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I<br />

I


La Monnaie<br />

et le<br />

Crédit en Algérie<br />

depuis 1830


1830 —<br />

1930<br />

COLLECTION DU CENTENAIRE DE L'ALGÉRIE<br />

MISE EN VALEUR DE L'ALGÉRIE<br />

La M<br />

et le<br />

onnaie<br />

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<strong>61414</strong>1<br />

*"'V<br />

depuis 1830 ixclu<br />

par<br />

P. ERNEST-PICARD<br />

Ancien Sous-Oonvernear de la Banque de France<br />

Directeur Général de la tfanque de l'Algérie<br />

ALGER<br />

JULES CARBONEL<br />

Imprimeur de la Banque de l'Algérie<br />

PARIS<br />

LIBRAIRIE PLON<br />

8, Rue Garanciére<br />

DU<br />

f*RÊT


AVANT-PROPOS<br />

Il a paru intéressant à la Banque de l'Algérie de réunir<br />

quelques documents relatifs à l'histoire de la monnaie et du cré<br />

dit dans la colonie et de les présenter au public. Elle a voulu ainsi<br />

apporter sa contribution aux études entreprises à l'occasion du<br />

Centenaire et qui doivent former une sorte d'encyclopédie de<br />

l'Algérie.<br />

Le présent ouvrage répond à cette intention. Il doit beaucoup<br />

à l'obligeance des services du Gouvernement général et à la<br />

collaboration des amis de la Banque, comme à celle des princi<br />

paux fonctionnaires et agents de celle-ci. Parmi eux, je me fais<br />

un devoir de citer M. le Sous-Directeur général Jules Lévy» M. le<br />

Secrétaire général Camille Moyse, M. le Directeur de la suc<br />

cursale d'Alger Routaboul, ainsi que M. l'Inspecteur de Redon<br />

et MM. Gandy et de Roux. Je les remercie tous bien sincèrement<br />

du précieux concours qu'ils m'ont donné.<br />

Nous nous référons au cours des chapitres aux principales<br />

sources auxquelles nous nous sommes reportés, en dehors des<br />

archives propres de la Banque de l'Algérie. Notre travail de<br />

recherche a été grandement facilité par les avis éclairés qui nous<br />

ont été aimablement donnés aux Archives Nationales, à celles<br />

du Ministère des Affaires Etrangères et de la Guerre, du dépar<br />

tement des Bouches-du-Rhône, des Chambres de Commerce de<br />

Marseille et d'Algérie, à la Bibliothèque Nationale et à la Biblio<br />

thèque Municipale d'Alger. Nous ne saurions citer, en raison de<br />

leur trop grand nombre,<br />

les ouvrages qui peuvent être utilement<br />

consultés sur le sujet traité. L'essai de bibliographie méthodique<br />

et raisonnée, publié par M. Charles Tailliart, Recteur de l'Acadé<br />

mie d'Alger et qui complète son livre : l'Algérie dans la Littéra<br />

ture française (Paris, Champion, 1925), demeure le meilleur<br />

guide en la matière.<br />

P. E.-P.


PREFACE<br />

Lorsque la France pénétra dans la Régence d'Alger aucune<br />

organisation bancaire n'existait dans le pays. Le crédit à l'agri<br />

culture,<br />

au commerce et à l'industrie revêtait des formes primi<br />

tives qui laissaient le champ libre à l'usure. La fréquente alté<br />

ration de la monnaie locale, la variété des pièces de diverses<br />

origines circulant concurremment avec elle et l'abondance de la<br />

fausse monnaie, impunément fabriquée, favorisaient le billon-<br />

nage et portaient le trouble dans les transactions.<br />

L'œuvre qui s'imposait à nous comportait non seulement la<br />

mise en valeur du sol par les colons français ou européens, mais<br />

encore l'appel de toute une population indigène civilisée vers une<br />

civilisation plus positive et plus active. Elle ne pouvait être<br />

accomplie sans le concours d'une organisation favorisant la créa<br />

tion et la circulation de la richesse, sans un régime bancaire<br />

développé,<br />

sans une monnaie saine.<br />

Lorsque la pacification du pays fut suffisamment avancée et<br />

qu'à la période de l'action purement militaire succéda le calme<br />

nécessaire au développement des forces économiques, une des<br />

premières tâches qui retint l'attention du gouvernement, une<br />

des premières aspirations de la colonie dont il lui fallut tenir<br />

compte, fut précisément l'organisation bancaire. Après certaines<br />

hésitations, la création d'une banque d'émission spéciale à l'Al<br />

gérie fut décidée en 1851.<br />

Depuis lors, l'histoire de la monnaie et du crédit en Algérie<br />

gravite autour de celle de la Banque de l'Algérie et si, dans les


pages qui vont suivre,<br />

prééminente,<br />

— - 8<br />

celle-ci apparaît comme tenant une place<br />

ce n'est pas aux fonctions du signataire de ces<br />

lignes qu'il faut l'attribuer,<br />

c'est bien parce que la Banque de<br />

l'Algérie, jouant dans la colonie un rôle sensiblement analogue<br />

à celui de la Banque de France dans la Métropole,<br />

centre bancaire et monétaire.<br />

Le développement de l'Algérie doit beaucoup<br />

capitaux d'épargne n'y ont pas exercé, dès le début,<br />

en est le<br />

au crédit. Les<br />

une action<br />

dominante. Dans certains pays neufs, le capital venu du dehors<br />

a précédé la colonisation, il en a été l'animateur et il a parfois<br />

entraîné même l'action de la puissance publique ; dans ce cas,<br />

le crédit, appuyé sur les ressources des capitaux d'épargne, est<br />

accordé à quelques grandes entreprises ;<br />

il s'implante dans le<br />

pays en même temps que ces entreprises qui exploitent le sol<br />

et le sous-sol et mettent en valeur de vastes territoires. Il ne<br />

pouvait pas en être ainsi en Afrique du Nord. L'Algérie ne<br />

constituait pas un pays neuf, à proprement parler ; terre d'an<br />

tique culture et de vieille civilisation,<br />

son sol était en grande<br />

partie déjà exploité ; la population qui l'occupait et dont beau<br />

coup d'éléments avaient un caractère autochtone contenait d'an<br />

ciennes familles puissantes et riches ; certes,<br />

n'avait pas organisé la mise en valeur du pays,<br />

cette population<br />

elle vivait au<br />

jour le jour, limitée dans ses moyens d'action comme dans ses<br />

besoins ; mais elle avait une armature sociale et elle trouvait<br />

dans sa religion et dans sa civilisation le fondement de grandes<br />

qualités dont elle ne fit d'abord emploi vis-à-vis des nouveaux<br />

arrivants que pour leur rendre la tâche plus difficile. Le reten<br />

tissement des luttes dures et continues qui marquèrent les<br />

progrès de notre occupation, les hésitations mêmes du pouvoir<br />

central, les difficultés d'ordre pratique et juridique que rencon<br />

trait la constitution de la propriété européenne, contribuèrent<br />

a donner aux capitalistes l'impression que nous nous engagions<br />

dans une région pleine d'insécurité et qu'il était préférable<br />

de ne pas y aventurer de fonds. Seuls quelques esprits clair-


voyants, en petit nombre, ou quelques audacieux, en plus grande<br />

quantité, furent les pionniers de la colonisation. Beaucoup parmi<br />

les plus fortunés y laissèrent les ressources dont ils pouvaient<br />

disposer ; d'autres y perdirent le seul capital qu'ils eussent<br />

apporté, leurs illusions ; d'autres, enfin, y trouvèrent la mort.<br />

Devant de tels résultats, le capital français, qui se réservait,<br />

exagéra encore la prudence, il ne s'engagea qu'exceptionnelle<br />

ment et sur l'attrait de taux d'intérêt élevés,<br />

comportant une<br />

prime d'assurance contre des risques dont l'importance lui<br />

apparaissait considérable. A défaut de capitaux d'importation,<br />

il n'existait pas sur place de capitaux d'épargne pouvant être<br />

utilisés pour la mise en valeur du pays ; le peu qui s'y employait<br />

était aux mains des usuriers.<br />

Il fallait donc que le crédit suppléât en grande mesure à l'ac<br />

tion défaillante des capitaux,<br />

qu'il multipliât la puissance<br />

d'utilisation des quelques ressources mises en mouvement par<br />

lui, et l'on peut dire que l'Algérie actuelle est en partie son<br />

œuvre. Cette œuvre ne s'accomplit pas sans lutte ni déboires ;<br />

le crédit lui-même fut assez long à s'organiser et, fait à retenir,<br />

c'est en réalité de l'Algérie même, plus que du dehors,<br />

venu. Peu à peu, en effet,<br />

qu'il est<br />

en même temps que se consolidait<br />

notre occupation et que notre administration,<br />

avant dans le détail de la vie publique,<br />

pénétrant plus<br />

permettait d'attacher<br />

plus de sécurité aux contrats, les colons, les commerçants des<br />

villes, les anciens éléments actifs de la population indigène ou<br />

immigrée reconnaissaient de plus en plus la nécessité de créer<br />

une organisation bancaire : c'est en Algérie qu'est née la volonté<br />

de créer le crédit au profit de la colonie,<br />

c'est là que se sont<br />

formés les premiers organismes qui ont conquis peu à peu la<br />

confiance des capitaux français et étrangers et les ont entraînés<br />

à contribuer au développement du pays. Nous ne prétendons<br />

pas,<br />

Algérie,<br />

en mettant en lumière ce côté de l'histoire du crédit en<br />

métropolitain,<br />

méconnaître combien puissant fut le concours du capital<br />

combien active et bienfaisante fut l'action du


— 10 —<br />

pouvoir central, sans lesquels il est de toute évidence que l'Al<br />

gérie n'aurait jamais atteint l'admirable prospérité dont elle<br />

jouit en ce moment. Nous voulons seulement ne pas omettre la<br />

part propre aux colons français et dégager cette conclusion<br />

que le crédit a été appelé à jouer dans ce pays un rôle sans doute<br />

plus considérable que dans d'autres et qu'il présente en tout cas<br />

un caractère plus nettement local.<br />

Peut-être faut-il attribuer à ce fait originel certains traits<br />

de l'histoire du crédit en Algérie : la recherche constante, tou<br />

jours ardente, parfois même agressive, d'un crédit sans cesse<br />

plus souple, plus étendu,<br />

se pliant à tous les besoins d'une colo<br />

nisation en évolution constante ; un conflit fréquent entre les<br />

idées de prudence et de sagesse d'une part, et, d'autre part,<br />

l'esprit d'entreprise, l'ardeur au gain, les espérances devançant<br />

même l'avenir prévisible, toutes forces nécessaires au progrès,<br />

mais qui pour être bienfaisantes doivent trouver avec les pre<br />

mières un juste équilibre ?<br />

Bien que l'Algérie soit un pays primitivement et essentielle<br />

ment agricole, et que la question du crédit à l'agriculture dût<br />

s'imposer de bonne heure à l'attention des pouvoirs publics, ce<br />

n'est pas en fait le besoin des capitaux circulants nécessaires<br />

à la terre qui donna naissance au crédit bancaire. Ce ne sont pas<br />

les banques foncières qui furent fondées les premières, comme<br />

cela eut lieu dans certains pays agricoles, tels que l'Allemagne<br />

par exemple, à la fin du XVIIIe ou au début du XIXe siècle. Ce<br />

fut au contraire dans les ports et spécialement dans celui d'Alger,<br />

à la fois centre de commerce et siège du gouvernement, que les<br />

premiers besoins de crédit se firent sentir. Là était concentrée<br />

presque toute l'activité du pays qui, par ailleurs, n'était pénétré<br />

que progressivement, et, si l'on peut dire, sporadiquement. Ainsi<br />

c'est le commerce et non pas l'agriculture qui appela la banque<br />

en Algérie. Le premier organisme bancaire créé dans la colonie<br />

en porte l'empreinte, mais, dès sa fondation même, on le verra,<br />

il apparut qu'il fallait venir en aide à l'agriculture, assurer à


- t! —<br />

celle-ci le concours des capitaux ou du crédit, et l'on essaya de<br />

concilier, dans un même mécanisme bancaire, le fonctionnement<br />

du crédit commercial et celui du crédit agricole.<br />

Cependant une transformation se produisait dans le monde.<br />

Dans tous les pays, dès l'époque du Second Empire, de grandes<br />

compagnies se constituaient, des sociétés de crédit de large<br />

envergure se fondaient revêtant la forme de sociétés anonymes,<br />

les idées survivantes du saint-simonisme favorisaient l'éclosion<br />

de toutes les entreprises destinées à activer la production, à<br />

multiplier le travail, à assurer une féconde circulation des riches<br />

ses. L'Algérie ne devait pas rester en dehors de ce mouvement.<br />

Bientôt elle vit venir à son aide le capital français et étranger<br />

enfin rassuré. Peu à peu,<br />

malgré les erreurs de doctrine d'un<br />

pouvoir central un moment mal éclairé, malgré les difficultés<br />

créées à certaines heures par des insurrections et des cata<br />

clysmes locaux, ou enfin par la guerre extérieure, la colonisation<br />

prit un plus grand essor, le réseau des voies ferrées fut établi,<br />

les richesses minières furent exploitées. Dans ces grands travaux<br />

comme dans ces exploitations, le capital venant de l'extérieur<br />

eut la plus grande part ; il ne rencontrait pas là les mêmes<br />

obstacles que dans ses rapports avec le commerce local ou les<br />

propriétés agricoles. Il pouvait plus aisément agir par grandes<br />

masses et surveiller des intérêts moins morcelés. Sollicité par de<br />

si grandes entreprises, il ne s'intéressa d'abord qu'indirectement<br />

au développement des autres éléments de l'actif algérien. Seules<br />

quelques grandes sociétés s'occupèrent de l'agriculture et quel<br />

ques établissements de crédit vinrent apporter aux colons un<br />

appui efficace,<br />

mais forcément limité.<br />

Dès les premières années de la IIIe<br />

République, l'Algérie<br />

connut une période de grande prospérité qui devait bientôt jus<br />

tifier les plus belles espérances. C'est réellement de cette époque<br />

que date sa mise en valeur effective. Mais la confiance générale<br />

rendit aveugles ceux qui auraient dû voir le défaut du méca-<br />

nisme du crédit dans la colonie, et l'on prétendit assurer le crédit


- 12<br />

—<br />

agricole exclusivement par la banque d'émission. L'erreur coûta<br />

cher à celle-ci et à quelques colons,<br />

qui conserva un grand domaine viticole,<br />

témérité,<br />

œuvre du crédit le plus hardi.<br />

Depuis lors, peu à peu,<br />

mais non au pays lui-même,<br />

constitué en partie avec<br />

s'est dégagée une doctrine et s'est<br />

affirmée une pratique qui assurent une plus saine distribution<br />

du crédit. Sous l'impulsion des pouvoirs publics, le crédit agri<br />

cole mutuel s'est organisé avec succès, les banques populaires<br />

ont ouvert leurs guichets à une clientèle digne d'intérêt et, petit<br />

à petit,<br />

un ensemble d'institutions bancaires s'est créé en quel<br />

que sorte par scissiparité ;<br />

taines d'entre elles,<br />

grâce à la spécialisation de cer<br />

qui ont des tâches bien définies et des<br />

ressources propres, elles répondent aux besoins divers de l'agri<br />

culture, du commerce et de l'industrie,<br />

et la banque d'émission<br />

qui, au début avait dû pourvoir elle-même à tous ces besoins,<br />

leur prête un large concours. L'Algérie est ainsi dotée d'un<br />

régime rationnel d'institutions de crédit qui doit devenir aussi<br />

complet que ceux des plus grands pays.<br />

Cette œuvre n'est pas une des moins remarquables du génie<br />

français, puisque, née dans l'isolement,<br />

difficultés locales et générales, elle a grandi,<br />

aux prises avec les<br />

s'est perfectionnée<br />

par l'effort des générations et qu'au moment où nous la voyons<br />

s'épanouir, elle groupe tous les éléments de la population, depuis<br />

le colon, héritier des fondateurs et artisan lui-même de la pros<br />

périté nouvelle de l'Algérie, jusqu'à l'indigène que la France<br />

délivre de la plaie de l'usure, créant ainsi l'égalité économique,<br />

sans distinction d'origine,<br />

entre tous les habitants du pays.<br />

La monnaie française a partout remplacé la monnaie incer<br />

taine des anciens deys ; à côté des espèces métalliques, dont<br />

le rôle monétaire est de plus en plus réduit, au point que l'on<br />

ne souffre guère, dans la pratique, de leur disparition actuelle,<br />

circulent des billets de banque solidement gagés et jouissant de<br />

la confiance générale. Si de cruelles épreuves —<br />

plus effroyable drame international —<br />

ont<br />

héritage<br />

du<br />

été infligées, à la


— — 13<br />

suite de la dernière guerre, à la monnaie française,<br />

si de durs<br />

sacrifices ont dû être imposés à toute la nation pour rendre<br />

à cette monnaie une nouvelle valeur internationale, l'heure est<br />

revenue où la circulation monétaire algérienne retrouve les<br />

qualités qu'elle présentait avant la guerre et qui en faisaient<br />

l'égale des plus saines, se multipliant sans excès avec les besoins,<br />

se resserrant aux heures de crises, évitant ainsi de peser sur les<br />

prix.<br />

L'histoire du crédit et de la monnaie en Algérie depuis 1830<br />

est instructive ; on y trouvera des raisons justifiant, de ce<br />

point de vue spécial, la confiance que nous inspire, à tant d'autres<br />

titres, un pays qui a traversé de si grandes épreuves,<br />

qui pos<br />

sède de si admirables ressources et que met en valeur une<br />

pléiade d'hommes d'une si belle énergie. On y puisera aussi des<br />

leçons de sagesse et de courage à la fois ; le maniement du crédit<br />

exige l'une et l'autre de ces vertus, dont l'excès, difficile à déce<br />

ler, est également nuisible et risque, soit d'entraver le progrès,<br />

soit de précipiter des catastrophes ; on y verra enfin que la loi<br />

générale de solidarité entre les grands marchés monétaires et<br />

commerciaux s'applique plus étroitement à l'Algérie au fur et<br />

à mesure que celle-ci se développe : les crises propres au pays<br />

pourront s'en trouver atténuées,<br />

mais il est plus exposé à res<br />

sentir le contre-coup des crises mondiales. Ces dernières agiront,<br />

sans doute, plus que par le passé,<br />

sur la masse des capitaux<br />

venant travailler dans la colonie et sur le taux de l'intérêt, lié<br />

plus directement aux mouvements de ces capitaux extérieurs,<br />

jusqu'au moment où les capitaux algériens seront assez abon<br />

dants pour exercer eux-mêmes une influence décisive sur le mar<br />

ché intérieur.


TITRE I<br />

HISTOIRE DE LA MONNAIE ET DU CREDIT EN ALGERIE<br />

DEPUIS 1830


CHAPITRE I<br />

LE CREDIT ET LA. MONNAIE DANS LA RÉGENCE D'ALGER<br />

1" Le Commerce et le Crédit. —<br />

Le<br />

Commerce intérieur de la<br />

RÉGENCE EN 1830. Le COMMERCE LOCAL ET LINDUSTII1E a ALGER. Le CRÉDIT ET<br />

LE COMMERCE INTÉRIEUR. L'USURE. Le PRÊT. LES CONTRATS DE SOCIÉTÉ ET<br />

de Commande. Le prêt sur gage immobilier. Les écrits constatant l'exis<br />

tence DES DETTES. Le COMMERCE EXTÉRIEUR. LES MONOPOLES DU DEY ET LES<br />

CONCESSIONNAIRES DE MONOPOLES. LES LlVOURNAIS. Le CRÉDIT ET LE COMMERCE<br />

EXTÉRIEUR.<br />

2* La Monnaie. —<br />

Système<br />

monétaire de la Régence. Les monnaies<br />

étrangères circulant en algérie. la fausse monnaie. activité de la<br />

monnaie d'Alger. Le Trésor de la Casbah. Œuvre qui s'imposait a la<br />

France,<br />

en matière bancaire et monétaire.


Au début du XIXe<br />

LE COMMERCE ET LE CRÉDIT<br />

siècle, le. commerce intérieur réduit et<br />

l'industrie encore primitive de la Régence d'Alger n'avaient<br />

recours au crédit que sous des formes élémentaires et leurs<br />

besoins monétaires n'étaient que peu développés.<br />

La population tout entière de l'Algérie comptait sans doute<br />

moins de deux millions d'habitants, en majeure partie, sinon<br />

en totalité, occupés à des travaux agricoles : cultures et pâtu<br />

rages. Les indigènes se groupaient peu dans des villes, la nature<br />

du pays, autant que leurs goûts et leur civilisation, ne s'y<br />

prêtait guère. Nomades ou sédentaires, les Berbères comme<br />

les Arabes n'avaient, en général, que peu de liens urbains.<br />

Seuls les Kabyles étaient réellement attachés à leurs villages d'où<br />

ils dominent encore aujourd'hui le sol qu'ils cultivent. Les villes<br />

qui ont laissé un souvenir dans l'histoire de l'Algérie ou qui<br />

témoignent d'un passé prospère sont rarement l'œuvre première<br />

des indigènes. Elles ont été fondées pour la plupart par les<br />

maîtres successifs du pays. Il manque, au surplus, à l'Algérie<br />

ces grandes voies fluviales qui sont le berceau naturel de beau<br />

coup de groupements humains (1) .<br />

(1) « Au Maghreb, l'urbanisme ne s'est vraiment développé qu'aux deux<br />

extrémités du pays autour des cités monstres, Tunis d'un côté et Fez<br />

de l'autre. L'Algérie n'a pas à proprement parler de citadins, sauf à Tlem<br />

cen. L'Alger de 1830 n'était guère qu'une caserne et un port turc, mal<br />

gré la présence de quelques immigrés andalous, que nos pères de 1830<br />

appelaient « les Maures ». On ne comprend rien à l'Algérie indigène<br />

si on ne se souvient pas qu'elle est essentiellement rurale. » E.F. Gautier,<br />

Les siècles obscurs du Maghreb. Paris Payot, 1927, page 413.<br />

LE COMMERCE<br />

INTÉRIEUR<br />

DE LA<br />

REGENCE<br />

EN 1830


— 20 —<br />

A l'époque qui nous occupe, les villes constituaient surtout<br />

des marchés où se rencontraient périodiquement les négociants<br />

des diverses régions avoisinantes et même ceux des contrées<br />

lointaines ; de tout temps la diversité des produits du sol, très<br />

différents selon la latitude ou l'altitude,<br />

a provoqué des cou<br />

rants d'échange à l'intérieur, mais l'insécurité du pays ne per<br />

mettait guère à ces échanges de se faire à tout moment au gré<br />

des individus ;<br />

elle imposait le groupement des marchandises et<br />

une organisation de transports en commun que favorisait la<br />

transhumance et qui prenait la forme des caravanes.<br />

« Le nomade est un grand commerçant. Il brasse du Nord<br />

au Sud et du Sud au Nord les produits algériens. Ces popula<br />

tions, dans leurs oscillations, deviennent,<br />

selon l'expression de<br />

Pascal, de véritables chemins qui marchent. Dans le mouvement<br />

d'oscillation qui chaque année les ramène vers le Nord, ils<br />

échangent des laines et des dattes contre l'orge et le blé, vendent<br />

du musc, du henné, des tissus, des tapis. Comme ils doivent<br />

faire leur provision de céréales pour toute l'année, ils dirigent<br />

vers le Sud des convois qui vont déposer des grains dans les<br />

ksour et dans les oasis, tandis que d'autres convois viennent<br />

porter des dattes jusque sur le littoral,<br />

ou bien sont loués<br />

aux négociants européens et indigènes pour le transport des<br />

céréales... Les nomades payaient un droit nommé « eussa » (1)<br />

pour accéder aux marchés du Tell ; ils venaient parfois jusqu'au<br />

Chélif où le Beylick leur permettait, moyennant un droit consi<br />

dérable, de venir cultiver des céréales sur des terrains qui lui<br />

appartenaient. Dans le Tell, le nomade échangeait une mesure<br />

de dattes contre trois mesures d'orge,<br />

ou une demi-mesure de<br />

blé contre trois mesures de dattes. Les habitants du Tell<br />

gagnaient beaucoup à ces échanges et c'était un proverbe, chez<br />

les marchands, de dire : « Je gagnerai si les Arabes du Sud<br />

descendent. » (2).<br />

Le trafic auquel donnait lieu le déplacement des nomades<br />

(1) Les indigènes l'acquittaient en donnant des moutons, des cha<br />

meaux, des burnous, des haïks, des tapis, des djelal, des dattes, des<br />

gazelles, des plumes d'autruche. Le Beylick tarifait le tout arbitrairement<br />

et le revendait avec bénéfice.<br />

(2) Augustin Bernard et Lacroix, L'évolution du nomadisme en Algérie,<br />

Alger, Jourdan, 1906.<br />

pages 207 et suivantes. —


VUE ANCIENNE DE LA VILLE D'ALGER


— — 21<br />

transhumants revêtait souvent, on le voit, la forme d'échanges<br />

directs de marchandises, de troc,<br />

plutôt que celle de véritables<br />

négociations commerciales nécessitant le recours au crédit ou<br />

l'emploi même de la monnaie. Celui qui se faisait à l'aide de<br />

convois dont la direction était entre les mains de colporteurs<br />

indigènes ne donnait naissance qu'à un embryon d'organisation<br />

commerciale, qui ne pouvait d'ailleurs guère se développer, parce<br />

que ce trafic était constamment troublé par l'insécurité des rou<br />

tes. Dans certaines localités, des entrepôts (1) étaient constitués<br />

et quelques commerçants possédaient des approvisionnements de<br />

produits locaux du Nord et du Sud provenant de ces échanges<br />

avec les nomades ou avec les colporteurs arabes ou kabyles.<br />

Souvent ces derniers ne se bornaient pas vis-à-vis des commer<br />

çants au simple rôle d'intermédiaires. Ils devenaient leurs com<br />

manditaires. Les négociants consentaient à leur tour crédit aux<br />

détaillants, et les Juifs et les Mozabites,<br />

direct aux uns et aux autres,<br />

de banquiers. L'usure n'y<br />

en pratiquant le prêt<br />

faisaient en quelque sorte office<br />

perdait rien.<br />

De grands centres commerciaux, dont l'activité était périodi<br />

que, se constituaient ainsi, à l'intérieur, soit dans les villes<br />

anciennes telles que Constantine, Tlemcen, ou Médéa, soit sur<br />

des places de moindre importance qui conservaient le caractère<br />

de marchés et de foires connus sous la simple dénomination<br />

de souks,<br />

accompagnée de la désignation du jour de la semaine<br />

où se tenaient ce marché ou cette foire. Encore aujourd'hui, il<br />

en est ainsi dans plus d'un endroit en Algérie et cette organi<br />

sation du commerce local subsiste parce qu'elle répond aux<br />

conditions de l'habitat et à la nature des produits échangés.<br />

A l'intérieur, parmi ces grands centres commerciaux, Cons<br />

tantine était sans doute le plus vivant. On trouvait dans ses<br />

souks les produits les plus divers ; les Kabyles l'approvision<br />

naient en armes, fruits et miel ; il fournissait lui-même aux<br />

centres les plus lointains du Maghreb les articles de luxe dont<br />

il s'était fait une spécialité, les chaussures et la sellerie ;<br />

on y achetait les haïks et les burnous du Sud, les produits<br />

de l'oued Rhir, et,<br />

conduits jusqu'à lui par la voie du Sud plus<br />

(1) On trouve encore dans l'Aurès des guelâas qui ne sont que des<br />

entrepôts non habités d'une façon permanente.


LE COMMERCE<br />

LOCAL ET<br />

L'<br />

INDUSTRIE<br />

A ALGER.<br />

—<br />

— 22<br />

sûre que les chemins du littoral battus par le brigandage, les<br />

articles délicats de Tunis (1). Son activité était considérable.<br />

Il est difficile d'indiquer des chiffres qui puissent la mesurer<br />

à la veille de notre arrivée dans le pays ; mais en 1845,<br />

c'est-à-dire à une époque où notre influence ne s'était guère<br />

fait sentir encore dans le développement commercial du centre<br />

de l'Algérie,<br />

on évaluait à 500.000 le nombre d'individus fré<br />

quentant les boutiques de Constantine.<br />

Sur la côte, Alger, Bône, Bougie et Oran tenaient,<br />

dans la vie<br />

de la Régence, une place prépondérante et pourtant, à pareille<br />

date, elles recevaient, dit-on, la visite d'un nombre beaucoup<br />

plus faible de visiteurs : 70 à 80.000 environ. Mais ces quatre<br />

villes avaient une vie commerciale propre qui leur venait de leur<br />

port et les rendait plus indépendantes que Constantine des mou<br />

vements du nomadisme. Elles renfermaient une population<br />

active se spécialisant, selon ses origines ethniques,<br />

dans des<br />

métiers variés. Les Maures, importants négociants en ville, cul<br />

tivaient la campagne voisine ; les Mozabites avaient en quelque<br />

sorte le monopole de certaines professions : ils étaient bouchers,<br />

fruitiers, gargotiers, petits banquiers ; les Juifs, orfèvres, bijou<br />

tiers, essayeurs de métaux, courtiers, s'adonnaient aussi à<br />

divers commerces lucratifs, parmi lesquels il faut placer au<br />

premier rang le prêt sur gage et l'usure qu'ils n'étaient d'ail<br />

leurs pas seuls à pratiquer ; les nègres, anciens esclaves, étaient<br />

bouchers, maçons, musiciens ; des renégats, actifs et intrigants,<br />

utilisaient, pour se créer des situations privilégiées, leur cul<br />

ture générale ou leurs connaissances pratiques; de rares colo<br />

nies européennes se composaient d'un très petit nombre d'an<br />

ciens esclaves chrétiens ou de quelques négociants français, ita<br />

liens,<br />

espagnols ou anglais (2).<br />

Parmi ces villes de la côte, Alger tenait naturellement une<br />

place à part. Quoique déchue de son ancienne prospérité (3) et<br />

bien que sa population eût depuis quelque temps très sensible-<br />

(1) Exploration scientifique de l'Algérie II. Recherches sur la Géogra<br />

phie et le Commerce de l'Algérie méridionale par E. Carette, Paris 1843.<br />

(2) La « nation française » à Alger ne dépassa pas aux XVIIe et<br />

XVIIIe siècles une vingtaine de personnes. Elle en comprenait 120 en 1800.<br />

(3)<br />

En 1825, dernière année où la marine algérienne conserva sa


— — 23<br />

ment diminué, elle demeurait un centre relativement actif<br />

de production et de consommation et un entrepôt important.<br />

M. R. Lespès, dans son Esqtdsse de géographie urbaine sur<br />

Alger (1),<br />

en présente en ces termes le tableau pittoresque<br />

et précis : « L'immigration des Maures d'Espagne, à la fin du<br />

XVIe siècle et au commencement du XVIIe,<br />

peupla la ville d'un<br />

grand nombre d'artisans dont Haëdo énumère les professions<br />

d'arquebusiers, fabricants de poudre, serruriers, charpentiers,<br />

maçons, tailleurs, cordonniers, potiers, merciers, éleveurs de vers<br />

à soie. Les Juifs étaient spécialisés dans les métiers de tailleurs,<br />

de bijoutiers en corail, d'orfèvres et de frappeurs de monnaie.<br />

Les renégats se livrèrent de préférence aux professions touchant<br />

à la marine. En 1623, Grammont dénombrait à Alger 80 maîtres-<br />

forgerons, 180 couteliers, plus de 1.200 tailleurs, 3.000 tisserands,<br />

600 personnes élevant les vers à soie et 200 tissant la soie.<br />

Toutes ces industries existaient encore au XVIIIe siècle. A l'épo<br />

que où écrivait le Dr<br />

Shaw, en 1738, les Kabyles apportaient<br />

à Alger du fer en barre pour les ouvriers de la ville,<br />

et des<br />

ateliers des tisserands sortaient des étoffes de soie, des taffetas<br />

et même des velours. A la fin du siècle, Venture de Paradis<br />

mentionne comme produits fabriqués à Alger, à côté des toiles<br />

grossières faites avec le lin du pays, des rubans de soie de<br />

toutes couleurs, dont il vante la beauté, des ceintures de soie<br />

lamées d'or et d'argent exportées dans toute la Barbarie et dans<br />

le Levant, des calottes ou bonnets de laine (« chachiya » ou<br />

« chéchia » des hommes et « sarma » des femmes) du reste<br />

inférieurs à ceux de Tunis, des maroquins dont on fait des<br />

babouches, des portefeuilles, des gibecières brodées,<br />

pour le<br />

liberté d'action, elle n'était plus forte que de quatorze navires de diverses<br />

grandeurs portant 320 à 336 canons. En 1830, les Français ne trouvèrent<br />

plus dans le port d'Alger que 11 navires et une vingtaine de chebeks. Ces<br />

bâtiments ne sortaient plus depuis quatre ans par suite du blocus. Ils<br />

étaient en très mauvais état. On fut même obligé de démolir la frégate<br />

et une des corvettes qui servirent de combustible aux soldats (Elie de<br />

la Primaudaie, Le commerce et la navigation de l'Algérie avant la con<br />

quête française, 1861).<br />

(1) Alger, Esquisse de géographie urbaine par R. Lespès, Alger, Maison<br />

Cf. également: Voyage dans la Régence d'Alger<br />

Jules Carbonel, 1925. —<br />

par M. Rozet, capitaine au corps royal d'état-major, ingénieur géographe<br />

de l'armée d'Afrique. Paris 1833, et l'Algérie dans la littérature française,<br />

par Charles Tailliart, recteur de l'Académie d'Alger. Paris, Champion, 1925.


- 24<br />

—<br />

paya même ou pour i'Oiïcnt. En 1830,<br />

diverses industries encore vivantes,<br />

nous avons trouvé ces<br />

sinon prospères.<br />

« Outre les petits métiers inhérents à toute agglomération<br />

indigène que nous laissons de côté ici,<br />

on pratiquait en effet<br />

le tissage du lin, du fil d'agave, de la laine, de la soie ; on<br />

brodait sur étoffe des robes, des pantalons, des vestes, et sur<br />

cuir des bourses, des sandales, des ceinturons de sabre, des har<br />

nachements ; on tissait quelques tapis et beaucoup de nattes<br />

de jonc ; on teignait à la gaude, au bois de campêche, à l'indigo,<br />

à l'écorce de grenade et à la couperose ;<br />

on tannait à l'écorce<br />

de chêne-vert ou de grenadier ; on travaillait le fer blanc ; on<br />

forgeait des lits de parade ; on fondait le bronze,<br />

on faisait de<br />

la serrurerie fine, de la menuiserie délicate, des coffres, des<br />

étagères, on confectionait des tonneaux, on tournait la corne,<br />

on fabriquait au faubourg Bab-Azoun des pipes en terre, au<br />

faubourg Bab-el-Oued des poteries grossières, des briques et<br />

de la chaux. La ville avait même, à l'intérieur de ses murs, ses<br />

moulins à farine, dont les meules étaient tournées par des mulets<br />

ou des chameaux et, hors de l'enceinte, il avait existé peu d'an<br />

nées auparavant, sur le petit plateau des Tagarins, des moulins<br />

à vent. On en vit encore pendant quelque temps après notre<br />

occupation, au delà de la porte Bab-el-Oued,<br />

mer. »<br />

sur le bord de la<br />

Si diminuée que fût la population d'Alger, elle groupait encore<br />

en 1830 environ 18.000 Maures ou Koulouglis, 4.000 Turcs, 2.000<br />

nègres, 1.000 Berbères ou Arabes et 5.000 Juifs, soit en tout<br />

environ 30.000 habitants (1), ce qui était suffisant pour ali<br />

menter un assez large commerce de consommation locale,<br />

(1) Le capitaine Barchou de Penhoën, traçant la physionomie d'Alger<br />

au moment de l'entrée des troupes, donne cette indication : « Un grand<br />

nombre d'étrangers se trouvaient à ce moment à Alger. Les uns arri<br />

vaient d'Alexandrie ; c'étaient, en général, de ces conspirateurs libéraux<br />

qui, ne pouvant vivre sous l'oppression de la Charte, s'en étaient allés res<br />

pirer l'air pur à l'aise, sous la domination du pacha d'Egypte ; d'autres<br />

arrivaient de Grèce où les avait conduits leur alors en<br />

vogue, d'autres venaient de Constantinople, où les avait attirés la marche<br />

victorieuse des armées russes. On les leurrait de l'espoir d'un vaste<br />

bouleversement. D'autres enfin venaient de Smyrne ou de Saint-Jean<br />

d'Acre, ou de Damas, ou de Tunis, ou du Maroc. » (Cf. Feuillets d'El-<br />

Djezaïr, 5- vol. 1913, page 82. M. Klein, secrétaire général du Comité du<br />

Vieil Alger.)


— — 25<br />

approvisionné de denrées comestibles par les régions entourant<br />

Alger, et de marchandises d'utilisation courante,<br />

par ces mêmes régions et par les artisans de la ville,<br />

non seulement<br />

mais par<br />

le reste du monde, grâce à un commerce extérieur régulier, qui<br />

avait remplacé la course, principale industrie de la Régence quel<br />

ques années auparavant.<br />

De plus, Alger servait à des titres divers d'entrepôt<br />

de marchandises ; les produits importés et les produits expor<br />

tés y séjournaient comme dans tout port ; il y étaient emmaga<br />

sinés plus ou moins longtemps par les négociants ; les prises<br />

des corsaires s'y<br />

accumulaient avant d'être dispersées. Enfin<br />

Alger était le siège d'un gouvernement dont le chef monopolisait<br />

en fait le trafic des denrées essentielles ; une grande quantité<br />

de marchandises étaient conservées en réserve et réunies dans<br />

les annexes des palais du Dey lui-même. Nos troupes,<br />

en entrant<br />

à Alger, firent à cet égard d'intéressantes constatations. La<br />

Casbah contenait, outre le trésor, des quantités de laine, de<br />

peaux, de cire, de plomb et de cuivre ; dans les magasins de la<br />

marine se trouvaient du blé, du sel, de la toile, etc... . (1) Beau<br />

coup de ces marchandises s'étaient d'ailleurs accumulées depuis<br />

que le blocus rendait pratiquement impossible leur exportation.<br />

L'organisation du commerce algérien avait un caractère encore<br />

primitif. Les métiers étaient groupés par corporations ayant à<br />

leur tête un amin responsable de l'ordre, et du paiement des<br />

taxes dues par elles (2). La justice des Deys était très brutale.<br />

La bastonnade était administrée aux vendeurs à faux poids ;<br />

en cas de récidive, le marchand était cloué par une oreille<br />

à la porte de sa boutique. Parfois, le délinquant subissait le<br />

supplice du poignet coupé (3). Laugier de Tassy, dans son<br />

Histoire du Royaume d'Alger (4), rapporte que les banquerou-<br />

(1) Il existait en stock 6.918 quintaux de laine dans les édifices publies<br />

tels que le Dar Seuf ou maison de la laine.<br />

(2) Les Biskris, spécialisés comme portefaix, formaient une corporation<br />

spéciale, ainsi que las Nègres, les Kabyles, les Mozabites et les Laghouatis.<br />

(3) Le chirurgien Bach-Djerrah y procédait encore en 1830. La section<br />

on trempait, pour arrêter l'hémorragie, la partie mutilée dans un<br />

faite,<br />

vase rempli de goudron bouillant. La main enlevée était suspendue au<br />

cou du supplicié qu'on forçait ensuite à monter à rebours sur un âne et<br />

qu'on promenait ainsi à travers la ville.<br />

(4) La Haye 1725.


LE CRÉDIT<br />

ET LE<br />

COMMERCE<br />

INTÉRIEUR.<br />

— — 26<br />

tiers étaient punis de mort : « Les Turcs coupables de banque<br />

route sont étranglés, les Maures pendus, les Juifs brûlés à l'égal<br />

des chrétiens, leur consul ou la nation sont forcés de payer<br />

pour eux. On appelle « banqueroutiers » ceux qui se sauvent<br />

sans payer. Ceux qui ne peuvent pas satisfaire à leurs créanciers,<br />

doivent s'abandonner à leur discrétion avec tout ce qu'ils ont,<br />

pour ne pas se rendre coupables. »<br />

Dans de telles conditions, la confiance,<br />

qui est la base du cré<br />

dit, était exclue des transactions et tout l'appareil de contrainte<br />

qui devait y suppléer était insuffisant pour assurer le dévelop<br />

pement de larges pratiques bancaires.<br />

*<br />

Le commerce était assez actif entre les villes de la côte et<br />

l'intérieur,<br />

c'est-à-dire entre le Nord et le Sud. Le mouve<br />

ment était moindre entre l'Est et l'Ouest,<br />

des produits,<br />

parce que la nature<br />

ne présentant pas la même variété qu'entre ceux<br />

provenant de latitudes différentes,<br />

l'échange,<br />

n'appelait pas par elle-même<br />

et que chacune des réglons avait son débouché sur la<br />

mer, par Alger,<br />

Les rapports entre Constantine et Alger n'en étaient pas moins<br />

réguliers,<br />

et Alger (1),<br />

par Bône ou Bougie et par Oran.<br />

et plus développés que ceux qui existaient entre Oran<br />

mais ils étaient assez peu importants pour qu'en<br />

juillet 1818, l'agent des concessions françaises à Bône écrivît au<br />

directeur principal de ces concessions à Marseille, en lui deman<br />

dant de lui expédier du numéraire : « Pour faire du commerce,<br />

il faut de l'argent. Le commerce d'Alger avec Constantine ne<br />

peut jamais y suffire. » (2).<br />

Le commerce intérieur, sur l'importance duquel, faute de<br />

documentation satisfaisante, il est difficile d'Cti'e fixé d'une<br />

façon précise, n'apparaît donc pas comme ayant nécessité large<br />

ment le concours du crédit,<br />

ni même celui de capitaux impor<br />

tants. Les ressources que pouvaient lui assurer les colporteurs<br />

(1) La région d'Oran, réputée pour ses céréales, vendait ses produits aux<br />

Sahariens. Le surplus ne tarda pas à être acheté par les Anglais, installés<br />

à Gibraltar depuis le début du XVIIIe siècle.<br />

(2) Archives départementales des Bouches-du-Rhône. M. 14.178.


— 27<br />

kabyles, les négociants maures, les grands chefs arabes, les<br />

Mozabites et les Israélites, étaient suffisantes.<br />

Les tendances mêmes de la religion musulmane ne venaient-<br />

elles pas au surplus accentuer la résistance que l'état économique<br />

du pays opposait à ceux qui eussent été tentés d'y développer<br />

le crédit ? A cette époque et dans l'état primitif où se trouvait<br />

le négoce en Afrique du Nord, le crédit ne pouvait guère appa<br />

raître que sous la forme rudimentaire du prêt direct, et le prêt<br />

se confondait alors si facilement avec l'usure, que la religion<br />

musulmane, comme la religion chrétienne à ses débuts, en<br />

condamnant l'usure, a paru interdire le prêt à intérêt : « Ceux<br />

qui avalent le produit de l'usure se lèveront au jour de la résur<br />

rection comme celui que Satan a souillé de son contact. Et cela<br />

parce qu'ils disent : l'usure est la même chose que la vente.<br />

Dieu a permis la vente, il a interdit l'usure. » (1).<br />

Cet anathème condamnait surtout les pratiques dont étaient<br />

victimes ceux qui,<br />

nécessité, étaient contraints de s'y<br />

pour se procurer des denrées de première<br />

soumettre (2). La religion<br />

musulmane proscrivait aussi, pour le même motif, les contrats<br />

aléatoires.<br />

Les nécessités de la vie pratique ne tardèrent pas, il est vrai,<br />

à inspirer aux hommes d'affaires musulmans comme aux juris<br />

consultes eux-mêmes d'habiles solutions qui, tout en respectant<br />

les principes posés,<br />

permirent au crédit de jouer en partie son<br />

rôle en Afrique du Nord. A côté du prêt proprement dit, les<br />

contrats de société (Chirka) et de commande (El Quirad)<br />

consacrèrent, comme les contrats similaires en usage en Europe,<br />

la pratique de l'association du capital et du travail où la parti<br />

cipation aux bénéfices se substituait à l'intérêt. Particulière<br />

ment, le contrat de commande ou la commandite, El Quirad,<br />

consiste dans la remise d'un capital en espèces déterminées (or<br />

et argent) et dénombrées par une personne à une autre, afin de<br />

le faire valoir et sous réserve d'une part dans les bénéfices.<br />

L'origine de ce contrat se confond —<br />

a-t-il<br />

été dit —<br />

avec celle<br />

de l'organisation des caravanes et l'on a pu soutenir que la<br />

(1) Chapitre II du Coran, verset 276.<br />

(2) Cf. L'usure en droit musulman, par Benali Fekar (Paris, Rous<br />

seau, 1908).<br />

L'USURE,<br />

LE PRÊT.<br />

LESCONTRATS<br />

DE SOCIÉTÉ<br />

ET DE<br />

COMMANDE.


SUR GAGE<br />

IMMOBILIER.<br />

— 28<br />

—<br />

part qui revient au droit musulman en ce qui concerne le contrat<br />

de commandite est certaine, sinon absolue (1).<br />

Parfois aussi, le prêt avec intérêt se dissimulait sous la forme<br />

d'un prêt sur gage, en apparence sans intérêt, et facilitait ainsi<br />

les pratiques de l'usure comme il arrive encore trop souvent de<br />

nos jours.<br />

le prêt Le prêt à intérêt s'insinuait également dans le crédit foncier<br />

et agricole et y jouait un rôle généralement néfaste chez les<br />

indigènes. Une des caractéristiques de l'Algérie est malheu<br />

reusement l'irrégularité dans la production agricole ; or, l'esprit<br />

de prévoyance était insuffisamment développé chez des habitants<br />

généralement insouciants et n'observant souvent que la seconde<br />

partie du précepte : « Aide-toi, le ciel t'aidera. » La seule<br />

forme d'épargne pratiquée par l'agriculteur indigène était la<br />

mise du grain en réserve dans des silos ;<br />

elle était favorisée par<br />

les principes mêmes de la religion musulmane, mais elle cons<br />

tituait une forme passive et non active de l'épargne ; et les<br />

indigènes, malgré ces mesures de prévoyance, étaient exposés<br />

à manquer même du nécessaire et plus d'un s'endettait. Le<br />

prêt que leur consentaient les détenteurs de capitaux s'appuyait<br />

sur un gage immobilier. Il pouvait revêtir diverses formes. Les<br />

principales étaient la Rahnia, qui est une sorte d'antichrèse, et<br />

la Tsénia,<br />

qui n'en est guère qu'une modalité. Ces contrats consti<br />

tuaient, en quelque façon, la première forme, d'ailleurs assez<br />

dangereuse, du crédit agricole.<br />

« La Rahnia est la remise de la possession d'un bien faite<br />

pour sûreté d'une obligation, avec attribution au créancier du<br />

droit de retenir ce bien jusqu'à parfait paiement, de le faire<br />

vendre à l'échéance, en cas de non remboursement, et de<br />

se faire payer, par préférence, sur le prix provenant de la<br />

vente. » (2) Dans le rite malékite, qui est celui de la majorité<br />

des musulmans d'Algérie, le créancier prêteur ne peut pas sti-<br />

(1) La Commande (El Quirad) en droit musulman, par Benali Fekar<br />

— (Paris, Rousseau, 1910). Cf. en sens •<br />

contraire, André E. Sayous<br />

Le commerce européen en Tunisie au moyen âge et au début de l'ère<br />

moderne, Paris 1929.<br />

(2) Art. 643 de V'Avant-projet de Code présenté à la Commission de<br />

codification du droit musulman algérien par Marcel Morand, Alger 1916<br />

Voir aussi Etudes de droit musulman algérien du même auteur paie 269<br />

et suiv., Alger 1910. —<br />

« La terre d'Algérie a plié et cédé soûs le poids<br />

de la rahma comme la terre d'Irlande sous le fardeau de l'hypothèque


— — 29<br />

puler qu'il aura droit aux fruits du bien qu'il détient à rahnia.<br />

Malgré cette interdiction, la rahnia donna, bien souvent, en<br />

fait,<br />

au créancier le moyen de légaliser un contrat d'usure et<br />

elle devint même entre ses mains un instrument d'expropriation.<br />

Lorsque survenaient quelques mauvaises récoltes, les agricul<br />

teurs indigènes se trouvaient dépourvus de ressources et tom<br />

baient à la merci des prêteurs à rahnia, toujours aux aguets.<br />

Ceux-ci, une fois en possession du terrain, l'exploitaient sans<br />

souci de l'avenir. Il arrivait même parfois que les héritiers<br />

d'un débiteur, voulant libérer le terrain de leur auteur, voyaient<br />

le possesseur de ce terrain s'en déclarer propriétaire et nier<br />

l'existence de la rahnia. La tsénia,<br />

qui revêtait la forme d'une<br />

vente, permettait à « l'acheteur », bien qu'il n'eût effectivement<br />

qu'un droit de nantissement, de disposer légitimement des fruits<br />

et par suite elle produisait, en les aggravant, les mêmes effets.<br />

Ces contrats de prêt foncier se tournaient donc trop souvent<br />

contre les agriculteurs eux-mêmes, et l'usure opérait aussi libre<br />

ment sur la propriété rurale que sur la propriété urbaine, sur<br />

les biens immobiliers que sur les biens meubles. Malgré les<br />

prescriptions de la religion, elle était la plaie du pays ; elle<br />

prenait les formes les plus insidieuses ou les plus brutales, selon<br />

les circonstances ; c'était un mal ancien, un mal oriental, dont<br />

la virulence est attestée par l'énergie même de la condamnation<br />

que le prophète avait dû prononcer contre lui.<br />

A l'étreinte de l'usure,<br />

*<br />

* *<br />

et par voie de conséquence aux obli<br />

gations découlant des prêts même non usuraires, le débiteur<br />

essayait souvent d'opposer l'inertie, la mauvaise foi et il se<br />

couvrait par l'insolvabilité. Aussi, pour mettre quelque sécurité<br />

dans les transactions et réglementer en quelque sorte le crédit,<br />

certaines pratiques s'étaient introduites dans l'intérêt du débi<br />

teur autant que dans celui du créancier.<br />

Des actes étaient rédigés pour constater l'existence des dettes.<br />

Quand on a constaté la propriété privée en Algérie, on a à chaque pas<br />

rencontré la rahnia. C'est par la rahnia que quelques familles détenaient<br />

une si grande quantité de terres. » (Charles Benoist : Enquête algérienne,<br />

Paris, Lecène, 1892.)<br />

LES ECRITS<br />

CONSTATANT<br />

L'EXISTENCE<br />

DES DETTES.


- 30<br />

-<br />

La rédaction de tels actes était conforme aux prescriptions de<br />

la religion musulmane, car le Coran engage à diverses reprises<br />

les croyants à constater leurs dettes par écrit (1). A titre<br />

d'exemple,<br />

nous pouvons citer le texte du reçu d'un rembourse<br />

ment de prêt sur gage, d'ailleurs gratuit, effectué en 1811, par<br />

la corporation de La Mecque et Médine. Bien que ce prêt, accordé<br />

à un Turc de la milice, c'est-à-dire à un membre de la caste<br />

aristocratique de la Régence, présente un caractère particulier<br />

et soit sans doute exceptionnel, il n'en constitue pas moins une<br />

référence à la pratique du prêt sur nantissement ; à cet égard,<br />

il est intéressant de le noter : « Après que l'honorable Abder-<br />

rahmann le Turc, Khobotli de naissance, eût reçu sur les fonds<br />

des deux villes saintes, à titre de prêt gracieux, la somme de<br />

460 réals draham serar, et qu'il eût déposé entre les mains des<br />

administrateurs une sarma en or appartenant à la dame Kanis<br />

bent El Hadj Ali,<br />

pour qu'elle soit conservée par eux en nantis<br />

sement de la dite somme jusqu'à ce qu'il ait remboursé la totalité<br />

dudit prêt..., ce qui se passait antérieurement à la date du présent<br />

dans les derniers jours du mois de Safar de l'année 1226 (du 17<br />

au 25 mars 1811)<br />

et est consigné sur les registres des deux villes<br />

saintes susdites... » (suit la constatation du rembourse<br />

ment) (2).<br />

On trouve dans ce texte l'indication de la nature juridique<br />

du prêt et de la constitution d'un gage appartenant à un tiers<br />

et, enfin, la référence à un acte écrit constatant le contrat.<br />

Il ne semble pas toutefois que les effets de commerce, soit sous<br />

la forme primitive de simples écrits constatant les dettes et les<br />

créances, soit sous celle de billets à ordre et lettres de change,<br />

aient été employés, à l'intérieur du pays, comme instruments de<br />

crédit. Le commerce local, les échanges de région à région<br />

n'étaient pas assez développés pour entraîner une circulation<br />

d'effets de commerce. Le troc et la monnaie métallique étaient<br />

les moyens normaux de règlement du commerce intérieur.<br />

(1) « O vous qui croyez, lorsque vous contractez une dette payable à<br />

une époque fixe, mettez-la par écrit. Ne dédaignez pas de mettre par écrit<br />

une dette, soit petite ou grande, en indiquant l'époque du payement ><br />

(Verset 282, chapitre IL)<br />

(2) A. Devoulx : Notice sur les corporations religieuses d'Alaer p 26<br />

Alger, 1882.


- :it<br />

*<br />

* *<br />

Le commerce extérieur de la Régence avait décliné depuis LE commerce<br />

de longues années et, en particulier, il n'avait pas une très<br />

grande importance à Alger même qui,<br />

ainsi que le dit M. Paul<br />

Masson, resta « une échelle secondaire comparée aux échelles<br />

du Levant, la moins active de celles de Barbarie, après Tri<br />

poli » ; Oran, Bône et le Bastion de France tenaient une place<br />

plus considérable dans le mouvement des échanges avec l'exté<br />

rieur. Peu d'armateurs étrangers étaient disposés à courir le<br />

risque de rencontrer les reïs avant d'arriver au port, de leur<br />

disputer la route, de ne pouvoir obtenir le paiement de leurs<br />

marchandises, d'avoir à supporter des avanies, des exactions de<br />

toute nature, après avoir payé à la Régence 40 piastres de droit<br />

d'ancrage et 12 % de droits d'entrée (1).<br />

Pendant longtemps, on le sait,<br />

ce fut la Course qui anima<br />

le port d'Alger, enrichit ses nabitants, fit de la ville un marché,<br />

où, sans ordre, au hasard des prises, se vendaient : bois de<br />

constructions, bateaux capturés, armes, soieries, draps, coton<br />

nades, épices, vins, bières, huiles, viandes et poissons salés,<br />

lingots d'or et d'argent, espèces monnayées, sans parler des<br />

esclaves chrétiens qui faisaient l'objet d'un double trafic, au<br />

moment de leur prise et au moment de leur rédemption, effectuée<br />

par les ordres religieux ou par l'intermédiaire des Juifs.<br />

Les produits du pays : cuir, cire, laine, plumes d'autruche,<br />

tissus indigènes, denrées alimentaires (huiles, grains, raisins<br />

secs, figues, dattes)<br />

tation ;<br />

pouvaient constituer des éléments d'expor<br />

mais ils étaient peu importants et le commerce n'en<br />

était, en général,<br />

pas libre. On évalue au chargement d'une<br />

quinzaine cle bateaux au plus les marchandises exportées vers<br />

Marseille, Gênes ou Livourne qui entretenaient avec Alger des<br />

rapports constants. En 1789, Venture de Paradis compte moins<br />

de quatre-vingts bateaux entrant dans le port d'Alger, dont<br />

trente espagnols, trois de Livourne, trois de Turquie et d'Alexan<br />

drie ;<br />

mais seules comptent les marchandises importées de<br />

(1) Eugène Plantet : Correspondance des Deys d'Alger avec la Cour<br />

— de France, tome I, introduction. Paris, Alcan, 1889.<br />

extérieur.


— — 32<br />

Marseille, de Livourne et du Levant, pour un total d'environ<br />

deux millions de livres, dont la moitié venant de Livourne.<br />

Dans un mémoire sur le commerce du Levant et de Barbarie<br />

et sur celui de la Mer Noire, adressé au ministre de l'Intérieur,<br />

le 8 pluviôse, an X, par le Conseil d'Agriculture, Arts et Com<br />

merce, séant à Marseille (1),<br />

on trouve une évaluation sensi<br />

blement égale. « Les retraits s'étaient élevés en 1786 et 1789<br />

à plus d'un million de francs chaque année,<br />

et les autres années<br />

ils n'avaient pas été moindres de 5 à 600.000 francs,<br />

et même<br />

ils étaient allés plus haut. Les envois en marchandises n'avaient<br />

jamais été portés jusqu'à 600.000 francs et presque toujours<br />

ils étaient de 3 à 400.000 francs. » Ce même mémoire donne,<br />

l'indication que<br />

d'après les livres de la Compagnie d'Afrique,<br />

cette Compagnie envoyait annuellement dans ses concessions<br />

8 à 900.000 francs en piastres ou autres espèces étrangères et<br />

qu'elle expédiait 25 à 30 bâtiments, « les retraits en corail, blé,<br />

légumes, laines, cire et cuirs allant à peu près à 1 million ». Mais<br />

peu à peu cette activité diminua et, en 1817-1818, l'agence de<br />

Bône des concessions d'Afrique avait à peine exporté en 18 mois<br />

127 balles de coton, 40.000 petits cuirs salés et environ 100 quin<br />

taux de cire. Le directeur des Concessions était alors assez<br />

découragé et il écrivait au consul de France à Livourne : « Les<br />

céréales de ces contrées ne pourront plus lutter,<br />

même dans les<br />

années d'abondance, ou que très désavantageusement, contre<br />

celles de la Mer Noire qui leur sont supérieures et coûtent<br />

moins. » (2).<br />

Le consul de France écrivait à la fin de 1826 : « La nullité<br />

d'objets d'exportation de ce pays oblige le commerce à expor<br />

ter en Europe beaucoup d'or monnayé,<br />

qui n'est remplacé<br />

que partiellement par la poudre d'or de l'intérieur de l'Afrique,<br />

ce qui appauvrit sensiblement le pays. Aussi remarque-t-on le<br />

commerce d'Europe diminué considérablement. Déjà celui de<br />

Marseille est actuellement réduit et tous les naturels de ce pays<br />

l'ont abandonné. M. Paret le soutient encore quoique faiblement.<br />

Pendant le second quartier de cette année, un seul bâtiment<br />

(1) Archives modernes de la Chambre de Commerce de Marseille. Dos<br />

sier commerce du Levant et de Barbarie. Mémoire imprimé.<br />

(2) Archives départementales des Bouches-du-Rhône. M. 14.170.


— — 33<br />

parut à Alger avec un misérable chargement de la valeur de<br />

55.000 francs qui, même,<br />

n'a pas eu encore ici son entier écou<br />

lement, et pendant le cours de celui-ci, il n'en a paru aucun.<br />

Le commerce de l'intérieur de ce pays tombe en ruines par les<br />

exactions de toute espèce des gouverneurs ou commandants<br />

turcs ou arabes : ils ne consomment plus que des objets de<br />

première nécessité. » (1).<br />

*<br />

De plus, le commerce extérieur de la Régence avait cessé<br />

d'être entièrement libre. Dès le XVIIIe<br />

siècle, Shaw signale qu'il<br />

se fait « une si grande consommation d'huile dans le pays, parti<br />

culièrement dans le royaume d'Alger,<br />

qu'il est rarement permis<br />

d'en vendre aux chrétiens pour la transporter ailleurs ».<br />

Peuchet,<br />

publiant en 1826 l'ouvrage de Raynal : L'Histoire<br />

philosophique et politique des établissements et du commerce<br />

des Européens dans l'Afrique Septentrionale,<br />

constate aussi<br />

ce fait : « Le commerce d'Alger est peu considérable, il est<br />

presque tout entre les mains des Juifs. Le grain se vend à bas<br />

prix parce qu'aucune partie n'en peut être exportée sans une<br />

permission écrite et munie du sceau du Dey ; une pareille licence<br />

est également nécessaire pour pouvoir vendre au dehors du pays<br />

des huiles dont on y récolte cependant une grande abondance. »<br />

Dans le dessein ou sous le prétexte d'éviter une insuffisance<br />

de denrées alimentaires livrées à la consommation locale et de<br />

conjurer ainsi la famine, les deys réglementèrent les exporta<br />

tions et se firent livrer certaines marchandises. Ils trouvèrent<br />

bientôt dans ce régime des avantages d'ordre pécuniaire com<br />

pensant le déficit qui se produisit dans le rendement de la Course.<br />

Ils accaparèrent peu à peu certains produits et en monopoli<br />

sèrent la vente à leur profit : blé, huile, laine, cuirs, cire et sel<br />

étaient les principales denrées sur lesquelles s'exerçait leur<br />

monopole et qu'ils revendaient avec des bénéfices atteignant<br />

parfois, disait-on, 50 à 60 % (2). Ils vendirent des licences ou<br />

(1) Archives des Affaires étrangères, Algérie, tome I, Commerce du<br />

3" trimestre 1826.<br />

(2) « Le Dey d'Alger était le premier marchand de ses Etats », dit<br />

Rozet (op. cit. tome III, page 57).<br />

Venture de Paradis nous donne les renseignements suivants : « Le<br />

LES<br />

MONOPOLES<br />

DU DEY<br />

ET LES<br />

CONCESSION<br />

NAIRES<br />

DE<br />

MONOPOLES.


- 34<br />

—<br />

des monopoles d'exportation à de grandes compagnies et à des<br />

négociants particuliers. Les Anglais eurent un moment le pri<br />

vilège d'acheter les grains et les huiles, en échange des munitions<br />

de guerre introduites à la fin du XVIe siècle (1) ; puis, les<br />

Hollandais, qui fournissaient la marine algérienne, jouirent de<br />

privilèges analogues.<br />

De son côté, la France occupa dans le commerce de la Régence<br />

une situation exceptionnelle dont l'origine était fort ancienne.<br />

Dès 1478, quelques Provençaux se fixèrent, dit-on,<br />

sur les<br />

confins de la province de Constantine et du royaume de Tunis,<br />

et obtinrent des cheiks indigènes le privilège exclusif de la pêche,<br />

ainsi que la cession d'un territoire étendu<br />

de Tabarka à Bougie,<br />

de dix lieues de côtes, moyennant certaines redevances. Ce droit<br />

territorial désigné dans la suite sous le nom de « Concessions<br />

d'Afrique » aurait été le point de départ des relations de la<br />

France avec la Régence d'Alger (2). C'est pour jouir du privi<br />

lège qui aurait été ainsi réservé à notre pays,<br />

qu'une petite<br />

association de négociants marseillais, dont quelques-uns d'ori<br />

gine corse (3),<br />

au souvenir de laquelle demeurent attachés les<br />

noms de Thomas Lincio et de Carlin Didier, —<br />

vint en 1560 ce<br />

Beylik vend la laine d'Alger à qui lui plaît... Le Beylik achète la laine<br />

à 8 piastres la vend à 10... Les cuirs sont entre les mains d'un Vekil Khradj<br />

qui les afferme du gouvernement... Le Beylik achète la cire à 60 pataquès-<br />

chiques et la revent à 163. » Et il ajoute en note : « La cire à Alger<br />

est accaparée par le Beylik ; les gens de la campagne sont obligés de la<br />

lui porter et le BeyliK la, paye à raison de 60 pataquès. On la reçoit et<br />

on l'emmagasine dans la maison du Dey ; c'est le Khasnadji qui la paie.<br />

Il y a peine de mort pour celui qui en fait la contrebande. Il est cepen<br />

dant permis aux particuliers d'en acheter pour leur usage. » (Alger au<br />

XV 111°<br />

siècle, Alger, Jourdan, 1898).<br />

(1) Shaw note que, vers le milieu du XVIII'<br />

siècle, les marchands<br />

anglais exportaient d'Oranie 7 à 8.000 tonnes de grains. Le port d'Arzew<br />

cr.pédiait annuellement 250 à 300 cirgaisons de blé. Les Anglais étaient<br />

tellement habitués à sa livrer à des expéditions de blé oranais, surtout<br />

pour Gibraltar, qu'ils cherchèrent à en monopoliser le trafic dans les<br />

première années de l'occupation française (Démontés : L'Algérie éco<br />

'<br />

nomique, tome III, p. 76.)<br />

(2) E. — Plantet, op. cit., introd. Paul Masson ne confirme pas<br />

l'opinion de Plantet : « ...Il n'est pas impossible, dit-il, que dès le XV<br />

siècle, les Marseillais aient tenté de faire des établissements stables pour<br />

la traditionnelle pêche du corail sur la côte d'Alger ou de Tunis mais<br />

on n'en a aucune preuve positive...» (Histoire barbaresque (15G0-1793) Mh<br />

Paris, Hachette, 1903, p. 3 et suiv.).<br />

(3) Voir Bulletin de propagande d'organisation du quatrième cente<br />

naire du Bastion de France n°<br />

9, 16 août 1929, Alger.


qui est un fait indiscuté —<br />

- 35<br />

—<br />

construire sur le rivage un premier<br />

établissement qu'on appela le Bastion de France.<br />

Un peu plus tard, le cardinal de Richelieu chargea le capitaine<br />

Sanson Napollon de négociations avec le Dey, et celles-ci s'ache<br />

vèrent par le traité de 1628 aux termes duquel étaient « donnés<br />

bastion et eschelles de Bônes, au roy cle France,<br />

« Le capitaine Sanson Napollon, était-il spécifié,<br />

avec pesches ».<br />

en sera le chef<br />

et commandera les dites places sans que l'on en puisse mettre<br />

un autre. Néanmoins, après son décès, le roy y<br />

pourra pourvoir<br />

d'autres personnes. » Malgré la cession au roi, fait remarquer<br />

M. Masson,<br />

« le contrat était surtout fait avec un particulier »<br />

et jusqu'à la fin du règne de Louis XIV, les gouverneurs du<br />

Bastion semblèrent devoir leur situation surtout à la faveur<br />

du Dey et du Divan. « Guillaume Marcel, le négociateur du traité<br />

de 1689, reçut encore du Dey la concession du Bastion, mais<br />

c'était déjà un officier du roi... Après lui, les directeurs de La<br />

Calle, nouveau centre de nos établissements, furent toujours<br />

désignés uniquement par le gouvernement royal, ou par les com<br />

pagnies » auxquelles le gouvernement affermait nos comptoirs.<br />

Ce fut quelque temps la Compagnie des Indes (1719-1730) et,<br />

à la fin de l'ancien régime, la Compagnie Royale d'Afrique, dont<br />

la Révolution respecta d'abord la situation et qui ne fut rem<br />

placée qu'en 1794 par l'Agence Nationale d'Afrique. Ces com<br />

pagnies se livraient, non seulement à la pêche du corail, mais<br />

à un commerce actif,<br />

des céréales.<br />

A Alger,<br />

portant particulièrement sur l'exportation<br />

où la compagnie concessionnaire n'avait aucun pri<br />

vilège, quelques commerçants français s'étaient établis. On y vit<br />

longtemps les trois mêmes représentants de maisons de Marseille,<br />

Gimon, Meifrun et Crest ;<br />

en 1787. D'un côté,<br />

celui-ci finit par faire banqueroute<br />

ces marchands faisaient concurrence à la<br />

Compagnie d'Afrique dans les ports de Constantine (1) ; de<br />

l'autre, la Compagnie disputait à ces trois négociants le com<br />

merce d'Alger même.<br />

Après la Révolution,<br />

au cours de laquelle nos concessions<br />

périclitèrent, celles-ci furent accordées aux Anglais et, quand<br />

(1) Dans le passif de Crest figurait une somme de 57.000 livres due au<br />

Bey de Constantine pour un chargement de blé.


,<br />

- 36<br />

-<br />

elles nous furent rendues en 1817, nous eûmes beaucoup de<br />

difficultés à les réorganiser. A Alger, il n'y avait plus qu'un<br />

seul établissement français dirigé par M. Paret, agent de l'im<br />

portante maison Benausse, de Marseille, et c'est ce négociant,<br />

ou plus exactement la société qu'il fonda avec quelques parents<br />

ou amis,<br />

qui fut chargé d'exploiter nos comptoirs de La Calle<br />

et de Bône à partir du 1er janvier 1822 (\).<br />

les En dehors de Marseille, dont le rôle, dans les relations de<br />

livournais.<br />

*<br />

* *<br />

la France avec la Régence, fut prédominant (2), Livourne tint<br />

— on l'a vu —<br />

une<br />

très grande place dans le commerce extérieur<br />

d'Alger et, d'une façon générale, dans celui de toute la côte. Ce<br />

port,<br />

où s'étaient rassemblés des Juifs espagnols et portugais<br />

et des Maures chassés de la péninsule ibérique, devint rapide<br />

ment le grand entrepôt des marchandises réexpédiées d'Alger<br />

après les prises des corsaires. Dès la fin du XVIIe siècle des<br />

Juifs d'Europe, des Juifs « francs », étaient venus à Alger, en<br />

particulier de Livourne. Ils étaient placés par les capitulations<br />

sous la protection du consul de France. Ils ne tardèrent pas à<br />

prendre dans la Régence des situations prépondérantes, resser<br />

rant les liens d'affaires entre les deux villes. Alger offrait à<br />

l'habileté, au sens commercial particulièrement aiguisé, à l'esprit<br />

d'intrigue de ces négociants, un champ fertile où ils pouvaient<br />

déployer les ressources de leur intelligence, en profitant de<br />

l'absence d'organisation bancaire et de crédit qui, avec l'avidité<br />

de tous les fonctionnaires du Beylick, caractérisait la Régence.<br />

Peu à peu certains d'entre eux s'insinuèrent dans les bonnes<br />

grâces des deys et des beys, auxquels ils rendaient d'opportuns<br />

services ; ils devinrent les principaux exportateurs de blé, dont<br />

ils monopolisèrent en quelque sorte le commerce.<br />

(1) Paul Masson : A la veille d'une conquête. Concessions et Compagnie<br />

d'Afrique. 1800-1830. Comité des travaux historiques. Bulletin de géogra<br />

phie historique et descriptive, 1909.<br />

(2) Lors de la création du consulat de France à Alger, en 1564, c'est<br />

un Marseillais que le roi de France nomma consul. Le dernier consul,<br />

Pierre Deval, n'était pas Marseillais, mais il avait été élevé, de 1774<br />

à 1779, en qualité de jeune de langue, aux frais de la Chambre de com<br />

— merce de Marseille. (Cf. Raoul Busquet : Les origines du consulat de<br />

— la nation française à Alger. Marseille 1927).


f-'x vB'"ig<br />

' vnmz\$S''<br />

Incendie de l'Etablissement français de La Calle<br />

18 juin I8a5


— — 37<br />

Puissants négociants, ils furent en même temps, pour les<br />

besoins de leur négoce, de puissants banquiers, qui n'ignoraient<br />

rien du mécanisme du crédit selon les méthodes en usage en<br />

Europe. C'étaient eux, notamment, qui effectuaient le règlement<br />

du solde de la balance commerciale de la Régence, par des expé<br />

ditions de monnaies ou de lingots entre Marseille et Livourne<br />

d'une part, et Alger d'autre part . (1) Ils<br />

n'avaient naturellement<br />

recours à ces envois qu'à défaut d'autres moyens de règlement,<br />

notamment de lettres de change, qu'ils étaient mieux que d'au<br />

tres en situation d'utiliser,<br />

grâce aux correspondants avec<br />

lesquels ils étaient en rapports aux agences ou maisons qu'ils<br />

possédaient eux-mêmes en Europe, en Asie, en Afrique, sur<br />

toutes les côtes de la Méditerranée (2) .<br />

« Les opérations de banque et de commerce étaient presque<br />

exclusivement dans les mains des Israélites », dit Haddey, dans<br />

le Livre d'or des Israélites (3),<br />

et il ajoute : « Quelques mai<br />

sons européennes, la plupart françaises, leur faisaient concur<br />

rence pour le commerce maritime, mais ils restèrent les maîtres<br />

de la situation commerciale. » Il en était de même à Oran :<br />

Isidore Bloch remarque que parmi les opérations relatées dans<br />

les livres du vice-consulat d'Espagne, les deux tiers au moins<br />

appartiennent aux Israélites (4).<br />

La situation privilégiée que s'étaient créée ces grands négo<br />

ciants israélites dénotait de leur part une réelle habileté, car,<br />

d'une façon générale, les Juifs algériens étaient maintenus par<br />

les Turcs et les Maures dans une sorte d'exil intérieur,<br />

où ils<br />

devaient supporter, dans un silence résigné, les humiliations et<br />

la misère. Les noms de ces grands négociants livournais furent<br />

bientôt connus du monde entier et l'histoire en garde le souvenir.<br />

Les Bouchara, les Bacri, les Busnach ont dominé la vie écono-<br />

(1) A la veille de notre occupation, la balance étant déficitaire pour<br />

l'Algérie, les expéditions ne se faisaient guère que dans un sens, ainsi<br />

qu'il résulte de l'examen des chargements de groups de tous les navires<br />

à destination ou en provenance des deux ports européens.<br />

(2) Busnach et Bacri avaient des agences, notamment à Carthagène,<br />

Marseille, Gênes, Livourne, Naples, Smyrne, Alexandrie, Tunis.<br />

(3) Alger 1892.<br />

(4) Les articles qui formaient le principal objet de ces transactions<br />

étaient le bétail et les céréales, expédiés à Malaga, Carthagène, Alméria,<br />

Algésiras, et surtout Gibraltar.


