très souvent en panne. Il suffit d'un orage ou d'un
"!:!.QJJ-Y..e-1 Horizon", hebdomadaire ivoirien N° 35 du 20 mai 1991, p. 2.

lX7
vent violent pour que toutes les voies de communication
soient hors de service. Une autre réalité, c'est l'absence
de personnel qualifié pour assurer correctement la
maintenance de l'équipement. Il est arrivé, dans certains
pays, que le matériel reste inemployé parce que les
techniciens ne savent pas s'en servir. Quand l'équipement
est à la fois insuffisant et défectueux, le service s'en
ressent et les efforts de développement sont faibles. Et
lorsque des Etats comme le Bénin, le Burkina-Faso et le
Niger, qui font partie des pays les plus pauvres de la
planète, essaient de corriger ces lacunes, ils sont
confrontés à de nouveaux· problèmes, tels que le
financement.
3.6.3 DIFFICULTE DE FINANCEMENT DE L'INFRASTRUCTURE TECHNIQUE
Les investissements nécessaires pour mettre en place une
politique adéquate de communication sont trop faibles pour
répondre aux besoins des pays qui ont naturellement accordé
la priorité à l'agriculture, la santé, l'éducation, etc ...
Les pays du Conseil de l'Entente sont pauvres et la
récession économique a rendu la situation plus difficile,
quant à l'exportation du café et du cacao (unique source
pour obtenir des devises) dont les prix ont chuté à un
niveau tel, qu'ils ont d'énormes difficultés pour honorer
leur dette en devises fortes (dollars USA) et ne peuvent
donc plus prétendre à de nouveaux engagements. Un malheur
n'arrive jamais seul. Du coup, l'aide des pays riches a été
réduite à cause de cette crise mondiale qui frappe toutes
les nations, bien évidemment dans des proportions
différentes. Cette absence de ressources financières est un
gros handicap, quant à l'acquisition de matériel nécessaire
à l'amélioration rapide des réseaux existants. Mais il est
très difficile d'obtenir des données exactes sur le coût

lXX
des équipement: s et de leurs installations, car celui - ci
varie en fonction de la nature et de la portée des projets
définis. Et il est regrettable que les données ne soient
pas disponibles pour les pays qui nous intéressent, ce qui
limite une analyse qualitative.
Dans cette situation due à la rareté des fonds et à
l r empirisme des politiques, les "technocrates" chargés de
la sélection des projets prioritaires, nécessitant un
budget, sont confrontés à des choix ardus.
En outre, l'importance des médias audiovisuels et le
potentiel qu'ils représentent, en tant que moyens
indispensables contre le sous-développement, ainsi que leur
influence dans tous les autres domaines de l'activité
nationale, ne sont pas touj ours appréciés corrune il
convient. La réalité c'est qu'aucun pays, pris isolément,
ne peut financer l'achat du matériel et la production des
émissions qui nécessitent un budget important. Dans ce
sens, une coopération régionale s'impose.
3.6.4. INSUFflS.!\NCE DES ECHANGES ENTRE LES ETATS DU CONSEIL DE
L'ENTENTE
La communauté Economique Européenne est devenue la
principale référence des Organisations régionales du
continent africain. Chaque fois que les dirigeants se
réunissent, immanquablement l'exemple de la construction
européenne est évoqué. L'avenir est dans l'approche
communautaire. Néanmoins, depuis la création du Conseil de
l'Entente, il y a eu plusieurs coupes de champagne et de
nombreux discours, mais rien de concret n'a été réalisé.
L' objectif global d' un marché commun sous - régional paraî t
de plus en plus lointain du f a i t de l'absence d' échanges

commerciaux entre les pays membres. Les infrastructures de
transport et de communication se sont parfois améliorées,
mais seulement à l'intérieur de chaque territoire national.
Aujourd'hui, à l'heure des grandes initiatives
communautaires, à l'instar de la CEE, qu'on fait les Etats
du Conseil de l'Entente dans le sens d'une coopération en
matière de communication? Tous les pays du Tiers-Monde ont
mis l'accent sur la coopération Sud-Sud lors des
différentes conférences internationales. Maintenant,
regardons les réalités en face: cette conviction si noble
d'un échange, d'une solidarité entre pays pauvres fait
dramatiquement défaut pour des raisons psychologiques et
culturelles. C'est que les pays du Tiers-Monde continuent à
faire la distinction entre les principes generaux qui
doivent guider leur action et la pratique quotidienne de
l'information qui continue à se plier à des réflexes
hérités et à des préjugés désuets. Dans le cadre des pays
qui nous intéressent, notons qu'une grande méfiance existe
entre eux, car certains étaient jusqu'en 1991 marxistes
(Bénin et Burkina-Faso) alors que d'autres se disent,
depuis l'indépendance, capitalistes (Côte-d'Ivoire, Togo et
Niger) . Cette mentalité qui souffre des séquelles
idéologiques est le plus grand handicap à l'instauration
d'une véritable coopération Sud-Sud au niveau de
l'information.
Pour parler plus concrètement, traitons d'un cas de
coopération en matière de médias du Conseil de l'Entente,
qu'un responsable nous a confié: lors de la création de
"l'Entente", mensuel des Etats membres, les Ministres de
l'information avaient annoncé le projet du jumelage des
quotidiens et des médias audiovisuels des cinq pays. rI est
ainsi plus ou moins indiqué dans la conclusion du projet
que Les : signataires sont conscients qu'un tel effort de

Il)()
rapprochement et de collaboration est de nature à pallier
l'insuffisance de l'échange de programmes entre les membres
d'une même organisation.
Ils affirment par là leur volonté de mettre en oeuvre tous
les points du projet dans les plus brefs délais. L'objectif
en est donc très clair.
Au niveau de la presse écrite, il a été décidé en 1980
d'élaborer le programme en six points:
1. Echange de visites entre les rédacteurs en chef des
quotidiens.
2. Echange de seJour pour les journalistes. Les frais de
transport sont à la charge du journal invité, les frais
de séjour à la charge du journal qui accueille.
3. Chaque journal charge un de ses journalistes les mieux
qualifiés d'assurer une correspondance locale régulière
pour les autres partenaires. Cette correspondance
couvrira les principaux événements nationaux et
régionaux, voire internationaux, se déroulant dans l'un
ou l'autre pays.
4. Chaque journal peut faire appel aux correspondants
internationaux de la rédaction de ses partenaires du
Conseil de l'Entente afin de "couvrir" pour lui
l'événement qui l'intéresse dans la zone géographique
considérée.
5. Echange d'abonnements de
documents photographiques
profession.
journaux
et autres
ainsi que
intéressant
de
la

191
6. Pour les médias audiovisuel s 1 la coopération porte en
plus sur l'échange d'émissions de radio ou télévision
et la coproduction.
Il s'agit là, en tout cas, d'un projet ambitieux et
polyvalent qui traduit sans détours une volonté politique
soucieuse d'instaurer une coopération étroite entre les
organes de presse du Conseil de l'Entente. Qu'en est-il de
la réalisation? Jusqu'à cette date, c'est à dire dix ans
après, aucun des six points n'a été mis en oeuvre. Le plus
important, sans doute, est de connaître les raisons qui
empêchent de passer du discours à l'action et qui, selon
nous, ont valeur d'exemple pour tous les pays africains qui
doivent y réfléchir. A la lumière de cette expérience
négative, nous pouvons dire, sans trop de risques
d'erreurs, que les principaux obstacles à une coopération
Sud-Sud en matière d'informations se situent à trois
niveaux:
D'abord au niveau des mentalités: dans la pratique
quotidienne, les journalistes du Conseil de l'Entente
demeurent toujours conditionnés par le flux considérable de
nouvelles qui leur parviennent du monde occidental, agences
de presse, etc... et continuent de s'imposer dans les
salles de rédaction comme une référence solide, unique et
crédible.
On fait plus confiance aux nouvelles en provenance de Paris
qu'à celles fournies par les autres capitales voisines.
Cette situation est liée certainement à l'héritage colonial
mais également à la pauvreté des pays qui n'ont guère les
moyens de communiquer directement entre eux.
Ensuite, l'absence de liberté d'expression et de la presse
â rendu l'information complaisante et présentant souvent
des aspects non conformes aux réalités des pays. Les médias

souffrent des tares des systèmes politiques autoritaires et
monolithiques qui les contrôlent. L'information est non
seulement peu attrayante mais aussi peu crédible.
Enfin, le manque dl infrastructures constitue un obstacle
important qui freine toute la circulation de l'information
dans cette direction. Quand un quotidien de Côte-d'Ivoire
arrive au Burkina-Faso avec un retard d'une semaine, quel
intérêt peut-il garder et quelle serait alors l'utilité de
sa diffusion? Lorsque pour téléphoner du Bénin au Niger, il
faut passer par Paris, qui peut supporter un coût aussi
élevé? Ces trois facteurs combinés constituent un handicap
à la création d'un véritable flux sud-sud de l'information
indispensable au rapprochement et à la solidarité entre les
Etats ayant les mêmes préoccupations.
3.6.5 L'ASSISTANCE TECHNJQUE
L'assistance technique est certainement la forme la plus
ancienne d'aide extérieure. C'est aussi l'un des secteurs
les plus importants et les plus délicats de la coopération
pour le développement. En matière d'information et de
communication, elle se compose de quatre activités
fondamentales:
1. La présence dans le Conseil de l'Entente, d'experts et
de conseillers occidentaux remplissant des fonctions à
la fois consultatives et opérationnelles.
2. La formation (professionnelle, stage et recyclage)
3. La fourniture d'équipements
4. L'envoi gratuit de programmes de télévision, de radio

et de films dans les pays sous-développés.
L'ampleur de l'assistance technique est telle qu'une
analyse approfondie de son rôle par rapport à l'ensemble
des contributions Si impose. Elle a permis de mettre en
place, dans les pays du Conseil de l'Entente, une
infrastructure spécialisée qui, outre ses effets
multiplicateurs, garantit un apport continu en personnel
très qualifié. Grâce à la formation qu'ils ont reçue outre­
mer, les étudiants et les stagiaires ont acquis des
compétences professionnelles dans leur spécialité.
Néanmoins, plusieurs questions se posent au sujet de cette
forme d'aide:
l'assistance technique n'augmente-t-elle pas la dépendance,
par opposition à l'autonomie?
Ne crée-t-elle pas des liens avec certaines métropoles avec
lesquelles les relations sont déjà marquées par le souvenir
du colonialisme?
N'est-elle pas un instrument de politique étrangère utilisé
pour créer des systèmes de dépendance entre le donneur et
le bénéficiaire?
Ne conduit -elle pas au transfert d'une technologie
inappropriée, à une formation sans rapport avec les besoins
existants et, parfois, à l'exode des cadres techniques
originaires des pays pauvres?
L'assistance technique ne revient-elle
lIon en croit les méthodes utilisées
calculer le coût de telles activités ?
pas trop cher si
actuellement pour
Ces questions découlent des distorsions qui se produisent
inévitablement dans des programmes d' une telle envergure.

l ')-!
Pour éviter donc que de tels coûts incombent aux
bénéficiaires (car il est question ici essentiellement de
coûts pour les bénéficiaires et de bénéfices pour les
donneurs), il importe avant tout d'effectuer une véritable
évaluation des programmes d'assistance technique.
Voici, brièvement exposées, quelques suggestions simples
concernant l'amélioration générale de cette forme d'aide.
Le plus grand potentiel d'amélioration réside dans une
utilisation accrue de la dimension multilatérale de
l ' assistance technique, notamment par le canal des
organismes les plus représentatifs du système des Nations
Unies, à savoir: le Programme des Nations Unies pour le
Développement (PNUD) , le Programme International de
Développement de la Communication (PIDC) et d' autres
institutions spécialisées telles que la Banque
Internationale pour la Reconstruction et le Développement
(BIRD) et l'Agence de Coopération Technique, etc... ; mais
bien que cette partie des Nations Unies soit dotée de
moyens remarquables pour acheminer l'assistance technique,
elle ne représente qu'une faible proportion de l' effort
total.
L'un des principaux défauts de l'assistance technique est
qu'il peut s'agir d'une aide liée. Par exemple, lors de la
création de l'Office de Télévision Nationale (CTV) du
Cameroun en avril 1986, la France, ayant fourni l'essentiel
du matériel de cette télévision et formé un grand nombre de
techniciens et journalistes camerounais, a refusé que la
Belgique et l'Allemagne participent au lancement des
premières émissions de la C.T.V. La visite du Pape en 1985
dans le pays offrit l'occasion du premier essai de la
télévision camerounaise.
i;.

1%
En fait, plutôt que de supprimer les aides dans le cadre
des projets, mieux vaudrait les réformer et les améliorer.
Si les pr'cgr arnmes destinés aux médias, aux écoles et aux
hôpitaux, etc... n'atteignent pas les 80 % de la population
résidant en milieu rural, d'autres voies doivent être
explorées. L'amélioration des structures d'assistance
technique offre toute une gamme de possibilités. Utilisée à
bon escient, cette forme d'aide est d'un très grand profit
pour les pays en développement.
3.6.6 QUESTION RELATIVE AL' OBJECTIVITE ET A LA LIBERTE
DE L'INFORMATION
A l'intérieur de chaque pays du Conseil de l'Entente, le
Chef de l'Etat ou un Ministre peut décider que soit
diffusée ou non une dépêche ou bien que sa publication soit
différée. Les journalistes sont tous membres du parti
unique ou gouvernemental, qui oriente l'information. Or
celle-ci, une fois arrivée à destination, n'est pas
simplement enregistrée par le récepteur. Elle l'éclaire, le
conditionne, le heurte, en un mot le modifie.
Certaines études ont déjà prouvé que la télévision était un
moyen efficace pour créer des opinions ou renforcer celles
qui existent déjà.
L'exemple de la Côte-d'Ivoire est intéressant en ce sens
que, lors des manifestations du 25 mai 1991 qui ont
entraîné des milliers de jeunes dans les rues de la
capitale, criant des slogans hostiles au Président Félix
Houphouët-Boigny, la télévision ivoirienne a diffusé une
série d'images (montrant enseignants, étudiants et parents
d'élèves participant à cette grève) pour accuser
implicitement le tout nouveau parti politique d'opposition

voulue pour montrer à l'ensemble de la population la
réussite de la politique d'unité nationale et de paix
sociale de l'équipe dirigeante. Mais aujourd'hui, la presse
d'opposition peut révéler ce que la presse officielle a
toujours ignoré. C'est pourquoi, le fait que l'objectif
principal de tels reportages soit celui du conditionnement
du public suffit encore à lui seul pour confirmer la
tendance générale de la radio et de la télévision
nationales financées par l'Etat.
En fait, dans le Conseil de l'Entente, les agences
nationales de presse qui distribuent l'information se
bornent souvent à transmettre les dépêches de l'Agence
France Presse et ne donnent pas les versions du même
événement transmises par les autres agences étrangères. Ce
qui ne permet pas aux journalistes nationaux de recevoir
les différents points de vue et limite l'intérêt de leur
travail.
Nous l'avons personnellement constaté lors des coups d'Etat
qui ont eu lieu au Ghana en 1982 et au Burkina-Faso en
octobre 1987. Les journalistes ivoiriens ont critiqué
implicitement le côté négatif d'une telle action qui, selon
eux, constituait un frein au développement dans les pays
africains. Mais ce que nous leur reprochons, c'est
l'absence totale d'explication sur les causes des
événements et aussi les raisons politiques, économiques,
culturelles et sociales qui justifient la fréquence de ce
genre de situation dans les pays voisins où les conditions
sont semblables. Un second exemple mérite d'être mentionné
au sujet des toutes premières élections présidentielles qui
ont eu lieu en 1983 au Sénégal, après le départ volontaire
du Président Léopold Sédar Senghor.
Plusieurs partis politiques avaient librement présenté des
candidats à la magistrature suprême, sans contraintes, ni

202
Il Y a également "le grand débat" qui est l'équivalent de
"l'heure de vérité" d'Antenne 2 en France. C'est une bonne
initiative, mais on ne peut s'empêcher de lui faire
quelques critiques. Elle reste inaccessible à la grande
majorité de la population car, d'une part, seuls les
ivoiriens ayant étudié peuvent suivre les discussions.
D'autre part, selon l'invité présent sur le plateau, les
questions subissent une certaine sélection. En effet, si
c'est un dignitaire, il faut le ménager pour ne pas le
compromettre. Les critiques, dans ce cas, se bornent
généralement à attaquer des gens qui occupent des fonctions
publiques importantes mais qui sont déjà au bord de la
ruine ou des fonctionnaires de catégorie inférieure. Il est
rare que les critiques s'étendent aux grands dignitaires,
aux responsables politiques, même lorsqu'ils sont coupables
d'une mauvaise administration ou d'un détournement flagrant
de fonds publics.
Ces exemples illustrent parfaitement, pensons-nous,
l'intolérance caractérisée et le manque de maturité de la
plupart des dirigeants. Les journalistes ont peur et
adoptent l'autocensure pour éviter des ennuis. Au chapitre
des violations, les journalistes nationaux sont muselés et
les correspondants étrangers, quand ils ne sont pas priés
de quitter les pays d'accueil, sont tenus à l'écart des
événements politiques. Ainsi, au Bénin de mars à décembre
1989, "Jeune Afrique Economie" et en janvier 1991 "Africa
International" ont été saisis sans aucune exp1ication
officielle. Le 21 mars 1990, le journaliste Parfait Agbalé
de la "Gazette du Golfe" a été arrêté sur la route reliant
Porto-Novo à Cotonou, alors qu'il enquêtait sur un trafic
financier dans lequel serait impliqué le Président de la
République Mathieu Kérékou. Sa détention a duré quinze

2()3
jours dans des conditions épouvantables. Au mois de
septembre de la même année, ce fut au tour d'Ismaël
Soumanou, directeur de la "Gazette du Golfe", de
quelques heures dans un commissariat de Cotonou,
qu'il s'apprêtait à publier les résultat s d'une
fort critique pour le gouvernement.
passer
alors
enquête
Au Burkina-Faso, on peut se référer à deux cas d'entrave à
la liberté de la presse au cours de l'année 1989. Il s'agit
de l'interdiction de paraître qui a frappé le quotidien
"l'Observateur" et la fermeture de "Radio Entrer-Parler", dont
Martin Kaboré,
l'enseignement,
journal "l'Intrus".
le rédacteur en chef, est muté dans
tout comme Hubert Bazié directeur du
En Côte-d'Ivoire, l'interdiction de "Jeune Afrique" avait été
prononcée en novembre 1987, à la suite de la publication
d'une enquête accusant implicitement le Président ivoirien
Félix Houphouet-Boigny de complicité avec le Capitaine
Blaise Compaoré dans le renversement et l'assassinat du
Président Thomas Sankara, alors Chef de l'Etat du Burkina­
Faso. "Jeune Afrique", longtemps interdit dans ce pays, y
est disponible depuis ie 12 octobre 1989.
Les Etats du Tiers-Monde fournissent ainsi un exemple
flagrant de cette manière de faire. A cet égard, il n'est
pas superflu de rappeler ces propos sévères mais pertinents
de Altaf Gauhar qui dit:
" les facteurs externes et les difficultés telles que l'insuffisance
des ressources et la domination des agences de presse occidentales
n'expliquent ni ne justifient l'absence de presse libre dans les
pays en développement. Le Tiers-Monde doit regarder en lui-même et
se soumettre à une enquête impitoyable ses politiques et ses
attitudes à l'égard de la presse. Il n'y a pas de presse libre
dans la pl upart des pays en développement parce que 1 es
gouvernements n'ont pas permis à la presse de se développer conune

205
capacités d'analyse ou de jugement. Mais l'enseignement
journalistique, reposant toujours sur le modèle de la
métropole et dispensé en langue française, ne pouvait être
accessible qu 1 à très peu de ressortissants de l'Entente
possédant, du reste, un faible niveau d'études. Comment
auraient-ils été capables de maîtriser une formation donnée
dans une langue dont la moindre subtilité leur échappait?
Voici enfin l'ère des moyens multiples de communication de
masse et le moment, pour le journaliste, d'abandonner les
manières "artisanales" en faveur d'installations
électroniques et électriques. Devant 11 écran de
visualisation, il doit trier les messages qui vont être
imprimés, les images et les sons qui seront diffusés.
Devenu le grand "marabout" de la communication, le
journaliste est condamné à donner une vue de la planète au
quotidien en faisant son choix parmi la multitude des
visions contradictoires , agressives, chaotiques qu t LI
reçoit. En considération de tous ces éléments, quelques
jeunes diplômés d'université reprirent le chemin de
l'Europe, en quête de formation de haut niveau. Bonne
initiative Cependant, on ne peut s'empêcher de faire
deux remarques: il y a très peu de stagiaires par pays qui
accèdent à ce niveau de formation, ce qui n'arrange pas la
situation, quand on sait que l'information nécessite
aujourd'hui plusieurs spécialisations. D'autre part, l'on
ne peut af firmer que cette première génération sert de
modèle, pour des raisons liées à la structure même de
l'enseignement reçu en métropole. C'est pourquoi avec
Monsieur Sine Babacar Directeur du Centre d'Etudes des
Sciences et Techniques de l'Information de Dakar, lors d'un
colloque sur le bilan de la formation des journalistes
africains, nous disons:
n cette formation est essentiellement extravertie et d'une double
manière: extraversion physique tout d'abord, dans la mesure oD la

2()CJ
formation se déroule toute entière à l'extérieur et notamment en
France. Ensuite, cet extérieur signifie une coupure culturelle et,
en plus, il porte sa propre charge d'influence de toutes sortes,
politiques, philosophiques, qui, conjuguées, ne peuvent manquer de
déformer les conununicateurs dont les messages, souvent piégés,
sont orientés vers la révélation de l'Europe à l'Afrique".
La preuve, les productions nationales sont marginalisées
dans le volume total des programmes et l'on continue de
"singer l1 aveuglément les modèles culturels occidentaux. Les
exigences du développement, les programmes inadéquats des
médias, l'absence de cadres, sont autant de raisons qui
doivent motiver les dirigeants du Conseil de l'Entente à
former des spécialistes dans chaque domaine de la
communication en créant de véritables écoles de journalisme
tenant compte des problèmes spécifiques de leur région.
3.6.S.L'INADAPTATION DES MESSAGES ET LES CONSEQUENCES
L' état de dépendance absolue et chronique dans lequel se
trouvent les pays du Conseil de l'Entente en matière de
communication fait penser à un malade condamné à ne pas
guérir. A Abidjan, Cotonou, Lomé, Niamey ou à Ouagadougou,
les jeunes dansent au rythme du "funk l1 et du "rap",
importés des Etats-Unis d'Amérique, et se coupent les
cheveux à la manière de Il Carl Lewis Il. On interprète le
monde à travers les héros que véhiculent les variétés et/ou
les feuilletons achetés à bon marché ou "généreusement"
offerts par les anciennes puissances tutélaires par le
biais de la I1coopération". Dans les cinq pays de l'Entente,
la télévision existe depuis au moins vingt ans, mais les
programmes correspondant aux réalités et aux nécessités
d'un développement culturel, social et économique n'ont pas
suivi. les 3/4 viennent des Etats-Unis d'Amérique, de
France, d'Angleterre, etc... et à travers les séries
"Dallas", "Dynastie" , "Columbo" , Ille Saint", "Champs-

2\0
véhiculant "la masse des sentiments et des conceptions du monde qui
domine la multitude s i I enci euee "? •
De ce point de vue, les programmes étrangers présents dans
les télévisions du Conseil de l'Entente recouvrent bien
plus de "codes" que de messages apparents accessibles à un
grand nombre d'individus. Ces codes portent le poids
culturel des sociétés qui les exportent et invitent le
public africain à adopter le mode de vie de la culture
dominante car sans cette adhésion des populations
réceptrices, on ne peut parler véritablement
d'homogénéisation. Les produits de cette industrie
culturelle présentent donc comme modèle à suivre les
attitudes, les comportements, les institutions
représentatifs des modes de vie des pays industrialisés et
en particulier de "l'american way of life". Ces modèles se
retrouvent même dans les produits fabriqués dans certains
pays du Tiers-Monde; ainsi l'esprit des métropoles pénètre
directement les productions locales. Ce nivellement offre
comme supérieur un modèle de société basé sur des valeurs
telles que l'individualisme, la consommation de masse, le
sexe, l'argent, le pouvoir, le profit, la propriété privée,
etc, c'est à dire des thèmes n'ayant pas toujours un lien
avec les réalités des pays pauvres qui les reçoivent.
Dans nos jeunes Etats africains, les quelques 2 % de la
population ayant fait des études supérieures se retrouvent
à des postes de responsabilité. Ils constituent ainsi
l'élite politique et administrative chargée d'élaborer
et/ou de faire appliquer les politiques de développement.
Malheureusement pour les peuples, ces responsables se
réfèrent quotidiennement sur le plan professionnel et même
1 - Antonio Gramsci, "Littérature populaire",
Paris 1959, Eàitions sociales, p.468.

2 J J
familial aux valeurs des sociétés occidentales où ils ont
fait leurs études, et bon nombre de leurs conseillers
techniques sont originaires de France, d' Angleterre,
d'Italie, etc. C'est à dire que nos dirigeants sont plus
sensibles, dans leur perception de la société, à une
démarche occidentale "mère" du système bureaucratique et
administratif dont ils ont hérité à la veille des
indépendances, source de leur pouvoir. Pour reprendre une
expression chère à l'ancien Président du Sénégal, Léopold
Sédar Senghor, ce sont des "métis culturels". La preuve, en
ce qui concerne les films documentaires et autres émissions
en provenance de paris, Londres, New-York, Rome, etc, ce
sont encore eux qui sont capables, intellectuellement, de
décoder les messages et les idéologies qu'ils véhiculent,
parce qu'ils ont une idée des contextes dans lesquels il
faut replacer chaque épisode diffusé et peuvent s'adonner
plus ou moins, selon les cas, à l'art toujours satisfaisant
de l'analyse. Pour les industries culturelles, ils sont
considérés non pas comme la finalité du processus
d'aliénation, mais comme des intermédiaires grâce auxquels
il est possible d'imposer aux peuples des valeurs
étrangères n'ayant aucun rapport avec leurs préoccupations.
Dans le même sens Manuel Pares l Maicas fait bien
d'observer que "les élites qui contrôl ent: le pouvoir économique et
politique sont complices des puissants intérêts étrangers"l. Le grand
danger pour ces populations à majorité analphabète, c ' est
qu'elles reçoivent quotidiennement des feuilletons qui ne
correspondent guère à leurs besoins, et qu'elles consomment
passivement pui squ 1 ils ne nécessitent pas un effort
intellectuel particulier. Ce faisant, elles ne sont pas
conscientes de tous les messages implicites que véhiculent
1 - Manuel Pares I Maicas (professeur J 1 1Universi té Autonome de
Barcelone) Nouvelles technologies de communication et identité
culturelle in INFORCQM. TIERS-MQNDE, I.E.D.E.S., N°], mai 1988,
p.]1, Université de Paris 1.

212
les produits culturels européens. Dans ces conditions, il
est évident que de nombreux téléspectateurs de l'Entente
subissent régulièrement une aliénation permanente et sont
incapables de rejeter le moins possible les modes de vie ou
les comportements qui leur sont proposés. Sur ce plan, on
ne peut pas dire qu'ils sont les plus touchés par
l'universalisation des programmes car d'autres peuples
subissent également ce "harcèlement culturel" des
multinationales occidentales qui veulent rentabiliser leurs
produits. Dans cet ordre d'idées, Gina Daddario écrit:
" Tsai (1970), en étudiant les enfants d'âge scolaire de Formose, a
trouvé que les téléspectateurs avaient des attitudes plus
favorables à l'égard de la culture nord-américaine que ceux qui ne
regardaient pas la télévision. (,. .r :
L'auteur ajoute plus loin que dans une étude sur les
enfants d'une école australienne,
" Pingree et Hawkins (1981) trouvèrent que les téléspectateurs les
plus assidus des programmes américains portaient sur leur propre
pays des perceptions modifiées par la télévision mais pas sur les
Etats-Unis. En Israél, Weimann (1984) a trouvé que regarder
assidûment la télévision conduisait à une perception idéalisée du
mode de vie américain. ,,1
En
effet,
ce
produits culturels exportés
neutres idéologiquement et,
une
influence
pourquoi nous partageons
Schiller quand il admet le
n'est plus un secret pour personne gue les
par l'occident ne sont pas
de toute évidence, qu'ils ont
certaine sur ceux qui les reçoivent, C'est
le point de vue de Herbert
postulat suivant:
" La diffusion des produits culturels conduirait à l'adhésion du
Gina Daddario, Les programmes américains de télévision et les
transformations cul ture11es en Corée et à Taiwan, in INFORCOM. TIERS-
MONDE, o.p., p.66

213
récepteur à l'idéologie et aux valeurs v éhi cul é es "? .
Mais cette hypothèse n'est pas la seule parce que d'autres
courants de pensée existent et qui refusent de considérer
le récepteur comme étant un être passif qui accepte
naivement tout ce qu'on lui propose. Selon cette doctrine,
le vécu d'un individu et les éléments acquis au cours de sa
socialisation, son environnement familial et/ou
professionnel, etc, lui permettent d'accepter ou de refuser
certains modèles ou biens communicationnels, de les
interpréter dans un sens ou dans un autre. Il convient de
rappeler que plusieurs chercheurs en communication ont
écrit sur l'impact de la radio et de la télévision, mais
sans d'ailleurs, curieusement, qu'une position unanime s'en
soit pour autant dégagée. Nous voulons voir dans ces
différentes thèses, non pas un simple courant dl opinion
contraire au nôtre, mais les aspects alternatifs
applicables aux réalités spécifiques des pays du Conseil de
l'Entente qui s'en dégagent. Qu'en est-il de ces fameuses
recherches? Dans l'entre-deux guerres déjà, Lasswell avait
résumé le processus de la communication en ces termes: "Qui
dit quoi? A qui? Comment? Quand? Avec quel s effets?" Quelques
années plus tard, Lazarsfeld et ses collaborateurs,
s'inspirant du béhaviorisme, l'ont schématisé par le
raccourci: "Stimulus/Réponse". Et l'on peut dire que les
études parmi les plus connues sont celles qu'il a faites.
Voulant cerner l'influence électorale de la radio,
Lazarsfeld et son équipe ont élaboré la théorie dite du
"Th/o steps flow", montrant que l'information ad' autant plus
d'impact, si elle est prédigérée et retransmise par une
personnalité locale positive (donc "connue") et si elle
entre déjà pour une bonne part dans les attentes du
l Herbert Schiller, Communication and Cultural domination,
International Arts, en Sciences Press Inc, 1976, p.]

