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hommes résistent à les y placer tant la grossesse<br />
est vécue fantasmatiquement <strong>et</strong> réellement<br />
comme le lieu réel, le lieu recel de l’origine.<br />
Le tableau de Gustave Courb<strong>et</strong> « l’Origine du<br />
monde » vient ici illustrer mon propos, tout<br />
comme c<strong>et</strong>te parole d’une mère à son enfant<br />
après avoir subi une hystérectomie : « On m’a<br />
enlevé ta première maison ! »<br />
Que la mère soit mise primordialement au lieu de<br />
l’Autre veut dire aussi que c’est elle qui primordialement<br />
donne lieu à l’enfant en l’introduisant<br />
dans ce premier champ d’existence qui est<br />
la langue même si, on le sait, c<strong>et</strong>te inscription<br />
nécessite l’opération paternelle.<br />
Alors, il ne faut pas trop s’étonner qu’avoir un<br />
enfant en exil réactualise bien des questions<br />
« archaïques » chez toute femme.<br />
Qu’en est-il alors pour celles qui attendent ou<br />
m<strong>et</strong>tent au monde un enfant en exil… d’ellesmêmes<br />
?<br />
Une fois encore, les réponses ne pourront être<br />
que singulières mais il me semble que les bornes<br />
en sont:<br />
- d’une part un enfant totalement absent, non<br />
investi;<br />
- <strong>et</strong> d’autre part un enfant auquel il est demandé<br />
d’assurer l’inscription du parent dans le champ<br />
social.<br />
Tout enfant est en eff<strong>et</strong> investi par toute mère à la<br />
fois comme autre <strong>et</strong> comme prolongement d’ellemême.<br />
C’est c<strong>et</strong>te duplicité qui lui ouvre un champ<br />
de subjectivation.<br />
Il me semble que les enjeux subjectifs très diffi-<br />
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ciles qui sont réveillés par la grossesse <strong>et</strong> la naissance<br />
d’un enfant pour ces mères en grande fragilité<br />
psychique, du fait du non-lieu dans lequel<br />
elles se débattent, les conduit davantage à voir<br />
en leur enfant ou le prolongement d’elles-mêmes<br />
ou de le désinvestir parce que porteur d’une altérité<br />
trop insupportable.<br />
Car l’errance psychique de ces mères les pousse<br />
parfois à ne pas se m<strong>et</strong>tre en place d’Autre, à<br />
ne pas médiatiser l’Autre pour leur enfant. Elles<br />
risquent parfois de ne pas constituer un lieu pour<br />
leur enfant dans la mesure exacte où celui-ci n’a<br />
pas réussi à les sortir de leur errance psychique<br />
<strong>et</strong> réelle, dans la mesure où ce vœu inconscient<br />
n’a pas été exhaucé <strong>et</strong> qu’elles lui en attribuent la<br />
faute.<br />
Avoir un enfant « en exil de soi » telle est bien leur<br />
quadrature du cercle.<br />
Comment dès lors lui donner l’hospitalité ?<br />
Si être hospitalier pour l’hôte recevant <strong>et</strong> pour<br />
l’hôte reçu implique d’être accueillant de « l’autre<br />
en soi ».<br />
Y a-t-il un lieu pour accueillir c<strong>et</strong> enfant ? Y a-t-il<br />
un lieu pour accueillir c<strong>et</strong>te grossesse ?<br />
La réponse à ces questions va dépendre de la<br />
dangerosité de c<strong>et</strong> Autre-en-soi révélé à la mère<br />
par son enfant.<br />
Quels fantômes vient-il réveiller ? Quelle multiplicité<br />
de soi vient-il titiller ?<br />
Avoir un enfant réactualise, on le sait, les questions<br />
de l’origine, questions identitaires <strong>et</strong> identificatoires.<br />
Or l’Autre familial, social <strong>et</strong> culturel<br />
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