— — 38<br />

mique et souvent la vie politique d'Alger et de toute la Régence,<br />

à la fin du XVIIIe siècle et au début du XIXe siècle (1).<br />

Ledermann, dans son livre sur les frères de N.-D. de la Merci<br />

et la Rédemption des Captifs,<br />

présente ainsi leur rôle : « Les<br />

Busnach et les Bacri traitaient directement avec les ambas<br />

sadeurs, ne leur permettaient pas de parler au souverain,<br />

nommaient et destituaient les beys, dirigeaient la Course,<br />

fixaient le taux de l'impôt et, en un mot,<br />

rois d'Alger. »<br />

étaient les véritables<br />

Jean Bon Saint-André attribuait, un moment, la diminution<br />

de notre influence en Barbarie à l'accroissement de leur crédit :<br />

« Les Anglais, disait-il, leur doivent l'espèce de faveur, très<br />

précaire dans son principe, mais très réelle dans le fait, dont<br />

ils jouissent. » C'est, par contre, à la bienfaisante influence de<br />

Bacri et de Busnach que les Français arrêtés et envoyés au<br />

bagne par ordre du Bey, le 21 décembre 1798, y<br />

consul et ses employés,<br />

en liberté.<br />

compris le<br />

virent leur sort adouci et furent mis<br />

Quelques-uns abusèrent de leur puissance et en connurent la<br />

fragilité,<br />

comme ce Nephtali Busnach qu'on appelait par ironie<br />

« le gouverneur d'Alger » et qui fut massacré en 1805, dans une<br />

de ces explosions de l'aveugle colère populaire que provoque la<br />

disette contre les « accapareurs » ou les « exportateurs » de<br />

blé,<br />

rendus injustement responsables de la famine.<br />

Jusqu'à la veille de notre débarquement, leur rôle demeura<br />

considérable. Le gouvernement français en profita d'abord, dans<br />

des conditions qu'il est inutile de rappeler ici,<br />

parce qu'elles<br />

sont trop connues (2). Il en fut aussi la victime, comme il est<br />

fatal dans les marchés où l'acheteur est obligé de payer à la<br />

fois la marchandise et le crédit,<br />

qu'avec un unique vendeur.<br />

et ne peut en débattre les prix<br />

(1) Joseph Bacri s'était associé en 1782 avec trois de ses frères, Mardo<br />

chée, Jacob et Salomon, qui habitaient Livourne. La raison sociale fut<br />

« Salomon Cohen Bacri et frères ». Nephtali Busnach, neveu et beau-<br />

frère de Bacri, entra dans la société qui devint « Bacri frères et Bus<br />

nach ». Le chef de la famille Bacri était Michel. Son fils, Jacob, vint s'éta<br />

blir à Marseille, associé à Busnach. Jacob envoya à Paris Simon Aboucaya<br />

comme agent général chargé des affaires du Dey. Tous deux furent, en<br />

1795, enfermés au Temple.<br />

(2) Cf Esquer, La prise d'Alger, ch. I, éditions de l'Afrique latine 1923.<br />

— Grand rabbin Bloch, Inscriptions tumulaires Israélites, Paris 1886.


— 39<br />

*<br />

* *<br />

Le commerce extérieur ainsi organisé et monopolisé ne pou<br />

vait se passer de crédit.<br />

Les banquiers européens, par des ouvertures de crédit, des<br />

commandites ou l'escompte de lettres de change, facilitaient les<br />

transactions entre la Régence d'Alger et le reste du monde.<br />

« Pour les paiements au loin, dit André E. Sayous (1), les mu<br />

sulmans se servirent de bonne heure de méthodes ressemblant<br />

beaucoup à celles qui existèrent un peu plus tard en Europe sous<br />

la forme de lettres de change ; on appelait suftaga le transfert<br />

d'un bien, et plus généralement d'argent, d'une place à une autre,<br />

sans courir le risque de son transport, et il est démontré que les<br />

musulmans pratiquaient ainsi, au Xe siècle, à une époque où l'on<br />

ne connaissait pas encore en Europe la lettre de change. On em<br />

ployait, en pays musulmans, l'hawâla, délégation d'une créance<br />

sur un tiers réalisée généralement par une déclaration des parties<br />

devant un magistrat. En ce cas trois personnes se trouvaient<br />

en cause ; le délégant (muhil), le délégataire (muhtal)<br />

débiteur délégué (muhtal-alaïhi) ...<br />

« ...Si des<br />

et le<br />

méthodes arabes de paiement par délégation ou<br />

transfert de créances semblent avoir été employées avant que<br />

de semblables eussent été adoptées en Europe, il serait encore<br />

plus troublant que le mot hawâla fût, comme on l'a dit, l'origine<br />

du mot avaL désignant chez nous un garant du paiement du fait<br />

d'un endos sur une lettre de change. Sans aborder une discussion<br />

sur ce dernier point,<br />

nous considérons que les transformations<br />

spéciales et compliquées de la lettre de change en Europe prou<br />

vent plutôt une adaptation progressive dans des circonstances<br />

spéciales. »<br />

Toutefois, l'emploi des effets de commerce paraît avoir été<br />

assez restreint dans la Régence d'Alger et,<br />

si le crédit intervenait<br />

sous ses formes les plus évoluées dans les rapports entre négo<br />

ciants des divers pays, les achats et les ventes effectués à<br />

l'intérieur par les négociants exportateurs et importateurs ne<br />

paraissent pas, en général, avoir marqué un caractère différent<br />

de celui que nous avons constaté dans le commerce intérieur.<br />

Si, pour prendre un exemple, nous étudions, de ce point de<br />

(1) E. Sayous, op. cit., p. 30 et suiv.<br />

LE CREDIT<br />

ET LE<br />

COMMERCE<br />

EXTÉRIEUR.


— — 40<br />

vue, les opérations de la Compagnie Royale d'Afrique dans le<br />

Bastion de France, nous remarquons qu'elle trouvait en France<br />

même les ressources et les crédits qui pouvaient lui être néces<br />

saires, qu'elle effectuait ses achats dans la Régence au comptant,<br />

qu'elle les réglait en numéraire. Elle évitait, par prudence, de<br />

consentir des crédits à ses acheteurs. Elle ne prêtait à ses<br />

corailleurs que ce qu'il leur fallait pour leurs besoins indispensa<br />

bles, et cela au taux de 1 1/2 %<br />

par mois. Elle ne consentait<br />

aucune avance aux vendeurs, interdisait à ses agents de faire des<br />

prêts sur gages ou sur nantissements. Ce n'était que dans des<br />

circonstances exceptionnelles qu'elle avait recours au crédit sur<br />

place. Il lui était parfois difficile de se procurer à temps la<br />

monnaie qui lui était nécessaire pour régler au comptant ses<br />

achats. Dans un mémoire de 1768, la Compagnie avoue que cette<br />

difficulté a donné plusieurs fois de l'inquiétude et de l'embarras<br />

au directeur et que ses agents étaient forcés d'emprunter à un<br />

change onéreux et de fournir des billets pour le paiement des<br />

denrées et des marchandises qu'on leur portait « ce qui faisait<br />

mauvais effet » (1). « Le directeur a emprunté à un intérêt<br />

usuraire, il a eu recours aux officiers du Dey pour forcer les<br />

Arabes à recevoir ses billets. » Des paiements en billets se<br />

produisaient donc parfois lorsque les piastres n'étaient pas<br />

expédiées à temps ou en quantité suffisante, et ils provoquaient<br />

de la part des indigènes des refus ou des hésitations qui ne<br />

pouvaient être levés que par l'intermédiaire des caïds ou du<br />

Bey.<br />

Par contre, lorsqu'il s'agissait de payer le Bey ou d'effectuer<br />

des règlements extérieurs, la Compagnie utilisait lettres de<br />

change, mandats ou traites. On trouve de fréquentes allusions<br />

à l'emploi de ces effets dans le Journal de La Calle tenu par<br />

l'agent de la Compagnie dans cette ville (2), et surtout plus tard<br />

dans la correspondance entre le chancelier du consulat d'Alger<br />

et le directeur principal des concessions d'Afrique . (3) Parfois<br />

même ces traites donnaient lieu, en cas de non-paiement de la<br />

(1) Arch. Hist. de la Ch. de Com. de Marseille, Compagnie Royale<br />

d'Afrique, dossier « piastres ».<br />

(2) Arch. Hist. de la Ch. de Com. de Marseille. Compagnie Royale<br />

d'Afrique, journal de la Calle.<br />

(3) Arch. départ, des B.-du-Rh. déjà citées.


— — 41<br />

part du tiré, à des protêts réguliers (1). Le chancelier du consu<br />

lat, appréciant son rôle à l'égard de la Compagnie, disait le<br />

27 janvier 1820 : « Mes fonctions d'agent des concessions se<br />

bornent à négocier les traites nécessaires au paiement des lismes<br />

et autres dépenses d'usage »,<br />

et il demandait au directeur de<br />

lui envoyer quelques imprimés de lettres de change, souhaitant<br />

qu'à l'avenir ces formules fussent gravées avec une vignette<br />

emblématique et laissant, après le mot valeur,<br />

un espace suf<br />

fisant pour ajouter le nom de celui qui l'a fournie ; car, ajou<br />

tait-il,<br />

« la plupart des gens de ce pays ne savent pas écrire puur<br />

endosser les traites qui seraient passées à leur ordre et veulent<br />

que la provenance y soit spécifiée. » Nous trouvons un exemple<br />

de l'emploi d'une de ces lettres de change dans un manuscrit<br />

arabe conservé à la Bibliothèque nationale d'Alger. En 1820,<br />

pour régler au Bey de Constantine le montant de lismes, la<br />

Compagnie avait créé des traites sur son siège de Marseille ; ces<br />

traites furent acquises par un négociant maure d'Alger, Ben<br />

Mrabet,<br />

qui en avait besoin pour régler en France des opéra<br />

tions d'importations, et qui s'engagea à en verser le montant au<br />

Bey à une date déterminée. Le document conservé est le reçu<br />

du négociant maure d'Alger. Il est intéressant, parce qu'il mon<br />

tre le circuit normal d'une lettre de change dans la Régence.<br />

« Louange à Dieu! Je fais témoigner contre moi que j'ai reçu<br />

trois traites d'ensemble 40.000 francs de la chancellerie de<br />

France (2) tirées sur Marseille au taux de 13 sols et demi par<br />

réal dirhem, ce qui porte l'ensemble en réaux dirhems petits à<br />

59.360 réaux (sic). Le 27 Djoumadi el Tani, année 1237,<br />

et je<br />

paierai la somme mentionnée au fisc de l'Est au mois de rama-<br />

dhan. Ecrit par le serviteur de son Dieu (signature). » (3).<br />

Ces règlements par lettres de change demeuraient néanmoins,<br />

dans l'ensemble, assez limités, et c'est la monnaie métallique<br />

qui devait faire face aux besoins de la plupart des transactions<br />

engagées dans le pays,<br />

aussi bien pour les besoins du commerce<br />

extérieur que pour ceux du commerce intérieur.<br />

(1) Le 21 septembre 1821 le chancelier du consulat d'Alger écrit :<br />

« Sasportès me rapporte une lettre de change que vous avez laissé pro<br />

tester faute de paiement. J'ai dû lui en remettre une nouvelle en ajoutant<br />

à cette somme de 3.000 francs celle de 210 francs pour dépens, dommages,<br />

intérêts, suivant la loi établie à Alger à raison de 7 %. »<br />

(2) ' Le chancelier du consulat de France agissait comme agent de la<br />

Compagnie des concessions.<br />

n°<br />

(3) B.N. d'Alger, manuscrit arabe 45.


SYSTEME<br />

MONETA IRE<br />

DE LA<br />

RÉGENCE.<br />

La Régence d'Alger,<br />

— 42<br />

II<br />

LA MONNAIE<br />

soumise depuis trois siècles à la domi<br />

nation turque, mais devenue en fait indépendante, battait mon<br />

naie à Alger même. La frappe était contrôlée par un haut<br />

fonctionnaire qu'on appelait l'Amin es Sekka.<br />

Le système monétaire algérien comportait l'emploi des deux<br />

métaux : or et argent ; chaque métal avait un pouvoir libératoire<br />

illimité et un rapport légal était établi entre leurs valeurs.<br />

La monnaie de compte était la pataque-chique ou réal drahem<br />

seghar (1), divisée en huit mouzounès ; la monnaie réelle d'ar<br />

gent : le réal boudjou ; celle d'or : le sequin soltani;<br />

billon et de cuivre : le quaroub et l'aspre-chique.<br />

celles de<br />

Quelles étaient leurs valeurs les unes par rapport aux autres ?<br />

En 1830, au moment de l'organisation du corps expéditionnaire,<br />

le gouvernement français fit étudier par une commission spé<br />

ciale la question monétaire en Algérie (2). Cette commission<br />

évalua la pataque-chique à 0 fr. 62 et constata le rapport<br />

suivant, existant à cette époque entre les diverses monnaies<br />

réelles du pays : le boudjou valait 3 pataques-chiques ou 24 mou<br />

zounès, soit 1 fr. 86 (3) ; le sequin, 13 pataques-chiques 1/2,<br />

soit 8 fr. 37 ; le quaroub, l/16e de pataque-chique, soit 0 fr. 0387 ;<br />

l'aspre-chique, l/232e de pataque-chique, soit 0 fr. 0026 (4) .<br />

(1) Laugier de Tassy parle d'une autre « monnaie en idée » : la saïme,<br />

d'une valeur de 50 aspres (op. cit) et P. Eudel pense qu'elle servait surtout<br />

de base aux opérations des changeurs (L'orfèvrerie algérienne et tuni<br />

sienne, Alger 1902).<br />

(2) Arch. Nat. F. 80. 970 : Procès-verbal de l'établissement d'un tarif<br />

des monnaies en usage en Afrique. (Voir chapitre suivant).<br />

(3) Il existait des pièces de 1, de 2, de 1/4, et de 1/8 de boudjou. Le<br />

1/4 de boudjou, qui avait cours pour 6 mouzounès, était appelé piécette.<br />

(4) « Le nom de cette monnaie signifie chez les Turcs: denier blanc<br />

d'où les Grecs modernes l'appellent dans leur langue vulgaire aspros ce<br />

qui veut dire blanc. Aspros signifie, en général, toutes sortes de monnaie<br />

d'argent blanc.» (M. D. Shaw, Voyages dans plusieurs provinces de Bar<br />

barie 1720-1738, traduction française. La Haye 1743 tome I"<br />

p 408)


— — 43<br />

On peut remarquer que, d'une iaçon générale, les unités mo<br />

nétaires étaient de faible valeur. Ces pièces correspondaient aux<br />

besoins d'un commerce local portant sur des marchandises d'un<br />

prix peu élevé. Les chiffres que nous venons de citer ne nous<br />

donnent d'ailleurs qu'une idée imparfaite des monnaies algé<br />

riennes, car elles furent souvent altérées et leur rapport changea<br />

fréquemment.<br />

Ces variations, rendues possibles par le régime de la frappe,<br />

expliquent le désaccord des auteurs sur le poids et le titre des<br />

monnaies algériennes (1).<br />

La frappe, libre pour les pièces d'or au titra légal, était réser<br />

vée pour l'argent. Venture de Paradis disait à la fin du XVIIIe<br />

siècle (2) : « Les Juifs, qui afferment, pour 2.000 pataquès, le<br />

magasin où l'on bat la monnaie, travaillent gratis pour le Bey<br />

lick,<br />

qui a seul droit de battre de la monnaie d'argent. Il accorde<br />

aux grands cette permission pour une petite somme. D'une pias<br />

tre d'Espagne, qui vaut 36 mouzounès, il en fait 42. Pour les<br />

sequins (monnaie d'or) au titre,<br />

chacun est maître d'en faire<br />

battre. On paie aux Juifs, pour droit de ferme,<br />

six livres par<br />

marc d'or et, pour la façon, 50 sols par marc. Les empreintes<br />

sont entre les mains d'un Emin turc, qui les ferme à clef et qui<br />

est toujours présent lorsque la monnaie d'or ou d'argent se<br />

fait. » (3).<br />

Ainsi le Dey, maître de la frappe de l'argent, pouvait faire<br />

varier le rapport légal des deux monnaies d'or et d'argent. Il le<br />

(1) Suivant une note jointe au procès- verbal de la Commission de 1830,<br />

le boudjou pesait « poids commun », 10 gr. (187 1/2 à 188 grains) ; il<br />

était au titre de 860/1.000. Le sequin nouveau pesait 60 grains et était<br />

au titre de 810/1.000 ; l'ancien sequin, d'un titre plus élevé, pesait<br />

64 grains. — Tocchi (Notice sur les poids et mesures et sur les monnaies<br />

d'Alger, Marseille 1830) nous donne les chiffres suivants boudjou, 10 gr.<br />

au 825/1.000 ; sequin neuf, 3 gr. 187 au 813/1.000 ; sequin vieux, 3 gr. 400<br />

au 822/1.000. D'après M. Eudel, le titre des soltanis (sequins) était de<br />

800 à 811/1.000 (op. cit. p. 112).<br />

(2) Venture de Paradis,<br />

op. cit. pages 163 et 164.<br />

(3) La Monnaie d'Alger était située dans un petit bâtiment adossé au<br />

palais de la Jenina, à l'entrée de la route du Divan Saliette-el-Djouau.<br />

Les Juifs y frappaient la monnaie et la blanchissaient pour qu'elle eût<br />

meilleur aspect dans la paye des janissaires. Au moment où les troupes<br />

françaises entrèrent à Alger la valeur des lingots qui s'y trouvaient était<br />

de 25 à 30.000 franc3. Les scellés furent mis sur la porte et on y plaça<br />

une sentinelle ; mais une ouverture pratiquée pendant la nuit dans le mur<br />

rendit ces précautions inutiles et les lingots disparurent.


— - 44<br />

faisait sans doute « chaque fois que ses affaires le deman<br />

daient », ayant recours pour cela, soit au changement de<br />

tarification,<br />

soit à la diminution du titre.<br />

Le 21 octobre 1817, le consul Deval écrivait à M. Faurrat,<br />

directeur principal des Concessions françaises d'Afrique à Mar<br />

seille : « Le désir que Ali Dey (le successeur d'Omar Pacha) a<br />

de favoriser, en tout ce qui dépend de lui, la milice d'Alger,<br />

l'a porté à réduire la pataque-chique à 6 mouzounès de 8 qu'elle<br />

était et la piastre forte à 5 pataques-chiques au lieu de 7 1/2.<br />

Cette mesure est avantageuse essentiellement à la milice, dont<br />

la paie est évaluée en pataquès, mais elle a détérioré le change<br />

avec l'Europe. » (1).<br />

D'importants changements de cette nature eurent lieu en<br />

1820 et en 1822 ; à partir de cette date, par suite d'une réduction<br />

au titre des monnaies d'argent qui existaient alors, les nouvelles<br />

piécettes ne valurent plus intrinsèquement que les trois quarts<br />

des anciennes.<br />

Les membres de la commission de 1830 remarquèrent que « les<br />

essais faits avec le soin le plus scrupuleux donnaient la certitude<br />

que des pièces de monnaie portant la même dénomination, frap<br />

pées au même coin et ayant, dans le cours, la même valeur<br />

d'usage, variaient souvent de titre et de poids et,<br />

par consé<br />

quent, de valeur intrinsèque, suivant les dates de fabrication. ■»<br />

M. E. Tocchi, employé a l'administration des monnaies de<br />

Marseille, qui avait réuni une collection fort intéressante de<br />

pièces barbaresques, avait été consulté lors de cette étude par<br />

M. Firino, payeur général de l'armée. Dans sa notice sur les<br />

poids et mesures et sur les monnaies dAlger, il relève que la<br />

taille des monnaies était très irrégulière : 1 kilo de zoudi-bou-<br />

djoux a cours pour 188 fr. 06 ; le kilo de rial-boudjoux ne passe<br />

que pour 184 fr. 56 ; le kilo de 1/2 pataques-chiques vaut nomi<br />

nalement 194 fr. 50. « Les titres viennent encore, le plus souvent,<br />

grossir ces énormes différences... On rencontre encore de très<br />

grandes différences entre les pièces de même nature qui pro<br />

viennent du défaut d'ajustage. »<br />

La caractéristique des monnaies d'argent algériennes était<br />

(1) Arch. Dèp. B.-du-Rh. M. 14.169.


I<br />

TYPES DE MONNAIES ALGÉRIENNES<br />

FRAPPÉES DANS LA RÉGENCE D'ALGER<br />

Ryuf-Boudjou ( Argent<br />

j<br />

a) frappé à Alger 1238<br />

b) le Souverain des Deux Continent»<br />

et le Monarque des Deux Mers<br />

le Sultan Mahmoud Khan<br />

que Dieu illustre sa victoire<br />

Zoudj Drahem Seghar<br />

fdeux Aspres-Chiques valant un peu<br />

plus d'un demi centime) Cuivre<br />

a) frappé à Alger 1237<br />

b) Sultan Mahmoud<br />

de 1144 à 1240 de l'hégire (1731-1824}<br />

Zoudj Boudjou ou Double-Boudjou<br />

ou piastre d'alger (Douro fy Djezayr) Argent<br />

a) frappé à Alger 1238<br />

b)<br />

Le Souverain des Deux Continents<br />

et le Monarque des Deux Mers<br />

le Sultan Mahmoud Khan<br />

que Dieu illustre sa victoire<br />

B<br />

Panique Chique ou piécette ancienne<br />

ou Rebya'h-Boudjou (type très ancien) Argent<br />

a) Sultan Mustapha<br />

b) frappé à Alger I185<br />

Qaroub (3 centimes 7/8)<br />

Cuivre blanchi<br />

a) frappé à Alger 1237<br />

b) Sultan Mahmoud


Il<br />

TYPES DE MONNAIES ALGÉRIENNES<br />

FRAPPÉES DANS LA RÉGENCE D'ALGER<br />

Khamséh Drahem Seghar<br />

>5 aspres chiques -environ 1 centime et i 3 j<br />

Cuivre<br />

a) frappé à Alger 1237<br />

b) Sultan Mahmoud Khan<br />

que Dieu illustre sa victoire<br />

Soultany (sequin d'Alger) Or<br />

a) Le Souverain des deux Continents<br />

et le Monarque des Deux Mers<br />

le Sultan fils de Sultan<br />

b ) Le Sultan Mahmoud Khan<br />

que Dieu illustre sa victoire<br />

frappé en 1237 à Alger<br />

^^.,^1^'nus^Soultany (Demi sequin) Or<br />

•*':<br />

a)<br />

frappé à Alger 1237<br />

b) Sultan Mahmoud Khan<br />

de 1144 à 1240 de l'hégire (1731-1824,<br />

aue Dieu illustre sa victoire<br />

Souss Soultany (Demi sequin) Or (type ancie<br />

a) Sultan Mahmoud Khan<br />

que Dieu illustre sa victoire<br />

b) et le secoure<br />

frappé à Alger 1144<br />

Nouss Soultany (Demi sequin) Or (type ancien,<br />

a) Sultan Mahmoud Khan<br />

que Dieu illustre sa victoire<br />

b) et le secoure<br />

frappé à Alger 1 147<br />

Rouba7ah • Soultany (quart de sequin)<br />

a) frappé a Alger 1240<br />

b) Sultan Mahmoud


donc,<br />

et,<br />

— — 45<br />

pour toutes les pièces, une valeur intrinsèque incertaine<br />

pour les monnaies divisionnaires, un très faible montant<br />

nominal et un module exigu.<br />

C'était là un double obstacle à leur emploi dans les transac<br />

tions d'un commerce quelque peu étendu et à leur libre circula<br />

tion en Afrique du Nord.<br />

En 1741, le directeur de la Compagnie Royale Française<br />

écrivait (1) : « Pour les colonies du royaume d'Alger, il est<br />

impossible de se servir de la monnaie d'Alger,<br />

qui est si petite<br />

et si difficile à accepter et à transporter, et si embarrassante,<br />

que jamais les Maures ne se résoudront à la prendre ; de sorte<br />

qu'il ne faut pas compter sur elle pour un commerce considé<br />

rable. »<br />

*<br />

Aussi la monnaie étrangère s'introduisait-elle aisément dans<br />

la Régence et à Alger même,<br />

avec la monnaie algérienne.<br />

Parmi ces pièces étrangères,<br />

où elle circulait concurremment<br />

on trouvait notamment en assez<br />

grande quantité des espèces égyptiennes d'argent, et principale<br />

ment d'or ; la monnaie tunisienne se rencontrait surtout dans<br />

la région de Constantine, la marocaine dans celle d'Oran,<br />

où elle<br />

tenait une place importante dans la circulation ; dans certaines<br />

régions, et notamment dans le Sud oranais, à défaut de monnaie,<br />

il était d'usage de solder chez les indigènes les achats par de<br />

l'or en poudre ;<br />

gnole qui dominait.<br />

mais partout c'était la monnaie d'argent espa<br />

La Compagnie Royale d'Afrique fut un des principaux agents<br />

de l'introduction des pièces étrangères dans la Régence. Elle eut<br />

toutes facilités pour le faire tant qu'elle put se procurer des<br />

piastres mexicaines, dites piastres à colonnes (Bou-Medfaa) ,<br />

auxquelles les indigènes étaient habitués depuis longtemps. Mais<br />

lorsque les rois d'Espagne firent frapper des piastres neuves<br />

d'un nouveau type et mirent obstacle au libre trafic de leurs<br />

monnaies, la Compagnie éprouva de fortes difficultés pour faire<br />

ses paiements en Algérie.<br />

(1) P. Masson, op. cit., pages 532-546.<br />

MONNAIES<br />

ÉTRANGÈRES<br />

CIRCULANT<br />

EN ALGERIE.


- 46<br />

—<br />

Le directeur de la Compagnie Royale, dont nous citons plus<br />

haut une lettre de 1741, rapporte que, cette même année, il eut<br />

pour 600 à 700.000 livres d'espèces à envoyer pour acheter du<br />

blé, et il ajoute : « J'ai pris (à Marseille) tout ce qui s'est<br />

présenté, piastres mexicaines, vieilles et neuves, patinées, se<br />

quins vénitiens, sequins ganzerlis, fondoklis, zermapoulx, pisto-<br />

les d'Espagne, piastres isolotes, parais,<br />

ramasser que 400.000 livres de ces espèces. »<br />

malgré cela je n'ai pu<br />

Cette situation conduisit la Compagnie à demander et à<br />

obtenir, en 1768, le droit de frapper à la Monnaie d'Aix des<br />

jetons d'argent au titre des piastres à colonnes. Mais ce fut<br />

sans résultat pratique,<br />

car les indigènes n'acceptèrent pas cette<br />

monnaie nouvelle. « Tout au rebours des Turcs du Levant,<br />

habitués à voir circuler dans les échelles toutes sortes d'espèces<br />

et portés à s'engouer facilement de monnaies nouvelles, les Bar<br />

baresques des concessions, ignorants comme eux, mais plus<br />

méfiants, restaient obstinément attachés aux anciens usa<br />

ges. » (1).<br />

Cependant, il leur fallut bien céder devant la nécessité et,<br />

à partir de 1779, les piastres neuves d'Espagne furent acceptées<br />

par les indigènes. Elles ne purent d'ailleurs,<br />

anciennes,<br />

pas plus que les<br />

circuler telles qu'elles étaient fabriquées. Les unes<br />

et les autres étaient réduites à un poids déterminé par les<br />

usages et qui variait suivant les régions (2). La coupe des<br />

piastres fut faite longtemps à la main,<br />

par des procédés rudi-<br />

mentaires. Les pièces étaient irrégulières de forme,<br />

ce qui<br />

permettait aux fraudeurs de les rogner de nouveau, sans qu'on<br />

s'en aperçût au premier coup d'œil ;<br />

aussi l'usage des balances<br />

était-il nécessaire dans les paiements. La Compagnie perfec<br />

tionna le système de coupe et, en 1780, elle fit l'acquisition<br />

d'une machine effectuant une coupe circulaire régulière. Toute<br />

fois, il ne semble pas que cette réforme ait arrêté l'industrie<br />

des fraudeurs. Les piastres rognées étaient coupées de nouveau<br />

par des mains intéressées, et finalement les indigènes<br />

étaient les victimes de ce trafic. Nous lisons dans le livre des<br />

délibérations des assemblées de la Compagnie Royale d'Afrique,<br />

(1) Masson, op. cit.<br />

(2) A La Calle la piastre devait peser 18 deniers 16 grains ; à Bône<br />

16 deniers 19 grains ; à Collo, 16 deniers 4 grains.


- 47<br />

—<br />

le 23 juin 1792, que le Bey de Constantine s'est rendu à Alger<br />

et s'est plaint du préjudice que ses sujets éprouvaient de ce<br />

chef (1). « Le Dey lui a signifié que, dorénavant, la Compagnie<br />

lui paie des lismes en piastres fortes d'Espagne entières ou en<br />

monnaies courantes du royaume d'Alger. Le Bey de Constantine<br />

a demandé le même avantage et a accordé quatre mois à l'agent<br />

pour en informer la Compagnie... » Puis la Compagnie obtint<br />

un délai, mais finalement, est-il dit, à la date du 23 novembre ;<br />

« sur la demande du Dey, il fut décidé de suspendre la coupe<br />

des piastres et de la faire cesser dès aujourd'hui, de faire<br />

cependant passer à Bône, par le premier navire, les piastres qui<br />

étaient déjà coupées et d'écrire à l'agent de Bône d'engager non<br />

seulement le Bey à les recevoir encore,<br />

mais de lui faire de<br />

nouvelles représentations tendant à rétablir le cours des piastres<br />

coupées en priant le prince d'en écrire lui-même au Dey d'Al<br />

ger. » (1). La piastre demeura, en Afrique du Nord, une mon<br />

naie appréciée. Même rognées, ces pièces avaient une valeur<br />

supérieure à celle des piastres entières à Marseille,<br />

et c'est la<br />

monnaie espagnole qui donna longtemps, dans la pratique, son<br />

nom aux unités de compte en usage dans le commerce : piastre,<br />

réal, douro.<br />

La circulation monétaire algérienne était, en outre, viciée par<br />

une abondante fabrication de pièces fausses. Il fut un temps<br />

où presque toute la monnaie circulant dans la Régence était<br />

fausse ou altérée,<br />

ne renfermant qu'un cinquième du poids légal<br />

de métal fin. Cette mauvaise monnaie chassait la bonne qui,<br />

seule, pouvait être utilisée pour les règlements à l'étranger et<br />

était thésaurisée de préférence.<br />

Le centre de la fabrication de la fausse monnaie était en<br />

Kabylie, dans les villages d'Aït-el-Arba et d'Ali-ou-Haroboua.<br />

Il y demeura même après l'occupation française. En 1845, le<br />

Moniteur Universel donnait à ce sujet les renseignements sui<br />

vants (2) :<br />

« La position du repaire de ces faux monnayeurs est au<br />

sommet d'une montagne protégée par un défilé étroit et pres-<br />

(1) Arch. Hist. de la Ch. de Commerce de Marseille, Compagnie Royale<br />

d'Afrique. Livre des délibérations 1792.<br />

(2) Note parue au Moniteur Universel du 6 juin 1845, n"<br />

157.<br />

la fausse<br />

monnaie.


— — 48<br />

que inaccessible ; c'est là qu'à l'abri de toute attaque, ils<br />

imitent les monnaies de cuivre, d'argent et d'or de tous les pays<br />

du monde. Ils travaillent également le fer et l'acier, en font<br />

des fusils, des platines, des garnitures d'armes et fabriquent les<br />

balles. Les matières premières leur sont fournies en partie<br />

par des mines voisines. Le fer qui en provient est, comme on<br />

peut le concevoir facilement, d'une grande pureté ; le cuivre,<br />

l'argent leur sont apportés de tous les points des pays barbares<br />

ques, du Sahara même, par des hommes qui,<br />

non seulement<br />

apportent à Aït-el-Arba les produits de leurs pays, mais encore<br />

viennent y<br />

bon aloi.<br />

acheter les espèces falsifiées avec des monnaies de<br />

« Le plomb nécessaire à la fabrication, soit des balles, soit des<br />

fausses monnaies,<br />

est tiré d'une mine qui se trouve dans une<br />

montagne auprès de Msibah. Il paraît que le minerai en est très<br />

riche et contient une partie notable d'argent. »<br />

Relégués dans leur inaccessible retraite d'où ils ne sortaient<br />

jamais,<br />

d'<br />

les Kabyles Aït-el-Arba et d'Ali-ou-Haroboua con<br />

fiaient à d'autres le soin de colporter leurs produits.<br />

« C'était les Beni-Yenni, les Beni-Menguilleh, les Beni-Bou-<br />

drar, les Beni-Ouassif,<br />

qui en étaient ordinairement chargés.<br />

Tous ces gens étaient surveillés d'une manière particulière et<br />

ne pouvaient voyager dans l'intérieur sans une permission du<br />

caïd de Sebron qui, pour l'accorder, recevait un droit de deux<br />

douros d'Espagne. Ceux qui ne pouvaient représenter cette<br />

permission voyaient leurs mulets et marchandises saisis. On<br />

conçoit, en outre, que cette permission était refusée à ceux que<br />

l'on pouvait soupçonner coupables de l'action que cette précau<br />

tion avait pour but d'empêcher.<br />

« Trois ans avant l'entrée des Français à Alger, malgré toutes<br />

ces mesures, la fausse monnaie s'était multipliée d'une manière<br />

effrayante. L'agha Yahia,<br />

qui jouissait d'une grande réputation<br />

chez les Arabes, furieux de voir sa surveillance rendue inutile,<br />

fit arrêter un même jour, sur les marchés d'Alger, de Constan<br />

tine, de Sétif et de Bône, les hommes de toutes les tribus connus<br />

pour se livrer à cette émission.<br />

« On incarcéra ainsi une centaine d'individus que le pacha<br />

annonça devoir mettre à mort si l'on ne lui livrait pas les moules<br />

et matrices qui servaient à la fabrication.


— — 49<br />

« Les prisonniers furent mis en liberté après avoir payé une<br />

forte amende. Ce fut un échec pour les faux monnayeurs ; mais<br />

cela ne réussit pas à les détruire. Si les mesures de précaution<br />

étaient de la nature de celles dont nous venons de parler, celles<br />

de répression n'étaient pas moins sévères. Tout Kabyle émettant<br />

de la fausse monnaie était immédiatement mis à mort (1), sans<br />

forme de procès : c'était même le seul cas pour lequel la justice<br />

fût inexorable et dans lequel l'argent,<br />

autres crimes,<br />

qui rachetait tous les<br />

ne pouvait faire incliner la balance. Bien d'in<br />

nocentes victimes ont peut-être payé de leur vie un fait dont<br />

elles n'étaient point coupables : nous ne devons y<br />

voir que l'in<br />

dice de la terreur que voulaient inspirer les Turcs aux faux<br />

monnayeurs. Ces châtiments terribles ne firent cependant que<br />

rendre les contrefacteurs plus habiles et ne détruisit pas leur<br />

commerce. Aït-el-Arba ne perdit rien de sa prospérité ; il ne<br />

fut pas visité par un moindre nombre de commerçants qui, de<br />

tous les points du Maroc, de Tunisie, du Sahara, de Tripoli,<br />

venaient y faire des approvisionnements dont ils infestaient le<br />

pays ; c'est ainsi que l'abondance et la richesse régnaient parmi<br />

les faux monnayeurs. »<br />

Les contrôles effectués en 1830 dans la circulation monétaire<br />

d'Alger firent ressortir d'appréciables proportions de pièces<br />

fausses, variant de 3 0/00 pour les pataques-chiques à 4 % pour<br />

les rebya boudjoux (-')•<br />

Dans un tel état de la circulation et devant l'instabilité du<br />

rapport légal des monnaies, les changeurs,<br />

qui seuls connais<br />

saient les caractéristiques de toutes les pièces et la valeur com<br />

merciale des métaux, jouaient un rôle important.<br />

A Alger, il y en avait un au coin de chaque rue,<br />

et c'était<br />

presque toujours un Maure de la plus basse extraction. « Ce<br />

personnage aux aspects multiples, dit Eudel (3), connaissait<br />

et pratiquait toutes les finesses de son métier. Tantôt, il chan<br />

geait en aspres... les pièces d'argent, ou il donnait des boudjoux<br />

(1) D'après beaucoup<br />

faisaient les monnaies algériennes.<br />

(2) Tocchi,<br />

op. cit.<br />

(3) Eudel, op cit., p. 73 et suiv.<br />

ô?auteurs, seuls étaient punis ceux qui contre


- 50<br />

—<br />

d'argent contre des pièces d'or : son habileté frauduleuse con<br />

sistait alors à glisser dans la poignée de monnaie qu'il tendait<br />

à son client,<br />

quelques fausses pièces bien difficiles à distinguer<br />

des bonnes, même pour un œil exercé. Tantôt, il vérifiait, pour<br />

le compte du Juif, son compère, la pièce qu'un acheteur ou un<br />

négociant avait remise en paiement à celui-ci. Il la pesait en ses<br />

fines balances, il la grattait à l'ongle, il l'essuyait avec sa langue.<br />

Lui paraissait-elle, le moins du monde rognée, altérée, douteuse ;<br />

n'avait-elle pas le poids minutieusement exact : il l'engageait<br />

à refuser impitoyablement. »<br />

Etant donné que l'Etat turc n'était pas scrupuleux à l'excès<br />

sur le chapitre de la fabrication des monnaies,<br />

« le changeur<br />

devait être sans cesse en éveil pour éviter des pertes ! Notre<br />

homme se laissait prendre rarement. Il s'était improvisé comp<br />

table,<br />

et nul ne lui en aurait remontré sur ce point. On venait<br />

le consulter pour établir les comptes les plus compliqués, qu'il<br />

dressait avec une habileté prodigieuse. Neuf fois sur dix, sa<br />

mémoire le servait ; il était rarement assez instruit pour couvrir<br />

une ardoise de calculs,<br />

beaux ducats, sequins et florins,<br />

en chiffres et en signes arabes... Que de<br />

aux effigies des princes d'Eu<br />

rope ; que de pièces d'or à la marque du croissant, sorties des<br />

ateliers monétaires de Turquie, d'Egypte ou d'Arabie, passaient<br />

par les mains du Maure,<br />

astucieux et cupide. Il les recevait avec<br />

une feinte indifférence, les palpait avec amour, les voyait partir<br />

avec regret, non sans en conserver quelques spécimens entre ses<br />

doigts crochus. »<br />

activité La Monnaie d'Alger était active. Elle remettait au Dey des<br />

DE LA<br />

MONNAIE<br />

D'ALGER.<br />

*<br />

* *<br />

quantités importantes d'espèces monnayées fabriquées à l'aide<br />

des objets d'or et d'argent achetés aux habitants. Ces objets<br />

provenaient de la Course pour la presque totalité.<br />

Ainsi que le fait remarquer Shaler (1), consul des Etats-Unis<br />

à Alger, avant 1830 : « Alger a joui pendant 300 ans du privilège<br />

lucratif de piller à sa fantaisie le monde commerçant... La<br />

(1) William Shaler : Esquisse de l'Etat d'Alger, traduit de l'anglais<br />

par Bianchi, Paris, 1830.


— — 51<br />

conséquence de cet état a été une grande accumulation de riches<br />

ses dans cette ville de pirates et on doit la regarder comme une<br />

des plus riches du monde en espèces et en bijoux. »<br />

Les espèces étaient en grande partie accumulées dans le trésor<br />

du gouvernement,<br />

où venait s'entasser le numéraire que les<br />

beys de Constantine, de Titteri et d'Oran apportaient périodique<br />

ment au Dey en paiement de leurs tributs,<br />

sans parler de ceux<br />

que payaient les nations européennes comme une sorte de rachat<br />

du droit de piraterie (1).<br />

La circulation comprenait surtout des pièces d'argent. Dans<br />

certaines régions, l'or était presque inconnu. Dans la zone<br />

où opérait la Compagnie d'Afrique, un cheik déclarait que ses<br />

sujets connaissaient si peu l'or, qu'ils préféraient une piastre<br />

à une portugaise (2),<br />

et le directeur de la Compagnie écrivait<br />

en 1741: « On ne doit pas se flatter de faire recevoir de l'or<br />

(par les indigènes)<br />

par la raison qu'ils ne l'estiment pas et<br />

encore parce qu'une piastre d'or est d'une trop grande valeur<br />

pour leurs besoins journaliers,<br />

et ils craindraient que les prin<br />

ces les crussent trop riches, s'ils leur voyaient de l'or. »<br />

L'or était principalement utilisé pour les règlements exté<br />

rieurs. Les exportations de monnaies ou lingots d'or qu'entraî<br />

naient ces règlements étaient considérés par le Dey comme<br />

appauvrissant le pays et diminuant les sources où s'approvision-<br />

(1) Les beys venaient à Alger au moins tous les trois ans, époques<br />

auxquelles ils devaient verser au Dey leur tribut, en argent et en nature.<br />

Le Bey de Constantine versa ainsi, pour la dernière fois à Alger, 778.811<br />

francs ; celui d'Oran, 622.402,50. Ces sommes comportaient le tribut dû<br />

au Dey et les cadeaux offerts à certains fonctionnaires. (Rapport de<br />

M. Girardin, directeur des Domaines à Alger, 21 fév. 1831, archives<br />

nationales). Lorsqu'un Bey arrivait, le Khasnadji (trésorier), le Khodja-<br />

el-Kheil (administrateur des domaines ruraux) et les grands officiers de<br />

la Régence allaient au devant de lui jusqu'à Mustapha. Là des rafraîchis<br />

sements lui étaient offerts. Le Bey reprenait ensuite sa route, escorté<br />

de cinq cents chevaux et précédé de son « bachechaoux » qui jetait à la<br />

population des poignées de sequins. Les forts sur son passage tiraient<br />

dix coups de canon. Le séjour du Bey à Alger était de huit jours pendant<br />

lesquels était contrôlée son administration. Au départ, les mêmes hon<br />

neurs lui étaient rendus, à moins qu'il ne fût destitué (Cf. Feuillets d'El-<br />

Djezaïr, 3e vol. 1912, page 23, Comité du Vieil-Alger, imprimerie Fontana<br />

frères, Alger).<br />

(2) Arch. Hist. de la Ch. de Com. de Marseille. Compagnie Royale d'A<br />

frique, dossier « piastres », mémoire de 1768.


nait son propre trésor. Aussi,<br />

— — 52<br />

n'hésitait-il pas à prendre parfois<br />

les mesures les plus énergiques pour maintenir l'or dans le pays.<br />

On ne sera pas surpris que ces mesures ne fussent pas inspirées<br />

par une doctrine économique précise,<br />

mais qu'elles eussent<br />

exclusivement un caractère de police. Des événements récents<br />

ont montré que même des gouvernements plus instruits et mieux<br />

en situation de connaître les réalités ont recours, le cas échéant,<br />

à des mesures de police pour tenter de résoudre certaines dif<br />

ficultés économiques. Nous lisons dans une lettre du chancelier<br />

du consulat d'Alger au directeur principal des Concessions afri<br />

caines à Marseille, en date du 5 décembre 1819 : « Le Dey, averti<br />

de l'arrivée, par la caravane de Constantine, de fortes sommes<br />

en espèces d'or et d'argent et en lingots destinées à être expé<br />

diées à Livourne par un brick anglais,<br />

a fait défendre sous peine<br />

de mort, l'exportation des sequins ou piécettes d'Alger, des mo-<br />

kos et des matières d'or et d'argent non monnayées... Cette loi<br />

sévère et fort sage avait été observée pendant très longtemps et<br />

ce n'est que depuis deux ou trois règnes que sa désuétude la<br />

laissait enfreindre impunément. Les négociants, surpris par ce<br />

contretemps, au moment où ils allaient embarquer leurs groups,<br />

ont dû retarder le départ du bâtiment jusqu'au lendemain matin<br />

afin d'échanger leurs sequins contre des piastres fortes ou des<br />

mahboubs... »<br />

Le trésor dut atteindre, à une certaine époque,<br />

un montant<br />

très élevé (1) ; mais, peu à peu, lorsque la course fut rendue plus<br />

difficile et moins fructueuse, grâce aux mesures prises par les<br />

(1) Dans un mémoire de M. Guerey, en 1791, on trouve cette indica<br />

tion : « Il n'y a guère qu'une quarantaine d'années que les deys d'Alger<br />

ont commencé à se former un trésor. Les richesses de Tunis, lorsque les<br />

Algériens s'emparèrent de cette ville, furent en grande partie versées dans<br />

ce trésor. On peut avancer avec certitude qu'il contient plus de 100 millions<br />

tournois en différentes espèces d'or et d'argent ; on n'en retira jamais<br />

rien : c'est un objet sacré pour les Algériens. Si la ville était environnée<br />

d'ennemis, personne n'oserait en approcher. Ils ne pourraient pas non<br />

plus tenter de le transporter hors de la ville, parce qu'alors il deviendrait<br />

la proie des Maures. Sa capture serait donc assurée. Un jour le Dey actuel<br />

a dit, étant ministre de la Marine, que les Français s'en empareraient<br />

un jour...» (Cf. Feuillets d'El-Djezaïr, Comité du Vieil Alger 1913 n°<br />

6 )<br />

— En<br />

1802 Jean Bon Saint- André, ancien consul à Alger, alors commis<br />

saire général du Gouvernement à Alger, écrivait au ministre de la Ma<br />

rine : « Il y a une tradition répandue dans le pays, qui -»«» dit que les Français nouvius<br />

s'empareront un jour d'Alger. »


LE TRESOR DE LA CASBAH


- 53 -<br />

divers gouvernements européens, les réserves du trésor dimi<br />

nuèrent (1).<br />

La balance des comptes, déficitaire pour la Régence, nécessita<br />

dès lors des expéditions d'espèces ; Shaler évalue,<br />

pour l'année<br />

1822, le déficit de sa balance commerciale à 937.000 dollars payés<br />

pour la plus grande partie par le gouvernement qui tirait de ses<br />

coffres à cet effet chaque année une somme équivalente à envi<br />

ron 500.000 dollars.<br />

Le trésor se trouvait à la Casbah, lorsque les troupes françai-<br />

LE TRgS0R<br />

ses entrèrent à Alger. Il y avait été enfermé par le Dey Ali, de la<br />

lorsque celui-ci avait quitté en 1816 l'ancienne Jenina pour cette<br />

forteresse (2).<br />

« Un jour le Dey fit donner l'ordre aux habitants d'Alger<br />

de fermer les portes de leurs maisons de bonne heure ; il fit<br />

aussi fermer les casernes et,<br />

s'étant procuré un grand nombre<br />

de mulets, il fit transporter pendant la nuit à la Casauba, où<br />

il s'était rendu lui-même,<br />

accompagné d'une troupe attachée à<br />

sa personne, tous les trésors d'Alger qui se trouvaient dans le<br />

local de l'ancien pacha. Le matin,<br />

il fit annoncer ce changement<br />

à grands coups de canon... Lors du transport des richesses à<br />

la Casauba, il y<br />

eut de graves déprédations de la part de ses<br />

ministres et de ses courtisans. » (3).<br />

Ce trésor était surveillé avec un soin particulier : « A Alger, le<br />

trésor de l'Etat n'est ouvert qu'en présence du khodja ou notaire<br />

de l'Etat, et une commission spéciale, dont chaque membre tient<br />

une clef ;<br />

chacun des membres de la commission se présente<br />

avec son registre pour constater l'entrée et la sortie des fonds<br />

du trésor. Le Dey<br />

même ne peut disposer du trésor public. Il<br />

se présente comme un simple soldat pour recevoir sa paye. » (4).<br />

(1) La valeur des cargaisons capturées s'éleva à 8 millions de 1805<br />

à 1815 et seulement à 700.000 francs de 1817 à 1827. Cf. Esquer, op. cit.<br />

(2) A la Jenina, l'entrée du trésor était surmontée de l'inscription<br />

suivante : « L'assistance vient de Dieu et la victoire est prochaine. An<br />

nonce une bonne nouvelle aux croyants. O toi ! qui ouvres les portes,<br />

ouvre-nous la meilleure, c'est-à-dire celle du Paradis !<br />

d'El-Djezaïr, Comité du<br />

» (Cf. Feuillets<br />

Vieil-Alger, 1914, p. 53).<br />

(3) Aperçu historique et statistique sur la Régence d'Alger, intitulé en<br />

arabe Le Miroir, par Sidi Hamdan ben Othman Khodja, Paris 1833.<br />

—<br />

(4) Le Miroir, p. 95. « La paye de la milice se faisait chaque deux<br />

lunes ; un khodja, tenant à la main le registre de la milice, faisait l'appel<br />

casbah


— — 54<br />

A la Casbah, la porte du trésor était armée de grosses serrures<br />

et pourvue d'un fort guichet de fer. Elle donnait entrée à des<br />

couloirs sur lesquels étaient creusés des corridors sans fenêtres<br />

ni soupiraux, coupés dans leur longueur par une cloison de qua<br />

tre pieds à peu près.<br />

D'après les déclarations que fit le khasnadji, trésorier en chef<br />

ou ministre des Finances, à la commission qui prit possession<br />

ae ce trésor en 1830, il n'aurait jamais existé de registre cons<br />

tatant les recettes ni les dépenses (1),<br />

ce qui fut plus tard<br />

reconnu inexact (2) ; les sorties de fonds ne s'opéraient<br />

jamais que sur une décision du Divan. En fait, les monnaies<br />

d'or et d'argent étaient entassées pêle-même, sans accep<br />

tion de valeur, de titre,<br />

ni d'origine. La commission constata<br />

que dans une première salle basse se trouvaient des boudjoux ;<br />

dans une autre trois coffres, dont deux contenaient des bou<br />

djoux, de la monnaie de billon et le troisième des lingots d'ar<br />

gent ; trois caveaux contenaient, l'un des monnaies d'or jetées<br />

pêle-mêle, l'autre des piastres de Portugal (mokos), le troisième<br />

des piastres fortes d'Espagne.<br />

Une commission fut chargée de faire le tri des pièces et des<br />

lingots et procéda à leur pesage, dont le résultat fut le suivant :<br />

7.212 kilogrammes d'or frs 24.768.000<br />

108.704 » d'argent » 23.915.000<br />

Total » 48.683.000<br />

nominal en commençant par le Dey, considéré comme le premier soldat.<br />

Chacun venant à l'appel recevait sa paie des mains du caissier en mon<br />

naie d'or et d'argent, qu'il avait le droit de faire vérifier par un visiteur<br />

qui était placé là exprès et cela parce que la monnaie d'Alger n'était pas<br />

toute de bon aloi. » (Rozet, op. cit.).<br />

(1) D'après Laugier de Tassy les revenus fixes de la Régence s'éle<br />

vaient au début du XVIII» siècle à plus d'un million. D'après Shaler<br />

en 1822, le Bey d'Oran versait annuellement 75.000 francs le Bey dé<br />

Constantine 60.000 francs, les sept caïds dépendant de la province d'Aleer<br />

16.000, le Bey de Titteri 4.000 ; les successions vacantes 40.000 le mono<br />

pole des peaux 4.000, la communauté juive 6.000, la 20 000 le<br />

domaine 40.000, les redevances françaises pour la pêche du 30 000<br />

le monopole des lames et des cires 40.000, les tributs européens<br />

Les recettes à cette époque étaient évaluées à 2.500.000 francs environ v<br />

les dépenses à 4 rua'<br />

millions.<br />

(2) Voir Devoulx, Revue Africaine, 1871.


Ces chiffres déçurent beaucoup, on le sait, ceux qui, sur la<br />

foi de renseignements reposant sans doute plus sur des légendes<br />

que sur des réalités, s'étaient imaginé que le trésor de la Casbah<br />

renfermait des sommes beaucoup plus élevées. Les indications<br />

données par Shaler, le consul des Etats-Unis,<br />

sans s'en porter garant — d'évaluations<br />

qui parlait —<br />

allant jusqu'à plus de<br />

250 millions, le rapport du consul de France Deval,<br />

en date du<br />

26 février 1828, faisant allusion à 100 ou 150 millions, le chiffre<br />

fantaisiste de 500 millions,<br />

mis en avant par le consul d'Angle<br />

terre, avaient paru justifier de plus belles espérances, et l'on<br />

sait que, pour calmer l'émotion soulevée par cette déconvenue,<br />

une commission d'enquête spéciale essaya de se rendre compte,<br />

en examinant les caveaux vides, de l'importance qu'avait pu<br />

atteindre le trésor à un moment donné. Les commissaires firent<br />

état des traces laissées le long des murs par les dépôts de lingots<br />

et de monnaies, et cette enquête, qui reposait sur des bases bien<br />

fragiles et à laquelle les subtilités mathématiques et les ingé<br />

nieuses déductions de ses membres ne purent assurément donner<br />

qu'une très frêle valeur scientifique, aboutit à cette conclusion<br />

que le nombre des mètres cubes qui avaient été, à certaines épo<br />

ques, remplis d'espèces monnayées d'or et d'argent, représentait,<br />

toute compensation faite, un peu au delà de 150 millions de frs.<br />

En tenant compte que la course n'alimentait plus le trésor et<br />

que les deys avaient été dans la nécessité d'effectuer de fré<br />

quents et importants prélèvements, depuis que la balance des<br />

comptes était défavorable à Alger, on voit que la somme trouvée<br />

en 1830 ne présentait pas un caractère anormal (1). Au surplus,<br />

l'enquête innocenta complètement les troupes françaises.<br />

Quand ce trésor fut livré aux autorités françaises, avait-il<br />

été préalablement allégé ? Passa-t-il intact aux mains de ceux<br />

qui en firent l'inventaire ? Nous ne pouvons affirmer qu'un fait<br />

certain, c'est qu'aucun pillage ne fut commis par l'armée fran<br />

çaise, et retenir qu'un seul chiffre, celui qui a été relevé en 1830<br />

(1) Le transport du trésor de la Jenina à la Casbah, par le Dey Ali<br />

en 1817, nécessita 76 voyages de mulets pour l'or et 1.400 pour l'argent ;<br />

la charge de chaque bête étant en moyenne de trois quintaux, la somme<br />

transportée fut, selon toute vraisemblance, en or de 34.500.000 francs<br />

environ et en argent de 30.500.000 francs environ. Si de ce chiffre on<br />

défalque les dépenses effectuées par le Beylick au cours des treize der<br />

nières années de son administration, on arrive très sensiblement à la<br />

somme de 48 millions 1/2 trouvée en 1830.


ŒUVRE<br />

QUI<br />

S'IMPOSAIT<br />

A LA FRA NCE<br />

EN MATIÈRE<br />

BANCAIRE<br />

ET<br />

MONÉTAIRE.<br />

-■ - 56<br />

par le payeur général Firino et la commission chargée de trier<br />

et de peser les monnaies,<br />

de millions (l).<br />

c'est-à-dire environ une cinquantaine<br />

*<br />

* *<br />

Lorsque la France pénétra en Algérie,<br />

elle ne trouva dans<br />

la Régence, ni une circulation monétaire saine, ni une organi<br />

sation de crédit rationnelle qui répondissent convenablement<br />

aux besoins de ce vaste et fertile pays,<br />

et qui fussent à plus<br />

forte raison capables de satisfaire ceux que devait y faire naître<br />

l'introduction d'une civilisation plus active. Le commerce<br />

périclitait (2) , les transactions conservaient en plus d'un endroit<br />

des formes primitives ; l'insécurité des routes rendait difficiles<br />

et raréfiait les échanges. L'usure s'épanouissait dans les villes<br />

comme dans les campagnes.<br />

Seules parfois s'étaient élevées, à Alger même, de grandes<br />

maisons, d'origine livournaises. Leurs chefs,<br />

seurs de beys »,<br />

« faiseurs et défai<br />

cherchaient à monopoliser le commerce exté<br />

rieur, compromettaient et menaçaient le pouvoir. En face d'elles,<br />

nulle concurrence n'avait été capable de mettre un frein à leurs<br />

exigences, nulle justice d'arrêter leurs exactions,<br />

nul gouverne<br />

ment de leur imposer le respect de l'intérêt public. La violence<br />

seule était la règle de la répression, qu'elle vînt des beys excédés<br />

ou du peuple révolté. Le despotisme de ces maîtres de l'argent<br />

n'avait été « tempéré que par l'assassinat ».<br />

L'œuvre qui s'imposait à la France était donc à cet égard<br />

considérable. Il lui fallait doter l'Algérie d'une circulation moné<br />

taire souple et sûre, créer toute une organisation bancaire<br />

s'adaptant aux divers besoins du pays, assurer une aide efficace<br />

à la fois à l'ancienne population indigène, dont elle entendait<br />

améliorer les conditions d'existence, et aux courageux colons qui<br />

allaient venir d'Europe réveiller la nature endormie sur cette<br />

rive africaine de la Méditerranée.<br />

(1) Voir à ce sujet Esquer, op. cit., p. 381 et suivantes et R. Firino<br />

La Famille Firino (1747-1816) ; Le payeur général " Firino (1779-1868/ o»a)t<br />

Paris, Champion, 1927.<br />

(2) Lorsque le maréchal Clauzel établit, par arrêt du 7 décembre 1830<br />

une Chambre de Commerce à Alger, composée de cinq Français d'un<br />

Maure et d'un Hébreu, on se trouva assez embarrassé pour la constituer<br />

tant était grand luer'<br />

le nombre des banqueroutiers.


CHAPITRE II<br />

LES PREMIERS TEMPS DE L'OCCUPATION FRANÇAISE<br />

1830-1848<br />

1* Substitution de la Monnaie Française à la Monnaie Algérienne.—<br />

L'entrée des Français a Alger ne détermine aucun trouble monétaire<br />

immédiat. Raréfaction progressive de la monnaie. Mesures envisagées<br />

pour remédier a la crise monétaire La Monnaie française pénètre peu<br />

a peu dans le pays.<br />

2" — Le Crédit. Les besoins de crédit du commerce algérien après<br />

1830.- Projets de création de banques algériennes. Intervention de la<br />

Banque de France. Le taux de l'intérêt en 1848.


SUBSTITUTION DE LA MONNAIE FRANÇAISE<br />

A LA MONNAIE ALGÉRIENNE<br />

Le gouvernement français, nous l'avons vu, se préoccupa, en<br />

préparant l'expédition d'Alger, de déterminer de quelle ma<br />

nière se feraient les règlements du corps d'occupation sur le<br />

territoire conquis. Il chargea le payeur général Firino d'étudier,<br />

de concert avec le général en chef et l'intendant en chef Den<br />

niée, un tarif applicable aux monnaies algériennes, se réservant<br />

d'ailleurs de lui remettre, au moment de l'embarquement, une<br />

forte somme en monnaies d'Espagne —<br />

à Toulon —<br />

fixée (1).<br />

dont<br />

Le 29 avril 1830,<br />

200.000<br />

piastres réunies<br />

la valeur d'échange fut, dès ce moment,<br />

une commission fut constituée (2). Elle<br />

se réunit les 4 et 6 mai 1830. Dans l'impossibilité de déterminer<br />

avec certitude les altérations de chaque catégorie de monnaies<br />

elle fixa, le 7 mai 1830, un tarif n'en tenant pas compte (3) :<br />

(1) La valeur d'une quadruple d'or était fixée à 84 francs ; celle de<br />

la piastre forte d'argent à colonnes, droite de poids et de titres, à 5,40.<br />

(2) Ses membres étaient : Baron Denniée, Firino, Bricogne, receveur<br />

des finances ; Alexandre Deval, consul de France ; Ricard, directeur dé<br />

la Monnaie ; Tocchi, agent de l'Administration de la Monnaie.<br />

(3) La Commission fait cette remarque,<br />

consignée dans son procès-<br />

verbal : « Il paraît d'abord bien constant qu'en Afrique les métaux d'or<br />

et d'argent n'ont point, comme en France, sous la forme monétaire, une<br />

valeur dans le rapport de 15 1/2 à 1, que l'or à raison de son abondance<br />

est généralement déprécié, d'où il résulte, par exemple, que dans la ville<br />

d'Alger, d'une quadruple d'or espagnole, on n'obtient que quarante à<br />

quarante-deux boudjoux effectifs, tandis qu'avec 10 piastres fortes d'ar<br />

gent (colonnata) qui à 2 % près équivalent à une quadruple d'or, on se<br />

procure, dans les échanges habituels quarante-cinq boudjoux environ, ce<br />

qui n'empêclw pas que, hors la ville d'Alger, les Arabes ne reçoivent<br />

indistinctement que pour une somme pareille de 40 boudjou?:, aoit une<br />

quadruple d'or, soit 16 piastres d'argent... Lorsqu'il s'est agi de régler<br />

l'évaluation en francs des raonnaies d'or du pays d'Alger, comparative<br />

ment avec les monnaies d'argent, nous avons dû, avant tout, consulter<br />

le règlement en vigueur à Alger. En l'adoptant dans toutes ses consé<br />

quences, nous fixions le sequin soltani à 8 fr. 37, somme égale au produit<br />

de 4 boudjoux 1/2 multipliés par 1 franc 86, tandis que cette monnaie,<br />

lorsqu'elle est droite de poids et de titre, vaut intrinsèquement 8 fr. 80 :<br />

si, au contraire, on s'écarte de ce règlement, on se met en contradiction<br />

avec des faits constants dan3 le pays, on heurte des usages et des habi<br />

tudes consacrés par le temps...»<br />

L'ENTREE<br />

DES<br />

FRANÇAIS<br />

A ALGER<br />

NE<br />

DETERMINE<br />

A UCUN<br />

TROUBLE<br />

MONÉTAIRE<br />

IMMÉDIA T.


MINISTÈRE<br />

DES FINANCES<br />

NOMS<br />

des monnaies<br />

Monnaies d'argent<br />

Rial Boudjou<br />

en turc « butun<br />

(entier)<br />

Rebia Boudjou<br />

(piécette neuve)<br />

Temyn Boudjou<br />

(demi -piécette<br />

Zoudj Boudjou<br />

en arabe douro<br />

fi djezaïre<br />

ou Piastre d'Alger,<br />

Pataque cbiqne (1) on piécette<br />

antienne, en arabe Rial Dranm<br />

Mouzouné (2) (<br />

(monnaie decompte)(<br />

Double Mouzouné<br />

Demi-Pataque<br />

chique<br />

Billon et cuivre<br />

Quaroub<br />

Qramse Drahm Segbar<br />

Zoudj Drahm Seghar<br />

Drain Segbar ou aspre cbiqne<br />

rapport<br />

des diverses monnaies entre ><br />

3 Pataquès chiques<br />

60 -<br />

ou 4 Rebia boudjoux (piécettes<br />

neuves)<br />

ou 8 Temyn boudjoux (demi-<br />

piécettes neuves)<br />

ou 24 Mouzounès<br />

3/4 de la Pataque chique<br />

ou 1/4 de Rial boudjou<br />

ou 2 Temyn boudjoux (demi-|<br />

piécettes neuves)<br />

ou 6 Mouzounès<br />

3/8 de la Pataque chique<br />

ou 1/tf de Rial boudjou<br />

ou 1/2 Rebia boudjou (piécette<br />

neuve)<br />

ou 3 Mouzounès<br />

2 Rial boudjoux<br />

ou 6 Pataquès chiques<br />

ou 8 Rebia boudjoux ipiccettesf<br />

neuves)<br />

ou 16 Temyn boudjoux (demi-l<br />

piécettes neuves)<br />

ou 48 Mouzounès<br />

1/3 de Rial boudjou<br />

ou 8 Mouzounès<br />

1/8 Pataque chique<br />

ou 29 Aspres chiques<br />

1/8 Pataque chique<br />

1/6 Rial boudjou<br />

ou 4 Mouzounès<br />

1/2 Mouzouné<br />

f> Aspres chiques<br />

2 Aspres chiques<br />

1/29 de la Mouzouné<br />

Approuvé :<br />

Le Général en Chef,<br />

Comte de BOURMONT.<br />

ARMÉE EXPÉDI<br />

Tarif comparatif de la valeur réciproque des<br />

ÉVALUATION<br />

en argent do France<br />

fr. cent.<br />

86<br />

46<br />

23<br />

72<br />

62<br />

07<br />

15<br />

31<br />

03<br />

01<br />

00<br />

00<br />

milli.<br />

75<br />

50<br />

87%<br />

34<br />

53<br />

26<br />

OBSERVATIONS<br />

Le Boudjou est l'nnité<br />

monétaire ; il pèse terme<br />

moyen 10 grammes.<br />

(1) La Pataqne chique<br />

proprementdite n'existait<br />

pas avant la refonte des<br />

monnaies opérée en 1822.<br />

Mais à cette époqne, les<br />

nouvelles piécettes, sons<br />

le nom de Rebia boudjou,<br />

furent frappées à une va<br />

leur réelle de 6 Mouzou-<br />

nés, c'est-à-dire avec une<br />

réduction de 1/4 sur les<br />

anciennes. Il en est résul<br />

té que celles-ci (piécettes<br />

anciennes) sVlevantàune<br />

valeur relative de 8 Mou<br />

zounès, ont réalisé la<br />

Pataque cbiqne qui jus<br />

qu'alors n'avait été qu'une<br />

monnaie idéale de compte.<br />

(La pièce de 2 Pataquès<br />

chiques, qui est fort rare,<br />

vaut 1 fr. 24 c).<br />

(S) Cette petite monnaie<br />

d'argent existe bien<br />

Maroc,<br />

mais elle n'a pas<br />

cours à Alger ; elle est<br />

de furme ovale et presque<br />

sans empreinte.<br />

Pièce de enivre blanchi<br />

Pièce de cuivre.


TIONNAIRE D'AFRIQUE<br />

- 61<br />

MONNAIES DU PAYS h'ALGER ET DES MONNAIES DE FRANCE<br />

FRANCE.<br />

ESPAGNE.<br />

NOMS DES MONNAIES<br />

j<br />

Argent<br />

Pièce d'un franc<br />

Pièce de deux francs<br />

Billon ou cuivre<br />

Cinq centimes<br />

Dix centimes<br />

Piastres fortes d'Espagne (2)<br />

ou à colonnes (colonnata<br />

Rapport des Monnaies de France et d'Espagne<br />

avec les monnaies d'Alger<br />

12 Mouzounès 28 Aspres<br />

ou 1 Pataque chique 4 Mouzounès 28 Aspres<br />

l 1 Boudjou 1 Mouzouné 28 Aspres<br />

< ou 3 Pataquès chiques 1 Mouzouné 28 Aspres<br />

/ ou 25 Mouzounès 28 Aspres<br />

Observations<br />

IPièced'uu franc ciuquantf<br />

| (20 sousi<br />

/ Pièce de soixante-quinze<br />

2 Pataquès chiques 3 Mouzounès 13 Aspres<br />

îj<br />

i ou 19 Mouzounès 13 Aspres<br />

centimes (15 sous)<br />

1 Pataque chique 1 Mouzouné 21 Aspres<br />

ou 9 Mouzounès 21 Aspres<br />

Pièce de cinquante cent. 6 Mouzounès 14 Aspres<br />

Pièce de vingt-cinq cent. 3 Mouzounès 7 Aspres<br />

Pièce de cinq francs (1)<br />

( 2. Boudjoux 16 Mouzounès 14 Aspres rt'iLÏ^M<br />

! ou 8 Pataquès chiques 14 Aspres naiw!,de fm •


— — 62<br />

L'entrée des troupes françaises à Alger devait entraîner un<br />

changement profond dans les conditions de la vie économique de<br />

la Régence. La principale source de l'enrichissement de la<br />

ville, ce qui avait fait si longtemps sa puissance et assuré l'acti<br />

vité de son commerce, la Course, était définitivement abolie. La<br />

population elle-même était modifiée dans ses classes sociales<br />

et jusque dans sa composition ethnique par le départ de l'aris<br />

tocratie militaire turque. Il semblait qu'un tel événement, que<br />

de telles perturbations, dussent provoquer un de ces mouvements<br />

d'inquiétude générale qui déterminent,<br />

sous l'empire de la<br />

crainte, un arrêt de la vie économique et cette thésaurisation<br />

immédiate qui se manifeste par la disparition de la monnaie. Rien<br />

de tel ne s'est produit dans les premiers temps de notre occupa<br />

tion. Les transactions courantes ne furent pas sensiblement trou<br />

blées, les monnaies qui composaient la circulation algérienne ne<br />

se cachèrent pas ;<br />

ments intérieurs quotidiens.<br />

on en trouva abondamment pour les règle<br />

« Dans un rapport adressé au général en chef le 6 juillet,<br />

le payeur général lui proposait d'envoyer en France toutes les<br />

monnaies françaises ou espagnoles existant dans ses caisses, soit<br />

qu'elles provinssent d'envois du trésor,<br />

soit qu'elles aient été<br />

saisies dans les caisses du pays. Les monnaies algériennes<br />

seraient seules employées au paiement des dépenses de l'armée<br />

au taux fixé par le tarif direct du 7 mai. Cette mesure assurerait<br />

l'écoulement de ces monnaies, sans être onéreuse pour l'armée,<br />

puisque celle-ci aurait la faculté de recevoir des traites sur<br />

France pour les sommes qu'elle n'aurait pas dépensées en Algé<br />

rie.<br />

« Le comte de Bourmont approuva cette manière de voir et<br />

un ordre du jour, en date du 8 juillet, fit connaître à l'armée<br />

que le paiement de toutes les dépenses se ferait en monnaies<br />

algériennes, les officiers conservant le droit de demander des<br />

traites sur France.<br />

« En conséquence de cette mesure, la somme de 1 million<br />

999.720 francs, qui était sur les bâtiments de l'Etat, fut ren<br />

voyée à Toulon et les 200.000 piastres réunies dans cette ville<br />

par les soins du ministre des Finances ne furent pas utilisées.<br />

D'autre part, les 5.285.609 fr. 94 de monnaies algériennes qui


- 63<br />

se trouvaient à la Kasbah furent versés dans les caisses du<br />

payeur général et suffirent à assurer le service jusqu'au mois de<br />

décembre.<br />

« Firino insistait d'ailleurs dans une de ses lettres sur l'utilité<br />

de l'emploi des monnaies algériennes : « Leur écoulement me<br />

« paraît nécessaire aux intendants du trésor et,<br />

pour l'obtenir<br />

« d'une manière certaine, il fallait enlever toute espèce de<br />

« concurrence avec des espèces de meilleur aloi. Je renouvelle,<br />

« dans la même intention, à tous mes préposés, l'ordre de n'ap-<br />

« pliquer les traites du trésor qu'au paiement des appointements<br />

« des officiers et employés qui ont des fonds à faire passer en<br />

« France... »<br />

« L'expérience démontra que le tarif arrêté le 7 mai répondait<br />

à la réalité. Pour faire face à tous les besoins, Firino demanda<br />

seulement au ministre trois millions de traites. » (1).<br />

*<br />

* *<br />

Mais, peu à peu, les monnaies algériennes disparurent et les<br />

monnaies françaises ne furent plus acceptées ; le change sur la<br />

France s'éleva. Le 27 janvier 1832, le payeur en chef de l'armée<br />

Grillet écrivait au baron Pichon, intendant civil à Alger : « Les<br />

petites monnaies algériennes étaient très abondantes sur la<br />

place d'Alger, lorsque nous y sommes entrés. J'en ai, depuis,<br />

émis pour environ 600.000 francs, qui se trouvaient dans le<br />

trésor de la Casauba et la circulation était telle au mois d'avril<br />

dernier qu'elles se trouvaient même trop abondantes et étaient<br />

devenues gênantes pour les transactions. Cependant, et contre<br />

toute prévision, au mois de juillet suivant,<br />

non seulement il<br />

n'existait plus de ces petites monnaies sur la place, mais toutes<br />

les monnaies algériennes avaient disparu. Il est à remarquer que<br />

j'avais émis pour environ 5 millions de boudjoux et double-<br />

boudjoux provenant du trésor de la Casauba. La plus grande<br />

partie des boudjoux et double-boudjoux ont été transportés en<br />

France pour y être fondus, le commerce trouvant quelque avan<br />

tage à cette spéculation qui lui procurait des fonds en France<br />

au pair, alors que le change était très élevé. » (2).<br />

(1) R. Firino,<br />

op. cit. pages 415-416.<br />

(2) Archives nationales F., 80-928.<br />

RARÉFACTION<br />

PROGRESSIVE<br />

DB LA<br />

MONNAIE.


