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Maltraitance et cultures - Yapaka

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fois lever la main sur l’enfant pour qu’il s’avance<br />

sur le sentier de la vie. Cependant, on rappellera<br />

également que « Le cœur du père saigne » quand<br />

il frappe son enfant. Cela ne le réjouit pas, mais il<br />

peut considérer qu’il ne remplirait pas son rôle<br />

s’il s’en abstenait.<br />

Ces dictons sonnent étrangement à notre oreille<br />

alors qu’il y a peu, le « qui aime bien châtie bien »<br />

<strong>et</strong> bien d’autres sentences étaient monnaie courante<br />

dans notre terroir où la symbolique du<br />

bâton avait « une vertu moins répressive que<br />

pédagogique », comme aiment à le préciser les<br />

éditeurs du Dictionnaire de proverbes <strong>et</strong> dictons<br />

(1980, 105).<br />

Cependant, la modernité, les sciences (sociales<br />

aussi) sont passées par là <strong>et</strong> ont vu le passage<br />

du pater familias au délégué des droits de l’enfant,<br />

la transformation des droits sur l’enfant aux<br />

droits de l’enfant. Comme le montre par exemple<br />

Laurence Gavarini (2001), ce parcours s’inscrit<br />

dans une dimension historique <strong>et</strong> culturelle qui<br />

n’est d’ailleurs pas sans eff<strong>et</strong>s secondaires.<br />

En tout état de cause, bon nombre d’intervenants<br />

sont aux prises avec c<strong>et</strong> imaginaire d’une<br />

bientraitance universelle, d’un monde gouverné<br />

par la raison où il suffirait que des élus éclairés par<br />

leurs experts édictent des lois afin d’ordonner le<br />

chaos, de faire avancer les mentalités <strong>et</strong> les pratiques…<br />

dont celles de ces mauvais sauvages.<br />

– 84 –<br />

Du relativisme au mythe<br />

du bon sauvage<br />

Lors d’une conférence célèbre en 1966, Georges<br />

Devereux comparait les attitudes à l’égard des<br />

enfants dans les tribus mohave (indiens d’Amérique)<br />

<strong>et</strong> sedang (Sud Viêt-nam). Il attirait l’attention<br />

sur les représentations collectives dont<br />

dépendent notamment l’investissement de l’enfant<br />

par ses parents, son entourage <strong>et</strong> la société.<br />

À la suite de Geza Roheim, de Georges Devereux,<br />

d’Henri Collomb ou de Tobie Nathan – pour<br />

ne citer qu’eux – l’aspect relatif de la manière de<br />

considérer l’éducation des enfants venus d’ailleurs<br />

a progressivement acquis droit de cité parmi<br />

les intervenants. Néanmoins, c<strong>et</strong>te exigence de<br />

pensée se dilue parfois dans un autre mythe, bien<br />

vivant lui aussi : celui du bon sauvage.<br />

Si certains peuvent être aveuglés par les lumières<br />

de la science, d’autres peuvent être pris dans la<br />

nostalgie d’un paradis d’avant la modernité.<br />

Dans la rencontre avec l’immigré se joue alors la<br />

quête d’une époque mythique, d’un ailleurs où<br />

l’homme vit en harmonie avec la nature, où les<br />

pères sont des vrais pères, où les mères en portant<br />

leur enfant sur le dos gardent un contact<br />

charnel <strong>et</strong> authentique (voici du vrai holding !). Un<br />

univers où l’on vénère les ancêtres <strong>et</strong> où les<br />

dieux sont encore de vrais dieux. Bref, un monde<br />

où les traditions protègeraient du rack<strong>et</strong>, de la<br />

toxicomanie, de la délinquance…<br />

Et il suffirait de renouer avec ce monde pour<br />

r<strong>et</strong>rouver le bonheur d’avant le péché originel…<br />

Le paradis, justement (H. Guibert, 1992) : « C’est<br />

peut-être ça que je suis allé chercher en Afrique :<br />

– 85 –

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