24.06.2013 Views

Maltraitance et cultures - Yapaka

Maltraitance et cultures - Yapaka

Maltraitance et cultures - Yapaka

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

Après tous ces exemples vous ne vous étonnerez<br />

pas d’apprendre que les Mohaves sont très<br />

doux avec leurs enfants. La notion du commandement,<br />

ou celle d’obéissance absolue, n’existe<br />

tout simplement pas <strong>et</strong> il n’y a même pas de mot<br />

mohave qui veuille dire punition. L’enfant mohave<br />

se sèvre quand il veut, il cesse spontanément de<br />

se souiller vers l’âge de trois ou quatre ans ; il se<br />

masturbe si cela lui chante <strong>et</strong>, à l’âge de six ou<br />

sept ans, il accomplit le coït compl<strong>et</strong>. Une fill<strong>et</strong>te<br />

de neuf ans avait même donné une blennorragie<br />

à un gamin de dix ans. Inutile d’ajouter que personne<br />

ne songe à frapper un enfant !<br />

Les Sedangs sont par contre très durs avec leurs<br />

enfants <strong>et</strong> le père, comme la mère, les punissent<br />

parfois très cruellement : ils vont jusqu’à m<strong>et</strong>tre<br />

du piment rouge dans le vagin d’une fill<strong>et</strong>te ou en<br />

barbouiller le gland d’un garçon. Les enfants sont<br />

faits pour obéir <strong>et</strong> pour travailler : la fill<strong>et</strong>te de 4 ans<br />

porte l’eau ; le garçon de 5 ans garde les buffles.<br />

Pour l’enfant mohave, l’adulte est un être à qui<br />

on peut se fier, qui vous traite bien, qui vous<br />

nourrit quand vous avez faim, qui se bat pour<br />

vous si on vous fait du mal, qui est une source de<br />

continuelle gentillesse. De plus, ce bon adulte, ce<br />

n’est pas seulement le père ou la mère, c’est<br />

n’importe quel membre de la tribu, car l’enfant<br />

est l’enfant de-tout-le-monde-qui-peut-lui-rendreservice.<br />

On peut voir un corollaire de c<strong>et</strong>te image<br />

dans le fait qu’une longue enquête n’a pas révélé<br />

la moindre trace d’une croyance à la démence<br />

sénile ou, même, à une quelconque détérioration<br />

mentale des vieux. Pour les Mohaves, les vieux<br />

sont des adultes sages <strong>et</strong> bons.<br />

La notion de la détérioration sénile, chez les<br />

Sedangs, on la rencontre au contraire à tout bout<br />

de champ. Mon informateur, qui était, il est vrai, un<br />

– 20 –<br />

homme d’un grand âge, mais qui avait conservé<br />

une merveilleuse mémoire parfaitement intacte,<br />

tant pour le passé lointain que pour le passé<br />

immédiat, s’est volontairement démis de ses<br />

fonctions de chef de village car il se croyait intellectuellement<br />

diminué <strong>et</strong> m’assurait qu’il avait<br />

« perdu l’oreille » : le siège du raisonnement chez<br />

les Sedangs. Et c’est ainsi que chez ces derniers,<br />

où les enfants ont toutes les raisons de craindre<br />

les adultes, il existe une psychiatrie gériatrique,<br />

alors que chez les Mohaves, où les enfants n’ont<br />

qu’à se louer des adultes, la psychiatrie n’a<br />

presque pas de conceptions gériatriques.<br />

Alors, enfin, que la vie sexuelle a la liberté qu’on<br />

a dite chez les Mohaves, chez les Sedangs où<br />

tout se paye <strong>et</strong> où, entre autres, il faut ach<strong>et</strong>er<br />

aux dieux le droit d’avoir des bébés, si, jusqu’à la<br />

puberté, <strong>et</strong> parce qu’on n’est pas fertile, la<br />

sexualité est libre, dès la puberté <strong>et</strong> jusqu’au<br />

mariage la seule sexualité permise est la masturbation,<br />

l’homosexualité ou le coït hétérosexuel<br />

par voies anale <strong>et</strong> buccale, bref : la perversion. La<br />

grossesse adultère ou prémaritale est un vol intolérable<br />

commis contre les dieux ; mais toute autre<br />

activité sexuelle que celle qui peut conduire à c<strong>et</strong><br />

état est sans gravité <strong>et</strong> reste sans sanction : un<br />

mari trompé ne peut espérer obtenir cinq buffles<br />

en réparation de l’outrage que si sa femme a<br />

commis le coït normal.<br />

Je crois vous en avoir assez dit pour qu’il soit clair<br />

que la façon dont on voit l’enfant exerce une<br />

influence sur la pensée psychiatrique d’une société<br />

donnée. Le phénomène ne serait-il vrai que<br />

pour les sociétés primitives ? Notre propre image<br />

de l’enfant est-elle objective, est-elle « valable » ?<br />

Mesdames, Messieurs, en sommes-nous bien<br />

sûrs ?<br />

– 21 –

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!