- 64<br />

—<br />

Le payeur en chef attribuait, en outre, la disparition de la<br />

monnaie algérienne à une double cause : d'abord à l'habitude<br />

—<br />

qu'ont les Arabes d'enfouir tout l'argent qu'ils se procurent,<br />

et ils s'en procuraient alors en grande quantité par la vente à<br />

des prix de quatre à six fois plus élevés des denrées nécessaires<br />

au ravitaillement,<br />

— ensuite<br />

à l'accaparement de ces monnaies<br />

« par les négociants hébreux et européens en vue de la revente<br />

avec un fort agio, lorsque leur absence serait devenue un obstacle<br />

sérieux pour les transactions journalières ».<br />

Sans doute, ces raisons et d'autres d'ordre économique expli<br />

quaient la raréfaction des monnaies à un moment où la présence<br />

des troupes françaises en avait précisément augmenté le besoin.<br />

La balance commerciale, notamment, était à cette date très défa<br />

vorable à l'Algérie,<br />

qui avait de nombreux achats à faire à l'exté<br />

rieur et dont les exportations demeuraient très faibles. Le règle<br />

ment du solde de la balance des comptes pesait sur le change,<br />

entraînant, comme conséquence logique, des sorties d'espèces<br />

métalliques.<br />

Mais il est non moins certain que des motifs d'ordre psycho<br />

logique venaient, comme il arrive souvent,<br />

accentuer le mouve<br />

ment créé par les causes économiques et c'étaient eux qui<br />

constituaient alors le facteur principal. Il paraît bien évident,<br />

en effet, que si, après que la monnaie algérienne se fut raréfiée,<br />

il devint impossible de lui substituer de la monnaie française,<br />

c'est parce que la circulation de cette dernière monnaie suivait<br />

les vicissitudes de la conquête et dépendait de l'idée que les<br />

indigènes se faisaient de la portée des succès de nos armes et<br />

du caractère définitif ou précaire de notre occupation.<br />

Les autorités militaires pensèrent à user de la contrainte. Le<br />

général Berthezène, lieutenant général, commandant en chef le<br />

corps d'occupation, prescrivit, par arrêté du 7 septembre 1831,<br />

que les monnaies françaises seraient obligatoirement reçues (1)<br />

et une véritable propagande fut entreprise dans les milieux indi<br />

gènes pour assurer l'exécution de cet arrêté. Elle n'eut guère<br />

de succès. Les monnaies françaises subirent une perte au change<br />

à l'intérieur. Les indigènes, et par suite les Européens appelés<br />

à traiter avec eux, n'acceptaient les pièces de 5 francs qu'avec<br />

(1) Ministère de la Guerre : Collection des actes du gouvernement depuis<br />

l occupation d'Alger jusqu'au 1" octobre 1834, Paris, 1843.


— — 65<br />

une perte de 0 fr. 50 à 0 fr. 60 et parfois davantage. Les seules<br />

monnaies françaises reçues selon le tarif de 1830 étaient les<br />

pièces divisionnaires.<br />

Cette situation provoquait de vives réclamations. Dans une<br />

lettre adressée le 30 janvier 1832 au président du Conseil, le<br />

duc de Rovigo dit : « Dans le moment où j'écris, j'ai chez moi<br />

une troupe de négresses en pleurs, qui ont été repoussées du<br />

marché parce qu'on a refusé leurs pièces de 5 francs et qu'elles<br />

n'ont pas d'autres monnaies. » (1).<br />

*<br />

* *<br />

En novembre 1832, les habitants d'Alger adressèrent au duc<br />

de Rovigo une supplique en vue de la reprise de la frappe de<br />

la monnaie algérienne, car, disaient-ils, la même marchandise<br />

payée avec la monnaie française coûte 20 % de plus que si elle<br />

était payée avec de la monnaie du pays (2).<br />

Le baron Pichon était du même avis et il proposait d'adopter<br />

« le parti que les Français avaient pris en Egypte où de la<br />

monnaie turque fut battue, comme le fut à Berlin de la monnaie<br />

prussienne ». En prévision d'une frappe de monnaies algériennes,<br />

le duc de Rovigo prescrivit à M. Genty de Bussy, qui succéda<br />

comme intendant civil au baron Pichon, de rechercher ce<br />

qu'étaient devenus les instruments de la fabrication de la mon<br />

naie turque ; mais ces recherches n'aboutirent qu'à retrouver<br />

un petit nombre d'instruments en fer non trempé et hors de<br />

service. En fait, les suggestions du baron Pichon ne furent pas<br />

retenues et il ne fut pas frappé de monnaies algériennes.<br />

Il semble bien que le motif principal fût une raison de prestige,<br />

se rattachant précisément à l'ordre d'idées qui déterminait chez<br />

les indigènes les réactions psychologiques défavorables à la dif<br />

fusion de notre monnaie. Les autorités françaises se rendaient<br />

compte peu à peu qu'il fallait éviter tout acte pouvant renforcer<br />

dans l'esprit des habitants le sentiment de la précarité de notre<br />

occupation.<br />

(1) Collection de documents inédits sur l'histoire de l'Algérie après 1830,<br />

1"<br />

série. Correspondance du duc de Rooigo, tome I (par G. Esquer).<br />

(2) Id. Ibid., tome Ht.<br />

MESURES<br />

ENVISAGÉES<br />

POUR<br />

REMEDIER<br />

A LA CRISE<br />

MONÉTAIRE.


LA MONNAIE<br />

FRANÇAISE<br />

PÉNÈTRE<br />

PEU A PEU<br />

DANS<br />

LE PA YS.<br />

66 -<br />

Or, ce sentiment était entretenu tout naturellement par les spé<br />

culateurs qui, désireux d'acheter à bon compte des monnaies d'or<br />

ou d'argent,<br />

profitaient cte chaque événement pouvant nous<br />

être défavorable pour prétendre que notre occupation allait<br />

prendre fin et qu'après elle notre monnaie cesserait d'avoir cours<br />

et perdrait toute valeur. Parmi les chefs indigènes, plusieurs,<br />

qui nous étaient alors hostiles,<br />

contribuaient à accréditer cette<br />

opinion et engageaient la population à se défaire d'une monnaie<br />

qui était le signe d'une domination qu'ils combattaient. Chacun<br />

de ces chefs qui prétendait à l'indépendance cherchait à frapper<br />

monnaie avec ou sans le consentement de la France. Le Bey de<br />

Constantine, dès 1831, en prenant le titre de pacha, battait<br />

monnaie à son coin. Abd-el-Kader faisait demander, en 1834,<br />

au général Drouët d'Erlon les coins de l'ancienne Régence pour<br />

s'en servir lui-même, et le gouverneur général écartait sa<br />

demande ; mais la convention de la Tafna, signée par le géné<br />

ral Bugeaud le 30 mai 1837, ne réservait pas expressément à la<br />

France seule le droit de battre monnaie ; aussi, dès 1838, l'émir<br />

frappa à Tagdempt des pièces à son nom (1). Elles étaient de<br />

facture assez grossière et irrégulière quoique fabriquées par<br />

celui-là même qui avait été chargé du temps des Turcs de la<br />

frappe de la monnaie à Alger. En 1836, le « Moniteur Algérien »<br />

du 26 septembre signalait, en ces termes, un fait caractéristique :<br />

« Pour que nos monnaies de cuivre et d'argent, disait-il, aient<br />

cours chez les Kabyles et les tribus de l'intérieur, les Arabes<br />

leur font une empreinte particulière. Sur une pièce française<br />

de 0,05 que nous avons sous les yeux, on lit d'un côté « Sultan<br />

Mahmoud » et de l'autre « frappé à Alger » en caractères<br />

arabes. »<br />

La monnaie française ne pénétra donc que lentement dans<br />

le pays, chaque étape de notre occupation, chaque consolidation<br />

de celle-ci marquant un progrès de cette pénétration. On peut lire<br />

(1) « L'émir Abd-el-Kader organisa, dans son atelier monétaire à Tag<br />

dempt, la frappe des monnaies ; les « mohammedia » (pièces de Moham<br />

med) en cuivre argenté, valant 5 centimes, et les « nosfia » valant 2 centi<br />

mes 1/2. Il fixa le cours des changes : le douro d'Espagne ou boumetfâa<br />

(5 fr. 50) valait 4 réals d'Alger, le réal (1 fr. 30) valait 3 erbaas d'Al<br />

ger lerbaa (0 fr. 45)4 mohammedias, et le mohammedia deux nosfias<br />

Ce fut avec ces monnaies, d'après le change fixé par lui, qu'il perçut les<br />

lmS? , £ j gl„ !* solde de aon armée » (Général Paul Azan, L'Emir<br />

Abd-el-Kader, Pans, Hachette, page 136).


— — 67<br />

dans le Tableau de la situation des établissements français dans<br />

l'Algérie du Ministère de la Guerre,<br />

en 1840 : « A Constantine<br />

les pièces françaises sont fort recherchées par les indigènes, et<br />

l'on ne voit pas, comme à Alger et à Oran, les Arabes de l'inté<br />

rieur s'empresser d'échanger les écus français contre des pias<br />

tres fortes d'Espagne. » A la même époque, on signale que les<br />

Kabyles du Sahel ont répandu en grand nombre des pièces de<br />

5 francs fausses, ce qui était une preuve, à la fois de leur impé<br />

nitence en matière de fausse monnaie et de la faveur dont<br />

jouissaient nos écus de 5 francs. Les pièces imitées étaient à<br />

l'effigie de Louis XVIII et parfaitement frappées ; mais l'exer<br />

gue n'avait pu être reproduit, ce qui aurait suffi pour les trahir<br />

si le son et le poids n'en avaient décelé facilement la fausseté.<br />

Cette fabrication de fausse monnaie se poursuivit pendant<br />

plusieurs années. En 1845, le gouvernement dut prendre des<br />

mesures énergiques pour réprimer l'émission des pièces fausses.<br />

C'est à cette occasion que le Moniteur Universel publia sur<br />

« cette coupable industrie » un long<br />

article dont nous avons<br />

donné quelques extraits au chapitre précédent (1).<br />

Ces mesures réduisirent considérablement l'activité des faux<br />

monnayeurs, mais elles ne l'arrêtèrent pas complètement. Plus<br />

de dix ans après l'auteur d'une spirituelle relation de voyage<br />

intitulée : Promenade en temps de guerre chez les Kabyles<br />

par un juge d'Alger en congé (2), décrit le travail d'un<br />

indigène qui fond devant lui des pièces d'argent pour en faire<br />

des bijoux et il ajoute : « Cette tribu fabrique de la fausse<br />

monnaie de tous pays dont elle fait un étrange commerce. Elle<br />

ne la met pas en circulation, mais des tribus voisines la lui<br />

achètent et la répandent ensuite. » C'est la même constatation<br />

que celle qui avait été faite en 1845 par le Moniteur Universel.<br />

Les mœurs des Kabyles de cette région, leurs procédés de fabri<br />

cation et d'émission étaient demeurés les mêmes qu'au temps<br />

des Turcs. Mais déjà l'intervention des autorités françaises en<br />

1845 leur avait porté un coup sensible ; et, en 1860, le juge d'Al<br />

ger pouvait conclure : « Cette industrie doit avoir considérable-<br />

(1) Voir page 47.<br />

(2) Paris. Challamel, 1860 et Alger, chez l'auteur (F. Hun, juge doyen<br />

au tribunal de première instance).


- 68<br />

-<br />

ment diminué et offrir même à ceux qui se chargent de l'émission<br />

de ses produits plus de dangers que de profits, à cause de la<br />

surveillance que les bureaux arabes exercent sur les marchés ;<br />

quelques condamnations sévères et exemplaires la feront dispa<br />

raître entièrement et promptement. »<br />

La diffusion de la saine monnaie française dans tout le pays,<br />

en familiarisant les habitants avec des espèces droites, bien<br />

frappées, de titre et de poids constants,<br />

rendait chaque jour<br />

plus malaisée l'émission de pièces fausses reproduisant, en géné<br />

ral, d'une manière imparfaite les bonnes espèces.<br />

Bientôt,<br />

aucun doute ne subsistant plus sur le caractère de<br />

l'occupation française, la monnaie nationale circula sans dif<br />

ficulté dans l'ensemble du pays, et les généraux commandant les<br />

provinces, ainsi que les préfets des départements, reçurent<br />

l'ordre, dont ils purent petit à petit assurer l'exécution, de ne<br />

faire « acquitter qu'en monnaies ayant cours légal et autant<br />

que possible en monnaies françaises, les contributions dues par<br />

les indigènes. »<br />

En 1849 (1), des mesures plus précises furent prises par le<br />

Ministère de la Guerre, de concert avec le Ministère des Finan<br />

ces ; elles tendaient à retirer de la circulation les monnaies algé<br />

riennes au fur et à mesure qu'elles arrivaient dans les mains des<br />

agents de perception et à expédier ces pièces pour être fondues à<br />

la Monnaie. Il était d'ailleurs spécifié que ces mesures ne s'ap<br />

pliquaient qu'aux monnaies portant l'empreinte des pachas<br />

d'Alger,<br />

celles connues sous le nom de Sekka Bacitah et formées<br />

de piastres d'Espagne mutilées, celles frappées au nom du Bey<br />

Ahmed de Constantine et de l'ex-émir Abd-el-Kader devaient être<br />

rigoureusement refusées,<br />

« la France ne pouvant paraître sanc<br />

tionner le droit que se sont attribué deux chefs rebelles pendant<br />

leur éphémère commandement ». Enfin, le 11 août 1851 (2) un<br />

arrêté décida que les monnaies algériennes, les piastres d'Espa<br />

gne et toutes autres monnaies étrangères ne seraient plus admi<br />

ses désormais, sous aucun prétexte, dans les caisses publiques<br />

de l'Algérie. Longtemps encore il y<br />

eut des soltanis et des bou<br />

djoux en circulation, surtout dans les pays limitrophes de la<br />

(1) B. Off. 1849, n° 320.<br />

(2) B. Off. 1851, n° 392.


I<br />

LES MONNAIES FRANÇAISES<br />

INTRODUITES EN ALGÉRIE PE 1830 à 1848<br />

CHARLES X<br />

ARGENT<br />

LOUIS-PHILIPPE<br />

OR<br />

\RfiENT


—<br />

— 69<br />

Tunisie, ainsi que dans quelques villes du Tell. Mais, peu è peu,<br />

ces pièces furent employées, comme les monnaies des anciennes<br />

dynasties, à la confection de bijoux (1). On en faisait des<br />

colliers pour garnir les chéchias. Ces monnaies furent même<br />

à ce point recherchées pour cet objet que les faux mon<br />

nayeurs y trouvèrent leur compte. Us ne cessèrent d'en frapper<br />

et d'en répandre. Même encore en 1874, le directeur des Mon<br />

naies et Médailles dut intervenir pour réprimer la fabrication<br />

des faux soltanis.<br />

Ce sont là, au regard de la circulation monétaire du pays, des<br />

faits négligeables et l'arrêté du 11 août 1851 marque bien le<br />

moment où la monnaie française peut être considérée comme<br />

substituée à l'ancienne monnaie.<br />

Assurément, nous l'avons dit,<br />

cette substitution ne pouvait<br />

être définitive qu'à partir du moment où aucun doute ne devait<br />

plus subsister sur la force de la France et sur sa volonté de<br />

demeurer en Algérie. Les autorités françaises ne s'en sont cas<br />

assez tôt rendu compte et elles n'ont pas toujours reconnu<br />

aux éléments psychologiques la place importante, parfois primor<br />

diale,<br />

qu'ils tiennent dans les questions d'ordre monétaire. Elles<br />

ont, en certains cas, sacrifié à cette idée séduisante, mais<br />

erronée, que le pouvoir a le moyen d'imposer, par la seule vertu<br />

de textes impératifs et par la contrainte, des mesures contraires<br />

aux réalités économiques ou aux tendances en apparence irrai<br />

sonnées des foules,<br />

au lieu de pénétrer jusqu'à ces réalités et<br />

aux causes profondes de ces tendances. Au surplus, dans les<br />

circonstances que nous venons d'exposer,<br />

cette illusion n'a pas<br />

eu de conséquences très regrettables, mais il n'en est pas moins<br />

certain qu'il fallut près de vingt années pour assurer en Algérie<br />

la prédominance de la monnaie française dans la circulation<br />

locale.<br />

(1) P. Eudel,<br />

op. cit., p. 112 et 267.


LES BESOINS<br />

DE CRÉDIT<br />

DU COMMERCE<br />

ALGÉRIEN<br />

APRÈS 1830.<br />

- 70<br />

11<br />

LE CRÉDIT<br />

Il fallut une période d'égale durée pour doter l'Algérie d'un<br />

établissement d'émission chargé d'assurer la circulation fidu<br />

ciaire et de régulariser la distribution du crédit. Il était néces<br />

saire, pour qu'un tel établissement pût être créé,<br />

que le com<br />

merce fût lui-même plus actif qu'il ne l'était au moment de<br />

l'occupation et que ses besoins se révélassent plus importants.<br />

Le commerce intérieur,<br />

portant sur des denrées alimentaires,<br />

fut le premier à prendre une certaine ampleur,<br />

en raison du<br />

ravitaillement des troupes, mais il s'agissait là surtout de<br />

transactions au comptant qui avaient principalement de l'in<br />

fluence sur la circulation monétaire métallique et ne soulevaient<br />

pas de problème bancaire proprement dit.<br />

Le commerce extérieur fut plus long à sentir l'influence favo<br />

rable de l'occupation française. En 1830, les importations<br />

s'élevaient à 6.250.000 francs et les exportations à 850.000<br />

francs. Les besoins de l'armée devaient rapidement développer<br />

les importations. Peu à peu, les exportations prirent à leur tour<br />

un essor intéressant, bien qu'elles ne fussent alimentées que<br />

par quelques-uns seulement des produits indigènes (huiles, cire<br />

jaune, plumes d'autruches, kermès, essence, tissus de soie, tapis<br />

de laine, maroquin, laines), les céréales étant utilisées sur<br />

place. En 1835, les importations avaient à peu près doublé,<br />

les exportations triplé ; en 1850, les premières sensiblement<br />

décuplé, les secondes avaient suivi une progression plus rapide<br />

et atteignaient 10 millions.<br />

Pélissier de Reynaud évalue, en 1836, dans Les Annales<br />

Algériennes, les capitaux circulant sur la place d'Alger à un


— — 71<br />

million, dont une bonne moitié provenait de la solde des troupes ;<br />

la richesse commerciale d'Alger se serait élevée à 12.300.000<br />

francs répartis entre plus de 2.000 négociants et marchands (1).<br />

En 1850, les transactions intérieures auraient atteint, en Algérie,<br />

30 millions environ. Ce sont là des chiffres qui ne doivent être<br />

retenus qu'à titre d'indication. Les statistiques,<br />

même établies<br />

sur des données officielles, doivent être consultées avec une cer<br />

taine prudence et l'on ne saurait admettre, sans les plus expresses<br />

réserves, les chiffres qui prétendent représenter,<br />

non pas la<br />

valeur de marchandises passant en douane ou le montant d'opé<br />

rations inscrites dans des bilans publiés, mais le mouvement<br />

même des capitaux engagés dans toutes les opérations commer<br />

ciales du pays.<br />

Ce qui est certain, c'est que cette activité commerciale ne<br />

disposait à l'intérieur que de moyens rudimentaires de crédit<br />

et que les règlements s'y<br />

effectuaient presque exclusivement<br />

en monnaies métalliques, tandis qu'à l'extérieur, elle n'avait plus<br />

l'appui des grandes maisons israélites, dont les conditions d'exis<br />

tence se trouvaient modifiées. Mais, peu à peu,<br />

suivant la<br />

confiance, le crédit individuel se développait, les négociants<br />

faisaient crédit aux détaillants qui, eux-mêmes, accordaient des<br />

délais à certains de leurs acheteurs ; le nombre des effets de<br />

commerce créés en représentation des transactions augmentait<br />

et constituait une masse d'instruments de crédit en majeure<br />

partie inutilisée.<br />

D'autre part, l'occupation française introduisait, dans la pra<br />

tique, un moyen de paiement nouveau,<br />

qui fut bientôt employé<br />

dans les transactions journalières et dont le rôle allait s'affirmer<br />

au cours des années suivantes. C'étaient les traites que le Trésor<br />

(1) 60 négociants possédant 50.000 francs 3.000.000<br />

50 négociants possédant 20.000 francs 1.000.000<br />

800 marchands européens possédant 2.000 francs 1.600.000<br />

400 marchands juifs possédant 2.000 francs 800.000<br />

900 marchands maures possédant 1.000 francs 900.000<br />

Crédit 8.000.000<br />

Total 15.300.000<br />

A déduire pour mobilier ou propriété immobilière 3.000.000<br />

12.300.000


PROJETS<br />

DE CRÉATION<br />

DE BANQUES<br />

ALGÉRIENNES<br />

émettait, à dix jours de vue,<br />

saire à la trésorerie.<br />

- 72<br />

-<br />

pour se procurer l'aliment néces<br />

Les éléments d'une activité bancaire se constituaient donc ;<br />

mais, en fait, le véritable crédit n'était à la disposition que du<br />

petit nombre et il était très onéreux. L'usure demeurait la règle<br />

et le taux de l'intérêt courant s'en ressentait. En dehors même<br />

de toute pratique proprement usuraire, il restait excessif,<br />

atteignait souvent 36 % et, d'une façon normale,<br />

vers 24 %. Il ne faut pas y<br />

se tenait<br />

voir la seule conséquence d'une<br />

longue accoutumance des populations à l'usure ; le manque de<br />

confiance dans l'avenir de l'occupation française raréfiait le<br />

crédit comme il raréfiait la monnaie. Les capitaux hésitaient<br />

à s'engager et ne le faisaient qu'en prélevant une prime d'as<br />

surance contre le risque qu'ils redoutaient. D'autre part, l'excès<br />

d'audace de quelques esprits trop<br />

entreprenants et pressés de<br />

réussir, se livrant à des spéculations inconsidérées, contribuait,<br />

en provoquant des catastrophes individuelles répétées, à main<br />

tenir l'inquiétude des capitaux. Lorsque le maréchal Clauzel<br />

prit le gouvernement de la colonie, la confiance se raffermit et<br />

le taux courant de l'intérêt baissa quelque peu, jusqu'à 20 ou<br />

même 18 %. Une ordonnance du 7 décembre 1835 put même<br />

fixer à 10 % l'intérêt légal.<br />

Mais, en fait, l'usure ne pouvait être combattue et le taux<br />

de l'intérêt amélioré, que si des mesures étaient prises pour<br />

assurer à l'Algérie une organisation bancaire rationnelle ; et de<br />

ce côté on en demeurait aux projets et aux vœux.<br />

* *<br />

Dès la même époque, en effet, commença à se faire jour l'idée<br />

de la création d'une banque d'émission spéciale à l'Algérie ; cette<br />

idée se précisa assez pour que le maréchal Clauzel, en fé<br />

vrier 1836, étudiât un projet prévoyant l'octroi à une telle banque<br />

d'un privilège de 29 ans,<br />

et songeât à désigner un commissaire<br />

du gouvernement, son choix se portant éventuellement sur<br />

M. Darnaud (1).<br />

(1) Archives nationales F. 80-970. Lettre du maréchal Clauzel à M T5esazardi<br />

(22 février 1836).


- 73<br />

-<br />

Le projet n'était pas mûr et n'aboutit pas. Quelque temps<br />

après, en mai 1836, M. Tricou, négociant à Bordeaux, demanda<br />

l'autorisation de créer une « Banque Coloniale d'Alger » au<br />

capital d'un million, dont il avait rédigé les statuts et dont il<br />

définissait ainsi le rôle : « La Banque opérerait comme banque<br />

de dépôts, de circulation, d'escompte, de prêts sur consignation<br />

de valeurs mobilières et sur garanties hypothécaires. » Il pré<br />

voyait l'émission de billets à vue et au porteur de 25 francs,<br />

125 francs, 250 francs, le montant des billets ne devant pas<br />

dépasser le capital social. D'après une lettre adressée le 12 sep<br />

tembre 1836 par un notaire de Bordeaux, Me<br />

Oury,<br />

au maréchal<br />

Clauzel, MM. de Rothschild et Aguado auraient été disposés à<br />

souscrire un grand nombre d'actions et M. Jacques Laffitte<br />

aurait été le représentant de la Banque d'Alger à Paris. Un<br />

autre négociant de Bordeaux, M. Goupy, adressait au gouver<br />

nement général une demande analogue,<br />

en prévoyant une émis<br />

sion de billets ne devant pas excéder le double du numéraire<br />

en caisse. En décembre 1836, M. Tricou fit de nouvelles pro<br />

positions et amenda son projet, en y introduisant une dispo<br />

sition que l'on devait retrouver quinze ans plus tard dans les<br />

statuts de la Banque de l'Algérie : « Le montant des billets<br />

en circulation,<br />

en compte courant à vue,<br />

cumulé avec celui des sommes dues par la Banque<br />

raire existant matériellement en caisse. »<br />

ne pourra excéder le triple du numé<br />

Mais la création d'une banque d'émission dans un pays neuf,<br />

comme l'Algérie, inspirait des craintes aux pouvoirs publics ; le<br />

Conseil d'administration de l'Algérie examina les projets et les<br />

repoussa et, le 18 octobre 1837, le ministre de la Guerre, approu<br />

vant les conclusions de ce Conseil, les écarta définitivement en<br />

ces termes : « Il ne s'agit de rien moins pour ces banques que<br />

de l'émission de billets,<br />

ce qui constituerait un véritable papier<br />

monnaie et vous comprendrez aisément quels dangers entraîne<br />

rait une semblable création dans l'état actuel de l'Algérie et avec<br />

les ressources dont le pays dispose en ce moment. »<br />

D'autres projets virent le jour (1),<br />

concernant des banques<br />

(1) Projets Rolland, Mayron, Priollaud et Luce (1843), etc.. Archives na<br />

tionales F. 80-970. Voir à ce sujet, Douèl, inspecteur général des Finances,<br />

Un siècle de finances coloniales (1830-1930), Paris, Champion, 1930 (Col<br />

lection du Centenaire).


qui ne seraient pas chargées de l'émission de billets à vue et au<br />

porteur, mais qui, spécialisées dans le crédit algérien, devaient,<br />

dans la pensée de leurs auteurs, contribuer au développement de<br />

la- colonie et venir en aide au commerce. Le Conseil municipal<br />

d'Alger retint, parmi ces projets, celui qui concernait une caisse<br />

d'épargne et de prêts. Divers autres plans furent élaborés par<br />

l'initiative privée : banque de colonisation, banque hypothé<br />

caire, banque de consignation de marchandises. En 1841, la<br />

Chambre de Commerce d'Alger avait repris l'idée de la créa<br />

tion d'une banque spéciale à l'Algérie (Banque Algérienne).<br />

Aucun de ces projets n'aboutit ; sans doute étaient-ils trop<br />

hâtivement conçus, mais aussi furent-ils un peu légèrement et<br />

trop systématiquement écartés.<br />

Les seules mesures qui furent prises alors pour aider le com<br />

merce par le crédit n'eurent qu'une importance secondaire. La<br />

plus intéressante à signaler est l'établissement d'entrepôts de<br />

marchandises et la création de warrants transférables par endos<br />

(ordonnance du 4 novembre 1835 et arrêté du 2G mars 1837).<br />

Elle fut sans grande influence, et le commerce, privé des concours<br />

bancaires qui lui étaient nécessaires, connut des périodes par<br />

ticulièrement pénibles ; les erreurs des spéculateurs troublaient<br />

facilement une place mal organisée et le nombre des faillites<br />

augmentait sensiblement au cours de l'année 1844.<br />

A cette date, des négociants d'Alger, se rendant compte de la<br />

nécessité de disposer d'une banque favorisant la mobilisation<br />

des créances commerciales, voulurent réaliser la création de la<br />

Banque Algérienne, préconisée par la Chambre de Commerce<br />

d'Alger en 1841. Cette caisse d'escompte devait avoir un capital<br />

de 2 millions et recevoir le droit d'émettre des billets au porteur<br />

et à vue (1). Parmi les promoteurs de ce projet figuraient<br />

M. Cabanillas, secrétaire de la Chambre de Commerce, qui devait<br />

devenir plus tard directeur du Comptoir National d'Alger, et<br />

M. Edouard Lichtlin, Conseiller municipal d'Alger et Président<br />

de la Chambre de Commerce, qui devait être un jour le premier<br />

Directeur de la Banque de l'Algérie (2). Ils réunirent de nom-<br />

(1) L'acte de société fut passé en juillet 1844 en l'étude de M" Le<br />

Roy, à Alger. Cf. Archives Nationales F. 80-1872.<br />

(2) M. Lichtlin, négociant, banquier, importateur de farines de Livourne<br />

et de Trieste, consul général de Toscane, fut conseiller municipal depuis<br />

la création de la municipalité jusqu'en 1854 et président de la Chambre


— - 75<br />

breuses souscriptions à Alger même. Un autre projet, s'inspirant<br />

des mêmes principes, c'est-à-dire prévoyant également l'émission<br />

de billets de banque, fut établi en vue de la création d'une « Ban<br />

que Coloniale de l'Algérie ». (Projet Boensch).<br />

*<br />

D'autres se demandèrent si l'on n'obtiendrait pas de plus rapi<br />

des et de meilleurs résultats en faisant appel à la Banque de<br />

France, dont la situation était très forte.<br />

Le 8 avril 1844, M. Montaudon écrivait au maréchal Bugeaud<br />

pour demander la création d'une succursale de la Banque de<br />

France à Alger ; mais le gouverneur général répondait que « les<br />

statuts de cet établissement ne permettaient sans doute pas la<br />

réalisation d'un pareil projet ». L'obstacle auquel devait se heur<br />

ter cette réalisation n'était toutefois pas celui que pensait le<br />

maréchal. En effet, la loi du 30 juin 1840 et l'ordonnance du roi,<br />

en date du 25 mars 1841, avaient prévu et réglementé l'extension<br />

de la Banque de France et fixé les conditions d'établissement et<br />

de fonctionnement de comptoirs d'escompte placés sous sa direc<br />

tion immédiate et constituant de véritables succursales. Le<br />

gouvernement pouvait donc retenir cette idée et il la retint en<br />

fait après avoir écarté de nouveau les projets de création de<br />

banques spéciales,<br />

qui lui paraissaient « pleines d'incertitudes<br />

et de dangers ». Dès le mois de novembre 1844 il adressa à la<br />

Banque de France un émouvant appel lui demandant d'ouvrir un<br />

comptoir en Algérie (1). Dans la pensée du gouvernement, il<br />

de commerce de 1844 à 1850. H devint successivement président par<br />

intérim du Comptoir national d'escompte d'Alger, puis directeur de la<br />

Banque de l'Algérie, enfin vice-président du conseil d'administration du<br />

Crédit Industriel et Commercial à Paris et administrateur de la Société<br />

Algérienne.<br />

(1) Nous extrayons du très intéressant ouvrage de M. Gabriel Ramon :<br />

Histoire de la Banque de France d'après les sources originales (Ber<br />

nard Grasset 1929) le passage suivant :<br />

« C'est Soult, alors ministre de la Guerre, qui, plein de foi dans les<br />

destinées commerciales de l'Algérie, demanda à la Banque de créer ce<br />

comptoir... Marseille et Alger se disputaient, paraît-il, l'honneur de fonder<br />

cet établissement, mais les préférences du duc de Dalmatie allaient à la<br />

Banque de France. « La régénération du Nord de l'Afrique par la France,<br />

écrivait-il au gouverneur de la Banque, la fondation d'un royaume chré<br />

tien et français en Algérie est un grand fait historique ; elle rend au<br />

commerce du monde un vaste et magnifique territoire ; elle a détruit<br />

la piraterie ; elle a fait tomber une à une l'entrave des quarantaines<br />

exagérées ; en offrant aux esprits ardents et aventureux un noble but,<br />

INTERVEN<br />

TION DE<br />

LA BANQUE<br />

DE FRANCE.


—<br />

— 76<br />

s'agissait « d'un comptoir ordinaire qu'elle aurait alimenté avec<br />

ses ressources et dont elle aurait eu la direction exclusive, com<br />

me elle l'exerçait sur les comptoirs ordinaires, qui aurait été, en<br />

un mot, parfaitement identique à ces comptoirs ».<br />

La Banque de France entreprit cette étude avec le plus grand<br />

soin ;<br />

elle entendit les délégués du commerce d'Alger venus à<br />

Paris spécialement pour lui donner tous les renseignements<br />

nécessaires. Mais au sein du Conseil de Régence des divergences<br />

d'opinion ne tardèrent pas à se manifester. Certains Régents<br />

estimaient qu'il y avait, dans la situation de l'Algérie, dans son<br />

éloignement de la Métropole, dans la possibilité que les com<br />

munications fussent un jour interrompues, peut-être aussi dans<br />

la nature des affaires algériennes, des causes de danger, des<br />

risques excessifs pour la Banque.<br />

Dans un rapport présenté, le 13 mars 1845,<br />

au Conseil de la<br />

Banque de France, M. Legentil, Régent (1),<br />

de la question et passait en revue les diverses objections for<br />

mulées. Il émettait un avis favorable,<br />

exposait l'historique<br />

mais en l'enveloppant<br />

de prudence. Il rappelait qu'il s'était formé plusieurs compagnies<br />

pour créer des établissements d'émission spéciaux à l'Algérie<br />

sous forme de banques par actions; que les demandes d'auto<br />

risation avaient été présentées au gouvernement et que le pré<br />

sident du Conseil, le ministre des Finances et celui du Commerce,<br />

avaient engagé la Banque à prendre l'initiative de cette institu<br />

tion, en fondant elle-même un comptoir. Il faut, disait-il, agir<br />

au début du fonctionnement d'un pareil établissement avec une<br />

sage réserve, une prudente circonspection, faire sentir partout<br />

une action modératrice et moralisante. Il s'agissait, au surplus,<br />

de donner d'abord à la demande du gouvernement une réponse<br />

de principe : il a été reconnu, disait-il, que toutes dispositions à<br />

en donnant du travail à de nombreux ouvriers de la métropole, de l'Espa<br />

gne et des autres nations voisines de l'Algérie, elle fournit un nouvel<br />

aliment à leur commerce et contribue ainsi à fortifier les tendances<br />

pacifiques de l'Europe. La Banque de France voudra s'associer à cette<br />

grande œuvre ; elle imitera les banques anglaises que l'on voit toujours<br />

prêtes à soutenir les colonies de la Grande-Bretagne ; elle nous prêtera<br />

son nom, son crédit, son appui, et, en s'assurant ainsi des bénéfices, elle<br />

rendra à la métropole un nouveau service par la moralisation du com<br />

merce algérien et le développement de toutes les entreprises qui peuvent<br />

nous dédommager de nos sacrifices et étendre la conquête morale des<br />

populations indigènes. »<br />

(1) Rapport de M. Legentil, 13 mass, 20 mars, 9 avril 1845, Paris im<br />

primerie Pion Frères 1845.


— — 77<br />

prendre relativement à l'organisation administrative, au plus ou<br />

moins d'extension à donner aux opérations futures du comptoir<br />

seraient ajournées jusqu'à ce qu'une étude faite sur les lieux<br />

mêmes « dans un voyage d'exploration entrepris dans ce but »,<br />

ait fait connaître les mesures d'exécution à adopter. Un point<br />

paraissait dès lors acquis « le taux d'intérêt, quel qu'il soit, qui1<br />

sera fixé pour l'escompte, offrira toujours par son excédent sur<br />

le taux habituel de la Banque de France une espèce de prime<br />

d'assurance contre les risques que peut faire courir l'établis<br />

sement d'une succursale à Alger ».<br />

L'étude faite par le Comité compétent du Conseil de la Banque<br />

de France fut laborieuse et prolongée et aboutit à un projet<br />

intermédiaire, conciliant, dans la mesure du possible, les deux<br />

tendances opposées qui s'étaient manifestées parmi les Régents.<br />

La Banque accepta de créer à Alger un comptoir à condition<br />

que le capital du nouvel établissement ne fût pas entièrement<br />

fourni par elle. Il ne s'agissait donc plus exactement d'une suc<br />

cursale de la Banque, d'un comptoir tout à fait semblable à ceux<br />

qu'elle établissait en France, mais, dirions-nous aujourd'hui,<br />

d'une sorte de filiale,<br />

direct.<br />

sur laquelle elle devait exercer un contrôle<br />

Dès le 26 mai 1845, le ministre des Finances put déposer à<br />

la Chambre des députés un projet de loi « relatif à la création<br />

d'un comptoir de la Banque de France à Alger ».<br />

L'exposé des motifs de ce projet de loi expliquait clairement<br />

la nécessité de la création de ce comptoir,<br />

au double point de<br />

vue de la circulation monétaire et de la distribution du crédit.<br />

Il disait notamment : « ...En Algérie, comme partout, les classes<br />

interposées entre le producteur et le consommateur, les inter<br />

médiaires obligés des échanges,<br />

suppléent par les ressources que<br />

leur offre le crédit, à l'insuffisance de leur capital. Le commerce<br />

en gros solde, en effet, à échéances plus ou moins éloignées, le<br />

prix des marchandises qu'il importe du continent. Le commerce<br />

de détail se libère de la même manière de sa dette envers le<br />

commerce de gros, tandis que les entrepreneurs de construc<br />

tions particulières et les fournisseurs de l'Administration se<br />

procurent une portion plus ou moins considérable du capital que<br />

réclament leurs acquisitions de matériaux et de denrées, en sous<br />

crivant des effets à terme qu'ils acquittent, soit avec le prix des


-<br />

— 78<br />

maisons, qui sont facilement vendues une fois bâties, soit avec<br />

les rentrées provenant du paiement de leurs fournitures par<br />

l'Administration. Alger, dont la population européenne s'élève à<br />

plus de 40.000 âmes,<br />

est le centre où viennent se liquider les<br />

opérations des villes du littoral. Ainsi la Chambre de Commerce<br />

d'Alger (1)<br />

admet que les 64 millions 1/2 de transactions qui<br />

ont eu heu dans la ville même en 1844,<br />

ont donné lieu à une<br />

création d'effets montant à 44 millions, dont une grande partie<br />

serait de nature à être admise par un comptoir de la Banque.<br />

Cette déclaration peut avec d'autant plus de raison être acceptée,<br />

que les formules de papier timbré qu'a débitées l'Adminis<br />

tration de l'Enregistrement en Algérie, pendant l'année 1844,<br />

représentent une somme d'effets à créer de<br />

au nombre de 45.300,<br />

46.430.000 francs. La masse des valeurs émises est d'ailleurs de<br />

beaucoup inférieure à celle des valeurs à émettre : les bonnes<br />

maisons qui vendent à terme ne s'empressent pas de se faire<br />

régler n'ayant aucun intérêt à conserver en portefeuille des effets<br />

qu'elles ne pourraient négocier qu'à 10 ou 12 %,<br />

car l'intérêt<br />

légal est de 10 % quand il n'existe pas de stipulation différente ;<br />

et l'intérêt courant varie suivant les localités de 10 à 25 %. Il<br />

en sera tout autrement quand elles pourront escompter les mêmes<br />

valeurs à un taux raisonnable... Une compagnie s'était formée<br />

pour solliciter l'exploitation d'une banque locale, mais quelque<br />

sécurité que parussent présenter, au point de vue commercial,<br />

les combinaisons financières des hommes honorables placés à la<br />

tête de cette compagnie, le gouvernement n'a pas cru devoir<br />

accueillir leur demande... Il a pris l'initiative d'une proposition<br />

directement faite à la Banque de France et tendant à l'établis<br />

sement d'un comptoir à Alger. »<br />

Ce fut M. Dufaure qui rapporta le projet le 14 juin ; ses<br />

conclusions étaient favorables, malgré une certaine opposition<br />

rencontrée à la Commission de la part de ceux qui estimaient<br />

que l'organisation du comptoir de la Banque de France était<br />

prématurée ; que, sous la forme à laquelle on s'était arrêté, on<br />

(1) « Quant à la circulation des billets, disait la Chambre de Com-<br />

inerce d'Alger dans une lettre adressée au gouverneur de la Banque de<br />

France, nous sommes convaincus qu'elle ne trouvera pas la moindre<br />

difficulté et que les billets de banque se substitueront immédiatement<br />

aux traites du trésor à dix jours de vue, qui aujourd'hui servent dans<br />

les transactions journalières et en facilitent le mouvement. »


— 79 —<br />

créait un établissement qui n'était pas une véritable succursale<br />

de la Banque et dont la fausse qualification devait tromper le<br />

public, et qu'enfin l'on ferait sortir ainsi la Banque de France<br />

des règles de prudence qu'elle s'était toujours imposées et « qui<br />

lui avaient valu l'estime et la confiance du monde entier ».<br />

La discussion à la Chambre des députés ne présenta pas d'in<br />

térêt particulier. Le projet fut adopté à la séance du 2 juillet.<br />

Transmis à la Chambre des pairs et rapporté devant cette Cham<br />

bre, dès le 10 juillet, par M. Lacoste, il fut adopté sans discussion<br />

le 12 et la loi fut promulguée le 19.<br />

Le comptoir de la Banque de France devait avoir un capital<br />

de 10 millions ; la Banque n'engageait sa propre responsabilité<br />

qu'à concurrence de 2 millions et devenait, pour cette somme,<br />

actionnaire du comptoir ; les 8 autres millions devaient être four<br />

nis par le public, avec droit de préférence pour les actionnaires<br />

de la Banque. L'article 5 de la loi stipulait qu'une ordonnance<br />

royale rendue, sous la forme des règlements d'administration<br />

publique, sur la demande du Conseil général de la Banque,<br />

déterminerait les conditions de l'émission des billets en Algérie,<br />

la constitution et la destination d'un fonds de réserve, enfin les<br />

modifications qui seraient rendues nécessaires aux dispositions<br />

des décrets du 18 mai 1808 et de l'ordonnance royale du<br />

25 mars 1841 régissant la Banque et ses comptoirs.<br />

Aucune hâte ne fut apportée à la rédaction de cette ordon<br />

nance. Les événements prenaient une tournure défavorable, qui<br />

donnait encore plus de force aux arguments des adversaires de<br />

l'ouverture en Algérie d'un comptoir d'escompte dépendant de<br />

la Banque de France.<br />

Celle-ci se préparait à développer progressivement son action<br />

sur toute la France ; elle sentait sa mission grandir et se trans<br />

former. Elle était à la veille de contrôler et de régler la<br />

distribution de tout le crédit en France,<br />

et elle se demandait<br />

si, au moment où elle devait appliquer, sur toutes les parties<br />

du territoire, les mêmes règles de sagesse qu'elle trouvait<br />

inscrites dans ses statuts, elle pouvait,<br />

au delà de la Méditerranée, modifier,<br />

pour étendre sa tâche<br />

en vue d'une opération<br />

spéciale, les textes qui fixaient ces règles. Elle redoutait de ne<br />

pouvoir surveiller efficacement un établissement éloigné d'elle


- 80<br />

-<br />

et dont les opérations ne devaient pas venir,<br />

comme celles des<br />

se centraliser dans le réservoir commun.<br />

succursales françaises,<br />

D'autre part, une crise d'ordre économique s'annonçait, la me<br />

nace d'événements politiques graves, le malaise précurseur de<br />

troubles révolutionnaires se faisaient sentir. L'année 1847 voyait<br />

les capitaux et le numéraire fuir de France, dans la crainte de<br />

la Révolution, et cet exode, en provoquant une crise de chômage,<br />

hâtait d'ailleurs le grand événement. Cette raréfaction du numé<br />

raire et cette diminution des capitaux disponibles s'étendirent<br />

à l'Algérie ; un grand nombre de colons,<br />

privés de travail ou<br />

de moyens d'action, durent rentrer en France. La population<br />

européenne de l'Algérie diminua cette même année 1847 de plus<br />

de 5.500 habitants,<br />

passant de 109.400 à 103.893.<br />

Le commerce algérien ne se préoccupait que plus activement<br />

de la suite que la Banque de France devait donner à la loi du<br />

19 juillet 1845,<br />

et la loi de finances du 9 août 1847 contint une<br />

disposition spéciale à ce sujet, inspirée par Garnier-Pagès,<br />

décidant que la Banque, de France perdrait la faculté qui lui<br />

avait été accordée de créer un comptoir à Alger, si cette création<br />

n'était pas réalisée au plus tard le 1er avril 1848 (1).<br />

Enfin, le 16 décembre 1847, l'ordonnance prévue par la loi<br />

(1) Diverses publications saisirent de la question l'opinion publique<br />

algérienne. L'une d'elles, intitulée Le Crédit en Algérie, par Henry<br />

Roubière (Alger 1847), portait en tête cette devise : « L'Algérie a été<br />

baptisée dans le sang ; elle a été arrosée par nos sueurs et elle demeure<br />

ingrate. Pour qu'elle devienne féconde, il faut encore qu'à l'aide du crédit<br />

le capital s'y répande partout comme une rosée bénie » (extrait du<br />

Journal d'un colon). L'auteur déclarait que le moment était venu d'or<br />

ganiser le crédit en Algérie, il déplorait que la Banque de France<br />

mît peu d'empressement à établir un comptoir à Alger. Il disait que l'or<br />

ganisation du crédit ne saurait consister dans l'établissement d'un comp<br />

toir d'escompte à Alger, mais dans un système large de banques et de<br />

caisses hypothécaires sagement distribuées dans les principales localités<br />

du pays « pour faire rayonner partout la vie et la chaleur ». Il proposait<br />

d'affecter à la création d'une banque les sommes que le maréchal Bugeaud<br />

voulait consacrer à la colonisation. Dans un Mémoire sur le comptoir<br />

de la Banque de France qui va être établi à Alger, adressé au gou<br />

verneur de la Banque, l'auteur, M. Duchesne, insiste sur la nécessité pour<br />

la Banque de France d'accepter du papier à deux signatures et de faire<br />

participer les colons proprement dits (grands et petits agriculteurs) aux<br />

bienfaits du comptoir d'Alger, ce qui était à ses yeux « la plus délicate<br />

mais la plus importante des questions » qu'il s'était proposé de traiter.<br />

« Tout le monde en convient, disait-il, parce que c'est l'évidence même :<br />

Si l'on ne parvient pas à résoudre le problème ardu de la colonisation,<br />

c'est-à-dire de la culture du sol de l'Algérie, il faut désespérer de l'avenir<br />

de la colonie. »


— 81 -<br />

du 19 juillet 1845 fut rendue. Elle autorisait la Banque de France<br />

à émettre 8.000 actions du comptoir d'Alger,<br />

au capital de<br />

1.000 francs chacune. Le montant des billets émis par le comp<br />

toir, cumulé avec celui des sommes dues à des tiers en compte<br />

courant à vue,<br />

ne pouvait excéder le triple du numéraire en<br />

caisse. Pour le surplus, les opérations devaient être les mêmes<br />

que celles de la Banque de France. A l'assemblée des actionnaires<br />

de la Banque de France du 27 janvier 1848, le gouverneur<br />

annonça cet événement en ces termes : « L'ordonnance régle<br />

mentaire relative au comptoir mixte d'Alger, dont la rédaction<br />

avait suscité tant de controverses et de difficultés, a été pro<br />

mulguée le 27 décembre dernier. La Banque reçoit en ce moment<br />

les souscriptions des actionnaires et elle accélère de tout son<br />

pouvoir l'organisation de cet établissement ; bientôt les vœux<br />

de la colonie seront satisfaits. » Peu de temps après, une ordon<br />

nance royale nomma M. Sabatault, ancien négociant, juge au<br />

tribunal de commerce d'Alger,<br />

hospices de cette ville,<br />

Banque de France.<br />

membre de la Commission des<br />

directeur du nouveau comptoir de la<br />

Mais les événements politiques se précipitaient et, dans la<br />

^tourmente, les bonnes résolutions de la Banque de France<br />

vis-à-vis de l'Algérie allaient être emportées elles-mêmes. La<br />

Révolution éclata. Un trouble profond se manifesta dans toutes<br />

les transactions, affecta la circulation monétaire, à tel point qu'il<br />

fallut décréter le cours forcé le 15 mars 1848,<br />

et le terme fatal<br />

du 1er avril passa sans que la Banque eût usé de la faculté que<br />

lui avait accordée la loi (1). Puis, au mois de juillet 1848, les<br />

journaux annoncèrent que le Conseil de Régence de la Banque<br />

de France avait décidé de renoncer à la création du comptoir<br />

d'Alger et de rembourser les actionnaires sous déduction des<br />

frais . (2) Le 25 janvier 1849, devant l'assemblée des actionnaires<br />

(1) L'émission des actions avait commencé fin décembre 1847 dans<br />

des conditions assez défavorables. Au 24 février 1848 les versements<br />

effectués ne montaient encore qu'à la somme de 3.437.000 francs. La<br />

révolution arrêta les paiements.<br />

(2) Au bilan hebdomadaire de la Banque de France, nous trouvons<br />

en avril 1848 et jusqu'au mois d'août deux rubriques relatives au comptoir<br />

d'Alger :<br />

A l'actif « Intérêts dans le comptoir d'Alger » : 1.000.000 (soit la<br />

moitié de la somme que la Banque devait souscrire).<br />

Au passif « Comptoir d'Alger, somme non employée en bons du tré-


LE TAUX<br />

D'INTÉRÊT<br />

EN 1848.<br />

— — 82<br />

de la Banque de Prance, le gouverneur déclarait : « Fallait-il<br />

demander un sursis à la déchéance ? » La Banque hésitait. Plu<br />

sieurs souscripteurs, et notamment les actionnaires d'Alger,<br />

réclamèrent leur remboursement. Cette circonstance décida de<br />

la question. Le comptoir fut liquidé avant d'avoir pu fonction<br />

ner (1). Le commerce algérien en éprouva un grand décourage<br />

ment disait, en 1849, M. Laya, au Conseil municipal d'Alger, en<br />

rappelant les vains efforts faits jusque là pour doter l'Algérie<br />

d'une banque d'escompte et de réescompte.<br />

*<br />

* *<br />

Cependant les événements politiques avaient une grande<br />

répercussion en Algérie ; les capitaux se cachaient, le taux de<br />

l'intérêt s'élevait brusquement dans des proportions telles que<br />

le gouvernement crut devoir intervenir ; le 4 novembre 1848,<br />

sor » : un chiffre supérieur à un million et variant peu (au 3 août :<br />

1.109.638 fr. 19).<br />

En août, les rubriques changent de la façon suivante :<br />

ACTIF :<br />

17 août Intérêt dans le<br />

comptoir d'Alger<br />

Remboursement des<br />

actions du comp<br />

toir d'Alger<br />

24 août Intérêt dans le<br />

comptoir d'Alger<br />

Remboursement des<br />

31 août<br />

actions du comp<br />

toir d'Alger<br />

— Néant<br />

—<br />

1.000.000<br />

1.478.260<br />

1.000.000<br />

1.749.880<br />

PASSIF<br />

Somme non en<br />

core employée<br />

en bons du<br />

Trésor .... 1.214.596 54<br />

Comptoir<br />

ger<br />

d'Al-<br />

Liquidation du<br />

Comptoir d'Al-<br />

4.472.279 04<br />

Ser 1.283.204 »<br />

n , ,<br />

Peu à peu, la somme inscrite à cette dernière rubrique diminue, puis<br />

la rubrique elle-même disparaît.<br />

(1) D'après les journaux algériens, il semblerait que les actionnaires<br />

locaux eussent au contraire songé à exiger l'exécution des engage<br />

ments de la Banque de France. De véhémentes protestations s'élevèrent<br />

dans le pays : « Il faut, disait-on, mettre en demeure la Banque de<br />

commencer les opérations du comptoir qu'elle s'est obligée de fonder<br />

lger; Ily VUf, Ce point en&a&ement positif de sa part et cet engage<br />

ment résulte de l'ordonnance qu'elle a sollicitée pour être autorisée à<br />

fonder ce comptoir, ensuite vis-à-vis des actionnaires qui ont versé les


— — 83<br />

Cavaignac prit un arrêté aux termes duquel l'intérêt conven<br />

tionnel en Algérie ne pouvait, en aucun cas,<br />

légal,<br />

excéder le taux<br />

sous les peines portées aux articles 3 et 4 de la loi du<br />

3 septembre 1807. Cet arrêté fut rapporté par décret du pré<br />

sident de la République du 11 novembre 1849 et l'ordonnance<br />

de 1835 remise en vigueur. Cette mesure fut prise sur le rapport<br />

du ministre de la Guerre qui s'exprimait ainsi : « Cet arrêté,<br />

dicté évidemment par l'intention louable de diminuer l'usure, a<br />

complètement manqué son but,<br />

ou plutôt a été directement<br />

contre son but. Il n'a fait qu'aggraver le mal. D'une part, l'arrêté<br />

du 4 novembre 1848, aussitôt éludé que rendu, a donné lieu à une<br />

foule d'opérations dans lesquelles l'excédent d'intérêt a été<br />

frauduleusement dissimulé, de l'autre,<br />

gnant les capitaux,<br />

tendait à diminuer,<br />

il a été funeste en éloi<br />

en élevant leurs prix que la concurrence<br />

en nécessitant des actes simulés qui multi<br />

pliaient les frais. Sous l'empire de l'ordonnance de 1835 les<br />

placements étaient descendus successivement à un taux inférieur<br />

au taux légal. Sous l'arrêté du 4 novembre 1848 l'argent, déjà<br />

si rare, a presque disparu complètement et, malgré les peines<br />

édictées, l'intérêt des prêts qui s'effectuent aujourd'hui s'élève,<br />

en fait, à un taux fabuleux que l'on n'oserait citer. Déjà, par une<br />

délibération du 28 novembre 1848, les Chambres de Commerce<br />

d'Alger et d'Oran, présageant tous les dangers que l'arrêté<br />

du 4 du même mois devait apporter avec lui, avaient demandé<br />

avec chaleur le retour à l'ordonnance de 1835. Depuis, le mal<br />

n'a fait qu'empirer... »<br />

Là encore l'autorité pouvait mesurer combien est fragile,<br />

devant la force des réalités économiques, la barrière d'un texte<br />

qui ne tient pas compte de ces réalités.<br />

fonds dans ses mains et envers lesquels la Banque s'est engagée à fournir<br />

un million. » (Akhbar du 26 mars 1848.)<br />

« La Banque a-t-elle pu, par sa seule volonté, se déclarer déliée de<br />

tous engagements envers les actionnaires du comptoir ? On dit, pour<br />

l'excuser, que le général Cavaignac lui a mis le marché à la main :<br />

« Faites marcher le comptoir ou rendez l'argent. » Nous n'hésitons pas<br />

à penser que les actionnaires peuvent provoquer la constitution d'un tri<br />

bunal arbitral à Alger devant lequel ils pourront demander que la Ban<br />

que soit tenue d'exécuter la société, sinon de payer des dommages-intérêts<br />

aux actionnaires. Peut-être d'ailleurs obtiendront-ils que la Banque soit<br />

forcée d'exécuter le traité, et cela serait, quoi qu'on en puisse dire, très<br />

favorable au pays. » (Akhbar, 1" août 1848.)


— — 84<br />

De plus en plus s'imposait la nécessité de doter l'Algérie d'un<br />

organisme bancaire susceptible de régulariser le taux de l'intérêt<br />

et de distribuer le crédit avec ordre et sagesse. Puisque la Ban<br />

que de France n'avait pu donner suite au projet qui eût doté<br />

la colonie d'un comptoir dépendant d'elle, l'heure était venue d'y<br />

créer un établissement autonome.


[[<br />

LES MONNAIES FRANÇAISES<br />

INTRODUITES EN ALGÉRIE DE i83o à ,848<br />

OR


CHAPITRE III<br />

LE COMPTOIR NATIONAL D'ESCOMPTE D'ALGER<br />

et la<br />

CRÉATION DE LA BANQUE DE L'ALGÉRIE<br />

I* Le Comptoir National d'Escompte. Origine et utilité des<br />

Comptoirs Nationaux d'Escompte en 1848. Démarches en vue de la<br />

création d'un Comptoir National d'Escompte a Alger. Création du<br />

Comptoir National. Fonctionnement du Comptoir National.<br />

2" Création de la Banque de l'Algérie. —<br />

Modifications<br />

apportées<br />

en 1851 dans le régime douanier et dans celui de la Colonisation. L'idée<br />

s'impose de la nécessité d'une Banque d'émission spéciale a l'Algérie.<br />

Principes sur lesquels est fondée la Banque de l'Algérie. Projet de<br />

loi relatif a la création d'une banque d'émission spéciale a l'Algérie.<br />

Vote de la loi. L'Algérie accueille avec une grande satisfaction la<br />

promulgation de la loi.


LEjCOMPTOIR NATIONAL D'ESCOMPTE<br />

La Révolution de 1848, en aggravant la crise générale, provo<br />

— — qua en France de la part du gouvernement, l'adoption de<br />

mesures diverses, dont quelques-unes furent salutaires et de<br />

vaient avoir une heureuse répercussion en Algérie.<br />

Parmi ces mesures, on doit placer au premier rang la création<br />

de comptoirs nationaux d'escompte. Nous extrayons d'un opus<br />

cule publié en 1850 (1) par M. Cabanillas,<br />

qui devait être le<br />

premier directeur du Comptoir national d'escompte d'Alger,<br />

quelques passages qui caractérisent bien l'intérêt de cette créa<br />

tion et l'accueil que lui réserva l'opinion publique : « La pensée<br />

qui présida à la création des comptoirs nationaux d'escompte,<br />

dans un moment de bouleversement général qui avait paralysé<br />

toutes les sources du crédit, retiré la confiance, et qui menaçait<br />

d'une ruine complète le commerce et l'industrie du pays, fut une<br />

des plus fécondes, des plus heureuses qui puissent être citées,<br />

et dont l'histoire financière des nations offre bien peu d'exem<br />

ples. En effet, en se reportant par la pensée à la crise inouïe au<br />

milieu de laquelle le gouvernement provisoire fut chargé de<br />

conjurer le péril qui menaçait le commerce français, dans ce<br />

moment où les intermédiaires habituels des transactions com<br />

merciales, songeant à leur propre salut, refusaient d'escompter<br />

les valeurs, quelle que fût la solvabilité des signatures dont<br />

(1 ) Notes sur l'utilité des comptoirs nationaux d'escompte, etc., par<br />

M. N. Cabanillas, Alger, 16 janvier 1850, Imprimerie Rey, Delavigne et C°.<br />

— M. Cabanillas, ancien attaché au cabinet de 11. Trouvé-Chauvel, alors<br />

que celui-ci était ministre des Finances (1848), était banquier à Alger et<br />

membre-secrétaire de la Chambre de Commerce d'Alger.<br />

ORIGINE<br />

ET UTILITÉ<br />

DES<br />

COMPTOIRS<br />

NATIONAUX<br />

D'ESCOMPTE<br />

EN 1818.


— - 88<br />

elles étaient revêtues, au moment où les capitalistes, effrayés<br />

par les éventualités qui menaçaient leur fortune,<br />

ne songeaient<br />

qu'à la mettre à l'abri de la tourmente révolutionnaire qu'on<br />

redoutait, on ne peut s'empêcher d'admirer la promptitude avec<br />

laquelle furent organisés ces instruments nouveaux de crédit<br />

et l'efficacité du remède qui a tant contribué au rétablissement<br />

de la confiance publique. »<br />

L'organisation des comptoirs nationaux d'escompte s'inspirait<br />

d'un précédent remontant à la Révolution de 1830. A cette<br />

époque, le baron Louis avait déposé un projet de loi tendant<br />

à garantir, au nom de l'Etat, les prêts faits au commerce et à<br />

l'industrie, jusqu'à concurrence de 60 millions (18 septem<br />

bre 1830). Sur la proposition de Duvergier de Hauranne, ce pro<br />

jet fut modifié et la loi du 17 octobre 1830 autorisa l'Etat à<br />

prêter lui-même au commerce et à l'industrie 30 millions. Pour<br />

assurer l'application de cette loi,<br />

un comptoir d'escompte fut<br />

créé à Paris, en vertu d'une ordonnance royale du 26 octobre ;<br />

il était dirigé par un comité spécial, et il avait pour mission<br />

d'escompter, dans des conditions déterminées, des effets de<br />

commerce au moyen des fonds que lui versait le Trésor. En<br />

décembre 1830, la ville de Paris fut autorisée à donner sa<br />

garantie à la Banque de France, à l'effet de concourir, de concert<br />

avec le Trésor, au développement du comptoir. Cet exemple fut<br />

suivi en province et une dizaine de comptoirs furent créés dans<br />

les départements. Ces institutions, établies provisoirement pour<br />

résoudre des difficultés de l'heure, ne devaient avoir et n'eurent<br />

effectivement qu'une durée éphémère. Le Comptoir de Paris fut<br />

supprimé au bout de vingt-trois mois. Le précédent vint à l'esprit<br />

des membres du gouvernement provisoire lorsqu'ils se trouvèrent<br />

en face des difficultés dont parlait avec tant d'émotion M. Caba<br />

nillas,<br />

et c'est ce qui explique la promptitude avec laquelle ils<br />

prirent, à ce moment, les décisions nécessaires que la Banque de<br />

France avait d'ailleurs préconisées dès le début de la Révolu<br />

tion (1).<br />

On connaît les principes sur lesquels reposait l'organisation<br />

des comptoirs nationaux créés par décret du 7 mars 1848.<br />

(1) Cf. Ramon : Histoire de la Banque de France, livre III, page 219.


— — 89<br />

C'était des sociétés de capitaux, mais dont le capital était<br />

fourni par tiers, par l'Etat,<br />

par les départements et les com<br />

munes et par des souscripteurs. La part de l'Etat était constituée<br />

en bons du Trésor,<br />

celle des départements et des communes<br />

par des obligations remises à titre de garantie,<br />

celle des parti<br />

culiers par du numéraire, dont, en pratique, un quart seulement<br />

fut versé. L'Etat et les villes et départements consentaient à<br />

supporter les pertes pour les deux tiers, tandis que les bénéfices<br />

étaient intégralement laissés aux actionnaires. Ces comptoirs<br />

devaient faciliter la circulation des valeurs commerciales et<br />

obvier ainsi à la disparition du numéraire, tout en évitant la<br />

création d'une monnaie de papier d'Etat. Ils donnaient sur les<br />

effets de commerce la troisième signature nécessaire pour les<br />

rendre bancables et y<br />

ajoutaient ainsi leur caution.<br />

Un réseau de comptoirs couvrit la France. En trois mois il<br />

en fut créé soixante-quatre, qui furent en relations constantes<br />

les uns avec les autres et devinrent réciproquement débiteurs<br />

ou créditeurs, de telle manière que, si un comptoir avait encaissé<br />

des fonds pour le compte d'un autre qui n'en avait pas l'emploi,<br />

il pouvait avec ces fonds venir en aide à ses propres clients.<br />

Les comptoirs assuraient donc au commerce, en ce qui concerne<br />

la circulation des capitaux, les mêmes avantages que les banques<br />

à succursales multiples, et c'était là, en période de crise, un très<br />

important résultat.<br />

Les comptoirs, complétés par des sous-comptoirs de garantie<br />

spécialisés dans tel commerce ou telle industrie, n'étaient consi<br />

dérés que comme des banques nationales temporaires, destinées<br />

à remplacer pour l'escompte les banquiers défaillants, et leur<br />

existence n'était prévue que pour trois années. Leur rôle fut<br />

efficace ; toutefois,<br />

en présence de l'insuffisance des premières<br />

souscriptions, l'Etat dut accentuer son intervention et constituer<br />

une dotation dite « du petit commerce » qui s'éleva à 60 millions<br />

mis, sous forme de prêts, à la disposition des comptoirs.<br />

La crise revêtait d'ailleurs une forme particulièrement sérieuse<br />

en France ; la Banque de France, qui venait cependant d'étendre<br />

ses opérations en absorbant les anciennes banques départemen<br />

tales,<br />

voyait le montant annuel de ses escomptes tomber de près<br />

d'un milliard à environ 600 millions et les banques particulières,


'MARCHES<br />

1 VUE<br />

: la<br />

'ËATION<br />

UN<br />

hMPTOIR<br />

S.TIONAL<br />

ESCOMPTE<br />

ALGER.<br />

- 90<br />

-<br />

encore inquiètes de la marche des événements et sous le coup<br />

de la crise économique de 1847 et des bouleversements politiques<br />

de 1848, demeuraient sur la réserve.<br />

*<br />

A Alger, la situation était encore plus grave. La crise avait<br />

commencé dès les premiers mois de 1846 et devait être attribuée<br />

en particulier au développement inconsidéré des spéculations sur<br />

les terrains et de toutes les industries qui s'y<br />

rattachent. « Il<br />

n'y a plus aujourd'hui, disait le journal YAkhbar, d'industrie<br />

prospère que celle de la fabrication des cigares. » Les maisons<br />

atteintes n'avaient pas de réserves ;<br />

elles étaient hors d'état<br />

de supporter un choc un peu rude. 85 faillites avaient été pro<br />

noncées en 1846, 148 en 1847 et 14 dans les deux premiers<br />

mois de 1848. M. Cabanillas en donnait ainsi l'explication (1) :<br />

« Les commerçants et les industriels qui sont venus habiter<br />

la colonie possédaient, en général,<br />

peu de ressources pécuniai<br />

res ; ils avaient donc besoin de trouver un appui qui leur permît<br />

de multiplier ces ressources à des conditions de banque leur<br />

laissant une marge convenable pour prix de leur travail, et ceux<br />

qui avaient recours au crédit se voyaient exploités par les prê<br />

teurs qui ne consentaient à leur venir en aide qu'à des conditions<br />

tellement onéreuses qu'elles absorbaient,<br />

non seulement les<br />

bénéfices qu'avait pu réaliser l'emprunteur, mais encore une<br />

partie de son capital primitif, déjà trop<br />

restreint pour le mou<br />

vement de ses opérations. De là des catastrophes particulières<br />

qui bientôt après sont devenues générales et qui avaient fini<br />

par entraîner dans une chute commune et les exploitants et<br />

les exploités ; de là cette position critique qui faisait désespérer<br />

de l'avenir commercial et industriel de la colonie... Quel est le<br />

commerce, quelle est l'industrie capables de prospérer en servant<br />

des intérêts à raison de 2 ou 3 % par mois ? »<br />

Le crédit n'avait peut-être pas été assez mesuré aux spécula<br />

teurs et ils l'avaient payé cher ; à ce double titre, il leur avait été<br />

nuisible ; le commerce sérieux avait ressenti le contre-coup de<br />

cet état de choses, et cette crise donnait une nouvelle preuve<br />

(1) Cabanillas, ibid., page 17.


— — 91<br />

du danger que faisait courir à la colonie l'absence d'un établis<br />

sement capable de régulariser la distribution du crédit et de<br />

modérer le taux de l'intérêt. De nouveau, les Algériens repre<br />

naient l'idée de la création d'une banque jouissant de la faculté<br />

d'émettre des billets, et M. Lichtlin recommençait, en avril 1848,<br />

la campagne qu'il avait menée dès 1844 à ce sujet (1). Il donnait<br />

le titre de Comptoir national d'escompte à la future institution<br />

qu'il entendait organiser avec le triple concours de l'Etat, de la<br />

commune et des particuliers,<br />

subordonnant toutefois son fonc<br />

tionnement au droit d'émettre des billets. A peu près à la même<br />

date, de son côté, « le citoyen Robert, huissier », faisait apposer<br />

sur les murs d'Alger une affiche par laquelle il invitait ses<br />

concitoyens à le seconder pour l'établissement d'un comptoir<br />

d'escompte à Alger, indépendant de celui de la Banque de<br />

France,<br />

qui n'avait pas alors fait connaître son abandon définitif.<br />

Ce comptoir devait prendre le papier à deux signatures et n'au<br />

rait guère différé des comptoirs nationaux métropolitains que<br />

par une disposition qui laissait aux actionnaires le risque des<br />

premières pertes, dont ils étaient exonérés par la législation<br />

française.<br />

L'idée qui dominait l'esprit des hommes d'affaires ayant,<br />

comme M. Litchlin, réfléchi sur la nécessité de mettre à la<br />

disposition de la colonie un organisme de crédit doté de puis<br />

sants moyens d'action, était que seule une banque d'émission<br />

pourrait disposer des ressources indispensables. Aussi consa<br />

craient-ils tous leurs efforts à faire triompher cette idée et<br />

combattaient-ils au besoin tout projet qui ne s'en inspirait pas.<br />

Ils décidèrent le gouverneur général à agir et celui-ci convoqua,<br />

dans les premiers jours d'avril, le maire et la Chambre de Com<br />

merce. Au cours de cette réunion, il fut convenu que le projet<br />

de création d'une banque locale serait repris en suivant, dans<br />

leurs grandes lignes, les dispositions de l'acte de société passé<br />

en 1844 à Alger, devant le notaire Le Roy,<br />

sous l'inspiration<br />

de M. Litchlin. Le capital devait être divisé en 20.000 actions<br />

de 100 francs. La banque admettrait le papier à deux signatures<br />

et émettrait des billets de banque ayant cours légal et forcé<br />

dans la province d'Alger, le cours forcé étant toutefois supprime<br />

(1) Voir page 74.


