Carte Boisvert.jpg - CRMT en Limousin

Après l'acquisition d'un magnétophone UHER de qualité, je reviens visiter Julien Chastagnol
pendant l'été 1971, et ces enregistrements montrent un musicien qui a pratiqué son instrument
depuis l'hiver, et dont le jeu s'est encore affermi et enrichi. Il écoute à cette occasion la
restitution que je lui fais de son répertoire sur mon violon. Il prend alors le statut de maître, et
m'encourage très gentiment à progresser, en me faisant sentir par de nouvelles interprétations
de son répertoire, riche d'ornements et de variations rythmiques à l'archet, que mes efforts
sont méritoires, mais que je suis encore loin du compte. Il m'indique alors, à mon insu, la
dimension primordiale de la variation et de l'interprétation, que je comprendrai plus tard.
Cette rencontre détermine un série d'autres "collectages" auprès d'une dizaine de musiciens et
chanteurs de cette région. Ces enregistrements, diffusés ou réinterprétés par mes soins dans
les différentes rencontres et stages folk de l'époque, ont attiré l'oreille de plusieurs musiciens,
John Wright, Olivier Durif, Jean Pierre Champeval, et d'autres, qui ont entrepris une série
d'enquêtes systématiques et révélé la très grande richesse des traditions musicales de cette
région, notamment pour le jeu de violon.
Les circonstances m'ont amené alors à quitter Egletons, et enquêter dans d'autres régions, le
Morvan, le Berry, les Combrailles, et j'y ai fait la rencontre d'autres joueurs de violon, au style
toujours moins riche que celui de Julien Chastagnol et des nombreux autres "violoneux"
rencontrés par les équipes de collecteurs qui ont sillonné l'Auvergne et le Limousin.
L'Expérience rétrospective
Après plus de vingt ans, il est impossible de témoigner objectivement des circonstances, des
motivations, de l'expérience vécue pendant ces rencontres et principalement auprès de Julien
Chastagnol. Subsiste, vivace, et ancrée, l'émotion ressentie à la première écoute de cette
musique, au contact du bonheur musical irradié par cet homme, et de l'intelligente simplicité
de son discours. Quelques que soient les motivations qui m'animaient, la profonde
méconnaissance des réalités du monde rural de cette région qui étaient les miennes, la
mythification des musiques traditionnelles que je partageais alors de manière enthousiaste
avec les musiciens du mouvement folk, je ne regretterai jamais qu'elles m'aient donné la
chance de rencontrer cet homme, et beaucoup d'autres par la suite, dépositaires d'une
civilisation et d'une culture dont beaucoup s'accordent à prédire qu'elle aura disparu au
tournant du siècle. Ils resteront les témoins de l'immense richesse d'une vie musicale
populaire attachée à la civilisation rurale, et la réécoute des enregistrements où ils figurent
réactivera à chaque fois l'émotion première.
Le Matériau :
Tous les enregistrements réalisés par mes soins entre 1971 et 1977 sont déposés au fonds
d'archives sonores du Centre des Musiques Traditionnelles Rhône-Alpes. Archives en cours
de dépouillement et indexation.
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