217
Occident où d'une part le taux d'analphabétisme est faible;
et d'autre part, pour saisir la dimension de ce que nous
avançons, il ne faut pas oublier qu'il existe une relative
homogénéité de projet entre ceux qui produisent et ceux qui
consomment parce qu'ils ont à la base les mêmes références
culturelles. Car il est bien connu que tout individu
(peintre, cinéaste, comédien, écrivain, chercheur, etc)
s'inspire d'abord de son environnement proche et immédiat.
C'est donc la réalité de cet environnement qu'il va devoir
matérialiser pour le public, si bien que ce dernier en fin
de compte ne découvre rien de véritablement nouveau qui lui
soit tout à fait étranger, du fait de cette communauté de
culture. Dans ce sens Jean-Claude Bonnet, Président de la
société française Simavelec, a tout à fait raison quand il
fait remarquer:
" à qui pourra-t-on durablement faire croire qu'il serait plus
difficile de s'intéresser à un feuilleton qui se passe quelque
part en Europe plutôt qu'à un feuilleton qui se passe aux USA ou
en Asie ? Ne sommes-nous pas en effet à même de mieux comprendre
les histoires d'un Italien quand on est Allemand que les histoires
d' un Extrême- Oriental ou d'un Texan ?,,1 .
S'il Y a donc puissance des médias, elle n'intervient pas
en premier lieu au niveau des contenus manifestes, mais
peut-être au niveau abstrait en fonction de la place
qu'occupent les différents contenus diffusés dans la
programmation quotidienne des messages circulant dans la
société. En d'autres termes, llinformation a d'autant plus
d'impact qu'elle peut trouver un prolongement dans la
pratique sociale, où elle entre dans un rapport d'homologie
avec les attentes de chaque individu. Disons que la pensée
- Jean-Claude Bonnet, Enjeux industriels et culturels de la
communication audiovisuelle in Audiovisun: la France face aux
stratégies transnationales des principaux pays occidentaux et des
grands groupes privés, Ministère des Affaires Etrangères, novembre
1986, Paris, p.69.

21S
analytique de Elihu Katz est honnête, mais quand on aborde
un problème aussi important que l'impact des médias, on
doit tenir compte de tous les peuples de la planète, car la
sensibilité des Africains n'est pas la même que celle des
Asiatiques et autres. On doit donc redoubler d'attention
avant de s'aventurer dans une position ou dans une autre.
Cependant, nous sommes redevables à Katz et à tous ceux qui
ont oeuvré dans le même sens que lui d'avoir introduit dans
leur démarche trois éléments ·(la non-passivité des publics,
les contextes dans lesquels ils vivent et leurs attentes)
dont l'importance ne saurait plus échapper à personne. En
ce sens, l'étude des lazarsfeldiens est une recherche
sincère, car elle se propose de montrer qu'on ne saurait
expliquer "l'effet" des médias en dehors de cette
possibilité qu'ont les êtres humains d'assumer ou de
refuser une situation donnée. Le problème de la puissance
des médias comporte ainsi non seulement l'intersection de
conditions objectives et historiques, mais également le
comportement de chaque individu vis à vis de ces
conditions. Dans ce sens, nous ne pouvons qu'adhérer à la
thèse de Lazarsfeld, Katz et autres, qui démontre avant
tout que la puissance des médias est loin d'être totale et
immédiate.
Selon nous, cette approche serait également valable dans
nos pays seulement si les feuilletons, les téléfilms, les
documentaires 1 etc, étaient faits par les artistes,
comédiens et réalisateurs locaux, s'inspirant des réalités
de chez nous. La vérité est malheureusement tout autre avec
plus de 60% de programmes importés ne tenant guère compte
des préoccupations de nos populations. De plus "l' obj et
télévision" y est récent et le rapport qu'ont les habitants
du Conseil de l'Entente à son égard est "fétichiste" parce
qu'il est avant tout un médium de prestige et de
reconnaissance sociale, comme tous les gadgets de luxe. Il
1.·
,'::

220
En restant fidèle à nos hypothèses, nous pouvons toujours
supposer que tout programme étranger, dans la mesure où il
véhicule un modèle de société différente, contribue à
éloigner le public des pays de l'Entente de ses vraies
préoccupations. D'ailleurs les "lazarsfeldiens" ne nient
pas la puissance des médias. Ils la trouvent simplement
"limitée" car dans l'interprétation il y a souvent
confusion entre "effets limités" et "absence d'effets".
Dans le contexte des pays sous-développés comme ceux qui
nous intéressent, les publics capables de créer une
résistance face aux contenus d'une émission étrangère sont
très peu nombreux. Il est clair que dans ce sens, nous nous
inscrivons davantage dans une vision qui tend à démontrer
que les médias "modifient Il les comportements sans vouloir à
tout prix les manipuler. Prenons cet exemple quant à la
transformation de nos pratiques sociales (à cause du médium
et de son programme) sans qu'il y ait forcément au départ
une idée de manipulation: la tradition orale si chère à
notre civilisation africaine se meurt dans de nombreuses
maisons où chaque soir, en face du téléviseur, les membres
d'une même famille ne se parlent plus, car leur attention
est essentiellement accaparée par l'écran vers lequel vont
finalement converger tous les regards et toutes les
préoccupations. Les visites si appréciées entre parents et
entre amis se font de plus en plus rares car personne ne
veut manquer son feuilleton préféré ou un match de football
retransmis à la télévision. Nous sommes là en présence d'un
comportement de "non-communication"; mais pour ne pas
offenser les chercheurs du groupe de Palo AIto l qui
soutiennent qu'non ne peut pas ne pas communiquer", parlons
donc de pseudo-communication quand un couple ne s'adresse
pas la parole pendant le temps que dure l'épisode d'un
- Winkin Yves, Lé! Douvelle communication, (textes des chercheurs du
groupe de Palo Al t.o , receui 11 is et présentés par Yves wi nki n) ,
Collection Points/Seuil 1981.

221
feuilleton. Quand le générique de fin s'annonce, la
discussion reprend dans le ménage de plus belle mais c'est
encore pour conunenter les différentes séquences de
l'épisode en question. Avant le contenu, c'est d'abord
"l'objet télévision" lui-même qui crée un type nouveau de
rapport dans nos sociétés où l'on parle beaucoup à cause de
cette dimension conununautaire qui la caractérise. Ensuite,
quant au contenu, il a sa part d'influence parce que les
ouvriers de Ouagadougou et d'ailleurs accèdent à des
modèles étrangers. Ainsi, on comprend pourquoi dans un
contexte de fort taux d'analphabétisme, la plupart des
spectateurs, tels des enfants, se retrouvent dans un
nouveau processus de socialisation où ils copient des
modèles qu'ils vont spontanément reproduire pour afficher
leur "émancipation", si bien qu'on a l'impression que le
"développement" signifie "vivre comme (et/ou singer) le
français dans le Conseil de l'Entente, alors que la
tradition est devenue synonyme de sous-développement. C'est
peut-être là une caricature de notre part, nous
retorqueront certains compatriotes, mais pour peu qu'on ait
vécu en Côte-d'Ivoire, au Bénin ou ailleurs, on n'a aucune
difficulté à constater chez certaines personnes cette \
reproduction machinale de gestes, d'attitudes ou de
sentiments des occidentaux découverts dans les téléfilms ou
autres progranunes importés. Ce qui est vu ou entendu à la
télévision est le meilleur modèle chez le conunun des
téléspectateurs. C'est dire que la télévision demeure un
moyen puissant "d'éducation parallèle", et d'ouverture sur
le monde extérieur. Ce mimétisme dont nous parlions plus
haut n'est pas seulement le fait des couches sociales
moyennes et des analphabètes, mais également des élites
qui, pour se démarquer, vivent quotidiennement à
l'européenne. Même les journalistes censés comprendre le
langage des médias n'en font pas exception, sacrifiant les
habits traditionnels, l'accent local contre des costumes et

222
le parler pointu parisien. En Côte-d'Ivoire, tel
présentateur du journal de 20 heures a des gestes qui
rappellent Yves Mourousi ou Patrick Poivre d'Arvor.
Certains d'entre eux sont tellement marqués par le style
des chaînes françaises qu'ils en oublient leur situation de
télévision unique et lancent un "restez avec nous". Mais
qu'il s'agisse d'informations ou d'autres tranches de
programmes, les publics du Conseil de l'Entente doivent se
livrer à une perpétuelle gymnastique de l'esprit qui les
fait passer sans transition chaque jour d'une culture à
l'autre, d'un monde à l'autre. Un tel affrontement de
logiques contradictoires se produit à une époque où la
télévision, en raison d'un progrès technologique important,
est en mesure de présenter, en direct et instantanément,
des images de n'importe quel coin du monde. A en croire
Madame Isabella Cywinska, Ministre de la Culture de
Pologne, la situation n'est guère mieux dans son pays:
" Pour le grand public, tout ce qui vient des Etats-Unis est
synonyme de paradis. Or, comme une heure de programme coûte deux
fois plus cher si elle est fabriquée sur place que lorsqu'elle est
achetée à l'Occident, nos chaines achètent tout et n'importe
quoi ,,1 .
Notre démarche ne consiste en aucune manière à condamner la
programmation d'émissions étrangères, mais à reconnaître
qu'elles sont porteuses des modes de vie des sociétés qui
les produisent, car aucun message n'est neutre. Il suffit
d'analyser les nombreux feuilletons américains pour
comprendre les valeurs qu'ils véhiculent. Même les publics
(français, suisses, allemands, italiens, etc... ) qui ont
une longue pratique de la télévision n'échappent pas à
l'influence des films américains. Il serait naïf de croire
que ceux, parmi eux, qui adhèrent aux valeurs d' outre-
1 - Un entretien avec le Ministre polonais de la Culture, in le Eisuusi
du mardi 20 novembre 1990, p. 44.

223
atlantique ne sont pas victimes d'un nharcelement" culturel
qui sert de paravent à une pénétration économique, si bien
que, bon nombre de jeunes africains, asiatiques, européens
et latino-américains consomment de plus en plus les
[pr-odui ts américains au détriment de ceux de leurs pays
Idlorigine. A les voir adopter des comportements identiques,
on ne peut que difficilement accepter la thèse de
ILazarsfeld et Katz, car les populations nationales sont
Iniées puisqu'il est fait abstraction de leurs cultures
spécifiques. L'aliénation accompagne ainsi de nos jours
tout phénomène de culture de masse, parce qu'elle
constitue, pour les industries, le seul moyen de créer des
clients potentiels en dehors des territoires nationaux.
C'est pourquoi les sociétés capitalistes qui véhiculent la
!Plupart des séries à succès ont des équipes spécialisées
(pour adapter les messages à l'audience la plus
interchangeable possible. Nous comprenons pourquoi "Dallas"
la autant de succès en Suisse, en France, en Argentine, au
Japon, au Burkina-Faso, en Côte-d'Ivoire, etc. D'autre
!part, quand on analyse ces industries, on se rend compte
lque les grandes entreprises de production audiovisuelle ne
sont que des départements de sociétés multinationales plus
vastes. Ainsi, on peut lire dans le quotidien "Le Monde" du
31 décembre 1987, sous la plume d'Annick Cojean que
Il Hollywood n'a jamais eu autant de besoin de scénaristes. Mais
jamais le métier de scénariste à Hollywwod n'avait été à ce point
éloigné de la notion d'auteur, au sens traditionnel, au sens
français du terme. Hollywood a transformé les artisans en
t§cherons, en assembleurs de lignes, maillons d'une grande chaine
de fabrication au service d'un scénario prédéterminé par le marché
et l'industrie (... ) La très puissante guilde des scénaristes
américains déclare plus de 4800 "TV writers professionnels".
Certains sont salariés, intégrés dans les équipes, voire attachés
à tel ou tel feuilleton, d'autres sont nfree lance n et travaillent
chez eux (... ) Le besoin urgent de scripts et d'idées, et la
nécessité de produire pour des audiences plus larges pourraient
accélérer le processus et nous conduire, bien plus rapidement que
prévu, dans le système à l'américaine. Il

22-l
Face à cette "machine" capitaliste de production
culturelle, les pays du Conseil de l'Entente ne font pas le
poids. Comme tout produit de consommation de masse, les
feuilletons américains sont vendus à bas prix parce qU'ils
ont été déjà amortis en Occident ce qui permet à n'importe
quel pays de la planète de s'en procurer, de
"s 1 autoconditionner" à consommer toutes les valeurs que
véhiculent ces films. Mais ce que nos dirigeants ignorent,
c'est que les productions étrangères sont touj ours
porteuses d'un message, d'un mode de société qui répond aux
réalités des sociétés multinationales occidentales. Ce qui
n'est pas sans danger pour les sociétés réceptrices car,
souvent, le contenu cache aux publics la fonction réelle
des programmes importés. D'où le constat d'une aliénation
culturelle qui découle de cette forme de dépendance. En
projetant "Champs-Elysées ou "Dynastie" sur les écrans des
populations démunies de Niamey ou de Ouagadougou, on invite
tout un monde à s'éloigner de ses vraies préoccupations.
" Un public vivant dans la pauvreté pouvait rêver par projection,
consommer par procuration imaginaire, devant un univers au dessus
de sa condition et de son pouvoir âs ecris t:"? .
Telles qu'elles sont conçues, avec de très nombreux
programmes étrangers, un manque certain d'émissions pour
les ruraux et l'absence de coopération entre les pays
membres, les stations nationales de télévision dans le
Conseil de l'Entente se heurtent au pluralisme et laissent
échapper l'un de leurs obj ectifs majeurs, qui serait de
jouer un rôle plus grand de cohésion nationale à
l'intérieur de chaque pays et de solidarité panafricaine,
en devenant le moyen de communication au service du
développement et d'une politique culturelle africaine
réfléchie. Face à cette situation, quel est le comportement
1 - Hervé Bourges, op., ci t , p. 44.

des élites?
225
3.6.9 UNE ELITE IRRESPONSABLE
Certes le développement des pays pauvres exige le recours à
la technologie, mais, en dépit de leur utilité, personne
n'ignore les phénomènes de déculturation et leurs
redoutables conséquences. Une crise culturelle pèse sur
l'élite encore partagée entre les anciennes métropoles et
leurs pays d'origine, même lorsqu'elle donne l'impression
d'avoir choisi l'Afrique.
Le romancier sénégalais Cheikh Amadou Kane dans son livre
"L 1 aventure ambigüe" a réussi à mettre en évidence la 1
complexité des problèmes d'acculturation et déculturation.
Devant la lutte contre le sous-développement, il est
fréquent que la sélection s'opère au détriment de la
culture africaine traditionnelle. Au nom du progrès et de
la modernisation, l'élite continue de se "parfumer" de
modèles occidentaux qui sont le signe de sa réussite
sociale. Entendons par élite, un petit nombre
d'intellectuels, d'officiers et de fonctionnaires qui ont
pris le pouvoir après l'indépendance en 1960 pour faire
marcher l'administration que le colonisateur a laissée.
Hier, pleine de bonne volonté, elle se comporte aujourd'hui
en bourgeoise néo-coloniale. Sa présence crée des clivages
caractérisés par les grandes disparités dans le
développement social, politique et économique. Alors que
les 3/4 de la population sont démunis, l'élite vit dans le
meilleur des mondes, disposant des meilleures
infrastructures de santé, d'éducation et de consommation
puisqu'elle possède voitures, téléphones, téléviseurs et
appareils-radio sophistiqués et performants. Dans ce
contexte, il n'est pas surprenant que les Etats soient

ne,
servis par des médias d'élites, gérés par elles et pour les
élites. Ce déséquilibre peut en partie s'expliquer par le
fai t déj à mentionné de l'analphabétisme des ruraux. De
toutes les façons, l'élite, qui tend à marquer sa
différence, se tourne vers la presse et les radios
étrangères pour s'informer, méprisant ainsi souvent les
chaînes nationales, car l'un des attributs qui la
caractérisent parfaitement est son snobisme. Il est bien
vu, entre amis, de prouver son érudition en se référant à
RFI, BBC ou au dernier numéro du Monde diplomatique. Ce
que cette élite semble ignorer, c'est que les chaînes
étrangères véhiculent des modèles propres à leurs sociétés,
donc n'ayant rien en commun avec l'Afrique. Il n'est pas
étonnant de constater une inadéquation entre les programmes
de RFI et les attentes des publics africains qui, de plus
en plus, sont extravertis, ou plus exactement
"s'extravertissent" pour donner un coup de "vernis"
supplémentaire à leur étiquette sociale. Dans ce sens, il
est courant de voir, dans ces pays, des programmes
médiocres de radio et/ou de télévision, quand les
intellectuels, chargés d'élaborer des politiques
prioritaires de développement, se montrent incompétents et
peu responsables. Essayant de créer des structures, ils
copient les modèles européens qui sont inadaptés pour le
public concerné, d'où la rupture entre les ruraux
continuant de vivre au rythme traditionnel et une élite de
plus en plus occidentalisée. Non seulement l'écart de
niveau de vie entre ces deux couches est considérable, mais
il a tendance à s'accentuer régulièrement. On ne saurai t
mieux conclure sur le comportement de l'élite du Conseil de
l'Entente que par cette réflexion d'Alfred Sauvy:
" Aujourd'hui que gouvernants et gouvernés sont informés de façon
différente, le drame est permanent: C'est de toutes les
dislocations, fruit du développement, la plus lourde des ruptures

22X
Ici plus qu'ailleurs, jamais l'aphorisme selon lequel "le
tonneau vide [ai t souvent beaucoup de brui t" ne s'est
autant vérifié en ce qui concerne les discours des
dirigeants quant à l'utilisation des médias aux fins de
développement. Nous entendons par là que dans le Conseil de
l'Entente, il Y a eu plus de rhétorique que d'actions
concrètes. On répète quotidiennement aux populations qu'il
est nécessaire de faire des réformes dont les médias
seraient les principaux supports, et au nom desquelles, les
peuples donnent leurs cautions aux dirigeants qui engagent
d'énormes frais pour des "gadgets" de luxe.
Trente années après le départ des colonisateurs, les médias
ne font que rendre compte des activités de tel ou tel
membre du gouvernement, ignorant volontiers les réalités
des populations. Cette exploitation "façon africaine" est
un phénomène lié au colonialisme qui a cédé la place à ses
f idèles collaborateurs d' hier. Ce "tonneau vide" qui fait
tant de bruit, à l'heure où le développement des pays du
Conseil de l'Entente impose une utilisation intelligente
des moyens de communication de masse, est un facteur de
déséquilibre qui met les structures sociales en difficulté
sinon en danger.
La dilapidation des fonds publics devient une pratique
courante et les 3/4 des revenus de l'exportation du cacao,
du café et des recettes d'aides sont détournés avant
d'avoir servi à la construction d'écoles, d'hôpitaux,
etc... Cependant, les beaux discours des responsables
politiques continuent d'occulter le véritable aspect des
problèmes et de pousser à la confusion des vraies et
fausses compétences. Rien n'est prévu dans les programmes
de télévision et de radio qui aide les 80% de la population
analphabètes à améliorer leurs conditions de vie, alors que
la classe dirigeante et l'élite intellectuelle bénéficient

de tous les privilèges.
22')
Nous espérons que l'exposé de nos conceptions et
observations ne sera pas interprété comme du parti pris,
mais comme de l' honnêteté intellectuelle, car, admettons­
le, une science sociale sans présupposés est impossible.
Nous partons de la supposition préalable que l'acquisition
de stations nationales de télévision et/ou de radio est
onéreuse pour des pays déjà très pauvres qui,
malheureusement, n'utilisent ces médias que pour manipuler
et exploiter leurs populations. Les nombreuses promesses de
changement et de transformation d'ordre politique,
économique, culturel et social n'ont jamais été réalisées,
ou alors, elles sont inefficaces et décevantes. Personne ne
conteste guère dans le Conseil de l'Entente l'importance
des médias mais les problèmes posés par l'incapacité des
dirigeants et l'insouciance de l'élite sont si graves qu'il
est certain que beaucoup de ressources trop rares qui leur
sont consacrées sont en fait gaspillées. La notion de
développement en tant que développement de l'individu et de
son environnement nécessite une prise de conscience de la
part de ceux qui ont la responsabilité de gérer les pays.
C'est pourquoi notre démarche vise une analyse rigoureuse
du rapport entre le coût et les investissements
technologiques au fins du développement et les bénéfices
que l'on peut en retirer.
Notre approche insiste sur l'utilité des médias mais on ne
peut s' arrêter à elle seule, du fai t du "village
planétaire" qui se construit. Il faut donc la compléter
avec certains éléments de l'approche structurelle qui
s'intéresse non seulement aux questions d'économie
politique de l'information mais également à tout un
ensemble d' indicateurs culturels et sociaux significatifs
au sujet des rapports entre communication et société.

2.10
L'information en est la structure de base et la condition
préalable de la croissance économique et, partant, du
développement.
Dans le sens de notre position initiale, que signifie
concrètement une chaîne nationale de télévision, si elle ne
peut se traduire par l'amélioration du niveau de vie des
populations? Le bilan n'est pas brillant quant à l'apport
de la télévision dans le développement des Etats de<
l'Entente. Comment peut-elle être efficace quand elle
véhicule à 80% des progranunes étrangers sans aucun lien
avec les préoccupations réelles de son public? Trente
années après leur indépendance, les membres du Conseil de
l'Entente n'ont guère progressé en direction du bien-être.
Au contraire: le problème de la malnutrition demeure, la
dégradation de l'environnement s'accélère, l'analphabétisme
augmente, les progrès sociaux sont réduits à néant. Ces dix
dernières années, le niveau de vie de la maj orité de la
population a régressé pour rejoindre celui de 1960, d'où
l'exode considérable des jeunes vers l'Europe, en quête
d'un statut de "réfugiés économiques". A l'intérieur de
chaque pays, faute de planification et d'éducation des
ruraux, la population doublera d'ici l'an 2010.
Si l'introduction des médias modernes de masse est
indispensable dans nos pays en développement, il faudrai t
que les conditions politiques dans lesquelles elle est
réalisée soient profondément différentes de ce qu'elles
sont actuellement, pour que les graves effets sociaux
n'aboutissent pas à la paupérisation de la population
rurale. Il faudrait également que l'élaboration de certains
programmes soit fondamentalement "déverticalisée" et
décentralisée jusqu'au niveau des villageois qui doivent
être responsables de leur devenir social, économique et
politique en tant qu'unités autonomes. Il semble que ces

DI
conditions préalables ne soient pas sur le point d'être
réunies dans un avenir proche à cause de l'absence de
démocratie réelle, dans ces Etats. Cela ne doit pas pour
autant décourager les rares cadres locaux soucieux de
l'avenir de leurs pays ainsi que les Tiers-mondistes
européens d'unir leurs efforts, qu'ils travaillent en
sciences sociales ou techniques. Nous sommes persuadés que
pour une bonne politique des médias dans le Conseil de
l'Entente, seule une véritable approche multidisciplinaire
permettra, d'ici l'an 2000, d'acquérir les connaissances
qui seront nécessaires pour éviter que le paysan continue à
faire les frais de la modernisation de son pays.

')'1
.....'1....
TROISIEME PARTIE
INDUSTRIALISATION DES MEDIAS AUDIOVISUELS:
ENJEUX OU FAUSSES INQUIETUDES
DAl'r'S LE CONSEIL DE L'ENTENTE?

CHAPITRE 1
LES TRAITS SPECIFIQUES DE L'INDUSTRIALISATION

].1 GENERALITE
Développement industriel et industrialisation sont des
notions très proches sans être pour autant identiques. Il
est donc nécessaire de préciser leurs caractéristiques, de
tenter une définition. Et il n'y a donc rien de superflu à
ce que le problème de la croissance économique (résultats
qualitatifs) et celui du développement économique
(résultats quantitatifs) trouvent ici une place. La
situation des pays du Conseil de l'Entente, du moins le cas
de la Côte-d'Ivoire, le plus nanti des cinq, démontre très
bien qu'il peut y avoir "industrie sans industrialisation".
En fait, le développement industriel procède davantage des
critères quantitatifs: taux de croissance industrielle,
nombre de nouvelles entreprises, quantité de matières
premières, d'équipements techniques et de main-d'oeuvre
requise pour tel ou tel secteur. L'industrie comporte de
nombreux aspects techniques qui relèvent de la compétence
de sciences spéciales telles que la technologie
industrielle, la métallurgie, la chimie, l'électronique, la
minéralogie et d'autres.
Le phénomène de l'industrialisation est plus général que
celui du développement industriel et se rattache aux
critères qualitatifs plutôt que quantitatifs.
L'industrialisation n'implique donc pas uniquement des
progrès de la technique industrielle et la création de
nouvelles entreprises. Elle entraîne également une
augmentation de la part de l'industrie dans l'économie
nationale, l'apparition de nouvelles firmes et secteurs
industriels, la création d'une base technique moderne pour
le rééquipement de l'agriculture, de l'audiovisuel et
d'autres branches retardataires, l'implantation de la
production "technologisée" et, par conséquent, la
croissance de la productivité sociale du travail.
Dans les Etats de l'Entente, l'industrialisation est
indispensable pour atteindre les objectifs prioritaires:

c'est à dire, l'accession à la souveraineté économique, la
participation active à la division internationale du
travail, la possibilité de rattraper, par une croissance
industrielle rapide, le retard socio-économique et
technique; c'est également la volonté politique de résoudre
les problèmes de l'emploi, en supprimant le chômage, pour
améliorer le niveau de vie des populations et ce, dans les
délais historiques les plus brefs que l'on puisse obtenir.
L'industrialisation de pays pauvres revêt encore cette
autre particularité: elle s'effectue dans le cadre de
l'économie capitaliste mondiale, et elle subit sans cesse
l'influence de facteurs de développement dépendant. Les
sociétés multinationales en déterminent pour beaucoup les
aspects essentiels: orientation, structure, cadences,
sources d'accumulation, etc. La notion d'"industriali­
sation" est parfois employée pour désigner le
"développement industriel". Il faut peut-être en rechercher
les raisons dans l' histoire économique. En effet, jusqu'à
présent, tout processus d'industrialisation, (capitaliste
ou socialiste) a débuté par l'industrie. Or, l'industria­
lisation au sens large du terme doit embrasser, en plus,
l' agriculture, les transports, les services, c ' est à dire
l'ensemble des secteurs de l'économie nationale. Dans ce
sens, elle a une grande importance sociale, puisqu'elle
aboutit à la restructuration sociale et économique de la
société, à la croissance numérique d'ouvriers hautement
qualifiés, et au renforcement de son rôle politique, au
changement du mode de vie des différentes couches de la
population.
En ce qui concerne cette troisième partie de notre étude,
il est également indispensable d'éviter les maladresses
d' interprétation, en précisant que la formule "industries
culturelles" ne signifie pas nécessairement industriali­
sation de la culture, au sens où on l'entend habituellement
dans l'automobile, le bâtiment, etc. Il y a
industrialisation lorsqu'un produit est réalisé en usine

236
par l'assemblage de pièces diverses préfabriquées en série.
Le terme "industriel" ne convient pas exactement pour le
champ des industries culturelles, même si certaines
politiques y font penser: l'utilisation abusive de quelques
thèmes universels dans les feuilletons, la reproduction
d'un rythme musical à la mode, par exemple le "zouk" ou le
"reggae", ne suffisent pas à créer une oeuvre
automatiquement rentable. En France, il existe d'excellents
imitateurs, capables de reproduire à peu près les gestes de
Patrick Bruel, mais jamais ils n 1 arriveront à recréer le
sens de son contact avec le public, car son talent propre
et son "feeling" avec les spectateurs ne sont pas
reproductibles, mais indispensables pour que sa musique ait
du succès. Il y a là quelque chose qui tient à l'essence
même de la culture et qui la rend inindustrialisable. Même
si le produit culturel est d'un point de vue économique une
marchandise, il est tout de même différent des autres biens
de consommation, et les lois de l'accumulation du capital
ne fonctionnent pas comme elles le font ailleurs lorsqu'il
s'agit de culture.
1.2 QU'ENTEND-ON PAR MONDIALlSATION DE LA CULTURE ET DE
L'INFORMATION?
Quand on parle de la mondialisation de la culture et de
l'information, une idée revient continuellement, celle des
industries culturelles. Elle mérite qu'on s' y arrête. A
voir les choses historiquement, on s'aperçoit que
l'industrialisation de l'information et de la communication
ne date pas absolument d'aujourd'hui. On pourrait même
citer quelques ouvrages remarquables, anciens et récents,
analysant le phénomène avec une parfaite clairvoyance.
Voici, ce que disaient déjà, en 1947, Max Horkheimer et
Theodor Adorno, deux philosophes allemands de l'école de
Francfort, ayant fui le nazisme pour se réfugier aux
Etats-Unis d'Amérique:

leur permettre
réalité, trois
constitution de
d'ordre:
240
de réaliser des économies d'échelle. En
raisons essentielles expliquent la
ces puissants opérateurs. Elles sont
ECONOMIQUE: la position dominante des groupes
multimédias leur permet de diminuer les coûts de
production. Un journal peut offrir à ses lecteurs une
information de meilleure qualité (par exemple des
reportages coûteux) si sa diffusion est plus grande et
à fortiori internationale.
TECHNIQUE: Il existe des limites physiques à la
multiplication indéfinie du nombre des émetteurs ou des
producteurs de messages, et cela aussi bien dans le
domaine de la radio- télévision que dans celui de la
presse écrite. En effet, les l imitations du spectre
radio-électrique et l'impossibilité quasi technique,
dans la presse, d'avoir un très grand nombre de
quotidiens à diffusion nationale (même pour un pays
aussi riche et étendu que les Etats -Unis d'Amérique),
oblige les opérateurs à se regrouper.
POLITIQUE: Dans les pays industrialisés, chaque Etat
favorise l'émergence des groupes nationaux capables
d'affronter la concurrence des groupes étrangers. Et
au-delà de cette compétition économique entre les pays
riches, celle du maintien des zones d'influence dans le
Tiers-Monde, notamment dans les anciennes colonies,
n'est pas négligeable.
Nous ajouterons que pour comprendre le phénomène de
l'industrialisation des médias audiovisuels, quatre
éléments parfaitement observables sont à prendre en
considération:
la mondialisation et la libéralisation d'abord. Les
nouvelles technologies abolissent l'espace et le temps,

241
et cela se traduit par les échanges des biens qui
peuvent être vendus ou achetés dans n'importe quel pays
de la planète. En même temps que les frontières
disparaissent, le phénomène de libéralisation se
manifeste par la réduction des autorisations, des
contraintes imposées par les Etats.
Ensuite, l'apparition de produits . nouveaux: tout
produit, si bien pensé soit-il, se trouve "démodé" et
dénaturé le plus rapidement possible, de sorte qu'au
terme de quelques années, il faut se résigner à
l'abandon de cette formule en remettant autre chose sur
le marché et recommencer un véritable travail de
Pénélope. Trois années suffisent aujourd'hui pour
séparer deux générations de magnétoscopes par exemple.
Progressivement le matériel antérieur est remplacé par
une nouvelle série. Sur le plan quantitatif, on peut
admettre que le changement technique majeur n'est plus
dans l'évolution, rapide certes, mais continue, de la
miniaturisation, de l'intégration de nouveaux
composants, et partout de la montée en puissance des
appareils (chaînes stéréo "RIFI", baladeurs,
ordinateurs, etc) Quant au changement qualitatif, il
se vérifie dans le système d'exploitation, et ses
nouvelles fonctionnalités. Chaque nouvelle génération
sera alors plus performante que la précédente, et plus
cohérente au niveau de sa conception. Cette situation
nécessite énormément d'argent pour pouvoir rester
compétitif. Ce qui veut dire qu'il faudrait également,
pour chaque nouveauté, employer de nouvelles
compétences ou alors recycler les connaissances des
ingénieurs ou techniciens déjà en service, car
" le savoir disponible dans les entreprises de presse n'est pas
directement adaptable aux nouveaux médias, et pour avoir ignoré
cette caractéristique, certains expérimentateurs ont rencontré des
difficultés i mprévues:"? .
- B.Miège, P.Pajon, J.M.Salaûn, L'industrialisation de l'audiovisusu
. o.p., c i ti , p.?l.