— — 92<br />

pour les petites coupures de 25 francs. Le montant de l'émission<br />

ne devait pas dépasser le double du capital réalisé. Le directeur<br />

devait être nommé par l'Etat.<br />

Mais le gouvernement était engagé dans le système des comp<br />

toirs nationaux d'escompte, tels qu'ils fonctionnaient en France,<br />

et c'est sous cette forme qu'il lui parut convenable de donner<br />

au commerce algérien une aide dont il reconnaissait la nécessité.<br />

Il ne retint donc pas le projet soutenu par M. Litchlin et il<br />

décida la création d'un comptoir national à Alger ; sans attendre<br />

d'être certain que la ville d'Alger donnerait son concours à la<br />

constitution du nouvel établissement, il nomma,<br />

15 décembre 1848,<br />

de M. Cabanillas.<br />

par arrêté du<br />

un directeur provisoire en la personne<br />

Celui-ci s'employa, sans retard, à réunir les fonds nécessaires<br />

à la constitution du capital et entreprit,<br />

réalisation du projet,<br />

en faveur de la rapide<br />

une véritable croisade. Dès le 3 jan<br />

vier 1849, les statuts du futur comptoir étaient déposés chez<br />

Me Barrois ; dès le 4, les listes de souscriptions étaient ouvertes<br />

à la Chambre de Commerce et chez les membres provisoires du<br />

bureau : MM. Cabanillas, Gugenheim, Manager, Lacrocets et<br />

Villacroze. Il réunit bientôt plus de 100 souscripteurs pour<br />

un capital de 107.000 francs,<br />

qui fut porté peu après à<br />

120.000 francs, avec un total de 110 souscripteurs ; la somme<br />

était relativement importante pour cette époque troublée. Une<br />

assemblée des souscripteurs fut réunie dès le 7 janvier. Elle<br />

approuva les statuts provisoires, sous réserve de l'approbation<br />

de l'autorité supérieure. Mais le projet ne manquait pas d'adver<br />

saires résolus ; les uns —<br />

peut-être<br />

agissaient sans doute par intérêt,<br />

le plus grand nombre —<br />

craignant la fin d'un régime<br />

bancaire anarchique qui leur assurait le moyen de réaliser des<br />

bénéfices excessifs ; d'autres, comme M. Litchlin,<br />

se rendaient<br />

compte que la colonie devait être dotée d'un établissement ayant<br />

la faculté d'émission de billets de banque, et voulaient écarter<br />

une solution qu'ils jugeaient avec raison insuffisante, pensant<br />

hâter par là l'heure où une banque d'émission serait créée en<br />

Algérie ; d'autres, enfin, guidés également par le seul souci<br />

de l'intérêt général, témoignaient d'une prudence exagérée. Il<br />

leur apparaissait que le Comptoir d'Alger devrait, pour rendre


— — 93<br />

de réels services à la colonie, montrer dans l'application des<br />

règles de sagesse suivies par tous les comptoirs,<br />

une largeur<br />

d'esprit pouvant dépasser la juste mesure, de telle sorte que<br />

certains risques écartés ailleurs viendraient, dès le début, donner<br />

aux opérations faites à Alger un caractère de moindre sécurité.<br />

Ils prédisaient que le portefeuille comprendrait en majorité des<br />

effets de renouvellement et de circulation et du papier en ma<br />

jeure partie agricole, par là même immobilisé. Ceux qui avaient<br />

le souci de ne pas engager inconsidérément les deniers de la<br />

ville, et qui redoutaient de trouver là une source d'accroissement<br />

d'impôts, s'élevaient contre un projet qui comportait la garantie<br />

municipale. D'aucuns allaient même jusqu'à laisser entendre que<br />

les conseillers municipaux d'Alger seraient personnellement<br />

responsables des pertes que pourrait faire le Comptoir, si la ville<br />

se trouvait dans l'impossibilité de les couvrir. On prétendait,<br />

enfin, que le nouvel établissement, dont les frais généraux ne<br />

pouvaient manquer d'être élevés,<br />

ne trouverait pas d'aliment<br />

pour ses opérations et ne tarderait pas à perdre son capital.<br />

L'attitude réservée de certains pouvait s'expliquer à l'époque si<br />

troublée où la question se posait. En 1850, à l'assemblée des<br />

actionnaires du Comptoir, le rapporteur de la Commission de<br />

vérification des comptes le reconnaissait en ces termes : « Nous<br />

devons tenir compte aux hommes pratiques de leur adoration<br />

des choses qui existent et de leur défiance pour les nouvelles. »<br />

M. Cabanillas réfuta toutes les objections, montra comment<br />

les villes métropolitaines s'étaient résolument engagées dans la<br />

voie de la création de comptoirs nationaux d'escompte, et sur<br />

quels éléments d'activité pouvait compter le nouyel établis<br />

sement ; il comprima jusqu'à l'extrême la prévision des frais<br />

généraux qu'il fixa à 15.000 francs par an, de façon à démontrer<br />

qu'un comptoir serait viable à Alger. Il lui fallut un certain<br />

temps pour convaincre la municipalité,<br />

M. Laya,<br />

où il eut l'appui de<br />

qui se fit le défenseur du projet et où il fut vigoureu<br />

sement combattu par M. Lichtlin qui trouvait le projet insuf<br />

fisant,<br />

mal étudié et dangereux par là même (1).<br />

(1) M. Lichtlin soutenait que M. Cabanillas avait tort de prétendre<br />

que le nouvel établissement pourrait venir en aide aux colons. « Le<br />

papier des colons, disait-il, n'est créé qu'en vue d'un fait incertain, d'un


REATION<br />

V<br />

OMPTOIR<br />

ATIONAL.<br />

94 -<br />

C'est pour entraîner l'adhésion du Conseil que M. Cabanillas<br />

rédigea, le 3 juin 1849, la note dont nous avons analysé plus haut<br />

divers passages, et ce n'est que le 11 juillet que le Conseil<br />

municipal prit une délibération aux termes de laquelle il donna<br />

son concours pour le tiers du capital (1).<br />

Entre temps, les fondateurs du Comptoir avaient soumis au<br />

ministre des Finances les statuts provisoires et M. d'Artigues,<br />

délégué de celui-ci, en avait approuvé le texte ; la Banque de<br />

France et le Comptoir national d'escompte de Marseille avaient<br />

promis leur concours, en ce sens que la Banque de France, par<br />

sa succursale de Marseille,<br />

acceptait en principe de réescompter<br />

le papier du Comptoir d'Alger garanti par le Comptoir national<br />

d'escompte de Marseille.<br />

L'assemblée des actionnaires put voter le 20 juillet la cons<br />

titution du Comptoir. Les statuts définitifs furent déposés le<br />

25 juillet devant Me<br />

Barrois, notaire à Alger (2). On y peut<br />

lire que : « M. le Ministre des Finances a autorisé la création<br />

produit à créer ou à récolter et n'offre pas, dès lors, à la Banque cette<br />

certitude de rentrée qu'elle recherche dans le papier qu'elle admet à<br />

l'escompte. Si elle agissait, comme on semble le promettre, elle manque<br />

rait à sa mission, elle immobiliserait son capital et paralyserait ainsi<br />

son mouvement, en préparant sa ruine. » Il combattait avec la plus<br />

grande vigueur l'idée que le papier agricole pourrait être renouvelé une<br />

ou plusieurs fois. « ...Est-il besoin de vous dire, ajoutait-il, que c'est à<br />

la facilité irréfléchie avec laquelle nous avons admis les renouvellements<br />

qu'il faut attribuer, en grande partie, la crise immense que nous avons<br />

subie, parce qu'elle a forcé le crédit à sortir des limites du possible. »<br />

(1) Voir notamment les séances du Conseil municipal des 13 et 20 juin<br />

1849. La question fut très longuement examinée et discutée au Conseil. La<br />

décision fut approuvée par l'opinion publique qui avait hâte de voir<br />

enfin un projet aboutir : « Non seulement, disait le journal VAkhbar,<br />

le crédit est à naître en Algérie, mais la science du crédit, la science des<br />

affaires. Une institution toute modeste qu'elle soit, qui fournirait à tous,<br />

non seulement un point d'appui, mais l'exemple des règles à suivre dans<br />

les transactions de toute nature, serait un bienfait immense pour le pay3.<br />

La valeur des signatures, la sagesse et la loyauté des opérations que<br />

chacun suivra, seront mieux connues, mieux appréciées et ce sera un<br />

avantage pour tout le monde. Ceux qui connaissent la place de Paris,<br />

savent que l'immense utilité de la Banque de France ne consiste pas tant<br />

dans les facilités qu'elle a procurées à cette place par son crédit, par<br />

ses billets, que dans la direction sage, régulière et modérée qu'elle a<br />

obligé toutes les maisons de banque et de commerce en relations avec<br />

elle d'imprimer à leurs affaires. Son influence a été morale encore plus<br />

que financière, cela n'est pas douteux. »<br />

(2) Le dépôt fut fait par M. Lechene, maire d'Alger ; M. Cabanillas,<br />

MM. F.-B. Paysant, banquier et négociant ; C.-A. Villacroze, avocat ; L.-A.<br />

Laya, minotier, membre du Comptoir national ; Antoine Cautois, courtier


- 95<br />

—<br />

d'un comptoir national à Alger et,<br />

prenant en considération la<br />

situation difficile de la place, a promis, au nom de l'Etat, indé<br />

pendamment de la garantie du tiers du capital, de faire l'avance<br />

d'une somme de 100.000 francs en espèces. » La durée du<br />

Comptoir, prévue pour trois années,<br />

pouvait être prorogée du<br />

consentement des trois parties intervenantes. Le fonds social<br />

était fixé à 1.500.000 francs, et devait être fourni,<br />

un tiers par<br />

les actionnaires, soit 500.000 francs en numéraire, un tiers par<br />

la ville d'Alger en obligations, un tiers par l'Etat en bons du<br />

Trésor.<br />

L'acte constate que plus de 500 actions de 200 francs chacune<br />

sont souscrites et que, par suite, les opérations pourront com<br />

mencer, sans attendre la souscription totale du capital, aussitôt<br />

après le retour de l'approbation ministérielle.<br />

Ces opérations étaient ainsi précisées aux articles 7 et 8 des<br />

statuts : les opérations du Comptoir consistent dans l'escompte<br />

des effets de commerce payables en Algérie ou dans toute l'éten<br />

due de la France. Le Comptoir n'admettra à l'escompte que des<br />

effets de commerce revêtus de deux signatures au moins et dont<br />

l'échéance ne pourra excéder 105 jours pour le papier payable<br />

dans la ville ; 60 jours pour le papier payable en Algérie ;<br />

90 jours pour le papier payable dans les villes où il existera,<br />

soit une succursale de la Banque de France, soit un comptoir<br />

national d'escompte. Les autres articles des statuts reproduisent<br />

les dispositions ordinaires des statuts des comptoirs, telles<br />

qu'elles découlaient normalement des principes posés par le décret<br />

du 7 mars 1848.<br />

Par deux arrêtés du 27 août 1849, le ministre des Finances<br />

approuva définitivement les statuts et nomma M. Cabanillas,<br />

directeur définitif du Comptoir (1).<br />

de commerce, membre de la Chambre de Commerce ; J.-F. Fabre, négo<br />

ciant en vins, membre de la Chambre de Commerce ; Costes, membre<br />

de la Chambre de Commerce ; Gugenheim, négociant ; A.-A. Villiers,<br />

négociant et propriétaire, tous membres du Conseil d'administration du<br />

Comptoir, avec M. Descous, ancien négociant, membre du Conseil muni<br />

cipal, absent, en présence et avec le concours de M. Frédéric Lacroix,<br />

préfet du département d'Alger.<br />

(1) Les souscripteurs du Comptoir avaient, au cours de leur assemblée<br />

générale du 20 juillet, dressé dans l'ordre suivant la liste de trois candi<br />

dats présentés à l'approbation du ministre pour les fonctions de directeur :<br />

MM. Cabanillas, Villiers, Gugenheim.


FONCTIONNE<br />

MENT<br />

DU<br />

COMPTOIR<br />

NATIONAL.<br />

96<br />

* *<br />

Le 1er octobre 1849, le nouvel établissement commença ses<br />

opérations. Il avait donc fallu, pour réaliser le projet, environ<br />

une année après sa mise à l'étude à Alger et dix-huit mois après<br />

la création des comptoirs dans la Métropole.<br />

Ce Comptoir disposait d'un fonds de roulement assez faible.<br />

Le nombre des actions souscrites avait été définitivement de 622,<br />

représentant un capital de 124.400 francs, mais 482 actions seu<br />

lement furent payées, dont 69 par des indigènes. Le capital<br />

réalisé n'atteignit que 94.400 francs et les tribunaux décidèrent<br />

que les souscripteurs dissidents n'étaient pas tenus de remplir<br />

leurs engagements vis-à-vis du Comptoir.<br />

A cette somme de 94.400 francs, il y a lieu d'ajouter celle<br />

de 94.500 francs versée par l'Etat, à valoir sur le prêt subven-<br />

tionnel de 100.000 francs ; de telle sorte que les fonds dont<br />

disposait le Comptoir s'élevaient à 188.900 francs.<br />

Il pouvait augmenter sans doute assez sensiblement son fonds<br />

de roulement en faisant appel aux dépôts ;<br />

mais ses fondateurs<br />

étaient des hommes prudents et, s'ils connaissaient les avantages<br />

des ressources de cette nature, ils en redoutaient justement<br />

les dangers. Aussi se bornèrent-ils à les attirer avec mesure,<br />

c'est-à-dire en ne leur consentant qu'un intérêt relativement<br />

peu élevé pour l'époque et en prenant des précautions contre<br />

les retraits imprévus. Devant l'assemblée générale des action<br />

naires du 16 juillet 1850, le directeur s'exprimait ainsi à ce<br />

sujet : « La direction,<br />

connaissant tout le danger d'accepter de<br />

nombreux dépôts dont le retrait soudain, dans les moments de<br />

crise, peut causer les plus graves embarras à tout établissement<br />

de banque, n'a pas voulu accorder des intérêts élevés qui<br />

auraient attiré les capitaux ; ces intérêts sont servis au taux<br />

de 3 à 4 % l'an, et 5 % dans les cas exceptionnels de compte<br />

courant. Les conditions de retrait imposées aux déposants lais<br />

sent, en outre,<br />

au Comptoir assez de latitude pour se mettre<br />

en mesure de rembourser et pour être toujours maître de ses<br />

opérations, car pour retirer une somme de 5.000 francs on est<br />

tenu d'aviser un mois à l'avance. »<br />

Les dépôts s'élevèrent, au cours des huit premiers mois


— 97 -<br />

d'exercice à 166.800 francs. Ils figuraient au 30 juin 1850<br />

dans les écritures pour 63.000 francs. Le fonds de roulement<br />

se composait donc de moins de 300.000 francs,<br />

et le Comptoir<br />

n'avait guère la faculté d'augmenter ses ressources par le<br />

réescompte. Le directeur en faisait la remarque en ces ter<br />

mes : « Cette ressource si précieuse,<br />

qui donne tant de facilités<br />

aux comptoirs de la Métropole et qui leur permet de multi<br />

plier leurs opérations pour ainsi dire à l'infini, manque presque<br />

totalement au Comptoir d'Alger. Le papier qu'il escompte,<br />

étant tout payable dans la colonie et par de très petites<br />

coupures, ne peut être envoyé au réescompte en France, aussi<br />

n'avons-nous pu, pendant les neuf mois d'exercice, placer chez<br />

quelques rares disposeurs d'Alger que l'insignifiante somme de<br />

58.634 francs. » Le concours qu'il trouvait auprès des autres<br />

comptoirs et de divers correspondants particuliers était égale<br />

ment assez limité,<br />

puisqu'en juin 1850 les quarante comptoirs<br />

nationaux, avec lesquels il était en relations de comptes courants,<br />

n'étaient créditeurs que d'un montant total de 53.060 francs,<br />

et ses 199 correspondants particuliers que de 92.503 francs (1).<br />

Malgré l'étroitesse de sa trésorerie et ses moyens limités, le<br />

Comptoir rendit des services immédiats et importants. Dès<br />

juin 1850,<br />

son portefeuille comprenait 636 effets pour un mon<br />

tant de 375.500 francs ; la moyenne de chaque effet présenté<br />

s'était élevée à 651 francs environ. Le tiers des valeurs avait<br />

été présenté par des négociants indigènes. Les effets escomptés<br />

avaient été judicieusement choisis, grâce à une parfaite connais<br />

sance de la place de la part du Conseil d'administration qui, en<br />

dehors des fondateurs, comprenait un négociant indigène (2),<br />

et du Comité d'escompte composé de quinze membres dont cinq<br />

indigènes. Très peu de protêts durent être faits et le nombre<br />

des impayés fut tout à fait insignifiant.<br />

Le directeur pouvait, en toute justice, se féliciter des résultats<br />

obtenus : « Avec ces faibles ressources, le Comptoir national<br />

(1) Le Comptoir en maintenant ainsi ses comptes débiteurs chez les<br />

correspondants de la Métropole trouvait un bénéfice résultant de la dif<br />

férence entre le loyer de l'argent en France et le taux plus élevé de ses<br />

escomptes en Algérie.<br />

(2) Sadia-Lévi-Valensi, membre de la Chambre de Commerce.


— — 98<br />

d'Alger a entrepris la tâche difficile d'aider le commerce et<br />

l'industrie de l'Algérie, de contribuer à leur développement, de<br />

faciliter les liquidations et de faire baisser le taux de l'intérêt,<br />

dont l'élévation était une des principales causes de la gêne et<br />

des embarras qui arrêtaient tout progrès dans le pays. Les<br />

objections qui accueillirent nos débuts ont fait place, peu à peu,<br />

à la bienveillance, à la sympathie, et le commerce, en général,<br />

est venu nous demander les moyens d'action qui lui étaient<br />

nécessaires, moyens que le Comptoir lui a fournis avec empres<br />

sement dans la mesure de ses ressources, à des conditions qui<br />

témoignent du désir de ne prélever que la prime strictement<br />

nécessaire pour couvrir les frais d'administration (1). L'expé<br />

rience a démontré que le Comptoir était une institution utile ;<br />

elle a fait disparaître les hésitations qu'on éprouvait par la<br />

crainte qu'il n'y<br />

eût pas d'aliment à Alger pour son existence<br />

et les faits sont venus confirmer ce que j'avançais dès le prin<br />

cipe, à savoir : que l'établissement serait cause qu'on exigerait<br />

des acheteurs des règlements qui permettraient aux vendeurs<br />

de mobiliser des valeurs commerciales négligées jusqu'alors et<br />

qui paralysaient la majeure partie du crédit privé... Le Comp<br />

toir est non seulement utile au commerce et à l'industrie de<br />

la colonie, mais encore, dans sa toute modeste sphère, il contribue<br />

à rapprocher les indigènes de nous. Vous savez combien l'intérêt<br />

est un puissant mobile pour les Arabes, et ils fréquenteront<br />

d'autant plus nos marchés qu'ils seront plus certains d'y trouver<br />

un débouché pour leurs denrées ; lorsqu'ils seront convaincus<br />

qu'ils ont tout à gagner avec nous par le commerce, tandis qu'ils<br />

n'ont qu'à perdre par les armes,<br />

plus en plus suivies, de plus en plus amicales,<br />

nos relations deviendront de<br />

et les expéditions<br />

commerciales remplaceront les expéditions armées dont ils ont<br />

si souvent éprouvé les funestes effets.. Ainsi le Comptoir, en<br />

fournissant des capitaux au commerce,<br />

est l'intermédiaire paci<br />

fique, heureusement placé, comme un trait d'union entre la<br />

population européenne et les indigènes, pour opérer cette fusion<br />

vers laquelle doivent tendre tous nos efforts. »<br />

Quelque intéressants que fussent les résultats obtenus par<br />

(1) A cette date, le taux de l'escompte du Comptoir était de 8 %.


Ci^^<br />

— — 99<br />

le Comptoir, il fallait bien reconnaître que l'établissement nou<br />

veau était insuffisant pour répondre aux besoins réels d'un pays<br />

dont on entrevoyait déjà la future prospérité ; l'agriculture,<br />

notamment, restait en dehors de l'action immédiate du Comptoir<br />

et ne pouvait bénéficier de son influence bienfaisante que par<br />

des voies indirectes. Cette lacune avait été reconnue dès le<br />

premier jour. Si M. Lichtlin avait dénoncé l'impossibilité pour<br />

le Comptoir d'escompter le papier agricole (1), d'autres avaient<br />

estimé qu'une banque « qui refuserait de venir en aide à l'agri<br />

culture en Algérie ne remplirait que très imparfaitement le but<br />

de sa mission.. » (2) « qui peut douter, disait-on, que la signature<br />

d'un éleveur de bestiaux ne soit admise par la Banque de Rouen<br />

et de Caen, la signature d'un producteur de soie par la Banque<br />

de Lyon, d'un propriétaire de vignoble par la Banque de Bor<br />

deaux, lorsque ces signatures viennent d'hommes notoirement<br />

solvables et lorsqu'elles se présentent dans les conditions régle<br />

mentaires ? Un Comptoir d'Alger doit s'arranger pour procurer<br />

des facilités et des avances aux propriétaires des dattiers de<br />

Biskra,<br />

comme le font les banques d'Amérique à l'égard des<br />

planteurs de la Nouvelle-Orléans et de la Virginie. » Cette<br />

question,<br />

crédit en Algérie,<br />

qui devait jouer un si grand rôle dans l'histoire du<br />

ne manqua pas d'être signalée au Conseil<br />

municipal d'Alger par les promoteurs mêmes du projet de<br />

création du Comptoir. On passa outre,<br />

en disant : « Les statuts<br />

ont été faits pour les comptoirs nationaux de France et non<br />

pour l'Algérie ; mais le gouvernement sait très bien qu'ici tout<br />

est exceptionnel ; aussi ne se montrera-t-il pas trop rigoureux<br />

sur cette question. » En fait,<br />

aucune modification n'avait été<br />

apportée par le gouvernement aux statuts à ce sujet et, limité<br />

dans son action par l'insuffisance des ressources dont il disposait,<br />

le Comptoir l'était également par la rigueur des règles qui lui<br />

étaient imposées.<br />

C'est ce que déplorait, dans son rapport à l'assemblée des<br />

actionnaires du 16 juillet 1850, M. Canton, au nom de la Com-<br />

de vérification. Après avoir retracé la situation « du<br />

r page 93, note 1.<br />

hbar, le 24 juin 1849.


•- — 100<br />

pauvre laboureur qui n'a d'autres ressources que son travail<br />

et des cultivateurs entraînés à la ruine par les marchands<br />

d'argent qui prélèvent des taux usuraires », il ajoutait : « La<br />

situation de notre caisse et la nature de nos statuts ne nous<br />

permettent pas malheureusement de leur venir en aide. Mais<br />

émettre le vœu d'être affranchis<br />

nous désirons, dès aujourd'hui,<br />

de cette dernière entrave, afin que, si, un jour, nos fonds deve<br />

naient plus abondants,<br />

nous puissions également secourir l'agri<br />

culteur... » Et il concluait : « Un de nos plus grands capitaines<br />

avait adopté pour devise,<br />

en abordant cette terre qu'il devait<br />

illustrer par sa gloire et soumettre par ses armes : « L'épée et la<br />

charrue » ; aujourd'hui, tout en reconnaissant l'utilité des armes<br />

et leur heureuse influence pour la paix du pays et sa tranquillité,<br />

nous vous proposons l'alliance non moins utile de la charrue<br />

et du coffre-fort. » (1).<br />

Pour accroître ses ressources,<br />

avant de faire appel à une<br />

augmentation des souscriptions de capital en numéraire, le<br />

Comptoir s'adressa à l'Etat et lui demanda une nouvelle avance<br />

de 200.000 francs,<br />

en excipant de sa prospérité pour démontrer<br />

au Trésor qu'il ne courrait aucun risque. Mais l'Etat ne mit<br />

aucun empressement à répondre à cet appel. M. Cabanillas<br />

menaça de démissionner et ne demeura à son poste qu'après<br />

un vote de l'assemblée des actionnaires du 1er février 1851, qui<br />

prit la délibération suivante : « L'assemblée regarde comme non<br />

avenue la démission de M. Cabanillas, ou du moins ne la regarde<br />

pas comme définitive, persuadée qu'elle est que le gouvernement,<br />

dans sa sollicitude pour les intérêts du commerce algérien, en<br />

fera cesser les motifs en accordant le prêt subventionnel réclamé<br />

par ces mêmes intérêts. » (2).<br />

(1) En 1850,<br />

parut sous la signature A. F. un opuscule sur l'orga<br />

nisation de banques mutuelles en Algérie. L'auteur se préoccupait du<br />

crédit aux colons et pensait trouver une solution pratique de la question<br />

dans l'organisation d'une association entre propriétaires algériens pour<br />

la création d'une banque par province, dont le capital d'environ deux<br />

millions serait divisé par billets garantis par une hypothèque sur leurs<br />

immeubles. « Ces billets auraient cours en Algérie et seraient payables<br />

en France par les agents du Trésor public qui, au besoin, les renverraient<br />

en Algérie comme numéraire dans les caisses de l'Etat. »<br />

(2) Le 16 août 1851, le procès- verbal de la séance de la Chambre de<br />

Commerce d'Alger porte les remarques suivantes : « La nécessité d'une<br />

nouvelle subvention en faveur du Comptoir national d'Alger a été de<br />

nouveau, pendant cette session, l'objet d'une démarche de la Chambre.


M. Ed. LICHTLIN<br />

Premier Directeur de la<br />

Banque de l'Algérie<br />

f 1851-1359)


- toi<br />

-<br />

M. Cabanillas ne s'inclina que provisoirement et M. Lichtlin<br />

prit bientôt la direction intérimaire du Comptoir.<br />

L'activité du Comptoir, ainsi gênée dans son développement,<br />

ne s'en accentuait pas moins et, le 30 juin 1851, son portefeuille<br />

s'élevait à 457.000 francs.<br />

Mais ce chiffre même suffisait à lui seul pour établir que<br />

l'organisme créé en 1849, à titre temporaire, ne disposait pas<br />

des moyens d'action nécessaires et que le moment était venu de<br />

le transformer ou de le remplacer.<br />

Vous avez eu le regret de voir vos instances demeurer infructueuses mal<br />

gré le concours de M. le Gouverneur général, celui de M. le Préfet et<br />

tout le bon vouloir de M. le Ministre de la Guerre. Espérons que la pré<br />

sence à Paris de notre honorable collègue, M. le Directeur du Comptoir,<br />

pourra aplanir les difficultés d'exécution que rencontre la marche compli<br />

quée de cette affaire, qui exige le concert du Département de la Guerre<br />

et du Département des Finances. Toujours est-il qu'en attendant cette<br />

solution reconnue indispensable par l'Administration elle-même, le Comp<br />

toir national d'escompte d'Alger, réduit aux faibles ressources d'un capital<br />

de 200.000 francs, ne saurait répondre aux besoins ordinaires de la place<br />

et encore moins faire face au mouvement de fonds que réclame l'achat<br />

des huiles indigènes dont l'abondance donne, cette année, une animation<br />

si grande à nos relations avec Marseille. »


MODIFICA<br />

TIONS<br />

APPORTÉES<br />

EN 1851<br />

DANS LE<br />

REGIME<br />

DOUANIER<br />

ET DANS<br />

CELUI DE LA<br />

COLONISA<br />

TION.<br />

10:;<br />

n<br />

CRÉATION DE LA BANQUE DE L'ALGÉRIE<br />

Dès le début de l'année 1851,<br />

chacun pressentait que le déve<br />

loppement de l'Algérie allait entrer dans une phase nouvelle.<br />

La loi du 11 janvier 1851,<br />

en modifiant un régime douanier<br />

suranné, ouvrait le marché métropolitain aux produits naturels<br />

de la colonie, qui n'étaient plus traités en produits d'importation<br />

étrangère. L'Algérie devenait, comme le dit la circulaire de<br />

l'Administration des Douanes du 20 janvier 1852, une sorte<br />

d'annexé commerciale de la France. Les indigènes en profitèrent<br />

les premiers dans la vente des produits du sol, devenue plus<br />

rémunératrice. Les colons,<br />

encouragés par cette heureuse mani<br />

festation d'un esprit nouveau, multiplièrent leurs initiatives ;<br />

ils entreprirent des cultures riches, firent des essais de sérici<br />

culture encouragés spécialement par le gouvernement, plantè<br />

rent le tabac, tentèrent la culture du coton et créèrent les pre<br />

miers éléments d'un vignoble dont les débuts modestes ne lais<br />

saient toutefois pas prévoir l'admirable extension ultérieure.<br />

Cet essor était secondé également par un changement dans<br />

le système de la colonisation pratiqué par le gouvernement. On<br />

sait qu'aucun plan n'avait été élaboré à ce sujet, au moment<br />

de l'expédition de 1830, que les premiers colons furent même<br />

écartés ou rapatriés,<br />

que seule l'initiative de quelques person<br />

nalités énergiques et courageuses mettant en valeur, à leurs<br />

frais, des terrains voisins d'Alger, créa un mouvement qui<br />

obligea le gouvernement à s'occuper de réglementer la coloni<br />

sation.<br />

Le maréchal Clauzel fut le premier qui, en 1836, décida la<br />

création d'un centre de colonisation à côté du camp de Boufarik ;<br />

le colon recevait le terrain sans en acquitter le prix. Il demeurait


— — 103<br />

débiteur d'une redevance de deux francs par hectare, destinée<br />

à couvrir l'Etat de ses travaux préparatoires ; c'était là un pre<br />

mier essai de crédit officiel à la colonisation, à l'agriculture.<br />

On sait quelle fut l'issue malheureuse de cette tentative que<br />

vint ruiner l'insurrection de 1839. On se rappelle que le maré<br />

chal Bugeaud,<br />

qui voyait dans la colonisation l'auxiliaire de la<br />

conquête, et qui avait déclaré,<br />

en débarquant en février 1841 :<br />

« Je serai colonisateur ardent et j'attache moins de gloire à<br />

vaincre dans les combats qu'à fonder quelque chose d'utilement<br />

durable pour la France », avait établi un plan dont il pour<br />

suivait avec énergie l'application. Il fut conduit à donner aux<br />

colons un appui matériel et pécuniaire qui tenait plus de<br />

l'assistance que du crédit, mais qui comportait effectivement<br />

des prêts temporaires consentis par l'Etat. Le maréchal était<br />

d'ailleurs opposé à la grande colonisation ;<br />

il voulait peupler le<br />

sol et il ne voyait pas des propriétaires effectifs dans les grands<br />

concessionnaires capitalistes. Des essais de grande colonisation<br />

eurent lieu néanmoins à cette époque dans la province d'Oran<br />

sous l'inspiration du général Lamoricière, élève d'Auguste Comte<br />

et ami du Saint-Simonien d'Eichthal (1),<br />

ou dans la province<br />

de Constantine par le général Bedeau ; mais ils ne furent secon<br />

dés par aucune organisation de crédit et n'aboutirent point.<br />

Le décret du 26 avril 1851 organisa un nouveau régime de<br />

propriété qui, à la différence de celui qu'avait institué le maré<br />

chal Bugeaud, ne stipulait pas de condition suspensive ; l'acte de<br />

concession conférait la propriété immédiate du sol au colon, et<br />

celui-ci pouvait désormais obtenir du crédit sur la terre.<br />

D'autre part, des mesures étaient prises par le gouvernement<br />

pour combattre l'usure pratiquée sous forme de prêts sur gages<br />

et, dès le début de 1851, il fut question de la création d'un mont<br />

de piété à Alger, création qui fut réalisée l'année suivante (2).<br />

(1) L'Union Agricole d'Afrique fut fondée en 1846, sous l'inspiration<br />

d'Enfantin, par des disciples plus ou moins convaincus de Fourier, qui<br />

voulaient associer le capital au travail. Elle disposait de plus de 3.000 hec<br />

tares à Saint-Denis-du-Sig. La tentative échoua après avoir duré cinq<br />

ans. Jules Duval fut un administrateur de l'Union.<br />

(2) Le 12 janvier 1851 on lisait dans VAkhbar : « Une perquisition<br />

ayant eu lieu au domicile du sieur L..., prévenu de prêter sur gages, divers<br />

objets, tels que titres de propriété, quittances et argenterie ont été saisis<br />

et le procès-verbal de la saisie a été envoyé au parquet. Nous croyons


— - 104<br />

On commençait également à se préoccuper de la constitution<br />

d'une caisse d'épargne à Alger. « Ce qui a souvent manqué aux<br />

nouveaux colons arrivant dans le pays nantis de quelques res<br />

dire, en 1852,<br />

—<br />

sources, devait au moment de la réalisation<br />

de ces projets, le maréchal de Saint-Arnaud, ministre de la<br />

Guerre,<br />

— c'était<br />

un lieu sûr où ils puissent les déposer en<br />

attendant de pouvoir en faire un usage utile,<br />

c'était un moyen<br />

facile de mettre à l'abri l'argent gagné plus tard dans les tra<br />

vaux industriels,<br />

agricoles. » Des Algérois ouvrirent bientôt une<br />

souscription pour couvrir les premiers fonds d'une caisse d'épar<br />

gne et de prévoyance ; ils élaborèrent des statuts et les soumi<br />

rent au gouvernement. Ces projets ne devaient aboutir qu'un peu<br />

plus tard. Mais, dès le début de 1851, ces idées de prévoyance, de<br />

occupaient les<br />

protection de l'épargne, de lutte contre l'usure,<br />

esprits. On songeait même à créer une bourse à Alger (1).<br />

savoir que si une surveillance un peu active était exercée on découvrirait,<br />

surtout parmi la population juive, beaucoup d'individus qui se livrent à la<br />

coupable industrie du prêt sur gages et qui prêtent à des malheureux à<br />

des intérêts énormes. De pareils faits prouvent la nécessité de la création<br />

d'un mont-de-piété à Alger. Nous nous contenterons aujourd'hui de cons<br />

tater cette nécessité que nous tâcherons prochainement de démontrer<br />

plus catégoriquement. »<br />

Quelques jours après, YAkhbar revenait sur la question et disait notam<br />

ment (16 janvier 1851) : « A Alger, il existe des misères et des détres<br />

ses profondes et l'on ne peut s'empêcher de frémir quand on pense<br />

que ces détresses et ces misères sont abandonnées pieds et poings liés<br />

aux usuriers et aux prêteurs sur gages. Pour ne parler que de la popula<br />

tion musulmane qui, depuis deux ans, a été si affreusement décimée par<br />

le choléra et à laquelle l'Administration ne peut venir qu'incomplètement<br />

en aide, n'est-il pas douloureux de penser que des familles, entassées dans<br />

des réduits infects, n'ont d'autres ressources, pour nourrir des enfants et<br />

des vieillards, que de mettre en gage chez des Juifs les objets qui leur sont<br />

les plus indispensables, et cela à des intérêts tellement fabuleux qu'en<br />

quelques mois ils ont atteint la valeur du gage et que les emprunteurs<br />

n'ont rien de mieux à faire que de l'abandonner aux prêteurs. Si du<br />

moins U y avait à Alger un mont-de-piété, ces pauvres familles trouve<br />

raient à emprunter sur ces objets à un taux modéré et les conditions<br />

avantageuses de renouvellement qui leur seraient offertes les mettraient<br />

à même de n'être jamais réduites à aliéner leurs gages. S'il y avait eu<br />

un mont-de-piété, que de désastres commerciaux auraient pu être évités !<br />

Combien de petits négociants, en y déposant certains objets de quelque<br />

valeur, auraient réalisé la somme qui leur était nécessaire et se seraient<br />

mis au-dessus de la triste nécessité d'une faillite, en ne tombant pas aux<br />

mains des usuriers. »<br />

(1) Séance de la Chambre de Commerce du 16 août 1851 : « La Cham<br />

bre ne pouvait oublier la question si importante de la création d'une<br />

Bourse sur la place d'Alger. Elle a dû repousser encore l'objection sur<br />

laqueUe M. le Ministre persiste à vouloir motiver son refus et qui consiste


— — 105<br />

Ces mouvements d'opinion, ces modifications des systèmes<br />

douanier et de colonisation, le développement même de la mise<br />

en valeur de l'Algérie, ne faisaient qu'imposer plus nettement<br />

à tous les Algériens la pensée qu'il devenait nécessaire de doter<br />

la colonie d'une banque capable de remplir, dans le pays, la<br />

mission dévolue, dans la Métropole, à la Banque de France.<br />

M. Cabanillas et M. Lichtlin étaient cette fois d'accord pour<br />

reconnaître qu'il convenait de convertir le comptoir en banque<br />

d'émission. L'opinion publique les suivait : « Le Comptoir<br />

national d'Alger, disait YAkhbar, est déjà une base solide sur<br />

laquelle on peut s'appuyer. La conversion du Comptoir d'es<br />

compte d'Alger en une banque émettant des billets à cours<br />

forcé ou non forcé, serait une mesure si simple que, véritable<br />

ment, l'on ne comprend pas les motifs qui empêcheraient<br />

de l'adopter. C'est, du reste, ce qui a lieu partout. D'où est<br />

venue la Banque de France, créée en l'an VIII par le Premier<br />

Consul ? D'une caisse d'escompte qui remontait aux dernières<br />

années de la monarchie. Mais il y a mieux : on s'occupe à l'As<br />

semblée législative de la création de banques coloniales qui pour<br />

raient émettre des bons de 25 à 100 francs ; pourquoi ne songe<br />

rait-on pas à une institution semblable pour l'Algérie ? » (1).<br />

En 1852, M. Lichtlin, devenu alors directeur de la Banque<br />

de l'Algérie, expliquait ainsi comment l'idée de la création de<br />

la banque d'émission avait fini par s'imposer (2) : « La crise<br />

formidable que nous avons traversée à Alger, et dont toutes les<br />

plaies sont à peine cicatrisées, les ébranlements de la révolu<br />

tion de 1848, aussi bien que les anxiétés que la politique laissait<br />

planer sur la France en 1851, étaient des causes bien légitimes<br />

de doute sur l'opportunité et sur le succès de la création d'une<br />

banque en Algérie ; mais l'exemple du Comptoir national, qui<br />

avait surmonté les difficultés du présent et qui, dans sa sphère<br />

modeste, rendait de si utiles services, était un enseignement<br />

dans la crainte d'encourager en Algérie des spéculations hasardeuses sur<br />

les fonds publics et de priver ainsi le commerce et l'agriculture de capi<br />

taux dont ils ont grand besoin. »<br />

(1) Akhbar, 9 février 1851.<br />

(2) Première assemblée générale des actionnaires de la Banque de<br />

l'Algérie, novembre 1852.<br />

L'IDEE<br />

S'IMPOSE<br />

D'UNE<br />

BANQUE<br />

D'ÉMISSION<br />

SPÉCIALE A<br />

L'ALGËRIE.


PRINCIPES<br />

SUR<br />

LESQUELS<br />

EST FONDÉE<br />

LA BANQUE<br />

DE L'ALGÉRIE.<br />

— — 106<br />

que nous ne pouvions méconnaître. Invoquant l'expérience du<br />

passé et nous appuyant sur l'autorité des faits, nous pouvions<br />

montrer, d'une part, l'importance croissante de notre mouve<br />

ment commercial, les habitudes d'ordre et de régularité dans<br />

les transactions, l'exactitude remarquable dans les paiements<br />

et, d'un autre côté, les progrès de l'industrie et de l'agriculture<br />

algérienne, que la récente loi de douanes devait nécessairement<br />

faire grandir et prospérer. Il n'en fallait pas davantage pour<br />

convaincre le ministre éminent (1),<br />

de la France,<br />

qui dirigeait les finances<br />

que le moment était venu de remplacer le comptoir<br />

national, qui ne répondait plus aux besoins de la place, par<br />

l'institution plus large et plus féconde de la Banque. »<br />

Ht<br />

* *<br />

Toutefois, l'action de cette nouvelle banque ne pouvait pas<br />

s'exercer dans les mêmes conditions que celles de la Banque de<br />

France. Les hésitations de celle-ci, lorsque la loi lui avait donné<br />

la faculté de créer un comptoir à Alger, l'abandon qu'elle avait<br />

finalement fait de cette faculté en étaient une preuve très claire.<br />

Les règles qui convenaient à l'Algérie devaient tenir compte de<br />

la situation spéciale de la colonie ; elles devaient être plus souples<br />

que celles qui étaient imposées à la Banque de France ; elles ne<br />

pouvaient pas, non plus, être calquées sur le régime devant être<br />

appliqué aux banques instituées dans les vieilles colonies et dont<br />

le gouvernement poursuivait alors l'étude.<br />

D'une part, en effet, l'Algérie ne pouvait pas être comparée<br />

à la France ; elle était encore au début de sa mise en valeur,<br />

les capitaux français ne s'y engageaient qu'avec une certaine<br />

hésitation ; elle avait un grand besoin de crédit et les capitaux<br />

en avaient un non moins grand de sécurité ; il fallait établir<br />

définitivement la régularité dans les transactions,<br />

créer des<br />

habitudes de loyauté, imposer partout l'exactitude dans les paie<br />

ments, réaliser en un mot tout ce qui constitue ce respect de<br />

l'échéance sur lequel se fonde le bon renom d'un pays et qui<br />

assure son crédit. Il s'agissait donc de concilier, avec des règles<br />

(DM. Fould.


- 107<br />

_<br />

fermes et une méthode rigoureuse, les grandes facilités néces<br />

saires à une jeune colonie.<br />

D'autre part, l'Algérie ne pouvait pas être assimilée aux vieilles<br />

colonies. Certaines questions spéciales se posaient dans celles-ci<br />

et ne se retrouvaient pas en Afrique du Nord. La législation<br />

des banques coloniales,<br />

qui devait être fixée par la loi du<br />

11 juillet 1851, avait une origine toute particulière ;<br />

c'était une<br />

conséquence de la suppression de l'esclavage. Elle répondait à<br />

des conditions locales déterminées, à la nécessité d'assurer aux<br />

colons, privés du régime ancien de la main-d'œuvre coloniale, des<br />

compensations que l'on pensait trouver à la fois dans une indem<br />

nité et dans l'organisation de prêts sur récoltes pendantes. Une<br />

telle solution du problème bancaire ne pouvait suffire dans<br />

un pays dont le vaste territoire présente des climats et des<br />

cultures variés, qui avait un passé commercial et agricole, qui<br />

était habité par une nombreuse population singulièrement plus<br />

avancée dans la civilisation que les noirs des vieilles colonies.<br />

Nous détachons d'une note rédigée pour le ministre des<br />

Finances par M. Lichtlin, alors qu'il était directeur intérimaire<br />

du Comptoir national d'escompte, le 9 juillet 1851,<br />

certains pas<br />

sages qui précisent comment se posait alors en Algérie la<br />

question que les pouvoirs publics étaient appelés à résoudre.<br />

« C'est par la colonisation que se constituera sur des bases<br />

sérieuses le mouvement commercial algérien. Toute institution<br />

de crédit doit s'efforcer, dans les limites de son action, de favo<br />

riser la colonisation de l'Algérie... Le but de la Banque de<br />

l'Algérie est surtout de vivifier le crédit algérien ;<br />

si le petit<br />

et moyen commerce ne peuvent trouver en elle une ressource<br />

immédiate,<br />

son action sera singulièrement amoindrie. Mais jus<br />

qu'à ce jour les capitaux se sont-peu portés vers l'Algérie. Il faut<br />

les encourager et surtout les rassurer. lia confiance publique est<br />

profondément ébranlée par les commotions politiques et le mo<br />

ment est peu favorable à des appels de fonds qui doivent<br />

s'engager dans des affaires de longue haleine. »<br />

De ces prémisses, l'auteur tirait une double conclusion : 1° Il<br />

est nécessaire de ne pas exiger que les effets escomptés soient<br />

revêtus de plus de deux signatures. La troisième signature serait /<br />

onéreuse pour le commerce. « Croyez-le, disait-il au ministre, ce


— — 108<br />

qui importe à l'Algérie, le grand bienfait auquel elle aspire, c'est<br />

de l'argent à bon marché ; or,<br />

plus on multipliera les intermé<br />

diaires, plus on augmentera le loyer de l'argent » ; 2° Il est<br />

nécessaire pour donner confiance aux capitaux que l'Etat inter<br />

vienne dans la constitution de la banque, en y investissant des<br />

capitaux, en assurant, dans la répartition des bénéfices, une<br />

priorité en faveur des capitaux privés et en exerçant un contrôle<br />

sur la banque.<br />

Une question d'un autre ordre se posait, c'était celle de la mon<br />

naie. Des quantités considérables de numéraire avaient été<br />

exportées de France en Algérie depuis vingt ans ; il y avait<br />

intérêt à ce que le billet de banque prît, dans la circulation algé<br />

rienne, une place raisonnable.<br />

On avait, tout d'abord, dans une première rédaction du<br />

projet des statuts,<br />

paru négliger ce point de vue en prévoyant<br />

que le nouvel établissement serait une banque de prêts et d'es<br />

compte ; mais on dut reconnaître que cette définition était à<br />

la fois trop large, —<br />

puisqu'elle<br />

répétait les termes dont on<br />

s'était servi pour les banques coloniales alors qu'on ne pouvait<br />

songer à l'engager dans des opérations de prêts sur récoltes<br />

pendantes présentant en Algérie des risques spéciaux,<br />

— et<br />

trop restreinte, puisqu'elle négligeait un de ses rôles essentiels,<br />

ses attributions d'ordre monétaire : l'émission de billets de ban<br />

que. Elle fut donc définie : « Banque d'escompte, de circulation<br />

et de dépôts. »<br />

n Les deux missions principales (escompte et circulation) ainsi<br />

/ confiées à la Banque entraînaient la conciliation, dans ses sta-<br />

1<br />

tuts, de principes parfois assez différents, pour ne pas dire<br />

opposés. Comme banque d'escompte, elle devait être accueillante<br />

au papier commercial et maintenir un taux d'escompte modéré<br />

pour assurer une réduction des taux de l'intérêt pratiqués dans<br />

le pays, en vue de vivifier, comme disait M. Lichtlin, le crédit<br />

algérien. Comme banque d'émission, elle ne devait admettre dans<br />

son portefeuille que des effets d'une échéance courte, d'un paie<br />

ment certain, écartant, dans toute la limite du possible, tout<br />

risque d'immobilisation et elle devait déterminer le taux de l'es<br />

compte avec le souci de défendre la couverture des billets émis<br />

par elle et d'assurer la bonne qualité de la monnaie fiduciaire.


- 109<br />

-<br />

Les rédacteurs des statuts eurent la sagesse de s'inspirer de U<br />

ceux de la Banque de France qui, depuis cinquante ans, avaient 1/<br />

fait leur preuve, ayant permis à celle-ci de rétablir l'ordre dans la<br />

circulation monétaire et dans la distribution du crédit et de<br />

traverser, avec succès, des crises graves. Ils ont, toutefois,<br />

apporté à ces statuts des modifications essentielles, dont quel<br />

ques-unes se justifient par les nécessités indiquées plus haut, ; ;<br />

et d'autres qui, s'expliquant plus par des théories économiques lf<br />

que par des raisons pratiques, n'ont pu être maintenues à<br />

l'expérience.<br />

*<br />

* *<br />

Le projet de loi relatif à la création de la Banque fut présenté<br />

par M. A. Fould, ministre des Finances, et par le général Randon,<br />

ministre de la Guerre, le 23 juillet 1851. L'exposé des motifs<br />

faisait ressortir que les transactions commerciales en Algérie se<br />

développaient particulièrement depuis la loi du 11 janvier 1851,<br />

modifiant le régime douanier, que le moment était donc venu<br />

de la doter d'une institution bancaire, plus large et plus féconde<br />

que n'était le Comptoir national d'escompte d'Alger. Il rappelait<br />

que la Banque de France avait renoncé à s'installer dans la<br />

colonie et il concluait à la nécessité de la création d'une banque<br />

indépendante. « Les départements de la Guerre et des Finances<br />

attachent le plus grand prix à la fondation de cette banque,<br />

attendue avec impatience par les colons,<br />

essor à la production et qui,<br />

qui donnera un nouvel<br />

plaçant dans les mains des indigènes<br />

une monnaie fondée sur la confiance, les rattachera à nous par<br />

le lien de l'intérêt. Ce sera pour ces populations un pas immense<br />

dans la voie de la civilisation que de se familiariser, par un signe<br />

palpable d'échange, avec les notions si utiles du crédit. »<br />

Quelques-unes des dispositions du projet présenté par le gou<br />

vernement furent modifiées par la commission compétente (1)<br />

et M. Benoist d'Azy rédigea le rapport fait au nom de cette<br />

commission. Le rapporteur caractérisait ainsi le projet : « Créer<br />

en Algérie une banque qui permette au commerce local de jouir<br />

(1) Faisaient partie de cette commission : MM. Benoist d'Azy, Louis<br />

Reybaud, général Lamoricière, Henry Didier, de Tocqueville, Passy, Char<br />

ras, Marie de Saint-Germain, Cunin-Gridaine, etc...<br />

PROJET<br />

DE LOI<br />

RELATIF A<br />

LA CRÉA TION<br />

D'UNE<br />

BANQUE<br />

D'ÉMISSION<br />

SPÉCIALE<br />

A L'ALGÉRIE.


- tto<br />

-<br />

des moyens de crédit aujourd'hui répandus sur presque tous les<br />

points du territoire français ; former cette banque dans un<br />

système qui participe tout à la fois de notre grande et admirable<br />

institution de crédit, la Banque de France, et des comptoirs<br />

nationaux, institutions secondaires, qui, créées au moment le<br />

plus difficile de la crise de 1848, ont rendu et rendent encore<br />

de si excellents services,<br />

Cette pensée dominait, en effet,<br />

voilà la pensée générale du projet. »<br />

laquelle reposait le régime de la banque nouvelle.<br />

« On s'est demandé, ajoutait-il,<br />

toute la conception sur<br />

si le Comptoir national d'es<br />

compte ne suffirait pas et s'il ne vaudrait pas mieux que, se<br />

développant lui-même graduellement, il prît l'extension néces<br />

saire pour satisfaire aux besoins du pays ; mais, en réalité, c'est<br />

là ce qu'on propose de créer. En donnant à l'institution nouvelle<br />

le nom de banque et la faculté d'émettre du papier, on ne change<br />

rien au comptoir, mais on lui donne une faculté d'extension<br />

qui lui permettra de suivre le développement du pays. »<br />

Parce que la Banque tenait du Comptoir national,<br />

on avait<br />

prévu, ainsi que le suggérait le directeur de ce Comptoir, une<br />

intervention pécuniaire de l'Etat. Cette intervention prit finale<br />

ment la forme d'une « avance à titre de prêt subventionnel »<br />

de un million au taux de 3 %, le remboursement de ce prêt<br />

pouvant être effectué, à la demande de l'Etat, trois ans après,<br />

par une émission d'actions. La Commission se déclarait, au sur<br />

plus, convaincue que ce prêt était une condition nécessaire et<br />

que sans cela il serait impossible de réaliser le capital : « Le<br />

prêt de l'Etat a surtout pour objet de donner une sécurité<br />

de plus, parce qu'on a plus de confiance dans sa surveillance<br />

intéressée. » Ce n'était, en fait, qu'une extension de ce que le<br />

gouvernement avait fait pour le Comptoir national d'Alger,<br />

l'importance de la somme avancée par l'Etat devant être appré<br />

ciée par rapport au capital de 3 millions prévu pour la Banque.<br />

L'Etat, ainsi directement intéressé à la gestion de la Banque,<br />

pouvait exercer des droits spéciaux de contrôle ; aucune répar<br />

tition d'intérêt ou de dividende ne pouvait avoir lieu sans<br />

l'approbation du ministre ;<br />

on donna même à celui-ci le droit<br />

d'intervenir dans la fixation du taux de l'escompte. Le projet<br />

de loi avait déterminé ce taux d'une façon arbitraire à un


— 111 —<br />

maximum de 6 % (1) ; c'était méconnaître les réalités écono<br />

miques et laisser la Banque impuissante devant les crises. La<br />

Commission modifia sur ce point le projet et laissa à la Banque<br />

la latitude de fixer ce taux, avec l'approbation du ministre des<br />

Finances. Comme la Banque tenait du Comptoir, elle devait,<br />

ainsi que le faisait celui-ci,<br />

légitimes des commerçants,<br />

satisfaire directement aux besoins<br />

sans leur imposer de charges nou<br />

velles, mais, au contraire, en les allégeant autant que possible ;<br />

aussi fut-elle autorisée à prendre les effets revêtus seulement<br />

de deux signatures solvables, dont l'une au moins domiciliée à<br />

Alger, une de ces signatures pouvant être suppléée par la remise,<br />

soit d'un connaissement d'expédition de marchandises exportées<br />

d'Algérie, soit d'un récépissé de marchandises déposées dans un<br />

magasin public.<br />

Parce que la Banque devait remplir, d'autre part, le même<br />

rôle monétaire que la Banque de France, d'autres dispositions<br />

étaient inspirées par les statuts de celle-ci,<br />

notamment les<br />

règles concernant l'émission des billets, les opérations qu'elle<br />

était autorisée à faire, son administration, les pouvoirs conférés<br />

à son directeur nommé par l'Etat, la composition de l'assemblée<br />

des'<br />

actionnaires, etc... Certaines modifications avaient été tou<br />

tefois apportées à ces règles ; les unes s'expliquent d'elles-mêmes<br />

par la nature des opérations de la clientèle qui devait s'adresser<br />

à la Banque (notamment l'allongement de 90 à 100 jours des<br />

échéances dos effets escomptables) ; d'autres provenaient du<br />

désir d'imposer au public une confiance absolue dans la Banque<br />

et dans les billets émis par elle. C'est ainsi qu'une proportion<br />

d'un tiers était établie entre le numéraire en caisse et le mon<br />

tant de la circulation des billets, cumulé avec celui des sommes<br />

dues en compte courant,<br />

et que l'excédent du passif sur le numé<br />

raire ne pouvait dépasser le triple du capital ; c'est ainsi égale<br />

ment que la moitié des bénéfices devait être annuellement por<br />

tée au fonds de réserve.<br />

(1) L'idée de fixer arbitrairement, tout au moins dans des limites im<br />

posées par le gouvernement, le taux de l'escompte était d'origine napo<br />

léonienne. Lorsque le Premier Consul présida à la fondation de la Banque<br />

de France, il avait l'idée que celle-ci devait fixer et maintenir pour toute<br />

la France le taux de 4 %. Jusqu'à la loi du 9 juin 1857, la Banque de<br />

France ne pouvait pas dépasser 6 % pour le taux de ses escomptes, parce<br />

que le taux conventionnel de l'intérêt était fixé au maximum de 6 % en<br />

matière commerciale.


E<br />

.A LOI.<br />

GÊRIE<br />

VEILLE<br />

C UNE<br />

MDE<br />

'SFAC-<br />

1<br />

'ROMUL-<br />

ON<br />

A LOI.<br />

- 112<br />

Le rapporteur signalait qu'une des questions qui avait le plus<br />

retenu l'attention de la Commission était celle de savoir si,<br />

comme le proposait le gouvernement, les billets de la Banque<br />

devaient être reçus comme monnaie légale dans toute l'Algérie,<br />

comme la loi l'avait décidé pour les billets des banques coloniales.<br />

La Commission avait écarté cette disposition. Il lui avait paru<br />

que « en ce qui regarde les immenses provinces de l'Algérie,<br />

dans lesquelles les communications sont longues et difficiles,<br />

dans lesquelles il n'existerait pas encore dans les villes princi<br />

pales de succursales où l'on pût échanger les billets, l'obligation<br />

de recevoir un effet non réalisable pourrait être regardée comme<br />

une oppression contre laquelle on serait disposé à s'irriter, et<br />

cela au grand préjudice de cette circulation même, à laquelle<br />

on chercherait à se soustraire. Cette disposition serait d'ailleurs<br />

sans effet réel,<br />

car si cette monnaie de papier n'était pas reçue<br />

avec confiance et même avec faveur, le prix s'en abaisserait...<br />

Aucune injonction légale ne peut donner à une monnaie réelle ou<br />

fictive une valeur qui ne serait pas librement acceptée ». On<br />

s'était borné à demander au ministre de prescrire à tous ses<br />

comptables d'admettre les billets de la Banque.<br />

La discussion du projet fut promptement menée. Elle eut lieu<br />

le 4 août 1851. Peu d'observations dignes de retenir l'attention<br />

furent présentées, sauf en ce qui concerne les dispositions rela<br />

tives à la fixation des taux d'escompte qui furent justement<br />

critiquées.<br />

Le projet fut voté —<br />

par<br />

552 voix contre 32 —<br />

tel que l'avait<br />

rapporté M. Benoist d'Azy. et la loi fut promulguée aussitôt (1).<br />

Elle conférait, pour vingt années, à la Banque de l'Algérie,<br />

au capital de trois millions (6.000 actions de 500 francs), le<br />

privilège de l'émission de billets.<br />

En invitant le gouverneur général à promulguer la loi du<br />

4 août, le ministre de la Guerre s'exprimait ainsi :<br />

«J'espère, Monsieur le Gouverneur général, que la population<br />

algérienne appréciera ce nouveau bienfait du gouvernement,<br />

destiné à exercer une influence heureuse et décisive sur l'avenir<br />

de la colonie, et dont je m'applaudis, par ce motif, d'avoir pris<br />

l'initiative auprès de M. le Ministre des Finances. »<br />

(1) La loi fut publiée au Moniteur Universelle 9 août 1851.


— — 113<br />

Le Moniteur Algérien du 25 août 1851 faisait suivre cette<br />

lettre de ce commentaire :<br />

« Jamais les bonnes dispositions du gouvernement en faveur<br />

de l'Algérie ne s'étaient manifestées d'une manière plus évi<br />

dente que dans le courant de cette année,<br />

où deux lois d'un<br />

intérêt vital pour le pays ont été votées à une immense majorité<br />

par l'Assemblée,<br />

par suite de l'initiative de l'autorité locale et<br />

du gouvernement central. Il y aurait ingratitude à ne pas recon<br />

naître qu'à aucune époque une Métropole n'a fait davantage<br />

pour sa colonie, que le gouvernement français pour l'Algérie. »<br />

De son côté, le journal YAkhbar disait : « Il y a là un vérita<br />

ble, un immense service rendu à l'Algérie ;<br />

ce serait de notre<br />

part manquer à la justice aussi bien qu'aux convenances de<br />

ne pas proclamer très haut notre reconnaissance envers ceux<br />

qui ont coopéré à cet acte important. Le public algérien nous<br />

permettra d'ajouter à leurs noms, qu'ils connaissent bien, celui<br />

de notre habile négociateur, M. Lichtlin. » (1).<br />

Dans ses grandes lignes, l'organisation de la Banque, telle<br />

qu'elle fut fixée par la loi du 4 août 1851, a été conservée ;<br />

elle a subi l'épreuve du temps et résisté à des crises graves.<br />

Elle demeure, encore aujourd'hui, l'armature de la Banque de<br />

l'Algérie.<br />

Elle lui a permis de résoudre peu à peu les divers problèmes<br />

monétaires et bancaires qui devaient se poser devant elle : super<br />

position d'une monnaie fiduciaire à la monnaie locale à Alger<br />

d'abord, puis sur l'ensemble du territoire ; lutte contre l'usure<br />

afin de provoquer soit directement, soit indirectement, un abais<br />

sement général sensible du taux de l'intérêt ; aide à donner<br />

aux commerçants, aux industriels, aux agriculteurs dont les<br />

besoins légitimes étaient déjà grands et ne devaient pas cesser<br />

de s'accroître ;<br />

allégement de la charge du change entre la<br />

Métropole et la colonie, de manière à en libérer autant que pos<br />

sible le commerce ; sans parler du concours qu'à certaines heures<br />

décisives de la vie du pays une banque d'émission doit être<br />

prête à donner à l'Etat.<br />

(1) Akhbar, 14 août 1851.


CHAPITRE IV<br />

LA BANQUE DE L'ALGÉRIE ET LE CRÉDIT<br />

DE 1851 A 1870<br />

Insuffisance des moyens d'action dk la Banque de l'Algérie a ses<br />

débuts. La Banque éprouve de grandes difficultés a maintenir une<br />

encaissk proportionnelle a la circulation des billets. développement de<br />

la circulation des billets. création des premières succursales de la<br />

Banque dp: l'Algérie. Docks Algériens. Crédit Foncier de France.<br />

Société Générale Algérienne. La Crise de 1867-1868 et le crédit<br />

agricole. Le développement de l'Algérie et le crédit. Services rendus<br />

par la Banque de l'Algérie de 1851 a 1870. Critiques adressées a la<br />

Banque de l'Algérie, Situation de l'Algérie et de la Banque de l'Algérie<br />

en 1870.


—<br />

— 118<br />

La Banque s'installa dans un immeuble de la rue de la Ma<br />

rine (1) et commença ses opérations, le 1er novembre 1851, sous<br />

la présidence de M. Lichtlin. Il lui fallut, en premier lieu, arrêter<br />

son règlement intérieur et déterminer sa règle de conduite ; elle<br />

le fit, avec une grande prudence,<br />

Ministère des Finances, M. Lemaître,<br />

ment général des fonds,<br />

en présence d'un délégué du<br />

sous-directeur du Mouve<br />

qui assista aux premières séances de<br />

son Conseil. Elle dut limiter ses opérations à Alger même et<br />

écarter les demandes qui, dès le mois de novembre 1851 et bien<br />

tôt après, en janvier 1852, lui venaient d'Oran et de Constantine,<br />

en vue de l'ouverture de succursales dans ces villes : ses statuts<br />

ne l'autorisaient, en effet, à admettre à l'escompte que des per<br />

sonnes domiciliées à Alger et il paraissait alors qu'ils devaient<br />

être sur ce point interprétés stricto sensu.<br />

Ses premiers pas furent assez timides;<br />

statuts avec rigueur,<br />

elle appliquait ses<br />

en conformité assurément avec les<br />

avis que lui avait donnés le délégué du ministre ; c'est<br />

ainsi que nous la voyons refuser de se charger de faire<br />

accepter les valeurs escomptées ou de servir d'intermédiaire<br />

pour la vente d'un titre de rente française,<br />

parce que ces<br />

opérations n'étaient pas spécifiées par les textes comme pou<br />

vant être faites par elle ; lorsque parfois elle s'aventurait à<br />

envisager une ration n'entrant pas dans les catégories expres<br />

sément visées à ses statuts, le ministre intervenait pour la lui<br />

interdire, comme lorsque, en juillet 1852,<br />

olle voulut accueillir<br />

une demande de prêt que lui adressait la ville d'Alger et, en<br />

avril 1854, une demande analogue émanant du mont-de-p'été<br />

d'Alger. D'autre part, sa clientèle était assez limitée, car ainsi<br />

que le disait son directeur en 1852 : « Des habitudes gênées par<br />

la règle, des intérêts déplacés, d'autres un peu froissés, sont des<br />

motifs qui peut-être tinrent à l'écart quelques maisons hono<br />

rables » et qui ralentirent les premiers progrès de la Banque.<br />

Au surplus, elle disposait de moyens insuffisants pour faire<br />

face à une grande extension du crédit et pour bien remplir son<br />

rôle de banque de circulation fiduciaire. L'émission de ses billets<br />

(1) La Banque demeura dans cette maison jusqu'en 1868, date à laquelle<br />

elle s'installa boulevard de l'Impératrice, devenu depuis boulevard de la<br />

République, dans un immeuble construit pour elle par l'architecte Robinot-<br />

Bertrand. L'ancien immeuble fut vendu en 1869 sur une mise à prix de<br />

120.000 francs. Le terrain avait une superficie de 572 m2, dont 350 cou<br />

verts.


- 119<br />

était soumise à des règles trop étroites pour un établissement<br />

dont on attendait beaucoup,<br />

et qui devait travailler dans un<br />

pays où le stock de monnaie circulante était insuffisant, dimi<br />

nuait constamment par suite des habitudes de thésaurisation<br />

des habitants,<br />

les voies commerciales,<br />

et ne se reconstituait pas automatiquement par<br />

déficitaire. Une légitime prudence,<br />

certaine méfiance à l'égard de l'Algérie, —<br />

parce que la balance des comptes était<br />

moins légitime, mais historiquement explicable,<br />

aggravée sans doute par une<br />

méfiance assurément<br />

— avait<br />

fait<br />

imposer à la Banque des conditions assez sévères dont le respect<br />

devait, pensait-on, écarter d'elle les dangers d'une croissance trop<br />

rapide.<br />

Tout d'abord, nous l'avons vu,<br />

une première limitation était<br />

mise à l'émission des billets : « Le montant des billets en circu<br />

lation, cumulé avec celui des sommes dues en compte courant,<br />

ne pouvait excéder le triple du numéraire existant en caisse. »<br />

Cette limitation était encore aggravée par la disposition sui<br />

vante : « L'excédent du passif sur le numéraire en caisse ne<br />

pourra dépasser le triple du capital réalisé ». En outre, les<br />

avances promises par l'Etat ne devaient être mises à sa disposi<br />

tion que proportionnellement à la réalisation de ce capital.<br />

Les moyens d'action de la Banque se trouvaient donc dépendre<br />

de la plus ou moins grande facilité avec laquelle elle pouvait<br />

réaliser l'émission ou l'augmentation de son capital et se procurer<br />

du numéraire.<br />

Très vite,<br />

* *<br />

elle apprit combien il était difficile de disposer<br />

du numéraire suffisant. Les ressources locales en monnaies<br />

métalliques étaient restreintes et risquaient d'être rapide<br />

ment épuisées. Il lui fallait faire venir à grand frais des espèces<br />

de France (1), et, pour se couvrir de ces frais, autant que pour<br />

tenter de diminuer la circulation de ses billets, frapper d'une<br />

commission spéciale les escomptes du papier sur la Métropole,<br />

ou bien essayer, en ouvrant à des correspondants de France<br />

(1) Dès 1853, la Banque fut obligée de faire venir des écus de France.<br />

Elle perdait alors 2 % k cette opération. Le Trésor, de son côté, faisait<br />

venir de la monnaie en Algérie pour alimenter ses caisses et répondre<br />

aux demandes du commerce local ; on lit, par exemple, dans les comptes<br />

LA BANQUE<br />

ÉPROUVE<br />

DE GRANDES<br />

DIFFICULTÉS<br />

A MAINTENIR<br />

UNEENCAISSE<br />

PROPORTION<br />

NELLE A LA<br />

CIRCULATION<br />

DES BILLETS.


— — 120<br />

des comptes à intérêts réciproques, d'attirer à elle l'encaissement<br />

du papier de la Métropole sur Alger.<br />

Cette question de l'approvisionnement en numéraire a été une<br />

des plus délicates à résoudre de tout temps dans la colonie ;<br />

elle tient en réalité d'une part à la question même du change<br />

entre la France et l'Algérie (1) et, d'autre part,<br />

aux habitudes de<br />

thésaurisation de la population indigène. Elle se présentait, au<br />

début, avec une acuité particulière,<br />

parce que cette population<br />

marquait de la défiance à l'égard du billet de banque et que,<br />

de son côté, la Banque était obligée de retirer le numéraire de<br />

la circulation,<br />

la proportion statutaire fixée suivant une règle conforme à la<br />

doctrine,<br />

pour maintenir entre son encaisse et ses billets<br />

mais sans souci suffisant des réalités.<br />

Aussi toute cette première période de 1851 à 1870 est-elle<br />

dominée, pour la Banque,<br />

par la préoccupation d'observer cette<br />

règle et d'y plier les besoins locaux ; il en est résulté une série<br />

de mesures,<br />

— les<br />

unes gênantes pour le commerce, mais néces<br />

saires pour attirer et défendre le numéraire,<br />

comme l'élévation<br />

du taux de l'escompte, ou l'augmentation des commissions sur<br />

— les mandats émis par elle payables en France les autres,<br />

au contraire, profitables à la colonie,<br />

entre la Trésorerie de l'Etat et la Banque.<br />

comme certaines ententes<br />

Le moyen le plus pratique dont disposaient alors le commerce<br />

et la Banque elle-même pour s'assurer des disponibilités en<br />

France sans être obligés d'expédier des espèces, était de se<br />

faire délivrer par le Trésor des traites payables dans la Métro<br />

pole,<br />

conformément à la pratique que nous avons vu s'établir dès<br />

rendus de la Chambre de Commerce de Bône pour l'année 1860 : « Depuis<br />

plusieurs années, une pénurie très sensible de monnaies divisionnaires<br />

d'argent se faisait sentir sur les places de la circonscription et particu<br />

lièrement à Bône. Leur disparition avait été un moment si extraordinaire<br />

que toutes les transactions, celles de bétail surtout, avaient été tellement<br />

entravées, qu'on pouvait calculer que la difficulté de change s'était pré<br />

sentée 90 fois sur 100. En rappelant ses réclamations antérieures, la<br />

Chambre fit connaître cette fâcheuse situation à M. le Ministre et priait<br />

Son Excellence d'y remédier, en faisant mettre à la disposition de M. le<br />

Payeur de la subdivision une certaine quantité de pièces de 50 centimes<br />

1 et 2 francs. Par deux dépêches des 3 mars et 5 avril 1860, Son Excellence<br />

voulut bien informer la Chambre qu'elle venait de saisir M. le Ministre<br />

des Finances de sa demande et qu'une somme de 30.000 francs serait<br />

prochainement expédiée pour le département de Constantine. »<br />

(1) Voir chapitre LX.


-<br />

— 121<br />

les premiers temps de l'occupation française (1). Les trésoriers-<br />

payeurs étaient approvisionnés de traites de cette nature paya<br />

bles sur la caisse centrale du Trésor. Ils les émettaient au fur<br />

et à mesure de leurs besoins et se procuraient par cette émission<br />

les fonds qui leur étaient nécessaires sur place. C'était par cette<br />

voie que se réglait principalement le change entre les deux pays.<br />

Mais il arrivait qu'il n'y eût pas coïncidence de dates entre les<br />

besoins du Trésor et ceux du commerce, surtout lorsque, la<br />

récolte ayant été mauvaise,<br />

celui-ci était brusquement contraint<br />

à de gros achats de céréales à l'étranger. Il en résultait une<br />

accumulation dans les caisses de l'Etat de sommes sans emploi,<br />

dont le Trésor décaissait en France la contrepartie, dans des<br />

conditions parfois onéreuses pour lui. Il fut ainsi conduit à<br />

restreindre de différentes manières l'émission de ces traites, soit<br />

en les frappant d'une commission spéciale, soit en ne les délivrant<br />

qu'à un assez long délai de vue,<br />

soit même en en suspendant<br />

entièrement l'émission, lorsque l'encaisse du trésorier général<br />

dépassait un certain chiffre.<br />

Dès ce moment, la question du maintien de son encaisse en<br />

numéraire se compliqua pour la Banque ; elle dut tenir compte<br />

des conditions d'émission des traites du Trésor, et défendre elle-<br />

même son encaisse contre les demandes du commerce qui, ayant<br />

des règlements à faire en France et ne disposant plus aussi<br />

aisément de traites sur le Trésor métropolitain, s'adressait direc<br />

tement à elle (2). De là découlait un parallélisme entre les me<br />

sures prises par le Trésor et par la Banque,<br />

selon les nécessités<br />

de l'alimentation de leurs encaisses réciproques, c'est-à-dire selon<br />

les mouvements des règlements internationaux de l'Algérie ; de<br />

là devaient également naître des accords entre le Trésor et la<br />

Banque. Us prirent des formes diverses. Le premier en date fut<br />

celui de 1863 conclu à la suite de la mission du délégué du<br />

(1) Voir page 71.<br />

(2) Certains banquiers particuliers, tels que le Comptoir algérien de<br />

circulation (A. Rey et C") émettaient des mandats à sept jours de vue<br />

sur Paris ou des délégations à trois jours de vue au pair, utilisant sous<br />

cette forme les disponibilités que leur assuraient en France les ventes<br />

de valeurs de Bourse qui étaient leur spécialité et se procurant ainsi le<br />

numéraire algérien nécessaire au règlement de leurs vendeurs. Les chan<br />

geurs agissaient de même, notamment Casteras frères.


— — 122<br />

ministre des Finances, M. d'Artigues,<br />

et aux termes duquel les<br />

fonds du Trésor composant les encaisses des trésoriers-payeurs<br />

des trois provinces devaient à l'avenir être déposés à la Banque<br />

à Alger, Constantine et Oran (1),<br />

ces fonds devant d'ailleurs<br />

rester toujours à la disposition du Trésor et être remboursables,<br />

en totalité ou en partie, sur mandats des trésoriers-payeurs. La<br />

Banque était tenue de remettre à ces comptables tout le numé<br />

raire qui pouvait leur être nécessaire,<br />

jusqu'à concurrence de<br />

la somme inscrite à leur compte courant. « Le ministre a voulu,<br />

disait à cette époque le directeur du Mouvement général des<br />

fonds, donner à la Banque un éclatant témoignage de confiance<br />

et lui faciliter les moyens de développer ses opérations en<br />

accroissant ses réserves métalliques des fonds qui jusqu'alors<br />

restaient improductifs dans les caisses du Trésor. » Mais le Tré<br />

sor y trouvait aussi son avantage, car il obtenait de la Banque<br />

qu'elle effectuât gratuitement les virements de fonds entre les<br />

comptes des divers trésoriers-payeurs. En 1864, la Banque se<br />

chargeait de faire prendre, dans les différentes places de l'Algé<br />

rie, sur les indications des trésoriers-payeurs, les fonds sans<br />

emploi et de les centraliser à Alger.<br />

Ces accords n'étaient pas, par eux-mêmes,<br />

suffisants pour<br />

maintenir dans les caisses de la Banque les espèces nécessaires et<br />

ils la laissaient exposée aux demandes des importateurs. Comme<br />

elle ne trouvait généralement pas en Algérie le papier sur la<br />

France en quantité convenable pour se créer dans la Métropole,<br />

par l'encaissement de ce papier, les disponibilités qui lui étaient<br />

nécessaires, force lui était de s'y faire consentir des ouvertures<br />

de crédit ; —<br />

ces ouvertures de crédit<br />

d'ailleurs<br />

onéreuses —<br />

étaient naturellement limitées et, par suite, insuffisantes pour<br />

parer aux grands mouvements qui pouvaient se produire à cer<br />

tains moments. La Banque de l'Algérie trouva en la circonstance<br />

le précieux appui de la Banque de France qui, dès 1863, consentit<br />

— aux termes d'un accord valable pour quatre années —<br />

à<br />

réescompter, le cas échéant, jusqu'à concurrence de 4 millions,<br />

son portefeuille d'effets algériens, sans déplacement des valeurs.<br />

(1) C'est alors que le trésorier-payeur général d'Alger fut appelé à<br />

remplir les fonctions de commissaire du gouvernement auprès du Conseil<br />

de la Banque.


- 123<br />

-<br />

« En établissant avec la Banque de l'Algérie —<br />

Moniteur Algérien le 1er novembre 1863 —<br />

des<br />

disait<br />

le<br />

rapports ana<br />

logues à ceux que le Trésor entretient avec la Banque de<br />

France et ses succursales,<br />

son Excellence a recommandé aux<br />

trésoriers-payeurs de faciliter de tout leur pouvoir la circulation<br />

des billets, en en faisant entrer dans leurs paiements journaliers<br />

la plus grande quantité possible. Avec le concours de ces comp<br />

tables supérieurs et avec la force nouvelle qu'elle puisera dans<br />

l'augmentation de son capital, la mobilisation de son portefeuille<br />

et les dépôts du Trésor, la Banque d'Alger parviendra prompte-<br />

ment à étendre l'importance de sa circulation fiduciaire et elle<br />

se trouvera ainsi à portée de rendre au commerce de la colonie<br />

tous les services qu'on est en droit d'attendre de cette institu<br />

tion. »<br />

Ces mesures variées, fréquemment modifiées (1), prouvent<br />

combien était difficile cette partie de la tâche de la Banque,<br />

tenue d'observer des règles dont la Banque de France n'avait pas<br />

eu à connaître les rigueurs et qui fixaient des proportions rigi<br />

des entre la circulation, l'encaisse et le capital.<br />

La Banque fut donc conduite, au cours de cette période, à<br />

procéder —<br />

ainsi<br />

qu'y fait allusion la note du Moniteur —<br />

à des augmentations successives du capital versé.<br />

On se rappelle que le capital de la Banque n'avait été consti<br />

tué que pour une assez faible part et qu'il ne fut d'abord réalisé<br />

que pour 1 million (2). De nouveaux appels de fonds eurent lieu<br />

avec succès avant 1870 : en juillet 1856 (3) et juillet 1857 et —<br />

quand un décret du 30 mars 1861 eut élevé le capital à 10.000.000<br />

— en<br />

mai 1861 et en novembre 1863.<br />

(1) Voir chapitre IX.<br />

(2) Un fonds de réserve, limité à la moitié du capital social, c'est-à-dire<br />

à 1.500.000 francs, devait être formé au moyen du prélèvement de la moi<br />

tié des bénéfices après paiement aux actionnaires d'un intérêt de 4 %.<br />

(3) Jusqu'en 1853, le prêt subventionnel de l'Etat, prévu pour un million<br />

par la loi du 4 août 1851, ne fut constitué que par l'ouverture de crédit<br />

de 525.000 francs, dont nous avons parlé plus haut. Au cours de l'exercice<br />

1853-1854, l'Etat avança une somme de 300.000 francs qui fut remboursée<br />

en 1856. A ce moment, la Banque émit une nouvelle série d'actions qui<br />

porta son capital à 2 millions. En 1857, une nouvelle émission de 2.000<br />

actions éleva le capital à 3 millions. Ce capital devait être ultérieurement<br />

porté à 10 millions par un décret impérial du 30 mars 1861, à 20 millions<br />

par un arrêté ministériel du 28 octobre 1881, pris en conformité de la<br />

loi du 3 avril 1880, et enfin à 25 millions par la loi du 11 avril 1907.


'.VELOPPE-<br />

ÏNT DE LA<br />

RCULATION<br />

US BILLETS.<br />

La circulation fiduciaire (1)<br />

124 —<br />

* *<br />

s'établit d'abord assez rapidement<br />

et d'une manière satisfaisante à Alger même et autour d'Alger,<br />

mais peu à peu son développement parut se ralentir : c'est que,<br />

dans les premières années de l'installation de la Banque, la popu<br />

lation française était peu nombreuse, la colonisation peu dévelop<br />

pée, et qu'en dehors d'un cercle assez restreint de commerçants,<br />

de fonctionnaires et de colons qui avaient les premiers fait bon<br />

accUeil au billet, on se trouvait en présence des indigènes ; aussi<br />

la pénétration du billet dans les milieux indigènes fut-elle une<br />

des premières préoccupations de la Banque.<br />

Dès 1853, le directeur, M. Lichtlin, disait à l'assemblée géné<br />

rale des actionnaires : « On ne saurait méconnaître que la pro-<br />

« gression constante de mois en mois de nos billets en circula-<br />

« tion n'est pas seulement motivée par des transactions de la<br />

« place,<br />

mais qu'elle repose aussi sur les opérations commer-<br />

« ciales entre européens et indigènes, dont le cercle s'élargit<br />

« incessamment Il y a peu d'années encore la piastre d'Espa-<br />

« gne était seule admise par les indigènes ; la pièce de 5 francs<br />

« ne franchissait pas les limites du Sahel ; c'est le contraire<br />

« aujourd'hui, la monnaie française a exclu toutes les monnaies<br />

« étrangères et le billet de banque est accepté ».<br />

Mais cette pénétration, dont la Banque de l'Algérie se félicitait<br />

à si juste titre, devenait plus malaisée, à mesure qu'on s'éloi<br />

gnait d'Alger, et, en 1857, M. Lichtlin le remarquait : « La<br />

« circulation de nos billetâ progresse lentement, il faut le recon-<br />

« naître, tout en le déplorant. Dans la province d'Alger, les<br />

« transactions sont plus nombreuses entre européens et, par<br />

« suite, l'usage du billet est plus répandu ; dans les provinces<br />

« de l'Est et de l'Ouest, au contraire, où l'élément indigène est<br />

« prédominant et fournit la plus large part des denrées qui ali-<br />

« mentent l'exportation, le billet ne pénètre pas dans l'intérieur-<br />

(1) Les billets de la Banque de l'Algérie étaient alors fabriqués par les<br />

soins de la Banque de France. Ils sont aujourd'hui imprimés par la Ban<br />

que de l'Algérie elle-même dans ses ateliers spéciaux situés dans la ban<br />

lieue d'Alger.


LES PREMIERS BILLETS DE LA BANQUE DE L'ALGÉRIE 1852<br />

Réduction 350 jooo


— — 125<br />

« du pays. Faut-il s'en étonner ? Non, sans doute. Lorsque<br />

« nous voyons, sur les marchés de l'intérieur, l'or de la France<br />

« refusé par les Arabes en paiement de leurs marchandises, il<br />

« serait bien étrange qu'ils admissent le billet de la Banque ».<br />

Enfin, dix ans après, de très sérieux progrès étaient réalisés<br />

et M. Blasselle, censeur de la Banque de l'Algérie, pouvait s'ex<br />

primer ainsi : « Aujourd'hui,<br />

presque tous les Indigènes en<br />

« territoire civil acceptent parfaitement nos coupures de 50 et<br />

« de 100 francs. Quand nous apercevons des indigènes au gui-<br />

« chet de la Banque, prenant notre papier avec confiance, il nous<br />

« semble —<br />

peut-être<br />

nous faisons-nous illusion —<br />

que<br />

le dua-<br />

« lisme existant entre les deux races perd un peu de sa téna-<br />

« cité ; il nous semble que les habitudes de méfiance sont noyées<br />

« dans le courant et les nécessités de la vie, emportées par l'effet<br />

« peut-être lent, mais véritable du temps,<br />

« triotes indigènes,<br />

et que nos compa-<br />

en appréciant les avantages que leur procu-<br />

« re l'usage de notre monnaie fiduciaire, font un premier pas<br />

« vers l'unification qui leur donnerait de si précieuses compen-<br />

« sations. »<br />

*<br />

* *<br />

La diffusion du billet avait été grandement facilitée par la<br />

création de succursales qu'une interprétation plus judicieuse des<br />

statuts permit de réaliser : Oran (décret du 13 août 1853) , Cons<br />

tantine (décret du 3 décembre 1856), Bône (décret du 11 juillet<br />

1868).<br />

Le choix d'Oran s'était imposé ae lui-même, et cette succur<br />

sale donna dès le début des résultats importants, qui ne furent<br />

pas acquis exclusivement, comme on l'avait redouté, au détri<br />

ment du siège d'Alger (1).<br />

C'est à propos de l'organisation de cette succursale que la<br />

Banque posa les règles qu'elle devait suivre, en dehors d'Alger,<br />

(1) La Banque craignait alors que les charges que lui imposait cette<br />

création ne pussent pas être couvertes par des bénéfices nouveaux ; mais,<br />

estimant « qu'elle ne saurait être victime de son abnégation », elle expri<br />

mait l'espoir « qu'au besoin le gouvernement saurait lui en tenir compte ».<br />

C'est d'ailleurs à cette époque qu'elle obtint de l'Etat la réalisation effec<br />

tive du prêt subventionne!.<br />

CRÉATK<br />

D,<br />

PREMIÈRt<br />

SUCCURSA L,<br />

DELAB*NQl<br />

DE L'ALGÉRl


- 126<br />

dans ses nouveaux comptoirs,<br />

—<br />

en ce qui concerne l'escompte des<br />

effets de commerce et l'émission des billets de banque. Elle<br />

résolut de fixer un taux d'escompte uniforme pour tout le pays ;<br />

mais,<br />

préoccupée de disposer dans les caisses de la succursale<br />

du numéraire suffisant pour rembourser à présentation ses<br />

billets, elle décida, à l'exemple de la Banque de France, d'émettre<br />

des billets spéciaux à chacun de ses sièges et elle mit sur les<br />

tirages d'Oran sur Alger une commission, pour parer aux incon<br />

vénients que ces tirages pouvaient produire par moments dans<br />

l'encaisse de la succursale en y provoquant des sorties de billets.<br />

Les billets émis par la succursale étaient du même type que<br />

ceux d'Alger, mais ils étaient frappés d'une estampille au nom<br />

de la succursale, comme le sont, au nom de la Tunisie, les billets<br />

émis actuellement dans la Régence. Ils n'étaient en principe<br />

remboursables qu'au siège émetteur ; il fut toutefois prévu que<br />

les billets de banque d'Alger pourraient être facultativement<br />

remboursés à Oran, et réciproquement ceux d'Oran à Alger,<br />

sous réserve que cette faculté fût subordonnée à l'entière appré<br />

ciation des Directeurs qui pouvaient autoriser ou refuser le paie<br />

ment de ces billets dans la limite des besoins du service, c'est-<br />

à-dire en tenant compte de l'importance du numéraire en caisse.<br />

Même encore en 1869, les Directeurs étaient autorisés, pour<br />

mieux défendre les encaisses locales, à ne recevoir les billets émis<br />

par d'autres sièges que contre paiement d'une commission (1).<br />

La création de la succursale de Constantine donna heu à une<br />

(1) Dix ans plus tard, M. René Brice, rapporteur devant la Chambre<br />

des députés du projet relatif au renouvellement du privilège de la Banque,<br />

en 1879, s'exprimait ainsi : « La Commission s'est demandée s'il ne serait<br />

pas possible d'imposer à la Banque de l'Algérie l'obligation de rembourser<br />

indifféremment, soit au siège de la Banque, soit à chacune de ses succur<br />

sales les billets émis par les succursales ou par la Banque. Le directeur<br />

a fait observer que renonciation d'une telle règle aurait les conséquences<br />

les plus graves ; que la Banque a des succursales fort éloignées d'Alger,<br />

la succursale de Tlemcen, par exemple, distante d'Alger de plusieurs jours<br />

de voiture; que si un négociant d'Alger se présentait inopinément à Tlem<br />

cen et y réclamait le remboursement de ses billets, il serait impossible<br />

de faire face, sans un assez long délai, à ses exigences, l'encaisse de<br />

chaque succursale étant calculée sur ses besoins connus et habituels, non<br />

sur les imprévus peu vraisemblables. Il a invoqué la législation en vigueur<br />

pour la Banque d'Angleterre et la Banque de France. »<br />

La Banque de France avait, en effet, maintenu ce principe que les<br />

billets émis par ses comptoirs n'étaient remboursables qu'au comptoir<br />

d'émission ; mais, en pratique, elle n'appliquait cette règle qu'en cas de


— — 127<br />

étude plus longue que celle à la suite de laquelle fut décidée la<br />

création de la succursale d'Oran et à plus d'hésitations : on<br />

recula, pendant quelque temps, devant une décision qui devait<br />

installer la Banque dans une région dont le développement éco<br />

nomique ne paraissait pas assez avancé ; et, d'autre part, on<br />

hésitait à choisir entre les diverses villes qui faisaient valoir<br />

leurs titres ; Philippeville et Bône, invoquant des raisons diver<br />

ses, se posaient en rivales de Constantine. Ce fut, toutefois, cette<br />

dernière ville qui fut choisie en 1856. Les résultats bénéficiaires<br />

de la succursale de Constantine furent sensiblement inférieurs<br />

à ceux que réalisait la succursale d'Oran,<br />

et cette constatation<br />

à diverses reprises faite en public ne manqua pas de déplaire aux<br />

Constantinois ;<br />

une polémique de presse s'en suivit et le Direc<br />

teur de la Banque dut se rendre sur place pour assurer au nom<br />

du Conseil de la Banque le commerce de Constantine de toute<br />

sa sympathie. Si nous relatons ce minime incident, c'est pour<br />

montrer quelle heureuse émulation les clients de la Banque<br />

apportaient à assurer l'activité de la nouvelle maison dont ils<br />

avaient si longtemps attendu la venue et pour donner une preuve<br />

du prix qu'ils attachaient aux services rendus par elle.<br />

La création d'une succursale à Bône ne se fit que beaucoup<br />

plus tard. Dès 1863,<br />

elle fut réclamée par la Chambre de com<br />

merce de Bône qui fit, à cette occasion, fort bien ressortir la<br />

principale difficulté que rencontraient alors les commerçants<br />

des villes algériennes dépourvues de sièges de la Banque, au<br />

sujet du règlement du commerce extérieur. Pour effectuer ces<br />

règlements, ils ne disposaient, nous l'avons vu,<br />

que des traites<br />

du Trésor s'ils voulaient éviter les frais de constitution et d'ex<br />

pédition de groups de numéraire,<br />

était parfois suspendue et souvent entravée.<br />

et l'émission de ces traites<br />

« En vertu d'une récente décision de M. le Ministre des Finan-<br />

nécessité et facilitait les échanges ; en fait, la Banque de l'Algérie<br />

agissait de même : le principe demeurait une sauvegarde pour les cas<br />

exceptionnels, mais les échanges ne tardèrent pas à se faire. Le même<br />

principe a été inscrit dans le règlement établi, en exécution de l'acte d'Al-<br />

gésiras, pour la Banque d'Etat du Maroc.<br />

En 1880, les billets de 100 francs furent unifiés, l'estampillage ne fut<br />

maintenu que pour les billets de 500 et de 1.000 francs, puis le 6 sioût 1884,<br />

le Conseil de la Banque supprima définitivement les émissions de billets<br />

de banque particulières à chaque succursale.


— — 128<br />

ces, écrivait la Chambre de commerce de Bône au Gouverneur<br />

général, les payeurs d'Alger et de Constantine avaient été auto<br />

risés à suspendre l'émission des traites du Trésor parce que le<br />

numéraire s'accumulait sans emploi dans les caisses de ces deux<br />

comptables.<br />

« Quoique cette mesure ne fût qu'exceptionnelle,<br />

pourtant mise en vigueur à Bône,<br />

elle a été<br />

pendant une période de trois<br />

mois ; aussi le commerce ne pouvant plus se procurer de valeurs<br />

pour effectuer ses remises, se trouvait dans la nécessité de les<br />

faire au moyen de groups. C'était, sans doute, un procédé aussi<br />

dispendieux qu'incommode, mais le commerce, n'ayant pas d'au<br />

tres ressources,<br />

puisque notre place est encore privée d'une suc<br />

cursale de la Banque de l'Algérie, devait forcément l'employer.<br />

Cependant, depuis le 1er de ce mois, l'effet de cette décision a eu<br />

un terme au moyen de l'envoi de 230.000 francs de traites à M. le<br />

Payeur de la subdivision ;<br />

10 jours de vue, comme autrefois, elles le sont à 30, ce qui est<br />

seulement au lieu d'être payables à<br />

loin d'être avantageux, parce que nécessairement le porteur<br />

devra tenir compte, à ses correspondants, de cette différence<br />

d'échéance.<br />

« Dans ces circonstances, la Chambre tient, Monsieur le Maré<br />

chal, à vous informer combien le commerce de cette place a<br />

été affecté par la détermination prise par M. le Ministre des<br />

Finances, quand il s'est vu tout à coup privé de la facilité de<br />

transmettre ses fonds au moyen des traites du Trésor, puisque<br />

pendant les onze premiers mois de 1862, il avait déposé à la<br />

caisse de M. le Payeur de la subdivision, 3.819.900 francs en<br />

numéraire convertis en 2.150.000 francs de traites sur Paris et<br />

1.669.900 francs sur Marseille.<br />

« Aussi, pour parer à de pareilles éventualités, la Chambre<br />

de Commerce a l'honneur, Monsieur le Maréchal, de solliciter<br />

de votre bienveillance, qu'il plaise d'aviser à ce qu'une succursale<br />

de la Banque de l'Algérie soit établie à Bône... L'opportunité de<br />

cette demande résulte encore de ce fait que le département<br />

de Constantine, dont les intérêts commerciaux sont considérables,<br />

ne possède qu'une succursale de la Banque, dont le siège est au<br />

chef -lieu, et que cet établissement n'offre aucun avantage à Bône.<br />

Aussi, pour opérer une négociation d'effets, il est indispensable


— - 129<br />

d'avoir un représentant à Constantine, de payer une commission,<br />

a'attendre le retour du courrier et de faire venir le numéraire<br />

en groups,<br />

ce qui occasionne toujours de nouveaux frais. » (1).<br />

Le vœu de la Chambre de Commerce de Bône finit par<br />

être réalisé et, en 1868,<br />

ville.<br />

une succursale fut ouverte dans cette<br />

La création de succursales n'assurait pas, en principe, à la<br />

Banque, le moyen de venir en aide à l'ensemble du commerce de<br />

l'Algérie. D'après ses statuts, elle ne devait admettre que des<br />

clients domiciliés à Alger ou, plus tard, dans les villes où ses<br />

succursales furent établies. Les commerçants de l'intérieur<br />

étaient donc obligés —<br />

de Bône —<br />

de<br />

comme<br />

le dit la Chambre de Commerce<br />

s'adresser à des intermédiaires et de subir leur<br />

loi qui comportait généralement un taux d'intérêt très élevé.<br />

Cette situation se maintint plus d'une dizaine d'années et ce ne<br />

fut qu'en 1864, à l'occasion de la suspension d'une maison de<br />

banque (la Maison Lecoq et C°)<br />

que le Conseil de la Banque de<br />

l'Algérie tourna la difficulté en prenant la décision suivante :<br />

« En vue d'atténuer, dans les limites de la prudence, les résul<br />

tats fâcheux dont le commerce, et notamment celui de l'intérieur,<br />

est menacé par suite de cette suspension, la Banque admettra à<br />

l'escompte les maisons de l'intérieur qui lui paraîtraient mériter<br />

cette faveur, à condition pour elles d'élire un domicile à<br />

Alger. » (2).<br />

Toutefois, la Banque de l'Algérie ne rayonnait pas encore assez<br />

sur l'ensemble du pays pour satisfaire à tous les mouvements<br />

de fonds entraînés par les besoins du commerce intérieur entre<br />

les différentes places de l'Algérie. En 1865, le ministre des<br />

Finances, à la suite d'une étude faite sur ce sujet par un ins<br />

pecteur général des finances, M. de Besse, autorisa les trésoriers-<br />

payeurs à recevoir désormais les fonds des négociants et à déli<br />

vrer en échange des mandats sur leurs préposés, toutes les fois<br />

que les caisses de ces derniers renfermeraient des excédents<br />

de recette non employés à l'acquittement des dépenses locales.<br />

Déjà apparaît sous cette forme le rôle que l'Etat devra tenir<br />

plus tard, par l'intermédiaire du service des Postes, dans les<br />

mouvements de fonds à l'intérieur du pays.<br />

(1) Archives de la Chambre de Commerce de Bône.<br />

(2) Ce ne fut que lors du renouvellement du privilège de la Banque<br />

en 1880, que cette disposition restrictive disparut des statuts.


CKS<br />

'<br />

GÉHIENS.<br />

ÉDIT<br />

NCIER<br />

FRANCE.<br />

CIÉTÉ<br />

■NÉRALE,<br />

GERIENNE.<br />

130 -<br />

* *<br />

Entre temps, le commerce trouvait,<br />

en dehors même de la Ban<br />

que, mais souvent grâce à la collaboration directe ou indirecte de<br />

celle-ci, de nouveaux concours.<br />

En 1852,<br />

et aux huiles,<br />

au moment où étaient installées des halles aux blés<br />

s'était posée la question d'organiser à Alger un<br />

magasin public destiné à recevoir des marchandises dans les<br />

conditions prévues à l'article 16 des statuts, c'est-à-dire en assu<br />

rant aux récépissés de ces marchandises la faculté d'escompte<br />

avec dispense d'une signature (projet Chopin). Mais la question<br />

ne parut pas présenter, à cette date, un intérêt suffisant, et ce<br />

ne fut que dix ans après, lorsque le commerce eût pris un plus<br />

grand essor, que les docks algériens furent institués par décret<br />

impérial du 12 mars 1861, et que la Banque réglementa l'admis<br />

sion des warrants à l'escompte, en fixant une liste très large<br />

des marchandises warrantages et la proportion très normale<br />

des avances à consentir sur warrants.<br />

Vers la même époque, en 1860, le Crédit Foncier de France<br />

était autorisé à étendre ses opératiohs""ën Algérie (1). L'organi<br />

sation du crédit foncier présentait dans la colonie des difficultés<br />

particulières pour un établissement central. Le gage des petites<br />

propriétés constituées par les colons offrait,<br />

surtout au début<br />

de la colonisation, de trop faibles garanties de stabilité pour des<br />

prêts à long terme et des difficultés très grandes de surveillance<br />

de la part d'un prêteur éloigné. L'économiste Jules Duval écrivait<br />

à ce sujet en 1860 : « La valeur du capital et la facilité de l'ex-<br />

(1) Dès septembre 1852, une commission avait été nommée à Alger<br />

« pour étudier les modifications à apporter au décret du 28 février 1852<br />

créant le Crédit Foncier de France et pour approprier ce décret à l'Algé<br />

rie. » Archives nationales F. 80, 1872. Cf. les Annales de la colonisation<br />

algérienne où furent publiés en 1852 (T.I. p. 278) un article sur l'orga<br />

nisation du Crédit Foncier en Algérie, et en 1853 (t. III p. 198 et suiv.)<br />

un article sur le prix de l'argent en Algérie, dont nous extrayons ces<br />

lignes :<br />

« Un des plus honorables habitants de l'Algérie, ancien capitaine de l'ar<br />

mée, aujourd'hui propriétaire et colon dans l'une des principales villes<br />

de l'intérieur, nous adresse une lettre :<br />

« En attendant, Monsieur, veuillez, je vous prie, insister... pour que le<br />

Crédit Foncier soit le plus tôt s possible appliqué en Algérie. Pour mon<br />

compte, je viens de consentir une obligation à 36 %. Les intérêts retenus<br />

d'avance, le coût de l'acte et autres frais font monter le tout de 48 à<br />

50 %. »


— — 131<br />

« ploitation s'amoindrissent par les morcellements qui suivent<br />

« les partages de succession ; les revenus risquent d'être empor-<br />

« tés par une multitude d'accidents ; les familles n'étant pas<br />

« largement assises sur le sol, sont dispersées par le tourbillon<br />

« d'événements et de passions qui déplace, dissout, abaisse aussi<br />

« souvent qu'il élève les générations contemporaines. Dans ce<br />

« mouvement incessant de décomposition, on perd de vue, quand<br />

« on est à distance, au centre de Paris,<br />

un petit débiteur et<br />

« un petit bien rural... Le Crédit Foncier de France, ne prêtant<br />

« que la moitié au plus de la valeur des immeubles et le tiers<br />

« seulement s'il s'agit de plantations et de vignes, les sommes<br />

« qu'il offrira paraîtront insignifiantes comparées aux besoins,<br />

« parce que cette valeur vénale qui, en vingt-<br />

France, représente<br />

« cinq ou trente fois le revenu, le représente en Algérie seule-<br />

« ment huit ou dix fois... Par là l'agriculture offre plus de facili-<br />

« tés au prêt agricole et personnel, auquel suffit la garantie du<br />

« revenu, qu'au prêt hypothécaire, qui réclame avant tout le<br />

« gage d'une valeur capitale bien certaine. » Toutefois si le prêt<br />

demeurait, malgré l'installation du Crédit Foncier de France,<br />

du ressort des prêteurs locaux, l'intervention de cette grande<br />

institution devait, dans l'opinion générale,<br />

taux de l'intérêt.<br />

amener une baisse du<br />

En dehors du Crédit Foncier de France, de grands établis<br />

sements bancaires parisiens s'intéressaient alors à l'Algérie et<br />

le gouvernement impérial provoquait la création de sociétés<br />

chargées d'entreprendre de grands travaux, considérés par- lui<br />

comme l'un des moyens les plus efficaces d'affermir et de faire<br />

prospérer la colonisation. « Les paroles de l'Empereur à Alger,<br />

annonçant la venue d'une grande compagnie, ont donné heu,<br />

disait le journal VAkhbar, le 2 juin 1865, à bien des supposi<br />

tions. Cette compagnie serait, selon les uns, le Crédit Mobi<br />

lier,<br />

de Francfort annonçait la constitution d'une grande compagnie<br />

selon d'autres encore une compagnie nouvelle. » L'Europe<br />

internationale qui prendrait l'Algérie pour théâtre de ses opé<br />

rations et dont le capital social serait de 100 millions. La lettre<br />

impériale du 20 juin 1865 posait, d'autre part, le principe de la<br />

création, dans chaque province, de comptoirs d'escompte pouvant<br />

prêter de l'argent aux colons comme aux arabes, à un taux<br />

modéré.<br />

>


- 132 —<br />

La Banque de l'Algérie témoignait, de son côté, d'une grande<br />

confiance dans l'action heureuse que les grandes sociétés<br />

devaient avoir sur le développement du pays et M. Villiers<br />

directeur depuis 1859 (1) disait en 1865 : « L'action de la Ban<br />

,<br />

que est destinée à prendre de larges proportions, sous l'impul<br />

sion de nouvelles compagnies financières qui vont être appelées<br />

en Algérie par la haute et puissante initiative de l'Empereur<br />

et dont les capitaux viendront féconder les ressources de ce<br />

riche pays. »<br />

La Société Générale Algérienne, au capital de 100 millions,<br />

fondée en 1866, par MM. Frémy, gouverneur du Crédit Foncier,<br />

et Talabot,<br />

l'Algérie,<br />

directeur général des Chemins de fer P.-L.-M. et de<br />

et puissamment encouragée par l'empereur qui sous<br />

crivit au capital pour deux millions, devait, dans la pensée du<br />

gouvernement et de ses auteurs,<br />

avoir pour objet de procurer<br />

des capitaux et d'ouvrir des crédits pour toutes opérations agri<br />

coles, industrielles et commerciales en Algérie et d'entreprendre<br />

ou de réaliser ces opérations. Elle se définissait elle-même<br />

« principalement société de crédit, accessoirement société indus<br />

trielle ». La Société, liée à l'Etat par un contrat que la Chambre<br />

approuva d'un vote quasi unanime,<br />

disposition de celui-ci une somme de 100 millions destinée à<br />

s'engageait à mettre à la<br />

être utilisée, dans le délai de six années, à l'exécution de<br />

grands travaux d'utilité publique. L'Etat rembourserait cette<br />

somme par annuités. La Compagnie recevait 100.000 hecta<br />

res (2) au prix de 1 franc de rente annuelle par , hectare pendant<br />

cinquante ans et la promesse de la concession des mines dont elle<br />

pourrait découvrir les gisements dans un délai de dix années.<br />

Sa constitution fut saluée, en général, par beaucoup d'es-<br />

(1) M. Villiers, arrivé à Alger peu après 1830, prit part à l'expédition<br />

de Constantine où il se distingua en qualité d'officier d'ordonnance du<br />

maréchal Clauzel. Il renonça à la carrière militaire et se consacra au<br />

commerce et à l'industrie. Il avait été nommé administrateur de la Banque,<br />

puis sous-directeur, puis directeur de la succursale d'Oran.<br />

(2) Ce contrat avait été sanctionné par une loi du 12 jmllet 1865. La<br />

Société, qui fut définitivement autorisée par décret en novembre 1866,<br />

était au capital de 100 millions divisés en quatre séries de 50.000 actions<br />

chacune. Les actions de 500 fr. étaient libérées de 50 fr. à la souscription<br />

et de 75 francs un mois après. La Société émettait en même temps<br />

200.000 obligations garanties par des annuités de l'Etat (en réalisation du<br />

prêt de 100 millions fait par la Société à l'Etat).


f *•* u l V..at-t'^""*><br />

LA BANQUE DE L'ALGÉRIE A ORAN<br />

Nouvel Immeuble en construction


— 133<br />

-<br />

poirs : elle arrive, disait-on, au moment le plus opportun,<br />

« au<br />

moment où la dévastation causée par les sauterelles a rendu les<br />

bras inutiles dans nos champs dépouillés. Le travail qu'elle va<br />

donner aux colons, que la ruine menaça,<br />

sera un bienfait plus<br />

grand encore que les souscriptions qui se couvrent de signa<br />

tures ».<br />

M. Lichtlin, l'ancien directeur de la Banque de l'Algérie, devint<br />

un des administrateurs du nouvel établissement, qui rencontra,<br />

néanmoins, dès le début, des détracteurs à Paris dans la per<br />

sonne du banquier Mirés et, en Algérie, dans certains milieux.<br />

Installée à Alger, rue Bab-Azoun,<br />

elle se livra d'abord à des<br />

opérations de banque courantes (escompte, recouvrements, avan<br />

ces sur dépôts de titres et sur marchandises,<br />

négociations de<br />

warrants) ; elle ouvrit bientôt des comptoirs à Oran, Constantine<br />

et Bône. Dès son premier exercice,<br />

elle se félicitait de ce que son<br />

portefeuille, s'élevant à moins de 1.200.000 francs, n'eût donné<br />

lieu qu'à 6 % de protêts et que les effets protestés eussent été<br />

remboursés. « Fait honorable, disait-elle, pour le commerce algé<br />

rien et qui détruit les critiques superficielles et passionnées. »<br />

Elle remarquait que son établissement avait été accueilli avec<br />

faveur par la Banque de l'Algérie « à qui sa longue expérience<br />

a appris que les établissements de crédit, conduits avec prudence,<br />

loin de se nuire réciproquement,<br />

tres » (1).<br />

se fortifient les uns les au<br />

Elle cherchait particulièrement, pour accroître ses ressources,<br />

à attirer les dépôts, voulant, disait-elle, « inaugurer en Algérie<br />

le système des comptes courants avec chèques, système si<br />

répandu en Angleterre et qui commence à s'acclimater parmi<br />

nous ».<br />

Les débuts de cette Société coïncidèrent, malheureusement<br />

pour elle, avec une période de crise agricole en Algérie ; elle dut<br />

aider le gouvernement à prêter aux tribus indigènes les sommes<br />

indispensables pour leurs semailles et le fit avec le concours<br />

du Crédit Foncier de France auquel elle ouvrit sa garantie.<br />

En 1869, le<br />

mouvement de son portefeuille atteignit néanmoins<br />

(1) Une autorisation de principe, donnée par le ministre des Finances<br />

le 30 mars 1861, avait permis à la Banque de l'Algérie d'ouvrir ses gui<br />

souscription des actions et obligations de cette Société.<br />

chets à la


LA CRISE<br />

DE 1867-68<br />

ET LE CRÉDIT<br />

AGRICOLE.<br />

— 134<br />

—<br />

près de 100 millions et ses escomptes s'élevèrent à près de<br />

60 millions,<br />

pour atteindre 80 millions l'année suivante. Mais<br />

les événements ne répondirent pas, par la suite, aux espérances<br />

de ses fondateurs. Elle ne put réaliser qu'une partie de son pro<br />

gramme. Plus tard,<br />

une participation malheureuse dans une<br />

émission de bons égyptiens détermina sa liquidation. Elle devait<br />

être remplacée en 1877 par la Compagnie Algérienne.<br />

Dès 1853 s'était fondée la Compagnie Genevoise de la colonie<br />

de Sétif, concessionnaire de l'Etat,<br />

l'histoire du crédit, parce que,<br />

qui se rattache également à<br />

comme elle le disait dans son<br />

rapport de 1868, agissant à la fois en France et en Algérie « elle<br />

favorisait l'introduction des capitaux français dans la colonie,<br />

dont elle faisait ainsi cesser l'isolement financier ». Elle vou<br />

lait « procurer à l'Algérie : argent,<br />

*<br />

* *<br />

eau et bras ».<br />

Parfois, les grands espoirs que fait naître la confiance si<br />

légitime placée dans l'avenir de l'Algérie par ceux qui la con<br />

naissent bien, —<br />

et<br />

que ressentent avec une sorte d'emporte<br />

ment ceux qui, l'ayant ignorée, la découvrent un jour —<br />

éga<br />

raient jusque dans le mirage des illusions dangereuses certains<br />

commerçants comme certains colons. De brusques réveils, une<br />

insurrection des tribus du Sud en 1864, des sécheresses persis<br />

tantes, la famine, des cataclysmes d'ordre divers faisaient<br />

traverser à la colonie de mauvaises passes. De nombreux sinistres<br />

commerciaux marquèrent en particulier l'exercice 1863-1864. La<br />

Banque de l'Algérie en ressentit le contre-coup ; elle le supporta<br />

sans trop de difficultés, mais saisit l'occasion pour donner « un<br />

avertissement qui, disait-elle,<br />

pourra modérer l'ardeur des mai<br />

sons dont l'insuccès semble avoir eu pour cause un capital<br />

insuffisant et un aveugle optimisme ».<br />

L'agriculture algérienne,<br />

en particulier l'agriculture indi<br />

gène, traversait alors une période particulièrement pénible.<br />

L'année 1867, notamment, fut néfaste ; les récoltes avaient été<br />

déficitaires et, quand vint l'hiver, la famine sévit. Elle fit<br />

périr, dit-on, de 200 à 300.000 individus. La Chambre de Com<br />

merce de Constantine disait à ce propos, dans un rapport datant


— — 135<br />

du mois de février 1868 : « La crise menaça d'anéantir les pro<br />

grès obtenus au prix de tant de labeur par la colonisation depuis<br />

trente ans... La récolte (dans la province)<br />

plus de 5 millions de quintaux métriques,<br />

aurait dû s'élever à<br />

en prenant pour base<br />

la récolte précédente, année mauvaise, éprouvée par la sécheresse<br />

et le passage des sauterelles. La récolte n'a pas atteint cette<br />

année les deux huitièmes. C'est un déficit de 3.800.000 quintaux<br />

enlevés à la production, sinon à la consommation de la province.<br />

L'impuissance absolue des indigènes pour lutter contre le mal<br />

qui les étreint ne doit-elle pas être attribuée à leur organisation<br />

sociale, à l'état actuel de leur propriété, à leur ignorance, à leur<br />

apathie et un peu, il faut bien le dire, à l'incurie de la majorité<br />

de leurs chefs ? N'est-il pas incontestable, de l'aveu même de<br />

tous nos administrateurs, que le territoire occupé par les Euro<br />

péens, bien que soumis aux mêmes influences climatériques, a<br />

été épargné par la famine ? Là, les indigènes les plus malheureux<br />

ont trouvé du travail et du secours ;<br />

ceux dont la prévoyance<br />

avait été puissamment stimulée par l'exemple que donnent nos<br />

colons ont pu ne devoir qu'à leur seule initiative le moyen<br />

d'échapper à la profonde misère qui décime leurs coreligion<br />

naires ; d'autres, plus éprouvés, mais propriétaires du sol, se<br />

sont procurés sans difficulté et à des conditions avantageuses<br />

des prêts en nature ou en argent. A Constantine seulement,<br />

les prêts de ce genre consentis par une association locale, au taux<br />

minimum de 6 %,<br />

ont dépassé le chiffre de 100.000 francs. »<br />

Les crédits ainsi consentis étaient assurément importants, mais<br />

ils n'étaient pas méthodiquement accordés. Ce qui manquait aux<br />

indigènes c'était principalement le secours de sociétés de pré<br />

voyance et, d'une façon générale,<br />

mêmes,<br />

aux colons comme à eux-<br />

c'était une organisation saine de crédit agricole : « Le<br />

crédit agricole n'existe pas, disait la Chambre de Commerce de<br />

Constantine, il faut le créer et, plus tard, lui faire subir les<br />

modifications appropriées aux circonstances. La Banque de<br />

l'Algérie, limitée par ses statuts et ses capitaux,<br />

ne peut pas<br />

venir en aide à l'agriculture qui a besoin de prêts à long terme. »<br />

La province d'Oran et celle d'Alger furent encore plus dure<br />

ment éprouvées (1) : des tremblements de terre, la sécheresse, le<br />

(1) A cette époque, le général Liébert créa dans la subdivision de Milia<br />

na une Société indigène de crédit et de secours. (Voir chapitre XII).


—<br />

— 136<br />

choléra firent de terribles ravages ; les mêmes inquiétudes<br />

s'y manifestaient, les mêmes plaintes s'y faisaient entendre ; les<br />

mêmes idées d'organisation du crédit agricole se développaient.<br />

Une brochure de M. Marcel Lucet (1)<br />

sur ce projet produisait<br />

une grande sensation en Algérie. Elle était publiée à un moment<br />

où l'on pouvait enregistrer des tentatives d'organisation de<br />

caisses spécialement agricoles (2) , ou de caisses de crédit mutuel,<br />

précurseurs des caisses de crédit agricole actuelles (Sociétés de<br />

crédit mutuel fondées en 1868 à Alger, Boufarik, Bou-Ismaël,<br />

Coléa) (3).<br />

Mais aucune organisation générale du crédit agricole ne se<br />

réalisait alors,<br />

gues années,<br />

malgré l'intérêt qu'elle présentait depuis de lon<br />

malgré le caractère si tragique d'actualité que lui<br />

donnait la crise de 1868. Il est toutefois intéressant de constater<br />

qu'à cette date les colons ont songé à la coopération. Ce n'était<br />

pas la première fois, d'ailleurs,<br />

que cette idée se faisait jour<br />

parmi eux. Dès 1859 (4), avait paru à Alger une brochure<br />

institulée : « Greniers d'abondance —<br />

Banques<br />

agricoles com<br />

munales » et adressée au prince Jérôme Napoléon, ministre de<br />

l'Algérie, par J. Tron, propriétaire, cultivateur aux Quatre-<br />

Fermes, près Blidah, et qui préconisait la création d'un grenier<br />

d'abondance, celle d'une compagnie d'assurances contre l'incendie<br />

(1) Le projet de M. Lucet, alors président du Comice agricole de Cons<br />

tantine, consistait dans la constitution de crédits mutuels locaux dont les<br />

opérations auraient été garanties par hypothèques. Il déclarait que la<br />

terre algérienne était alors à peu près vierge d'hypothèques.<br />

(2) Projet d'une société de crédit agricole de la province d'Alger (en<br />

novembre 1866) pour les prêts de semence aux cultivateurs indigènes<br />

et européens.<br />

(3) Akhbar, 1" mars et 18 août 1868. Dès 1864, ce journal avait ouvert<br />

une campagne en faveur de la création d'un comptoir d'escompte agricole.<br />

Le journal cite le marché de Boufarik du 9 mai 1864 où abondaient,<br />

dit-il, les animaux de toutes sortes, mais où les transactions furent nulles<br />

faute d'argent. Il relate le fait d'un colon payant 8.000 francs de loyer,<br />

ayant une récolte pendante de plus de 30.000 francs, qui n'a pu trouver<br />

1.000 francs à emprunter sur sa seule signature.<br />

(4)<br />

A la même date, avait paru un projet de « banque mobilière agri<br />

cole de l'Algérie » présenté par M. A. Jaubert, membre du Conseil général<br />

d'Alger. L'auteur, qui envisageait la création d'une banque agricole pour<br />

l'escompte d'effets créés par les agriculteurs, dotait cette institution de<br />

la faculté d'émission de billets de banque. U parle « d'escompter les effets<br />

souscrits ou négociés au profit des sociétés particulières de crédit agricole<br />

qui pourront se former en Algérie ».


— - 137<br />

et la mortalité du bétail, celle enfin d'une banque agricole com<br />

munale ou cantonale. Cette banque, dans la pensée de l'auteur,<br />

aurait tiré ses ressources de la vente des récoltes entreposées<br />

dans le grenier d'abondance et du paiement des primes d'as<br />

surances. C'eût donc été une banque mutuelle alimentée,<br />

sous des<br />

formes diverses, par la contribution des colons. Beaucoup de<br />

généreuses illusions animaient l'auteur dont la foi était quelque<br />

peu teintée des idées socialistes de 1848. « L'Etat, dit-il, n'aura<br />

pas besoin de sortir deux milliards de ses caisses,<br />

comme tous<br />

les agronomes le disent, pour fonder des banques agricoles,<br />

l'Etat n'a besoin que d'encourager, d'organiser, de protéger<br />

l'agriculture qui nourrit tout le monde. » Nous ne retenons de<br />

cette brochure que l'idée de la mutualité agricole qui s'y trouve<br />

exprimée inconsciemment et que reprirent, après la crise de 1868,<br />

les colons de la région d'Alger.<br />

Quoi qu'il en soit, l'Algérie poursuivait un développement déjà le déve,<br />

des plus intéressants ; la vie économique s'organisait, le nombre<br />

fifri<br />

des officines d'usure diminuait (1), d'importants établissements etle cré<br />

bancaires s'installaient peu à peu, les règlements s'effectuaient<br />

d'une manière plus simple et plus sûre, les instruments de crédit<br />

circulaient plus facilement, l'usage des chèques s'introduisait et,<br />

dès 1864, il était assez vulgarisé pour que les censeurs de la<br />

Banque,<br />

signalant l'habitude prise par le public des dépôts en<br />

banque, fissent remarquer que l'emploi du chèque permettait de<br />

réduire la circulation des billets.<br />

(1) En 1848 les « négociants-banquiers » étaient fort nombreux et leurs<br />

bénéfices devaient être, en général, importants en raison des taux souvent<br />

usuraires que pratiquaient certains d'entre eux. On en comptait dix-huit,<br />

dont quelques-uns d'ailleurs parfaitement honorables : MM. Ayrolles,<br />

A. Boissière, Brun fils et Cie, Veuve Cabanillas, G. Citati, Cougot, Gimbert<br />

et Cie, Gugenheim et Cie, Julienne, Laisne, Lichtlin et Cie, J. Mekalski,<br />

Ménager, Philip aîné, L. Pihan, J. Roure, A. Tuon, Villiers.<br />

Sur ces dix-huit banquiers, neuf disparurent à la création du Comptoir<br />

d'escompte (1848) et de la Banque de l'Algérie (1851). En 1863, il n'en<br />

restait que quatre, plus deux nouveaux : MM. Gugenheim, Julienne, Le-<br />

coq et Cie, J. Roure, Franqueville, Rey et Cie.<br />

On est en droit de conclure du rapprochement de ces chiffres que la<br />

création du Comptoir d'escompte et celle de la Banque de l'Algérie avaient<br />

mis fin à bien des pratiques usuraires, ce qui avait entraîné la fermeture<br />

des maisons qui ne vivaient que d'elles.


- 138<br />

—<br />

De grands travaux étaient entrepris dans la colonie ; le réseau<br />

routier était développé ; les lignes de chemin de fer s'établis<br />

saient (1) activant la vie économique du pays, donnant au<br />

commerce un essor nouveau et créant des besoins auxquels<br />

devaient satisfaire la Banque de l'Algérie, les établissements<br />

bancaires existants et même de nouveaux capitaux sollicités de<br />

venir s'investir en Algérie. M. L. Paysant résumait ainsi dans<br />

YAkhbar du 8 juin 1869 la conclusion de ses études sur l'Algérie<br />

et le crédit :<br />

« 1° Le crédit est aussi solidement assuré et peut trouver ici<br />

peut-être de plus grandes garanties que dans d'autres pays ;<br />

« 2° Quoique moins exposé, le capital est, dans toute spécu<br />

lation ayant pour mobile la culture, les grands travaux, les<br />

entreprises, plus productif que partout ailleurs ;<br />

« 3° Ce même capital, moins craintif,<br />

travail,<br />

jours intimement liés l'un à l'autre. »<br />

attirera forcément le<br />

car ces deux grands agents de la production sont tou<br />

Résumant cette période de l'histoire bancaire dans un rapport<br />

présenté à l'assemblée générale des actionnaires, en 1901, à<br />

l'occasion du cinquantenaire de la Banque, le directeur de celle-ci,<br />

M. Lafon, s'exprimait ainsi,<br />

non sans une juste fierté : « Les<br />

calamités de divers ordres qui frappèrent le pays ne purent,<br />

au cours de ces vingt premières années, décourager l'assistance<br />

de la Banque, ébranler sa foi dans les destinées économiques du<br />

pays. Au milieu des désastoes financiers provoqués par l'insur<br />

rection des tribus du Sud,<br />

alors que le choléra décimait les<br />

populations, que les tremblements de terre ruinaient les cités,<br />

que la sécheresse stérilisait le sol, que la disette désolait l'agri-<br />

(1) Dès 1844, l'établissement des chemins de fer en Algérie avait fait<br />

l'objet d'études et de propositions (projet de Redon concernant une voie<br />

ferrée entre Alger et Blida, projet Lacroix appuyé par un groupe anglo-<br />

allemand, concernant une ligne Stora-Constantine). De nouveaux projets<br />

furent présentés en 1854 ; puis en 1860, la Compagnie des chemins de<br />

fer algériens fut constituée avec le concours du Crédit Industriel et Com<br />

mercial, des Dock3 de Marseille et de capitaux anglais ; mais ceux-ci ne<br />

montrèrent que peu d'empressement et la souscription ouverte à Londres<br />

ne réussit pas ; la Compagnie des chemins de fer P.-L.-M. se substitua,<br />

en 1863, à la Compagnie des chemins de fer algériens. (Cf. M.-A. Ber<br />

nard : Les Chemins de fer algériens Alger, Jourdan, 1913.)


•- 130<br />

—<br />

culture et paralysait le commerce, la Banque, non seulement<br />

maintint, mais encore développa son concours large et bienveil<br />

lant. Elevant la conception de son rôle à la hauteur d'un devoir<br />

public,<br />

elle demeura inébranlable devant l'affolement des capi<br />

taux et lutta, pour le crédit de la colonie, en affirmant sa con<br />

fiance. Le chiffre de ses escomptes s'accrut sans discontinuité,<br />

passant de 78.300.000 francs en 1865 à 156 millions en 1871.<br />

Ces succès ne sauraient être attribués seulement à la puissance<br />

des ressources d'un pays qui venait à peine de naître à la vie<br />

économique. Nous devons les considérer comme dus essentielle<br />

ment à la force du levier qui a mis ces derniers en mouvement<br />

et à l'habile direction qui en a su régler l'emploi utile....»<br />

* *<br />

Les services d'ordre général rendus au commerce par la Ban<br />

que pendant cette période étaient réels et consistaient en pre<br />

mier heu dans le maintien d'un taux d'escompte aussi modéré P/<br />

et aussi stable qu'on pouvait le souhaiter à pareille époque. Ce ba<br />

taux fut presque constamment de 6 % ,<br />

DE L'ALC<br />

DE 1851 A<br />

sauf exception, et c'était<br />

là un fait de la plus haute importance dans un pays où l'usure,<br />

qui avait régné en maîtresse à Alger même,<br />

s'étendait encore<br />

sur une grande partie du territoire. Pendant le même temps,<br />

malgré la grande prospérité dont jouissait la Métropole, l'es<br />

compte de la Banque de France avait subi diverses variations (1)<br />

dont les plus importantes s'étaient produites en 1857, sans que<br />

la Banque de l'Algérie élevât d'autant son propre taux. Cette<br />

stabilité et cette modération du taux avaient pour résultat<br />

indirect de faciliter les crédits individuels que les vendeurs<br />

accordaient aux acheteurs et qui constituaient peu à peu une<br />

masse flottante de crédit, impossible à évaluer, mais dont l'action<br />

était certaine.<br />

La Banque rendait encore au commerce un très grand service<br />

(1) C'est à cette époque que la Banque de France fut autorisée (loi<br />

du 9 juin 1857) à élever le taux de ses escomptes au-dessus de 6 % et ce<br />

taux atteignit alors plusieurs fois 8 et 9 %. Il fut même un moment fixé<br />

à 10 % pour le papier à 90 jours.<br />

SER<br />

RE


CRITIQUES<br />

ADRESSÉES<br />

A LA BANQUE<br />

DE L'ALGÉRIE.<br />

- 140<br />

—<br />

en contribuant à son éducation financière,<br />

en lui inculquant<br />

peu à peu de saines habitudes. Si, dès le début, le Conseil dut<br />

prononcer d'assez nombreux rejets d'effets et écarter des<br />

escomptes un certain nombre de personnes,<br />

c'est que la Banque<br />

devait, tout en secondant les efforts du commerce, que vivifiait<br />

une politique douanière nouvelle,<br />

acclimater d'une manière défi<br />

nitive des principes de régularité dans les paiements et réserver<br />

autant que possible ses services aux seuls clients pleinement<br />

imbus de ces principes essentiels.<br />

La Banque obtint à cet égard de très heureux résultats ; et,<br />

dès les premiers exercices, elle eut un portefeuille très sain, ne<br />

comportant aucune valeur en souffrance ;<br />

dire,<br />

pour le plus grand éloge du commerce d'Alger :<br />

« Votre attention se fixera, sans aucun doute,<br />

son directeur pouvait<br />

sur ce fait<br />

remarquable, qui témoigne notamment de la scrupuleuse exac<br />

titude du commerce à remplir ses engagements. En comparant<br />

ce résultat si satisfaisant à ce qui se passait, il y a si peu de<br />

temps encore, sur la place d'Alger, et à ce qui se passe aujour<br />

d'hui encore sur les places du littoral et de l'intérieur, il vous<br />

sera facile de mesurer toute l'étendue du progrès que l'institu<br />

tion de la Banque a réalisé sous ce rapport. »<br />

Enfin, en évitant de prendre des mesures restrictives, elle<br />

épargnait au commerce le contre-coup de ces crises violentes<br />

que la nature a plus d'une fois déchaînées sur l'Algérie. En 1867,<br />

à l'époque de la terrible famine, M. Villiers, alors directeur,<br />

pouvait dire aux actionnaires : « Confiants à juste titre dans<br />

l'énergie et l'honnêteté du commerce dans toutes ses branches,<br />

nous n'avons appliqué aucune mesure restrictive à nos octrois<br />

de crédit. »<br />

*<br />

* *<br />

Et pourtant les services rendus par la Banque n'étaient pas<br />

universellement reconnus ; en particulier, pendant les premières<br />

années de son existence, alors qu'elle ne disposait que de moyens<br />

réellement insuffisants, on se demanda, dans les milieux inté<br />

ressés, quelles mesures il convenait de prendre pour obtenir de<br />

meilleurs résultats.<br />

Si quelques-uns envisageaient le renforcement de son mono-


LES MONNAIES FRANÇAISES SOUS LE SECOND EMPIRE<br />

^£$00^<br />

PIÈCES<br />

NON LAURÉES<br />

PIÈCES LAURÉES<br />

OR<br />

f * „ AU1EK .<br />

*<br />

3


— - 141<br />

pôle, d'autres, au contraire, pensaient qu'il valait mieux qu'elle<br />

cédât la place à la Banque de France. Une pétition fut signée<br />

en ce sens et adressée au ministre des Finances ; la Chambre<br />

de Commerce d'Alger prit, le 27 juillet 1858, une délibération<br />

analogue (1). La Chambre paraît avoir été surtout inspirée<br />

par le désir de trouver une formule permettant de faire dispa<br />

raître tout change entre la France et l'Algérie, ainsi que par<br />

le raisonnement suivant : « Le capital de la Banque de l'Algérie<br />

ayant été, en très grande partie, souscrit par des Algériens, en<br />

remplaçant cet établissement par la Banque de France, on libé<br />

rerait des capitaux algériens qui seraient restitués aux divers<br />

canaux de la production coloniale. On développerait également<br />

l'industrie des banques privées entravée par la Banque de<br />

l'Algérie qui escompte le papier à deux signatures. »<br />

Au contraire, la Chambre de Commerce de Constantine décla<br />

rait, le 4 septembre 1858,<br />

la Banque de France à la Banque de l'Algérie « considérant que<br />

qu'elle s'opposait à la substitution de<br />

celle-ci a rendu et rend encore de grands services partout où<br />

elle fonctionne ». « Son administration, disait-elle,<br />

met à l'abri<br />

de toute crainte d'une dispensation parcimonieuse du crédit. »<br />

Elle concluait donc en demandant le maintien de la Banque de<br />

l'Algérie « dont les bienfaits sont peut-être, constatait-elle, les<br />

plus remarquables ici. »<br />

Les adversaires de la Banque prétendaient que si elle avait<br />

prospéré, c'était le fait de l'accroissement de la culture, du com<br />

merce et de la population de l'Algérie : « Au lieu d'être la cause,<br />

elle a ressenti les effets. » Le crédit direct est inexistant,<br />

disait-on ; la Banque de l'Algérie ne prend que du papier à deux<br />

signatures « parce que ses statuts lui interdisent le crédit<br />

direct », et les autres banques agissent comme elle parce qu'elles<br />

(1) L'adresse de la Chambre de Commerce d'Alger au prince Napoléon<br />

le 27 juillet 1858, contenait cette réflexion : « L'Algérie, dotée d'une suc<br />

cursale de la Banaue de France, entre de plain-pied au point de vue<br />

cambiste dans le concert européen. Les banquiers de France accepteront<br />

le papier d'Alger, d'Oran et de Constantine aux mêmes conditions que<br />

ceux de Lyon, Marseille, Le Havre. C'est la francisation de nos valeurs<br />

commerciales. » Dans une brochure publiée en 1860 à Paris par M. Emile<br />

Robert on retrouve les mêmes idées : « Quand la Banque de l'Algérie<br />

sera devenue une annexe de la Banque de France, le commerce de la<br />

colonie franchira le cercle étroit où fe circonscrit précisément le cercle<br />

des deux signatures. »


TION<br />

VLGÉRIE<br />

NQUE<br />

iLGÉRIE<br />

70.<br />

— 14Z —<br />

n'ont pas de fonds. Le taux des escomptes est trop élevé : il est<br />

bien de 6 % à la Banque de l'Algérie, mais il passe à 8 et 12 %<br />

dans les établissements de banque et de 18 à 24 chez les ban<br />

quiers privés (1). On en concluait qu'il fallait, pour donner plus<br />

i'aisance au pays, faire venir la Banque de France, sans modifier<br />

sc« statuts, de façon qu'elle fût la banque des banquiers, —<br />

ce<br />

qui eût été sans doute favorable à ceux-ci, peut-être plus qu'au<br />

commerce lui-même. —<br />

rie devînt banque agricole, etc...<br />

On demandait que la Banque de l'Algé<br />

*<br />

* *<br />

Mais ces critiques demeurèrent sans suite et s'atténuèrent au<br />

fur et à mesure que la Banque, devenant plus forte,<br />

montrer plus active.<br />

put se<br />

Chacun devait se rendre compte, à la veille de la guerre<br />

de 1870, que la situation monétaire et bancaire en Algérie était<br />

transformée et l'on rendait justice à la Banque,<br />

qui avait puis<br />

samment contribué à régulariser peu à peu et à modérer cons<br />

tamment le taux du loyer de l'argent, qui avait introduit des<br />

habitudes de régularité dans les règlements commerciaux dont<br />

profitait le bon renom du commerce algérien, qui, enfin, avait<br />

donné à la colonie d'une manière continue et toujours plus large<br />

l'appui du crédit qu'elle était en mesure d'assurer.<br />

Organisée administrativement sur le modèle de la Banque de<br />

France, s'inspirant des sages principes qui faisaient la force de<br />

celle-ci,<br />

elle avait en même temps évité l'écueil des immobili<br />

sations, vers lesquelles une banque d'émission, appelée à venir<br />

en aide aux éléments actifs d'une jeune colonie,<br />

est exposée à<br />

se laisser entraîner. Les tentations ne lui avaient pas manqué<br />

de ce côté, mais elle avait résisté aux tendances de ceux qui,<br />

(1) En 1858, en dehors des banquiers particuliers, il existait trois éta<br />

blissements financiers en Algérie : la Caisse du Commerce Algérien (E.<br />

Robert et Cie), au capital de 1.200.000 fr., fondée peu après la création<br />

de la Banque de l'Algérie et pour « prendre » la place laissée vacante<br />

par le Comptoir national d'escompte. Le Comptoir Algérien de circulation<br />

(A. Rey et Cie), créé en 1854, en vue des besoins du petit commerce, au<br />

capital de 500.000 francs. La Caisse d'escompte et de recouvrement (Le-<br />

coq et Cie), fondée le 1" janvier 1858, au capital de 500.000 francs. Plus<br />

tard se fonda le Comptoir Commercial d'Alger (Ouvrier fils), banque<br />

d'escompte et de recouvrements.


— — 143<br />

dans son Conseil même, se fussent laissés aller à accueillir<br />

des effets reposant essentiellement sur des garanties hypothé<br />

caires et représentant des immobilisations.<br />

Son crédit s'était affermi ; ses moyens d'action s'étaient<br />

étendus. Son capital était porté à 10 millions, par des versements<br />

effectifs de 5.900.881 francs, sur lesquels 990.881 francs, repré<br />

sentant la prime d'émission, étaient versés aux réserves qui<br />

s'élevaient à 2.841.766 francs. Sa circulation atteignait 13 mil<br />

lions 344.000 francs.<br />

Elle était donc prête à faire face à la tâche que pouvait lui<br />

imposer une Algérie transformée,<br />

la colonisation, à travers mille péripéties,<br />

sur le territoire de laquelle<br />

avait déjà accompli<br />

une œuvre remarquable et où la population s'était accrue (1).<br />

De 1851 à 1870, la population française avait passé de 65.497<br />

à 129.998 et la population étrangère de 65.233 à 115.516 ; plus<br />

de 230 centres, villes ou villages avaient été occupés,<br />

créés ou<br />

agrandis ; la mise en valeur du sol était à la veille d'entrer<br />

dans une phase active.<br />

Pendant le même temps, le crédit foncier commençait à échap<br />

per à la seule action des prêteurs individuels ; de grandes<br />

sociétés s'étaient fondées et les banques métropolitaines com<br />

mençaient à s'intéresser à la colonie.<br />

D'autre part, l'usure était heureusement combattue à Alger<br />

même par la création d'un mont-de-piété fondé « pour ruiner<br />

l'industrie des prêteurs sur gages » et la Justice dont l'autorité<br />

s'étendant, s'efforçait de la saisir chaque fois qu'elle se mani<br />

festait sous des formes tombant sous le coup de la loi.<br />

L'épargne était encouragée par l'institution à la même époque ■><br />

à Alger, d'une caisse départementale qui était appelée égale<br />

ment à rendre les plus signalés services.<br />

La richesse de l'Algérie peut, à cette date,<br />

se résumer en un<br />

chiffre qui témoigne des résultats obtenus dès cette époque par<br />

le travail des colons, l'industrie des habitants et, il ne faut pas<br />

le négliger, le concours du crédit : c'est celui du mouvement du<br />

commerce extérieur.<br />

(1) La population indigène, si durement éprouvée par le choléra de 1867<br />

et la famine de 1868, le typhus et la petite vérole en 1869, était en<br />

diminution en 1872 de 16.000 unités.


— - 144<br />

Tandis qu'en 1851 les exportations atteignaient 19.792.791<br />

francs et les importations 64.278.112 francs, soit un total de<br />

84.070.903, les chiffres relevés en 1870 étaient respectivement de<br />

124.456.249 francs et 172.690.713 francs, soit un total de<br />

297.146.962 francs.<br />

En raison des cataclysmes qui avaient marqué les dernières<br />

années de cette période, la population générale de l'Algérie ne<br />

s'était accrue que de 5 % ; c'est donc pour une population totale<br />

sensiblement la même, mais comprenant environ 10 % d'Euro<br />

péens au lieu de 5 %,<br />

que le commerce extérieur de l'Algérie<br />

avait augmenté au cours de ces vingt années, de 253 %.


CHAPITRE V<br />

LA BANQUE DE L'ALGÉRIE ET LE CRÉDIT<br />

de 1871 à 1905<br />

La Guerre de 1870-71. Insuffisance des moyens ij'action de la<br />

Banque de l'Algérie après la guerre. Ouverture du compte courant<br />

du Trésor sous la forme actuelle. La Banque de l'Algérie a la veille<br />

du renouvellement de son privilège. Le renouvellememt du privilège<br />

en 1880. La création du vignoble algérien et le crédit. Les Comptoirs<br />

d'Escompte. Le Crédit Agricole. La crise viticole. Critiques adressées<br />

a la Banque de l'Algérie. Sa défense par M. Nelson-Chiérico. Des<br />

mesures énergiques sont prises pour rétablir la situation compromise<br />

de la Banque. Ajournement du renouvellement du privilège de la Ban<br />

que en 1897 et en 1899. Rétablissement de la situation de la Banque.<br />

Renouvellement du privilège en 1900. Le crédit agricole de 1890 a<br />

1905. La Banque de l'Algérie de 1900 a 1905. Son privilège est étendu<br />

a la Régence de Tunis. Rôle du crédit de 1871 a 1905.


La déclaration de guerre de 1870 surprit l'Algérie dans la guerre<br />

l'abondance d'une belle récolte. Elle n'eut pas de répercussion<br />

immédiate sur les transactions qui poursuivirent leur cours<br />

normal ; seuls les escomptes marquèrent une ampleur exception<br />

nelle et la Banque put redouter que son encaisse devînt insuf<br />

fisante. Elle ne voulut pas prendre de mesures restrictives : « U<br />

faut, disait-elle le 2 août 1870, raffermir à l'heure actuelle les<br />

bases sur lesquelles repose le crédit de la colonie ; les paiements<br />

s'effectuent avec une régularité parfaite, les affaires sont pros<br />

pères et présentent toute sécurité. » Bientôt cet optimisme et<br />

cette sécurité furent emportés par le contre-coup des événements<br />

malheureux qui se précipitaient en France. Le 8 août une pani<br />

que se fit sentir à Alger. Elle eut pour effet de provoquer, dans<br />

les banques et en particulier à la Banque de l'Algérie, un certain<br />

nombre de retraits de dépôts, en même temps que des présen<br />

tations de billets de banque en vue de leur remboursement en<br />

espèces. Cette panique toutefois parut devoir se calmer un peu<br />

le lendemain, et la Banque, grâce à d'opportunes importations<br />

de numéraire, put faire face aux demandes de remboursement<br />

jusqu'au 12 août. A cette date intervint une loi qui proclama le<br />

cours légal et le cours forcé des billets de la Banque de France<br />

et de ceux de la Banque de l'Algérie, tout en limitant l'émission<br />

de ces derniers à 18 millions. Les effets de la panique se poursui<br />

virent et se manifestèrent tout naturellement par la disparition<br />

du numéraire, qui fut thésaurisé ; cette disparition causa rapide<br />

ment une gêne considérable dans les transactions. En présence<br />

d'un pareil fait constaté dans la Métropole, la loi du 12 août<br />

avait autorisé la Banque de France à émettre des coupures de<br />

25 francs ;. mais elle n'avait pas donné la même faculté à la<br />

Banque de l'Algérie ; ce ne fut que le 3 septembre que celle-ci<br />

obtint sur sa demande la même autorisation, avec celle de porter<br />

son émission jusqu'à la hmite de 21 millions. Toutefois, la cou<br />

pure de 25 francs était encore d'un montant trop élevé pour<br />

se substituer à toute la monnaie d'argent disparue et, quelque<br />

DE 187°-?i


— — 148<br />

temps après, le décret du 26 octobre 1870, élevant le chiffre<br />

des émissions à 34 millions, donna à la Banque la faculté d'émet<br />

tre des coupures de 10 francs (1).<br />

Le commerce algérien conservait malgré tout une certaine<br />

aisance et faisait face assez normalement à ses échéances, dont<br />

il ne réclamait pas en réalité la prorogation. Celle-ci avait été<br />

édictée en France par la loi du 13 août 1870. Etait-il nécessaire<br />

d'étendre cette mesure à l'Algérie ? Tous ne le pensaient pas,<br />

bien que les rapports si étroits entre le commerce de la métro<br />

pole et celui de la colonie dussent rendre très sensibles aux<br />

Algériens des reports d'échéances accordés en France. La Ban<br />

que de l'Algérie, en particulier, ne demanda pas cette mesure,<br />

dont quelques-uns des membres de son Conseil redoutaient les<br />

dangers pour la colonie. Elle chercha même à la faire écarter ;<br />

elle obtint seulement qu'elle fût différée et la prorogation des<br />

échéances ne fut édictée en Algérie que le 10 septembre. Cette<br />

mesure souleva dans la pratique diverses difficultés d'interpré<br />

tation que la Banque de l'Algérie s'efforça d'aplanir sans s'écar<br />

ter des règles que la prudence lui imposait, mais aussi sans nuire<br />

aux intérêts du commerce. Elle ne donna pas lieu à d'importants<br />

abus et n'affecta pas la bonne tenue de la place d'Alger, ni<br />

d'aucune autre dans la colonie.<br />

Les censeurs de la Banque purent dire à l'assemblée des action<br />

naires de 1871,<br />

par l'organe de M. Obitz : « Nous appellerons<br />

votre attention sur le résultat remarquable qu'a donné la liqui<br />

dation des effets prorogés ; malgré le dédale presque inextricable<br />

de différents décrets sur cette matière, pas une erreur, pas un<br />

conflit,<br />

pas une fausse interprétation ne se sont produits. Les<br />

résultats sont à l'honneur de notre commerce, de la direction<br />

qui, appréciant la situation avec intelligence, a su, par des mesu<br />

res bienveillantes et des atermoiements que méritait la bonne<br />

volonté des débiteurs de la Banque, appliquer des tempéraments<br />

féconds à la rigueur de nos statuts. »<br />

(1) Des mesures furent prises par la Banque de l'Algérie pour activer<br />

la fabrication de ces petites coupures, d'accord avec la Banque de France,<br />

dont l'imprimerie fut transportée de Paris à Clermont-Ferrand, ce qui<br />

ne manqua pas de compliquer singulièrement les difficultés toujours gran<br />

des d'une impression rapide de billets de banque. La Banque de France<br />

ne fut autorisée que postérieurement à émettre des coupures inférieures<br />

à 25 francs (coupures de 20 francs le 12 décembre 1870, coupures de<br />

10 et de 5 francs le 29 décembre 1871).


VUE DE LA PLACE DU GOUVERNEMENT A ALGER<br />

VERS 1870


— 149 —<br />

Le concours que la Banque de l'Algérie dut prêter à l'Etat,<br />

pendant la guerre de 1870-71, fut des plus efficaces. Il se<br />

manifesta de diverses façons et, en particulier, par des avances<br />

qui<br />

s'élevèrent à 12 millions (1). L'importance de ce chiffre<br />

doit être appréciée à la mesure des possibilités de la Banque,<br />

dont la circulation à cette époque ne dépassait guère 30 millions.<br />

Peu après la proclamation de la République, l'énervement était<br />

assez grand dans la population et l'on se demandait si la Banque,<br />

fondée en 1851 et dirigée par des hommes qui avaient affirmé<br />

leur fidélité à l'ancien régime, ne prendrait pas vis-à-vis du<br />

gouvernement nouveau une attitude réservée. C'était bien mécon<br />

naître la valeur morale de ces hommes qui savaient qu'au-dessus<br />

des gouvernements il y a la France, et qui se tenaient en dehors<br />

des luttes politiques, ne pensant qu'à remplir la mission qui leur<br />

était confiée. Cet état d'esprit d'une partie de l'opinion n'en<br />

existait pas moins,<br />

et c'est à lui sans doute qu'il faut attribuer<br />

un incident qui se produisit le 16 septembre 1870. Ce jour-là<br />

une démonstration faillit avoir lieu contre la Banque,<br />

sous pré<br />

texte qu'elle aurait refusé les traites des trésoriers-payeurs qui,<br />

comme nous l'avons vu, étaient fort utilisées par le commerce<br />

dans ses règlements. Le journal YAkhbar,<br />

qui n'était pas par<br />

ticulièrement favorable au directeur de la Banque, M. Villiers,<br />

relate ainsi l'événement : « A la nouvelle, tout à coup répandue<br />

dans la matinée d'hier,<br />

traites des trésoriers-payeurs,<br />

que la Banque de l'Algérie refusait les<br />

une agitation profonde s'est pro<br />

duite sur la place du Gouvernement. C'est là,<br />

l'ignore,<br />

personne ne<br />

qu'à certaines heures, se réunit le commerce de la ville.<br />

L'agitation tournait à l'émeute. On parlait d'assiéger la Banque,<br />

de l'enlever d'assaut ; il ne tint qu'à un fil que ce projet ne<br />

fût mis à exécution. Il paraît que maintenant tout est arrangé. »<br />

Malgré ces incidents, la Banque de l'Algérie maintint, pendant<br />

la guerre,<br />

au commerce algérien les diverses facilités qu'elle lui<br />

avait accordées en temps de paix et elle contribua à atténuer<br />

grandement pour l'Algérie les effets d'une crise redoutable qui,<br />

commencée par une guerre,<br />

devait se poursuivre par une insur<br />

rection ensanglantant une partie de la colonie.<br />

(1) Ces avances furent remboursées en 1872 en France.<br />

10


JSUFFI-<br />

ANCE<br />

ES MOYENS<br />

'ACTION<br />

E LA BANQUE<br />

E L'ALGËRIE<br />

PRÈS<br />

A GUERRE.<br />

— 150 —<br />

*<br />

* *<br />

Au lendemain de ces événements, la situation de la Banque<br />

de l'Algérie paraissait forte ;<br />

mais la nécessité d'étendre ses<br />

moyens d'action n'en devenait que plus évidente. Les besoins<br />

monétaires de l'Algérie ne cessaient de s'accroître ; les opéra<br />

tions militaires, l'abondance persistante des récoltes, l'augmen<br />

tation des exportations provoquée par une culture plus étendue<br />

en surface,<br />

mieux favorisée par des saisons heureuses, l'ap<br />

parition sur les marchés internationaux de nouveaux produits<br />

algériens (alfa, crin végétal, graines de lîn, minerais, bétail)<br />

étaient la cause d'un accroissement des besoins monétaires et<br />

de crédit. Or, la Banque demeurait à l'étroit dans les limites<br />

statutaires, trop rigides à l'égard de l'émission de ses billets. Les<br />

premières années qui suivirent la guerre de 1870-71 furent en<br />

partie consacrées à des discussions à ce sujet entre la colonie,<br />

le gouvernement et elle.<br />

La colonie, par l'organe du gouvernement général, par la<br />

presse ou par ses représentants dans le sein de l'Assemblée<br />

nationale,<br />

manifestait la hâte de voir la Banque devenir plus<br />

active, créer de nouvelles succursales, être plus accueillante<br />

envers les commerçants et les clients, plus large dans ses<br />

escomptes (1). Le Gouvernement et la Banque étaient très<br />

désireux de répondre aux vœux de la colonie, mais ils étaient<br />

aux prises avec les difficultés qu'ils avaient rencontrées avant<br />

la guerre pour éviter l'accumulation au compte du Trésor à Alger<br />

de sommes dont celui-ci n'avait pas l'emploi. La solution de<br />

cette question déjà vieille du change franco-algérien, était rendue<br />

plus malaisée par le régime même auquel était soumise l'émis-<br />

(1) Quelques voix discordantes se faisaient bien entendre. C'est ainsi,<br />

que, lors de la discussion de la loi du 26 mars 1872, portant la limite<br />

d'émission à 48 millions, M. Clapier, membre de l'Assemblée Nationale<br />

et de la Commission qui avait procédé à l'étude de la loi, reprocha à la<br />

Banque des imprudences qui se traduisaient, selon lui, par la mauvaise<br />

qualité de son portefeuille, des escomptes téméraires et des émissions<br />

désordonnées. Mais il ne pouvait appuyer ses dires sur aucun fait positif<br />

et reconnut lui-même qu'il n'avait pas eu à sa disposition tous les docu<br />

ments propres à l'éclairer. Il paraît surtout avoir considéré que le papier<br />

à deux signatures escompté par la Banque n'était pas toujours créé<br />

pour des opérations réelles, mais qu'il pouvait, si on développait l'es<br />

compte, ne constituer que du papier de complaisance ou de circulation.


— 151<br />

sion des billets. A défaut d'un changement de ce régime, il<br />

était nécessaire de soustraire autant que possible l'encaisse de<br />

la Banque de l'Algérie à l'influence directe et brusque du change.<br />

Il importait avant tout qu'un accord intervînt —<br />

que ceux de 1863 et de 1866 —<br />

Banque,<br />

plus<br />

complet<br />

entre le gouvernement et la<br />

pour introduire quelque régularité dans les mouvements<br />

d'espèces et de fonds entraînés par les besoins du Trésor et par<br />

ceux du commerce, éléments déterminants, mais non concor<br />

dants, de la balance des comptes entre l'Algérie et la Métropole.<br />

En 1874, le ministre des Finances proposait à la Banque, qui<br />

l'acceptait, de maintenir au compte du Trésor à Alger des<br />

sommes qui excédaient ses propres besoins, mais dont le rapa<br />

triement en France pouvait « se trouver en opposition avec les<br />

intérêts de la Banque de l'Algérie et du commerce de la colonie » ;<br />

il y mettait comme condition que toute somme en dépôt excédant<br />

4 millions fût productive, au profit du Trésor, d'un intérêt de<br />

1 % l'an. Le compte du Trésor n'était en réalité, depuis son<br />

ouverture en 1863, que l'ensemble des comptes des trésoriers-<br />

payeurs et c'est sous cette rubrique que ces comptes figuraient<br />

dans les écritures de la Banque, au même titre que les comptes<br />

courants des particuliers et des banques. La Banque avait, d'au<br />

tre part,<br />

accepté de supporter les frais d'envois de fonds effec<br />

tués par les trésoriers,<br />

et ces frais atteignaient parfois des<br />

sommes assez élevées pour qu'elle trouvât excessive la double<br />

charge que constituait pour elle le paiement de ces frais et celui<br />

de l'intérêt de 1 % imposé par b Trésor. Des négociations enga<br />

gées à ce sujet entre le Trésor et la Banque se poursuivirent,<br />

avec des fortunes diverses, jusqu'enJj578^année au cours de la<br />

quelle un principe nouveau fut posé,<br />

en vertu duquel un compte<br />

courant ouvert au Trésor lui-même se superposa aux comptes des<br />

trésoriers-payeurs. Ce régime fut définitivement consacré par<br />

une lettre de M. Léon Say, ministre des Finances, adressée à la<br />

Banque de l'Algérie le 13 janvier 1879 : « La Banque de l'Algérie<br />

reçoit en dépôt, au crédit d'un compte courant ouvert au Trésor<br />

à Alger, toutes les sommes qui lui sont versées, soit à Alger,<br />

même, soit dans ses succursales par les trésoriers-payeurs ou<br />

leurs préposés. Le solde de ce compte, qui doit toujours être cré<br />

diteur, est productif d'intérêt à raison de 1 % par an, jusqu'à<br />

OUVERTURE<br />

DU COMPTE<br />

DU TRESOR<br />

SOUS LA<br />

FORME<br />

ACTUELLE.