242
Selon nous, la concentration des groupes est certainement
la réponse à cette situation pour réduire les coûts de
production. La fusion totale ou partielle des sociétés
combinatoires qui se partagent le monde est un élément
caractéristique de l'internationalisation. L'entreprise
combinatoire ne se retranche pas dans le cadre national,
elle se développe à l'échelle planétaire. Selon les tenants
de cette position ultra libérale, les Etats n'ont pas à
s'opposer à la concentration, car seul le marché doit
régler l'activité des médias. Ils estiment également que
les syndicats et les autres groupes de pression ont bien
souvent un pouvoir et une influence excessifs par rapport à
leur représentativité réelle. Enfin, la concurrence pousse
à l'innovation et ce phénomène ne peut pas être planifié
par l'Etat. En face de la thèse libérale, on rencontre
celle des interventionnistes qui revendiquent des lois
anti-trust pour le marché intérieur et extérieur. Dans ce
sens, en mars 1989, Nick Nicholas, Président de Time Inc,
répondant aux journalistes à l'occasion de la fusion des
groupes Times/warmer, dénonçait le prochain regroupement de
8 multinationales dans le secteur de la communication.
L'analyse des différentes modalités de croissances
entreprises cul t.u r e L'le s et informationnelles montre
existe un besoin réel de concentration qui peut
classé, grosso modo, en cinq catégories:
1. concentration horizontale:
combinatoires d'information
médias dans le même secteur.
des
qU'il
être
il s'agit d'entreprises
qui gèrent différents
2. Concentration verticale: les mêmes entreprises
contrôlent tout le processus de production pour éviter
d'être dépendantts de groupes intermédiaires.

2-n
3. Concentration multinationale: création de filiales dans
les pays étrangers afin de contourner les lois anti­
monopoles des pays d'origine.
4. Concentration multimédia: diversification des activités
dans
augmenter
subtilement
marché.
le
secteur
le
volume
culturel
des
la création de groupes
et informationnel pour
affaires et empêcher
concurrents
5. Concentration multisectorielle: de grandes sociétés
sur
financières et industrielles s'introduisent dans un
secteur ou dans un autre soit pour investir dans un
créneau rentable soit pour contrôler des médias qui ont
une influence sur l'opinion publique.
Il n'est pas inutile de mentionner que certaines sociétés
pratiquent en même temps les différentes sortes de
concentration. Analysant l'histoire de l'apparition des
premiers monopoles internationaux, Lénine écrivait dans son
ouvrage, "L'impérialisme, stade suprême du capitalisme"
(Lénine: Oeuvres, tome 22 p. 265)
" Les groupements de monopoles capitalistes (cartels, syndicats,
trusts) se partagent tout d'abord 1 e marché intérieur en
s'assurant la possession, plus ou moins absolue, de toute la
production de leur pays. Mais, en régime capitaliste, le marché
intérieur est nécessairement lié au marché extérieur. Il y a
longtemps que le capitalisme a créé le marché mondial. Et, au fur
et à mesure que croissait l'exportation des capitaux et que
s'étendaient, sous toutes les formes, les relations avec
l'étranger et les colonies, ainsi que les "zones d'influence" des
plus grands groupements monopolistes, les choses allaient
"naturellement" vers une entente universelle de ces derniers, vers
la formation de cartels internationaux. Ce nouveau degré de
concentration du capital et de la production à l'échelle du monde
entier est infiniment plus élevé que les précédents. "
L'évolution
du
écoulée depuis
pleinement ses
capitalisme
que Lénine
conclusions
a
dans
période
écrit cet ouvrage
essentielles. On
actuellement une intensification du processus de
concentration de la production et du capital à l'échelle
la
qui
le
s'est
confirme
observe

communiquer eriti:e eux".l
2-15
Toutes ces transformations de la situation mondiale ont
rendu caduque la théorie de l'économie internationale, car
il est plus maladroit que jamais de se cantonner aux
rapports entre les Etats-Nations pris, dans leur
extériorité, cornrne des entités autonomes. Dorénavant, les
spécialistes de la macro-économie n'oseront plus faire de
"l'extérieur" un simple facteur exogène. L'ouverture est
devenue un passage obligatoire d'où le succès de
l'entreprise combinatoire qui "joue" sur un espace
économique mondial homogène sur lequel circulent avec une
très grande mobilité, les biens, les services, les
capitaux, la technologie, les managers, l'information, etc,
empiétant ainsi sur les marchés nationaux sans les
supprimer. Progressivement, il ne subsistera que des
"cultures ouvertes" donnant ainsi raison à Marshall Mc
Luhan qui le premier, lança l'idée du "village global".
Dans cette voie, le processus de démocratisation qui s'est
développé dans les pays du Conseil de l'Entente est sans
doute le résultat de l'impossibilité de bâtir des murs de
protection à l'encontre de l'industrie culturelle et
informationnelle. Si la culture et l'information deviennent
des forces productives, corrune la science et la technique,
elles n'en sont pas sans produire des modèles de sociétés
et de consorrunation différents des nôtres.
Tous ces bouleversements de la situation mondiale
constituent-ils un danger ou une chance pour les pays du
Conseil de l'Entente? Autant d'enjeux qui se créent dans
les rapports entre le nord et le sud, quant à l'approche
théorique et pratique des problèmes tel s que le "nouvel
ordre économique" et le "transfert de technologie". C'est
ce que nous tenterons d'élucider dans le dernier chapitre
de cette troisième partie de notre travail. Mais avant, il
est nécessaire de rappeler les rapports que la France
entretient avec les Etats du Conseil de l'Entente en
1
- Rapport sur la cOfru71lmication dans le monde, Unesco, Paris 1990,
p.llO.

2.1 INTRODUCTION
Les nombreux documents que nous avons consultés au sujet de
la politique audiovisuelle extérieure de la France dans le
monde mettent en évidence l'importance qu'elle accorde aux
pays du Conseil de l'Entente pour qu 1 il soit ici
superfétatoire dly revenir dans les détails. Il faut
seulement signaler que sa présence au Bénin, au Burkina­
Faso, en Côte-d'Ivoire, au Niger et au Togo se manifeste
par une action multiforme qui porte aussi bien sur les
infrastructures (équipements dl émission et de réception)
que sur 11 assistance technique (envoi d'ingénieurs et de
techniciens français, formation des journalistes et des
réalisateurs du Conseil de l'Entente) et sur l'envoi des
programmes de radio et de télévision.
La politique audiovisuelle de l'Hexagone, domaine de
consensus national, était assurée dans le Conseil de
l'Entente jusqu'en 1989 par les pouvoirs publics.
Aujourd'hui, la situation est différente avec le
désengagement de l'Etat français du secteur audiovisuel, si
bien que les opérateurs privés viennent en renfort de son
action. Dans ce contexte, il est nécessaire de savoir quels
sont les fondements de cette politique et les choix
stratégiques qu'ils déterminent, et qui, selon nous, sont,
grosso modo, de quatre ordres:
Sur le plan politique, la France veut conserver une zone
d' influence dans des pays qui furent dans le passé ses
anciennes colonies et avec lesquels elle entretient encore
de nos j ours de très bonnes relations. Dans ce sens, son
action audiovisuelle s'inscrit schématiquement dans une
double stratégie: celle de la souveraineté qui repose sur
Radio France Internationale et une politique de coopération
qui s'appuie sur les activités des filiales de la SOFlRAD
et sur celles du Ministère des Af faires étrangères. Cette
distinction entre les deux plans n' est pas d' une rigueur

totale, car
chapitres,
importante.
RFI, on le verra
a également une
dans les
action
prochains. sous­
de coopération
Le deuxième fondement est d'ordre culturel car la langue
française est une des composantes essentielles de la
présence de la France dans le Conseil de l'Entente. Ainsi,
les programmes offerts gratuitement au titre de la
coopération contribuent à développer la promotion de la
culture française et à assurer sa présence dans ses
anciennes colonies. La francophonie est omniprésente et
demeure un terrain privilégié de développement, mais elle
n'est plus le vecteur exclusif de l'action extérieure de la
France.
Sur le plan technologique, l'ancienne métropole tutélaire
utilise depuis le 15 avril 1990 des ondes moyennes et
longues qui permettent un confort d'écoute de RFI dans les
pays qui font l'objet de notre travail. Grâce à ce
processus de modernisation et d'accroissement de ses
capacités de diffusion, Radio France Internationale pénètre
dans tous les foyers, augmentant ainsi le nombre de ses
auditeurs. Les efforts consentis pour l'amélioration de la
diffusion représentent 40% du budget de la chaîne utilisés
principalement pour la modernisation et le renouvellement
des émetteurs (1 MF), pour l'acquisition d'une vingtaine
de nouvelles unités de diffusion de 500 KW en vue de
multiplier par sept la puissance de diffusion de la
station, et dans le cadre des accords d'échanges
d'émetteurs avec des radios étrangères destinées à
permettre l'extension de la couverture de RFI
(essentiellement dans la zone Asie-pacifique) .
Le quatrième fondement est d'ordre économique. A l'heure où
les grands groupes de communication occidentaux se livrent
une concurrence sans merci, il n'est pas inintéressant pour
la France d' avoir des marchés potentiels dans les Etats
membres du Conseil de l'Entente vers lesquels elle peut
exporter sa technologie par le biais de la coopération et
également par l'action d'intervenants privés.

250
Cette politique audiovisuelle extérieure de la France doit
s'accompagner de nouveaux moyens et d'une adaptation
constante aux besoins. C'est pourquoi, dans les pages qui
vont suivre, il va être question des outils dont elle
dispose dans les pays qui nous concernent dans le cadre de
ce travail.
2.2 OUTll,S ET MOYENS DE L'ACTION AUDIOVISUELLE EXTERIEURE
FRANCAISE DANS LES ETATS DU CONSEIL DE L'ENTENTE
2.2.1 RADIO FRANCE INTERNATIONALE (RED
Radio France Internationale, dont nous avons
longuement (cf p.176) au cours de ce travail,
officiel d'une stratégie de souveraineté
déj à parlé
est le moyen
" moins en ce que son progranune, diffusé pour l'essentiel en ondes
courtes, est en pratique imposé aux Etats récepteurs, qu'en ce
qu'elle est la "voix de la France"l.
Cette idée, à la différence de celle d'un média d'Etat,
n'implique pas d'obséquiosité à l'égard du gouvernement en
place, comme c'est le cas dans les pays de l'Entente. En
revanche, RFI porte vers d'autres continents une manière de
voir et d'informer qui est le reflet de la France. si le
premier poste français destiné à émettre vers l'étranger
date de 1931, la création de l'identité Radio France
Internationale n'advient qu'en 1975 avec une vocation
essentiellement africaine. En 1987, RFI a acquis sa totale
?utonomie et, depuis, les réseaux de diffusion et le champ
de l'auditoire se sont élargis. Mais elle reste très
écoutée en Afrique. Notons qu'elle compte un correspondant
dans chaque capitale des pays de l'Entente, si bien qu'elle
1 - Michel Péricard. La politique extérieure de la France, (rapport au
Premier Ministre), la documentation Française, 1988,p.50.

eprésente une opportunité non négligeable pour la France,
du fait du long passé de relations entretenues. Pour cette
raison, RFI diffuse au Bénin 20 heures d r émissions par
satellite Intelsat 6 F 4 chaque jour et lB heures
quotidiennes dans les autres pays membres.
2.2.2 LA SOFIRAD ET SES FILIALES DANS LES ETATS DU CONSEIL DE
L'ENTENTE
La SOFIRAD, société d'Etat permet aux pouvoirs publics
français de mettre en oeuvre efficacement et rapidement
toute décision d'implantation française à l'étranger. A
travers ses différentes participations, qu'elles soient
majoritaires ou minoritaires, elle s'allie aussi bien à des
intérêts privés qu'à des organismes publics.
En ce qui concerne la télévision, la Sofirad est ainsi
actionnaire (via Transtélé) de la chaîne du ministère
français de la Coopération, Canal France International, qui
envoie quotidiennement depuis 19B9, quatre heures de
programmes aux chaînes africaines. propriétaire, par
ailleurs, de la SOBRASCOM (distributeur de programmes au
Brésil), la Sofirad détient également 53% du capital de la
Compagnie libanaise de télévision.
Ses activités dans la radiodiffusion se concentrent en
dehors d'Africa numéro un (participation à 40%) sur quatre
filiales. Tout d'abord, Radio Monte-Carlo Moyen-Orient dont
elle est actionnaire à hauteur de 90 % via la Soméra. Avec
des programmes exclusivement en langue arabe, elle est
écoutée régulièrement au Moyen-Orient par 10 millions
d'auditeurs. Elle détient également 49% de Médi l, radio
méditerranée internationale. Couvrant le Maghreb, elle est
une des radios les plus écoutées au Maroc et en Algérie (12
millions d' auditeurs). Enfin la Sofirad est le seul et
unique actionnaire de Radio Carabean International (RCl) ,
qui émet sur les Antilles anglophones. Au début de l'année
1990, elle a aussi lancé Radio-Lisbonne. Quant à sa régie

25:1
internationale, elle est assurée par HMI et par SOFIRT
numéro 1 (régie publicitaire exclusive de Radio Monte-Carlo
Moyen-Orient) .
La présence audiovisuelle française est assurée dans les
pays du Conseil de l'Entente par des chaînes publiques dont
les programmes diffusés sont issus pour la plupart des
émissions déjà proposées au public de l'hexagone. C'est le
cas de Canal France International, et de RFO-AITV à
l'origine destinée aux français d'Outre-mer, et qui assure
également un rayonnement extérieur de la France, mais aussi
de Canal Plus Afrique rebaptisé Canal Horizons qui est une
chaîne cryptée payante.
2.2.2.1 CANAL FRANCE INTERNATIONAL
Filiale à 100% de la SOFIRAD, la société holding qui gère
les participations de l'Etat français dans le secteur privé
de l'audiovisuel, Canal France International, né en mai
1989, envoie en direction des pays membres du Conseil de
l'Entente, via le satellite Intelsat V, quatre heures de
programmes par jour. Selon son Président Directeur Général
Fouad Benhalla, parmi les quatre heures offertes,
U il était prévu que les télévisions reprennent deux ou trois
heures. CFI étai t conçu pour assister les programmes africains.
Nais l'Afrique, avec ses problèmes économiques, n'a plus rien à
mettre dans ses tuyaux et les programmes de CFI sont plus
largement repris que ce qui étai t prévu initialement. ,,1
Pour mieux comprendre les moyens d'action de Canal France
International il est utile de s'intéresser aux tableaux qui
suivent:
1 - Dossiers de l'audiovisuel, septembre/octobre 1991, Paris, INA/La
Documentation Française, p.28.

255
département de Radio France Outre-Mer (RFO) , devenu
autonome en 1986 sous le nom d'Agence d'Images Télévisées
(AITV). A en croire le professeur André-Jean Tudesq, AITV
" résulte d'un projet élaboré par le gouvernement Chirac en 1987
pour utiliser le satellite en vue de mieux répondre à la
concurrence, en Afrique, des programmes de télévision américains
et allemands; repris par la nouvelle majorité socialiste en 1988,
il est relancé par le ministre de la Coopération Jacques Pelletier
et le 15 mai 1989, ses premiers programmes sont envoyés par le
satellite Inte1sat v.,,1 .
Tout comme Canal France International, RFO - AITV est une
filiale de
la SOFlRAD.
francs français (1
al imenté à parts à
Affaires Etrangères
avec
milliard
un budget de
100 millions
22
de
millions
francs
peu près égales par le Ministère
et celui de la Coopération. L'AITV
" a pour mission de favoriser une amélioration des échanges Nord-Sud
et Sud-Nord de matériels vidéo et d'images; à 1 'heure actuelle
elle dessert 140 stations et réseaux. Entre mai et décembre 1986,
l'AITV a alimenté plus de 150 stations par satellite dans les pays
en développement. Les émissions par satellite représentaient 270
heures d'antenne, y compris 2400 sujets ciblés sur l'Afrique, 1800
sur l'Asie et 2200 sur l'Amérique latine. Des images sont aussi
fournies sous forme de cassette vidéo.,,2 .
de
CFA)
Lors de la consécration de la basilique de Yamoussokro dans
le village natal du Président Félix Houphouet-Boigny le 10
septembre 1990 par le Pape Jean-Paul II (lors de son
troisième voyage en Côte-d'Ivoire), c'est RFO-AITV qui en a
assuré la couverture télévisuelle officielle. L'Agence
d'Images Télévisées (AITV) agi t dans le Conseil de
l'Entente dans le cadre de la coopération en tant
qu'instrument de service public français; elle ne fait donc
pas de bénéfices sinon "marginalement", attendu que les
pays qui nous intéressent ne sont pas solvables, en raison
de leurs difficultés économiques. Chaque semaine, elle met
1 - André-Jean Tudesq, .ILL!frique et ses télévisions, INA/Anthropos,
Paris 1992, p.p. 200-201.
2 - Source: Rapport sur la communication dans le monde, Unesco, Paris
1990, p.5a.
des

256
à la disposition des Etats qui nous concernent ici 26
minutes de magazine d' information par le biais de leurs
Ambassades à Paris qui les transmettent par les valises
diplomatiques à qui de droit.
2.2.3 CANAL HORIZONS
Au début du second semestre de l'année 1993 une nouvelle
chaîne cryptée payante, Canal Horizons, devrait commencer à
émettre dans toutes les capitales des pays du Conseil de
l'Entente. Constituée en novembre 1987, la société .en nom
collectif Canal Plus Afrique devrait examiner les
conditions de diffusion d'un programme à péage sur
llAfrique francophone. Le Président Directeur Général André
Rousselet de Canal Plus avait chargé Hervé Bourges, alors
PDG de la Sofirad à l'époque, de préparer ce projet de
chaînes payantes destinées aux coopérants occidentaux et
aux classes moyennes et/ou privilégiées locales avides
d'images de qualité afin de dégager des sommes nécessaires
pour encourager par la suite les productions des pays
récepteurs.
C'est ainsi que Canal Horizons qui fut créé le 18 avril
1990, prenant le relais de Canal Afrique, s'inscrit
entièrement dans la continuité stratégique de la société
mère. Canal Horizons est donc une chaîne à péage d'un
capital de 15 millions de francs français (soit 750
millions de francs CFA). C'est la filiale de Canal Plus qui
détient 66% des parts, et de la Sofirad pour 34 %. Dans les
Etats africains où il s'implante, sa participation est de
15%, les 85% restants sont assurés par les gouvernements
locaux, les opérateurs privés, les entreprises financières,
etc. Par exemple au Sénégal, sa part s'élève à 16 millions
de francs français (800 millions de francs CFA) ; au Gabon,
elle est de 15 millions de francs français (750 millions de
francs CFA); en Tunisie, 5,3 millions de dinars (32
millions de francs français). Tandis qu 1 en Côte-d 1 Ivoire,
seul pays du Conseil de l'Entente où le projet est avancé,
"

Horizons est
Fajnzylberg,
d'Ivoire, il
d'abonnés:
25')
accessible à tout le monde.
chargé de mission de Canal
est possible de réunir un
" le fait qu'à Abidjan et dans
nombreux foyers sont équipés
garantie; le taux d'équipement
est élevé. ,,]
Selon Roger
Plus en Côte­
nombre important
un rayon de 40 kilomètres, de
d'antennes paraboliques est une
de la population en magnétoscope
Rappelons que la mise en chantier de Canal Horizons repose
sur une étude de marché réalisée au Sénégal, au Gabon, en
Côte-d'Ivoire, selon laquelle il suffit d'à peu près 100
000 abonnés pour démarrer sans difficultés financières.
Mais où et comment trouvera-t'il facilement 100 000 foyers
capables de s'acquitter mensuellement de 300 FF (15000
CFA)? Même si les africains vivent en communauté, c'est une
grave erreur de considérer la solvabilité en fonction de
plusieurs individus, car pour qui connaît l'Afrique noire,
les dépenses familiales sont prises en charge par une seule
personne du clan, celle ayant le mieux réussi socialement.
(Ainsi de nos jours, la fortune remplace le droit
d'aînesse). Dans les villes, même si de nombreuses
personnes se regroupent tous les soirs autour du téléviseur
d'un parent, d'un voisin ou d'un ami, il n'est pas vrai que
tous se cotisent pour payer l'abonnement ou les frais
d'électricité que nécessite l'usage du média. Ce qui
implique, selon nous, de considérer la capacité de
s'abonner en fonction du client et non du nombre de
téléspectateurs.
Par exemple, au Gabon, l'un des pays les plus riches
d'Afrique, où le pouvoir d'achat est élevé, Canal Horizons,
en 1990, n'obtient que 15 000 abonnés au maximum. Dans ces
conditions, combien peut-on attendre du Burkina-Faso, du
Bénin, du Niger ou du Togo ?
1 Canal Plus, document interne sur l' éval uation du projet Canal
Horizons, avril 1990.

260
Mais avant Canal Horizons, c'est au Maroc qu'est née "2M"
la première télévision privée d'Afrique en mars 1989. C'est
une chaîne à péage majoritairement marocaine (66% du
capital). Le reste de son capital est détenu par des
entreprises étrangères dont TF1 18%, le groupe canadien
vidéotron 15%, Sofirad (France) 0,50% etc. C'est une
télévision de divertissement dont les émissions cryptées
(films, séries, magazines sportifs, etc.) diffusées en
français sont issues de programmes de TF1, quotidiennement,
dès 21 heures et repris le lendemain entre 14h et 18h.
Quant au reste des émissions, il passe en clair entre 12h
et 14h en arabe. Généralement de 18h à 21h, des séries
alternent avec des dessins animés et des hit-parades. Deux
ans après son lancement, "2M" reste encore une chaîne de
rediffusion pour 90% de son temps d'antenne, alors que les
10% restants sont constitués de logos, de génériques et de
plateaux. C'est à dire qu'il n'y a pas de productions
locales jusqu'à ce jour. Elle n'a pas encore atteint 150
000 abonnés, peut-être à cause du tarif mensuel trop élevé
de 100 FF dans un pays où les salaires sont bas. Dans cette
situation, va t-elle chercher à diffuser sur l'ensemble du
continent africain, comme initialement prévu, ou va t-elle
équilibrer sa stratégie sur le seul territoire marocain?
2.2.4 POUR L'INGENIERIE: TELEDIFFUSION ET SOFRATEV
En matière d'ingénierie audiovisuelle, Télédiffusion de
France (TDF) et sa filiale Sofratev représentent les
couleurs françaises dans les pays du Conseil de l'Entente.
Rien de ce qui concerne les nouvelles technologies
audiovisuelles ne leur échappe: studios de télévision et de
radio, salles de cinéma, réseaux de diffusion hertziens 1
expertises et études techniques et financières. La fonction
de l'ingénierie va de la définition des objectifs à
l'assistance technique pour tous les grands chantiers
(depuis les indépendances de 1960) touchant à la production

261
ou à la diffusion audiovisuelle. L'activité proposée
regroupe donc la planification, la conception, l'estimation
et les plans de financement, l'assistance au lancement
d'appels dt offres et à leur dépouillement, le suivi de la
réalisation des travaux, la mise en service des
installations et enfin la formation des ressortissants de
l'Entente, d'où son appellation d'ingénierie complète. Dans
le Conseil de l'Entente, la Côte-d'Ivoire est aujourd'hui à
la croisée des chemins, si bien que l'audiovisuel y est
également une préoccupation quotidienne si l'on en juge par
la présence de deux chaînes nationales (dont la première
connaît une phase de rénovation à laquelle TDF participe),
et de Canal Horizons qui va y émettre dès juillet 1993.
2.2.5 LA FORMATION
Parmi les outils de la politique audiovisuelle extérieure
française, la formation (des journalistes, techniciens et
réalisateurs des pays membres de l'Entente) tient une place
importante. L'Institut National de l'Audiovisuel (INA),
installé à Bry-sur-Marne dans la banlieue parisienne, forme
l'essentiel de nos stagiaires mais le coût de ses
prestations et la sophistication du matériel utilisé font
que les ministères français des Affaires Etrangères et de
la Coopération qui reçoivent les demandes des Etats du
Conseil de l'Entente préfèrent envoyer les bénéficiaires,
au gré des disponibilités et selon les catégories
d'activités, à RFI, TDF et/ou à la Société Française de
Production Audiovisuelle (SFP) pour la formation des
techniciens. Dans ce sens, on ne peut s'empêcher de citer
l'exemple de la Convention entre l'Institut Universitaire
de Technologie de l'université de Bordeaux III et TDF
(Télédiffusion de France) depuis 1975 pour la formation de
producteurs et réalisateurs africains. En ce qui concerne
la formation des journalistes, il existe en France des
structures d'accueil comme le Centre de Formation et de
Perfectionnement des journalistes de la rue du Louvre à

Paris, le Centre Transméditerranéen de la Communication de
Marseille, l'Ecole Supérieure de Journalisme de Lille. Pour
les études de troisième cycle menant à la recherche, il
faut noter que l'Institut Français de Presse (IFP) de
l'Université de Paris II, l'Institut des Sciences de
l'Information et de la Communication (ISIC) de l'Université
de Bordeaux III, et le Groupe de Recherche sur les Enjeux
de la Communication (GRESEC) de l' univers i té de Grenoble
III contribuent chaque année à la formation au plus haut
niveau des étudiants du Conseil de l'Entente.
2.2.6 L'AGENCE FRANCE PRESSE (AFP)
Sans les grandes agences de presse, les quotidiens, les
radios, les journaux, voire les grandes entreprises
publiques et privées, ne fonctionneraient pas, car ce sont
elles qui vont à la source des informations pour les
distribuer ensuite aux médias du monde entier.
Dans les Etats du Conseil de l'Entente, c'est l'AFP qui
domine le marché de l'information. Tous ces pays,
anciennement colonies françaises et devenus indépendants
depuis 1960, ont transformé les bureaux de l'AFP en agences
nationales, mais l'influence de l'agence française est
restée intacte, touj ours en position de monopole. Cette
situation montre bien la dépendance considérable des médias
locaux à l'égard de l'AFP, quant à leur information
internationale.
2.2.7 LA FRANCOPHONIE
Depuis la Conférence des Ministres de l'Information et de
la Communication des pays francophones au Caire en 1985 et
à la suite des sommets francophones de Paris (17-19 février
1986), de Québec (2-4 septembre 1987), de Dakar (24-26 mai
1989) et les rencontres franco-africaines créées par le