— 152 —<br />

concurrence d'un capital de 5 millions ;<br />

il n'est dû aucun inté<br />

rêt sur les sommes qui viendraient à dépasser ce chiffre... Le<br />

Trésor dispose des fonds qui lui appartiennent sur tous les<br />

points de l'Algérie où la Banque possède des succursales. Ces<br />

dispositions se font au moyen de mandats de virement délivrés<br />

à Paris par M. le caissier payeur central.<br />

« Les mandats de virement ne peuvent, en aucun cas, donner<br />

lieu à des paiements en numéraire : ils sont uniquement desti<br />

nés à alimenter les comptes spéciaux que la Banque ouvre aux<br />

trésoriers-payeurs ou aux payeurs des localités où elle possède<br />

des établissements. Ces comptes ne portent pas d'intérêt... La<br />

Banque supporte tous les frais de transport des fonds versés<br />

par les trésoriers-payeurs ou leurs préposés et provenant des<br />

excédents disponibles de ces comptables. »<br />

Telle est l'origine du compte courant du Trésor,<br />

v»<br />

qui joua<br />

depuis lors un rôle prédominant dans le règlement des comptes<br />

entre la métropole et la colonie (1).<br />

En fait, l'accord de 1878,<br />

que consacrait la lettre du 22 jan<br />

vier 1879, ne constituait encore qu'un palliatif. Il ne pouvait<br />

dépendre, en effet, d'un tel traité de modifier, en fin de compte,<br />

la balance économique et financière de l'Algérie.<br />

Le Trésor se trouvait substitué en quelque sorte au commerce<br />

et prenait à son compte, contre paiement en Algérie, la dette<br />

de la colonie à l'égard de la métropole. Il s'assurait en com<br />

pensation certains avantages de trésorerie et même d'intérêts<br />

sur une partie de cette dette, et c'était la Banque de l'Algérie<br />

qui, finalement, en supportait les frais. Mais,<br />

si cette dette ne<br />

se compensait pas assez vite et assez largement avec les créances<br />

de l'Algérie sur la France, le Trésor devait finir par trouver trop<br />

lourde l'immobilisation de fonds qu'il s'imposait ainsi à Alger.<br />

Aussi ne tarda-t-il pas à chercher un moyen d'obliger la Banque<br />

à tout mettre en œuvre pour s'assurer des disponibilités en<br />

France permettant d'éteindre sa dette vis-à-vis de lui. Il<br />

substitua bientôt au régime d'intérêt appliqué à son compte un<br />

système qui devait en être diamétralement l'opposé et, en 1881,<br />

(1) Voir chapitre EX. Voir également l'ouvrage de M. Douël, Inspecteur<br />

général des Finances sur l'histoire des Finances algériennes depuis 1830 :<br />

Un siècle de Finances coloniales (1830-1930). Paris, Champion 1930 (Col<br />

lection du Centenaire).


— — 158<br />

dès le 1er<br />

janvier, la Banque était amenée à consentir le paiement<br />

de l'intérêt de 1 % sur l'intégralité du solde, même si celui-ci<br />

dépassait 5 millions ; puis, bientôt, au courant de la même année,<br />

la nouvelle doctrine se précisa : les cinq premiers millions furent<br />

exonérés d'intérêt, mais, par contre, il était établi une échelle<br />

croissante d'intérêts s'élevant, par tranches, avec le montant du<br />

solde lui-même. C'est le régime actuellement encore en vigueur.<br />

Il tend à inciter et à contraindre automatiquement la Banque<br />

à relever le taux de l'escompte jusqu'au point nécessaire pour<br />

provoquer des mouvements de fonds inverses, lorsque la balance<br />

des comptes a créé au Trésor un solde créditeur jugé excessif.<br />

Quelles que fussent les imperfections de ce système, il rendit<br />

dès cette époque les plus grands services au commerce de la<br />

colonie et, d'autre part,<br />

en assurant plus d'élasticité à l'encaisse<br />

métallique de la Banque, il donna à celle-ci plus de souplesse pour<br />

l'émission de ses billets.<br />

Toutefois, la Banque n'était pas encore en situation de faire<br />

preuve, sans témérité, d'une activité répondant aux aspirations<br />

du pays qui devançaient parfois les possibilités du présent. Elle<br />

avait bien préparé l'avenir en décidant, dès 1874, la création<br />

d'une succursale à Tlemcen, puis en étudiant conjointement son<br />

établissement à Philippeville ou à Sétif, pour écarter finalement<br />

son privilège<br />

Sétif et fixer son choix sur Philippeville . (1) Mais<br />

devait expirer en 1881 ; elle avait devant elle la perspective<br />

de discussions dont elle ignorait le développement possible. Son<br />

existence même était en question ; le Conseil d'Etat consulté,<br />

à propos du renouvellement du privilège,<br />

se demandait en 1877<br />

s'il ne conviendrait pas de provoquer une fusion entre elle et<br />

la Banque de France. D'autre part, son capital, à l'importance<br />

duquel était lié le montant autorisé de son passif exigible, demeu<br />

rait trop faible pour lui permettre de prendre l'essor souhaité.<br />

Elle avait le désir de donner satisfaction à la colonie malgré<br />

ces difficultés et elle fit en ce sens de réels efforts. Elle ne réussit<br />

(1) La création des succursales de Tlemcen et de Philippeville fut<br />

décrétée le 22 avril 1875.<br />

LA BANQUE<br />

DE L'ALGÉRIE<br />

A LA VEILLE<br />

DU RENOUVEL<br />

LEMENT<br />

DE SON<br />

PRIVILÈGE.


- 154<br />

—<br />

pas toujours, dans ce rôle délicat, à recueillir l'approbation de<br />

l'opinion publique ; on lui reprocha tour à tour d'être trop<br />

restrictive ou trop imprudente ; en réalité,<br />

certains sinistres<br />

commerciaux ayant ébranlé, en 1875, les places de Constantine,<br />

d'Oran et d'Alger, révélèrent qu'elle avait parfois exagéré les<br />

crédits. Elle dut prendre des mesures de liquidation et d'apure<br />

ment de son portefeuille.<br />

En 1876, l'un de ses censeurs, M. Blasselle,<br />

s'en expliquait<br />

ainsi : « La question de savoir si la Banque se montre trop<br />

large ou trop parcimonieuse dans l'admission des bordereaux<br />

présentés à l'escompte a été diversement envisagée. Jusqu'en<br />

1874, à l'époque où les pertes de la Banque ne dépassaient pas un<br />

tiers de centime par 100 francs, on trouvait généralement qu'elle<br />

ne dispensait pas le crédit d'une manière assez large ;<br />

on pré<br />

tendait qu'elle travaillait exclusivement dans l'intérêt de ses<br />

actionnaires et qu'elle ne se prêtait pas à l'extension des tran<br />

sactions commerciales et à la prospérité du pays. Pourquoi ne<br />

le dirions-nous pas ? On trouvait, et nous trouvions nous-mêmes,<br />

que la Banque ne perdait pas assez, qu'elle escomptait à coup<br />

sûr, qu'elle ne remplissait pas le but pour lequel elle était insti<br />

tuée. Aujourd'hui, les choses ont bien changé et l'on paraît<br />

disposé à croire que les comités d'escompte n'ont pas toujours<br />

arrêté au passage les valeurs que la Banque n'aurait pas dû<br />

accepter et que des pertes relativement considérables auraient<br />

pu être évitées ci l'on avait apprécié la solidité des présentateurs<br />

avec un diagnostic plus intelligent. La vérité est que certai<br />

nes fiches étaient exagérées ; quelques négociants opéraient<br />

exclusivement sur le crédit, sans que la solidité de leur fortune<br />

justifiât suffisamment la confiance qui leur était accordée.<br />

L'attention de la Banque a été éveillée à temps ; la vérification<br />

minutieuse de leur situation a fait prendre des mesures qui,<br />

quelque sages qu'elles fussent, eurent pour effet d'amener des<br />

liquidations et de diminuer notablement les escomptes. »<br />

La Banque,<br />

après avoir peut-être exagéré un peu imprudem<br />

ment ses risques, était obligée de se replier, comme doit le faire<br />

en pareil cas un banquier d'escompte au moment même où<br />

elle se voyait, comme banque d'émission, contrainte de pren<br />

dre d'autres mesures restrictives. Il se produisait alors un


— — 155<br />

afflux exceptionnel de remises effectuées par les correspondants<br />

de France que la Banque n'avait pas le moyen de couvrir<br />

en compte, le papier sur la France faisant alors défaut en Algé<br />

rie. Pour enrayer ce mouvement et éviter d'être placée dans la<br />

nécessité de réduire son encaisse par l'envoi de numéraire dans<br />

la Métropole,<br />

elle frappa d'une commission spéciale le papier<br />

venant de France, mais cette mesure provoqua, de la part des<br />

chambres de commerce, des plaintes dont le gouvernement géné<br />

ral et le ministre des Finances se firent l'écho.<br />

Les pouvoirs publics étaient insensibles aux explications de<br />

la Banque et le général Chanzy, le 28 mars 1878, lui écrivait<br />

pour lui rappeler que les chambres de commerce se plaignaient,<br />

qu'il fallait écouter leur voix, et il n'hésitait pas à ajouter qu'on<br />

allait discuter le renouvellement du privilège et que c'était<br />

l'heure d'avoir l'opinion publique pour soi.<br />

Cette invitation à céder à l'opinion publique fut malheureuse<br />

ment trop bien accueillie par la Banque. Certes,<br />

un institut<br />

d'émission, à qui sont dévolues des fonctions d'ordre général,<br />

ne saurait demeurer insensible à la voix de l'opinion publique ;<br />

il doit l'entendre, étudier à fond les doléances, les desiderata,<br />

les suggestions dont elle se fait l'écho ; il n'est pas dit qu'il doive<br />

lui obéir. Si, à cette date, la Banque de l'Algérie avait analysé<br />

avec soin la question du crédit agricole,<br />

peut-être eût-elle moins<br />

laissé se développer des exigences et des espérances exagérées<br />

qu'elle a cru devoir satisfaire, pensant agir pour le bien du pays ;<br />

peut-être cette question aurait-elle été mieux étudiée alors par<br />

les pouvoirs publics;<br />

peut-être la discussion qui devait s'ouvrir<br />

plus tard au Parlement, lors du renouvellement du privilège, ne<br />

se serait-elle pas déroulée dans une certaine équivoque; peut-<br />

être n'aurait-on pas interprété l'engagement pris par la Banque<br />

de seconder la colonisation et l'agriculture dans la plus large<br />

mesure et l'encouragement qui lui fut donné à tenir cet enga<br />

gement,<br />

comme la preuve que les pouvoirs publics entendaient<br />

charger la Banque du crédit agricole. Or,<br />

non seulement une<br />

partie des intéressés purent, à la veille de ces discussions par<br />

lementaires,<br />

exposer à ce sujet des théories absolues sans ren<br />

contrer de contradicteurs,<br />

mais la Banque elle-même parut<br />

donner sou adhésion à ces théories par son silence et par ses


— - 156<br />

actes. On la vit alors multiplier ses correspondants sur tout le<br />

territoire et se mettre à la portée de tous les colons,<br />

plus éloignés des centres où elle était établie.<br />

Jusqu'à ce jour,<br />

même les<br />

on avait laissé en Algérie aux initiatives<br />

particulières, aux banquiers locaux, aux prêteurs sur hypo<br />

thèques, aux usuriers même, le soin d'assurer le crédit agricole.<br />

Aucune organisation rationnelle n'existait, nous l'avons vu ; tout<br />

au plus, peut-on retenir quelques essais de mutualité agricole (1)<br />

et soutenir que le crédit hypothécaire présentait quelque appa<br />

rence de réglementation par l'intervention des notaires dans la<br />

rédaction des actes de constitution d'hypothèques et par le<br />

régime de la conservation établi selon les règles du droit français.<br />

Mais, en réalité, jusqu'en 1877,<br />

aucune banque ne s'occupait<br />

spécialement de l'agriculture. La société de crédit agricole<br />

constituée à Paris, en 1861, grâce à une dotation de l'Etat, avec<br />

le concours du Crédit Foncier de France, et qui devait opérer<br />

dans les départements par des correspondants-banquiers ou par<br />

des sous-comptoirs agricoles, créés à l'imitation des sous-comp<br />

toirs d'escompte, n'avait pas eu le temps d'étendre ses opérations<br />

dans les départements algériens. Elle avait d'ailleurs été détour<br />

née de son but et, à la veille d'être mise en faillite,<br />

été, en 1876,<br />

elle avait<br />

absorbée par le Crédit Foncier de France. Celui-ci<br />

n'exerçait guère dans la colonie ses privilèges ; il avait paru<br />

éviter les immobilisations individuelles et avait surtout effectué<br />

des prêts aux communes et aux départements (2) .<br />

Seule la Compagnie Algérienne, qui avait succédé, en 1877,<br />

(1) Voir chapitre IV page 136 et suivantes. Diverses propositions furent<br />

faites à la même époque au Conseil Supérieur du gouvernement ; en 1872<br />

en vue d'obtenir une dotation de 9 millions pour permettre l'institution<br />

d'une caisse de crédit aux colons ; en 1873, concernant un projet présenté<br />

par M. Cohen pour l'organisation d'une caisse de crédit agricole par la<br />

Banque Franco-Austro-Hongroise. D'autres projets furent présentés envi<br />

sageant soit une caisse d'Etat devant effectuer des prêts aux colons (pro<br />

jet Leyman), soit la création d'une banque coloniale agricole émettant des<br />

obligations sur prêts fonciers (projet Depoisson). En 1879, M. Letellier<br />

présentait un vœu en faveur de l'institution d'un crédit foncier agricole<br />

spécial à l'Algérie. Enfin à la même date, des efforts intéressants étaient<br />

faits pour venir en aide aux agriculteurs indigènes par l'intermédiaire de<br />

sociétés spéciales de crédit et de secours (voir chapitre XII).<br />

(2) Depuis son installation en Algérie, le Crédit Foncier n'avait con<br />

senti jusqu'en 1870 à des particuliers que 5.835.000 francs de prêts hypo<br />

thécaires contre plus de 10 millions 1/2 de prêts aux communes.


LES PREMIÈRES MONNAIES DE LA TROISIÈME RÉPUBLIQUE<br />

OR<br />

ARGENT


— — 157<br />

à la Société Générale Algérienne,<br />

faire à la fois des opérations agricoles et des opérations finan<br />

avait pris pour programme de<br />

cières. Elle exploitait avec beaucoup de soin ses domaines qui<br />

devinrent importants ;<br />

elle donna aux agriculteurs des facilités<br />

d'escompte, créa des docks à Blida et à Sétif ; puis le Crédit<br />

Lyonnais établit, de son côté, des agences à Alger et à Oran en<br />

1878 et son installation, d'une manière générale, coïncida avec<br />

un abaissement du loyer de l'argent;<br />

mais l'action de ces deux<br />

banques était forcément limitée et, si elle secondait celle de la<br />

Banque de l'Algérie, elle n'atteignait guère plus qu'elle tous les<br />

colons ayant besoin de crédit. Presque tout demeurait donc à<br />

faire à ce sujet et, comme on sentait de toute part le besoin<br />

qu'un fort appui fût donné par le crédit à l'agriculture, les<br />

regards de tous se tournaient vers la Banque dont le privilège<br />

expirait. Celle-ci se laissait entraîner par ce mouvement général<br />

et les pouvoirs publics ne voyaient pas le danger.<br />

C'est dans ces conditions que la question du renouvellement<br />

du privilège de la Banque fut étudiée par le gouvernement et<br />

le Parlement.<br />

Les services rendus par la Banque furent pris en considéra<br />

tion et une proposition de M. Thomson concernant la fusion<br />

de la Banque de l'Algérie et de la Banque de France fut<br />

écartée. M. René Brice,<br />

rapporteur devant la Chambre des<br />

députés, fit remarquer que la Banque de l'Algérie pouvait<br />

se mettre, plus facilement que ne le ferait la Banque de<br />

France, à la portée des colons : « La Banque de l'Algérie a<br />

institué dans les localités secondaires et jusque dans les villages,<br />

des correspondants chargés de recouvrer, sous sa responsabilité,<br />

des effets de<br />

à l'escompte,<br />

commerce qui lui sont remis à l'encaissement ou<br />

tandis que des conducteurs de voitures lui rendent<br />

les mêmes services dans les fermes ou dans les petits hameaux<br />

isolés situés sur leurs parcours. Elle fait ainsi pour près de<br />

200<br />

dues<br />

millions d'affaires qui seraient forcément négligées et per<br />

pour la Banque de France au grand préjudice du pays. »<br />

A ceux qui reprochaient à la Banque de l'Algérie de ne pas<br />

LE RENOUVEL<br />

LEMENT<br />

DU PRIVILÈGE<br />

EN 1880.


LA CREATION<br />

DU VIGNOBLE<br />

A LGÊRIEN<br />

ET LE CRÉDIT.<br />

LES<br />

COMPTOIRS<br />

D'ESCOMPTE.<br />

— 158 —<br />

être assez accueillante aux colons, le rapporteur, après avoir<br />

établi que la moyenne de la valeur des effets escomptés par elle<br />

n'était que de 641 fr. 50 et que le nombre des présentateurs<br />

admis à l'escompte direct était élevé, puisqu'il atteignait 616 au<br />

seul siège d'Alger, ajoutait : « Le directeur de la Banque nous<br />

a donné l'assurance formelle que son Conseil d'administration<br />

et lui étaient d'accord pour s'efforcer de la rendre de plus en<br />

plus accessible au petit commerce aussi bien qu'aux colons. »<br />

Au Sénat, le rapporteur, M. Lucet, tenait le même langage.<br />

Enfin, le 5 avril 1880, le privilège fut renouvelé jusqu'au<br />

1er novembre 1897 ; il supprimait les dispositions de la loi du<br />

4 août 1851 limitant au triple du capital réalisé l'excédent du<br />

passif sur le numéraire en caisse. Aucun chiffre maximum<br />

n'était prévu pour le montant de la circulation des billets qui,<br />

cumulé avec celui des sommes dues par la Banque en compte<br />

courant ne pouvait excéder, comme l'avait stipulé la loi du<br />

4 août 1851, le triple du numéraire existant en caisse ; le cours<br />

forcé était supprimé, le cours légal maintenu. La Banque était<br />

autorisée à ouvrir des comptes même à des personnes non domi<br />

ciliées à Alger ou dans les villes, sièges de ses succursales.<br />

*<br />

* *<br />

Au moment où la Banque de l'Algérie recouvrait ainsi une<br />

plus grande liberté et obtenait, par le renouvellement de son<br />

privilège, une certaine sécurité d'avenir, de grandes transforma<br />

tions se poursuivaient en Algérie. Le vignoble français traversait<br />

une période très critique, le phylloxéra y faisait de grands<br />

ravages, provoquant la ruine et l'exode de beaucoup de viticul<br />

teurs. Un grand nombre de ceux-ci vinrent en Algérie, dont le<br />

sol leur paraissait assez riche pour leur permettre de reconstituer<br />

leur fortune perdue ; courageusement, audacieusement parfois,<br />

ils se mirent à l'ouvrage et plantèrent des vignes dans une terre<br />

encore indemne de phylloxéra. Tout faisait supposer que le vin<br />

produit en Algérie trouverait en France et dans le monde entier<br />

un large débouché, celui que laissait libre la disparition de tant<br />

de vignes françaises. Les colons, qui depuis longtemps consa<br />

craient leurs efforts à la culture parfois décevante des céréales,


— - 159<br />

suivirent l'exemple des nouveaux venus, et de très importants<br />

vignobles furent bientôt créés en Algérie, représentant un effort<br />

remarquable,<br />

rables.<br />

et donnant des espérances de richesses considé<br />

Cependant, au cours de la même période, en particulier en 1878,<br />

puis en 1881, année qui fut également marquée par une nouvelle<br />

insurrection et par une exceptionnelle sécheresse, des accidents<br />

d'escompte se produisirent, notamment à Oran,<br />

où la Banque<br />

dut prendre des mesures de sauvegarde destinées à arrêter les<br />

entreprises de certains spéculateurs, dangereuses pour le pays.<br />

Mais ces événements, qui conservaient un caractère exceptionnel,<br />

n'étaient pas de nature à détourner la Banque de la voie dans<br />

laquelle elle s'engageait.<br />

Pensant répondre aux vœux de la colonie,<br />

et pour étendre<br />

mieux son action sur tout le pays, sous l'impulsion de M. Che<br />

vallier, ancien trésorier général d'Alger,<br />

le 16 août 1875,<br />

qui la dirigeait depuis<br />

elle favorisa la création de nombreux comptoirs<br />

d'escompte qui devaient répandre le crédit, le mettre à la portée<br />

des intéressés et servir d'intermédiaires entre les colons et elle.<br />

En 1871, les habitants de Saint-Denis-du-Sig avaient constitué<br />

entre eux une société anonyme destinée à faire aux colons les<br />

avances nécessaires à l'exploitation de leurs propriétés. Le<br />

directeur de la Banque de l'Algérie à Oran avait aidé de ses<br />

conseils les initiateurs de cette idée. Ce fut le premier comptoir<br />

d'escompte. Il aida puissamment au développement de la région<br />

qui se transforma rapidement et connut une réelle prospérité.<br />

Il fut longtemps un des établissements les plus florissants de<br />

la colonie. Cet exemple inspira à laJBanque de l'Algérie l'idée<br />

de favoriser la création d'institutions similaires. Depuis 1877,<br />

vingt-quatre comptoirs d'escompte furent installés dans des<br />

régions agricoles où, jusqu'alors, le crédit avait complètement<br />

fait défaut et où se maintenaient des taux usuraires. De 1871<br />

à 1880, 7.000 hectares de vignes avaient été plantés ; de 1880<br />

à 1888, grâce à l'intervention des comptoirs,<br />

80.000 hectares.<br />

En 1881, M. Chevallier,<br />

on en compta<br />

constatant la progression des affaires<br />

de la Banque de l'Algérie, disait : « Si ce résultat doit être<br />

attribué pour une partie à l'exploitation toujours croissante des


— — 160<br />

produits de notre pays et à la découverte sans cesse nouvelle<br />

des richesses que renferme son territoire, il faut reconnaître que,<br />

par tous les moyens en son pouvoir, la Banque prête au commerce<br />

et à la colonisation le concours le plus utile et le plus libéral.<br />

« Nous ajouterons que, dans la tâche qui lui incombe, la Ban<br />

que est bien secondée par les différents comptoirs d'escompte<br />

qui se sont fondés depuis plusieurs années dans plusieurs<br />

localités secondaires : auxiliaires naturels de la Banque, ces<br />

établissements contribuent, dans une large mesure, au dévelop<br />

pement du crédit et à l'augmentation de la fortune publique. »<br />

La Banque prétendait ainsi résoudre, avec ce seul concours,<br />

le problème du crédit agricole. Seule, d'ailleurs,<br />

elle représentait<br />

alors une force bancaire réellement puissante. La Compagnie<br />

Algérienne était encore à ses débuts. Le Crédit Foncier de France<br />

qui, nous l'avons vu, n'avait donné qu'un très faible dévelop<br />

pement aux prêts hypothécaires individuels, avait renoncé à agir<br />

directement et s'entendait avec une société nouvelle au capital<br />

de 50 millions, le Crédit Foncier et Agricole d'Algérie, qui avait<br />

pour objet principal de favoriser, par des prêts hypothécaires<br />

ou autres, l'amélioration du sol, les défrichements et la cons<br />

truction de bâtiments urbains et ruraux. Cette société devait<br />

servir d'intermédiaire au Crédit Foncier de France pour les<br />

prêts hypothécaires. Constituée en 1880,<br />

elle ne commença ses<br />

opérations qu'en 1881 ; elle avait son siège à Alger, des succur<br />

sales et agences à Constantine, Oran, Bône, Bougie et Tlemcen<br />

et des correspondants dans diverses régions. Mais elle n'était<br />

pas encore fondée ou elle débutait à peine, quand la Banque de<br />

l'Algérie aborda le problème du crédit agricole. C'est un des<br />

plus délicats qui se puisse poser devant une banque d'émission<br />

parce qu'il se compose de données en apparence inconciliables :<br />

le caractère d'immobilisation à long terme que comportent les<br />

besoins agricoles et celui de la liquidité absolue que doit pré<br />

senter le portefeuille d'une banque dont le premier devoir est<br />

de veiller à la convertibilité des billets qu'elle émet. Nous ver<br />

rons plus loin comment il est résolu à l'heure actuelle, nous<br />

devons ici seulement exposer de quelle manière il fut traité<br />

par la Banque de l'Algérie vers 1880 et quelles furent les consé<br />

quences d'une tentative qu'elle a elle-même qualifiée de hardiesse<br />

économique.


— - 161<br />

Le succès des premières plantations de vignes lui donna dans<br />

l'avenir une confiance qui justifia à ses propres yeux cette<br />

audace (1).<br />

En 1882, M. Chevalher disait aux actionnaires : « Il ne nous<br />

appartient pas de vous signaler le développement que prend<br />

chaque année la culture de la vigne et moins encore de vous<br />

signaler les progrès accomplis, mais ce que nous pouvons dire,<br />

en toute certitude, c'est que, dans un avenir rapproché, l'expor<br />

tation de nos vins constituera pour le pays des ressources<br />

importantes qui modifieront notre balance, peut-être jusqu'à en<br />

établir l'équilibre. »<br />

Et M. Blasselle, censeur, ajoutait : « Nous avons l'habitude<br />

de contester à la France son génie colonisateur. Qu'il nous soit<br />

permis de vous soumettre à cet égard une comparaison : trois<br />

ans avant la déclaration d'indépendance des Etats-Unis, un peu<br />

plus d'un siècle après sa prise de possession, l'Angleterre, la<br />

puissance colonisatrice par excellence, ne fournissait annuelle<br />

ment à ses Etats d'Amérique que 151.553.300 francs de mar<br />

chandises. En tenant compte de la différence des temps, de la<br />

multiphcation des communications et de l'augmentation des<br />

richesses, voyons si nous pouvons supporter la comparaison :<br />

après une période moitié moindre, après cinquante années seu<br />

lement d'occupation, dont une grande partie employée à la<br />

conquête, la France trouve en Algérie un débouché annuel de<br />

250 millions et bientôt, si nous ne nous arrêtons pas dans la<br />

voie du progrès, nous pourrons affranchir la mère-patrie de la<br />

dépendance de l'étranger pour une somme égale. »<br />

*<br />

* *<br />

Cependant, le portefeuille de la Banque s'accroissait dans des<br />

proportions qui rendaient difficile l'observation des règles sta-<br />

tutaires d'émission et, symptôme inquiétant, le papier hypothé<br />

caire et les effets créés en renouvellement d'anciens effets im<br />

payés à l'échéance, commençaient à y tenir une large place.<br />

(1) Les bénéfices de la Banque s'élevèrent dans des proportions telles<br />

que les dividendes des années 1878 à 1885 furent considérablement aug<br />

mentés et, par un funeste aveuglement, on trouva oans ce fait même une<br />

nouvelle justification de la politique suivie par la Banque.<br />

la crise<br />

viticole.


— 162 —<br />

L'optimisme ne commença guère toutefois à être ébranlé que<br />

vers 1885 ; de mauvaises récoltes se succédant depuis quelques<br />

années créaient une situation bien moins brillante, le phylloxéra<br />

apparaissait en Algérie et le vignoble français,<br />

grâce à l'énergie<br />

des viticulteurs du Midi, était reconstitué ; les débouchés sur<br />

lesquels on comptait se fermaient ou du moins n'étaient ouverts<br />

qu'à des vins de certaine qualité et à cette époque les viticulteurs<br />

algériens, au début d'une production nouvelle,<br />

n'avaient pas<br />

encore réalisé les sélections et les progrès industriels qui leur<br />

permettent aujourd'hui de mettre en vente des vins admis sur<br />

tous les marchés et préférés même à beaucoup d'autres dont la<br />

réputation est justement consacrée. La panique s'empara rapi<br />

dement des intéressés ; les affaires en cours furent rompues ;<br />

les maisons de banque poursuivirent la rentrée de leurs créances.<br />

Les vins, qui se vendaient jusque là 35 francs l'hectolitre, ne<br />

trouvèrent plus acquéreurs qu'à 11 ou 10 francs. Les prix tom<br />

bèrent même plus bas, et il arriva qu'on laissa couler le vin dans<br />

le fossé pour récupérer le tonneau (1). Une crise foncière intense<br />

s'en suivit. La terre avait acquis, sous l'influence de<br />

facilités excessives de crédit, une valeur factice ; une brusque<br />

chute des prix l'avilit d'une manière non moins excessive, à tel<br />

point que les ventes à la barre du tribunal ne rencontraient pas<br />

d'offres d'achat et que la terre ainsi vendue demeurait au<br />

créancier poursuivant.<br />

La Banque ne voulut rien brusquer,<br />

elle évita les mesures qui<br />

auraient précipité et généralisé les catastrophes. Les censeurs<br />

firent entendre en 1885, publiquement, un premier avertis<br />

sement : « Si la Banque a pu maintenir à sa clientèle le crédit<br />

qui lui était nécessaire dans un moment difficile, il est bon que<br />

cette clientèle sache, de son côté, maintenir ses opérations et,<br />

par suite,<br />

ses demandes de crédit dans des limites proportion<br />

nées à ses ressources réelles. Il faut qu'en opérant avec prudence<br />

et avec réserve,<br />

elle sache d'elle-même modérer ses demandes<br />

dans une mesure qui permette à la Banque de ne pas se trouver<br />

dans l'obligation d'imposer des restrictions de crédit : il v va<br />

(1) L. F. Gautier, Le phénomène colonial de Boufarik. Revue de Paris,<br />

1" novembre 1929.


— 163 —<br />

de l'intérêt de tous et la Banque, solidaire de chacun, a le devoir<br />

d'assurer la sécurité de l'avenir. »<br />

En fait, la Banque avait fourni aux colons, soit directement,<br />

soit indirectement par l'intermédiaire des comptoirs d'escompte,<br />

sans autre limite effective que les besoins d'exploitations sur<br />

lesquelles s'édifiaient de grandes espérances, les fonds néces<br />

saires pour créer le nouveau vignoble, son outillage, ses bâti<br />

ments, son matériel de vinification, son cheptel. Dans bien des<br />

cas, les propriétés étant encore improductives, les intérêts ne<br />

pouvaient être payés et les comptes des présentateurs s'accrois<br />

saient progressivement, non seulement des dépenses nouvelles,<br />

mais encore des intérêts qu'ils ne pouvaient acquitter et qu'ils<br />

soldaient en papier.<br />

En assumant la charge du crédit agricole tout entier, les<br />

banques en général, et la Banque de l'Algérie en particulier,<br />

avaient accepté un poids trop lourd. Chacun commençait à s'en<br />

apercevoir et la Banque de l'Algérie devait en ressentir très<br />

gravement les conséquences. Déjà des critiques s'élevaient, des<br />

craintes se manifestaient ; des mesures de sauvegarde s'impo<br />

saient (1).<br />

Un nouveau directeur de la Banque fut nommé, M. Nelson-<br />

(1) On reprochait à la Banque de s'être engagée dans une politique<br />

d'immobilisations de crédits hypothécaires et de renouvellements dans le<br />

seul deissein d'augmenter le dividende des actionnaires. En même temps,<br />

d'autres lui reprochaient, au contraire, de vouloir, pour maintenir ce<br />

dividende, réduire le concours donné aux petits colons. Des divergences<br />

de vues se produisaient à ce sujet au sein même du Conseil de la Banque<br />

et trouvaient leur écho dans la presse locale. « L'école économiste fran<br />

çaise, disait le journal VAkhbar (12 septembre 1886) a toujours<br />

classé le prêt agricole au nombre des utopies et, avec elle, beaucoup de<br />

législateurs ont pensé de même. Nous croyons donner un bon conseil à<br />

la Banque de l'Algérie en lui disant : « Laissez continuer l'expérience des<br />

prêts à l'agriculture et encouragez, au lieu de combattre, ceux qui en<br />

sont les partisans et les praticiens. Laissez prêter aux colons et dévelop<br />

per les comptoirs d'escompte, admettant même que vos dividendes puissent<br />

en être légèrement atteints... »<br />

En octobre 1886 le même journal manifestait ses craintes de voir<br />

M. Chevallier « qui, animé des meilleures intentions, n'a pas tenu assez<br />

compte des intérêts véritables du crédit de l'Algérie et s'est trop préoccupé<br />

des intérêts des actionnaires et du dividende rivé à la cote des actions »<br />

remplacé par un agent supérieur du Ministère des Finances ou par un<br />

directeur de succursale de la Banque de France, ignorant les questions<br />

algériennes ; « par un roumi, très fort sans doute sur les principes finan<br />

ciers,<br />

colonie ».<br />

mais absolument ignorant des hommes et des choses de notre


- 164<br />

—<br />

Chiérico, ancien fonctionnaire de l'ordre administratif, apparte<br />

nant à un milieu algérien très justement considéré et lui-même<br />

algérien de naissance. Il arriva à Alger le 15 novembre 1886 et<br />

ouvrit, dix jours après, l'assemblée des actionnaires en décla<br />

rant : « Je ne perdrai pas de vue que mon rôle ici est double.<br />

Subordonné du ministre des Finances, je devrai tenir la main<br />

à l'application stricte des statuts qui ont fait la prospérité de<br />

la Banque de l'Algérie,<br />

veiller aux intérêts considérables que le<br />

Trésor a engagés dans le but de faciliter vos opérations. Mais<br />

je saurai me souvenir en même temps que j'ai la gérance et la<br />

garde de la fortune de tous ceux qui,<br />

confiants dans l'avenir de<br />

l'Algérie, n'ont pas hésité à s'associer par leurs capitaux à<br />

l'œuvre d'intérêt général que la Métropole poursuit dans la plus<br />

belle de ses colonies. Algérien de naissance, je sais et je connais<br />

les besoins de la colonisation. Tous mes efforts tendront à<br />

concilier les deux intérêts que je représente. »<br />

L'année suivante, à l'assemblée des actionnaires de 1887, il<br />

précisait ainsi sa pensée : « Il est essentiel que chaque chose soit<br />

remise à sa place et il faut qu'il soit bien entendu qu'on ne peut<br />

exiger de la Banque que ce qu'elle peut donner,<br />

car il est de l'inté<br />

rêt de tous que la solidité du crédit du premier étabhssement<br />

financier de l'Algérie ne puisse être mise en doute en aucun<br />

cas et pour n'importe quelle cause. »<br />

M. Nelson-Chiérico rappelait, en outre, les paroles de MM. René<br />

Brice et Lucet et il ajoutait que la Banque avait tenu l'enga<br />

gement dont avaient pris acte les rapporteurs : « Elle a ouvert<br />

largement, trop largement peut-être dans certaines circonstan<br />

ces, ses guichets au travailleur de la terre, au colon ;<br />

elle a créé<br />

et appliqué le crédit agricole... Une telle œuvre n'a pu s'accom<br />

plir,<br />

une innovation si hardie n'a pu se produire sans entraîner<br />

quelques mécomptes... Enfin, il faut bien le dire,<br />

on a quelque<br />

fois perdu de vue les limites permises, peut-être oublié les<br />

règles de prudence....»<br />

Mais il concluait, gardant dans l'avenir la foi qui animait la<br />

colonie elle-même : « Nous persévérerons dans l'œuvre entre<br />

prise, en étendant de plus en plus le crédit agricole ; mais, pour<br />

les emprunts à long terme, dont le produit doit être immobilisé,


- 165<br />

-<br />

ce sera affaire au Crédit Foncier (1), tandis que nous mettrons<br />

à la disposition de la colonie les ressources nécessaires pour assu<br />

rer sa récolte annuelle. »<br />

La direction nouvelle s'attacha à commencer la liquidation des<br />

immobilisations, à faire rentrer les comptoirs d'escompte dans<br />

le cadre « modeste et utile qui leur était assigné, le colon labo-<br />

« rieux devant être certain de trouver là le crédit qui lui<br />

« permettra de préparer et d'assurer sa récolte ». Elle leur<br />

prescrivait de profiter des récoltes favorables, notamment<br />

en 1887, pour provoquer de la part de leurs clients des amortis<br />

sements, ajoutant : « Il ne faut pas que vos clients gardent leurs<br />

« bénéfices pour agrandir leurs propriétés, il faut qu'ils amor-<br />

« tissent d'abord leurs dettes. » Cependant la situation de la<br />

viticulture algérienne s'aggravait ; en 1890, le mildew détruisit<br />

la récolte des vignobles de Constantine et il fallut prendre des<br />

mesures exceptionnelles pour venir en aide aux colons sinistrés.<br />

Dans les centres les plus fortement atteints un agent de la Ban<br />

que se transportait, une fois par semaine, avec mission de rece<br />

voir les demandes de crédit présentées par les petits colons en<br />

vue de se procurer les sommes nécessaires à la préparation de<br />

la prochaine récolte. L'escompte leur était fait sans intermédiaire<br />

au taux réduit et uniforme de la Banque.<br />

La tâche était difficile pour M. Nelson-Chiérico,<br />

qui avait le<br />

devoir de faire rentrer la Banque dans les règles statutaires et<br />

d'assurer la bonne liquidation d'un portefeuille très lourdement<br />

immobilisé, et qui,<br />

mises,<br />

désireux de ménager des situations compro<br />

s'attachait en même temps à maintenir un assez large<br />

concours au commerce et aux agriculteurs eux-mêmes (2). Il<br />

pouvait dire en 1888 : « Jusqu'à présent,<br />

malgré les difficultés<br />

« considérables de l'heure actuelle, la Banque a justifié son titre<br />

« d'établissement public et sa qualité de privilégiée en ne<br />

« provoquant elle-même aucune faillite,<br />

aucune expropriation.<br />

« Mais il sera nécessaire de faire sur les réserves d'importants<br />

« prélèvements pour amortir les pertes. »<br />

(1) En 1888 le Crédit Foncier avait consenti 3.300.000 francs de prêts<br />

hypothécaires contre 8.285.000 en 1886.<br />

gouverneur général avait nommé une commis<br />

sion pour rechercher une combinaison pouvant procurer de l'argent à bon<br />

(2) En février 1888, le<br />

marché aux colons.<br />

11


CRITIQUES<br />

ADRESSEES<br />

A LA BANQUE<br />

DE L'ALGÉRIE.<br />

SA DÉFENSE<br />

PAR<br />

M. NELSON-<br />

CHIÉRICO.<br />

— — 166<br />

En fait, la situation de la Banque,<br />

sinon en ce qui concerne<br />

la valeur de son actif, qui demeurait importante et certaine, du<br />

moins au regard de ses statuts, était trop gravement compro<br />

mise pour pouvoir être rétablie sans mesures énergiques.<br />

Depuis longtemps la proportion statutaire n'était plus observée<br />

entre l'encaisse et la circulation ; depuis 1891, le dividende, qui<br />

diminuait chaque année,<br />

ne fut plus assuré qu'au prix des<br />

plus grands efforts et réduit encore bien souvent sur l'interven<br />

tion du ministre des Finances qui exigeait des amortissements<br />

massifs. Le ministre suivait très attentivement, mais avec<br />

inquiétude, les comptes de la Banque et se préoccupait de voir<br />

le compte courant du Trésor conserver un solde de plus en plus<br />

élevé. Il estimait que la Banque ne mettait pas assez de hâte<br />

à liquider ses anciens comptes et qu'elle continuait à s'engager<br />

dangereusement avec certains clients dont elle pensait ainsi<br />

favoriser la liquidation.<br />

Depuis longtemps, à la suite des mesures prises pour éliminer<br />

du portefeuille le papier immobilisé, la Banque avait provoqué<br />

par des cessions, en majorité amiables et parfois forcées, des<br />

ventes de terrains qui,<br />

ne trouvant pas d'acquéreurs dans des<br />

conditions convenables, la mirent à la tête d'un vaste domaine<br />

immobilier, qu'elle gérait elle-même et qui lui donnait ainsi, pour<br />

une part très importante de son actif, un rôle de propriétaire<br />

foncier exploitant, peu conciliable avec celui de banque émettrice<br />

de billets remboursables à vue (1).<br />

Les attaques ne manquèrent pas à la Banque (2) ;<br />

* *<br />

on ne lui<br />

ménagea aucune critique et la « hardiesse économique » de ceux<br />

qui l'avaient engagée à assumer tout le crédit agricole ne trouva<br />

plus aucun défenseur. On allait jusqu'à discuter l'opportunité de<br />

renouveler son privilège, lorsque celui-ci expirerait en 1897.<br />

Contre elle s'élevaient à la fois ceux qui se rendaient compte<br />

de l'erreur commise et ceux qui, après en avoir profité, se<br />

(1) Cf. Albier. De l'organisation du crédit en Algérie. Paris 1901, page<br />

169.<br />

(2) Cf. Louis Vignon. La France dans l'Afrique du Nord (Algérie Tuni<br />

sie), Paris 1887 et La France en Algérie, Paris, 1893.


— — 167<br />

voyaient alors pressés par elle. Au Parlement, diverses inter<br />

ventions s'étaient produites qui démontraient combien la position<br />

de la Banque devenait difficile au regard même de cette opinion<br />

publique qui l'avait entraînée. Peut-être n'est-il pas sans intérêt<br />

de reproduire ici la défense de la Banque que M. Nelson-<br />

Chiérico présenta devant les actionnaires à l'assemblée générale<br />

de 1892 :<br />

« Depuis votre dernière assemblée générale, la question de la<br />

Banque a été pour ainsi dire, et pendant de longs mois, tant en<br />

France qu'en Algérie, à l'ordre du jour des préoccupations de<br />

l'opinion, de la presse et même du Parlement. Nous avons eu<br />

à subir de vives critiques. Il ne saurait nous convenir de nous<br />

y arrêter et de tenter la réfutation des attaques violentes, pas<br />

sionnées, injustes, dont nous avons été quelquefois l'objet,<br />

bien que souvent nos actionnaires en aient pris émotion : l'in<br />

térêt général n'ayant pu être le seul mobile de leurs auteurs,<br />

nous avons le devoir de passer outre.<br />

« Mais certains bons esprits,<br />

nos actionnaires,<br />

et parmi eux quelques-uns de<br />

négligeant de tenir compte de circonstances<br />

spéciales, indépendantes de la volonté de quiconque et troublés,<br />

les uns par un manque de clarté plus apparent que réel dans<br />

l'établissement de nos bilans, les autres par la diminution des<br />

dividendes,<br />

sont arrivés, avec plus de tact et de mesure il est<br />

vrai, à formuler aussi des critiques dont quelques-unes ont été<br />

portées jusqu'au Parlement et qui doivent fixer notre attention.<br />

Nous devons, à la louable intention de tous ceux qui les ont<br />

conçues et exprimées, des explications nettes, précises, leur per<br />

mettant d'apprécier, en meilleure connaissance de cause, la situa<br />

tion réelle de notre institution.<br />

« Devant la Commission sénatoriale des dix-huit,<br />

nous avons<br />

eu l'occasion de nous expliquer avec la plus grande netteté.<br />

« A la Chambre des députés, sur l'interpellation de l'honorable<br />

M. Goirand, M. le Ministre des Finances a pu également faire<br />

la preuve que la plupart des critiques, des accusations même,<br />

formulées contre la Banque,<br />

manquaient de base solide.<br />

« Ces discussions sont présentes à l'esprit de tous et il nous<br />

paraît superflu de les reprendre.<br />

« Mais nous devons insister tout particulièrement sur le rôle


— — 168<br />

qu'a joué et que joue la Banque de l'Algérie en tant qu'établis<br />

sement public.<br />

« Nous ne remonterons pas jusqu'à son origine, en 1851, pour<br />

rappeler les services rendus au commerce. Nous n'en retien<br />

drons qu'un. Dans les grands centres où la Banque avait une<br />

action directe par ses succursales, elle a supprimé l'usure, qu'an<br />

térieurement à sa création, tous, riches et pauvres,<br />

petits négociants, devaient fatalement subir.<br />

grands et<br />

« Et ce bienfait a été par la suite étendu à toute la colonie<br />

grâce à l'action des comptoirs d'escompte : l'usure a, pour ainsi<br />

dire, disparu.<br />

« En même temps, l'œuvre de la colonisation faisait un pas<br />

considérable dans la voie du progrès. C'est en 1880, époque à<br />

laquelle notre privilège fut renouvelé, que prit naissance ce mou<br />

vement qui transforma si rapidement la colonie.<br />

« Jusqu'à ce moment, l'Algérie n'avait vécu que de l'exporta<br />

tion de ses produits en nombre assez restreint : céréales, laines<br />

et bestiaux. En dépit des procédés rudimentaires de culture<br />

employés par les indigènes, détenteurs des plus grandes surfa<br />

ces, la fertilité de son sol et surtout le peu de concurrence étran<br />

gère permettaient au pays de vivre de ses exportations.<br />

« Tout à coup<br />

une révolution économique éclate : les pays<br />

étrangers inondent les marchés français de produits similaires<br />

et l'exportation algérienne est gravement atteinte.<br />

« La colonie, vaillante, fortement trempée,<br />

et, modifiant son programme,<br />

ne désespère pas<br />

elle tente d'arracher au sol d'au<br />

tres richesses. Elle se donne à la culture intensive et tourne son<br />

objectif vers la vigne.<br />

« Des capitaux importants sont nécessaires. L'Algérie n'en<br />

a pas en réserve et l'épargne française semble peu disposée à<br />

franchir la Méditerranée.<br />

« Soucieuse de l'avenir du pays qui est en jeu, et surtout<br />

incitée par le Parlement qui, lors de la discussion de son pri<br />

vilège en 1880, l'avait mise en demeure d'étendre ses facilités<br />

à l'agriculture, la Banque de l'Algérie intervient et fournit la<br />

plus grande partie des capitaux qui ont servi à la création de<br />

ce merveilleux vignoble algérien et qui dépasse aujourd'hui


- 169<br />

—<br />

150.000 hectares, avec une production, année moyenne, de 4 à<br />

5 milhons d'hectolitres.<br />

« La vie économique, prête à s'éteindre en 1880,<br />

plus d'intensité que jamais.<br />

« Tous se sont mis résolument à l'œuvre ; beaucoup<br />

reprend avec<br />

ont usé<br />

de l'intervention de la Banque. Mal secondés par les circons<br />

tances, victimes de fléaux inattendus, quelques-uns ne réussi<br />

rent pas et la période des difficultés s'ouvrait pour la Banque.<br />

« A l'assemblée générale de 1887 nous avons fait un exposé<br />

très succinct de la situation du moment. Nous avons fait suivre<br />

cet exposé d'un programme général d'ensemble sur les mesures<br />

que nous comptions prendre ; vous l'avez approuvé, nous n'y<br />

reviendrons pas.<br />

« Mais, dès aujourd'hui,<br />

n'est-il pas équitable de reconnaître<br />

que, sans le concours de la Banque, l'Algérie aurait misérable<br />

ment végété autour d'une production à peine suffisante à sa<br />

consommation ?<br />

« Là, d'ailleurs, ne se sont pas bornés les services rendus par<br />

la Banque. Il en est de tout aussi considérables qu'il convient de<br />

mettre en lumière.<br />

« En 1889, les populations du département de Constantine sont<br />

ruinées par la sécheresse. Point de récolte, pas même de céréales<br />

pour la semence.<br />

« C'est la misère pour les colons. Pour les indigènes, c'est plus<br />

encore : c'est la famine avec son cortège obligé de rapines, de<br />

brigandages et de maladies épidémiques dont l'année 1867 nous<br />

avait laissé l'effroyable souvenir.<br />

« Il fallait aviser sans retard.<br />

« Le gouvernement général de l'Algérie, le département de<br />

Constantine, émus et poussés par l'imminence du danger, s'a<br />

dressent à la Banque de l'Algérie. Une somme de quatre millions,<br />

sans intérêts pendant les deux premières années,<br />

disposition du département de Constantine,<br />

est mise à la<br />

pour être affectée<br />

aux prêts de semences tant aux indigènes qu'aux colons.<br />

« L'année suivante, en 1890, un autre fléau, le mildew, apporte<br />

la ruine et la désolation dans la population européenne du même<br />

département. Là encore, sans retard, la Banque intervient et


MESURES<br />

RGIQUES<br />

T PRISES<br />

R<br />

ABL1R<br />

SITUATION<br />

PROMISE<br />

.A<br />

QUE.<br />

170 —<br />

prête 500.000 francs au département qui les répartit aux com<br />

munes chargées de la distribution aux intéressés.<br />

« Il convient d'ajouter ici que ces deux prêts sont presque<br />

entièrement remboursés. Il reste à récupérer 102.977 fr. 97 sur<br />

celui de 4 millions et 155.750 francs sur celui de 500.000 francs.<br />

« Plus récemment enfin, cette année même, 1892, c'est l'Algé<br />

rie entière qui a subi les redoutables effets d'une longue et per<br />

sistante sécheresse.<br />

« La récolte est à peu près nulle dans deux départements,<br />

Alger et Oran, et très médiocre dans celui de Constantine. C'est<br />

encore la misère, la ruine, la famine pour la population indigène,<br />

privée de la semence nécessaire à la prochaine récolte.<br />

« La situation est grave et c'est la Banque qui,<br />

sur la demande<br />

de M. le Gouverneur général et des trois préfets, apporte spon<br />

tanément son bienfaisant et rapide concours. Elle avance 350.000<br />

francs au département de Constantine, 625.000 francs à celui<br />

d'Oran et 1.500.000 francs à celui d'Alger, au taux de 2 1/2 %<br />

pendant deux ans.<br />

« Est-il nécessaire, Messieurs, de beaucoup insister sur la<br />

valeur de ces services et sur le rôle joué par notre institution<br />

dans ces circonstances particulièrement critiques ? Nous ne le<br />

pensons pas et nous nous contenterons de livrer ces faits au<br />

consciencieux examen de tous ceux qui, de bonne foi ou de<br />

parti-pris,<br />

ont pu contester l'utilité de notre rôle. »<br />

* *<br />

Une banque d'émission chargée de créer une monnaie fidu<br />

ciaire saine ne doit pas seulement songer à jouer un rôle utile,<br />

elle doit veiller à l'observation des règles qui lui ont été imposées<br />

dans l'intérêt même de cette saine circulation fiduciaire qui est<br />

une des premières conditions de la sécurité des transactions.<br />

Le gouvernement ne pouvait s'écarter de ce point de vue et,<br />

en 1896, il nomma sous-directeur de la Banque de l'Algérie, un<br />

inspecteur des finances, M. Lafon, avec mission de le renseigner<br />

exactement sur la situation de la Banque et de provoquer toute<br />

mesure qui serait reconnue nécessaire. L'année suivante un ma<br />

gistrat de la Cour des comptes, M. Rihouet, fut appelé à rempla<br />

cer M. Nelson-Chiérico, et l'on peut dire que le choix qui fut fait


— — 171<br />

de ce conseiller-maître était une indication formelle de la volonté<br />

du gouvernement de voir la Banque rentrer d'une façon rapide<br />

dans la stricte application de ses règles statutaires, qu'elles qu'en<br />

pussent être les conséquences pour ses clients, comme pour elle-<br />

même.<br />

Et de fait, l'encaisse métallique fut reconstituée et maintenue,<br />

depuis le début de 1897, dans les proportions statutaires et la<br />

nouvelle direction entreprit la reconstitution d'un portefeuille<br />

exclusivement commercial.<br />

Elle se montra d'abord très sévère sur ce point et,<br />

instructions du Ministère des Finances,<br />

selon les<br />

elle mit même en doute<br />

le caractère statutaire des effets comportant des renouvel<br />

lements, ce qui écartait tout crédit de campagne. C'était là un<br />

excès de rigorisme et une telle doctrine n'était guère applica<br />

ble à la Banque de l'Algérie. Une certaine inquiétude se répandit<br />

dans le public ; la presse attaqua la Banque avec vigueur ; la<br />

Chambre de Commerce d'Alger, justifiant la conduite passée<br />

de la Banque et exposant en termes fort élogieux les services<br />

qu'elle avait rendus à la colonie, demanda instamment, le 6 octo<br />

bre 1897, que les mesures prises sur les instructions du ministre<br />

fussent rapportées. Tout en réclamant le renouvellement du<br />

privilège de la Banque,<br />

elle demandait qu'elle fût de nouveau<br />

mise en situation d'offrir, comme par le passé, les conditions<br />

de crédit « suffisantes au développement et au progrès du com<br />

merce, de l'industrie et de l'agriculture ». En l'absence de<br />

M. Rihouet, le sous-directeur, M. Lafon, dut, en novembre 1897,<br />

pour calmer cette émotion, donner l'assurance que tout papier<br />

renouvelable ne serait pas systématiquement écarté.<br />

Au mois de mai 1898, il succédait à M. Rihouet et faisait, à<br />

l'assemblée des actionnaires, la déclaration suivante : « Pénétré,<br />

« tant de nos obligations comme banque d'émission que de nos<br />

« devoirs vis-à-vis du pays,<br />

nous poursuivons notre œuvre<br />

« d'apurement, en continuant à y apporter les ménagements que<br />

« nécessite, surtout en matière de crédit, une situation déjà<br />

« existante. »


'OURNE-<br />

ENT DU<br />

ÏNOUVELLE-<br />

ENT DU<br />

HIVILÈGE DE<br />

i BANQUE<br />

V 1897<br />

T EN 1899.<br />

ETABLISSE-<br />

ENT DE LA<br />

JTUATION DE<br />

A BANQUE.<br />

— 172<br />

Le gouvernement et l'opinion publique demeuraient; inquiets<br />

de la situation de la Banque, dont le bilan restait chargé de pos<br />

tes immobiliers, constituant un actif de réalisation incertaine.<br />

De nouveau on parlait de faire appel à la Banque de France<br />

et M. Viviani déposait un amendement en ce sens. Le privilège de<br />

la Banque n'était renouvelé en 1897 que pour deux ans, jus<br />

qu'au 31 octobre 1899 (1), et le Ministère des Finances se<br />

refusait à envisager un renouvellement de longue durée tant<br />

que la situation n'aurait pas été entièrement apurée. Au courant<br />

de l'année 1899, il exigea que le poste « Domaine » disparût<br />

complètement de l'actif et assigna à la Banque un court délai<br />

pour réaliser cette mesure. Il ne laissa renouveler le privilège<br />

que pour une année,<br />

expirant le 31 octobre 1900.<br />

Pour répondre aux exigences ministérielles une combinaison<br />

fut élaborée, consistant à créer une société immobilière devant<br />

se charger de la gestion et de la liquidation du domaine qui lui<br />

fut cédé après estimation de sa valeur. C'est ainsi que fut fondée<br />

la « Société Domaniale », avec le concours des actionnaires de<br />

la Banque de l'Algérie et de certains de ses administrateurs qui<br />

acceptèrent de se charger d'une tâche difficile et ingrate.<br />

L'exécution de ces mesures eut pour résultat d'absorber la<br />

presque totalité des réserves ; mais,<br />

parmi les éléments ainsi<br />

amortis, il en était de réelle valeur qui ne devaient pas tarder<br />

à contribuer à les reconstituer (2) .<br />

(1) La Chambre de Commerce d'Alger et le Conseil municipal d'Alger,<br />

par des délibérations fortement motivées, protestaient contre l'ajournement<br />

de la prorogation. Les chambres de commerce, traduisant l'inquiétude<br />

que causait aux colons un ajournement dont le seul but était de hâter<br />

de la part de la Banque la liquidation du passé, redoutaient que des<br />

mesurée trop brutales ne fussent prises contre les débiteurs et que la<br />

Banque se montrât désormais trop rigoureuse à l'égard des agriculteurs<br />

et viticulteurs. Le Conseil municipal avait saisi l'occasion pour soulever<br />

la question du change entre la France et l'Algérie, en réclamant l'échange<br />

au pair des billets des deux banques et la reprise par le Trésor de l'émis<br />

sion de traites endossables sur la France.<br />

(2) Le total des réserves était de 17.825.509 francs au 31 octobre 1900,<br />

Quand on eut fait disparaître du bilan le compte « liquidation », qui<br />

s'élevait à 8.384.432 francs et les valeurs du portefeuille dites « d'im<br />

mobilisation », qui s'élevaient à 9.387.669 francs, le montant des réserves<br />

tomba à 53.389 francs. Mais il devait bientôt s'élever à nouveau : à<br />

3.060.000 francs au 31 octobre 1901 ; à plus de 5 millions en 1902 ; à près<br />

de 8 millions en 1903 ; à 10 millions en 1904 et à 19 millions en 1906.


Vue de CONSTANTINE,<br />

prise le 13 Octobre 1837, jour de l'entrée des Français


173 —<br />

*<br />

* *<br />

Ayant ainsi satisfait aux exigences du gouvernement, M. La-<br />

fon put entreprendre la négociation du renouvellement du<br />

privilège de la Banque qui fut prorogé par la loi du 5 juillet 1900,<br />

pour la même échéance que le privilège de la Banque de France,<br />

jusqu'au 31 décembre 1920, mais en prévoyant,<br />

comme pour<br />

celui-ci, qu'une loi votée en 1911 pourrait le faire cesser en 1912.<br />

Les conditions imposées à la Banque peuvent se résumer<br />

ainsi :<br />

Pour bien marquer la rupture avec le passé on donnait à la<br />

Banque une organisation nouvelle,<br />

en transportant son siège<br />

social d'Alger à Paris ; le Conseil d'administration devait être,<br />

en conséquence, pratiquement en partie renouvelé, le siège d'Al<br />

ger fonctionnant comme une succursale ordinaire avec un conseil<br />

d'administration local. Cette mesure, disait le ministre dans<br />

l'exposé des motifs, devait avoir pour avantage de soustraire la<br />

Banque de l'Algérie aux influences locales sans que la tractation<br />

des affaires sur place dût en éprouver aucun dommage (1).<br />

La limite d'émission des billets de banque était portée à<br />

(1) La Chambre de Commerce d'Alger, dans sa séance du 31 mars 1900,<br />

tout en approuvant l'ensemble du projet du gouvernement, protesta contre<br />

ce transfert, dans lequel elle voyait la cause fatale de grands retards<br />

dans la conclusion des affaires, et son rapporteur, M. Billiard, ajoutait :<br />

« Le ministre explique qu'il veut soustraire la direction de la Banque de<br />

l'Algérie à des influences locales ; ces influences, si elles ont existé,<br />

n'étaient-elles pas moins dangereuses que les influences politiques aux<br />

quelles la direction de Paris et le ministre lui-même pourront difficilement<br />

se soustraire La création<br />

prévue d'une succursale en Tunisie ne nous<br />

paraît pas suffisante pour justifier le transfert à Paris ; le directeur est<br />

en meilleure situation à Alger qu'à Paris pour prendre une décision sur<br />

une affaire tunisienne à cause des nombreuses analogies entre l'Algérie<br />

et la Tunisie ; c'est dans cet ordre d'idées que la Tunisie a été placée dans<br />

ressort de la Cour d'appel d'Alger et non dans celui de la Cour d'Aix<br />

le<br />

ou de Paris. »<br />

Ces réclamations se produisirent pendant quelque temps. En 1901 et<br />

en 1902 le Conseil Supérieur déclara que l'installation de la Banque à<br />

paris était un non-sens ; en juin 1902, le Syndicat Commercial d'Alger<br />

demanda le retour du siège social à Alger et la Chambre de Commerce<br />

s'associa à cette manifestation qui demeura sans suite.<br />

Il convient d'ailleurs d'observer que, lorsqu'en 1904, la Banque de<br />

l'Algérie s'installa en Tunisie, le décret tunisien du 8 janvier stipula dans<br />

son article 1 que le gouvernement tunisien se réservait la faculté de<br />

retirer à la Banque de l'Algérie le privilège d'émission dans la Régence<br />

au<br />

cas où le siège social de la Banque cesserait d'être établi à Paris.<br />

RENOUVELLE<br />

MENT DU<br />

PRIVILÈGE<br />

EN 1900.


— — 174<br />

150 milhons, mais toute règle étroite, fixant une proportion<br />

rigide entre l'encaisse et la circulation, était supprimée. On a<br />

vu quelles conséquences regrettables pour l'Algérie avait entraîné<br />

le maintien de cette disposition et la loi se borna sagement à<br />

reproduire celle des statuts primitifs de la Banque de France<br />

(28 nivôse, an VIII) prescrivant que les émissions doivent être<br />

maintenues dans des proportions telles qu'au moyen du numé<br />

raire réservé en caisse et des échéances du papier en portefeuille,<br />

la Banque ne puisse, dans aucun temps, être exposée à différer<br />

le payement de ses engagements au moment où ils lui seront<br />

présentés.<br />

Ainsi disparaissait une règle théoriquement explicable, qui<br />

avait été prématurément appliquée à la Banque, mais dont un<br />

projet de loi, actuellement soumis au Parlement, devait repren<br />

dre le principe vingt-neuf ans après.<br />

En vue de l'extension des services de la Banque dans de<br />

nouvelles régions, en particulier dans la Tunisie,<br />

où son établis<br />

sement avait été envisagé dès le début de notre protectorat, mais<br />

différé tant que sa situation n'était pas régularisée, l'article 4<br />

de la loi prévoyait que la Banque de l'Algérie pourrait être<br />

autorisée, par décrets rendus sur la proposition du ministre des<br />

Finances, le Conseil d'Etat entendu, à créer des établissements<br />

et à émettre des billets payables au porteur et à vue dans les<br />

colonies et protectorats français en Afrique.<br />

L'Etat se réservait, par contre, d'importants avantages :<br />

pour la première fois, depuis la fondation de la Banque, il lui<br />

imposait, comme il venait de le faire à l'égard de la Ban<br />

que de France, le paiement d'une redevance annuelle, fixée à<br />

200.000 francs jusqu'en 1905, et s'élevant progressivement<br />

jusqu'à 300.000 francs a partir de 1913. En outre, par une con<br />

vention du 30 juin 1900, que la loi sanctionnait, la Banque<br />

consentait à l'Etat, pour la durée du privilège, une avance de<br />

3 milhons, dont l'article 6 de la loi affectait le montant, en même<br />

temps que celui du produit des redevances annuelles, au crédit<br />

agricole en Algérie.<br />

L'exposé des motifs du projet de loi s'expliquait ainsi sur ce<br />

point : « Le gouvernement a été saisi d'un grand nombre de


— — 175<br />

vœux se rattachant à la question du crédit agricole (1). Ces<br />

vœux peuvent se diviser en deux catégories : les uns tendent à<br />

faire de la Banque elle-même l'instrument du crédit agricole ;<br />

les autres à obtenir seulement de la Banque un concours pécu<br />

niaire suffisant pour faciliter l'établissement de ce crédit. Après<br />

les graves mécomptes que le crédit agricole a causés à la Banque<br />

de l'Algérie, mécomptes qui ont compromis son fonctionnement<br />

et ont pu même faire douter, pendant quelque temps, de la pos<br />

sibilité de renouveler son privilège, nous ne pouvons pas autori<br />

ser dans le nouveau projet des opérations aussi dangereuses pour<br />

un institut d'émission et aussi incompatibles avec ses obligations<br />

fondamentales. Ce que le gouvernement n'a pu admettre pour la<br />

Banque de France, il ne peut l'admettre davantage pour la Ban<br />

que de l'Algérie ; que celle-ci, comme la Banque de France,<br />

escompte, dans les conditions générales autorisées par ses sta<br />

tuts, le papier des syndicats agricoles, qu'elle pratique, en un<br />

mot le crédit agricole, dans les mêmes cas et sous les mêmes<br />

formes que tout autre crédit, la chose est sans inconvénient ; les<br />

statuts nouveaux ont reçu, à cet effet, une modification emprun<br />

tée à celle que la loi du 17 novembre 1897 a introduite dans les<br />

statuts fondamentaux de la Banque de France (2) ; mais que<br />

la Banque de l'Algérie allant plus loin, escompte du papier à<br />

long terme adossé à des opérations non commerciales et inca<br />

pables de fournir en temps voulu la contre-valeur en numé<br />

raire des billets,<br />

c'est une voie dans laquelle nous ne saurions<br />

(1) D'assez vives discussions eurent lieu aux Délégations financières au<br />

sujet du privilège de la Banque. On avait été jusqu'à demander que le taux<br />

d'escompte fût fixé pour toute la durée du privilège ; on avait surtout in<br />

sisté sur le crédit agricole. A ce sujet l'assemblée plénière demanda que le<br />

renouvellement du privilège fût subordonné au versement par la Banque<br />

d'une dotation destinée à une banque agricole et à l'octroi régulier de cré<br />

dits de campagne aux colons (Ordre du jour Aymes). La Banque de<br />

l'Algérie avait fait connaître qu'elle consentirait à tenir à la disposition<br />

de l'Etat une somme de 3 millions à titre de prêt sans intérêt et pour<br />

la durée du privilège. « L'Etat, disait la Banque, en disposerait en faveur<br />

des établissements de crédit agricole de la colonie, qu'il s'agisse de comp<br />

toirs régionaux ou éventuellement d'une banque centrale agricole qui<br />

pourrait au besoin être en rapport avec la Banque de l'Algérie.<br />

(2) Addition à l'article 2 des statuts des mots « des syndicats agricoles<br />

ou autres » à la liste des personnes dont les effets peuvent être escomptés<br />

à la Banque,


le crédit<br />

de 1890 a 1905.<br />

entrer... Aussi,<br />

— — 176<br />

avons-nous pensé qu'en Algérie comme en France<br />

la seule solution possible consistait à demander à la Banque, au<br />

profit du crédit agricole, un sacrifice pécuniaire. »<br />

M. Antonin Dubost, rapporteur, disait à la séance du Sénat<br />

le 4 juillet 1900 : « Le crédit agricole ne peut pas être distribué<br />

par les banques d'émission. Une banque d'émission ne peut<br />

escompter que des valeurs à courte échéance et d'une réalisa<br />

tion facile, sinon le remboursement de ses billets n'est pas assuré.<br />

Au contraire, l'agriculture a besoin de longues échéances et le<br />

gage qu'elle fournit n'est pas d'une réalisation rapide. Il s'ensuit<br />

d'une façon évidente que, pour distribuer le crédit à l'agriculture,<br />

des institutions spéciales sont nécessaires. »<br />

Tje grands progrès avaient été réalisés en France en matière<br />

de crédit agricole depuis plusieurs années ; la loi du 21 mars 1884<br />

sur les syndicats agricoles avait éveillé chez les cultivateurs<br />

français l'idée de l'organisation et développé en eux le sens de<br />

l'association ; des caisses locales agricoles s'étaient fondées déjà<br />

sous le régime de la loi de 1867 sur les sociétés et avaient donné<br />

d'intéressants résultats. Puis, M. Méline, ministre de l'Agricul<br />

ture, avait déposé, dès 1890,<br />

un projet de loi sur le crédit agricole<br />

qui devint la loi du 5 novembre 1894, sous le titre de « Loi rela<br />

tive à la création de sociétés de crédit agricole », et jeté ainsi<br />

les bases d'une organisation qui entra sans retard dans la voie<br />

des réalisations pratiques et qui devait bientôt rendre aux agri<br />

culteurs métropolitains les plus signalés services.<br />

Il n'en avait pas été de même en Algérie. La loi du 5 novem<br />

bre 1894 contenait bien une disposition la rendant applicable dans<br />

la colonie ; mais la situation de l'agriculture n'était pas la même<br />

en Algérie que dans la Métropole et les intéressés hésitaient<br />

devant l'application d'un texte qui avait été élaboré sans tenir<br />

compte de ces différences (1). En 1897 un Congrès des agricul<br />

teurs, tenu à Alger, fut saisi de la question. M. Arthus présenta<br />

à ce Congrès, au nom de la Société d'agriculture d'Alger, un rap<br />

port concluant à la création d'une banque centrale agricole. Il<br />

(1) Voir Philippar, Contribution à l'Etude du crédit agricole en Algérie,<br />

Paris, Larose, 1903.


— — 177<br />

constatait d'abord que le taux de l'intérêt, aggravé par le fait<br />

qu'il est payé d'avance lorsqu'il s'agit d'agios de l'escompte,<br />

était trop lourd pour les agriculteurs : de 7 à 12 % selon les<br />

comptoirs d'escompte ; 6 à 7 % pour le Crédit Foncier ; 5 % pour<br />

les privilégiés pouvant avoir accès aux guichets de la Banque de<br />

l'Algérie ; le crédit existait donc, selon lui, mais il était devenu<br />

un instrument de ruine au lieu d'être un instrument de pros<br />

périté ; il ne s'agissait pas de créer le crédit agricole, mais de<br />

le réformer. Analysant ensuite ce qu'est en réalité le crédit<br />

agricole, M. Arthus adoptait la division classique, dans la doc<br />

trine, en long, moyen et court terme. Le long<br />

(construction, plantations, constitution du cheptel)<br />

et le moyen terme<br />

relève des<br />

prêts fonciers et du Crédit Foncier. Mais, selon lui, il fallait<br />

abroger le décret qui a étendu le privilège du Crédit Foncier<br />

de France à l'Algérie « attendu que les services rendus par cet<br />

établissement ont été nuls » et créer un établissement foncier<br />

spécial à l'Algérie. Le crédit à court terme concerne les achats<br />

de semences, engrais,<br />

matières premières ou préparées néces<br />

saires aux cultures, paiement de la main-d'œuvre, et il admettait<br />

que ce crédit ne devait pas excéder dix-huit mois, délai dans<br />

lequel les recettes et les dépenses devaient être effectuées.<br />

Le crédit agricole à court terme devait, selon M. Arthus, être<br />

encouragé et garanti dans une certaine mesure par l'Etat et il<br />

concluait que,<br />

puisque la Banque de l'Algérie serait soumise<br />

comme la Banque de France à une redevance, il fallait que les<br />

ressources à provenir de cette redevance fussent affectées au<br />

crédit agricole ; il convenait de créer une banque agricole unique<br />

dont les risques,<br />

répartis sur tout le territoire en un plus grand<br />

nombre de prêts, se trouveraient plus divisés et, partant, moins<br />

étendus. Cette banque unique de crédit agricole devait avoir,<br />

dans le plus grand nombre de villes possibles, des succursales<br />

et des agences et pouvoir s'appuyer dans chaque commune sur<br />

un syndicat agricole, du type prévu par la loi du 21 mars 1884.<br />

Enfin, le capital de cette banque devait être fourni par l'Etat.<br />

En 1899, un second Congrès des agriculteurs s'était réuni à<br />

Alger et avait émis le vœu : « Que le renouvellement du privilège<br />

de la Banque de l'Algérie fût subordonné à l'établissement du<br />

crédit agricole en Algérie : 1° par un versement à déterminer


— — 178<br />

ultérieurement, destiné à former la première mise de fonds de<br />

la banque agricole ; 2° par l'inscription dans les statuts d'une<br />

clause accordant aux colons européens et indigènes la faculté<br />

d'obtenir des crédits de campagne devant être réalisés, suivant<br />

leur nature, en six, douze ou quinze mois. »<br />

A leur tour, les Délégations financières étudièrent la question<br />

et adoptèrent, le 14 novembre 1899,<br />

Arthus,<br />

un projet analogue au plan<br />

après avoir écarté le système de la loi française : « Sys<br />

tème excellent, certes, disait M. Deloupy, dans un pays où la<br />

famille est constituée depuis des siècles,<br />

où chacun connaît son<br />

voisin et sait dans quelle mesure il peut s'engager pour lui, dans<br />

un pays enfin où tout se passe entre compatriotes, système<br />

inadmissible chez nous où aucune de ces conditions n'existe et<br />

que seule l'œuvre du temps pourra faire naître. » (1).<br />

Cette affirmation témoignait de l'état d'esprit de beaucoup<br />

de colons qui se rendaient compte que la loi, faite pour une<br />

situation agricole déterminée, ne pouvait pas, de piano, donner<br />

en Algérie les mêmes résultats qu'en France. Ils n'étaient pas<br />

sans défiance à l'égard d'un principe de mutualité qui pouvait<br />

entraîner les colons en situation de répondre de leurs propres<br />

engagements à en couvrir d'autres moins bien garantis et à faire<br />

en quelque sorte tous les frais du système nouveau.<br />

Cependant, à cette date, la question changeait d'aspect. La<br />

mutualité, tout en demeurant la base du régime du crédit agricole<br />

était, en France même, puissamment aidée par des avances de<br />

l'Etat et elle ne présentait plus les mêmes risques pour les par<br />

ticipants. Lors de la discussion du renouvellement du privilège<br />

de la Banque de France, en 1897, le gouvernement avait subor<br />

donné ce renouvellement à une contribution au crédit à l'agricul-<br />

(1) Le vœu émis par les Délégations financières était le suivant : « Qu'il<br />

soit créé une banque centrale ayant pour but les prêts à l'agriculture,<br />

dont le capital serait formé par des obligations garanties par l'Etat ou<br />

le Gouvernement de l'Algérie.<br />

Que cette banque, au fur et à mesure des besoins dans les centres agri<br />

coles importants, provoque la création de banques cantonales dont le<br />

capital de garantie, serait constitué par des actions et qui seraient admi<br />

nistrées par des actionnaires, sous leur responsabilité, mais avec le contrôle<br />

d'un inspecteur des finances. »<br />

Voir, en sens contraire, le voeu de M. Lecq. Bulletin de la Société de<br />

Géographie d'Alger 2- trimestre 1901. Ce vœu tendait à la création de<br />

caisses locales.