Président François Mitterrand, un thème préoccupe les
ministères français de la Coopération et de la
Francophonie, les organisations interculturelles et
multilatérales de langue française (CIRTEF, ACCT,
Conférence des chefs d'Etat et de gouvernement
francophones): l'espace audiovisuel francophone.
Trois principes motivent l'organisation de cette
communauté:
1. L'existence d'une communauté
devrait être perceptible au
proposés aux opinions publiques.
d'expression
niveau des
française
contenus
2. Elle devrait déboucher sur des actions de solidarité
associant les médias de l'ensemble des pays
francophones. Aujourd'hui, les réunions du Conseil
International des Radios et Télévisions d'Expression
Française (CIRTEF) , le Marché International des
Programmes de Télévision (MIP-TV) de Cannes et les
autres festivals audiovisuels sont autant de bourses
dt échanges de productions entre peuples utilisant la
même langue.
3. La coopération entre les vecteurs de création et de
diffusion culturelle que sont la télévision, la radio
et l'écrit devrait renforcer la capacité de la
francophonie à s' autoalimenter et à mieux résister à
l' influence de l' anglophonie. Dans ce sens, signalons
que quatre des cinq pays du Conseil de l'Entente ont
des frontières communes avec des Etats d'expression
anglaise. C'est le cas de la Côte-d'Ivoire et du Togo
qui sont frontaliers du Ghana; le Bénin et le Niger,
quant à eux, sont voisins du puissant Nigéria.
L'approche francophone présente des atouts favorables pour
le développement de nos médias et pour faire entendre la
"voix" de nos pays à l'ONU. Qu'y a-t-il de commun entre un
ivoirien et un gambien, entre un togolais et un ghanéen,
entre un burkinabè et un libérien, entre un béninois et un

26-l
zambien? Ils sont tous ressortissants d'un même continent,
mais au dernier sonunet de l'Organisation de l'Unité
Africaine à Dakar en juin 1992, on a constaté une
solidarité selon les groupes linguistiques. A en croire ce
diplomate togolais aux Nations-Unies à Genève,
" chaque fois qu 1 un francophone et un anglophone se retrouvent
candidats au sein d'un organisme panafricain, les représentants
des pays membres votent souvent en faveur de celui qui utilise la
même langue officielle qu'eux."
L'unité de la langue ne garantit certes pas totalement la
compréhension mais elle atténue certaines difficultés
intrinsèques de la communication. Cela est valable au
Bénin, au Burkina-Faso, en Côte-d'Ivoire, au Niger et au
Togo, quand on sait qu'à l'intérieur de chacun d'eux, il y
a au moins une trentaine de dialectes. Les capacités de
dialogue
l'Entente,
politiques
favorable,
également,
sémiotique,
certaines
et d'échange, entre la France et les pays de
ont su dépasser les diversités économiques,
et culturelles. La langue est un facteur
non seulement pour comprendre l'autre, mais
comme l'enseignent la linguistique et la
pour percevoir certaines sensibilités et
valeurs culturelles. En d'autres termes, les
ivoiriens, les français, les suisses, les togolais, les
belges, les béninois, les québécois, etc peuvent avoir des
options différentes, mais ils se comprennent moins mal que
d'autres séparés par la langue. De nombreuses passerelles
existent entre la France et nos pays à travers la langue
française conune à travers la part commune d'héritage
culturel, philosophique ou historique. De surcroît, une
longue habitude d'échanges a créé une capacité particulière
pour aborder ensemble et avec la disponibilité nécessaire,
un certain nombre de questions dans lesquelles tous les
intérêts ne coincident pas obligatoirement, mais où l'on
est toujours prêt à écouter l'autre.
La francophonie est donc une deuxième voie pour nos pays
puisqU'elle leur permet de communiquer avec le monde
extérieur. L'exemple ivoirien est significatif. Dans ce

2C>C>
" je suis trop fan de ta cuisine" (nous traduisons) j 1 adore
ta cuisine.
Les ivoiriens ont "l'art" de ne jamais employer d'articles.
Dans le quotidien, les médecins, les instituteurs, etc
utilisent ce langage pour s' adresser aux malades et aux
parents d'élèves analphabètes. On rencontre également cette
pratique dans les spots publicitaires à la radio ou à la
télévision:
tt Arôme Maggi, c'est vrai goût"
" j 1aime arôme Maggi"
" tu as gagné nouvelle femme"
" chez nous, c'est toujours sauce grande famille"
Tous
ces
française
exemples
dans nos
illustrent
pays.
Mais,
Suzanne Lafage enseignante de
l'université nationale d'Abidjan,
disparaîtra. Selon elle,
l'importance
langue
Il plus le nombre de lettrés augmentera, comme c'est souhaitable, et
moins on entendra "1 e français de Moussa ". J'en suis convaincue. Il
Notre ami et confrère Honoré Kponton du Bénin, que nous
avons rencontré à Genève en janvier 1991 nous disait que:
Il si le français de Moussa devait mourir, il ne disparaitrait pas de
lui-même. Le combat mené contre lui par les défenseurs du français
académique est féroce pour des raisons politiques. "
à
de
la
en croire la française
socio-linguistique à
Ille français de Moussa"
On peut aussi citer l'écrivain camerounais Mongo Béti qui,
dans un article signé dans le bimensuel "Peuples
noirs/Peuples africains" soutient quant à lui (et à peu près
en ces termes) que:
/1 le maintien d'une langue étrangère comme langue officielle arrange
les dirigeants politiques: langue de sorcier, secret du pouvoir,
le français en Afrique devrait rester tel, d'où l'application de
l'élite au POUVOil' à en mobiliser l'enseignement .. . Il

2ôfi
2.2.8 LA FRANCE FACE A LA CONCURRENCE EUROPEENNE
Dans cette bataille que se. livrent les pays européens, la
France connaît une position ambiguë, parce qu'elle ne
profite pas de son avance sur le plan technologique pour
s'imposer sur les marchés étrangers. Il faut signaler que
les grands groupes français multimédias sont rares à
posséder une dimension internationale. Bormis Bachette et
Havas, ils n'ont pas encore leur place parmi les leaders
européens de la communication, tels que le puissant
Bertelsmann en RFA et Murdoch en Grande-Bretagne, qui se
distinguent des groupes français ou même d'autres groupes
européens (Springer et Berlusconi) par leur solide
implantation aux Etats-Unis. Par exemple Bertelsmann,
numéro un en Europe, possède outre-atlantique d'importantes
activités dans le secteur du disque (RCA) et de l'édition
(Doubleday). Quant à Murdoch, il réalise également aux
Etats-Unis d'Amérique une part importante de son chiffre
d'affaires grâce aux six chaînes de télévision qu'il
détient. On peut en déduire que seuls les groupes déj à
puissants dans leur pays d'origine ont réussi à se tailler
une place sur les marchés extérieurs. Alors que
Bertelsmann, Murdoch et Berlusconi ont activement participé
à la nouvelle donne du paysage audiovisuel français, les
entreprises françaises se sont caractérisées par leur
grande dispersion, et en conséquence par l'absence de
groupes ambitieux à stratégie européenne réelle.
En ce qui concerne la concurrence dans les Etats du Conseil
de l'Entente, il faut noter que la République Fédérale
Allemande est très présente au Bénin où elle a remis en bon
état les émetteurs de la télévision en 1988, alors que les
Etats Unis d'Amérique fournissent la plupart des
feuilletons à "succès" (Dallas, Dynastie, etc) dont ne
peuvent se passer nos populations. Depuis 1986, la Libye
aide intensivement le Bénin et le Burkina-Faso, avec le don
d' une régie mobile complète. Actuellement, le Japon, la
Corée du sud, le Canada, etc négocient avec les dirigeants

2(,')
du Conseil de l'Entente pour pénétrer les marchés locaux.
La France est ainsi fortement concurrencée dans ses
anciennes colonies d'Afrique noire. Nous y reviendrons en
détail dans les chapitres consacrés aux enj eux de
l'industrie culturelle et informationnelle.

27()
CHA 'P l T REl 1 1
L ' 1 N DUS TRI ALI S A T ION DES 1\1 E DIA S
DANS LE CONSEIL DE L'ENTENTE

272
PAYS POPULATION NOMBRE DE NB DE TV POUR
RECEPTEURS TV 100 HABITANI'S
Bénin 4.590 000 40 000 0,8 %-
Burkina-Faso 8.400 000 40 000 0,4 %
C6te-d'Ivoire 12.100 000 750 000 6,1 %
Niger 6.890 000 50 000 0,7 %
Togo 3.350 000 25 000 0,7 %
Source: Nous reprenons ici les chiffres utilisés par le professeur
André-Jean Tudesq pour l'année 1990, dans son livre, L'Afrique noire
et ses télévisions, o.p., cit., pp. 284_320.
Généralement, les 3/4 du parc téléviseur sont concentrés
dans les quartiers riches des capitales où les ménages sont
équipés, grâce à un pouvoir d'achat plus élevé et un
meilleur niveau de vie et d'instruction. Dans les quartiers
populaires, à cause d'une organisation sociale spécifique à
l'Afrique, regarder une émission de télévision se fait
toujours collectivement. Dans les villages, on se réunit
spontanément devant le récepteur d'un ami ou d'un parent.
En résumé, l'analyse qualitative de l'auditoire de la
télévision montre donc que ce média touche particulièrement
certaines personnes plus que d'autres. Ce sont:
Les cadres locaux de la fonction publique et du secteur
privé, les coopérants occidentaux et les diplomates.
Les épouses non actives des cadres. Leur présence
prolongée à domicile les incite en effet à regarder la
télévision, à la fois pour s'informer et se divertir.
De plus, la télévision est beaucoup moins regardée dans
les zones rurales où l'électrification n'est pas encore
achevée, ce qui fait qu'un grand nombre d'individus en
est privé. En revanche, dans les grandes villes, elle
est très regardée par les jeunes pendant les week-ends
et surtout les mois de juillet, août et septembre qui
correspondent aux périodes de vacances scolaires. Elle
a pour principal atout ses nombreux téléspectateurs
simultanés ainsi que son pouvoir de captation

d'attention. Et c'est un support promotionnel puissant
mais très onéreux qui discrimine les populations
analphabètes et pauvres.
3.1.1.1 LA SITUATION EN CÔTE-D'IVOIRE
3 ..1.1.1.1. EQUIPEMENT TÉLÉVISUEL EN CÔTE D'IVOIRE EN 1990
LE PARC NATIONAL COMPTE POPULATION POPULATION
750.000 RÉCEPTEURS DE URBAINE RURALE
TÉLÉVISION.
LA POPULATION DU PAYS
12 100 000
Possèdent un téléviseur 78!l> 22\
Télévision en noir et blanc 49% ln
Télévision en couleur 36\ 4\
Source: Institut ivoirien de l'opinion publique pour son étude
d'audience des médias en 1990. Selon le même institut, le taux
d'équipement chez les ruraux doit é t.re considéré p l utiôt: en terme de
possibilité d'accès que de possession effective d'un récepteur. En
milieu urbain, les variations régionales sont assez faibles entre
Abidjan 79t et les grandes villes de l'intérieur 76% (Abengourou,
Bouaké, Daba, Gagnoa, Korhogo, Man, Yamoussokro, etc.).
3.1.1.1.2L'AUDIENCE DE LA TÉLÉVISION EN CÔTE-D'IVOIRE *
EN SEl1AINE MILIEU URBAIN MILIEU RURAL
Téléspectateurs .92\ 53\
Première chalne 92% 33%
Canal 2 53% -
LE SAMEDI MILIEU URBAIN MILIEU RURAL
Téléspectateurs 94\ 5n
Première chalne 94\ 47\
Canal 2 51\ -
LE DIMANCHE MILIEU URBAIN MILIEU RURAL
Téléspectateurs 91% 50\
.. Source: Institut ivoirien de l'opinion publique, ibidem. Selon le
même institut, cet auditoire est constitué par BOl d'hommes contre 72%
de t emmes . Ceux qui ont un niveau d'études supérieures sont les moins
attirés par les programmes nationaux de télévision.

3.1.2. LA RADIO
274
...
PAYS POPULATION NOMBRE DE NB DE RADIO POUR
RADIO 100 PERSONNES
Bénin 4.590 000 300 000 6%
Burkina-Faso 8.400 000 500 000 6%
Côte - d 1 Ivoire 12.100 000 1500 000 12 %-
Niger 6.890 000 400 000 5%-
Togo 3.350 000 300 000 8%-
Source: Observatoire de l'infOrmation, o.p., c i t:, documents internes
pour l'année 1990 fournis par les ministères de l'Information et de la
Communication des pays de l'Entente et André-Jean Tudesq, o.p. ,cit.,
p.p 284-320.
Alors que l'Unesco propose comme norme pour cent habitants
5 postes de radio, dans les Etats membres du Conseil de
l'Entente, ce chiffre est atteint, voire largement dépassé,
en Côte-d'Ivoire 12% et au Togo 8% (voir tableau). C'est un
média de masse qui touche en Afrique près de 6 personnes
sur 10 à cause de l'écoute communautaire, même dans les
zones rurales. C'est le média le plus approprié parce qu'il
correspond à l'oralité de la tradition du continent noir.
La radio est encore plus marquée dans la vie quotidienne
des citadins car, dans les zones urbaines, le taux
d'équipement est très important: par exemple 90 % des
habitants des grandes capitales possèdent un récepteur de
radio (60% des cadres supérieurs en ont même au moins deux
par foyer) et certains d'entre eux peuvent capter des
chaînes étrangères grâce à la puissance de leurs appareils
hautement sophistiqués. Elle accompagne également tous les
cadres et les élites dans leurs déplacements quotidiens,
car les véhicules appartenant à cette couche socio­
professionnelle sont tous équipés d'un "auto- radio". C'est
un moyen de promotion susceptible de toucher toutes les
couches de la population quand les prograrrunes sont bien
gérés. Par exemple, des émissions en langues vernaculaires
visant des cibles précises d'auditeurs ruraux en réalisant
leurs programmes autour
hygiène, alphabétisation,
traditionnelle pour les 50
d'un thème ou d'un concept:
épargne, etc; la chanson
ans et plus résidant en ville

275
et/ou au village et des "r.ubes branchés Il pour les jeunes
des cités urbaines; des émissions destinées aux femmes pour
la gestion domestique de leur ménage et des programmes
d'information politique, économique et culturelle pour
l'élite intellectuelle, politique et administrative. Le
succès de la radio s' explique par le fai t que c'est un
média facile à utiliser et dont le prix d'acquisition est
faible par rapport à celui de la télévision, ce qui
contribue davantage à renforcer la première place qu'elle
occupe dans les pays du Conseil de l'Entente et cela en
dépit de l'attrait incontestable qu'offre la combinaison du
son et de l'image.
3.1.3. LA PRESSE
La presse existe dans les pays du Conseil de l'Entente
depuis l'époque coloniale mais son expansion a réellement
commencé au début des années soixante. Sur le plan
technique, elle est utilisée pour sa souplesse de style
(image ou rédactionnel) et surtout (au moins depuis dix
mois avec le multipartisme) pour sa grande capacité de
segmentation: quotidiens gouvernementaux et d' opposition,
presse rurale, féminine, magazines hebdomadaires ou
journaux étrangers essentiellement français pour la
plupart.
Ainsi la presse, dans son ensemble, touche des lecteurs
différents. Cependant, à cause d'un grand nombre
d'analphabètes, sa diffusion reste limitée, car elle ne
s'adresse qu'aux populations sachant lire et disposant de
moyens financiers pour s'offrir quotidiennement une
Il'gazette Il. Par exemple, en Côte -d'Ivoire, l'ordre des prix
des journaux est le suivant: "Fraterni té-Matin"
(gouvernemental) 125 CFA (2,50 FF), Il Ivoire-Soir"
(gouvernemental) 125 CFA (2,50 FF), Il Lvoi re-Dâmenche»
(hebdomadaire gouvernemental) 400 CFA (8 PF), "La Voie"
(opposition) 125 CFA (2,50 PF), r Lr erei qnée» (opposition)

2ï8
3.1.4.2 LES PANNEAUX DU STADE (DE FOOTBALL) HOUPHOUËT­
BOIGNY
liA tout seigneur, tout honneur". La preuve, le stade
abidjanais de football portant le nom de Président Félix
Houphouët-Boigny est "gadgétisé" au maximum. Les panneaux
publicitaires qui y sont présents ont des caractéristiques
identiques à celles des panneaux situés sur les axes
routiers:
Emplacements loués à l'année,
contrat est respecté.
Régie et entretien
d'Etat) qui fixe
l'emplacement.
renouvelables si le
assurés par Ivoire-Média (agence
les tarifs en fonction de
Faiblesse du texte et priorité au visuel.
Sur les côtés du terrain accessibles aux caméras de la
télévision ivoirienne, on
format identique (S,Sm X 2)
constructeurs automobiles,
services etc.
peut compter 2S panneaux de
et dont les annonceurs sont des
des marques de sport, des
3.1.4.3 LES PANNEAUX LUMINEUX DE L'AÉROPORT D'ABIDJAN
PORT-BOUET
Depuis 1982, une dizaine de panneaux lumineux sont
installés à l'aéroport international d' Abidj an Port - Bouet
et représentent cinq annonceurs: Marlboro, Crave n , Edina,
Abidjan Cartering et British Airways. Tout comme pour les
panneaux routiers, on est encore dans ce genre de
communication dans le domaine de la publicité de maintien.
3.1.4.4 L'AFFICHAGE BUS EN CÔTE-D'IVOIRE
Ce procédé est porteur, tant il est plus souple que les

2S0
d'entre eux sont enseignants, médecins ou agronomes. Puis,
avec la crise économique, les cadres nationaux ont. réduit
leur budget loisirs. Enfin, la chute du cinéma est
également due à la concurrence d'autres médias à fonction
détente/loisirs qui sont: la télévision et le magnétoscope.
Et cette situation va se renforcer certainement avec les
futures télévisions privées par satellites.

201
CHAPITRE IV
LA PUBLICITE DANS LE CONSEIL DE
L'ENTENTE

2i\2
4.1 INTRODUCTION: QU'EST-CE QUE LA PUBLICITE?
La publicité englobe tous les moyens utilisés par une
entreprise commerciale, privée et/ou par un organisme
public pour faire connaître les produits et les services
qu'ils ont à offrir à des milliers d'individus et ceci à
distance, sans intervention directe du vendeur. Cette
démarche a pour objectif essentiel de créer une clientèle
en lui vendant une image positive du produit donné. C'est
pourquoi toute publicité cache certaines caractéristiques
du bien marchand qu'elle vend, tout en exposant dl autres
dans une présentation alléchante, mettant ainsi les
qualités en évidence. C'est ce qui fait dire à Bernard
Cathelat que
" L'action publicitaire a pour but d'acquérir et développer une
clientèle, c'est à dire, soit de faire connaître une entreprise,
soit de vendre des produits ou des services. Elle agit dans ce
sens en démontrant l'excellence du produit ou, de manière plus
détournée, en suggérant, développant et satisfaisant les besoins
réels ou imaginaires des coneomms t eurs :"?
Et plus loin, il ajoutera:
" c'est sous la double poussée de la civilisation des échanges
marchands et de la civilisation des échanges d'information que se
développe la publici té qui est un ensembl e de techniques de
communication de masse à but économique: vendre et faire vendre. ,,2
Selon nous, l'industrie publicitaire a donné d' elle-même
une définition moins ambiguë, qui met l'accent sur la
fonction de service de la publicité. Nous l'empruntons au
mémorandum explicatif de la directive sur la publicité
trompeuse et déloyale proposée par la Commission des
communautés économiques européennes au Conseil des
ministres des Etats membres:
n la publicité fait partie intégrante du système de production et de
J - Berrierd Cathelat, Eublicité et sociéJ:..é, Petite bibliothèque Payot,
Paris, Editions de 1992, p.44.
2 _ Bernard Cathelat, o.p., c i t:, p.49.

ALIMENTATION / BOISSONS:
Cube Maggi, Jumbo cub,
Nescao Nestlé, Chocodi,
286
thé, Quaker oats, lait Nestlé,
huile Blohorn, bière Solibra,
bière Bracodi, pétillant d'ananas, Fanta, Coca-cola,
etc.
HYGIENE / BEAUTE:
Crème adoucissante, Signal (pâte
(pâte dentifrice), savon Blohorn,
savon Pharmapur.
L'AUTOMOBILE :
Peugeot, Renault, Toyota, Datsun, Honda.
dentifrice), Colgate
lame Gilette bleue,
Les campagnes d'information publiques commanditées par les
différents ministères sont de plus en plus présentes à la
télévision dans les pays du Conseil de l'Entente. Elles
permettent de sensibiliser toutes les couches de la
population: éducation civique, lutte contre l'analpha­
bétisme, amélioration des conditions de travail des -'.
paysans, code de la route, protection et respect de • 1
l'environnement, etc.
Jean-Michel Salaün explique d'ailleurs très bien les
raisons essentielles qui font que l'Etat, de nos jours,
s'intéresse à la publicité:
L'éclatement de la fonction publicitaire, qui est illustrée
notanunent par la question des droits dérivés, n'est pas le seul
bouleversement de l'activité. Une autre mutation est symbolisée
par l'arrivée de clients publics sur un marché traditionnellement
réservé aux producteurs privés. L'Etat est devenu lui aussi
annonceur, et même l'un des principaux annonceurs. Tout d'abord,
bien évidenunent, l'Etat conune producteur, propriétaire de
nombreuses firmes, opérateur de nombreux services, souvent en
concurrence avec des entreprises privées, est soumis conune elles
au devoir de la publicité. Mais il est une autre raison plus
profonde. La sophistication des techniques de conununication qu'à
entrainée le mouvement publicitaire, et notiamment: la remontée de
la conception des messages en amont pour une exploitation
multimédia ou encore l'affinement des techniques de séduction,
retourne la situation: la publicité ne part plus 8 la conquête de
l'espace public, l'espace publicitaire devient un espace à
conquérir. Pourquoi l'Etat n'utiliserait-il pas à son profit un
outil de persuasion efficace, d'autant plus que la gestion du

2S7
social se fait de plus en plus complexe?"}.
Ce point de vue de Jean-Michel Salaün se vérifie dans les
pays du Conseil de l'Entente où les pouvoirs publics,
conscients du rôle important des médias dans le processus
de développement comme moyen de sensibilisation et de
mobilisation des peuples, n'ont pas hésité à utiliser des
affiches et/ou des spots publicitaires radiophoniques et/ou
télévisuels pour atteindre simultanément l'ensemble des
couches sociales du pays. La publicité cesse ici d'être une
simple réclame ou seulement un complément fonctionnel de la
vie économique, parce que, de nos jours, elle est entrée
dans les habitudes des citadins. Autrefois oubliés, les
pays du Conseil de l'Entente basculent totalement dans la
"publimania".
4.2.1.1 LE COMPORTEMENT DES ANNONCEURS
4.2.1.1.1LES ANNONCEURS NATIONAUX
Les techniques publicitaires sont récentes dans nos pays si
bien que les chefs d'entreprises locaux n'y sont pas encore
familiarisés au point que leurs stratégies promotionnelles
s' improvisent au j our le jour, de façon ponctuelle. Pour
une fois, on ne peut pas avancer uniquement des raisons
financières car il existe d'importantes sociétés capables
de dégager un budget publicitaire, mais elles n'en voient
pas l'utilité. Celles qui font appel à ce canal pour faire
connaître leurs produits, limitent souvent leur démarche
aux capitales, négligeant ainsi la majorité des clients qui
se trouvent à l'intérieur des pays. Toutefois, depuis 1990,
la situation change progressivement avec l'arrivée sur le
marché du Conseil de l'Entente de quelques annonceurs qui
semblent s'intéresser à la publicité: c'est le cas de la
société Savana (boisson) au Burkina-Faso, Todirep Lomé
(Nescafé, Nescao) au Togo, Cosmivoire (produits cosmétiques
- Jean-Marie Salaün: ll__mli éWpélrtient léf télévision?, Editions
Aubier, 1989, p.20.

et de beauté) en Côte-d'Ivoire,
directe avec la concurrence
généralement occidentales.
etc qui sont en prise
d'autres entreprises,
Un autre trait marquant du comportement des annonceurs
locaux, c'est leur amateurisme et leur irresponsabilité,
car bien souvent ils font appel à une opération
publicitaire ponctuelle pour ensuite disparaître du marché,
laissant ainsi maladroitement l'avantage à la concurrence
qui utilise régulièrement la publicité pour communiquer
avec le public.
4.2.1.1.2LES ANNONCEURS ÉTRANGERS
Nestlé, Peugeot, Datsun, Toyota, Coca-Cola, Marlboro, etc
sont les annonceurs étrangers présents dans chacun des pays
du Conseil de l'Entente. Confrontés à la concurrence, ils
font preuve d'un intérêt considérable pour la publicité
afin de maintenir leur position sur les marchés locaux.
Pour la promotion de leurs produits, ils reçoivent des
directives de leur siège depuis l'Europe, mais tiennent
compte des traditions locales pour ne pas froisser
certaines susceptibilités. Par exemple en 1988, le spot
français pour le déodorant IMPULSE a été interdit en Côte­
d'Ivoire parce que, dans le film, on voit une charmante
dame (ayant utilisé "Impulse") qui se fait offrir dans la
rue un bouquet de fleurs par un inconnu enivré par l'odeur
du déodorant.
Cette scène véhicule un comportement inacceptable dans nos
sociétés. Accoster une femme sur son chemin ne se fait pas,
et offrir des fleurs n'est pas une pratique locale. C'est
pourquoi les annonceurs étrangers confient leurs opérations
publicitaires à des agences dont le professionnalisme est
reconnu. Il s'agit de LINTAS Abidjan qui est la 76 ème
antenne du groupe LINTAS WORLD WIDE présent également dans
les autres pays africains. L'agence d' Abidj an possède le
budget publicitaire de Unilever et de Toyota. L'agence EP
CONSEIL, créée avec un capital français en 1974, arrive en

289
seconde position après LINTAS sur le marché du Conseil de
l'Entente. Elle SI occupe des campagnes de Nestlé et de
Renault-Afrique. Si le marché de la publicité commence à
être intéressant sur le plan économique, c ' est grâce aux
annonceurs étrangers qui font régulièrement appel à cette
pratique pour faire connaître leurs produits et/ou
maintenir le contact avec le public. Selon une e s t.arna t i on
de l'union Ivoirienne des Consonunateurs (UNIDA) 1 ils
représentaient en 1990 plus de 80 % des recettes de la
profession.
4.2.2 DUREE ET TARIFS PUBLICITAIRES DANS LE CONSEIL DE L'ENTENTE
4.2.2.1. LE BÉNIN
ECRANS 10" 20· 30· 45" 60·
19h 50 20h 30 25000 CFA 45000 CFA 65000 CFA 85000 CFA 110000 CFA
(500 FF) (1300 FF) (1300 FF) (1700 FF) (2200 FF)
21h 22000 CFA 40000 CFA 58000 CFA 76000 CFA 99000 CFA
(440 FF) (800 FF) (1160 FF) (1520 FF) (1980 FF)
AVANT LE 25000 CFA 45000 CFA 65000 CFA 85000 CFA 110000 CFA
FILM (500 FF) (900 FF) (1300 FF) (1700 FF) (2200 FF)
AWNrlNwaΠ24000 CFA 44000 CFA 63000 CFA 82000 CFA 107000 CFA
œ FCX.JIEI\IL (480 FF) (880 FF) (1260 FF) (1640 FF) (2140 FF)
AVANT UN 23750 CFA 42750 CFA 61250 CFA 80750 CFA 104000 CFA
TIi'.LEFILM (475 FF) (855 FF) (1225 FF) (1615 FF) (2080 FF)
Source des tarifs: service de presse de la télévision béninoise,
Mercure-média du 9 mars 1990, B.P. 1508 Cotonou, Bénin.
4.2.2.1.1.
ANNONCE DE NAISSANCE
ANNONCE DE DECES
4.2.2.1.2
10"
10·
20 000 CFA (400 FF)
20 000 CFA (400 FF)
ANNONCE COMMERCIALE DANS LE JOURNAL TV MAXIMUM 300 000 CFA
(VENTE D'UN PRODUIT, PROMOTION ARTISTIQUE 3 minuteo (6000 FF)
IITC. )

4.2.3. LE SPONSORING
293
Dans la communauté du Conseil de l'Entente, le sponsoring a
vu le jour pour la première fois en Côte-d'Ivoire en 1987.
Depuis cette date, quelques entreprises locales et
étrangères se sont associées à six émissions de la
télévision ivoirienne pour revaloriser leur image et/ou
élargir l'univers de leur produit. Il s'agit de :
1. "Le théâtre chez nous", sponsorisé par Blohorn,
filiale africaine d'Unilever (savon B et H) .
2. "Appelez-moi Léa", une émission pour enfants par Nestlé
(Chocodi) .
3. "La météo" à la fin du journal télévisé de 20 heures
par la compagnie d'assurance "Union Africaine".
4. "La bonne cuisine" par Nestlé (cubes Maggi) .
5. "La bourse" par la bourse des Valeurs d' Abidj an.
6. "L'émission littéraire"
Africaines.
la
par les Nouvelles Editions
La multinationale suisse Nestlé est présente dans le
Conseil de l'Entente. Elle a offert à chaque chaîne
nationale un cycle complet du feuilleton américain
"Dynastie", moyennant un spot "Nescafé" avant et après
chaque épisode. Cette pratique est en train de conquérir la
plupart des chaînes africaines, ravies, compte tenu de la
modicité de leurs moyens, de pouvoir diffuser des
programmes à si bon prix. Mais la télévision privée
çommerciale n'est-elle pas en train de prendre le pas sur
le service public? Madame Danièle Boni alors directrice de
la télévision ivoirienne répond non à cette question, lors
d'une interview accordée en mars 1988 à Catherine Morand
journaliste suisse romande de l'Agence Infosud à Lausanne.
Elle ajoutera au cours du même entretien:

294
" avec le sponsoring, nous ne cherchons pas à faire des recettes,
mais simplement à réduire le coat des émissions",
estimant cependant que la présence de l'annonceur est
"pesante". Et pour preuve,
l'émission "la bonne cuisine":
elle cite l'exemple de
" En donnant la recette de l'escalope à la crème, ils se sont crus
ob1 igés de conseiller aux ménagères d'ajouter un "cube Maggi".
Même sans être une grande cuisinière, j'ai trouvé cela exagéré.
Ces prochains mois, un code du sponsoring sera donc rédigé, et
chaque émission sponsorisée sera négociée. "
Face au sponsoring et au bartering, les téléspectateurs
croyaient d'abord qu'il s'agissait d'une publicité
clandestine. Il fut une époque, en effet, où de nombreuses
sociétés avaient chacune son journaliste, son cameraman ou
son animateur ponctuellement payé en échange d'un "petit
service". Quel que soit le pays, les anecdotes fourmillent,
qui relatent les "combines" des journalistes et/ou
techniciens. Par exemple, en Côte-d'Ivoire, on raconte même
l'histoire d 1une star de football qui, au cours d'un match
retransmis à la télévision, aurait été payé pour tomber
(jouant le blessé) juste devant un panneau publicitaire sur
lequel les caméras avaient fait un gros plan. Le ministre
de l'Information et de la Communication de l'époque, face à
ce désordre a été obligé de suspendre certaines émissions.
Aujourd'hui, les publics du Conseil de l'Entente sont
habitués à voir la marque "Blohorn" derrière des gens qui
font du théâtre, ou Miss Nescao distribuer des boissons
chocolatées en pleine émission pour enfants.
4.3 LA TYPOLOGIE DES CONSOMMATEURS
En l'absence d'étude qualitative sérieuse de la typologie
des consommateurs dans les pays du Conseil de l'Entente, on
cerne le sujet de manière empirique. Selon les documents
internes d'Ivoire Média (l'agence nationale de publicité en
Côte-d'Ivoire), on peut dire que l'ensemble de la

2%
obtient, de façon légitime, par la naissance. C'est
justement cette légitimité héréditaire qui est à la base
même de la notion de statut. Et c'est ce qui dirige les
mouvements sociaux, toutes les aspirations ayant en elles
cette finalité d'un statut de naissance, d'une position
sociale où l'on excelle. En fait, pour Baudrillard, les
classes sociales se distinguent par certains moyens de
consommation; il y a une logique de la production, donc
l'utilisation des objets devient un moyen pour monter dans
la hiérarchie sociale. Un ouvrier togolais 1 burkinabé ou
ivoirien qui s'offre un téléviseur en couleur et un
magnétoscope coûteux aura le sentiment de grimper d'un cran
dans la hiérarchie sociale alors qu'il n'en est rien. La
mode et le vieillissement obligé des objets font croire à
certains consommateurs qu'ils gravissent une échelle
sociale en changeant constamment d'univers objectal. Cette
mobilité n'est pas sociale mais téléguidée par
l'amplification constante des signes sociaux distinctifs,
et elle rend mobiles les objets plutôt que les personnes.
Dans les pays du Conseil de l'Entente, à observer les
élites, on a l'impression que le phénomène publicitaire qui
se développe et s'universalise contribue chez eux à une
sorte de snobisme de comportement social selon un processus
d'uniformisation progressive. Ils trouvent de mauvais goût
les publicités faites par les africains, et ne manquent pas
l'occasion de rappeler la qualité des spots publicitaires
français, du temps de leurs études dans les universités
et/ou grandes écoles de l'ancienne métropole tutélaire. Ils
regardent très peu les chaînes nationales de télévision
mais, en revanche, écoutent souvent les radios
internationales chez eux ou dans leur voiture pour
s'informer.
4.3.2 LES TRADITIONALISTES
Les traditionalistes ont
découvert la télévision
cinquante
à l'âge
ans et
adulte.
plus et ont
Aussi leur

comportement est-il beaucoup plus réfléchi et sélectif. Les
consommateurs de cette catégorie déclarent être très peu
intéressés par les publicités à la télévision. Selon eux,
la publicité va trop loin et ils trouvent par exemple
inadmissible l'utilisation d'un spot érotique pour vendre
un produit de beauté... etc. En revanche, ils souhaitent
une relation entre le message et le produit et sont moins
sévères pour les réclames fonctionnelles qui mettent en
scène un produit dans la vie quotidienne en démontrant son
usage et ses performances. En réalité, les traditionalistes
préfèrent la vie tranquille en famille, ce qui n'est
nullement synonyme de misanthropie ou de désocialisation.
(Simplement ils souhaitent maintenir la distance suffisante
pour échapper aux contraintes de la promiscuité urbaine) .
4.3.3 LA GÉNÉRATIüN DES INDÉPENDANCES
4.3.3.1 LES ENFANTS
Ils ont entre 6 et 12 ans et sont très fascinés par la
publicité qu'ils mémorisent totalement, ce qui les rend
fortement prescripteurs. Pour les plus jeunes d'entre eux,
il semble qu'elle informe sur des produits nouveaux. C'est
une découverte du monde extérieur à la famille, qui laisse
une sorte d'empreinte v i.sueL'l.e .
4.3.3.2 LES ADOLESCENTS
La moyenne d' âge de cette catégorie de consommateurs se
situe entre 12 et 18 ans. Ils possèdent une forte culture
publicitaire qui fait partie intégrante de leur vie
quotidienne. Ils sont plus particulièrement sensibles aux
produits vestimentaires, à la mode que l'on retrouve dans
tous les pays du monde. Pour ces adolescents, le spot
publicitaire est assimilé à un clip ou à un mini film dans
lequel ils perçoivent une histoire, même si elle est très
destructurée.

300
instinct qui le rapproche du monde animal:" son museau s'avance
comme pour aller au devant de la nourriture") affirmait au siècle
dernier l'anthropologue Virey, la jovialité bouffonne, les
désirs simples et vite exaucés. Son visage aux lèvres
touj ours grossies, les yeux roulants, les dents blanches
ont vanté aussi bien des produits tropicaux qu'occidentaux.
Avec le sourire éclatant de " Uncle Ben' s" , le négro­
américain est carrément magnifié par le blanc. Arrive 1960.
L'année des indépendances, qui le "libère" de la domination
coloniale. Le regard de l'homme "blanc" change et le nègre
devient progressivement "le noir", et disparaît
complètement de la publicité parce qu'il ne correspond plus
à son cliché habituel. A la limite, pour un dentifrice, il
montre encore ses belles dents blanches, mais jamais on ne
fait de publicité pour affirmer son indépendance, son
identité, sa négritude. Dans les années soixante-dix,
certains chefs d'Etat prolongent le malaise, qu'il s'agisse
de Idi Amin Dada en Ouganda, Jean Bedel Bokassa en
Centrafrique, etc.
Mais, dès 1980, c'est le retour en force des noirs dans les
spots publicitaires en occident. Le fantasme érotique
marche à plein tube, avec l'étalon infatigable: "ça va faire
mâle" (Dim). "Brune i s beautiful" (bière Pelforth); même en
Suisse, les laitiers osent: "beurre i s beautiful" (Rosalp), et
montrent un éphèbe d'ébène qui déguste un croissant
tartiné. Un musicien noir de jazz chante le "blues de
Bresse". Sur un air de jazz, des musiciens noirs donnent le
ton à l'eau de toilette du même nom (Jazz d' Yves Saint­
Laurent). La musique noire (africaine, antillaise, reggae,
afro- américaine, etc) dérouille les reins des "toubabous". 1
Le noir n' est plus dans la forêt africaine mais dans le
"béton" à Paris, Londres, Genève, New-York etc, et son
image a considérablement évolué, allant du nègre (époque
coloniale) au noir (année soixante, période des
Toubabou signifie en langue bambara 1 "nomme blanc (occidental).
Elle est parlée en Côte-d'Ivoire, au Burkina-Faso, en Guinée et
dans le sud du Sénégal. Au Mali, le bambara est la langue
nationale et la deuxième langue officielle

30\
indépendances), du noir à l'africain (année soixante-dix),
et de l'africain au "black" dans les métropoles européennes
(année quatre-vingt). Mais derrière ces expressions
diverses pour désigner les peuples de l'Afrique
subsaharienne, se cachent une série de problèmes rarement
traités.
Les causes de ce changement sont nombreuses: peur d'être
traité de raciste; crainte de perdre des avantages (marchés
ou matières premières) , d'où la conscience de
l'inopportunité d'exprimer des vues de cette sorte, etc. Le
paternalisme né de la colonisation et l' hypocrisie
politique consistent à ne pas dire tout haut ce qui peut
déplaire aux ex-colonisés devenus citoyens indépendants. En
fait, à quelques rares exceptions près, ce que les
occidentaux pensent des sociétés africaines et de leurs
populations est rarement exprimé en public ou par écrit. En
France, la droite traditionnelle exprime ses opinions
concernant l'Afrique en privé, en des termes peu
sympathiques et peu humains. Quant à la gauche, se cachant
derrière une pudeur idéologique, elle escamote ce genre de
problème, en se démarquant très souvent de la position de
leurs habituels adversaires.
Les industries de la communication publicitaire, celle de
la haute couture, de la musique, des sports etc,
conscientes de l'opportunité de cette évolution, s'y
intéressent à leur tour, et cette fois le "black" est à la
mode, reconnu, respecté. Il devient en même temps un
produit qui sert à faire vendre d'autres produits. Côté
intellectuel, feu Thomas Sankara, (ancien président du
Burkina-Faso), le nigérian Wolé Soyinka (prix Nobel de
littérature), le malien Hampâté-bâ (anthropologue et
philosophe récemment décédé), le sénégalais Cheikh Anta
Diop, etc, ont du succès. En France, le signal de l'éveil
militant a été donné par Aimé Cesaire, Léopold Sedar
Senghor, Franz Fanon etc. Auj ourd 1 hui c'est Harlem Désir
avec SOS-Racisme, dont le slogan "touche pas à mon pote"
;=
\.-
1<
1

les populations nanties qui les consomment et qui s'y
"reconnaissent" socialement.
Pour illustrer les rapports qU'entretient la publicité avec
les pays membres du Conseil de l'Entente, nous avons choisi
trois spots télévisuels qui occupent régulièrement tous les
écrans de télévision des pays qui font l' obj et de notre
recherche. Nous avons essayé d'être le plus précis
possible, sans pour autant fournir une multitude de détails
secondaires. Dans la grille de lecture, nous avons séparé
image et son, pour la description tout comme pour
l'interprétation. Les spots sont décomposés en unités
sémantiques, c'est à dire chacune ayant sa fonction propre,
véhiculant également chacune une idée, en référence à un
thème comme les différentes propositions d'une phrase.
L'interprétation des différents spots est laissée à la
subjectivité du consommateur potentiel. Toute la technique
de production du spot vise à canaliser cette subjectivité
dans une direction précise. Cependant, nous avons fait un
pas de plus, en exprimant nos réactions, en analysant le
contenu de ces spots. C'est là que se dévoile l'univers de
la publicité, l'imaginaire qu'il utilise et qu'il produit.
Les trois spots choisis parmi tant d'autres sont les
suivants: bière Bock Solibra, peugeot 205, et dentifrice
Signal. Le découpage de ces films n'est pas rigoureux car
les plans fixes et les séquences alternent en fonction du
message à communiquer.

et de structurer. C'est pourquoi les spots sont longs (45 à
60 secondes) pour pouvoir mieux expliquer les avantages
propres que procure le produit exposé à la télévision. En
France, par exemple, le style est différent parce que le
consommateur S' identifie directement. Il Y a immédiateté
entre l'image et lui-même, sans qu'il soit nécessaire de
créer un long discours sur l'action et les personnages
représentés. La publicité est une constante de
l'environnement auquel elle est intégrée, donc
"instinctivement décodable". Quant au découpage que nous
avons fait des trois scénarios, il faut dire que chaque
plan correspond pratiquement à une séquence. Les idées sont
très hachées et simplement conçues et leur transmission se
fait souvent par métaphore ou par ellipse. Pour la
métaphore, on caractérise le phénomène en faisant référence
à autre chose. Par exemple, dans le spot de la Peugeot 205,
on a la métaphore de l'africain moderne qui communique une
idée de réussite sociale. Dans le cas de l'ellipse, on
montre une partie d'une réalité, en laissant aux
téléspectateurs le soin de la compléter. Dans "Signal", on
pose certains éléments pour faire référence à la famille.
Ceci nous amène à parler de participation passive, plutôt
que de matraquage unilatéral. Comme nous l'avons déjà
mentionné, les scénarios sont hachés, et, avant de
reconstituer le sens de l' histoire qui est imagée, il faut
faire un certain travail. Les spots reposent sur des sauts
de sens ou des j eux de mots qui sont le "1 iant" des
différents plans. La compréhension passe ainsi par
l'interprétation de ce type d'humour.
Il faut ajouter que le rôle du récepteur n'est pas
indifférent. L'émetteur formule un message, mais ce
dernier, codé, est loin de constituer un tout à lui seul.
Le décryptage ne peut se faire que grâce à la capacité
d'interprétation du récepteur. L'autonomie du message
(contenu), souvent posée comme postulat à de nombreuses
analyses médiatiques, résulte, semble-t'il, des deux pôles:
l'émetteur est certes l'initiateur de l'opération, mais son

:;0')
message n'est pas immédiatement recevable; le récepteur
quant à lui dispose de la clé (interprétation, décodage) du
message. Dans ce sens, dans les pays du Conseil de
l'Entente, la cible capable de décoder les messages est
constituée aussi bien de l'élite intellectuelle que des
autres catégories sociales. Si la publicité et l'image en
général passent, c'est avant tout qu'elles évoluent dans un
milieu favorable, où le récepteur est prêt à entendre et,
même, à recevoir le contenu. En ce sens, contenu et forme
peuvent être dissociés puisque la complicité est aussi
consommée entre émetteur et récepteur.
Il peut être intéressant
communication médiatique
surréalistes se posèrent,
imaginaire et réalité.
de se poser le problème de la
de la même manière que les
en 1924, celui du rapport entre
" Il en va des images surréalistes comme de ces images de l'opium
que 1 'homme n'évoque plus, mais qui s'offrent à lui, spontanément,
despotiquement. Il ne peut pas les congédier, car la volonté n'a
plus de force et ne gouverne plus les facultés (... ) Le
rapprochement se fait ou ne se fait pas, voilà tout."l .
C'est bien là la clé de voûte du système médiatique
contemporain. La communication est susceptible de s'établir
(et l'espace de la publicité se crée), ou elle ne se fait
pas. La forme et le fond n'ont plus de raison d'être liés.
La boucle est bouclée, on retombe à la notion de
"propagande complice" de Jacques Ellu1 2 ; la production
télévisuelle et cinématographique est faite par un public
"averti". Dès lors, l'utopie se situe-t-elle dans les
théories alternatives ( Brecht, Enzenberger ou bien dans
le fonctionnement effectif du système télévisuel et
iconique?
- André Breton, Le manifeste du sun:é-ii-l.ililIle, Gallimard, Folio/Essai,
1990,p.50.
2 Jacques Ellul, Prqpagandes, Economica, collections classiques des
sciences sociales, Paris 1990

310
Disons plutôt, à l'instar de Rubin (et à peu près en ces
termes), "on rencontre enfin ses voisins quand on contemp1 e avec eux
son immeub1 e en feu".
4.5 IMPACT DE LA PUBLICITE DANS LE CONSEIL DE L'ENTENTE
Dans les Etats du Conseil de l'Entente, la publicité à la
télévision a un impact considérable. Dans le cadre des
campagnes d'information publiques animées par chaque
ministère, la publicité est utile voire indispensable, car
elle contribue à réaliser des objectifs sociaux
souhaitables, tels que le développement de l'épargne et de
l'investissement, l'utilisation des engrais pour améliorer
la production agricole, la planification familiale,
l'éducation civique et la lutte contre l'analphabétisme,
etc. Dans les grandes villes, elle permet aussi aux
consommateurs de s'informer sur les différents types de
produits qui existent sur le marché afin d'opérer des choix
qui auraient été impossibles sans elle. Les espaces
publicitaires diffusés juste avant et après les journaux de
20 heures renforcent l'impression de l'assimiler à une
campagne officielle d'information publique.
En fait, la télévision est devenue la référence pour la
plupart des citadins, si bien qu'ils se précipitent sur le
tout dernier produit vu sur le petit écran. De plus, il ne
faut pas négliger que, dans la communication
interpersonnelle, le "bouche à oreille" demeure la forme la
plus courante pour la majorité d'une population à forte
proportion rurale et analphabète. Dans ce sens, le rôle des
amis, collègues ou parents qui ont déjà utilisé un produit
donné est fondamental, parce qu 10n demande leur avis pour
se rassurer, avant de passer à l'achat.
" Cette résurgence du concept de communication au sens plein fait
accorder de pl us en pl us d'attention aux phénomènes sociaux de
rumeur, et à la plus vieille forme de publicité, celle qui va de

qu'elles font. Ensuite, les produits qu'elles font vendre
sur nos marchés rapportent également de l'argent aux
entreprises combinatoires qui les fabriquent depuis Paris,
Londres, Tokyo etc. Voici des exemples pouvant aider à la
compréhension de ce phénomène: les cadres supérieurs et
moyens du Conseil de l'Entente qui disposent d'un revenu
satisfaisant utilisent chaque matin la pâte dentifrice
Signal ou Colgate pour se laver les dents, à la place du
traditionnel cure-dents en morceau de bois local. Ensuite,
ils utilisent pour se doucher le savon américain "Lux",
"Monsavon" (France) et/ou le savon de Marseille (France).
Pour se raser, les hommes emploient la mousse et les lames
Gilette Bleue (France) _ Les femmes, quant à elles utilisent
le lait corporel Jana et/ou Beldam (produits suisses).
Puis, pour le petit déjeuner, le nescafé, le lait Candia
(France), le beurre "Président" (France) et le pain fait à
la "française" remplacent la traditionnelle bouillie de riz
ou de mil. Pour la collation, les enfants ont droit au
chocolat suisse, au Coco- cola et au yoghourt Danone. Pour
les repas, les femmes utilisent de plus en plus de cubes
Maggi et de conserves à la place des ingrédients locaux.
Enfin, pour se rendre à leur travail, les cadres féminins
et masculins revêtent des costumes (Christian Dior,
Lacroix, Yves-Saint-Laurent, Pierre Cardin, Giorgio Armani,
Valentino, Kenzo, etc) en défaveur de nos habits
traditionnels. Ils se déplacent en BMW, Mercedez, Renault
19, Peugeot 205, Toyota etc, alors que les ouvriers
empruntent les transports publics qui sont les autobus de
marque française Renault ou Peugeot. Tous ces produits
cités font l'objet de campagnes publicitaires à la
télévision et à la radio dans les pays qui nous concernent
dans le cadre de ce travail. Bien entendu, les entreprises
occidentales exportatrices de ces biens marchands et les
agences publicitaires qui s'occupent de leur promotion
exploitent au maximum l'argument classique de leur
contribution au développement de nos pays pauvres. Dans le
même sens, un expert en publicité internationale expliquait
que:

" dans ce qu'on appelle sa phase pionnière, la publicité n'a pas
pour fonction de voler les marchés aux concurrents ou de duper les
esprits naïfs, mais d'inculquer de nouve l Les habitudes de
conaomma tz i on (... ) Elle montre aux gens comment utiliser les
produits et leur permet d'essayer en confiance (... ) de meilleurs
aliments, de nouveaux moyens d'être propre, le maniement d'outils,
c'est à dire tout un ensemble d'objectifs et de techniques que
l'instituteur du village est incapable de faire connei t x e " .
Ce n'est pas faux, mais cette définition reste incomplète
car la publicité remplit également des fonctions
économiques indiscutables dans le processus de
transnationalisation des économies de nos pays sous­
développés. Cela se traduit par les exemples de mutation
des habitudes locales avec la consommation massive des
produits étrangers qui vont de pair avec un niveau de
publicité et un niveau de bénéfice importants. Ce n'est
donc pas par hasard que la publicité utilise une certaine
catégorie de produits et services bien définis, ignorant
d'autres. Dans les Etats du Conseil de l'Entente, tous les
produits utilisés par l'élite sont ceux pour lesquels la
pénétration de capitaux transnationaux est la plus grande.
Ce n'est pas pour rien non plus qu'une forte concurrence se
développe pour s'octroyer des parts sur des marchés étroits
et disparates. Par exemple, dans les pays qui nous
intéressent, plus de vingt marques de cigarettes
(africaines, françaises, anglaises, américaines, etc) se
livrent une bataille sans merci, alors qu'il y a cinq ans,
seule la société française pour l'exploitation industrielle
des tabacs et allumettes (SEITA) dominait le marché.
L'automobile française connaît le même sort car il y a
quelques années, seules Renault et Peugeot monopolisaient
le marché de toute l'Afrique francophone, ce qui n'est plus
tout à fait le cas de nos jours, avec la présence remarquée
des voitures japonaises. A cause du morcellement des
marchés, la concurrence est impitoyable entre les
annonceurs dont les principaux sont les brasseries et
autres fabricants de boissons gazeuses; les cigarettes
A. Stridsberg: Can Advertising Benefit Developing Countries? in
Cusiness and Society Review (II), eutomne 1974, pp 76-77.

315
européennes fabriquées sous licence dans nos pays pour
éviter les taxes d'exportation, les piles pour transistor
sont également produites par des usines locales.
Invariablement, les filiales des sociétés combinatoires se
présentent comme des entreprises locales en cédant quelques
postes subalternes à des cadres locaux, déjouant ainsi le
ressentiment de la population avisée.
Si lIon devait établir un classement des marchés porteurs
dans l'espace du Conseil de llEntente, la télévision
ivoirienne est véritablement la plus rentable, compte tenu
du public touché, et donc la plus sollicitée par les
annonceurs étrangers. Elle a rapporté en 1990 un peu plus
de 20 millions de francs français (soit un milliard de
francs CFA). Elle est suivie de loin par la télévision du
Niger 100 millions de francs CFA et du Togo 60 millions de
francs CFAI.
La publicité, bien que récente dans les pays du Conseil de
l'Entente, est donc un enj eu économique important, mais
elle joue également un rôle culturel et idéologique non
négligeable en orientant la consommation. Elle fait ainsi
partie intégrante du système socio-économique dans lequel
elle évolue.
Les recettes
t-ti n i s t ê res de
Togo.
publicitaires
1 1 information
pour 1990 sont fournies par les
de la Côte-d'Ivoire, du Niger et du

31G
CHAPITRE V
LE l\1ARCHE
DE L'AUDIOVISUEL
DANS LES ETATS DU CONSEIL DE
L'ENTENTE

s.i. INTRODUCTION
317
Les télévisions du Conseil de l'Entente, en raison de leur
monopole, arrivent à des taux très élevés d'écoute. Mais
reconnaissons que, face à ce tableau, de grands
bouleversements s'annoncent avec les nouvelles technologies
qui vont mettre à mal ces monopoles d'Etat.
Bien que mis en service récemment, les satellites inondent
actuellement le monde de messages et sont devenus partie
intégrante dt un si grand nombre de circuits (agences de
presse et journaux, émissions de radio et de télévision,
liaisons téléphoniques et de télécommunications, sans
oublier le domaine des affaires etc), que déjà leurs effets
se manifestent directement ou indirectement dans la vie
quotidienne de la majorité des populations du "village
planétaire". En Afrique, c'est au Maghreb que les premiers
bouleversements ont eu lieu, grâce à la manipulation d'un
simple amplificateur d'antenne permettant de capter des
chaînes italiennes et/ou françaises. Il n'est pas difficile
d'imaginer l'amertume des téléspectateurs algériens, lors
de la maladie de l'ancien président Boumédienne. Ils
suivaient sur Radio France Internationale l'évolution de
son agonie tandis que la télévision nationale algérienne le
montrait régulièrement en excellente santé, cueillant des
fleurs dans le jardin de sa résidence d'Alger.
Sur le continent africain, l'absence de productions
crédibles et de bonne qualité est loin de pouvoir enrayer
la pénétration étrangère. Alors que les publics du
continent noir sont friands d'images, aucun pays n'a pu à
ce jour produire, seul ou en coproduction, un film ou un
feuilleton. Dans le Conseil de l'Entente la situation est
alarmante. QU'on en juge: pour une télévision nationale
représentative de l'ensemble (télévision ivoirienne), qui
émet plus de 45 heures par semaine, l'offre d'images
locales couvre 40% du total des programmes, soit deux

320
Les pays du Conseil de l'Entente totalisent 905 000 postes
récepteurs TV pour l'année 1990, comme nous l'avons déj à
indiqué dans ce travail, et répartis de manière suivante:
Bénin 40 000; Burkina- Faso 40 000; Côte-d 1 Ivoire 750 000;
Niger 50 000; Togo 25 000. A raison de 200 000 CFA (4000
FF) à 300 000 CFA (6000 FF) le prix d'acquisition d'un
téléviseur, nous pouvons aisément dire que le marché n'est
pas négligeable. Le professeur André- Jean Tudesq cite le
périodique économique 1 r rorcune française" dans lequel on
pouvait lire déj à le 24 janvier 1963: "1 e continent africain
devient un marché intéressant pour 1 es fabricants de tél évision" ;
vingt cinq ans plus tard J.P. Bégot écrivait à son tour:
\1 en bonne comme en mauvaise santé financière, l'Afrique demeure un
débouché essentiel aux industries françaises des Tél é commun i ce t i one ")
L'exemple de la société française TRT (Télécommunications
radioélectriques et téléphoniques), présente en Afrique
depuis 1963, confirme les propos de J.P. Bégot, à en croire
l' hebdomadaire Jeune Afrique:
" l'exportation représente 35% du chiffre d'affaires total de TRT.
En 1991, sur un chiffre d'affaires de 2,3 milliards de francs
français, en croissance de 11,2% par rapport à 1990,
l'international a ainsi représenté 776 millions de FF (3,88
milliards de francs CFA). Sur ce dernier total, la part de
l'Ah-ique s'établit à 11%. Solidement implantée dans le continent
africain grâce, not.emment: , à la fiabilité de ses systèmes de
téléphonie rurale, secteur pour. lequel la société est leader
mondial, avec 40% du marché, TRT dispose d'une direction
spécifique pour l'Afrique. Vingt-cinq personnes y travaillent sous
la direction de Monsieur Jean-Pierre HEBRAS,,2
Toujours selon Jeune Afrique,
Faso, Côte d'Ivoire et Togo)
Conseil de l'Entente ont déj à
TRT.
2 -
quatre pays (Bénin, Burkina
sur les cinq que compte le
f ait appel aux services de
J.P Bégot, Quel avenir pour les télécommunications en Afrique in
!1.ilrc/Jés tropicaux et méditerranéens du 26 septembre 1988.
Jeune AfriQue, n.1663 du 19 au 25 novembre 1992, p.45.

nombre de magnétoscopes, de téléviseurs, de chaînes stéréo,
de cassettes vidéo, etc est sous-estimé en raison de
nombreuses importations clandestines en provenance
d'Europe, des Etats-Unis d'Amérique et d'autres pays
africains. Souvent les personnes qui ont les moyens de
voyager profitent de leur séjour à l'étranger pour acheter
un appareil qui échappe à tout contrôle douanier de leur
pays. Ainsi, un bon nombre de magnétoscopes et de
téléviseurs utilisés au Bénin, au Togo et en Côte-d'Ivoire
sont des produits de contrebande en provenance du grand
Nigéria anglophone. Quelle est la situation actuelle? A en
croire les chiffres des ministères de l'information et de
la communication des Etats de l'Entente pour l'année 1990
et de ceux du professeur André-Jean Tudesq que nous avons
déj à cité, il y aurait pour l'ensemble des pays qui nous
intéressent 207 000 magnétoscopes (Bénin 15 000; Burkina­
Faso 15 000; Côte-d'Ivoire 150 000; Niger 15 000; Togo
12 000). A raison de 200 000 francs CFA (soit 4000 FF) le
prix de l'appareil, on peut dire qu'il n'est pas à la
portée de tous les ménages. Mais dans des pays où les
"gadgets de luxe" fascinent, (particulièrement en Côte­
d'Ivoire), le coût d'acquisition si élevé ne freine pas le
besoin de s'offrir un magnétoscope qui représente le
salaire mensuel d'un haut fonctionnaire en fin de carrière,
ou le revenu annuel d'un paysan. Dans ce sens, les pays de
l'Entente constituent un marché potentiel non négligeable,
ce qui explique également la bataille que se livrent la
France, le Japon et les Etats-Unis d'Amérique pour s'y
positionner. La France a quelque difficulté à s'imposer
dans ses anciennes colonies face au Japon qui,
If dans le matt!rie1 t!lectronique grand public, secteur qui est devenu
l'apanage presque exclusif des multinationales, les firmes
japonaises ont acquis depuis le milieu des annt!es soixante-dix une
position h éqétnon i que , En 1976, le Japon produisait un tiers des
tt!lt!viseurs fabriqut!s dans le monde. Si l'on ajoute à ce chiffre
la production des filiales des F.N.N. japonaises, en Asie du Sud­
Est mais éqeI ement: aux Etats-Unis et en Europe, on arrive à un
total qui est certainement supt!rieur à la moitit! de la production
mondiale (... ) Le Japon produit un tiers de la production mondiale
de chaines électro-acoustiques, deux tiers de celle des

ministères, ambassades,
la micro-télévision qui
Rappelons quelques - uns
plus marquants:
les fêtes de famille
- la surveillance
- l'éducation
- la thérapie
- le sport
aéroports, etc ... Il s'agit ici de
englobe toutes les pratiques vidéo.
de ses domaines d'application les
(mariage, anniversaire, etc.)
- l'animation sociale, politique, syndicale
l'animation culturelle (centres culturels des jeunes,
foyers du lycéen etc.
Selon les études de la Cormnunauté Economique pour
l'Afrique, réalisées en mars 1982, que nous avons déjà
citées,
" les possesseurs de magnétoscopes regardent deux fois moins la
télévision que le reste de la population. 75! des vidéospectateurs
utilisent leur magnétoscope entre 1 et 9 fois par semaine, et 20!
plus de 10 fois. Par ailleurs, 92% des possesseurs de
magnétoscopes l'utilisent pour enregistrer des émissions de
télévision. Pour 85%, il s'agit de films, pour 10% de sport et
pour 5! de variétés. Ensui te, viennent de très rares émissions
culturelles et celles destinées aux enfants. Enfin, 75% des
enregistrements réalisés à partir de proqretttmee télévisés sont
effacés après avoir été visionnés une seule fois u .
Le "boum" de la micro- télévision est une évidence si bien
qu'on rencontre également et très souvent des citadins
malins qui sillonnent les zones rurales au fin fond de la
brousse avec un magnétoscope et un téléviseur alimentés par
la batterie de leur voiture. Contre une modeste
participation de 50 F CFA (soit 1 FF), ils font voir aux
villageois intéressés des films ou des matches de football.
Cette pratique est courante dans bon nombre de pays. Cet
exemple illustre très bien le besoin d'images des
populations de l'Entente, à l'heure où les pays
industrialisés se livrent la grande bataille technologique
de la télévision du futur à haute définition, qui doit
passer par l'adoption d'une norme unique. Ainsi, force est
de constater également que le désintéressement des

Cette inquiétude du
cohabitation) montre que
industriel qu'il n'est
s'exerce déjà, tant sur
que sur celui de la
325
nationaux bénéficie aux occidentaux qui arrosent d'images
inadaptées les pays d'Afrique incapables, à leur tour, de
s'imposer à l'étranger par l'absence de produits crédibles
et de qualité. Si bien qu'avec le début des satellites
directs vers le continent noir, et surtout avec la vente
croissante de magnétoscopes, de téléviseurs et de cassettes
vidéo, les années quatre-vingt dix seront celles de
l'explosion totale d'une demande d'images de plus en plus
forte. Le magnétoscope, corrununément appelé vidéo dans le
Conseil de l'Entente, offrira, en effet, un moyen de
pallier les carences des productions locales. Or, cette
émergence de la consorrunation de biens culturels et
informationnels a coincidé avec l'entrée de l'audiovisuel
mondial dans une phase d'industrialisation. L'enjeu est
donc irrunense dans l'espace de l'Entente (35 millions
d'habitants) dont les pays membres sont incapables de
développer une offre originale, si bien que de nombreux
opérateurs étrangers se bousculent pour y exploiter le
potentiel de besoin recélé.
Comme nous l'avons déjà indiqué, la France a été la
première à se manifester dans le nouveau P.A.A.F. par le
renforcement de ses prograrrunes aux chaînes nationales de
ses anciennes colonies, consolidant ainsi ses propres
positions face à la concurrence de ses pairs occidentaux.
Ainsi, il ni est pas superflu de rappeler le rapport que
monsieur Michel Péricard (membre du RPR) a effectué en 1987
pour le Premier Ministre Jacques Chirac sur "l'action
audiovisuelle extérieure de la France", et ou il dénonce:
" l'intensité de la concurrence étrangère en Afrique, dont les
avancées sont susceptibles, à moyen terme, de remettre en cause
des pans entiers de notre influence culturelle, mais aussi
économique" .
gouvernement français (de la
l'Afrique est un véritable enjeu
plus possible de nier et qui
le plan de l'ingénierie technique
diffusion. Ce souci se justifie
,.