— — 179<br />

ture sous la double forme d'une avance à l'Etat et de redevances<br />

annuelles. La loi du 31 mars 1899 avait décidé que ces sommes<br />

seraient attribuées à titre d'avances sans intérêt à des caisses<br />

régionales de crédit agricole reposant sur le principe de la mutua<br />

lité. Ces caisses régionales devenaient des intermédiaires entre<br />

les caisses locales de la loi de 1894 et le Trésor. Un principe<br />

venait d'être posé qu'il pouvait être intéressant d'appliquer à<br />

l'Algérie. Dès le mois de juillet 1900, M. Morinaud, député, et<br />

plusieurs de ses collègues, prirent l'initiative du dépôt d'une pro<br />

position de loi tendant à organiser en Algérie des caisses régio<br />

nales, dans les conditions prévues par la loi du 31 mars 1899,<br />

écartant ainsi les projets de création en Algérie d'une centrale<br />

agricole,<br />

que ne recommandaient au surplus ni les souvenirs du<br />

« Crédit agricole » métropolitain de 1860, ni l'exemple récent de<br />

centralisation effectué par la Banque de l'Algérie. Le 8 juillet<br />

1901 fut votée une loi dans laquelle furent fondus le_ texte de la<br />

proposition Morinaud et celui d'un projet élaboré par le gouver<br />

nement. Elle instituait en Algérie des caisses régionales de crédit<br />

mutuel agricole ayant pour but « de faciliter les opérations<br />

concernant l'industrie agricole, effectuées par les membres des<br />

sociétés locales de crédit agricole mutuel de leur circonscription '<br />

et garanties par ces sociétés ». Ces caisses devaient escompter<br />

des effets souscrits par les membres des sociétés locales et<br />

endossés par ces sociétés ;<br />

elles pouvaient faire à ces sociétés<br />

les avances nécessaires pour la constitution de leur fonds de<br />

roulement ; le montant des avances ne devant pas excéder le<br />

quadruple du capital versé en espèces. L'Etat était autorisé à<br />

mettre à la disposition de ces caisses régionales des sommes<br />

importantes sans intérêt,<br />

et ces caisses régionales étaient char<br />

gées de venir en aide avec ces ressources aux caisses locales. Un<br />

arrêté du gouverneur général était prévu pour fixer les moyens<br />

de contrôle et de surveillance à exercer sur les caisses régionales,<br />

et la loi précisait les dispositions essentielles à insérer dans les<br />

statuts, notamment en ce qui concerne le maximum des dépôts à<br />

recevoir en comptes courants et le maximum des bons à émettre,<br />

lesquels, réunis, ne peuvent excéder les trois quarts du montant<br />

des effets en portefeuille.<br />

Le crédit agricole se trouvait désormais organisé dans des


— - 180<br />

conditions qui, dans la pensée des dirigeants de la Banque de<br />

l'Algérie, devaient écarter de celle-ci toute sollicitation nouvelle<br />

concernant l'escompte de papier d'immobilisation agricole puis<br />

que les caisses de crédit mutuel pouvaient recevoir les fonds<br />

provenant des avances ou des contributions de la Banque. Le<br />

directeur Lafon prit aussitôt à ce sujet une attitude très nette<br />

destinée à couper court à toute discussion nouvelle sur ce point.<br />

Lorsque le gouverneur général Jonnart appelait son attention sur<br />

les colons agriculteurs dont certains se trouvaient dans une<br />

situation digne d'intérêt et justifiant quelques ménagements, il<br />

répondait que jusqu'à ce jour la Banque avait usé de tous les<br />

ménagements et donné tous les concours possibles, mais que,<br />

désormais, après le renouvellement du privilège, la question était<br />

bien nette : ce n'est pas la Banque de l'Algérie qui doit faire<br />

le crédit agricole. En conséquence,<br />

elle ne développerait plus les<br />

relations avec les comptoirs d'escompte. Si M. Jonnart insistait,<br />

rappelant que les Délégations financières avaient mis au renou<br />

vellement deux conditions : la première, le versement d'une<br />

somme pour le crédit agricole ; la seconde, l'accès du papier<br />

agricole aux guichets de la Banque et, s'il demandait à celle-ci,<br />

tout en reconnaissant qu'il ne fallait pas retomber dans les<br />

erreurs passées, de maintenir son concours aux comptoirs, dont<br />

la liquidation systématique entraînerait de graves conséquences,<br />

le directeur répondait que le Parlement français n'avait pas suivi<br />

sur ce point les Délégations financières et répétait que le crédit<br />

agricole restait désormais interdit à la Banque de l'Algérie, Sous<br />

cette forme absolue, adoptée pour donner toute sa force à une<br />

affirmation de principe, la Banque n'entendait écarter en fait<br />

que le papier agricole ne présentant pas les conditions statu<br />

taires.<br />

Une certaine inquiétude se manifestait dans les milieux inté<br />

ressés sur la portée de l'exclusive prononcée par la Banque et<br />

par les pouvoirs publics. « L'esprit qui a présidé au renou<br />

vellement de notre privilège, disaient les censeurs lors de la<br />

dernière assemblée tenue à Alger,<br />

la nature des opérations de la Banque. La limitation de l'es<br />

semble s'être attaché à limiter<br />

compte au seul papier d'affaires est une réalité immédiate. Un<br />

tel résultat ne sera peut-être pas atteint sans difficultés. Il nous


INDUSTRIE VINICOLE<br />

1890


- 181<br />

—<br />

paraît indispensable que les colons qui, jusqu'à présent, étaient<br />

habitués à considérer la Banque de l'Algérie comme la grande<br />

dispensatrice de tous les crédits sans distinction,<br />

puissent trou<br />

ver auprès des caisses agricoles, dont l'établissement est attendu<br />

si impatiemment, les avances que, désormais, elle ne pourra plus<br />

faire. »<br />

La doctrine, établie par le Parlement dans des termes généraux<br />

et admise par la Banque, était bien que le papier d'immobilisa<br />

tion devait être écarté des escomptes et que le papier agricole,<br />

revêtant le plus souvent ce caractère, devait être particulièrement<br />

surveillé avant son admission, de façon à ne prendre place dans<br />

le portefeuille que s'il remplissait les conditions de mobilité<br />

requises. L'attitude très nette prise par le directeur de la Banque<br />

n'excluait pas, en fait, une application libérale des principes ainsi<br />

posés et, en 1901, M. Lafon pouvait dire : « A l'égard de l'agri<br />

culture, base des plus importantes transactions,<br />

notre concours<br />

n'a cessé d'être bienveillant, inspiré du désir d'atténuer les consé<br />

quences des circonstances économiques particulièrement diffici<br />

les qu'elle traverse... Le montant des engagements des comptoirs<br />

d'escompte est en augmentation et les chiffres constituent des<br />

preuves évidentes de notre attachement à cette race laborieuse<br />

des colons qui fait la force et l'honneur de la colonie... Bien que<br />

les sacrifices consentis nous affranchissent des obligations du<br />

crédit agricole,<br />

notre assistance dans l'avenir continuera à se<br />

manifester envers le producteur algérien,<br />

développement et de fécondité,<br />

source généreuse de<br />

sous toutes les formes qui peu<br />

vent concilier nos sympathies avec le crédit du billet de banque,<br />

dont la sûreté et la garantie importent avant tout à la com<br />

munauté algérienne. »<br />

Ainsi devait, peu à peu,<br />

* *<br />

s'élaborer une doctrine et se créer<br />

la banque<br />

une pratique établissant entre les diverses formes de crédit DJL joôo^wsftf<br />

agricole des distinctions justifiées et laissant encore à la<br />

Banque de l'Algérie et aux établissements de crédit une part<br />

importante de collaboration avec l'agriculture, qui est à la base<br />

de l'activité économique algérienne.<br />

12


SON<br />

PRIVILÈGE<br />

EST ÉTENDU<br />

A LA RÉGENCE<br />

DE TUNIS.<br />

— — 182<br />

Malgré les difficultés qu'elle rencontrait, malgré les incidents<br />

et les complications provenant de la liquidation du passé, et en<br />

particulier de la gestion laborieuse et décevante de la Société<br />

Domaniale, le redressement de la Banque réorganisée s'affirmait<br />

au point qu'en 1903 M. Lafon pouvait se féliciter de la recons<br />

titution de la réserve statutaire qui n'avait pas nécessité plus<br />

de trois ans et demi.<br />

La Banque avait, entre temps, largement étendu en Algérie<br />

le réseau de ses agences qui, en 1905,<br />

en dehors des succursales<br />

d'Alger, Oran, Constantine, Tlemcen, Bône, Philippeville, comp<br />

tait douze bureaux auxiliaires, dont le plus ancien, celui de Blida,<br />

datait de 1891.<br />

Elle avait reconquis la confiance de tous et elle pouvait enfin<br />

réaliser un projet prévu dans la loi de 1900,<br />

en étendant son<br />

privilège d'émission à la Tunisie. Par un décret du 8 janvier 1904<br />

possesseur du royaume de<br />

« Mohamed El Hadj Pacha Bey,<br />

Tunis ; désireux de favoriser le développement économique de la<br />

Régence ; après s'être assuré de l'assentiment du gouvernement<br />

français », autorisa la Banque de l'Algérie à s'installer dans la<br />

Régence de Tunis, avec le privilège d'émission de billets payables<br />

au porteur et à vue pour la même durée que celle prévue par la<br />

loi française. Il était stipulé que les billets émis en Tunisie<br />

devaient être revêtus d'une estampille spéciale indiquant leur<br />

origine tunisienne. La Banque consentait une avance d'un million<br />

au trésor beylical et s'engageait à verser au protectorat une<br />

redevance annuelle égale, en fait, au tiers de celle qui était payée<br />

à l'Etat français. Le 7 mars le gouvernement français autorisait,<br />

par décret, la Banque de l'Algérie à créer des établissements et<br />

à émettre des billets dans la Régence et réglementait, par ana<br />

logie avec le régime algérien, les droits de nomination, de contrôle<br />

et de surveillance réservés au ministre des Finances.<br />

Faisant allusion à cet événement devant l'assemblée des action<br />

naires de 1904, M. Lafon disait : « Nous continuerons de toutes<br />

nos forces la grande œuvre entreprise en favorisant l'essor des<br />

transactions avec la Métropole, avec nos deux voisines affection<br />

nées : l'Italie par la Tunisie, l'Espagne par l'Oranie, en rendant<br />

nos opérations de plus en plus faciles et accessibles au com<br />

merce. »


— - 183<br />

Au delà même de l'Oranie, la Banque de l'Algérie entrevoyait<br />

Je Maroc et étudiait en 1905 le moyen d'y faire éventuellement<br />

circuler ses billets ; elle créait à Nemours, puis à Lalla-Marnia,<br />

des bureaux dont la durée fut d'ailleurs éphémère, comme le fut<br />

à cette époque l'espoir de voir les événements favoriser l'unifi<br />

cation bancaire de l'Afrique du Nord.<br />

Le crédit a joué un rôle des plus actifs dans la colonie au<br />

cours de la longue période que nous venons de passer en<br />

revue. Commencée pendant les heures tragiques d'une guerre<br />

d'où la patrie devait sortir meurtrie, puis d'une insurrection de<br />

tribus encore insuffisamment conscientes de la force et des<br />

bienfaits de la France, cette période s'est poursuivie pendant que<br />

la Métropole recouvrait elle-même son indépendance et sa pros<br />

périté et que l'Algérie se développait avec une rapidité extraor<br />

dinaire, transformait sa culture,<br />

créait cet admirable vignoble<br />

qui constitue aujourd'hui un des éléments les plus productifs<br />

de sa richesse (1).<br />

La part du crédit dans ce développement de l'Algérie fut-elle<br />

excessive ? M. Charles Benoist dans son Enquête algérienne,<br />

a pu dire en 1892 : « On a gaspillé le crédit. On n'a pas attendu<br />

que l'emprunteur se présentât ; on est allé devant lui, jusque<br />

chez lui. On a promené le crédit dans la rue,<br />

on l'a porté à<br />

domicile. Diverses raisons peuvent être invoquées comme expli<br />

cation ou excuse. D'abord, la concurrence des banques contrain<br />

tes de solliciter le client, ensuite l'exceptionnelle richesse du sol<br />

qui formait le gage, le magnifique avenir promis à la colonisa<br />

tion et notamment les espérances sans bornes que fit naître<br />

l'introduction ou le développement de la viticulture. Les sociétés<br />

de crédit eurent leurs placiers, leurs commis-voyageurs, et ne se<br />

(1) « La vigne, depuis vingt ans, rapporte à l'Algérie des sommes d'ar<br />

gent énormes, elle a fait une révolution économique et même morale, elle<br />

a changé l'atmosphère, exalté la joie de vivre et la fièvre d'entreprendre ;<br />

elle a fait pousser Alger en ville champignon. Tout cela, bien entendu, aux<br />

proportions de l'Algérie qui n'est pas l'Amérique. Maia enfin cette expan<br />

sion subite, quelle qu'elle ait été, fut l'œuvre de la vigne. » E. F. Gau<br />

tier, Les siècles obscurs du Maghreb. (Payot, Paris 1927).<br />

DE S7[<br />

rôle du<br />

'


— — 184<br />

montrèrent pas sévères sur les références. Elles ne demandèrent<br />

pas si le colon était solvable ou ne l'était pas ; il leur suffit qu'il<br />

fût propriétaire à titre définitif. Ce système a été suivi par des<br />

particuliers nantis de sommes plus ou moins fortes. Les résultats<br />

ont été désastreux. Voilà où on en est venu avec des intentions<br />

pures. »<br />

Il y eut, en réalité, à cette époque,<br />

un brusque déséquilibre<br />

entre les besoins de crédit des colons et l'organisation même du<br />

crédit en Algérie. Un entraînement général masqua aux plus<br />

sages les difficultés que créait ce déséquilibre. On ne chercha<br />

pas à mettre au point et à compléter cette organisation insuf<br />

fisante et l'on crut que la Banque d'émission pouvait porter le<br />

poids de tout le crédit foncier, commercial, industriel. C'était<br />

une lourde erreur. La Banque elle-même, partageant l'enthou<br />

siasme général,<br />

se laissa convaincre qu'elle pouvait impunément<br />

la commettre : en agissant ainsi, elle a rendu aux colons un ser<br />

vice que ceux-ci ne sauraient méconnaître, mais qui s'est retourné<br />

à la fois contre elle-même, comme il arrive d'ordinaire lorsqu'une<br />

institution s'écarte des principes sur lesquels elle repose, et<br />

contre certains des bénéficiaires de son action, comme il arrive<br />

également lorsque l'avenir sert de gage au crédit plus que les<br />

réalités présentes.


LA BANQUE DE L'ALGÉRIE,<br />

CHAPITRE VI<br />

DE 1906 A 1914<br />

LE CRÉDIT ET LA MONNAIE<br />

Prospérité de l'Algérie en 1906. Rétablissement définitif de la situa<br />

tion dk la Banque de l'Algérie. Maintien du privilège de la Banque en<br />

1911 .<br />

Le<br />

Crédit de 1906 a 1914 : Crédit commercial, crédit agricole.<br />

Crise de 1912. Situation économique de l'Algérie a la veille de la<br />

guerre de 1914. La fortune de L'Algérie en 1914. La circulation moné<br />

taire ET FIDUCIAIRE EN ALGÉRIE AU DÉBUT DE 1914. La MONNAIE ALGÉRIENNE<br />

en Tunisie en 1914. La monnaie algérienne au Maroc en 1914. L'Algérie<br />

était en plein progrès au début de 1914.


La crise de crédit qui avait suivi les excès des années anté<br />

rieures peut être considérée comme terminée en 1906, et l'avenir<br />

s'annonçait comme devant être très favorable à l'Algérie. Le com<br />

merce extérieur général allait atteindre, dès cette même année,<br />

728 millions, alors que dix ans auparavant il ne dépassait guère<br />

549 millions.<br />

La Banque de l'Algérie, dont M. Emile Moreau, inspecteur des<br />

Finances, prit à cette date la direction, devait trouver dans son<br />

organisation nouvelle la souplesse nécessaire pour répondre aux<br />

besoins de crédit de la colonie, tout en observant un scrupuleux<br />

respect de ses statuts. Elle pouvait, malgré la tension monétaire<br />

et la cherté de l'argent qui se manifestaient sur la plupart des<br />

places financières, éviter d'élever le taux de l'escompte et mainte<br />

nir les conditions modérées dont elle faisait bénéficier le com<br />

merce. .<br />

*<br />

* *<br />

La première tâche du nouveau directeur fut de parachever<br />

celle de son prédécesseur. Avec la netteté de son esprit et la<br />

précision de ses volontés, il ne tarda pas à procéder en quelque<br />

sorte à la toilette de la Banque ; il trancha, le plus tôt qu'il<br />

le put, certaines affaires qui traînaient, provoqua la liquidation<br />

amiable de la Société Domaniale, dont l'exploitation était<br />

déficitaire, fit vendre un important domaine qui servait de gage<br />

à une créance d'un montant élevé, effectua dans le bilan les<br />

amortissements nécessaires et, ayant ainsi libéré la Maison de<br />

toute lourde trace du passé, il s'attacha à la mettre en situation<br />

d'obtenir, dans les conditions de dignité et d'indépendance qui<br />

convenaient à la Banque d'émission de l'Algérie, c'est-à-dire d'un<br />

pays devenu majeur, le maintien de son privilège qui pouvait<br />

être remis en question en 1911 (1).<br />

(1) L'article 1er de la loi du 5 juillet 1900 avait prorogé le privilège jus<br />

qu'au 31 décembre 1920, mais en stipulant que « néanmoins une loi votée<br />

par les deux Chambres dans le cours de l'année 1911 pourrait faire cesser<br />

le privilège à la date du 31 décembre 1912. » (Voir page 173).<br />

PROSPÉRITÉ<br />

DE L'ALGÉRIE<br />

EN 1906.<br />

RÉTABLISSE<br />

MENT<br />

DÉFINITIF DE<br />

LA SITUATION<br />

DE LA BANQUE<br />

DE L'ALGÉRIE.


— 188<br />

-<br />

Il acquit d'abord la liberté d'action nécessaire, en assurant<br />

une augmentation du capital de la Banque, porté par la loi du<br />

11 avril 1907 au chiffre actuel de 25 millions,<br />

et en faisant décider<br />

que la limite d'émission pourrait être élevée par décrets jusqu'à<br />

300 millions. Il s'attacha aussitôt après à donner une vive impul<br />

sion aux affaires de la Banque « estimant qu'il est à la fois<br />

conforme à l'intérêt général et à l'intérêt particulier de celle-ci<br />

de permettre l'accès direct de ses guichets à tous ceux qui le<br />

méritent par leur crédit et leur honorabilité ».<br />

A l'assemblée des actionnaires de 1910, il expliquait ainsi quelle<br />

fut alors sa politique : « La Banque, en étendant son champ<br />

d'action, avait eu un double but : faire pénétrer de plus en plus<br />

dans les milieux indigènes l'usage du billet et de la saine mon<br />

naie et combattre le fléau de l'usure... Il est remarquable que<br />

le seul fait de l'installation de la Banque de l'Algérie dans une<br />

contrée quelconque provoque immédiatement une baisse de taux<br />

de l'intérêt qui varie de 1 % à 2 % et quelquefois davantage,<br />

notamment en Tunisie... C'est que votre établissement ne se<br />

borne pas à réescompter le portefeuille des banques métropolitai<br />

nes et locales travaillant en Algérie et en Tunisie. Il admet direc<br />

tement à ses guichets toutes personnes présentant les condi<br />

tions déterminées par ses statuts. Vos carnets d'engagements<br />

révèlent que, sur 2.470 cotes de crédit ouvertes à vos guichets,<br />

613 ne sont pas supérieures à 10.000 francs et 1.042 à 20.000<br />

francs. De sorte que,<br />

malgré la différence apparente existant<br />

entre les taux officiels d'escompte en France et en Algérie, le<br />

taux réel payé par le petit producteur et même par le commer<br />

çant moyen doit être à peu près équivalent des deux côtés de<br />

la Méditerranée et inférieur à celui qui est pratiqué dans nom<br />

bre de vieux pays européens.... Pour favoriser les exportations,<br />

nous avons maintenu, envers et contre tous, à un taux très infé<br />

rieur au taux officiel, l'escompte du papier sur France et du<br />

papier payable en or à l'étranger. »<br />

Par le taux modéré que la Banque consentait, cette politique<br />

avait une heureuse répercussion dans tout le pays et les banques<br />

particulières, succursales de grands établissements de crédit<br />

métropolitains, banques locales, anciens comptoirs, que de sages


— — 189<br />

directions avaient maintenus après la tourmente (1), organismes<br />

agricoles naissants,<br />

particuliers même faisant de la banque au<br />

jour le jour pour s'assurer un placement de fonds rémunérateur,<br />

devaient suivre l'exemple donné par la Banque de l'Algérie et<br />

le taux de leurs services était maintenu par là même à un chiffre<br />

peu élevé (2), tandis que se resserrait peu à peu le domaine de<br />

l'usure (3).<br />

*<br />

* *<br />

Dès le début de janvier 1911, le gouvernement décidait de pro<br />

fiter de la latitude que lui avait réservée la loi du 5 juillet 1900<br />

pour reviser les conditions imposées à la Banque. Il fit ouvrir,<br />

par les soins du Gouvernement général de l'Algérie, une enquête<br />

auprès des groupements intéressés au sujet des facilités nou<br />

velles qui pourraient être demandées à la Banque,<br />

en faveur du<br />

commerce, de l'industrie et de l'agriculture. Cette vaste enquête<br />

fut entièrement favorable à la Banque de l'Algérie.<br />

L'exposé des motifs du projet de loi concernant le maintien<br />

du privilège s'exprime ainsi à ce sujet : « L'enquête ordonnée<br />

par le gouvernement, sur l'initiative du Ministre des Finances,<br />

(1) Les comptoirs d'escompte subsistant alors étaient ceux de l'Arba,<br />

Douera, Marengo, Médéa, Rouïba, dans le département d'Alger ; Batna<br />

et Caisse Agricole et Commerciale de Guelma dans celui de Constantine ;<br />

Lourmel, Relizane, Sidi-bel-Abbès, Saint-Denis-du-Sig, dans le départe<br />

ment d'Oran.<br />

(2) Pour rendre cette influence plus efficace, la Banque créait encore<br />

de nouveaux bureaux : Tiaret (1907), Sidi-bel-Abbès (1908), Aïn-Témou<br />

chent, Saïda et Bordj-Bou-Arréridj (1910).<br />

(3) La liberté du taux de l'intérêt conventionnel avait disparu de la<br />

législation algérienne en 1898. A la suite d'une enquête provoquée en 1894<br />

par le Procureur de la République d'Alger et après étude par le Conseil<br />

du Gouvernement (rapport Bouragnet, 7 décembre 1894) et avis des divers<br />

Ministères intéressés, un décret fut rendu le 29 janvier 1898 limitant à<br />

10 % le taux conventionnel de l'intérêt en matière civile seulement ; mais,<br />

sur un amendement présenté par MM. Saint-Germain et Thomson, la loi<br />

de Finances du 13 avril 1898 fixa, dans ses articles 60 à 63, à 8 % le<br />

maximum du taux de l'intérêt, tant en matière commerciale qu'en matière<br />

civile et déclara applicable à l'Algérie la loi du 19 décembre 1850 sur<br />

l'ufv.re, bien que cette loi eût été abrogée in parte qua en France par la<br />

loi du 12 janvier 1886. (Cf. A. Girault, Principes de colonisation et de légis<br />

lation commerciale et Archives Nationales F. 80. 1762.) La législation<br />

algérienne donna ainsi à la Justice des armes dont celle-ci ne manqua<br />

pas de se servir pour combattre l'usure lorsqu'elle se manifestait sous des<br />

formes qui la mettaient jusqu'alors à l'abri de son action.<br />

MAINTIEN DU<br />

PRIVILÈGE<br />

DE LA BANQUE<br />

EN 1911.


— 190 —<br />

le 3 janvier 1911, à l'occasion de la dénonciation éventuelle du<br />

privilège, auprès des chambres de commerce et des groupements<br />

de la colonie leur a permis de formuler divers vœux dont nous<br />

donnons ici le résumé.<br />

« La Chambre d'Alger a demandé l'allocation par la Banque<br />

d'une subvention annuelle destinée à continuer à l'étranger<br />

l'œuvre de recherche de nouveaux débouchés pour les produits de<br />

la colonie. La Chambre d'Oran a formulé un vœu analogue en<br />

proposant comme chiffre de la subvention 150.000 francs. La<br />

Chambre de Mostaganem a demandé une dotation en faveur de<br />

l'établissement du crédit hypothécaire à la petite propriété et une<br />

redevance spéciale pour faciliter l'application de la loi du 26 fé<br />

vrier 1909 sur la coopération agricole. La Chambre de Bougie<br />

a proposé la création d'avances en comptes courants à intérêts<br />

réciproques aux départements,<br />

communes et chambres de com<br />

merce pour l'exécution de travaux intéressant le développement<br />

de la colonie. La même Chambre a demandé que la Banque<br />

escomptât plus largement le papier des caisses régionales de<br />

crédit agricole sans les obliger de remettre en garantie des<br />

valeurs acquises sur les avances de l'Etat. Quant aux Chambres<br />

de Constantine et de Bône,<br />

plement le statu quo.<br />

elles ont demandé purement et sim<br />

« Certains des vœux présentés par les chambres de commerce<br />

ne sont susceptibles d'aucune suite, notamment en ce qui con<br />

cerne les prêts hypothécaires et les avances aux départements<br />

et aux établissements publics. Une banque d'émission ne saurait<br />

entreprendre d'opérations de cette nature sans mettre en danger<br />

la sécurité et la mobilité du gage donné à sa circulation fidu<br />

ciaire ; d'ailleurs, la courte durée du privilège de la Banque, qui<br />

prend fin dans neuf ans, lui interdirait de toute manière des<br />

prêts à long terme. Il est impossible de prescrire à la Banque<br />

d'accueillir sans garantie le papier des caisses agricoles ; la<br />

liberté d'appréciation de l'établissmeent en cette matière doit<br />

être entièrement réservée. »<br />

La Banque étudia les résultats de cette enquête avec le double<br />

souci de répondre aux désirs légitimes des représentants du<br />

commerce de la colonie et de ne pas s'écarter des principes<br />

généraux qui dominent son institution. Elle y apporta un esprit


— — 191<br />

d'autant plus large que la reconstitution de puissantes réserves<br />

« la mettait en mesure de se départir un peu de ses rigueurs<br />

habituelles et d'admettre certaines dérogations à ses statuts dans<br />

le but d'aider la colonie à développer son commerce d'exporta<br />

tion » (1).<br />

La loi du 29 décembre 1911, qui confirma le privilège, contint<br />

certaines dispositions destinées à répondre en partie aux vœux<br />

des chambres et aux tendances plus libérales marquées par la<br />

Banque.<br />

C'est ainsi que celle-ci fut autorisée à faire certaines opéra<br />

tions destinées à faciliter les transactions du commerce exté<br />

rieur : escompte d'effets payables à l'étranger et dans les colonies<br />

françaises, dont l'échéance maxima de cent jours peut être allon<br />

gée des délais de route (sans toutefois que le total des opérations<br />

de cette nature puisse dépasser le double du montant des réser<br />

ves) ; opérations de change sur les monnaies étrangères traitées<br />

pour les besoins de la clientèle ; droit de créer,<br />

en vertu de<br />

décrets rendus sur la proposition du Ministre des Finances et<br />

après avis conforme du Ministre des Affaires étrangères, des<br />

agences dans les pays étrangers qui entretiennent des relations<br />

commerciales particulières avec l'Algérie et la Tunisie. La Ban<br />

que devait, en outre, créer de 1912 à 1920 quatre établissements<br />

nouveaux.<br />

Enfin l'Etat substituait à la redevance forfaitaire, prévue par<br />

une redevance proportionnelle au montant des<br />

la loi de 1900,<br />

billets constituant la partie de la circulation excédant l'ensemble<br />

des encaisses en numéraire. Le minimum annuel en était fixé<br />

a 750.000 francs. L'Etat se faisait consentir une avance com<br />

plémentaire de 2 millions (2) destinée à la colonie et il imposait<br />

à la Banque de l'Algérie,<br />

(1) La Banque demanda,<br />

ble, l'autorisation :<br />

comme il l'avait fait pour la Banque<br />

sans obtenir sur ce point de réponse favora<br />

1° D'ouvrir des comptes-courants à intérêts réciproques aux exporta<br />

teurs ;<br />

2° de consentir des prêts sur marchandises remises en nantissement ;<br />

3° de prêter même sur des valeurs non admises par la Banque de France<br />

(en dehors des valeurs algériennes visées à l'article 2 de ses statuts).<br />

Ces diverses demandes, considérées comme contraires aux règles aux<br />

quelles les banques d'émission doivent se soumettre, furent écartées.<br />

(2) Ce qui portait le total des avances à 5 millions.


LE CREDIT<br />

DE 1906 A 1914.<br />

CRÉDIT<br />

COMMERCIAL.<br />

— — 192<br />

de France, l'obligation d'exécuter gratuitement une série d'opé<br />

rations de caisse destinées à alléger la tâche des comptables<br />

du Trésor.<br />

D'autre part, la Banque recouvra la disposition de ses béné<br />

fices,<br />

en ce sens que les répartitions de dividendes cessèrent<br />

d'être soumises à l'approbation préalable du Ministre des Finan<br />

ces (1).<br />

La limite d'émission fut portée à 250 millions avec faculté<br />

pour le gouvernement de l'élever par décrets jusqu'à 400 mil<br />

lions (2).<br />

*<br />

* *<br />

La Banque de l'Algérie fut, à cette époque,<br />

secondée dans<br />

sa tâche non seulement par les différentes banques installées<br />

en Algérie (Compagnie Algérienne, Crédit Foncier d'Algérie et<br />

de Tunisie, Crédit Lyonnais, Comptoirs d'escompte locaux, Ban<br />

que Thibaut),<br />

mais encore par de nouveaux établissements de<br />

crédit métropolitains qui ouvrirent, en 1913, des agences en<br />

Algérie : la Société Générale et la Société Marseillaise.<br />

Le gouvernement se préoccupait, d'autre part, de favoriser le<br />

crédit commercial,<br />

en réglementant les nantissements de fonds<br />

de commerce qui donnaient lieu à bien des abus (3) , et le crédit<br />

(1) Sauf au cas où ces répartitions entraîneraient, sur le montant de la<br />

réserve extraordinaire, un prélèvement ayant pour conséquence de faire<br />

descendre le montant des réserves, tant ordinaire, qu'extraordinaire et<br />

immobilière, au-dessous de 25 millions, chiffre qu'elles atteignaient au<br />

bilan du 31 octobre 1911.<br />

(2) Le Gouvernement tunisien, s'appuyant sur les concessions faites par<br />

la Banque de l'Algérie, demanda et obtint que de nouveaux avantages<br />

similaires lui fussent également consentis.<br />

(3) La loi du 1" mars 1898 avait ajouté à l'article 2075 du Code Civil<br />

une disposition spécifiant que tout nantissement d'un fonds de commerce<br />

devait à peine de nullité vis-à-vis des tiers être inscrit sur un registre<br />

tenu au greffe du Tribunal de Commerce. Ce texte du Code civil applica<br />

ble à l'Algérie, se révéla insuffisant. Une nouvelle loi intervint en 1909<br />

pour régler la question en même temps que celle des ventes de fonds de<br />

commerce ; elle disposa notamment que les marchandises ne pourraient<br />

plus désormais être comprises dans les nantissements.<br />

Les Délégations financières (juin 1911) adoptèrent un vœu ayant pour<br />

objet de rendre applicable cette loi à l'Algérie, tout en faisant toutes<br />

réserves sur l'utilité d'étendre à la colonie une loi si peu satisfaisante<br />

dans son principe que la modification en était déjà proposée dans la<br />

Métropole. La loi de 1909 fut en effet modifiée par celles des 31 juillet<br />

1913, 22 mars 1924 et 12 juillet 1925. Elle ne fut étendue à l'Algérie que<br />

le 1" janvier 1926.


— 193<br />

—<br />

agricole, en améliorant, par la loi du 30 avril 1906,<br />

19 juillet 1898 qui avait institué les warrants agricoles.<br />

celle du \<br />

Mais c'est le crédit agricole mutuel qui tenait la plus grande<br />

place dans les préoccupations des Algériens. Il s'organisait peu<br />

à peu. Si la loi de 1901 n'avait pas rencontré dans la colonie,<br />

dès le premier jour, l'adhésion de tous les intéressés, et si, à<br />

la veille du vote de cette loi, les Délégations financières avaient<br />

émis un vœu témoignant que l'idée de la création d'une banque<br />

agricole était demeurée chère à beaucoup de colons (1),<br />

il n'en<br />

est pas moins vrai que les caisses régionales s'étaient constituées<br />

en nombre imposant.<br />

Ce résultat était d'autant plus intéressant que la situation du<br />

colon algérien, surtout au début de la colonisation,<br />

n'était pas<br />

comparable à celle de l'agriculteur métropolitain. Celui-ci, déten<br />

teur d'une vieille propriété venant de ses ancêtres, œuvre len<br />

tement perfectionnée de plusieurs générations de laborieux<br />

cultivateurs attachés à un sol généralement favorisé par la<br />

nature,<br />

est assuré d'une certaine régularité dans le rendement<br />

annuel de sa terre, les écarts qui se produisent d'une année<br />

sur l'autre ne dépassant que très exceptionnellement les prévi<br />

sions fondées sur des moyennes depuis longtemps observées.<br />

Il vit dans un village ou à proximité d'un centre lui offrant<br />

de multiples ressources qui, rendant son travail plus aisé, dimi-<br />

nuent,[par là même, certains de ses besoins.<br />

Le colon algérien, au contraire, a dû créer son exploitation,<br />

appeler sa terre à la vie, édifier les bâtiments, constituer outillage<br />

(1) Le vœu des Délégations financières était ainsi conçu :<br />

Qu'il soit sursis au vote du projet de loi sur l'organisation du crédit<br />

agricole en Algérie... afin d'y<br />

vantes :<br />

permettre l'introduction des mesures sui<br />

1° Qu'U soit créé à bref délai et au capital minimum de trois millions<br />

une Banque centrale de Crédit agricole avec succursales dans les loca<br />

lités où elles seront jugées nécessaires ;<br />

2° Qu'il soit fait remise à cette Banque centrale de l'avance de trois<br />

millions et des redevances annuelles versées par la Banque de l'Algérie ;<br />

3° Que les opérations de cette banque, limitées au crédit de campagne<br />

avec crédit de 9 à 12 mois de date, soient placées sous le contrôle de l'Etat;<br />

4°<br />

Qu'elle assure le réescompte du papier agricole provenant des insti<br />

tutions locales de crédit, basées ou non sur le principe de la mutualité,<br />

avec taux de faveur pour les caisses mutuelles ;<br />

5° Qu'il soit accordé à cette Banque centrale un privilège s'étendant<br />

au tiers des récoltes annuelles, jusqu'à due concurrence des prêts annuels<br />

qui auraient été consentis.<br />

crédit<br />

AGRICOLE.


—<br />

— 194<br />

et cheptel en entier ; la nature, par contre,<br />

ne lui assure ni une<br />

récolte immédiate, ni un rendement régulier. Il est généralement<br />

souvent loin des centres et devant tout faire lui-même.<br />

isolé,<br />

Il lui faut, par suite, pour s'établir, se maintenir, se développer,<br />

des capitaux parfois élevés et il n'est jamais certain de pouvoir<br />

rembourser ceux qu'il emprunte sur les produits de sa récolte<br />

annuelle.<br />

C'est dans ce milieu où l'individualisme régnait et semblait<br />

être le ressort principal de l'activité productrice, où,<br />

en cas de<br />

difficultés, l'appel à l'Etat providence était le recours normal,<br />

qu'il fallut, par une intense propagande, faire pénétrer l'idée<br />

d'une mutualité agissante. A vrai dire, il ne s'agissait guère<br />

effectivement d'une mutualité d'ordre pécuniaire,<br />

qui eût été<br />

insuffisante pour mettre à la disposition des intéressés les res<br />

sources dont ils avaient besoin. Mais au principe de la mutualité<br />

sont liés la notion de l'intérêt corporatif commun et l'esprit de<br />

coopération. C'est en ce sens principalement que les caisses agri<br />

coles peuvent être rattachées à la mutualité et justifient leur<br />

nom de caisses de crédit mutuel. Par ailleurs, elles assurent à<br />

leurs adhérents bien plus le secours de l'Etat que le concours<br />

de leurs pairs, et, à cet égard, si certains intéressés pouvaient<br />

être inquiets du principe de mutualité inscrit à la base de la<br />

législation nouvelle, la participation de l'Etat était de nature à<br />

!es rassurer et à leur inspirer confiance.<br />

Le Comité de propagande et de patronage des caisses locales<br />

du crédit agricole, créé en 1900 et comprenant surtout les fon<br />

dateurs des caisses régionales, s'employa utilement à développei<br />

l'esprit de coopération agricole et il y réussit pleinement.<br />

Peut-être le souvenir des anciens comptoirs d'escompte et des<br />

services qu'ils avaient rendus à la viticulture et à l'agriculture<br />

en général ne fut-il pas étranger au succès de la propagande<br />

entreprise. Déjà les comptoirs créés après la crise de 1885 avaient<br />

été un peu considérés par la Banque de l'Algérie comme des<br />

sociétés de crédit mutuel et M. Nelson-Chiérico disait, en par<br />

lant de l'un d'eux en 1889 : « C'est bien moins une société de<br />

crédit à proprement parler qu'une sorte de société de crédit<br />

mutuel gérée et administrée par ses pairs. » L'éducation des<br />

colons avait donc déjà pu être préparée par ces comptoirs et leur


- 195<br />

—<br />

esprit était acquis au principe de l'institution locale du crédit,<br />

s'il n'était guère encore accoutumé aux idées de mutualité et de<br />

coopération agricoles.<br />

Nous avons bien trouvé trace de ces idées,<br />

qui ont inspiré<br />

plus d'un apôtre, à diverses reprises à travers l'histoire du crédit<br />

depuis l'origine même de la colonisation française, mais il fallut,<br />

pour les rendre actives, toute la foi qui animait la propagande<br />

entreprise par les fondateurs des caisses régionales.<br />

Aussi, tandis qu'en France les intéressés avaient formé depuis<br />

longtemps d'actifs syndicats agricoles, que des caisses locales<br />

s'étaient créées avant que les pouvoirs publics se fussent sérieu<br />

sement occupés d'organiser le crédit agricole par la base, et que,<br />

par suite, les caisses régionales furent superposées à des caisses<br />

locales existantes et à d'autres qui étaient en voie de formation,<br />

il en fut tout différemment en Algérie. Dans la colonie,<br />

les caisses régionales qui ont —<br />

presque<br />

partout —<br />

précédé<br />

ce sont<br />

les<br />

caisses locales et ce sont les fondateurs mêmes des caisses régio<br />

nales qui ont, en fait, à défaut de syndicats agricoles dont il<br />

n'existait qu'un petit nombre,<br />

créé et organisé les cellules pri<br />

maires. En 1900, il n'existait pas de caisses locales en Algérie en<br />

dehors du département d'Oran où il s'en trouvait neuf (1). En<br />

1906, on en comptait 124, et en 1913, 259 comprenant 15.283<br />

adhérents.<br />

L'action créatrice exercée par les caisses régionales et par<br />

leurs fondateurs réduisit peut-être alors les caisses locales à un<br />

rôle plus effacé qu'en France. « Trop souvent, disait en 1909<br />

le gouverneur général, la caisse locale ne joue pas le rôle actif<br />

et principal qui lui est dévolu par la loi dans le fonctionnement<br />

du crédit mutuel. Certaines caisses régionales ont tendance à<br />

considérer la caisse locale comme un rouage inutile et même<br />

gênant et, ne pouvant le supprimer,<br />

nement. »<br />

en annihilent le fonction<br />

Peu à peu cette tendance disparut et, en 1914, le crédit agricole<br />

mutuel représentait déjà une organisation qui donnait naissance<br />

à bien des espérances et dont les résultats acquis étaient fort<br />

intéressants.<br />

(1) Cf. Emile Cuniac, Le crédit agricole en Algérie, Paris 1903.


196 —<br />

crise de 1912. Comme l'Algérie est tributaire de récoltes qui poussent sur<br />

*<br />

* *<br />

un sol inégalement et irrégulièrement arrosé et soumis aux<br />

variations d'un régime de vents inconstants, la grande prospérité<br />

dont elle jouit et qui, observée dans le temps,<br />

suivre d'une manière continue,<br />

périodes brusques de dépression. D'autre part,<br />

paraît se pour<br />

est parfois traversée par des<br />

comme elle n'est<br />

pas assurée de trouver chaque année sur son propre sol les den<br />

rées ahmentaires qui lui sont nécessaires, elle est placée vis-à-vis<br />

du monde entier, sinon dans une dépendance, du moins dans un<br />

état de solidarité qui grandit avec sa prospérité même, parce<br />

que celle-ci accroît ses besoins. Dès cette époque cette solidarité<br />

devenait plus étroite en raison du développement des échanges<br />

internationaux et l'Algérie ressentait plus directement, en dehors<br />

des crises qui lui sont propres, le contre-coup des crises inter<br />

nationales.<br />

Habitués à user largement du crédit, à compter sur les bonnes<br />

années à venir qui ne peuvent manquer de compenser un jour<br />

les pertes ressenties au cours des mauvaises, bien des colons ne<br />

se rendaient pas compte de ces perpétuelles menaces et plus<br />

d'un s'écartait des règles de la prudence et d'audacieux devenait<br />

téméraire.<br />

L'année 1910 avait été particulièrement favorable pour la<br />

colonie ; les récoltes, mauvaises en Europe,<br />

avaient été fort<br />

belles en Algérie. Céréales et raisins furent produits en abon<br />

dance et les colons purent profiter des hauts prix que provoquait<br />

la raréfaction générale du blé en Europe et du vin en France.<br />

Ils réalisèrent ainsi des bénéfices fort élevés et la balance du<br />

commerce fut, exceptionnellement, cette année-là,<br />

en faveur de<br />

l'Algérie. Il en résulta dans la colonie un afflux de capitaux dont<br />

l'abondance se manifesta par un accroissement très sensible des<br />

dépôts dans les banques ; ces dépôts ne tardèrent pas à s'em<br />

ployer —<br />

en dehors de quelques achats de caractère somptuaire,<br />

comme il s'en produit partout en pareil cas —<br />

dans<br />

des acquisi<br />

tions de nouveaux terrains, dans des travaux de mise en valeur<br />

du sol, dans l'amélioration du matériel de culture, dans des cons<br />

tructions d'immeubles ruraux et urbains.


I<br />

*<br />

au; ej< .<br />

LES MONNAIES EN 1911<br />

OH


— — 197<br />

C'est, en effet, un des traits caractéristiques du tempérament<br />

de l'Algérien de consacrer la presque totalité de ses bénéfices à<br />

étendre son domaine et à développer ses moyens de production ;<br />

c'esi grâce à cette disposition d'esprit qu'il a si rapidement et<br />

si heureusement créé tant de richesses en Algérie. Mais<br />

l'inconvénient de cette pratique est de provoquer une hausse<br />

continue des prix du sol et de l'outillage qui élève peu à peu le<br />

prix de revient des produits ainsi multipliés et réduit la mn^ge<br />

de bénéfices. Il faut donc perfectionner encore les méthodes pour<br />

augmenter les rendements, améliorer les qualités,<br />

assurer de<br />

meilleurs débouchés. Le colon algérien ne néglige rien pour<br />

accroître son activité productrice et, par là même, il développe<br />

constamment ses besoins en capitaux ou en crédit (1). Cet état<br />

d'esprit comporte parfois des excès qui engendrent des spécula<br />

tions inconsidérées. L'année 1911 s'en ressentit, mais, malgré<br />

les orages politiques et économiques qui s'amoncelaient en<br />

Europe,<br />

mande d'Agadir,<br />

malgré la crise provoquée par la manifestation alle<br />

l'Algérie maintint sa situation calme et pros<br />

père, sans éprouver immédiatement le contre-coup de la hausse<br />

générale du taux de l'escompte en Europe.<br />

Il ne devait pas en être de même en 1912. Cette hausse de<br />

l'escompte,<br />

que la guerre balkanique, succédant aux incidents<br />

d'Agadir, avait singulièrement accentuée, ne pouvait pas laisser<br />

insensibles les capitaux employés en Algérie. Ils en subirent bien-<br />

(1) « Il y a un lien étroit entre la viticulture et la Banque. La vigne<br />

n'atteint son plein rendement que quatre ou cinq ans après la plantation.<br />

Lorsqu'elle est en plein rendement, les frais sont énormes, surtout depuis<br />

que les maladies parasitaires exigent des sulfatages, des traitements chi<br />

miques préventifs. Si le colon était un paysan de chez nous, il s'en tire<br />

rait sans assistance. Mais le colon n'est pas un paysan de chez nous. Il<br />

compte ses hectares par dizaines et son fonds de roulement dépasse ses<br />

possibilités personnelles. Son fonds de roulement n'est pas à lui, il l'em<br />

prunte à la Banque. Il est vrai que, à la récolte, il fait bon an mal an<br />

d'énormes bénéfices excédant sa dette de beaucoup. S'il était sage, il arri<br />

verait à se constituer par l'épargne son propre fonds de roulement. Mais<br />

U ne peut pas être sage. Autour de lui, dans ce pays neuf, trop de terres<br />

en friches le sollicitent. Il est paysan par l'amour passionné de la terre,<br />

mais c'est un paysan aventureux. Il enfouit son bénéfice dans ses entre<br />

prises nouvelles, il s'endette davantage pour gagner plus. Ce sont là des<br />

sentiments très louables ;<br />

cela s'appelle l'esprit d'initiative. Mais la viti<br />

culture ainsi comprise devient matière éminemment spéculative. » (E. F.<br />

Gauthier, Le phénomène colonial de Boufarik, Revue de Paris, l°r novem<br />

bre 1929).<br />

13


— 198 —<br />

tôt l'attraction et les dépôts des Banques, comme les fonds<br />

métropolitains avec lesquels celles-ci travaillaient en partie, tra<br />

versèrent la Méditerranée et vinrent chercher en France et à<br />

l'Etranger une rémunération plus élevée. Les banques réescomp<br />

tèrent plus largement leur portefeuille à la Banque de l'Algérie<br />

de façon à maintenir à leur clientèle le concours qu'elles lui don<br />

aux fonds provenant des dépôts<br />

naient. Elles substituèrent ainsi,<br />

locaux ou de la Métropole, le crédit que leur assurait la Banque<br />

de l'Algérie par ce réescompte.<br />

Cette substitution n'entraînait aucun accroissement de la cir<br />

culation des billets, puisque les crédits faits aux colons par l'en<br />

semble des banques demeuraient les mêmes, mais les engage<br />

ments de la Banque n'en augmentaient pas moins d'un montant<br />

égal à celui de cette substitution. Le rapatriement en France des<br />

fonds jusqu'alors employés dans la colonie se traduisait par une<br />

augmentation dans l'émission des mandats-postaux sur la Métro<br />

pole, et le compte-courant du Trésor enflait, tout naturellement,<br />

par suite de l'accroissement de l'excédent de ces émissions sur les<br />

paiements (1).<br />

La situation devenait d'autant plus préoccupante qu'aux<br />

influences d'ordre général international,<br />

qui retournaient la<br />

balance des comptes, venaient s'ajouter les effets d'une récolte<br />

médiocre, déficitaire pour les céréales. La balance commerciale<br />

défavorable aggravait les difficultés de règlement et contribuait<br />

à grossir encore le solde exceptionnellement important du compte<br />

du Trésor . (2) Le<br />

commerce en général ressentait fâcheusement<br />

les effets de la crise et il fallait redouter les dangers auxquels<br />

entraîne l'abus du crédit.<br />

La Banque de l'Algérie dut élever le taux de l'escompte pour<br />

provoquer à la fois une diminution des demandes de crédit et un<br />

nouvel apport des capitaux dans la Colonie. De leur côté, la Com-<br />

(1) Voir chapitre IX.<br />

(2) Le Gouvernement, gêné dans sa trésorerie métropolitaine par l'im<br />

portance de ce solde immobilisé, demanda à la Banque de le rembourser<br />

à Paris et la Banque de France consentit à escompter une partie du por<br />

tefeuille de la Banque de l'Algérie, de façon à assurer à celle-ci des<br />

disponibilités immédiates en France. Mais finalement, ces mesures, se révé<br />

lant insuffisantes, la Banque de l'Algérie dut recourir à des expéditions<br />

de numéraire ; 12 millions d'or fu.ent ainsi expédiés par elle d'Algérie en<br />

France le 13 janvier 1914 (V. ch. IX).


— — 199<br />

pagnie Algérienne et le Crédit Foncier d'Algérie et de Tunisie<br />

procédèrent à des augmentations de capital,<br />

qui accrurent leurs<br />

ressources liquides, et l'emploi -de ces fonds par leurs agences de<br />

l'Afrique du Nord contribua à redresser la situation (1).<br />

Le Directeur général de la Banque expliqua en ces termes,<br />

le rôle que celle-ci dut remplir à ce moment : « L'opinion publi<br />

que, grisée par le rapide développement du pays, s'abandonnait<br />

à une complète quiétude. Une spéculation inconsidérée portait<br />

le prix des propriétés rurales et urbaines à des taux exorbitants<br />

et abusait du crédit sous toutes les formes, surtout dans l'indus<br />

trie du bâtiment. Le commerce de gros, si sage, si pondéré à<br />

l'ordinaire,<br />

se laissait peu à peu aller à proroger les échéances<br />

de ses débiteurs au delà des limites habituelles. Partout on cons<br />

tatait une diminution de l'épargne et un développement de<br />

l'amour du luxe... En outre des conseils et des avis qu'elle pro<br />

diguait depuis plusieurs mois à ses amis et à ses clients, la<br />

Banque de l'Algérie aurait pu refuser le papier à ses guichets :<br />

elle a préféré élever le taux de son escompte... Quant aux facilités<br />

d'escompte,<br />

nos clients ont continué à les trouver à nos guichets<br />

plus larges que jamais. Nous nous sommes bornés à refuser<br />

impitoyablement le papier de spéculation et principalement le<br />

papier basé sur des opérations immobilières,<br />

nous attachant à<br />

renfermer nos crédits directs et spéciaux dans l'ancienne et nor<br />

male formule des crédits de campagne. » (2).<br />

L'Algérie, dont le ressort est très grand,<br />

sortit de cette crise<br />

sans souffrance appréciable ; le bilan de la Banque, en juin 1914,<br />

indiquait le retour à une situation parfaitement normale (3).<br />

(1) Toute cette crise a été étudiée par M. Avenol, inspecteur des<br />

finances, devenu depuis secrétaire-général-adjoint de la Société des<br />

Nations, dans un article publié par la Revue des Sciences Politiques le<br />

15 décembre 1916.<br />

(2) Compte-rendu du Conseil d'administration de la Banque de l'Algérie<br />

à l'Assemblée générale des actionnaires. — 1913.<br />

(3) La Banque continuait à augmenter son réseau d'agences dans les<br />

conditions prévues, en ouvrant les bureaux de Saint-Denis-du-Sig, Bizerte,<br />

Aïn-Beïda, Aumale, Maison-Carrée (1911-1912).


SITUATION<br />

ÉCONOMIQUE<br />

DE L'ALGËRIE<br />

A LA VEILLE<br />

DE LA GUERRE<br />

DE 1914.<br />

200<br />

*<br />

* *<br />

A la veille des événements qui devaient marquer tragiquement<br />

l'année 1914, la situation économique de l'Algérie était donc des<br />

plus prospères.<br />

D'immenses progrès avaient été accomplis depuis l'époque où<br />

le drapeau français avait été planté à Sidi-Ferruch. Certes, ces<br />

progrès étaient dus à la vaillance de cette armée d'Afrique qui<br />

avait surmonté les premières difficultés et payé de son sang la<br />

pacification du pays qu'elle n'avait cessé d'étendre jusqu'au cœur<br />

du Sahara. Ils étaient dus à l'administration française qui avait<br />

su mettre en valeur la colonie, assurer ses communications, main<br />

tenir l'ordre et la justice,<br />

et dont la sage pohtique rapprochait<br />

les divers éléments ethniques réunis dans la colonie, les associant<br />

tous à la prospérité générale. Ils étaient dus à ces admirables<br />

colons dont les premières générations ont succombé, générale<br />

ment vaincues par la maladie et par une lutte inégale contre la<br />

nature, mais dont la mort a assuré la vie des générations<br />

suivantes ; ils étaient dus aux successeurs de ces pionniers de<br />

l'époque héroïque, qui à leur tour ont repris et revivifié la<br />

vieille terre africaine et lui ont rendu sa fertihté. Ils étaient dus<br />

à tous ceux, industriels, commerçants et agriculteurs, qui étaient<br />

venus dans la colonie avec la volonté d'y travailler, ayant pour<br />

guide ce mélange de bon sens et de goût d'aventures qui carac<br />

térise une grande partie de la race française.<br />

Mais il ne faut pas négliger le rôle important que le crédit a<br />

joué pendant la même période ; il fut souvent le levier nécessaire<br />

et toujours un instrument utile aux mains de ces hommes d'ac<br />

tion. Sans lui, leurs efforts auraient été encore plus durs et les<br />

résultats plus lentement acquis (1).<br />

Ceux dont on pouvait faire état en 1914 étaient remarquables.<br />

Les tableaux ci-dessous peuvent en donner quelque idée.<br />

(1) Voir la série de conférences données par la Société des Anciens Elè<br />

ves et Elèves de l'Ecole libre des sciences politiques sur Une œuvre fran<br />

çais* : l'Algérie. Paris-Alcan 1929.


Années<br />

1851 <br />

1870 (2)<br />

1895 (3)<br />

1906<br />

1913<br />

— - 201<br />

I. POPULATION ET COMMERCE<br />

POPULATION<br />

INDIGÈNE<br />

2.140.815<br />

2.125.052<br />

3.781.622<br />

4.477.792<br />

4.740.526<br />

Population<br />

POPULATION<br />

EUROPÉENNE<br />

155.123<br />

291.173<br />

578.907<br />

680.259<br />

752.043<br />

(1) Recens' terminé en 1854. (2) Année 1871. (3) Recens'<br />

Commerce extérieur (spécial)<br />

Années Importations Exportations Total<br />

Total<br />

2.295.938<br />

2.416.225<br />

4.360.529<br />

5.158.051<br />

5.492.569<br />

de 1891.<br />

Par<br />

habitant<br />

1851 64 millions de fr. 20 millions de fr. 84 m. 36fr.60<br />

1870 153 -<br />

1895 255 -<br />

1906 401 -<br />

1913 667 -<br />

ANNÉES<br />

1871-1875 (moyenne ann.).<br />

1891-1895<br />

1901-1905<br />

1906<br />

1913<br />

—<br />

—<br />

98<br />

284<br />

280<br />

501<br />

-<br />

-<br />

-<br />

-<br />

Mouvement des ports<br />

251<br />

539<br />

681<br />

1.168<br />

NAVIRES<br />

chargés entrés<br />

et sortis<br />

8.452<br />

7.160<br />

8.264<br />

7.798<br />

10.193<br />

—<br />

-<br />

-<br />

—<br />

104<br />

fr. 30<br />

123fr.62<br />

132<br />

fr.02<br />

212fr,67<br />

TONNAGE EFFECTIF<br />

1.923.300<br />

4 275 510<br />

6.497.779<br />

7.060.616<br />

13.081.655


1895<br />

1906<br />

1913<br />

ANNÉES<br />

1851<br />

1870<br />

189:.<br />

1906<br />

1913-14<br />

ANNÉES<br />

ANNÉUS<br />

NOMBRE<br />

des sociétésde crédit<br />

métropolitaines<br />

ou étrangères<br />

existant a Alger<br />

»<br />

2<br />

."><br />

5<br />

6<br />

— — 202<br />

Chemins de fer<br />

KILOMÈTRES<br />

exploités<br />

296 Km.<br />

2.905<br />

3 169<br />

3.337<br />

II. BANQUES<br />

Nombre de Banques<br />

NOMBRE<br />

des Agences<br />

de ces<br />

Sociétés en<br />

Algérie<br />

»<br />

2<br />

17<br />

62<br />

109<br />

RECETTES<br />

2.397.297<br />

24.817.666<br />

39 014.156<br />

58.127.793<br />

NOMBRE<br />

des<br />

sièges<br />

de la Banque de l'Algérie<br />

1<br />

4<br />

10 dont 4 Bureaux<br />

16-10 —<br />

25-19 —<br />

Effets da Commerce escomptés et remis à l'encaissement<br />

NOMBRE<br />

des efets<br />

escomptés<br />

a la Banque de l'Algérie li<br />

MONTANT<br />

des effets escomptés<br />

NOMBRE<br />

des elTels<br />

remis<br />

à l'encais<br />

sement<br />

•MONTANT<br />

des effets remis<br />

a l'encaissement<br />

fr fr.<br />

1852 11 906 8.755.964 13.487 8.381.648<br />

1870 178 757 153.151.647 44.577 22.2S7.517<br />

1895 343 249 434.499 121 146.612 55.338.215<br />

1906 794.119 846. 505. 213 395.133 146.573.614<br />

1913 1 213.102 1 840.262 279 575.234 283.558 193<br />

(1) Les renseignements statistiques étant pour le passé insuffisants en<br />

ce qui concerne les mouvements des autres banques, nous nous bornons.


203<br />

Mouvement des caisses de la Banque de l'Algérie<br />

ANNÉES Billets Numéraire Totaux<br />

ANNÉES<br />

PAIEMENTS<br />

fr. fr. fr.<br />

1852 4 096.450 8.880.388 12.976.838<br />

1870 198.881.300 75.892.279 274.773 579<br />

1895 517.750.265 22.672.634 540.422.899<br />

1906 1.373.477.780 133 434 662 1.506 932.442<br />

1913 3 250.593.080 294 513.831 3.545.106 911<br />

RECETTES<br />

1852 6 248 500 7.265.283 13.513.783<br />

1870 207.485.075 62.902.214 270.387.289<br />

1895 526.290.380 21 560.792 547.851.172<br />

1906 1.381. 269. 3S0 136.638 614 1.517.907.964<br />

1913 3.273.930.030 289.798 972 3 563.729.002<br />

III. PRODUCTIONS DU SOL (1)<br />

Céréales. —<br />

CÉRÉALES<br />

Vignes<br />

VIGNES<br />

Superficie Production Superficie Production<br />

hectares hectares hectolitres<br />

1853 121.658 965.775 hl. » »<br />

1870 1.727.315 12 575 905 qx. 12.516 127.094<br />

1895 2.75* 682 13.984 306 -<br />

Î906 2 821.755 21.471 366 —<br />

1913 3.070.195 24 661 829 —<br />

119.730<br />

174<br />

174.942<br />

4.502 371<br />

0'J5 7.347.149<br />

7.370 449<br />

à relever les chiffres certains des mouvements à la Banque de l'Algérie.<br />

Toutefois il y a lieu de noter qu'on pouvait évaluer, pour les autres prin<br />

cipales banques à un total de 1.134.324 le nombre des effets escomptés<br />

ou remis par elles à l'encaissement en 1906 pour un montant global de<br />

633.367.122 francs, tandis que ces chiffres s'élevaient en 1913 respective<br />

ment à 3.383.997 et à 1.997.277.124 francs.<br />

(1) Les statistiques officielles ne donnent pas pour les premières années<br />

de la colonisation des indications assez complètes ou assez concordantes


ANNÉES<br />

Tabac —<br />

— 204<br />

Oliviers<br />

TABAC OLIVIERS<br />

Superficie Production Nombre Production<br />

Hectares Qnintaax Hectolitres<br />

1851 447 3.093 (i) 98.000<br />

1870 4.291 35.002 » 118.623<br />

1895 7.943 47.203 6.016.422 127.555<br />

1906 7.459 61. 576 6.533.664 439.865<br />

1913 10.213 103.967 6.307.577 359.521<br />

pour permettre de dresser un tableau des développements de l'ensemble<br />

des produits du sol. Mais elles mettent en lumière quelques chiffres carac<br />

téristiques qui doivent être rapprochés de ceux que nous avons relevés<br />

ici.<br />

C'est ainsi que le nombre des arbres fruitiers s'élevait en 1896-97 à<br />

11.519.032, en 1905-1906 à 12.928.323 et en 1912-1913 à 14.956.034.<br />

Dans ces nombres, l'ensemble bananiers, orangers, citronniers, manda<br />

riniers comptait respectivement pour 1.849.806, 1.320.165, 1.782.726 ; les<br />

palmiers pour 2.279.574, 3.382.532 et 4.788.923 (dattes exportées : en 1906,<br />

25.022 qx, en 1913, 66.487 qx.)<br />

A ces mêmes époques, les superficies affectées à la culture des pom<br />

mes de terre et à celle des fèves ont varié de la façon suivante :<br />

Pommes de terre<br />

1896-97 13.676 Ha produisant 282.022 qx<br />

190506 14.335 -<br />

1912-13 17.382 -<br />

Fèves<br />

435.512<br />

»<br />

570.539 »<br />

1896-97 32.195 Ha produisant 134.767 qx<br />

1905-06 29.569 -<br />

1912-13 39.775 -<br />

179.144<br />

261.227<br />

»<br />

»<br />

La production de tous les produits alimentaires autres que les céréales<br />

était de 1.146.757 qx pour 73.073 ha. en 1905-1906 et de 1.466.777 qx pour<br />

109.625 ha en 1912-1913. La quantité des légumes frais exportés s'élevait<br />

à 104.809 qx en 1906 et 221.104 qx pendant les seuls dix premiers mois de<br />

1913.<br />

(1) A défaut du nombre, nous pouvons Indiquer la superficie plantée en<br />

oliviers en 1851 : 21.200 hectares.


AN<br />

NÉES<br />

CHE<br />

VAUX<br />

ESPÈCES<br />

asine<br />

et mulas-<br />

sière<br />

— — 205<br />

IV. CHEPTEL VIF<br />

ESPÈCE<br />

bovine<br />

ESPÈCES<br />

ovine<br />

et caprine<br />

CHA<br />

MEAUX PORCS<br />

1870 129 580 246.024 725 469 7.370.519 126.509 48.833<br />

1895 216.636 428 824 1.121.246 11.437 020 255 408 84.068<br />

1906 225.874 446.958 1.078.218 12.759.584 201.752 96.012<br />

1913 216.045 464.438 1.107.593 12.658 540 202 378 112.010<br />

AN<br />

NÉES<br />

NOMBRE<br />

d'ouvriers<br />

MINES<br />

Conces<br />

sions<br />

V. INDUSTRIE<br />

Exploita<br />

tions<br />

MINES<br />

et MINIÈRES<br />

Valeur de<br />

la production<br />

PHOS<br />

PHATES<br />

tonnes<br />

1851 » 11 » » »<br />

1872 1.688 21 6 4 586.980C) »<br />

1895 1.214 51 17 1.288 425(1) 156 857<br />

1906 » 85 41 18.700.000 333.531<br />

1913 10.242 100 56 26.100.000 370.934<br />

*<br />

* *<br />

Il serait intéressant de compléter ces tableaux du développe<br />

ment de l'Algérie par une évaluation des capitaux investis ou<br />

circulant dans la colonie et des revenus de la population euro<br />

péenne et indigène à la veille de la guerre.<br />

Il n'est malheureusement pas possible S'apporter sur ce point,<br />

nous ne dirons pas des précisions, mais des approximations ayant<br />

quelque valeur positive. Ceux qui ont étudié cette question et<br />

qui ont voulu réunir des éléments statistiques n'ont pu en géné<br />

ral que présenter des tableaux incomplets, dans l'établissement<br />

desquels ont dû prendre place bien des hypothèses et des suppo-<br />

(1) Il ne s'agit là que de la valeur de la production des mines. Celle<br />

minières en<br />

des<br />

1895 n'est pas indiquée dans les Statistiques du Gouver<br />

elle était peu importante : 135.000 francs.<br />

nement général. En 1872,<br />

LA FORTUNE<br />

DE L'ALGÉRIE<br />

EN 1914.


- 20ô<br />

—<br />

sitions. Néanmoins quelques études sérieuses et reposant autant<br />

que possible sur une documentation de réelle valeur ont été fai<br />

tes par M. Georges Cochery, rapporteur à la Chambre des Dépu<br />

tés du budget spécial de l'Algérie pour 1909, par M. le Président<br />

Gaston Doumergue,<br />

alors rapporteur au Sénat du budget spé<br />

cial en 1912, par M. le Professeur William Oualid, qui<br />

sxa-<br />

miné en 1910 les chiffres antérieurement réunis et qui en a<br />

ajouté d'autres recueillis ou évalués par lui avec une méthode<br />

scientifique des plus sérieuses,<br />

par M. le Professeur Alglave en<br />

1911, puis par M. le Professeur Chauvin en 1912, enfin par M. le<br />

Délégué financier Ch. Al. Joly, dans le rapport qu'il a présenté<br />

aux Délégations financières en 1913,<br />

au nom de la commis<br />

sion des finances chargée d'examiner le budget pour l'exercice<br />

1914 (1).<br />

M. W. Oualid avait très justement remarqué combien était<br />

imparfaite la documentation dont il pouvait disposer en 1910.<br />

Ce n'est, en effet,<br />

qu'à partir du moment où l'autonomie finan<br />

cière commença à être accordée à l'Algérie que celle-ci sentit<br />

l'intérêt « de procéder à une analyse attentive et approfondie<br />

du capital actuel de ses habitants, tant européens qu'indigènes ».<br />

« Nous nous sommes heurtés, dès l'abord, dit M. Oualid, à des<br />

difficultés spéciales à l'Algérie. Elles nous ont interdit l'emploi<br />

de toutes les méthodes généralement utilisées dans cet ordre de<br />

recherches, à savoir l'évaluation directe et l'annuité successo<br />

rale ». Cette dernière méthode était inutilisable en Algérie<br />

« faute de connaître les transmissions héréditaires de chaque<br />

année et par suite de la différence essentielle des modes de dévo<br />

lutions successorales indigène et européenne. Force nous a donc<br />

été de nous borner à la première sans nous dissimuler les dan<br />

gers d'un procédé unilatéral d'investigation en l'absence d'un<br />

contrôle par une méthode parallèle ».<br />

(1) Cf. Cochery. Rapport sur le budget spécial de l'Algérie pour 1909.<br />

— Documents parlementaires. Chambre des députés. G. Doumergue. Rap<br />

port sur le budget spécial de l'Algérie pour 1913. Documents parlemen<br />

— taires Sénat. William Oualid. La fortune mobilière de l'Algérie. Bulle<br />

tin de la réunion des études — algériennes, janvier, février 1910. La for<br />

tune immobilière de l'Algérie. Revue d'économie politique, mai 1910.<br />

Chauvin, articles parus dans — l'Echo d'Alger en 1912-1913. Ch. Al. Joly.<br />

Rapport général sur le budget de 1914. Délégations financières algérien<br />

—<br />

nes, session de mai 1913. Alglave, La fortune privée en Algérie, La<br />

France Africaine, décembre 19U,


— — 207<br />

Nous ne prétendons point apporter ici une méthode nouvelle,<br />

ni des résultats différents de ceux auxquels est arrivé M. Joly,<br />

après MM. G. Cochery, W. Oualid et G. Doumergue ; nous nous<br />

bornerons à essayer de dégager de ces études et des statistiques<br />

officielles de l'Algérie, quelques conclusions qui ne doivent pas<br />

être prises comme ayant une valeur certaine, mais qui peuvent,<br />

dans l'ensemble, être retenues à titre indicatif.<br />

On peut, pensons-nous, considérer qu'à la veille de la grande<br />

guerre, la fortune de l'Algérie, abstraction faite des richesses<br />

minières, exploitées ou non,<br />

se composait des éléments suivants :<br />

1° Valeurs mobilières : de 250 à 300 millions (1) ;<br />

2° Meubles meublants : environ 230 millions ;<br />

3° Numéraire (Espèces métalliques en Algérie) : environ 80<br />

ou 90 millions (2) ;<br />

4° Dépôts de fonds dans les banques, livrets de Caisses d'épar<br />

gne, de la Caisse Nationale des Retraites, Sociétés Indigènes de<br />

Prévoyance : de 375 à 425 millions (3) ;<br />

5° Valeur des fonds de commerce et des capitaux industriels:<br />

de 250 à 300 millions (4).<br />

6° Cheptel vif: Environ 750 millions (5);<br />

7° Propriété foncière non bâtie: 1.200 à 1.700 millions (6);<br />

(1) Le chiffre le plus voisin des réalités, en raison des documents sur<br />

lesquels il s'appuyait est celui que M. Oualid a établi pour 1907 et qu'il<br />

évaluait à 225.725.000 francs. La progression continue de la richesse de<br />

l'Algérie en valeurs mobilières, entre 1907 et 1914, justifie le chiffre que<br />

nous fixons entre 250 et 300 millions.<br />

(2) Nous retenons le chiffre de 80 millions en évaluant à une dizaine de<br />

millions les espèces thésaurisées.<br />

(3) Le chiffre donné par M. Gaston Doumergue pour l'année 1912 repose<br />

sur des données certaines et il s'élève, pour les seuls dépôts en Banque à<br />

367.267.593 francs.<br />

(4) Le capital industriel, compte non tenu de la valeur des fonds de<br />

commerce, était évalué en 1912 par M. Ch. Al. Joly à 250 millions.<br />

(5) L'évaluation de M. Ch. Al. Joly était, pour 1912, de 754 millions,<br />

M. Oualid retenait en 1910 le chiffre de 427 millions. Un tableau récapitu<br />

latif du Gouvernement général pour 1911 donne 714 millions. Nous avons<br />

pris comme base de notre évaluation le chiffre de M. Joly, qui s'appuie<br />

sur des données statistiques que ne possédait pas M. Oualid.<br />

(6) Il est très difficile de fixer un chiffre un peu précis, M. Gaston Dou<br />

mergue attribuait en 1911, à l'ensemble des terres cultivées ou non, une<br />

valeur de 1-66Q millipps ayant un revenu de 953 millions. M. Ch. Joly,


— 208 —<br />

8° Propriété bâtie : de 2.000 à 2.500 millions (1) ;<br />

9° Constructions agricoles et matériel agricole: de 400 à 450<br />

millions (2) ;<br />

10° Flotte : 5 millions.<br />

Le total varierait donc approximativement entre plus de 5 mil<br />

liards 1/2 et plus de 6 milliards 1/2.<br />

Evaluant pour l'année 1906 les mêmes éléments,<br />

mais en se<br />

limitant souvent aux biens possédés seulement par les colons.<br />

M. G. Cochery obtenait un résultat approchant de 3 milliards,<br />

et M. W. Oualid, faisant état des chiffres de l'année 1909 et éten<br />

dant son étude aux biens possédés par les indigènes, arrivait au<br />

total de 5 milliards 251 millions ; M. Ch. Al. Joly retenait pour<br />

1912 le chiffre de 5 milliards 260 millions.<br />

Un des traits caractéristiques de la composition de la fortune<br />

de l'Algérie est le faible rapport existant entre le montant des<br />

valeurs mobilières et la valeur totale des biens meubles et im<br />

meubles et, en particulier, de la propriété foncière.<br />

Cette proportion qui, en France, était vers cette époque éva<br />

luée pour l'ensemble à 32,5 % et, par rapport aux biens fonciers<br />

à 73,7 %,<br />

n'atteignait en Algérie respectivement qu'environ<br />

4,50 et 6 % : « Cette énorme différence, dit M. Oualid, trouve<br />

sa raison d'être dans un certain nombre de causes dont il est<br />

intéressant de dégager brièvement les principales. Il serait juste,<br />

au préalable, de ne mettre en parallèle dans notre comparaison<br />

admettant pour 1912 un revenu un peu plus élevé, soit 1 milliard, ne leur<br />

attribue qu'une valeur de 1.050.000.000 francs. M. Chauvin arrivait à 1.570<br />

millions, M. Oualid retenait en 1910 le chiffre de 1.543. Il nous semble<br />

que le chiffre de 1.050.000.000 francs est un peu faible, même en consi<br />

dérant que la moitié de la propriété est aux mains des indigènes et que<br />

la propriété indigène a, du fait d'une exploitation moins scientifique, une<br />

valeur inférieure de moitié. Nous n'avons pas fait état des créances ou<br />

des dettes hypothécaires. Elles se compensent en grande partie, prêteurs<br />

comme emprunteurs étant, surtout à cette époque, pour la presque tota<br />

lité Algériens. En mai 1914, M. Joly, rapportant le budget de 1915 devant<br />

les Délégations financières, donne prudemment diverses évaluations con<br />

cernant la dette hypothécaire estimée en 1912 par M. G. Doumergue à<br />

près de 800 millions.<br />

(1) M. G. Doumergue évaluait la propriété urbaine en 1912 à 1.569 mil<br />

lions, M. Alglave, en 1911, à 2 milliards, M. Oualid, en 1910, au même<br />

chiffre, que M. Joly a retenu pour 1913.<br />

(2) M. Joly donnait pour 1912 le chiffre de 401 millions.