327
commerciales avec l'Afrique du Sud (le montant du commerce
avec ce dernier se chiffre à plus de 3 milliards de dollars
ces dernières années), ce pays lui fournissant environ un
tiers de ses besoins en amiante et en manganèse. Le
Zimbabwe lui donne une part importante de son chrome qui
transite par l'Afrique du Sud. L'offensive lancée au début
des années quatre-vingt a d'indiscutables aspects
politiques et le Japon devient ainsi partie prenante dans
le jeu des grandes puissances en Afrique noire. Mais
d'autres pays s'intéressent également au continent
africain: il faut noter que le Brésil est aussi présent
avec les "cinenovelas" que l'on voit régulièrement sur les
écrans des pays de l'Entente. La société Transtel créée en
1965 par ZDF adapte les programmes allemands destinés à
l'Afrique. Et depuis 1987, les Etats-Unis d'Amérique, ont
une place dans les ménages des expatriés et de l'élite
locale, par le biais de leur chaîne publique World-Net
reçue du Gabon à la Côte-d'Ivoire. De plus, parallèlement à
la démarche officielle des pays, un nombre important
d'industriels et d'opérateurs privés ont suivi le
mouvement: il s'agit des fabricants et des vendeurs de
matériels audiovisuels, bien sûr, mais également de
fournisseurs de programmes. C'est ainsi que, dans
l'Entente, on a pu voir des feuilletons tels que Dynasty,
Starsky et Hutch, Dallas, etc, produits sur un mode
industriel. En effet, après avoir réalisé de confortables
bénéfices par la vente de droits à la plupart des chaînes
des pays riches, les producteurs américains proposent les
mêmes séries aux Etats pauvres à des prix dérisoires,
défiant toute concurrence, du fait que chaque dollar de la
négociation est un bénéfice. Pour l'ancienne métropole, la
pénétration sur le marché des pays qui nous intéressent
S'appuie souvent sur des sociétés françaises ayant déjà des
activités sur le continent africain. A en croire Ndiaye
Momar Kébé que nous avons déjà cité
TI La régie cassette vidéo (RCV) le leader français de la cassette
pré-enregistrée, fondé en 1979 par le producteur Eves-Rousset
Rouard, propose 60 films de la 20 TH Century Fox et 120 films de
la Metro Gol dwyti Mayer que l'on retrouve chez les vendeurs de

5.3 CONCLUSION: L'AUDIOVISUEL DANS LES ETATS DU CONSEIL DE
L'ENTENTE: ENJEUX OU FAUSSES INQUIETUDES?
Notre conclusion cherche à faire le point de la situation
des Etats du Conseil de l'Entente en tant qu'enjeu pour les'
puissances industrielles. Un bilan global du point de vue
politique, culturel et économique s'impose dans cet ordre
d'idées.
Sur le plan strictement politique, la situation peut
évoluer dans une direction presque prévisible. Au niveau
local, les dictatures traditionnelles seront remises en
question, du fait de la découverte d'autres pratiques
culturelles et politiques véhiculées par les télévisions
satellitaires. L'ouverture au (et sur le) monde va mettre à
nu le comportement de certains leaders du Conseil de
l'Entente.
Par exemple, quand les médias français consacrent un temps
d' antenne aux événements qui se passent dans tel ou tel
pays, avec des images à l'appui, il devient difficile aux
potentats locaux de mettre à l'écart ou de tuer les
opposants et/ou les rivaux possibles. Des exemples ne
manquent pas dans le Conseil de l'Entente: au Togo, après
les coups de force des 1er et. 8 octobre 1991, celui du 3
décembre de la même année, qui a abouti à l'arrestation du
Premier Ministre (de la transition) Joseph Koffigoh, a
terriblement déçu l'espoir démocratique du peuple.
Heureusement pour ce dernier et pour le Premier Ministre,
le fait que les télévisions françaises aient largement
diffusé des images de ce coup d'Etat perpétré par l'armée
sur l'ordre de Général Eyadéma Président de la République
dudit pays, a évité la mort de Joseph Kof f igoh. En Côte­
d'Ivoire, on trouve
Il un pouvoir décidé à recourir à la force, une opposition qui rêve
de le renverser, un parti qui n'en finit pas de se vouloir

unique"} .
Le leader de l'opposition ivoirienne le professeur Laurent
Gbagbo a été arrêté le 18 février 1992 mais, aussitôt, la
Cinq a consacré un reportage à l'événement, où l'on put
voir Monsieur Henri Emmanuelli Président de l'Assemblée
Nationale française déclarer:
Trois parlementaires ont été arrêtés et je considère donc qu'il
est de mon devoir de m'enquérir auprès du Président de l'Assemblée
Nationale ivoirienne Monsieur Konan Bédié pour savoir si des
droits et des garanties sont offerts à ces parlementaires conune
ici et dans toute démocratie, c'est à dire s'ils bénéficient des
garanties de l'inununité qui est la tradition d'un Etat de droit."
Ces propos s'inscrivent dans la lignée du discours du
Président François Mitterrand qui, lors du sommet des chefs
d' Etat francophones de la Baule en France en juin 1990,
s'était engagé fermement à défendre les transitions
engagées dans le pluralisme des idées. Les revendications
démocratiques, dont les pays du Conseil de l'Entente sont
aujourd'hui le théâtre, surgissent d'une prise de
conscience des populations, et les médias français ne font
que favoriser les conditions de leur émergence. Dans ce
contexte, la magie de l'image devient un élément décisif
pour l'instauration de la paix sociale et du multipartisme,
car les autocrates actuels, craignant l'opinion mondiale
(Fonds Monétaire International, Banque Mondiale, Amnesty
International, l'ONU, etc), essayent de s' initier à une
pratique un peu plus "humaine" du pouvoir. Sur le plan
international, grâce à l'avènement progressif de la
démocratie qui devrait se traduire par l'autonomie des
anciennes colonies, le monopole occidental dans le Conseil
de l'Entente va être également remis en cause,
particulièrement l'influence de la France D'ailleurs,
depuis 1990, une nouvelle mentalité beaucoup plus
responsable se retourne contre les "apparatchiks" locaux et
contre la France qui les a toujours soutenus. Si celle-ci
veut se réhabiliter, elle doit reconsidérer sa politique
africaine, en favorisant et protégeant le pluralisme et les
1 - Jeune Afrique, No 1625 du 27 février au 4 mar s 1992, p.7.

progressistes qui refusent les systèmes dictatoriaux, car
ses ex-colonies font l'objet d'un enjeu' stratégique. Par
exemple, le Niger et le Bénin ont des frontières communes
avec le grand Nigéria anglophone, économiquement puissant,
et qui s'intéresse à eux pour étendre sa domination
régionale et, par son biais, également celle de la Grande­
Bretagne qui est sa caution tutélaire dans le Commonwealth.
D'un point de vue culturel, les Etats du Conseil de
l'Entente demeurent un enj eu de premier ordre qui
conditionne aussi bien le domaine politique qu'économique.
Nous allons essayer de montrer comment et pourquoi le
"culturel" est actuellement, selon nous, l'élément clé de
toute expansion, de toute domination. Par exemple, dans les
cinq pays qui font l'objet de notre travail, les élites,
disposant du savoir-faire, élaborent et gèrent les
politiques nationales de développement que doivent suivre
les populations à maj orité analphabètes. Malheureusement,
issues du cadre colonial, ces élites reproduisent ou
adoptent les modèles français qu'elles connaissent, aidées
en cela par les experts et les coopérants de l'ancienne
métropole. Elles jouent ainsi les courroies de
transmissions du savoir technologique occidental.
Or nul n'ignore que toute technologie est porteuse de la
culture qui la crée car tout produit intègre une bonne
partie des informations qui ont servi à le fabriquer. Mais
il n'est pas facile d'accéder à ce genre d'information dont
le décodage nécessite un sérieux travail dl analyse et de
"démontage" dudit produit. D'une manière générale, la
création d'une caméra, d'un téléviseur, d'un magnétophone
etc... est avant tout le résultat d'un processus complexe
de conflits et de partenariat entre plusieurs acteurs
pociaux, tant sur le plan de la production que de
l'utilisation, si bien que l'exportation de programmes
occidentaux vers nos pays revêt une signification sociale.
Il n'est donc pas surprenant que la consommation abusive de
la civilisation "gréco-romaine" par les élites de l'Entente
soit au centre des relations de dépendance de nos pays par
rapport à ceux de l'occident. La preuve: au niveau

pays qui nous intéressent, il est nécessaire de rappeler
que chaque dollar que rapportent les exportations de
prograrmnes télévisuels est (pour un dollar de plus) un
bénéfice dans la mesure où ces feuilletons ont été déjà
amortis dans les pays riches. Dans certains cas, cependant,
la France met gratuitement à la disposition de ses
anciennes colonies des feuilletons, au titre de la
coopération. Mais il faut rester très prudent, car même si
l'ancienne métropole n'en tire pas de bénéfices
immédiatement "matérialisables" comme les Etats-Unis, il
n'en demeure pas moins que les émissions et les films
français constituent un moyen considérable de pénétration
économique à court, moyen et long terme, parce qu'ils
invitent les béninois, burkinabé , ivoiriens, nigériens et
togolais à découvrir et à consommer les modèles de vie
français. Ce n'est pas par hasard que Renault et Peugeot
dominent le marché de l'automobile dans les Etats du
Conseil de l'Entente, et que les administrations, les
écoles etc sont des copies de l'ancienne puissance
tutélaire, alors que tous les cadres locaux se réfèrent
quotidiennement aux publications françaises.
Ensuite, nous lui reprochons de ne pas tenir compte de
toutes les synergies que crée la consommation d'émissions
importées puisqu'on ne peut de nos jours dissocier culture
et économie, la première étant l'élément indispensable de
la seconde, sinon l'arme stratégique de la pénétration néo­
colonialiste, quant à l'expansion économique. Pour mieux
nous faire comprendre, essayons d'éclairer les d i f férents
aspects de l'enjeu économique au niveau des médias
audiovisuels: d'abord en terme de productions et de
créativité, les Etats du Conseil de l'Entente ne
représentent pas un concurrent pour les industries
occidentales, car ils sont incapables de réaliser des
produits exportables susceptibles de conquérir les marchés
étrangers. En effet
" en 1985 la C6te-d'Ivoire exportait pour 11 000 dollars de
récepteurs de télévision montés sur place (dont 8000 en Afrique)

de ses ressources qui couvrent à peine ses frais de
fonctionnement, alors que la redevance n'existe pas. Pour
illustrer l'absence de civisme et la faiblesse des pouvoirs
d'achat, nous donnons ici l'exemple béninoi s : en 1982 le
gouvernement de la République du Bénin fut le premier en
Afrique à instaurer la redevance télévisuelle pour la
modique sorrune annuelle de 5000 CFA (100 FF) soit 420 CFA
par mois (à peu près 8,50 FF). Même à ce prix plus que
dérisoire les populations ont refusé de payer. Et avant que
les agents du trésor public ne soient arrivés dans les
quartiers de Cotonou et de Porto-Novo, les personnes ayant
des téléviseurs les ont cachés, après avoir démonté
soigneusement les antennes qui "paradaient" sur les toits
des maisons, et qui servaient à capter les deux chaînes
voisines du Togo et du Nigéria. Cet exemple nous fai t
prendre conscience d'une réalité non favorable à la
création de télévisions locales à péage. (Nous entendons
par télévision privée locale, celle créée dans un pays
africain, et ayant son propre canal de diffusion et son
personnel. Nous ne la confondons pas avec les télévisions
par satellite qui émettent depuis l'étranger).
En revanche, les télévisions de diffusion directe par
satellite ont un avenir important (d'une manière globale)
parce que les coûts de production sont rapidement amortis,
du fait que les programmes exportés sont conçus pour
l'ensemble des pays africains, sans tenir compte de la
spécificité de chacun d'eux (corrune l'aurait fait une chaîne
privée locale) Par exemple: Canal Horizons produi t des
émissions depuis paris, en fait des copies, qu'il envoie
aux différents pays. Dans ce sens, il lui est possible de
réunir plus de 500 000 abonnés à travers tout l'espace du
Conseil de l'Entente susceptibles de s'acquitter des 300 FF
(15 000 CFA) mensuels, alors qu'au niveau de chaque pays
pris isolément il aurait été impossible d'atteindre plus de
50 mille abonnés.
Ensuite, les diffusions
davantage la vente
satellitaires vont
de marchandises
favoriser
culturelles

QUATRIEA1E PARTIE
PROPOSITIONS
....\' t' us, \, il 1 Il t' r (1 n J n 1} J pro}: r 1 J P Il ri' a rn ,; 1 i (J rat ion
dt' /11 Jan'; d é
nOl popu/nr,on.s. par Ir nlJmh,t'
ri ' I! n fan 1 J dan J 1 t' J ; C Il 1 I! J par la qualil; dt' , .
ql/'{}n "ur d i s p e n se , par
t' n J t',).: n l' ml' fi
apport d'l'DU et d'';/l'ctricit;
,1 a n » n" J \' i lit' J t' 1 \' i 1 l a K t' J t' 1 P" ri, 1> Il n il , u r q" t' n" 1 rÔr P'" l' 1 ..
,; p r o u \' t' t' n d i r i K t' a n 1 J, J l' r " r r , loff air t' ,
Ji ... am'; .\' li r u rn a il, I) i J Cil" r l à 1 a .\' al" Il ", l r ::./ d é
C , m 1> r t' l Y 5 7

1 lNTRODUCTION
L'objectif de cette partie de notre recherche n i a pas la
prétention d'élaborer une politique de l'information et de
la communication en tant que telle, mais d'amener des
réflexions et, partant, de dégager quelques propositions
susceptibles de rendre utiles les médias dans le processus
de développement (au niveau endogène) et pour la
compréhension internationale.
Dans ce sens, bon nombre de pays du Conseil de l'Entente
ont tenté d'innombrables expériences et solutions de
rechange à tous les niveaux des moyens de communication de
masse. Par exemple, au début des années quatre-vingt au
Niger et en Côte-d'Ivoire, on a pu se rendre compte que les
campagnes d'éducation télévisuelle ont péché par optimisme
pour avoir sous-estimé les difficultés, les complications
et la lourdeur de la production et des appareillages.
Auj ourd' hui, on signale l'intérêt pour l'emploi de
nouvelles techniques beaucoup plus légères de stockage et
de diffusion (émetteurs de radio et de télévision,
magnétoscopes, vidéos portables, caméras, etc) mais
l'absence de pratique culturelle cohérente et la rigidité
des stratégies officielles réduisent leur efficacité. Pour
les Etats qui nous intéressent il s'agit, à notre avis,
d'inventer des solutions à des problèmes concrets quant à
l'utilisation des médias à des fins de développement, c'est
à dire pour régler les problèmes profonds que rencontrent
les populations, ou pour réduire le décalage entre les
sociétés urbaine et rurale. On sera alors en présence de
deux possibilités: ou bien, on applique aveuglément les
pol i tiques of f icielles gouvernementales sans tenir compte
des moyens, des aspirations et des priorités des principaux
concernés, ou alors on s'efforce d'élaborer un certain
nombre de solutions simples prenant en considération les
réalités du milieu dans lequel elles vont être appliquées.

Dans le cadre de notre étude, les "structures souples" sont
donc un facteur d'innovation car elles permettent de sortir
des canevas, de tenir compte de l'évolution des choses, de
capter l'environnement, tel qU'il est ou tel qu'on le
ressent. Le subjectivisme doit être considéré comme l'un
des éléments permettant à un peuple de voir les choses en
fonction de son propre regard parce que le développement
est intégral, multidimensionnel et par conséquent différent
d'une société à l'autre. Nous sommes très sensibles à cette
démarche "culturaliste" du développement mais, à moins
d'une dizaine d'années de l'An 2000, il est réaliste de
reconnaître également qu'aucun pays ne peut vivre
isolément, en ignorant la néo-technologie, sous le prétexte
de vouloir rester "authentique".
Les pays du Conseil de l'Entente, dans ce sens , doivent
engager une coopération intelligente avec l'occident afin
de profiter des progrès technologiques de ce dernier pour
combler le retard en matière d'agriculture, d'éducation, de
santé, d'industrialisation, etc, ou pour la formation des
cadres. Que constate-t-on trente années après les
indépendances? Le Conseil de l'Entente souffre d'un retard
de l'éthique sociale, parce qu'encore dominé par le poids
d'une dictature qui n'a pas son équivalent ailleurs, et
dont les séquelles s'accommodent mal du développement.
C'est pourquoi, toute initiative, de nos jours, ne peut se
concrétiser sans une véritable volonté politique tant au
niveau local par une participation effective de toutes les
couches de la population aux décisions importantes qu'au
niveau régional et/ou international par l'échange ou la
coproduction des programmes audiovisuels.
Dans cette voie, une mise à jour des politiques de
l'information et de la communication s'impose, car il faut
"repenser" le système des moyens de communication dans leur
contexte, si l'on veut que la décennie marquant le
quarantième anniversaire (1960) d'indépendance des pays
africains coincide avec l'aube de la mouvance planétaire.
Pour y parvenir, les Etats du Conseil de l'Entente ne

intellectuels différents. Par exemple, en France on peut
citer d'une part les réponses apportées par René Dumont,
Alfred Sauvy, etc... par le sociologue iranien Ali Shari,
en Orient; par Gustavo Gutierrez, Paulo Freire, etc, en
Amerique Latine et d'autre part le défi, en Afrique, (très
tôt lancé par Frantz Fanon, Patrice Lumumba, Kwamé
N'Krumah) et poursuivi par Thomas Sankara et Julius
Nyereré. Leur conception du "développement" prend en compte
aussi bien les valeurs culturelles traditionnelles que
l'indépendance économique, l' initiative populaire et, par
dessus tout, la revendication d'une idéologie propre,
différente du marxisme et du libéralisme classiques.
Pour notre part, le développement signifie la
transformation d'une société en vue d'améliorer les
conditions de vie des populations, de leur environnement,
en respectant leurs valeurs culturelles et surtout en
misant sur leurs capacités propres à assumer ce changement,
car il n' y a pas de développement sans autonomie. Nous
sormnes conscients de la difficulté de cerner ce concept
encore mal défini du fait de son rattachement à des valeurs
qui n'ont pas de portée universelle mais sont particulières
à certaines cultures.
Dans notre cadre de réflexion, il s'agit maintenant de
savoir quelles combinaisons de moyens de cormnunication à
exploiter, en rapport avec quels relais sur le terrain,
peuvent appuyer le mieux la dynamique du développement. A
première vue, si le rôle de la télévision dans les domaines
de l'information et de la culture semble indiscutable, sa
mission en ce qui concerne le développement n'est pas aussi
évident, quand on sait qu'elle s'adresse à un public très
large, dispersé et hétérogène, qu'elle connaît très mal du
'fait de la faiblesse de son budget de fonctionnement, de
l'absence de personnel qualifié et de l'importation massive
de prograrmnes étrangers. Au contraire, le processus de
développement suppose un public défini, homogène et des
possibilités touj ours renouvelées d' adaptation et de
contrôle. Il n'apparaît donc pas, au départ, que la

télévision ait des dispositions particulières pour
l'éducation des habitants du Conseil de l'Entente, afin
d'améliorer leur environnement et leurs conditions de vie
et de travail, et cela sans transgresser les valeurs
locales. Ce constat n'est pas le fait uniquement de la
télévision mais pose le problème de tous les médias
modernes qui, pour ces pays, n'étaient pas adaptés au
départ.
Auj ourd' hui, essayer d' en faire des outils de
développement, c'est avant tout leur créer les conditions
nécessaires devant leur permettre de devenir effectivement
un moyen de formation, d'éducation et de dialogue. Et pour
cela, nous pensons qu'une attention particulière doit être
accordée aux trois points suivants: production locale de
programmes, réception et contrôle. Considérons d'abord le
sujet au niveau de la production. En Afrique, il est
indiscutable que l t éducation constitue le premier élément
de base de toute politique de développement, elle ne peut
être laissée à la seule initiative des agents des
ministères de l'information. En effet, si l'on veut faire
de la télévision un média de progrès, il est indispensable
que les contenus des programmes soient le reflet des
préoccupations et des besoins de toutes les composantes de
la population. C'est pourquoi son efficacité n'est
envisageable que si son action résulte d'une collaboration
étroite, coordonnée et régulière entre les différents
ministères et les services de l'information. Cette démarche
constitue inéluctablement la première condition de
fonctionnement de tout média à des fins de développement.
Ensuite, c'est au niveau de la réception que se joue
véritablement le succès de la télévision car, pour être
efficaces, les programmes de sensibilisation doivent être
reçus attentivement, ce qui nécessite de meilleures
conditions. En particulier, il est très important de
pouvoir modifier certaines habitudes des téléspectateurs
concernés. si un pays veut utiliser au mieux ses ressources
pour des campagnes de vulgarisation (agriculture, santé,
alphabétisation, etc), il faudra que le problème soit

étudié dans toute son ampleur par tous les acteurs
concernés. Les différents responsables locaux (sociologues,
économistes, journalistes, agronomes, médecins, dirigeants
politiques et administratifs, etc) doivent examiner les
besoins de changement, les ressources disponibles, et
établir en conséquence le type de messages appropriés et de
moyens qui pourra le plus efficacement provoquer la
dynamique souhaitée.
Enfin, le contrôle des programmes constitue une
préoccupation non négligeable puisqu'il doit permettre
d'orienter et d'adapter les campagnes de sensibilisation en
fonction des opinions et des aspirations des publics
concernés. Dans cette perspective il faut absolument créer
entre producteurs et utilisateurs ce courant d'échange
indispensable et surtout ne jamais négliger d'apporter à
l'attention des décideurs des différents ministères les
réactions et les attentes de la base. C'est par le biais
d'un dialogue permanent que les agents de vulgarisation
agricole ou sanitaire, etc. pourront connaître
suffisamment les réalités et les comportements de la région
où s'exerce leur action. Par exemple, lorsqu'un infirmier,
dans une zone rurale, explique aux paysans pourquoi la
vaccination contre le choléra est obligatoire, il peut se
rendre compte immédiatement s'il est compris; lorsque le
même infirmier s'adresse depuis les studios de la
télévision située à Ouagadougou ou à Abidjan, c'est à dire
loin des milliers de villageois qu'il n'a peut-être jamais
rencontrés, il ne peut pas savoir si son message est reçu;
en tout cas, il ne peut pas le savoir immédiatement pour
modifier son exposé. Pour que les médias de masse puissent
donc servir efficacement le développement économique et
social, il faut qu 1 ils soient adaptés autant que possible
aux conditions locales, que les programmes soient pensés,
élaborés par des personnes compétentes qui connaissent les
coutumes, la mentalité et les vrais besoins du public
auquel ils s'adressent et qui, en retour, doit également
disposer de moyens pour faire connaître ses réactions.

:ISO
C'est sur ces bases que doit être conçu tout média
audiovisuel dans chaque pays du Conseil de l'Entente.
Cependant, nous sommes conscients que le fonctionnement des
médias et la production des programmes nécessitent
énormément d'argent. Dans ce sens, les pays ayant les
difficultés de même nature, comme c ' est souvent le cas en
Afrique, doivent mettre en commun leurs ressources pour une
coopération Sud-Sud à l' intérieur du Tiers-Monde, et
régionale ou sous-régionale au niveau continental.
3 COOPERATION ENTRE LES PAYS MEMBRES DU CONSEIL DE
L'ENTENTE
La libre circulation des hommes et des marchandises à
l'intérieur du Conseil de l'Entente est une réalité depuis
la création de l'organisation. Il suffit d'une simple carte
d'identité ou d'un sauf-conduit pour que les citoyens de
l'un ou l'autre pays passent les frontières.
L'interdépendance des collectivités s'accentue donc mais la
politique n'évolue pas en conséquence. Par exemple le
Burkina-Faso, enclavé, utilise le port ivoirien d'Abidjan
pour ses marchandises en provenance du monde entier, alors
que le Niger, dans la même situation, fait transiter ses
produits importés par le port du Bénin. Malgré cette
solidarité, de nombreux autres problèmes ne se posent
encore en termes régionaux à cause des profits que dégagent
les potentats locaux ayant touj ours peur d'une ouverture
totale qui, à leurs yeux, serait synonyme de perte de
pouvoir.
Le monde bouge et il devient urgent de dépasser le cadre
national en étendant la politique aux dimensions
régionales, continentales et internationales. Pour l'heure,
il n'est pas question de créer un gouvernement comparable à
ceux des Etats nationaux mais il s'agit de mettre en place
des organisations nouvelles, susceptibles de faire face à

])]
l'évolution accélérée des technologies. L'approche locale
en Afrique conduira en effet à des échecs si elle est
pratiquée par des pays comme le Togo, 56785 km2 pour une
population de 3,2 millions d'habitants et le Bénin, 112622
km2 pour 4 millions d'habitants qui, en outre, sont très
pauvres. En matière de politique des médias, aucun
programme de développement de la télévision au sein du
Conseil de l'Entente ne saurait prendre exclus i vement en
considération les préoccupations locales tout en ignorant
l'importance d'une coopération sous-régionale. D'ailleurs,
pour les pays d'Afrique, l'Organisation de l'Unité
Africaine (O.U.A.) constitue le cadre de prédilection de la
coopération continentale, et cette solidarité s'impose
d'autant plus que ces Etats appartiennent à la même
communauté géographique, culturelle et historique et leurs
économies sont toutes sous-développées.
C'est pourquoi, il nous semble que la coopération dans tous
les domaines de la communication doit être préalable à
toute idée de solidarité panafricaine. Cela doit se faire
sur une base aussi bien bilatérale que multilatérale, car
les programmes et les activités d'information (notamment
dans les domaines de l'éducation populaire, de la culture
et pour ce qui est de la gestion des ressources de ces
programmes) doivent impérativement obéir à des
considérations propres aux Etats membres du Conseil de
l'Entente. Mais malgré les difficultés qui peuvent plus ou
moins entraver cette coopération, le principe fondamental
sur lequel elle repose est un processus à long terme,
surtout lorsque les plans ont pour objectif le
développement futur des moyens de communication et non plus
de simples mesures provisoires. Dans ce sens, il n'est pas
superflu de suggérer sans aucune prétention quelques
propositions:
Les pays du Conseil de l'Entente doivent réunir tous
leurs efforts pour la construction des infrastructures
de communication af in d' augmenter la circulation des

informations à
ainsi qu'entre
J52
l'intérieur de leurs propres
eux et enfin avec les autres
pays,
pays
d'Afrique et d'ailleurs. Pour cela des efforts
conjoints sont nécessaires dans la recherche des
ressources pour le financement des projets cormnuns.
Dans ce sens, il est indispensable d'unir toutes les
capacités (humaines, matérielles et technologiques)
disponibles dans chaque Etat pour les mettre au
service de l'organisation.
L'échange de nouvelles, de prograrmnes radiophoniques
et télévisuels, de matériels de cormnunication, y
compris les films et même l'échange de correspondants
entre les membres d'une même organisation, rendrait
chacun d'eux plus riche qu'il ne l'est actuellement à
cause de la pauvreté et de l'absence de personnel
qualifié.
Les Etats du Conseil de l'Entente doivent élaborer une
stratégie de développement afin d'arrêter (ou de
réduire irmnédiatement) leur dépendance quasi-totale en
ce qui concerne l'importation massive des progranunes
culturels, informationnels et/ou de divertissement en
provenance de l'occident. Pour s'en sortir, la
coproduction de progranunes dans tous les domaines
susceptibles d'être diffusés dans tous les Etats
membres du Conseil de l'Entente S'impose: émissions de
variétés, culturelles, d'information, de vulgarisation
agricole, sanitaire, de civisme, des sports, etc.
Il faudra, en outre:
réaliser des études sur les politiques des tarifs des
télécormnunications, en vue de présenter des
propositions propres à faciliter la circulation
régionale et internationale des progranunes.
porter un plus grand intérêt aux ressortissants du
Conseil de l'Entente résidant à l'étranger, en
particulier en France où ils sont très nombreux, en
leur fournissant le matériel culturel propre à
resserrer leurs liens avec leurs racines d'origine,

faciliter leur intégration aux conditions des pays où
ils sont établis et soutenir la presse périodique que
publient ces communautés expatriées. Des programmes de
haut niveau sur l'Afrique doivent être également
produits et diffusés dans tous les continents, à
l'instar de ce qui se fait sur la chaîne TV5 Europe.
faire bénéficier les agences de presse, les maisons de
radiodiffusion et de télévision nationales d'un budget
de fonctionnement suffisant afin de corriger les
défauts existant dans les informations nationales,
régionales et internationales.
assurer une formation qualitative d'un plus' grand
nombre de personnel dans le domaine des moyens de
communication de masse devient indispensable pour
mieux générer et propager efficacement les
informations entre partenaires et en dehors de leur
organisation. Il est essentiel d'y augmenter la
productivité et d'améliorer les contenus éducatifs et
culturels et les matériaux pour la communication de
masse. Les cadres qui travaillent dans ce domaine
doivent avoir le sens de la responsabilité envers
leurs sociétés respectives et développer un esprit de
recherche scientifique. Dans ce sens, il faut
renouveler les stages de formation et/ou de recyclage
des responsables locaux. Nous reviendrons dans les
prochaines pages plus en détail sur la formation du
personnel des médias du Conseil de l'Entente.
Mais pour réaliser de telles politiques à l'échelon d'un
partenariat sous-régional entre pays comptant parmi les
plus pauvres du monde, de grands efforts sont nécessaires
pour surmonter les "petits intérêts nationaux" en faveur
d'une politique commune des médias aux fins de
développement, car il est d'une importance vitale que ces
pays comprennent que les problèmes de l'information et de
la communication restent à l'ordre du j our de tous les
enjeux nationaux, régionaux et mondiaux.

Le domaine de l'audiovisuel représentera de plus en plus
dans l'avenir une sphère dans laquelle vont s'affronter de
gros intérêts économiques, politiques et culturels. La
seule chance des Etats du Conseil de l'Entente d'être
traités en partenaires égaux dans ces nouvelles conditions
est donc de mettre en commun toutes leurs ressources afin
de réaliser une coopération intelligente, créative,
solidaire et réciproque avec les pays riches occidentaux.
4 ENRAYER L'INFORMATION UNILATERALE ET ALIENANTE
Quelle que soit l'origine du message que doivent
transmettre les médias dans .les Etats du Conseil de
l'Entente, celui-ci est toujours vertical car seul le
pouvoir décide discrétionnairement du fond et de la forme
qu'il doit revêtir avant d'être diffusé et, dans tous les
cas, le sujet de l'information est choisi par les instances
gouvernementales. Le récepteur n'a même pas la possibilité
de réagir; s'il le fait, c'est qu'il aura été préalablement
choisi par les responsables locaux (quartier, village,
sous-préfecture, etc), sinon toute réaction (spontanée),
toute demande d'éclaircissement, tout commentaire sont
tenus pour incongrus et, souvent, comme étant subversifs,
ce qui crée une certaine méfiance et frustration chez les
publics concernés. Pourtant les médias peuvent s'avérer
d'excellents moyens de dialogue si on les utilise à bon
escient et de manière responsable. Par exemple, il aurai t
fallu simplement que les dirigeants expliquent dans un
langage simple ou en langues vernaculaires régionales le
sens de l'action à mener, sa nature, les objectifs visés,
c'est à dire le sens de l'impôt, de son mécanisme, la
dépense publique d'infrastructures ou d'équipements
collectifs, l'intérêt pour le paysan d'utiliser de
l'engrais ou de labourer son champ suivant les courbes de
niveau, etc. Mais rien de tel ne se fait dans les pays du

Conseil de l'Entente où l'information est encore
essentiellement celle de la propagande visant à maintenir
ceux qui sont au pouvoir. Dans cette optique, il est
évident que ni la presse écrite, ni la radio, ni la
télévision ne jouent pleinement leur rôle de vulgarisation
des politiques de développement et de mobilisation des
populations en vue de sa réalisation dans les meilleures
conditions. On peut également déplorer l'absence de
journalistes spécialisés sans lesquels on ne saurait
vulgariser des notions théoriques et des connaissances
techniques de base difficiles à assimiler pour les rendre
accessibles aux populations composées d'un grand nombre
d'analphabètes. Il est clair dans ce sens que les
communicateurs doivent être précis, éliminant toute
explication exagérée, de même que tout discours complexe et
superflu dépassant la capacité de compréhension du citoyen
moyen. On exigera. donc de la part des journalistes une
connaissance aussi poussée que possible des problèmes
locaux, régionaux, nationaux, continentaux et interna­
tionaux. Pour bien mener une telle démarche, les dirigeants
devraient savoir que leurs pays sont en pleine mutation et
le musellement des moyens de communication nationaux est un
facteur de sous-développement; plus personne aujourd'hui ne
veut écouter les slogans politiques concernant
l'impérialisme ou le néo-colonialisme parce que bon nombre
de citoyens ont pris conscience que le mal est en partie
endogène. Cependant, les possibilités d'améliorer la
situation ne manquent pas; il suffit pour cela que les
gouvernements pensent à organiser suffisamment de campagnes
d'animation, d'éducation, etc, en soulignant au besoin les
succès dans tel ou tel domaine et en n' hésitant pas non
plus à commenter les échecs éventuels pour en tirer des
leçons utiles. Pour terminer, puisque l'analphabétisme
demeure l'un des grands obstacles au développement dans les
Etats du Conseil de l'Entente, il serait intelligent
d'entreprendre des actions d'encouragement à l'alphabé­
tisation en imaginant des procédés qui feraient appel à
toutes les ressources de l'information, de manière à

stimuler chez chaque citoyen le goût du civisme. Mais pour
réussir cette entreprise de construction nationale, les
journalistes doivent être formés et très bien renseignés
par les autorités, pour qu'à leur tour ils informent
correctement et obj ectivement les populations. C'est
pourquoi, il est nécessaire de les rapprocher des centres
de décisions.
5 RAPPROCHER LES JOURNALISTES DES CENTRES DE DECISIONS
Pour mieux remplir leur tâche, comme nous venons de le
dire, les j ournalistes doivent être d'abord informés. Le
devoir des autorités politiques ne consiste pas
nécessairement à vulgariser directement leurs options
auprès de l'opinion publique, mais plutôt à informer et à
sensibiliser les "agents de l'information" 1 qui ont
l'expérience requise et la technique nécessaire pour
motiver cette opinion. C'est pourquoi dans les Etats du
Conseil de l'Entente, il est fréquent de trouver en effet
au sein du gouvernement ou du bureau politique un
journaliste chargé d'orienter les grandes décisions au
niveau des médias. Mais étant donné le processus de
démocratisation, les gouvernants doivent impérativement
tenir compte de la volonté du pluralisme qu'affichent les
populations en créant un Conseil Supérieur Indépendant de
l'Information, comme l'ex-CNCL en France (Commission
Nationale de la Communication et des Libertés). Par
exemple, la commission économique serait composée
d'attachés de presse des différents ministères, de
spécialistes, de représentants des partis d'opposition, et
de délégués des journalistes professionnels. Ainsi, elle
commanderait aux responsables concernés de vérifier le
sérieux des informations émanant de leur département avant
C'est e i n s i qu'OIJ appelle les journalistes dans le Conseil de
l'Entente.

leur diffusion sur les antennes nationales.
Ces spécialistes pourraient s'entendre sur les priorités
que doivent accorder les médias aux différents sujets.
D'autre part, en vue de la promotion des moyens de
communication de masse, il faudrait prendre en
considération plusieurs points:
Signalons, d'abord, la nécessité d'une multiplicité
des sources d'information, ce qui doit se traduire par
la valorisation de la fonction de journaliste et/ou
d'attachés de presse, par la création d'un service de
presse à l'Assemblée nationale également accessible
aux journalistes de la presse privée, aux leaders de
l'opposition et au public. Et les gouvernements
doivent créer des centres de documentation dans les
capitales régionales, étant donné que les archives
représentent une source appréciable d'informations que
les chercheurs locaux ou étrangers pourraient
consulter dans le cadre de leurs travaux.
La décentralisation des moyens d'information pour
réduire l'écart existant entre la capitale et les
villes de l'intérieur du pays devrait aussi faire
l'objet d'études sérieuses. Mais si l'on n'a pas
encore de structures d'accueil nécessaires il faudra
songer à affecter des journalistes compétents dans les
régions importantes, car leur. mission est aussi utile
que celle du sous-préfet ou d'un chef de service
spécialisé. D'ailleurs, leurs reportages ne sont-ils
pas le reflet de la vie réelle du pays? Cela aiderait
les dirigeants à mieux saisir les problèmes régionaux
afin d'ajuster leur politique de développement.
Enfin, les chefs de gouvernement devraient se montrer
un peu plus soucieux de maintenir un dialogue
permanent avec les journalistes, par exemple en
invitant chaque Ministre à tenir périodiquement une
conférence de presse pour informer le peuple de ses
activités et, au besoin, faciliter la démarche des
journalistes (y compris ceux de la presse privée
d'opposition) qui cherchent à le rencontrer pour

l'éclaircissement de tel ou tel point du programme de
son département. De plus, les Ministères de
l'information (qui dans
le Conseil de l'Entente sont
les premiers responsables des journalistes puisque
c'est leur service qui les emploie) devraient prendre
l'initiative d'organiser régulièrement des rencontres
avec eux pour leur présenter et commenter les
décisions gouvernementales et dire en quoi elles
consistent. Il est regrettable que de telles séances
de travail, (lorsqu'elles existent) ne se l imitent
qu'à une lecture du compte rendu des Conseils de
Ministres. De plus, il faut attendre les conférences
de presse du Chef de l'Etat (qui sont rares) pour
apprendre et comprendre certains aspects de la
politique nationale. Les Etats doivent prendre les
dispositions nécessaires pour former les journalistes
afin que ceux-ci jouent pleinement leur rôle de
médiateurs car la qualité de l'information dépend de
la qualité du personnel.
6 LA FORMATION DU PERSONNEL
Il n'est pas du tout facile de parler de la formation des
journalistes locaux parce que les données statistiques font
cruellement défaut. Cependant, pour comprendre leur rôle
dans un espace en voie de développement, il n'est pas
inutile de les replacer dans
marque le passage de la
(essentiellement orale et
la dynamique
société
où
les
africaine qui
traditionnelle
relations
interpersonnelles sont à la base de toute communication) à
la société des médias technologiques caractéristiques de la
macro-corrununication supposant un "fast-food" informationnel
standardisé, adressé simultanément à des milliers de
personnes dispersées et hétérogènes. C'est sous la pression
d'une série de facteurs historiques liés essentiellement à

la décolonisation que les Etats du Conseil de l'Entente se
sont équipés d'émetteurs de radiodiffusion pour transmettre
des messages d'unité nationale et favoriser le consensus
panafricain. Les premiers agents de l'information ont
appris leur métier sur le tas, comme cela se fait encore
dans de nombreux pays du Tiers-Monde. Pour beaucoup d'entre
eux, le journalisme a été d'abord une activité accessoire
ou la possibilité de quitter leur profession antérieure.
C'est le cas en Côte-d'Ivoire où la plupart des anciens
journalistes furent des maîtres d'école primaire. Au
lendemain des indépendances, face à la réalité complexe de
la communication de masse, "1' habileté artisanale" ne
suffisait plus et quelques Etats ont compris le besoin de
former leurs cadres, d'où les premiers départs en France à
L'OCORA (Office de Coopération Radiophonique) et/ou à la
SORAFO (Société Radiophonique de la France d'Outre-Mer) qui
n'étaient que des centres de stage où les candidats
sélectionnés pouvaient se familiariser aux techniques de la
radio sans connaissances théoriques suffisantes. Il est
évident que ce genre d'initiative a favorisé les modèles
culturels des pays formateurs ignorant les réalités
africaines bien entendu inexistantes dans les programmes de
cours dispensés en métropole.
Aujourd'hui encore, malgré les exigences du développement,
nous constatons que la formation des journalistes est
négligée dans le Conseil de l'Entente alors que le métier
tend vers le professionnalisme et la spécialisation. Cette
évolution n'a pas été accompagnée d'une filière de
formation approfondie, tant sur le plan pratique
qu'intellectuel. La formation persiste à se faire par une
mise au courant de manière empirique, pour tel moyen de
diffusion déterminé. Mais la révolution technologique dans
le domaine de l'audiovisuel et de la presse écrite
nécessite de nos jours, même dans les pays pauvres, la
présence de personnes compétentes capables d' utiliser les
nouveaux moyens sophistiqués de communication, tant pour la
création des programmes que pour la production du matériel
et la capacité d'en assurer l'entretien. Dans cette

optique, il est urgent, pour les ministères
l'information, de former dans tous les secteurs
journalistes répondant aux conditions suivantes:
de
des
bonne culture générale et notions approfondies dans
une discipline universitaire;
bonne vue d'ensemble sur les événements de notre temps
et la faculté d'en dégager l'essentiel;
aptitude permettant de fournir un travail rapide et de
faire face à des situations de crise;
connaissance linguistique: parfaite maîtrise de la
langue maternelle et du français (langue officielle),
bonne connaissance de deux autres dialectes du pays,
et de l'anglais (langue internationale de travail);
aptitude au travail, aussi bien indépendant
personnel qu'en équipe;
capacité de comprendre et d'exprimer les pensées d'un
interlocuteur, etc.
Entrent également dans le cadre de la formation, les
personnes d'un niveau d'études de troisième cycle, car
l'importance de la recherche ne saurait être négligée
puisqu'il s'agit d'un domaine encore récent et dans lequel,
par conséquent, il faut non seulement s' attacher à
améliorer l'efficacité des efforts déjà entrepris, mais
également élaborer de nouvelles modalités d'investigation.
Dans cette perspective, la nécessité d'une réflexion
scientifique de haut niveau sur les orientations
nationales, ainsi que les relations étroites qui existent
entre la communication et le développement, militent en
faveur d'une telle démarche. Si la recherche est
indispensable, le recyclage et/ou la formation des agents
auxiliaires de la radio et de la télévision s'impose de
manière impérative, car l'information destinée aux
populations rurales généralement analphabètes est conçue
par ces hommes de terrain qui, eux-mêmes, ont été formés
sur le tas avec un niveau d'études élémentaires.
Est-il normal que leur manque de formation entrave l'accès
au progrès des ruraux qui sont à la base de l'économie
et

361
nationale dans des pays où 11 exportation du café et du
cacao rapporte des devises dans les caisses des Etats?
Quelles sont donc les solutions à envisager? Il faut que
les ministres de l'information financent en commun dans le
Conseil de l'Entente des programmes de formation et/ou de
recyclage pour cette catégorie de communicateurs. Par
exemple, il serait souhaitable de leur consacrer quelques
heures de cours par semaine ou par mois pour actualiser
leurs connaissances. Bien que qualifiés pour des émissions
en langues vernaculaires, ils doivent aussi parfaire leur
français pour mieux traduire à leur public les conseils de
l'Organisation Mondiale de la Santé, de l'UNICEF, etc. Pour
les rendre autonomes, ils doivent en outre recevoir des
cours d' ordre technique afin de réaliser eux-mêmes leurs
émissions. On ne saurait terminer sans rappeler que les
réalités spécifiques locales et les leçons tirées de
l'erreur relative à la formation en occident des
journalistes sont autant de raisons qui militent également
en faveur de la création dans l'un des pays concernés 1
d'une école de journalisme et communication sociale
financée par l'ensemble des membres du Conseil de
l'Entente.
7 DEMOCR.\.TISATION ET LIBERTE DE L'INFORMATION
Les vingt premières lignes de ce sous - chapitre (sur la
démocratisation et la liberté de 11 information) sont nées
pour les besoins d'un article de presse qui ne fut jamais
pubL ié. Elles nous servent ici d'introduction, du moins
nous les considérons comme telles.
Dans les sociétés traditionnelles orales, il est des mots
qui se vident de leur substance, car à force d'être
prononcés, roulés comme des galets dans le même sens, ils
finissent par échouer sur la grève pour touj ours,
désincarnés, pétrifiés, abandonnés. Pour leur redonner vie,

:162
il faudrait l'imagination d'un enfant. l'1ais un enfant ne
s' aventure pas seul sur les plages. En Afrique, . il fut une
époque 00 les mots de "démocratie et liberté" eurent leur
temps de gloire, car rien que l'évocation de ces termes
enflammait les peuples instruits et suscitait chez eux une
vocation patriotique contre le colonisateur, à la veille
des indépendances. Il y a trente ans, la démocratie et la
liberté étaient les "jumelles" chéries de tous. Les voici,
devenues des enfants terribles, synonymes de tabous. Les
mots s'usent. Ce n'est pas en Afrique qu'on va les
remplacer par d'autres. Aucune structure, aucune mesure ne
réveillera notre altruisme perdu. Ni les discours des
dirigeants, ni ceux des intellectuels (préoccupés par leur
promotion personnelle) ne sauraient ranimer nos humeurs
romantiques.
Dans les pays en voie de développement, réf Lé cni r de nos
j ours au sens de la liberté est l'une des préoccupations
essentielles des populations souffrant d'une dictature
endogène. La démocratie, pour notre part, c'est la
possibilité qu'a tout citoyen de contribuer à
l'organisation et à l'évolution dynamique de toutes les
activités ayant lieu dans son village, dans sa ville, dans
son quartier, ou se déroulant sur toute l'étendue du
territoire national, sans qU'il soit inquiété par le
pouvoir officiel. Par exemple, dans un ministère, c'est le
cadre 00 Ministre, Directeur de cabinet, chefs de service
et employés doivent se rencontrer pour débattre des grandes
options de leur département, des moyens ainsi que des
conditions et des méthodes de travail. Les responsables
pourront ainsi améliorer leur conception de la "chose
publique" par des critiques et des remarques formulées par
la base. C'est pourquoi la libre circulation de
l'information et le multipartisme sont essentiels en
Afrique pour que chaque individu puisse réfléchir aux
problèmes posés à un moment où les projets sont encore
modifiables. Malheureusement, cette façon de faire a du mal
à percer un certain "mur du son" dans les pays africains où

l'information est confisquée par les partis gouvernementaux
au nom de "l'unité nationale" à construire, éternel
prétexte des dirigeants politiques, encore trente ans après
les indépendances. Changer une telle attitude pourrait
pourtant se montrer avantageuse pour les Etats du Conseil
de l'Entente si les autorités comprenaient que la
démocratie, c'est pour chacun l'occasion d'apporter sa
pierre à la construction de l'édifice national. Si la
liberté d'expression est la toute première condition du
processus de démocratisation, elle est bafouée par la
présence unilatérale de l'information-propagande qui
canalise et abrutit le peuple. Ce que nous devons
reconquérir, c'est le courage de retourner sur les plages
de Lomé, d'Abidjan et de Cotonou et, comme l'enfant
innocent qui sommeille en nous, ramasser ces mots pour leur
donner un sens, sans attendre que le temps ou les autres le
fassent pour nous. C'est à ce prix (est -il si cher que
cela?) que nous (africains) redécouvrirons le sens des
responsabilités.
En ce qui concerne les médias, la démocratie doit passer de
façon urgente par la lutte contre l'analphabétisme et la
réduction des inégalités sociales, en donnant à toutes les
couches de la population les mêmes chances de profiter
pleinement des moyens de communication qui sont un outil
puissant contre le sous-développement. Dans cet esprit, il
faut davantage tenir compte de leurs aspirations dans la
prise des décisions. Cela signifie la suppression de toute
communication verticale, en faveur d'une participation du
peuple, car sans intercommunication entre les "en-haut de
en-haut"* et les "en-bas de en-bas"*, entre les
journalistes et les dirigeants, entre les récepteurs et les
émetteurs, le compromis est-il possible?
L'éternel problème de la rétroaction se pose. Pour y
répondre, il faut:
Termes popul e i res util i s é s en Côti e-d'Ivoire désignant
respectivement les couches sociales supérieure et inférieure.

1) construire dans chaque village une "case culturelle"
et, dans les quartiers populaires des cités urbaines,
des foyers équipés d'un poste de radio et d'un
téléviseur sous la direction de l'instituteur (du
village) qui fera fonction d'animateur local. Les
Ministres de la jeunesse et de la culture doivent
prendre les dispositions nécessaires pour former des
animateurs qui seront chargés de diriger les activités
des centres culturels dans les villes.
Les cases et les
véritables lieux de
foyers peuvent constituer de
rencontre et de retransmission
orale d'informations culturelles, sociales, politiques
et économiques. Quant aux animateurs, ils pourront sur
place compléter et expliquer les messages que
diffusent les médias; par exemple, dans les villages,
l'instituteur peut traduire en langue locale leur
contenu. Ces communicateurs parallèles sont un relais
indispensable dans les campagnes de sensibilisation
contre le sida, le choléra, la drogue, etc.
2) décentraliser partiellement les moyens de production
et faire participer les publics aux émissions soit
directement à travers des j eux, débats, interviews,
chants, soit indirectement par les questions,
commentaires et suggestions transmis par
l'intermédiaire des animateurs des groupes d'écoute ou
par les agents auxiliaires de l'information. Pour
réussir une telle initiative le dialogue doit être
permanent entre les producteurs et les récepteurs mais
également entre les groupes des différentes "cases"
d'écoute.
Cependant, pour maîtriser concrètement le niveau de
participation des publics concernés tant quantitativement
que qualitativement, il est nécessaire de procéder à une
évaluation de la rationalité du système en se basant sur
deux points:

elater les événements et, au besoin, à les commenter selon
leur propre entendement? Ou bien sont-ils des militants au
service d'un pouvoir ou d'une idéologie partisane? Sont-ils
enfin de simples agents passifs à la solde d'un Etat?
Toutes ces interrogations nous interpellent sur la
délicatesse des tâches qu'ont à accomplir les gens des
médias, c'est à dire informer clairement et de manière
exhaustive sur ce qui se passe dans leur société, en
impliquant leur responsabilité dans le choix des sujets, le
sens et l'orientation qu'ils en donnent. La définition que
notre ancien professeur le Révérend père Pinto de Oliveira
propose de cette notion de responsabilité mérite qu'on s'y
arrête. Selon lui,
" être responsable c'est disposer soi-même d'un espace de liberté.
Ce qui signifie pour le journaliste avoir un pouvoir précis et
effectif d'agir ici et maintenant, d'exercer une influence réelle
sur le processus d'information et de la communication, sur la
production, l'orientation et la qualité des messages diffusés par
1 es médi s sr!
Nous aj outerons qu'en informant, les journalistes devront
relater les faits de manière complète, conforme à la
réalité et faire preuve de loyauté. Ils observeront
certaines limites que leur imposent le respect de la sphère
personnelle, l'intérêt général, les moeurs et la morale.
Leur liberté de création, d'expression et leur droit de
choisir leur thème de travail seront aussi étendus que
possible; cependant leur compétence et leur sens des
responsabilités, à en croire le Révérend père Pinto de
Oliveira, exige les conditions suivantes:
"Etre affranchi des contraintes: de la soumission servil e ou
déguisée aux pouvoirs pol i tiques et aux puissances financi ères;
être indépendant ou, tout au moins, pouvoir résister aux multiples
formes et groupes de pression.
- Etre qualifié: une qualification humaine et professionnelle
constitue le sujet dans sa capacité d'exercer la responsabilité;
Toutes les citations concernant le Professeur Pinto de Oliveira
sont des notes prises lors de son cours de deuxi ème année à
l'Institut de Journalisme de l'Université de Fribourg en Suisse en
1984, où nous étions étudiant.

368
ce qui signifie concrètement que la compétence théorique et
pratique devient absolument nécessaire pour que le journaliste
puisse affronter (sans esprit d'aventure ou d'amateurisme) les
différents domaines qui le sollicitent constarrunent. Surtout
lorsqu'il s'agit d'informer, le savoir corronande le pouvoir. La
presse est le plus noble des pouvoirs, parce qu'elle se déploie
dans le royaume de la connaissance.
De droit, elle exige la plus grande compétence au service du souci
le plus délicat, d'être dans le vrai et de conduire à la quête
lucide et critique du vrai.
Compter sur les outils et les ressources nécessaires pour bien
informer. Dans le cas de la responsabilité personnelle du
journaliste, il s'agira d'avoir effectivement prise sur les
réseaux et les mécanismes des médias, dans lesquels il est
professionnellement engagé. "1 .
A partir de cette définition, le père pinto estime qu'
" agir en responsable demandera au journaliste de déployer toute son
initiative en vue d'employer les espaces de liberté dont il
dispose déjà (dans cette entreprise, dans ce pays, dans ce
régime), de les élargir ou d'en créer de nouveaux au service d'une
information elle-même mise au profit du pub1ic"2 .
Dans le même sens, nous ajouterons bien modestement que sa
compétence professionnelle et les connaissances
approfondies doivent reposer sur une éthique qui
l'inciterait à ne jamais céder devant un interlocuteur
(fût-il Ministre ou Chef d'Etat) qui essayerait d'utiliser
son influence ou son pouvoir à des fins personnelles.
Aujourd'hui plus que jamais, l'avènement de la démocratie
et de la pratique de la responsabilité dans le prolongement
des combats pour la liberté annoncent une ère décisive dans
l'histoire des peuples. Ce processus d'un engagement total
en rapport avec la responsabilité politique s'avère
possible et vital. Plus encore, il est en marche malgré les
passages difficiles à traverser.
Ibidem.
2 Ibidem.

369
9 CREATION D'UN CONSEIL NA'nONAL DES MEDIAS
Depuis l'année 1990, les cinq Etats du Conseil de l'Entente
connaissent une mutation sans précédent concernant le
processus démocratique qui a favorisé l'émergence de la
presse privée. Pratiquement, chaque parti d'opposition a
son journal, si bien qu'en Côte-d'Ivoire, par exemple, on
peut compter auj our d ' hui au moins une dizaine de titres.
Pour l'audiovisuel, il y a un "vide juridique" parce que
rien n'est encore prévu pour les leaders de l'opposition
qui, jusqu'à présent, n'ont pas le droit d'utiliser les
antennes de la radio et de la télévision nationales à
l'instar des chefs des partis gouvernementaux. L'Etat,
finançant intégralement le budget de fonctionnement de ces
médias, ne leur permet guère en effet d'occuper ces canaux
d'information pour s'adresser à leur tour aux populations.
Cette situation freine l'évolution de la démocratie et,
pour l'éviter, il n'existe aucune raison de s'écarter de la
solution qui consiste à créer une institution totalement
indépendante du pouvoir pour accomplir une mission
d'intérêt public comme c'était le cas en France de la CNCL
(Commission Nationale de la Communication et des Libertés) .
Cette démarche, pensons-nous, constituera un des éléments­
clés de la réglementation permettant d'assurer le
pluralisme politique, la liberté des moyens de
communication de masse, celle des journalistes, de leurs
collaborateurs, du public, dans l'intérêt de la communauté
nationale toute entière. Ce conseil devrait veiller à ce
que:
La diffusion publique de programme radio et télévision
soit assurée sur l'ensemble du territoire national;
La répartition des temps d'antenne soit équitable
entre les dirigeants politiques du parti
gouvernemental et ceux de l'opposition dans un souci
d'objectivité qui ne peut qu'être favorable à

370
l'émancipation de la démocratie naissante;
Les droits et les libertés du personnel des médias
soient garantis en permanence, et qu'au même titre,
les droits et les libertés du citoyen (fût - il
analphabète, ouvrier, paysan, chômeur, mère au foyer,
etc) soient toujours protégés contre d'éventuels abus
des journalistes;
La question des droits d'auteur soit élucidée et les
obligations qui en découlent, remplies;
L'évolution des moyens de communication dans l'espace
du Conseil de l'Entente soit observée par l'ensemble
des pays membres et que les relations entre eux soient
entretenues dans ce domaine;
Les conditions nécessaires à la formation des
journalistes soient réalisées et les critères de leur
sélection appliqués;
Ainsi, pour éviter à l'Etat le reproche d' influencer les
médias nationaux, le conseil national indépendant le
déchargerait de sa fonction d'autorité de contrôle et
assumerait à sa place les responsabilités de direction et
de coordination de l'ensemble des moyens de communication.
]0 PROMOTION DE LA COOPERATION INTERNATIONALE
La notion de "coopération" a remplacé celle "d'aide" dans
le vocabulaire pour désigner les relations entre les pays
de l'hémisphère nord et ceux de l'hémisphère sud. Plusieurs
éléments peuvent expliquer cet état des choses: le terme
"aide" semblait trop péjoratif et à sens unique car le
Tiers-Monde ne faisait que recevoir les dons en provenance

371
de l'occident. Avec le concept de coopération, apparaît une
prise de conscience, au niveau mondial, de la réalité de
l'interdépendance et de la réciprocité.
Rappelons le titre évocateur choisi pour la campagne du
Conseil de l'Europe en 1987: "Interdépendance et solidarité
Nord-Sud". Si l'aide faisait référence à des Etats pauvres
que l'on assistait, la coopération naît dans une atmosphère
où prévaut le sentiment de solidarité et d'interdépendance
qui en découle. Mais malgré cette évolution du vocabulaire,
on peut se demander quelles solutions envisager en ce qui
concerne les médias dans le développement endogène des pays
pauvres et la coopération internationale? Au forum de
l'Unesco (Paris, octobre-novembre 1978), tous les pays ont
unanimement reconnu que toutes les inégalités, en matière
de moyens de communication, qui se retrouvent entre pays
riches occidentaux et ceux du Tiers-Monde résultent des
disparités économiques ou des modèles politiques, ou encore
naissent des négligences et/ou des abus culturels. Mais
quelle qu'en soit la raison, on ne saurait les accepter,
car la notion du NOMIC présuppose la promotion de la
coopération internationale. Aussi faisons-nous les
propositions suivantes:
1) Tous les Etats membres de l'ONU doivent se mobiliser
afin de prendre les mesures nécessaires et adéquates
pour supprimer la domination, la dépendance et
l'inégalité par des relations d'interdépendance
fondées sur le respect, l'intérêt réciproque et la
dignité de chaque nation.
2) Etant donné que l'information est à la base du succès
de toutes les politiques, une priorité égale à celle
qui est réservée à la santé, l'agriculture,
l'éducation, etc, doit être accordée à la coopération
relative au développement des médias. Cet objectif
peut être atteint par l'utilisation des fonds prévus
dans les accords gouvernementaux bilatéraux ou

373
11 DE LA NECESSITE DE CHANGER LES MENTALITES DES
DIR1GEANTS
Les sciences humaines ont mis à la disposition de
l'humanité des moyens indispensables de réflexion et
d'action qu'on appelle communément le "progrès". Mais dans
le Conseil de l'Entente, rares sont les chefs d'Etat et de
gouvernement, voire les élites, qui en tirent profit,
accaparés qu'ils sont par des querelles futiles sur le
maintien de leur règne ou l'amélioration de leur statut
social. Et le plus étonnant, c'est l'absence d'une
conscience collective permettant de créer les fondements
communs d'un développement qui ne puisse se réaliser que
solidairement. Peu de dirigeants du Conseil de l'Entente
sont animés par la mystique régionaliste capable
d'insuffler la dynamique unitaire à l'instar de la
communauté économique européenne. Par exemple, lors de la
dernière rencontre de l'UDEAC (l'Union Douanière et
Economique d'Afrique Centrale) en décembre 1990 dans la
capitale congolaise, seul le Président Omar Bongo de la
République du Gabon a fait le déplacement sur les six chefs
d'Etat concernés. Bon nombre d'entre eux, complètement
coupés de la réalité du monde et surtout de celle de leurs
propres peuples, croient encore que l'exercice du pouvoir
consiste à corrompre les uns et les autres, à jeter les
opposants en prison, à museler les médias ou simplement à
s'appuyer sur les connaissances d'un conseiller européen.
Ils sont en cela ignorants des lois sociologiques ou, à
tout le moins, n'en tiennent compte que pour donner à
l'armée l'ordre de réprimer les étudiants et/ou les
populations qui revendiquent. Aujourd'hui, l'époque de
"l'improvisation" est révolue et les autorités politiques
doivent appliquer de manière rigoureuse les principes
imposés par les sciences humaines; en discuter de manière
"horizontale" avec l'ensemble de la population, c'est se
comporter en stratège du progrès social et économique. Pour
cela, il est urgent que ceux qui dirigent changent de

:17-1
mentalité, actualisent leurs connaissances, s'ouvrent aux
réalités du temps. Il est évident que sans une direction
politique éclairée et compétente les pays seront voués
continuellement à la misère et donc dépendants de l'aide
étrangère. Pour ne pas en arriver là, l'élite
intellectuelle, administrative et politique doit prendre
conscience de son rôle en créant des entreprises
performantes, en formant la jeunesse, en interpellant les
dignitaires sur toutes les questions concernant la gestion
du pays et l'avenir des citoyens, etc. Aux dirigeants
politiques de gouverner dans l'intérêt de tous Il est
grand temps d'oublier les querelles d'intérêt personnel,
d'abandonner la "tribalisation" du partage de l'emploi et
dans la nomination des hauts fonctionnaires, etc, afin que
chacun participe sans considération ethnique. Seule la
compétence doit être le critère d'attribution des postes de
travail; et sans une réelle refonte des mentalités tous les
plans de développement n'aboutiront à rien.
12 CONCLUSION PARTIELLE: A PROllLEMES COMMUNS, SOLUTIONS
COMMUNES
Les Etats du Conseil de l'Entente font partie de ceux pour
lesquels les impératifs du développement apparaissent les
plus urgents. On peut parler d'une nécessaire obligation de
réaliser une cohésion entre les peuples qui, devant les
grandes mutations de la fin du siècle, se trouvent dans des
situations semblables. Ils ont à faire apparaître entre eux
à l'intérieur de leur organisation, les points communs
tirés de leur civilisation, à faire disparaître les
frontières nées de la colonisation française qui ont marqué
leur histoire et à considérer que face aux nouvelles
données mondiales, ils doivent unir leurs efforts pour
dynamiser leur association sous-régionale qui vise à la
promotion de leur commune culture et au développement de

375
leurs nations. C' est pourquoi ils ont à relever quatre
défis principaux (technologique, financier, culturel et
politique) non dans l'ordre où ils sont traditionnellement
évoqués, mais dans celui où ils peuvent être abordés avec
quelques chances de succès.
12.1 LE DÉFI TECHNOLOGIQUE
La première condition au développement des médias, dans les
pays du Conseil de l'Entente, est la maîtrise des données
technologiques. Au cours des dix dernières années, toutes
les techniques de presse (la composition, l'impression, les
transmissions, l'électronique et l'informatique) ont connu
une révolution qui rend, non seulement leur utilisation
complexe, mais en augmente considérablement le coût. Ces
technologies modernes ouvrent certes des facilités
nouvelles en permettant des installations plus légères et
plus souples, mais exigent, en contrepartie, le
rassemblement de capitaux importants et des techniciens de
haut niveau. Dans ce domaine, plus que dans d'autres
encore, nos pays rencontrent une difficulté
particulièrement insurmontable. Comment choisir les bonnes
technologies, celles qui permettront de brûler les étapes
pour mieux répondre aux besoins des populations, celles qui
correspondent aux moyens financiers et aux qualifications
professionnelles disponibles ou susceptibles de l'être ?
Mais malgré quelques efforts, il semble que ce terrain
n'ait pas encore été exploré. En d'autres termes, ces
efforts restent trop théoriques et dispersés, car les
succès et les échecs des uns ne servent pas assez aux
autres. Non seulement les actions bilatérales devraient
être encouragées et multipliées, mais des actions
multilatérales de coopération devraient offrir des
solutions concrètes de base, adaptables à chacun des Etats
membres du Conseil de l'Entente.

376
12.2 LE DÉFI ÉCONOMIQUE ET FINANCIER
La seconde difficulté à surmonter dans le développement des
médias est d' ordre économique et financier, car ces
nouvelles technologies sont d'un prix élévé, tant pour leur
installation que pour leur renouvellement. Il en va de même
des études préliminaires qù'elles exigent et qui sont,
lorsqu'elles existent, plus souvent faites en fonction des
souhaits des constructeurs occidentaux que par rapport aux
besoins de nos pays pauvres et à nos capacités pratiques et
financières. L'économie même de l'information s'est
profondément transformée au cours des quinze dernières
années. L'information générale coûte de plus en plus cher à
collecter et à diffuser et se vend, la plupart du temps,
très bon marché, en dessous de son prix de revient.
Parallèlement, l'information spécialisée est moins coûteuse
à collecter et se vend aussi beaucoup plus cher puisque son
coût est intégré dans le prix de revient d'un certain
nombre de produits à l'élaboration desquels elle contribue.
Les médias s'adressant au grand public sont, en tout état
de cause, de plus en plus dépendants des marchés
publicitaires. Dans les périodes de dépression ils
subissent ainsi très directement les aléas de l'économie.
Ces différents éléments économiques et financiers sont
valables pour l'ensemble du monde, mais ils pèsent plus
lourd pour les pays du Conseil de l'Entente dont l'économie
est généralement fragile. Les besoins d'investissement et
de développement des médias doivent être systématiquement
intégrés dans l'action financière internationale d'aide au
développement. Les médias audiovisuels sont, sans aucun
doute, un marché très particulier. Ils doivent bénéficier
oe certaines facilités de la part de la puissance publique
car ilsn' échappent jamais totalement aux contraintes de
l'économie. Jamais neutres dans le développement d'un pays,
ils en sont même souvent un des facteurs importants.

12.3 LE DEFI CULTUREL
J7ï
La prise en compte des défis technique et financier
n'efface pas le défi culturel qui existe bien en tant que
tel dans le développement des médias et de la
communication. Grâce (ou à cause d'eux) aux satellites nous
nous dirigeons plus ou moins vers un "village planétaire"
où les spécificités des peuples seront gommées en faveur de
produits universels qui, généralement sont des biens
culturels occidentaux. En d'autres termes, ce "village
mondial" quand il existe, est celui des "sociétés
combinatoires" des pays riches qui inondent ceux du sud de
leurs "marchandises". L'échange inégal n'est donc pas
seulement un fait économique car il recouvre également le
champ de la communication, aliénant les peuples en
profondeur, ce qui est particulièrement grave. C' est
pourquoi, pour relever le défi culturel, le développement
des médias doit donc s'exercer d'abord dans chaque pays du
Conseil de l'Entente afin de renforcer la collectivité et
la culture locale et d'offrir une base d'échange, sur un
pied d'égalité avec les sources extérieures d'informations.
Dans ce contexte, ce qu'il faut retrouver, c'est la fibre
créatrice autonome, ce qui implique d'accepter une certaine
évolution et non de refuser toute altération de valeurs
archaïques. A l'invasion des valeurs occidentales, il faut
opposer d'autres moeurs et d'autres modes de penser, mais
qui ne soient pas l'exhumation de ceux qui ont été étouffés
des siècles auparavant.
]2.4 LE DÉFI POLITIQUE
Bien qu'il ait, à tort, souvent occulté tous les autres, le
défi politique ne peut pas être passé sous silence, mais il
est à considérer en dernier. Il joue un rôle hélas
inévitable, car les médias, comme leur nom l'indique,
prennent place entre les pouvoirs politiques et autres, et
les citoyens. Aucune fatalité ne commande que l'effort de

:ns
développement implique obligatoirement, comme c'est le cas
des pays du Conseil de l'Entente, des médias limités aux
communiqués officiels. C' est pourquoi le défi politique
doit passer par la démocratie, (seul élément positif depuis
1991) qui doit se traduire concrètement par l'amélioration
du niveau de vie des populations (qui sera fonction de la
cohésion économique, de la solidarité panafricaine),
condition nécessaire pour la dignité de nos pays.
Les propositions faites dans cette quatrième partie de
notre étude ne prétendent certes pas couvrir toutes les
questions qui appellent à la réflexion et à l'action, mais
elles n'en témoignent pas moins de l'importance des devoirs
qui incombent à tous les pays qui nous intéressent dans le
domaine de l'information et de la communication, et dont
les dimensions à l'échelon international constituent un
défi pour le "village planétaire".

CONCLUSION GENERALE

:lX2
notre humble avis, une démarche suicidaire. La fermeture
des frontières ne remédie pas à l'échange inégal. En
effet, l'instrument de la domination, c'est à dire la
technologie, se trouve dans les pays riches occidentaux, et
elle est le facteur essentiel du développement. Il est
réaliste de reconnaître qu'il n'est pas de développement
aujourd'hui sans technologie. Les médias audiovisuels
doivent, en effet, éviter de sombrer dans une suffisance
outrancière. Pour ce faire, il importe qu 1 ils allient les
impératifs de développement et la nécessité de communiquer
avec l'extérieur. Le respect de cet équilibre devrait se
traduire par la conception d'émissions qui fassent appel à
une participation active du public, et la diffusion de
programmes mettant en évidence des valeurs sans lesquelles
tout schéma de développement est voué à l'échec (goût de
l'effort, recherche méthodique, engagement au service d'un
idéal commun. wilbur Schramm a souligné avec pertinence à
peu près en ces termes que:
"le développement d'un pays dépend d'abord des progrès de
sa population. Si le pays ne développe pas ses
possibilités intellectuelles et humaines, il ne peut guère
se développer matériellement, économiquement ou
culturellement".
A l'évidence, face à de telles exigences, la télévision,
dans les Etats qui font l'objet de cette recherche, en
dépit de quelques progrès sensibles enregistrés, ne semble
pas encore suffisamment armée. Comme nous l'avons déjà
souligné, les riches que sont les intellectuels, les
fonctionnaires, les professions libérales, etc... sont
dotés d'un pouvoir d' achat élevé, d' une instruction
scolaire et d'une culture occidentale qui les familiarisent
avec la plupart des moyens modernes de communication.
Résidant dans les grandes cités urbaines, ils bénéficient
du fonctionnement de toutes les infrastructures de la
communication de masse. Si on exclut, inconsciemment peut­
être, une bonne partie de la population, elle est encore
loin de tendre vers un système social de participation tant
nécessaire pour mobiliser les énergies au service du

:JS.1
développement. En conséquence, la télévision dans le
Conseil de l'Entente soulève encore de multiples
interrogations. Est -elle un instrument nécessaire dans la
lutte contre le sous- développement ou un objet de prestige
pour les Etats? Compte tenu également de sa dépendance
vis à vis de l'occident à tous les niveaux (équipement,
programme, formation des cadres, ingénierie), les pays
membres du Conseil de l'Entente constituent une zone
intéressante pour leurs partenaires des pays riches
industrialisés. La troisième partie de notre travail montre
que l'espace du Conseil de l'Entente demeure un enjeu
important ouvert, sur le plan économique, dans la
confrontation des entreprises multinationales et sur le
plan politique une zone d'influence pour l'ancienne
puissance tutélaire. Mais le néo- colonialisme a bon dos
puisqu'on l'accuse de spolier le continent africain dans
tous les domaines, l'empêchant de réussir son autonomie et,
partant, son indépendance véritable. Cela est loin d'être
faux; cependant nos pays sont adul tes (après trente-deux
ans d'indépendance nous, africains, devons avoir le courage
de reconnaître que les maux sont avant tout endogènes) et
il serait injuste de n'en voir que cette dimension. Comme
le montre actuellement la situation économique, les Etats
que nous étudions sont tous à la dérive: faible
développement de l'agriculture (Bénin, Burkina-Faso, Niger,
TogO) stagnation économique générale, dépendance monétaire
et politique. Contrairement au mythe constitutif de l'OUA
(Organisation de l'Unité Africaine), tous les projets sous­
régionaux se sont effondrés, faute de conviction, de
compétence et d'esprit d'initiative, alors qu' aujourd' hui
tous les pays riches occidentaux et les organismes
financiers internationaux sont unanimes pour reconnaître
que l'efficacité de leur aide dépend de la régionalisation
du processus de développement car, isolément, aucun pays ne
peut s'en sortir.
L'étroitesse des marchés nationaux, le coût très élevé des
investissements et l'absence de moyens financiers suggèrent

que seule une approche régionale solidaire offre de
meilleures perspectives. Dans ce sens, il est urgent et
indispensable de mettre au point une politique commune
d'actions du Conseil de l'Entente permettant de créer les
moyens de maîtriser l'information et les médias en faveur
du développement. C'est pourquoi il serait prudent de ne
pas tomber dans la facilité qu'offre la satellisation des
programmes audiovisuels, car les Etats du Conseil de
l'Entente doivent tenir compte de leur spécificité en
créant des émissions dans ce sens. Les médias au service du
développement, quels que soient les efforts que l'on peut
fournir pour les adapter aux réalités locales, risquent
d'échouer si on les construit sur un vide culturel. On
devrait, dans les zones rurales, arriver à ce que les
paysans qui souhaitent améliorer leurs conditions de
travail puissent trouver des émissions adaptées.
Pour cela les dirigeants du Conseil de l'Entente doivent
accorder un intérêt particulier à la communication et à
l'information qui sont à la base de toute politique de
développement. Quand on réalise l'effet que peut avoir une
émission de vulgarisation très simple sur des populations
analphabètes, on peut voir combien il serait possible, avec
des moyens très modestes, de sensibiliser les populations,
à condition de rationaliser et de coordonner les efforts.
Dans cet esprit, il nous semble intéressant que le "nouvel
ordre Il doit se traduire d'abord par un équilibre entre les
villes et les campagnes car nous avons d'un côté un public
démographiquement important, analphabète, sans réel pouvoir
d'achat, localisé dans les zones rurales. Ce public, qui
n'a qu'épisodiquement accès aux moyens modernes de la
communication et seulement en langues vernaculaires par le
truchement de la radio, représente les 3/4 de la
population. De l'autre côté, un public instruit, mais
restreint, maître du pouvoir politique et économique,
monopolise les médias. Ensuite, un autre équilibre est à
trouver entre l'utilisation des programmes occidentaux et
ceux produits par les médias locaux. Ce qui suppose pour
les Etats membres du Conseil de l'Entente l'adoption d'une

politique commune des médias visant d'une part, à valoriser
leur patrimoine culturel, à stimuler l'expression des
populations, à inciter à la création et, d' autre part, à
intéresser les jeunes aux métiers de la communication. Tel
devrait être le principe des schémas directeurs des
politiques des médias au service du développement dans les
pays qui ont fait l'objet de cette étude.
Le sens de cette recherche, si elle en a un, est de
contibuer à la compréhension d'un phénomène complexe, et ce
pour un large public qui ne parvient pas toujours à saisir
l'enjeu global que représentent, à tout point de vue, les
pays du Conseil de l'Entente pour les occidentaux. Mais
surtout, elle interpelle sur la dynamique communautaire
pour un développement panafricain car aucun pays, s'il est
seul, ne vaincra la famine, l'analphabétisme, etc.. C'est
dans ces perspectives que nous mettons un terme (non final)
à notre travail. D' autres africains pourront à l'avenir
s'en inspirer, le critiquer et l'améliorer.
"Ce qui est passé sous s i I ence n' en existe pas moins" . ..
* René Char, Recherche de la base et du sommet, IV, Paris 1955

BIBLIOGRAPHIE

399
ANNEXES

ANNEXE 2: CARTE GÉOGRAPHIQUE DU CONSEIL DE L'ENTENTE

ANNEXE 2.3: CARTE GÉOGRAPHIQUE DE LA,CÔTE D'IVOIRE
UPP[R VOLTA
r
GHAN1

ANNEXE 2.4: CARTE GÉOGRAPHIQUE DU NIGER
o fo
400km
-------11 2501T1
• MALI
ALGERIA
+
n
MASS/F
nEC/ON
•NIGERIA
L1BYA
1·
1
CHA!

ANNEXE 2.5: CARTE GÉOGRAPHIQUE DU TOGO
UPPER VOLTA
GHANA
(> Mer,in G'eenwnld Assoctetes. Ine
+
N
. ,' .
····BENIN·

ANNEXE 4: QUESTIONNAIRE SOUMIS AUX RESPONSABLES DES MÉDIAS
- Corrmien de personnes ont un poste de télévision dans le pays?
- Combien de personnes dans le pays possèdent un poste de radio ?
Quelle est la puissance de l'émetteur de la télévision nationale?
Quelle est la puissance de l'émetteur de la radio nationale?
- Quel est le programme quotidien de la télévision nationale 7
- Quel est le programme quotidien de la radio nationale ?
PUOLlClTE A LA TELEVISION ET A LA RADIO 7
- Quelle est la part de la publicité dans les recettes totales de la
télévision nationale ?
- Quelle est la part de la publicité dans les recettes totales de la rad]
nationale ?
- Quels sont les annonceurs présents à la télévision nationale ?
Quels sont les a1U1onceurs présents à la radio nationale ?
ORGANISATION DE LA VENTE D'ESPACE PUBLICITAJRE
Quelle est la durée de la publicité à la télévision nationale?
Quels sont les tarifs publicitaires à la télévision nationale ?
- Quelle est la durée de la publicité à la radio nationale ?
-Quels sont les tarifs publicitaires à la radio nationale ?
- Quelles sont les conditions générales de vente de l'espace puoLic i t a i r.

ANNEXE 7:
Source:
LE"FRANÇAIS DE MOUSSA" EN CÔTE D'IVOIRE ILLUSTRE BIEN
LA "COLORATION"DE LA FRANCOPHONIE
( VOIll. NOTRE TRAVAIL .1'1' 265 -266)
Journal humoristique de Côte-d'Ivoire
No 8 du mercredi 8 Août 1991, page 3

ANNEXE 8 LISTE DES PERSONNES RENCONTRÉES DANS LES ÉTATS DE
L'ENTENTE (par ordre alphabétique)
Monsieur le directeur de la propagande, Mînistère de l'information
et de la communication, Cotonou
Monsieur le responsable de la radio nationale, Cotonou
Monsieur le responsable de la radio rurale, Cotonou
Monsieur le directeur de publication de Ehuzu, quotidien gouvernemental,Cotonou
Madame la directrice de la télévision nationale,
Monsieur le Conseiller culturel de l'Ambassade de France, Cotonou
Monsieur le Premier Conseiller de l'Ambassade de France, responsable
du service de presse et d'information, Cotonou
Les journalistes de la presse d'opposition
BURKINA-FASa
Monsieur le directeur de la radio nationale, Ouagadougou
Monsieur le directeur de la télévision nationale
Mademoiselle Evelyne Lampo,
Faso
télévision nationale du Burkina-
Monsieur le directeur de Zama Publicité, agence nationale
Les responsables de la presse privée d'opposition à Ouagadougou

ANNEXE 8 (SUITE)
Les journalistes de la radio nationale, maison de la radio, à
Abidjan-Plateau
Les journalistes de la télévision ivoirienne,
télévision à Abidjan-Cocody
Les responsables de la presse gouvernementale à Abidjan
Les fondateurs de la presse privée d'opposition à Abidjan
Monsieur le correspondant de RFI à Abidjan
Monsieur le correspondant de l'AFP à Abidjan
Les initiateurs des projets de chaînes privées de télévision
maison de la
Les membres du service commercial d/Ivoire Média, agence nationale
de publicité à Abidjan
NIGER
Monsieur Djibo Mayaki, chef de la cellule de la coopération et des
archives à l'office de la radiodiffusion nationale à Niamey
Les journalistes de la radio nationale à Niamey
Les journalistes de la télévision nationale à Niamey
Les journalistes de la presse d'opposition à Niamey
Monsieur le Conseiller culturel de l'Ambassade de France à Niamey
TOGO
Monsieur le Conseiller culturel de l'Ambassade de France à Lomé

ANNEXE 8 (SUITE)
Les journalistes de la radio nationale de la "nouvelle marche" à
Lomé
Les journalistes de la télévision nationale de la "nouvelle marche"
à Lomé
Le chef du service commercial de l'Agence Togolaise de Publicité à
Lomé
Les responsables de la presse d'opposition
REMARQUE
Dans les pays du Conseil de l'Entente, parmi les personnes que nous
avons rencontrées, certaines ont souhaité que nous ne mentionnons
pas leurs noms. D'autres ont, simplement, préféré l'anonymat. Dans
des Etats où le processus démocratique est encore fragile, on peut
comprendre leur attitude. Eu égard aux limites que nous nous sommes
imposées, nous ne pouvons pas citer tous ceux (paysans,
instituteurs, techniciens agricoles, publics de radio et de
télévision, responsables politiques etc.), avec lesquels nous avons
pu nous entretenir. La liste serait trop longue.

ANNEXE 9 LISTE DES PERSONNES RENCONTRÉES EN FRANCE
M.ARCHAMBAULT François, directeur de l'infonnation à la société
l'Oréal, Paris
M. BRAEM Jean-Pierre, journaliste-reporter à l'Agence France Presse
(AFP), Paris
M. CAPDEVILLE Henri, président de Reader's Digest France, Paris
Mme CARTON DE WIART Françoise, présidente de la section belge de
l'Association des journalistes européens,
Mme CHAUVELLE Nicole, chef du département des relations
internationales et de la presse étrangère au service d v i nforrna t i.on
et de diffusion du Premier Mînistre (1990), Paris
M. COAT Alain, consultant international en communication auprès de
l'Unesco, Paris
Mme DELACROIX Christiane, journaliste-reporter à TF1, Paris
Mme FAURE Micheline,
francophones", Paris
rédactrice en chef du bulletin "enjeux
M. GROS Georges, secrétaire général international de l'union
internationale des journalistes de langue française, Paris
Mme HEBERT Christiane, chargée de communication à Télédiffusion de
France (TDF) , Paris
M. HADDING Guenther, directeur des éditions du groupe Bertelsmann
M. JEANTET Pierre, directeur général du groupe Eurexpansion, Paris
M. JOACHIM Paulin, éditorialiste-conseiller de la rédaction du
mensuel Bingo, Paris
M. LE LEU Ghislain, directeur général adjoint du groupe de presse
Hachette, Paris
Mme MIGNOT-LEFEBVRE Yvonne/ professeur à l'IEDES, Université de
Paris 1
M. TEXIER Jean-Clément, président de Ringier-France, Paris
M. TODOROV Pierre, maître de requêtes au Conseil d'Etat, Paris

ANNEXE 9 (SUITE)
Le responsable du département Afrique, Paris
CANAL HORIZON
Le responsable du développement, Paris
Monsieur Marc Jaugey, consultant / Canal Horizon, Paris
CANAL FRANCE INTERNATIONAL
Monsieur le responsable de la coopération, Paris
FRANCE 3
Monsieur Jacky Davin, directeur F3, Côte d'Azur
Monsieur Jean-Claude Honnorat, journaliste, Côte d'Azur l F3
HAVAS MEDIA INTERNATIONAL
Monsieur le responsable du service international
INSTITUT NATIONAL DE L'AUDIOVISUEL
Mademoiselle Annie-Pierre Richon, INA
Madame Geraldine Bonetti, INA Formation
Monsieur le directeur du développement et de l' action comme rci a Ig,
KODAK PATHÉ
Monsieur le directeur du service international, Paris

ANNEXE 9 (SUITE)
POLYDOR
Madame Labrosse, Polydor, Paris
RADIO FRANCE INTERNATIONALE
Monsieur Bouabouvier,journaliste RFI, Paris
Madame la responsable de la documentation, RFI, Paris
Monsieur Robert Navarro, journaliste RFI,Paris
SOCIETÉ FRANCAISE DE PRODUCTION
Monsieur Jacky Cerveau, département ventes internationales de
SFP,Paris
TÉLÉDIFFUSION DE FRANCE
Madame Alary, TDF, Paris
Monsieur Daniel Bochent, TDF, direction de l'équipement et de la
promotion, Montrouge
THOMPSON
Madame Richardson, direction de la communication, Paris
NESTLÉ
Monsieur Reto Verguth, département Afrique de Nestlé, Vevey, Suisse
Certaines personnes en France ont également préféré l'anonymat

ANNEXE Il RÉSUMÉ EN ANGLAIS DE LA THÈSE
TOPIC : CONTRIBUTION TO RESULTS OF THE NEW WORLD OROER IN INFORMATION
AND COMMUNICATION. THE CASE OF THE WESTERN AFRlCAN STATES
ALLIANCE CONFRONTED TO THE. EMERGENCE OF THE AUDIOVISUAL
INDUSTRY
SUMMARY
This PHD will be looking closely at the Western African States
Alliance, a West-African sub-regional organisation composed of five
French speaking countries: Bénin, Burkina- Faso, Ivory Coast. Niger and
Togo. With poverty being the main characteristic of the above mentioned
countries and under-development their common denominator, then which are
the role and position of the media in their development process? What is
the significance of the new order in these states, still representing an
important cultural stake for France as weIl as a fully blooming market
for the cultural and audiovisual industry?
In a global context dominated by national self interests and
ruled by market laws, information and communication must abide to the
decisions of the strongest. They reflect a situation where a small number
of rich countries and/or of powerful multinational firms are shaping the
fundamental aspects of international relations to the best of their
interests.
Bearing that in mind, the present research also deals with the
various North- South and South- South questions. It is mostly a
contribution to the I.C.N.W.O. results of 1980-1990, whilst forcing the
reader to question the current emergence of the audiovisual industry to
which the Third World is being confronted.
For even though the political stakes presented by information
and communication are not identical everywhere, economic competition
turns out to be the most determining factor in the battle fought by the
big groups around information control, information having now become
profitable merchandise.