— 209 -<br />

des deux éléments mobilier et immobilier de la richesse, que la<br />

part de propriété immobilière européenne. La possession de<br />

valeurs mobilières est chose complètement ignorée des indigènes.<br />

Quant aux Européens, leur répugnance pour les valeurs mobi<br />

lières à des motifs d'ordre psychologique et d'autres plus<br />

proprement économiques. A l'ignorance appartient la première<br />

place : ignorance qui fait considérer la terre comme la richesse<br />

essentielle et voue au mépris la « res mobilis » et plus encore<br />

la simple représentation fiduciaire de biens qui échappent aux<br />

yeux de leurs porteurs, mais ignorance aussi qu'excuse et justifie<br />

l'importance de la propriété foncière en une contrée exclusive<br />

ment agricole. De plus, l'Algérie est le pays des fortunes nou<br />

velles. Les nécessités économiques, à leur tour, sont loin d'être<br />

négligeables. Les capitaux en formation trouvent, à peine cons<br />

titués, un emploi rémunérateur dans les placements immobi<br />

liers... » (1).<br />

Un autre trait caractéristique de la composition de la fortune<br />

algérienne est la faible part qu'y tenait l'industrie à cette date.<br />

M. Georges Cochery disait à ce propos en 1908 : « Le Gou<br />

vernement général estime à environ 214 millions le capital créé<br />

par l'industrie (bâtiments et outillage). A part quelques heu<br />

reuses exceptions, la fabrique Altairac, à Maison-Carrée, et quel<br />

ques rares autres manufactures importantes, malgré le bon<br />

marché du charbon, malgré la présence de la matière première,<br />

la grande industrie n'existe pas en dehors des exploitations<br />

(1) W. Oualid Op. cit. ■— En<br />

fait, la valeur des titres en possession des<br />

Algériens n'a cessé de s'accroître au cours de cette période, c'est ainsi<br />

que le produit de la taxe sur le revenu des valeurs mobilières passa de<br />

275.000 francs en 1907 à 705.000 francs en 1913. Mais la tendance signa<br />

lée par M. Oualid s'est maintenue jusqu'à présent. Il existe en Algérie<br />

une étroite concordance entre la valeur des exportations de céréales et<br />

de vins au cours d'une période déterminée et les achats d'immeubles<br />

effectués au cours de cette période ou immédiatement après. En 1912,<br />

par exemple, la valeur des exportations considérées a atteint 284.102.000<br />

francs ; celle qui a servi de base à la perception des droits de mutation<br />

d'immeubles en 1913 s'est élevée à 212.077.000 francs. En 1927, la valeur<br />

des exportations étant de 1.589.729 francs, celle des mutations immobiliè<br />

res représentait, en 1928, 896.431.000 francs. Dans la période intermédiaire,<br />

chaque année, on retrouve à peu près le même parallélisme, que font net<br />

tement apparaître notamment les chiffres des années 1919-20 et 1920-21,<br />

qui sont respectivement de 777 millions à l'exportation contre 638.421.000<br />

francs pour les mutations et de 311.411.000 francs contre 308.210.000.<br />

(Voir page 197).


LA CIRCULA<br />

TION MONÉ<br />

TAIRE ET<br />

FIDUCIAIRE<br />

DE L'ALGÉRIE<br />

AU DÉBUT<br />

DE 1914.<br />

— — 210<br />

minières. En 1905, sur 32.000 établissements en activité, près<br />

de 19.000 occupaient des patrons travaillant seuls. La population<br />

ouvrière, comprenant 82.000 têtes,<br />

à raison de trois personnes par établissement.<br />

se répartissait en moyenne<br />

« L'industrie minière seule est prospère. Elle comptait, en<br />

1907, 52 exploitations et le produit net imposable des mines en<br />

exploitation était passé, de 1900 à 1907, de 593.110 francs à<br />

4.183.466 francs. Malheureusement beaucoup de ces entreprises<br />

sont entre des mains étrangères, anglaises et belges. Celles,<br />

d'ailleurs,<br />

qui sont exploitées par des métropolitains sont égale<br />

ment loin de laisser tous leurs profits dans la colonie. »<br />

*<br />

* *<br />

La gestion de cette fortune de l'Algérie, la mise en valeur du<br />

sol, l'importance des transactions courantes entraînaient un mou<br />

vement de monnaies toujours plus grand.<br />

Bien qu'une part chaque jour plus importante des paiements<br />

fût réglée par écritures, la circulation des billets de la Banque<br />

de l'Algérie ne cessait de s'accroître. Elle dépassait,<br />

émis en Algérie seulement, 200 millions,<br />

en billets<br />

et à cette circulation<br />

de monnaie fiduciaire s'ajoutait une circulation relativement<br />

importante en espèces métalliques, sinon d'or,<br />

guère, du moins d'argent et de billon.<br />

qu'on ne voyait<br />

Il est assez difficile d'évaluer le numéraire qui était utilisé<br />

pour les payements et de dénombrer celui qui était thésaurisé.<br />

M. G. Cochery disait, à ce sujet,<br />

en 1908 : « Le numéraire est<br />

certainement bien plus abondant qu'il ne l'était il y a dix ans.<br />

On ne voit plus se reproduire qu'avec une faible intensité les<br />

crises monétaires dont on se plaignait autrefois périodiquement<br />

dans l'intérieur de la colonie. L'installation de nombreux bureaux<br />

auxiliaires par la Banque de l'Algérie à Souk-Ahras, à Guelma,<br />

à Orléansville, à Mascara, à Tiaret, à Bel-Abbès, et dans d'autres<br />

localités moins importantes par la Compagnie Algérienne et le<br />

Crédit Foncier, ont été pour beaucoup dans la diffusion de la<br />

monnaie métallique à travers la colonie. Mais c'est surtout le


- 211<br />

-<br />

développement de la production et de l'activité des échanges<br />

qui y<br />

a appelé des stocks plus importants.<br />

« Depuis 1897, il a été importé en Algérie environ 33.373.000<br />

francs de monnaie française, dont 23.850.000 francs par la Ban<br />

que de l'Algérie et 9.523.000 francs directement par le Trésor.<br />

Comme, d'autre part, l'encaisse métallique de la Banque a<br />

diminué en Algérie (il a augmenté en Tunisie) de 10.160.000<br />

francs, c'est à 43.533.000 francs que ressort le numéraire versé<br />

pendant ces dix dernières années dans la circulation ; sur ces<br />

43.533.000 francs, environ 1.900.000 francs sont dans les caisses<br />

du Trésor, 7.000.000 francs ont été rapatriés en France par la<br />

Banque de l'Algérie et environ 1.300.000 francs de pièces<br />

anciennes démonétisées ont été retirées par le Ministère des<br />

Finances. Il reste donc une somme d'environ 33.300.000 francs<br />

qui, depuis dix ans, est venue accroître la circulation monétaire<br />

métallique algérienne.<br />

« Peut-être une faible partie de cette monnaie a-t-elle été<br />

enfouie dans les silos, suivant la coutume de moins en moins<br />

répandue des Arabes habitant loin des villes. Peut-être des<br />

bijoutiers juifs indigènes ont-ils passé quelques douros au creu<br />

set, à l'instigation d'Arabes retardataires. L'obligation pour les<br />

fidèles se rendant en pèlerinage à La Mecque de justifier de<br />

la possession de 1.000 francs est probablement aussi la cause<br />

d'un certain drainage de numéraire hors de l'Algérie. Mais, pour<br />

la plus grande part, les 33 millions de francs venus de France<br />

en écus et en monnaies divisionnaires sont restés dans la circu<br />

lation pour faciliter les échanges qui s'effectuent au jour le<br />

jour plus nombreux dans la colonie. »<br />

M. Oualid a remarqué que, dans le mouvement des caisses, re<br />

cettes et dépenses, malgré quelques resserrements passagers, une<br />

certaine constante existait dans les rapports entre les sommes<br />

encaissées ou payées en numéraire et celles encaissées ou payées<br />

en billets ; ayant établi,<br />

la Banque de l'Algérie,<br />

d'après les mouvements des caisses de<br />

que ce rapport constant était d'environ<br />

13 % entre la monnaie fiduciaire et la monnaie métallique, il<br />

concluait en 1910 que la quantité de numéraire en circulation<br />

devait être d'environ 18.200.000 francs. De son côté, l'Adminis<br />

tration des monnaies a procédé à des sondages périodiques dans


- 212<br />

-<br />

la circulation. Le résultat de ces sondages,<br />

sans s'écarter sen<br />

siblement de ceux auxquels le raisonnement avait conduit<br />

M. Oualid, fait ressortir un pourcentage inférieur à 13 %.<br />

En nous fondant sur les chiffres de la circulation de 1913-1914<br />

et en tenant compte des observations de M. Oualid et des cons<br />

tatations faites au cours des sondages de l'Administration des<br />

monnaies,<br />

nous pensons pouvoir évaluer à une vingtaine de<br />

millions la quantité de numéraire or et argent circulant en<br />

Algérie à la veille de la guerre. Les monnaies de billon « indis<br />

pensables à un pays de salaires peu élevés et de population pau<br />

vre, monnaies qui, moins souvent que celles de plus de valeur,<br />

rentrent dans les caisses des banques » doivent majorer ce<br />

chiffre d'environ 4 à 5 millions. A ces sommes il faut ajouter<br />

le montant de l'encaisse métallique de la Banque de l'Algérie,<br />

existant en Algérie même, à l'exclusion de la Tunisie, soit<br />

44.250.000 francs et une somme très difficile à apprécier repré<br />

sentant les espèces thésaurisées que nous évaluerons,<br />

nous devons le reconnaître —<br />

sans —<br />

pouvoir justifier ce chiffre par<br />

une documentation quelconque, à 10 ou 20 millions. Le total des<br />

espèces or, argent et billon existant en Algérie en 1913-14 devait<br />

être approximativement 80 ou 90 millions.<br />

Les espèces métalliques en circulation comprenaient surtout<br />

des écus et des monnaies divisionnaires d'argent, ainsi que des<br />

monnaies de billon ; l'or y tenait une place encore plus faible<br />

même qu'en Tunisie ou au Maroc et infiniment moindre qu'en<br />

France. L'Administration française n'avait introduit que peu<br />

d'espèces d'or dans la colonie ; lorsque la Banque avait dû<br />

importer du numéraire, elle avait fait venir en majeure partie<br />

des écus qui lui étaient plus utiles pour les paiements que l'or<br />

lui-même et qui avaient la même valeur au regard de la couver<br />

ture de ses billets. L'or pénétrait principalement par l'intermé<br />

diaire des négociants et des voyageurs qui avaient à régler des<br />

achats ou des dépenses dans la colonie et cet or ne restait pas<br />

longtemps dans la circulation. Une faible partie en était peut-<br />

être soit thésaurisée, soit fondue par les bijoutiers, mais la<br />

plus grande part entrait dans les caisses de la Banque de<br />

l'Algérie qui le conservait et qui se constitua ainsi une encaisse<br />

s'élevant, en juillet 1914, à 15.529.460 francs, malgré un envoi<br />

de 12 millions d'or effectué à Paris en janvier de la même année.


213 —<br />

Le tableau ci-dessous, dont nous empruntons les éléments aux<br />

enquêtes monétaires prescrites par le Ministre des Finances (1),<br />

indique la proportion approximative des billets, des pièces d'or,<br />

des écus, des monnaies divisionnaires et du billon dans la circu<br />

lation algérienne en 1897, 1903 et 1909.<br />

1897<br />

1903<br />

1909<br />

ALGER<br />

CONSTAN<br />

TINE<br />

ORAN<br />

ENSEMBLE<br />

dei<br />

Départe<br />

ments<br />

Algériens (2)<br />

ENSEMBLE<br />

des<br />

Départe<br />

ments<br />

Français<br />

et<br />

Algériens<br />

V. 7. •/. V. 7.<br />

83,53 78,20 85,24 81,68 82,91<br />

1,90 2,04 2,08 1,99 11,10<br />

11,47 17,32 9,92 13,57 4,45<br />

2,97 2,36 2,58 2,64 1,42<br />

0,13 0,08 0,18 0,12 0,12<br />

85,43 84,28 89,27 86,04 85,56<br />

2,09 2,05 0,88 1,71 9,13<br />

9,89 11,82 7.61 9,89 3,62<br />

2,54 1,74 2,15 2,21 1,58<br />

0,05 0,10 0,09 0,09 0,11<br />

92,23 88,08 87,36 90,51 87,44<br />

1,37 2,57 0,96 1,43 8,24<br />

4,89 5,89 10,72 6,21 2,88<br />

1,47 3,36 0,74 1,75 1,04<br />

0,04 0,10 0,22 0,10 0,09<br />

(1) Au début du rapport sur l'enquête de 1897, nous lisons ces lignes<br />

reproduites à peu près intégralement dans les rapports ultérieurs et qui<br />

précisent comment l'enquête fut faite. « Les Etablissements de crédit ont<br />

recensé leurs recettes de la journée. Il n'a pas semblé nécessaire de leur<br />

demander la composition de leurs réseryes, qui diffère d'ailleurs, dans une<br />

certaine mesure, de celle de la circulation courante. Un recensement de<br />

cette nature eût exigé un travail très considérable et extrêmement dis<br />

pendieux pour la Banque de France qui possède une encaisse de plus de<br />

3 milliards. Mais, pour les comptables publics, il n'existait pas de motifs<br />

de se limiter aux recettes de la journée : leurs encaisses sont peu élevées,<br />

et comme elles se renouvellent incessamment par l'encaissement des<br />

impôts et les versements à la Banque, on peut dire qu'elles donnent de la<br />

circulation Une idée aussi exacte que les recettes journalières. C'est pour<br />

quoi il a été prescrit aux comptables publics de fournir la décomposition<br />

de toutes les monnaies existant dans leurs caisses le 15 septembre au soir ».<br />

(2) Pourcentage entre le total des sommes relevées dans l'ensemble des<br />

départements algériens et chacun des éléments compris dans ce total.<br />

U


LA MONNAIE<br />

ALGÉRIENNE<br />

EN TUNISIE<br />

EN 1914.<br />

- 214<br />

-<br />

On voit que la proportion des billets était très forte dans la<br />

circulation algérienne,<br />

sence de billets de 20 francs,<br />

ce qui tenait particulièrement à la pré<br />

alors que la Banque de France<br />

n'émettait pas de coupures inférieures à 50 francs. Quant à la<br />

monnaie métallique,<br />

Et pourtant une part importante des écus introduits dans la<br />

elle était surtout représentée par des écus.<br />

colonie avait été utilisée pour le règlement des échanges avec la<br />

Tunisie et avait pénétré dans la Régence sans qu'il y eût réci<br />

procité.<br />

*<br />

* *<br />

Le régime monétaire de la Tunisie n'était pas le même que<br />

celui de l'Algérie ; avant le protectorat français, la circulation<br />

tunisienne se composait de piastres d'or et d'argent, de caroubes<br />

d'argent et de cuivre, d'aspres de cuivre ; on songea, au début,<br />

à donner cours légal aux monnaies françaises concurremment<br />

avec les piastres indigènes ; mais la population garda ses pré<br />

férences pour la monnaie indigène et la monnaie française fut<br />

dédaignée. Il fallut procéder à une réforme radicale qui eut lieu<br />

le 15 septembre 1891. Le franc devint l'unité monétaire de la<br />

Tunisie ; toutes les anciennes piastres furent retirées et rem<br />

placées par des monnaies spéciales, frappées à Paris pour le<br />

compte de la Régence, mais de valeurs correspondantes à celles<br />

de nos monnaies françaises, à l'exclusion des pièces de cinq<br />

francs.<br />

Les écus français pénétrèrent d'Algérie en Tunisie où ils<br />

furent assez facilement admis,<br />

quoi qu'ils n'eussent aucun pou<br />

voir libératoire ; par contre, TAlgérie ne recevait aucune monnaie<br />

d'argent de la Tunisie, puisque celle-ci n'avait pas frappé d'écus<br />

et que la pénétration de la monnaie divisionnaire était pratique<br />

ment insignifiante.<br />

Cet exode des écus algériens vers la Tunisie fut précipité par<br />

certaines mesures qui durent être prises dans la Régence au<br />

début de 1912. Au cours de l'année 1911 la Banque constata que<br />

son encaisse or en Tunisie diminuait considérablement. Il fut vite<br />

établi que la guerre, qui avait la Tripolitaine pour théâtre, en<br />

était la cause et que des tentatives étaient faites, de certains<br />

côtés, pour faire passer de l'or tunisien en Tripolitaine.


- 21<br />

-<br />

La Banque était tenue, en effet, légalement, de rembourser<br />

dans la Régence, ses billets en or, les pièces d'argent beylicales<br />

n'ayant pouvoir libératoire que jusqu'à 50 francs. Il était donc<br />

possible à l'un des belligérants de se procurer de l'or par cette<br />

voie et il ne se fit pas faute de le tenter. La Banque repoussa<br />

toute demande anormale d'échanges dont elle connaissait ou<br />

soupçonnait l'origine suspecte ; mais, en agissant ainsi, elle cou<br />

rait des risques d'ordre judiciaire, puisque ses billets étaient<br />

remboursables à vue en espèces, et si des raisons supérieures<br />

justifiaient son attitude, celle-ci était contraire à ses obligations<br />

monétaires. Tout autre eût été la situation de la Banque si les<br />

écus de l'union latine avaient eu cours dans la Régence. Mais<br />

l'adhésion de la Régence à l'Union latine pouvait entraîner, dans<br />

une certaine mesure, l'exode de l'or qui,<br />

pour les paiements locaux,<br />

n'étant plus nécessaire<br />

pouvait être remplacé par une mon<br />

naie d'argent de moindre qualité. On se contenta de décider, par<br />

un décret spécial du 30 mars 1912, que les monnaies d'or de<br />

20 francs et de 10 francs et les pièces d'argent de 5 francs de<br />

l'Union latine auraient désormais en Tunisie pouvoir libératoire<br />

illimité et, en même temps,<br />

pour conserver à la Tunisie un stock<br />

d'or, la Banque de l'Algérie accepta de maintenir dans ses caisses<br />

un montant de monnaies d'or tunisiennes ne devant pas descen<br />

dre pendant plus d'une année au-dessous de 12 millions. L'admis<br />

sion des écus de l'Union latine dans la Régence comme monnaie<br />

légale eut une répercussion certaine sur le stock monétaire algé<br />

rien. Elle détermina un courant monétaire naturel d'Algérie vers<br />

la Régence et la Banque de l'Algérie approvisionna la Tunisie<br />

des écus nécessaires au remboursement éventuel de ses billets<br />

tunisiens.<br />

*<br />

* *<br />

A la frontière occidentale de l'Algérie, la question de la péné<br />

tration des monnaies d'un pays dans l'autre se présentait d'une<br />

manière toute différente. A défaut de banque d'émission exis<br />

tant au Maroc et en présence d'un régime monétaire insuffisam<br />

ment organisé, des échanges de billets français ou algériens<br />

contre la monnaie marocaine n'avaient cessé d'être pratiqués<br />

entre les deux contrées. La main-d'œuvre marocaine, employée<br />

en Oranie, importait le billet à son retour au Maroc; des négo-<br />

LA MONNAIE<br />

ALGÉRIENNE<br />

AU MAROC<br />

EN 1914.


— — 216<br />

ciants marocains et algériens se rencontraient dans les marchés<br />

tenus des deux côtés de la frontière et échangeaient la monnaie<br />

des deux pays; puis l'armée, pénétrant au Maroc occidental,<br />

ouvrit enfin, dans cette région, un nouveau centre de circula<br />

tion de monnaies françaises.<br />

La création dans l'Empire chérifien d'une banque d'Etat ayant<br />

le privilège exclusif d'émettre des billets à dater du 31 décem<br />

bre 1906 —<br />

création<br />

décidée par la Conférence internationale<br />

réunie à Algésiras à la suite d'une manifestation tapageuse de<br />

l'empereur d'Allemagne —<br />

de choses.<br />

ne modifia pas sensiblement cet état<br />

La Banque d'Etat s'était constituée, elle avait commencé avec<br />

la plus grande prudence, on pourrait même dire avec une timidité<br />

explicable, les opérations qu'elle avait reçu, des puissances inter<br />

venantes, mission d'accomplir. Mais elle n'avait pas encore abordé<br />

effectivement la réforme du régime monétaire du Maroc et elle<br />

avait procédé à une émission de billets, moins « pour répondre<br />

à des nécessités de signes monétaires nouveaux, que pour affir<br />

mer sous une forme tangible son privilège d'émission » (1).<br />

Cette émission limitée n'empêchait pas le billet algérien d'être<br />

utilisé en fait dans bien des transactions courantes au Maroc.<br />

La Banque de l'Algérie estima qu'elle devait surveiller la circu<br />

lation de ses billets dans ce pays et se mettre en mesure de<br />

prêter un appui efficace à sa clientèle commerçante appelée à<br />

nouer avec tout le Maroc des relations de plus en plus actives.<br />

Le 20 février 1912, elle demanda, en conséquence, au Ministre<br />

des Finances de provoquer le décret prévu par la loi de 1911 (2)<br />

et devant l'autoriser à créer des agences au Maroc. Le Ministre<br />

des Affaires étrangères estima qu'il était plus opportun d'ajour<br />

ner à une date indéterminée la création des agences envisagées<br />

et la Banque, déférant naturellement à la volonté du gouver<br />

nement, renonça, pour le moment, à la réalisation de projets<br />

qui avaient été conçus quelques années auparavant d'accord avec<br />

lui. Elle favorisa la création d'une banque appelée « Banque<br />

Algéro-Tunisienne pour le commerce d'exportation » qui s'ins-<br />

(1) Banque d'Etat du Maroc. Assemblée générale 1911. Rapport des<br />

Censeurs.<br />

(2) Voir page 191.


— — 217<br />

talla sur certaines places du Maroc, y devint son correspondant<br />

et fit des opérations normales d'escompte dont, à défaut de<br />

billets marocains, elle remettait la contrevaleur à ses clients sous<br />

forme de billets de banque algériens. En janvier 1914 le gou<br />

vernement prit même la décision d'utiliser les disponibilités<br />

qu'il avait à son compte courant à Alger pour faire régler la<br />

solde des troupes du corps d'occupation en billets de la Banque<br />

de l'Algérie ;<br />

aussi ces billets se répandaient-ils en assez grande<br />

quantité au Maroc, assurant sans difficulté le transfert des fonds<br />

entre la France métropolitaine ou algérienne et ce pays (1).<br />

*<br />

* *<br />

Telle était, en 1914, la situation bancaire et monétaire de<br />

l'Algérie. Elle était en plein développement, suivant les progrès<br />

mêmes de la prospérité de la colonie. La Banque de l'Algérie,<br />

ayant reconquis depuis de longues années sa puissance d'action,<br />

avait fourni la preuve, au cours de la crise de 1912, qu'elle pou<br />

vait dominer les événements économiques,<br />

autant qu'il dépend<br />

d'une banque d'émission de le faire ; les indications qu'elle avait<br />

données au marché par ses avis et ses décisions avaient été<br />

comprises et l'Algérie se trouvait, à cette époque, bénéficier de<br />

conditions générales favorables au commerce et à l'agriculture.<br />

Bien que cette dernière n'eût pas encore à sa disposition une<br />

organisation définitive de crédit appropriée à tous ses besoins,<br />

elle ne souffrait que très exceptionnellement d'une insuffisance<br />

de fonds de roulement et elle avait la certitude que l'organisation<br />

naissante devait se perfectionner peu à peu et devenir réellement<br />

pratique.<br />

L'Algérie se consacrait avec confiance au travail ;<br />

on a vu<br />

plus haut les admirables résultats obtenus au cours des années<br />

précédentes et qui légitimaient cette confiance.<br />

Une situation générale si satisfaisante allait-elle être détruite,<br />

(1) D'une statistique des billets et numéraires compris dans certaines<br />

caisses au Maroc à la date du 25 juillet 1914, on peut retenir ce chiffre :<br />

sur 41.702.185 fr. 50 de monnaies françaises, on comptait 19.530.720 francs<br />

de billets algériens, le reste étant composé de métal et de billets de la<br />

Banque de France.<br />

L'ALGERIE<br />

ÉTAIT EN<br />

PLEIN<br />

PROGRÈS<br />

EN 1914.


— — 218<br />

un tel essor d'un crédit bienfaisant et producteur allait-il être<br />

arrêté par les événements qui devaient éclater brusquement, en<br />

pleine quiétude et en pleine prospérité du pays,<br />

monde ?<br />

et ébranler le


CHAPITRE VII<br />

LA BANQUE DE L'ALGÉRIE, LE CRÉDIT ET LA MONNAIE<br />

DEPUIS 1914<br />

LA DÉCLARATION DE GUERRE PAR L'ALLEMAGNE. Le COURS FORCÉ Le MORATO-<br />

r1um des dépôts. la prorogation des échéances. l.es banques et le<br />

Commerce penkant la Guerre. Rôle de la Banque de l'Algérie pendant la<br />

Guerre. Renouvellement du privilège dk la Banque. Le Commerce et les<br />

Banques après 1918. Dépréciation de la monnaie française. Les devoirs<br />

de la Banque de l'Algérie en face de la dépréciation monétaire et les<br />

besoins de crédit de l'agriculture. La circulation monétaire depuis 1914.<br />

La monnaie algérienne au Maroc. Situation économique et fortune<br />

actuelles de l'Algérie.


EMBARQUEMENT DE TROUPES A ALGER EN 1914


La déclaration de guerre par l'Allemagne en 1914 et la confla<br />

gration générale qui s'en suivit, devaient placer l'Algérie en face<br />

des plus graves problèmes et la Banque en présence d'angois<br />

santes responsabilités.<br />

Comme la guerre de 1870, celle de 1914 imposa tout d'abord<br />

une série de mesures affectant le régime monétaire et le crédit.<br />

La loi du 5 août 1914,<br />

*<br />

* *<br />

qui éleva à 6.800.000.000 fr. la limite<br />

d'émission de la Banque de France,<br />

la Banque de l'Algérie en spécifiant qu'elle pouvait être élevée<br />

porta à 400 millions celle de<br />

au delà de ce chiffre par décrets rendus en Conseil d'Etat (1).<br />

Elle édicta également le cours forcé des billets de la Banque de<br />

France et de la Banque de l'Algérie et rendit publique la conven<br />

tion du 30 novembre 1911,<br />

aux termes de laquelle la Banque<br />

de l'Algérie s'était engagée à mettre à la disposition du gou<br />

vernement une avance de 100 millions en cas de mobilisation<br />

générale. Elle autorisa l'émission de coupures de 5 fr.<br />

Quelques jours avant, le gouvernement tunisien avait pro<br />

noncé le cours forcé du billet de banque dans la Régence (décret<br />

tunisien du 1er août 1914) ; et le lendemain, 6 août, le Sultan<br />

du Maroc donnait cours légal aux billets de la Banque de France<br />

et à ceux de la Banque de l'Algérie et interdisait, sous des<br />

sanctions pénales, à quiconque, d'exiger un change d'espèces<br />

françaises à billets des Banques de France et d'Algérie et réci<br />

proquement.<br />

La disparition de la monnaie ou, tout au moins,<br />

raréfaction,<br />

sa grande<br />

qui est un des premiers symptômes des réactions<br />

m En vertu de cette disposition, les décrets des 26 septembre 1914,<br />

97 novembre 1915, 27 juillet et 19 octobre 1918, 28 mars et 18 septembre<br />

1919 29 janvier 1920, 5 décembre 1925, portèrent successivement la limite<br />

d'émission de 400 millions à 1.700 millions. La loi du 30 juin 1926 abrogea<br />

cette<br />

disposition et l'autorisation d'élever le chiffre des émissions par<br />

décret se trouva ainsi supprimée.<br />

LA<br />

DÉCLARATION<br />

DE GUERRE<br />

PAR<br />

L'ALLEMAGNE.<br />

LE COURS<br />

FORCÉ.


LE MORATO-<br />

R1UM DES<br />

DÉPOTS.<br />

LA PROROGA<br />

TION DES<br />

ÉCHÉANCES.<br />

— — 222<br />

populaires en présence des graves événements politiques ébran<br />

lant la confiance, se produisit très vite. Pour y<br />

remédier la<br />

Banque émit rapidement des petites coupures qu'elle avait eu<br />

la précaution de préparer, bien que la législation antérieure n'eût<br />

pas prévu leur mise en circulation. Mais cette émission ne pou<br />

vait remplacer la petite monnaie disparue. On sait que, pour<br />

parer à cette disparition dans la métropole, des bons de<br />

monnaie furent émis sur des initiatives locales et que le gou<br />

vernement engagea les chambres de commerce à en créer dans<br />

les limites de leurs circonscriptions. Ces bons n'avaient natu<br />

rellement pas cours légal, mais,<br />

par une décision du directeur<br />

du Mouvement général des fonds du 28 août 1914, les comptables,<br />

se trouvant dans la circonscription de la chambre de commerce<br />

émettrice, étaient autorisés à les recevoir et à les donner en<br />

paiement. Ils rendirent donc, en fait, les plus grands services.<br />

Il en fut de même en Algérie où certaines villes et chambres<br />

de commerce créèrent des bons de monnaie en papier ou des<br />

bons en métal, destinés à tenir lieu principalement de monnaie<br />

de billon et même de monnaie divisionnaire d'argent ; la Banque<br />

de l'Algérie prêta son concours aux chambres de commerce pour<br />

cette émission qui se faisait par échange de billets de banque<br />

contre bons de monnaie (1).<br />

*<br />

* *<br />

Par un décret du 31 juillet 1914 les délais des protêts et des<br />

actes destinés à conserver les recours des valeurs négociables et<br />

les échéances des valeurs négociables furent l'objet d'une pre<br />

mière prorogation ; ce décret, pris en exécution des lois des<br />

27 janvier et 24 décembre 1910, concernant la matière, fut rendu<br />

applicable à l'Algérie par un décret du 2 août 1914. Entre temps,<br />

le 1er<br />

août, la prorogation avait été étendue aux dépôts d'espèces<br />

(1) Les billets de banque étaient versés à un compte-courant ouvert<br />

à la Chambre de Commerce et immobilisés en vue du remboursement ulté<br />

rieur des coupures. Une partie de ces sommes fut employée en bons de<br />

la Défense Nationale. Ultérieurement, en 1916 (lettre du 23 novembre 1916<br />

aux trésoriers-généraux), le Ministre des Finances, en raison de la durée<br />

et de l'importance de ces émissions, décida de comprendre toute nou<br />

velle émission dans la comptabilité de l'Etat, en payant aux Chambres de<br />

Commerce, pour les couvrir de leurs frais un intérêt de 2 %.


~ 223<br />

-<br />

et soldes créditeurs des comptes courants dans les banques et<br />

établissements de crédit et de dépôts sous certaines réserves<br />

destinées à faciliter le retrait des petites sommes. Ce décret du<br />

1er août avait spécifié, dans son article 3, que ses dispositions<br />

étaient applicables en Algérie. D'autres décrets, les 2 et 3 août,<br />

l'avaient modifié ou complété.<br />

Ces mesures provisoires firent ensuite l'objet de textes plus<br />

complets, lorsque la loi du 3 août 1914 accorda au Gouvernement<br />

le pouvoir de prendre, pendant la durée de la mobilisation et<br />

de la guerre, les mesures nécessaires pour faciliter l'exécution<br />

ou suspendre les effets des obligations commerciales ou civiles.<br />

En vertu de cette loi, le gouvernement décréta, le 9 août 1914,<br />

une prorogation des échéances de trente jours francs pour toutes<br />

les valeurs négociables échues depuis le 31 juillet 1914 inclu<br />

sivement ou venant à échéance avant le 1er septembre 1914 à<br />

condition que ces valeurs eussent été souscrites antérieurement<br />

au 4 août 1914. Cette prorogation s'appliquait aux lettres de<br />

change, billets à ordre ou au porteur, aux chèques, à l'exception<br />

de ceux présentés par le tireur lui-même, aux mandats, aux<br />

warrants. Elle était étendue,<br />

comme la prorogation prévue par<br />

le décret du 31 juillet, à toutes les sommes dues,<br />

avec ou<br />

sans échéance, pour toutes avances faites antérieurement au<br />

1er<br />

août 1914, en compte ou à découvert, ainsi que pour toutes<br />

avances faites antérieurement à la même date sur des titres<br />

de valeurs mobilières. Enfin, le décret précisait les mesures<br />

concernant le moratorium des dépôts d'espèces dans les banques<br />

et les établissements de crédit.<br />

En 1914, 1915, 1916, des décrets successifs prorogèrent ces<br />

dispositions pour de nouvelles périodes, tout en y apportant, au<br />

fur et à mesure des événements, des modifications destinées à<br />

préparer le retour à un régime normal. Dès le 29 août 1914, il<br />

fut spécifié que les prorogations étaient purement facultatives<br />

pour les débiteurs et un intérêt de 5 % fut mis à la charge de<br />

ceux qui en bénéficieraient. Puis, en décembre 1915, fuient<br />

exceptés du bénéfice de ces dispositions les fournisseurs de l'Etat<br />

français ou des Etats alliés qui, étant régulièrement payés pour<br />

les travaux qu'ils exécutaient, ne pouvaient assurément invoquer<br />

un motif valable pour ne pas régler eux-mêmes leurs dettes.


- 224<br />

-<br />

Au commencement de 1916 la situation économique de l'Algérie<br />

permit d'adopter dans les trois départements des mesures plus<br />

larges ; après avis du Gouvernement général et des corps<br />

consultatifs, le décret du 20 mars 1916 exclut des dispositions<br />

générales, pour les soumettre à un régime spécial, les sommes<br />

dues à raison d'effets de commerce, de fournitures de marchan<br />

dises, d'avances, de dépôts d'espèces et soldes créditeurs, de<br />

comptes courants payables ou remboursables en Algérie. Seuls<br />

les mobilisés continuèrent à bénéficier exceptionnellement de la<br />

prorogation générale. Ce décret souleva des protestations assez<br />

nombreuses ; le Ministère, pour les calmer, intervint auprès de<br />

la Banque de l'Algérie afin d'obtenir —<br />

ce<br />

qui lui fut accordé<br />

— sans peine qu'il fût fait preuve de la plus large bienveillance<br />

à l'égard des débiteurs. Un décret modifia les règles de compé<br />

tence relatives aux demandes de délais supplémentaires de paie<br />

ment et accorda un nouveau délai d'un mois à ceux qui voulaient<br />

solliciter des délais supplémentaires. D'autre part, les magis<br />

trats étaient avisés du désir des pouvoirs publics de voir appli<br />

quer le décret du 20 mars 1916 avec la plus grande bienveillance.<br />

Complété par le décret du 25 juillet 1916, le nouveau régime de<br />

prorogation assura la liquidation du moratorium des échéances<br />

en Algérie. L'échéance des valeurs négociables souscrites avant<br />

le 4 août 1914 et échues originairement depuis le 31 juillet 1914,<br />

fut prorogée de 23 mois, date pour date, à partir de leur échéance<br />

originaire. Des paiements partiels, dont l'échelonnement était<br />

déterminé, furent admis, des délais supplémentaires pouvant<br />

être accordés sur demande par le président du tribunal civil ; les<br />

protêts furent supprimés, les porteurs ne purent intenter de<br />

poursuites qu'avec l'autorisation du président, etc... Des dis<br />

positions plus décisives encore avaient été arrêtées, dès le<br />

1er<br />

mai 1915, en Tunisie et le portefeuille moratorié des banques<br />

fut liquidé sur toute l'étendue du territoire algérien et tunisien,<br />

dans des conditions satisfaisantes (1).<br />

Grâce aux mesures prises ainsi, à la fois par les pouvoirs<br />

(1) La Compagnie Algérienne et le Crédit Foncier d'Algérie et de Tuni<br />

sie se félicitaient, dans leurs comptes rendus de 1916, d'avoir pu liquider,<br />

grâce au concours de la Banque de l'Algérie, qui par des facilités d'es<br />

compte encouragea les arrangements avec les débiteurs de bonne volonté,<br />

leur portefeuille moratorié avec tous les ménagements nécessaires.


— — 225<br />

publics et par les banques françaises, dont la situation était<br />

heureusement très forte et qui trouvèrent le concours des ban<br />

ques d'émission en France comme en Algérie, —<br />

permit de se dégager rapidement du moratorium,<br />

ce<br />

qui leur<br />

— le<br />

com<br />

merce algérien n'eut pas à souffrir de l'épreuve redoutable que<br />

constitue une prorogation des échéances, rompant le cours régu<br />

lier des règlements qui, dans l'ensemble,<br />

des autres.<br />

sont solidaires les uns<br />

Comme en 1870, certains esprits se sont demandé, en 1914,<br />

s'il était bien nécessaire d'appliquer en Algérie le moratorium<br />

édicté en France ; il ne saurait y<br />

avoir aucun doute à cet égard.<br />

Toute la série de dispositions législatives ou réglementaires, se<br />

rattachant au moratorium, constitue un enchaînement fatal. Elle<br />

n'a pas exclusivement son origine dans les difficultés que crée<br />

au débiteur l'impossibilité où celui-ci se trouve souvent de tra<br />

vailler et de payer ses dettes. Des mesures individuelles d'ater<br />

moiement, des reports d'échéance consentis à bon escient suf<br />

fisent souvent pour dénouer de telles difficultés. La véritable<br />

cause de moratorium est la disparition de la confiance que pro<br />

voque, dans les masses, un grand événement venant bouleverser<br />

brusquement le cours normal de la vie et dresser devant elles<br />

un avenir plein d'inconnu. On saisit là sur le vif la loi de solida<br />

rité qui unit les plus grandes entreprises au plus humble des<br />

épargnants ; les banques, principalement les banques de dépôts,<br />

ne peuvent libéralement dispenser le crédit que dans une<br />

ambiance de confiance générale ; la confiance qu'elles font elles-<br />

mêmes à leur clientèle, en lui accordant du crédit,<br />

n'est qu'une<br />

individualisation de cette confiance générale. Du moment que<br />

celle-ci est ébranlée, l'argent se réserve, les dépôts perdent leur<br />

caractère de stabilité relative,la base générale du crédit devient<br />

d'une extrême fragilité et les banques, obligées de prévoir des<br />

retraits de dépôts, sinon d'y faire face, doivent resserrer le cré<br />

dit individuel au moment où les besoins de celui-ci s'exaspèrent.<br />

En présence de cet arrêt du mécanisme du crédit, on est tenté<br />

de se tourner vers la banque d'émission, dont les moyens d'action<br />

paraissent être indépendants de cette base incertaine et on<br />

attend parfois d'elle qu'elle prenne la charge de tout le crédit, de<br />

toute l'activité économique, qu'elle se substitue à son tour à la


LES BANQUES<br />

ET LE<br />

COMMERCE<br />

PENDANT<br />

LA GUERRE.<br />

- 226 —<br />

confiance défaillante et qu'elle accorde aux créanciers impayés<br />

les plus larges facilités de crédit. Elle ne peut le faire qu'avec<br />

mesure. C'est une erreur de croire que la banque d'émission,<br />

couverte par les dispositions du moratorium qui lui est propre<br />

et que constitue le cours forcé,<br />

est à l'abri des à-coups de la<br />

confiance. Elle a pour déposants tous les porteurs de billets ;<br />

ce sont eux qui lui font confiance ; parce que les réactions sont<br />

moins immédiates chez le porteur de billets que chez le déposant,<br />

elles n'en ont pas moins des répercussions encore plus graves,<br />

car elles atteignent, sans exception, le pays tout entier. Si, au<br />

cours de la guerre, l'inflation fiduciaire n'a pas fait sentir, dès<br />

le premier jour, ses néfastes effets, cela tient au grand crédit<br />

dont jouit le billet de banque et à la confiance du pays qui se<br />

refusait à une analyse trop précise de la situation. Mais, insen<br />

siblement, cette inflation agit sur les prix et vint ajouter aux<br />

difficultés créées par la guerre au commerce algérien. Il eût<br />

été imprudent de provoquer, par une trop large extension du<br />

crédit, destinée à écarter le moratorium de l'Algérie, une infla<br />

tion prématurée, alors que les nécessités de la défense nationale<br />

devaient imposer un accroissement fatal de la circulation dont<br />

les proportions ne pouvaient être mesurées dès 1914.<br />

*<br />

* *<br />

La guerre, qui constituait pour tous une si terrible épreuve,<br />

avait désorganisé, dès le début, les services des banques, comme<br />

ceux de bien des maisons de commerce, de bien des industries<br />

et exploitations agricoles ;<br />

un grand effort permit peu à peu<br />

d'assurer le fonctionnement normal de la vie du pays ; mais<br />

partout, hélas ! la guerre devait laisser des vides cruels et nous<br />

ne pouvons évoquer le souvenir des années tragiques sans rap<br />

peler ici que le personnel des banques paya largement de son<br />

sang la libération du pays et que la liste est longue de ceux<br />

qui sont tombés sur les champs de bataille ou à qui leur courage<br />

a valu des citations. A la Banque de l'Algérie, sur un personnel<br />

de 521 agents : 72 furent tués, 100 furent blessés ; 6 croix de<br />

la Légion d'honneur, 9 médailles militaires, 117 croix de guerre,<br />

8 décorations diverses témoignent de l'héroïsme des survivants.<br />

Pendant la guerre, le commerce algérien, souvent entravé, plus


- 227<br />

—<br />

peut-être par la difficulté des communications que par les mul<br />

tiples mesures restrictives qu'imposaient la situation économique<br />

du pays ou les intérêts supérieurs de la défense nationale, mar<br />

qua encore une grande activité ; toutefois, la législation com<br />

merciale de l'Algérie, « se conformant, pendant toute la durée<br />

de la guerre, à celle de la métropole, aboutit à une mainmise de<br />

plus en plus complète de l'Etat sur tous les organes de la vie<br />

économique » ; le commerce cessa de progresser et diminua<br />

même en réalité. Mais la balance commerciale se renversa<br />

et l'Algérie devint, de ce seul chef, créancière de la Métropole<br />

pendant les années de la guerre. Si, pour éliminer l'influence de<br />

la hausse des prix et de l'inflation monétaire,<br />

on essaie d'appli<br />

quer aux marchandises importées et exportées les taux d'évalua<br />

tion arbitrés pour 1913, on voit que, pour la plupart des produits,<br />

la période de guerre marque une courbe descendante de 1913<br />

à 1918,<br />

suivie d'une courbe ascendante qui ne ramène les volumes<br />

de tonnages de 1913 qu'aux environs de 1922 et 1923 (1) ; mais,<br />

d'une façon permanente, de 1915 à 1919, les exportations l'em<br />

portent sur les importations.<br />

La guerre constitua un stimulant pour l'Algérie. « L'isolement<br />

forcé de l'Afrique du Nord pendant la guerre et l'élévation du<br />

prix des frets l'amenèrent à chercher dans son sol ou son sous-<br />

sol des ressources encore inexploitées ou à développer un certain<br />

nombre d'industries. » L'industrie de la minoterie et celle des<br />

pâtes alimentaires, notamment, prirent un remarquable essor ;<br />

rendue intéressante par la fermeture<br />

la fabrication de l'alcool,<br />

des marchés de production et par l'emploi des alcools dans la<br />

fabrication des explosifs,<br />

fut entreprise et poursuivie activement<br />

jusqu'à la fin de la guerre ; une usine frigorifique fut installée ;<br />

des fonderies travaillèrent pour la guerre. La construction et<br />

l'entretien du matériel agricole, les réparations des navires pri<br />

rent une certaine extension. La plupart des industries ainsi<br />

créées<br />

qui ne devaient guère survivre aux événements qui<br />

leur avait donné naissance<br />

besoins de crédit de l'Algérie (2) .<br />

— augmentaient temporairement les<br />

(1) Cf. Augustin Bernard : l'Afrique du Nord pendant la guerre, Publi<br />

cation de la Dotation Carnegie pour la paix internationale, page 60. Paris<br />

1927.<br />

(2) Cf. Augustin Bernard,<br />

op. cit. pages 48 et suivantes.


ROLE DE LA<br />

BANQUE DE<br />

L'ALGÉRIE<br />

PENDANT<br />

LA GUERRE.<br />

— — 228<br />

Quelle que fût l'étendue de ces besoins, ils furent en général<br />

satisfaits,<br />

malgré les difficultés éprouvées par les banques au<br />

même moment et, en particulier, malgré les obligations multiples<br />

et parfois contradictoires que les circonstances imposaient à la<br />

Banque de l'Algérie.<br />

*<br />

Dès les premiers mois de la guerre, en janvier 1915, M. Mo<br />

reau résumait ainsi ces obligations devant les actionnaires :<br />

« La Banque de l'Algérie remplit d'abord un rôle monétaire ;<br />

elle est également banque d'Etat ; elle prête enfin son assistance<br />

à l'agriculture, à l'industrie, au commerce de l'Algérie et de la<br />

Tunisie.<br />

« Le premier devoir de notre établissement est de fournir au<br />

pays des moyens d'échange suffisants et de conserver à ces<br />

moyens d'échange leur pouvoir d'acquisition. Or,<br />

grâce aux<br />

fabrications importantes que nous avons fait exécuter depuis<br />

le début de l'année 1912, la guerre nous a trouvés disposant<br />

d'une réserve considérable de billets, même en coupures de cinq<br />

francs, coupures dont cependant le législateur n'avait pas prévu<br />

l'emploi en Algérie, comme il l'avait fait pour la France et dont<br />

l'émission a été autorisée seulement par la loi du 4 août 1914...<br />

« Notre billet a gardé jusqu'ici sa pleine valeur et il est accepté<br />

et même recherché au pair dans les pays qui avoisinent l'Algé<br />

rie et la Tunisie, notamment au Maroc et dans la ville interna<br />

tionale de Tanger. Vous connaissez par le Journal Officiel la<br />

convention qui nous lie à l'Etat français. Sur la demande du<br />

gouvernement marocain et sur celle du Trésor métropolitain,<br />

nous avons également, à diverses reprises, fait au Maroc des<br />

expéditions importantes de billets de banque. Enfin, nous avons<br />

consenti au gouvernement tunisien une avance éventuelle de<br />

plusieurs millions garantie par un dépôt de titres. Nous<br />

continuerons à l'Etat le concours le plus complet et le plus désin<br />

téressé. Tout doit s'incliner devant la nécessité d'aider notre<br />

patrie à obtenir la victoire.<br />

« L'obligation dans laquelle nous nous trouvons de limiter<br />

notre circulation et de surveiller la composition de notre porte<br />

feuille pour éviter la dépréciation de nos billets, jointe à notre


jl* Unir j.p ,<br />

;-.■<br />

-'i.*^Êrsi«^1


- 229<br />

—<br />

devoir d'apporter à l'Etat la collaboration qui lui est nécessaire,<br />

ne nous permettent pas d'étendre nos relations avec le com<br />

merce, l'industrie et l'agriculture autant que les administrations<br />

locales le demandent parfois. Cependant, l'aide que nous avons<br />

fournie aux intérêts privés au cours de la présente crise est<br />

considérable. Il suffit pour la mesurer de comparer sur nos<br />

bilans, au 30 juin et au 31 décembre 1914, le montant de notre<br />

portefeuille.<br />

« En premier lieu, nous nous sommes efforcés de maintenir<br />

à nos opérations leur caractère habituel. C'est ainsi que, malgré<br />

la pénurie de personnel, nous avons repris, dès les premiers jours<br />

du mois de septembre, la présentation régulière des effets de<br />

notre portefeuille ; que nous avons réduit notre taux d'escompte<br />

à 5 %, taux, qui, comme l'a écrit si justement le Ministre des<br />

Finances, représente à peine le prix réel de l'argent en France ;<br />

que nous avons continué des relations normales d'escompte avec<br />

tous ceux qui ne s'abritaient pas derrière le moratorium pour<br />

ne pas régler leurs échéances. Comme par le passé, la Banque<br />

a accordé des crédits de campagne, modérés il est vrai,<br />

et seu<br />

lement aux maisons dont la solvabilité ne paraissait pas avoir<br />

été entamée par les événements actuels,<br />

l'alimentation de la colonie,<br />

pour permettre soit<br />

soit l'exportation des produits<br />

récoltés. Votre Conseil a même étendu les facultés d'escompte<br />

aux warrants de diverses marchandises non périssables, telles<br />

que les minerais et les éponges, régulièrement entreposées dans<br />

des magasins généraux, afin de ne pas priver la main-d'œuvre<br />

indigène d'un travail auquel elle était habituée. En outre, tous<br />

ceux de nos clients dont la situation était restée satisfaisante<br />

ont pu trouver à notre établissement le concours dont ils avaient<br />

besoin pour la levée et la préparation de leurs récoltes. Enfin,<br />

nous avons fourni, par voie de réescompte, aux établissements<br />

de crédit, grands et petits, les moyens soit de rembourser leurs<br />

dépôts, soit de donner à leurs clients un concours analogue à<br />

celui que nous accordions directement aux nôtres. »<br />

Au cours de la guerre,<br />

au milieu de la crise spéciale que<br />

créaient en Algérie les difficultés de transport sur mer et sur<br />

terre, entravant non seulement les opérations commerciales mais<br />

le ravitaillement même de la colonie, la Banque seconda grande-<br />

15


— — 230<br />

ment le pays dans l'œuvre vitale de la défense nationale : elle<br />

s'y engagea avec toutes ses forces, toute son activité. En dehors<br />

des avances qu'elle consentit à l'Etat, le concours qu'elle donna<br />

à l'Algérie prit les formes les plus variées : avances aux monts-<br />

de-piété, aux chambres de commerce pour achat de blé, aux che<br />

mins de fer algériens de l'Etat pour achat de charbon, à l'Union<br />

des viticulteurs algériens, prêts ou escompte de bons de la<br />

Colonie au gouvernement général pour acheter des cargos et du<br />

sucre, et pour assurer le fonctionnement de la Caisse des céréales<br />

créée par décret du 12 novembre 1917, mesures diverses<br />

prises pour favoriser la souscription des nombreux emprunts de<br />

la Défense nationale (1).<br />

Les résultats de sa contribution à la Défense nationale se<br />

traduisirent à la veille de la victoire, dans son bilan du 31 octo<br />

bre 1918,<br />

par une réduction des opérations normales provenant<br />

du ralentissement de l'activité économique du pays et par un<br />

développement exagéré et parallèle de la circulation et des avan<br />

ces à l'Etat, à l'Algérie, à la Tunisie. La circulation tendait vers<br />

le milliard, les avances à l'Etat approchaient de 400 millions (2) ,<br />

tandis que l'Algérie et la Tunisie faisaient prévoir de nouveaux<br />

besoins auxquels la Banque devait satisfaire.<br />

« Cette inflation, disait le Directeur général, bouleverse la vie<br />

économique de l'Afrique du Nord,<br />

elle agit sur les prix et trou<br />

ble les échanges. Notre plus pressant devoir sera de comprimer<br />

notre circulation fiduciaire et de faire revivre le crédit com<br />

mercial...<br />

« Pendant toute la durée de la guerre, la balance commerciale<br />

a été favorable à l'Afrique du Nord. La paix trouve donc le<br />

pays largement créancier à l'extérieur. Ces créances forment la<br />

contrepartie d'une portion importante des billets de banque<br />

émis.<br />

« La défiance résultant de la pratique du moratorium, la<br />

surabondance des moyens monétaires et surtout la mainmise<br />

(1) Voir à ce sujet Douël,<br />

op. cit.<br />

(2) Quatre avances de cent millions chacune avaient été autorisées ;<br />

convention du 23 novembre 1911 sanctionnée par la loi du 5 août 1914.<br />

Conventions du 6 septembre 1915 (loi du 30 novembre 1915), du 3 juin 1918<br />

(loi du 24 juillet 1918), du 23 septembre 1918 (loi du 8 octobre 1918).


— 231 —<br />

progressive de l'Etat sur la plupart des échanges, ont bouleversé<br />

complètement l'ancien régime économique. Nos efforts tendront<br />

à restaurer ce régime avec toute sa souplesse et son ancienne<br />

prospérité. Dès que les mesures restrictives prises par le gou<br />

vernement sous la pression des nécessités de la guerre seront<br />

atténuées ou rapportées, les grands établissements de crédit,<br />

les banques locales, dont la connaissance exacte des hommes et<br />

des choses du pays est si utile au bien général, les commerçants<br />

gros ou petits, les agriculteurs et les industriels trouveront à<br />

nos guichets le concours moral et financier dont ils auront<br />

besoin pour développer leurs affaires. »<br />

Il faut rendre à l'Algérie et à sa banque d'émission cette jus<br />

tice qu'elles n'accomplirent aucun acte entraînant de leur part<br />

une inflation monétaire ou, que du moins, si la Banque dut tout<br />

naturellement donner à la défense nationale un puissant concours<br />

sous forme d'avances consenties à l'Etat, ces avances furent<br />

promptement remboursées et n'ajoutèrent aucune difficulté<br />

d'ordre monétaire à celles dont souffrait la France. Si la circu<br />

lation des billets s'accrut, ce fut principalement sous l'influence<br />

de la hausse des prix,<br />

monnaie nationale.<br />

manifestation de la dépréciation de la<br />

*<br />

* *<br />

Le privilège de la Banque fut renouvelé au lendemain de la<br />

cessation des hostilités, par la loi du 29 décembre 1918, pour<br />

une période de vingt-cinq ans qui doit finir le 31 décembre 1945.<br />

Une convention signée le 13 décembre 1917 fixa les conditions<br />

de ce renouvellement. Elle avait été étudiée entre l'Etat et la<br />

Banque, pendant la guerre, comme il avait été fait pour la Ban<br />

que de France (1). En dehors de dispositions spéciales repro<br />

duisant celles qui se trouvent dans la convention similaire du<br />

26 octobre 1917 entre l'Etat et la Banque de France (liquidation<br />

du portefeuille moratorié, amortissement de la dette de l'Etat,<br />

divers services de trésorerie à rendre à l'Etat) trois articles<br />

sont à signaler : l'article premier qui impose à la Banque la<br />

création d'un certain nombre de succursales et bureaux ; l'ar-<br />

(1) Voir à ce sujet Douël,<br />

op. cit.<br />

RENOUVEL<br />

LEMENT DU<br />

PRIVILÈGE<br />

DE LA<br />

BANQUE.


LE COMMER<br />

CE ET LES<br />

BANQUES<br />

APRÈS 1918.<br />

— — 232<br />

ticle 2 qui modifie le calcul de la redevance en établissant un tarif<br />

progressif ; l'article 5 qui porte à 18 millions le montant des<br />

avances permanentes et sans intérêt à l'Etat. Une convention<br />

additionnelle du 4 octobre 1918 introduisit dans les rapports<br />

de l'Etat avec la Banque de l'Algérie un principe nouveau qui<br />

devait être également appliqué à la Banque de France : celui<br />

d'une participation de l'Etat au dividende distribué au-dessus<br />

d'un certain montant (1).<br />

A côté des conditions fixées par la convention, la Banque en<br />

accepta d'autres qui furent consignées dans des actes annexes :<br />

engagement d'apporter son concours financier et moral à la<br />

création d'une banque industrielle de l'Afrique du Nord (lettres<br />

du Directeur général au Ministre des Finances des 11 décem<br />

bre 1917 et 14 octobre 1918) ; engagement de réserver aux<br />

demandes de renouvellement d'effets relatifs à des crédits d'ex<br />

portation ou à des crédits de campagne toutes les facilités<br />

compatibles avec les règles de prudence qui s'imposent à un<br />

institut d'émission (lettre du 11 décembre 1917) ; versement à<br />

l'Etat d'une somme représentant le montant des billets non<br />

encore remboursés des anciens types à impression noire émis<br />

avant le 3 avril 1880 (2) (convention du 4 mars 1918).<br />

Enfin, les statuts furent modifiés sur deux points : la Banque<br />

fut autorisée à faire pour sa clientèle toutes opérations de bourse<br />

par les intermédiaires officiels habituels ;<br />

et il fut prévu que<br />

les membres du Conseil et les censeurs des succursales pourraient<br />

comprendre —<br />

en<br />

protégés français.<br />

plus des citoyens français —<br />

des<br />

sujets ou<br />

Des accords analogues furent conclus avec la Tunisie (décret<br />

tunisien du 30 décembre 1918, convention du même jour, lettre<br />

du Directeur Général au Ministre des Finances du 28 janvier<br />

1919).<br />

*<br />

* *<br />

Après la guerre, le rôle des banques allait devenir, pendant<br />

quelque temps, plus difficile à bien remplir. Le commerce se<br />

trouvait dans une situation spéciale. Des circonstances et des<br />

(1) Voir chapitre X.<br />

(2) Le montant de ces versements s'est élevé à 307.485 francs.


— — 233<br />

mesures exceptionnelles avaient créé ou élargi temporairement<br />

certains débouchés ; la dépréciation progressive de la monnaie<br />

française faisait profiter la vente de nombreux produits d'une<br />

échelle de prix qui ne s'appliquait pas avec le même coefficient<br />

de hausse à la production elle-même ; certaines industries et<br />

certains commerces bénéficiaient ainsi d'une activité factice qui<br />

donnait à quelques esprits aveugles l'illusion d'un enrichissement<br />

général et d'un développement réel de la prospérité du pays.<br />

Perdant le sens de la mesure, entraînés par la réalisation de<br />

gains élevés à rechercher des gains plus élevés encore, d'aucuns,<br />

confondant la spéculation pure avec le commerce, se livrèrent<br />

alors à des opérations qui devaient fatalement les conduire aux<br />

plus cruelles épreuves. Cette fois encore des imprudents, en trop<br />

grand nombre, ne se préoccupèrent pas de l'éventualité de crises<br />

générales ou locales. Le lendemain de la guerre était pourtant<br />

plein de menaces et il était manifeste que le monde ne pouvait<br />

retrouver sans secousse un nouvel équilibre économique et une<br />

nouvelle sécurité monétaire internationale. Ces imprudents ne<br />

furent malheureusement pas seuls à souffrir d'une situation que<br />

leurs propres fautes avaient aggravée. De mauvaises récoltes<br />

survinrent, la mévente des vins et le déficit des céréales créèrent,<br />

à côté de la crise générale, une crise purement algérienne dont<br />

les effets se firent sentir dans toutes les branches du commerce<br />

de la colonie. Les importations,<br />

qui avaient diminué de 1914<br />

à 1919, au point que les exportations leur avaient été supérieures,<br />

l'emportèrent de nouveau sur celles-ci. La situation fut à cet<br />

égard retournée. M. Augustin Bernard a fort exactement résumé<br />

ces événements en ces termes : « En 1920, éclate une crise éco<br />

nomique des plus graves ;<br />

elle a des causes mondiales et des<br />

causes locales. L'instabilité des prix, le désordre monétaire, la<br />

rupture d'équilibre des changes, la hausse formidable des salaires<br />

et des denrées, la fermeture d'importants marchés sont des phé<br />

nomènes qui éprouvent le commerce dans le monde entier. La<br />

consommation se restreint, le crédit bancaire se resserre, les<br />

charges des impôts deviennent écrasantes. A ces causes générales<br />

viennent se joindre des récoltes très déficitaires. La détresse<br />

des indigènes est grande ; malgré toutes les mesures prises pour<br />

l'atténuer, la famine et le typhus sévissent. Le malaise persiste


— 234 —<br />

dans les années suivantes, bien qu'atténué, et les répercussions<br />

de la crise se font sentir dans toutes les branches de l'activité<br />

commerciale. Les années 1920-1924 forment la plus mauvaise<br />

série agricole que l'Afrique du Nord ait enregistrée depuis<br />

cinquante ans. » (1).<br />

De quel appui le crédit pouvait-il être, en ces circonstances,<br />

pour rétablir une situation si compromise et quel devait être<br />

le rôle des banques ? Dans YExposé annuel de la situation géné<br />

rale de l'Algérie, en 1920, le Gouverneur général s'exprime ainsi<br />

à ce sujet : « Au point de vue commercial,<br />

un remède efficace<br />

consisterait, de l'avis unanime des groupements intéressés, en<br />

l'organisation du crédit sur des bases appropriées à la situation<br />

actuelle. L'une des principales causes de la crise est que beau<br />

coup de commerçants ayant constitué à hauts prix des appro<br />

visionnements ne peuvent plus les écouler. Il faudrait donc leur<br />

donner le crédit nécessaire pour pouvoir supporter la perte qu'en<br />

traînera cette liquidation. Mais ce crédit doit être accordé avec<br />

circonspection après examen sérieux de chaque situation, car<br />

il ne doit pas être gaspillé au profit de ceux qui ont fait pendant<br />

la guerre des bénéfices considérables et qui se refusent aujour<br />

d'hui à les entamer pour faire face aux difficultés présentes.<br />

Certains d'entre eux ont tendance, après avoir réalisé et mis<br />

à l'abri de l'impôt et de leurs créanciers l'avoir obtenu à la faveur<br />

d'une calamité publique, à déposer purement et simplement leur<br />

bilan,<br />

pour demander un concordat. Les tribunaux ne doivent<br />

pas se prêter à cette manœuvre malhonnête et doivent frapper<br />

impitoyablement tous ceux qui s'en rendent coupables. Quant<br />

aux autres maisons, celles qui sont véritablement victimes des<br />

circonstances, il faudrait, après enquête sérieuse sur leur situa<br />

tion, leur ouvrir le crédit qui leur est nécessaire. » (2) .<br />

(1) Augustin Bernard. Op. cit. p. 62.<br />

(2) La loi du 2 juillet 1919 avait institué, sous le nom de Règlement<br />

transactionnel et à titre provisoire, une procédure exceptionnelle en fa<br />

veur des commerçants ne pouvant faire face à leurs engagements pour<br />

cause générale de guerre : pas de publicité ; la procédure de vérification<br />

et d'affirmation des créances était supprimée ; le concordat facilité. La<br />

loi du 2 juillet fut déclarée applicable à l'Algérie par le décret du 12<br />

février 1921. Ayant soulevé d'importantes protestations, elle fut modifiée<br />

par la loi du 28 avril 1922 qui réduisit les avantages accordés au débi<br />

teur. Cette nouvelle loi fut étendue à l'Algérie par décret du 27 juillet<br />

de la même année.


— — 235<br />

Les banques pensaient assurément sur cette question de la<br />

même façon que le Gouverneur général, mais, en pareille matière,<br />

ce n'est pas, le plus souvent,<br />

sur l'affirmation des principes que<br />

se manifestent des divergences, mais sur leur application. Les<br />

banques avaient à faire entre leurs clients une discrimination<br />

assez difficile et il était assez aisé de les critiquer lorsqu'elles<br />

se jugeaient dans l'obligation de restreindre certains crédits et<br />

de laisser se produire certaines liquidations. On ne manqua pas<br />

de leur reprocher d'être trop restrictives pendant la crise, après<br />

avoir été trop larges pendant la période de fièvre, de se refuser,<br />

après avoir favorisé indirectement par l'excès du crédit les<br />

entreprises téméraires, à utiliser de nouveau le crédit pour atté<br />

nuer le mal. Elles répondirent que les agriculteurs, commerçants<br />

et industriels qui se plaignaient de restrictions auraient refusé<br />

eux-mêmes tout crédit à leurs acheteurs ; ce qu'ils demandaient<br />

aux banques c'étaient donc des crédits directs qu'ils auraient<br />

souvent tendance à transformer en véritable commandite ; enfin,<br />

de nombreux crédits de campagne n'étant pas remboursés à<br />

l'échéance, il était très difficile aux banques de consentir des<br />

crédits aux débiteurs qui déclaraient ne pouvoir tenir leurs<br />

engagements anciens. Le Gouverneur général concluait ainsi :<br />

« Sur la question particulière du crédit, il semblerait donc<br />

qu'en général les banques ont prêté un concours financier très<br />

important, dans la mesure compatible, toutefois, avec la nécessité<br />

de limiter les avances de crédit à leurs forces réelles et d'éliminer<br />

de leur portefeuille tous les titres douteux. Quant aux avances<br />

sur titres, les divers établissements financiers de la colonie les<br />

ont consenties très largement pour engager de nombreux capi<br />

talistes algériens à souscrire aux emprunts... »<br />

En 1024, de nouvelles critiques furent adressées aux banques<br />

et trouvèrent leur écho dans YExposé du Gouvernement général<br />

sous cette forme : « Dans la colonie, comme dans la métropole, le<br />

développement de la production et du commerce a provoqué des<br />

besoins de numéraire d'autant plus impérieux que le niveau des<br />

prix intérieurs s'est élevé parallèlement sous l'influence de la<br />

tension des changes. Pour satisfaire les demandes, surtout celles<br />

des agriculteurs, les banques n'ont pas toujours apporté l'em<br />

pressement désirable,<br />

alors qu'il fallait seconder les initiatives


— — 236<br />

intelligentes et les efforts indispensables pour triompher de<br />

la résistance d'une terre exigeante et d'un climat capricieux... La<br />

Banque de l'Algérie élevait le taux de son escompte... jusqu'à<br />

7 1/2 %. Les autres sociétés de crédit majoraient ces relève<br />

ments de 1 et souvent de 2 %... Enfin, les banques ont pris<br />

des mesures nettement restrictives à l'égard des crédits de<br />

campagne, comme à l'égard des crédits commerciaux. La Banque<br />

de l'Algérie peut être considérée comme le régulateur en ce<br />

pays du crédit agricole,<br />

commercial et industriel. Son exemple<br />

est toujours suivi par les autres établissements financiers de<br />

la colonie. U faut d'ailleurs reconnaître qu'elle s'est fait une<br />

règle de n'émettre aucun billet dont la sortie ne soit réellement<br />

motivée par une opération d'ordre strictement économique. Ainsi<br />

a-t-elle pu conserver à son papier une valeur solide, renforcée<br />

encore par la récupération intégrale des avances consenties au<br />

budget algérien... »<br />

En fait, aux heures de crise, le devoir des banques est sin<br />

gulièrement ingrat. Il semble que toutes les erreurs commises<br />

pendant la période de prospérité constituent,<br />

pour ceux qui en<br />

sont responsables, comme un droit certain à l'assistance ban<br />

caire. II est nécessaire que les banques sachent alors distinguer,<br />

parmi les industries et les commerces qui souffrent, ceux qui<br />

conservent des éléments de vitalité suffisants pour profiter utile<br />

ment du concours que peut leur apporter le crédit ;<br />

si dure que<br />

soit souvent la nécessité de refuser aux autres une assistance<br />

qui ne ferait que prolonger et parfois qu'aggraver une situation<br />

irrémédiablement perdue, le devoir des banques n'en est pas<br />

moins, certain, mais il est très pénible à accomplir et, dans bien<br />

des cas, difficile à dégager. Le temps seul souvent permet de<br />

juger si elles l'ont bien discerné ; et, à cet égard, l'épreuve a été<br />

favorable, quoi qu'on en puisse dire, aux banques algériennes.<br />

Au surplus, l'Algérie était, à plus d'un point de vue, en<br />

meilleure situation que beaucoup d'autres pays pour résister à<br />

la crise générale qui sévit après 1920. Elle n'avait pas de dettes<br />

importantes à régler à l'étranger : elle était assurément inté<br />

ressée —<br />

mais<br />

par le seul fait de sa solidarité économique,<br />

aux difficultés que le<br />

financière et monétaire avec la France —<br />

déséquilibre des changes créait à la métropole pour ses règle-


ments extérieurs ;<br />

difficultés.<br />

— — 237<br />

elle n'avait guère pour elle-même de telles<br />

Bien au contraire, le renversement de la balance commerciale<br />

qui s'était produit pendant la guerre lui avait permis de se créer<br />

un avoir en France,<br />

qui avait été en partie investi dans des<br />

placements de titres achetés ou souscrits dans la métropole ou<br />

à l'étranger ; les banques disposaient de fonds en France pro<br />

venant de l'excédent du recouvrement des créances algériennes<br />

sur les paiements effectués pour le compte de la colonie, et la<br />

Banque de l'Algérie, notamment, avait pour cette raison d'im<br />

portantes disponibilités à Paris.<br />

Bien des colons agriculteurs ou commerçants, comme bien des<br />

propriétaires et négociants indigènes et quelques émigrés kabyles<br />

s'étaient individuellement enrichis (1). Ils pouvaient plus aisé<br />

ment qu'autrefois supporter les à-coups de la production, mieux<br />

résister également aux conséquences des crises générales.<br />

L'Algérie était donc prête,<br />

malgré les difficultés de l'après-<br />

guerre, à poursuivre, dans la sécurité, l'œuvre de développement<br />

entreprise depuis 1830 et que les événements avaient menacée<br />

et ralentie mais non interrompue.<br />

*<br />

* *<br />

Les questions économiques, commerciales ou bancaires qui se<br />

présentèrent entre 1918 et 1927 furent peu à peu dominées,<br />

sans que beaucoup de bons esprits s'en fussent, dès le début,<br />

bien rendu compte, par le problème de la monnaie française,<br />

qui se dépréciait de plus en plus sous des influences diverses :<br />

inflation de la circulation fiduciaire qui avait eu à supporter la<br />

plus grande partie du financement des dépenses de la guerre et<br />

qui avait pour contre partie une dette considérable de l'Etat vis<br />

à vis de la Banque de France ;<br />

règlement d'une balance défici-<br />

(1) Les travailleurs arabes, et particulièrement les Kabyles recrutés<br />

pendant la guerre par le Gouvernement économisaient des sommes impor<br />

tantes sur leurs salaires et expédiaient des économies en Algérie. On éva<br />

lue le montant de ces économies aux deux tiers des salaires touchés par<br />

les Kabyles, on cite, à titre d'exemple, la commune de Fort-National, dont<br />

le bureau de poste a payé aux indigènes les sommes suivantes provenant<br />

de France : en 1918, 3.702.207 francs ; en 1919, 4.236.308 francs ; pen<br />

dant le premier semestre 1920, 3.620.989 francs.<br />

DÉPRÉC1A-<br />

T10N DE LA<br />

MONNAIE<br />

FRANÇAISE.


- 238<br />

—<br />

taire ; inquiétude des esprits qui, après avoir pensé que la vic<br />

toire assurerait la juste réparation des dommages, s'apercevaient<br />

que la France supporterait en définitive des charges extrême<br />

ment lourdes et prenaient peur devant la perspective d'un far<br />

deau peut-être excessif pour les forces du pays ; chiffre très<br />

élevé d'une dette flottante dont on redoutait les échéances et<br />

qu'on rendait plus inquiétante par cette inquiétude même ;<br />

crainte du capital toujours prêt à escompter les pires mesures,<br />

toujours sensible aux menaces et s'efforçant d'échapper à<br />

l'étreinte d'une fiscalité qu'il jugeait trop exigeante ; opinion<br />

défavorable des pays étrangers sous-estimant les ressources du<br />

nôtre ; spéculations éhontées sur la monnaie française, savam<br />

ment mises à profit par certains ennemis de la France qui entraî<br />

naient dans leur jeu la foule aveugle du monde entier.<br />

L'Algérie subit le contre-coup d'un tel mouvement, dans lequel<br />

du moins elle n'eut pas de responsabilité. Le billet de la Banque<br />

de l'Algérie ne renfermait, nous l'avons vu,<br />

aucune cause de<br />

faiblesse qui lui fût propre : le gouvernement n'avait pas abusé<br />

vis-à-vis d'elle, ni pendant ni depuis la guerre, d'émissions de<br />

mandées pour couvrir des avances excessives. Les 360.960.000 fr.<br />

qu'elle lui avait prêtés étaient remboursés dès le 19 avril 1920.<br />

Il n'existait pas de dette flottante spéciale à l'Algérie. Celle-ci<br />

avait répondu plus largement même aux appels adressés par<br />

le gouvernement pour des souscriptions à des emprunts à long<br />

terme qu'aux offres de bons de la Défense nationale, dont l'émis<br />

sion fut d'ailleurs suspendue dans la colonie parce qu'ils ne<br />

présentaient presqu'aucun intérêt pour le Trésor en raison de<br />

l'impossibilité où il se trouvait de faire passer les fonds dans<br />

la métropole. La population algérienne n'en devait pas moins<br />

supporter, comme toute la population française, les conséquences<br />

générales des charges que la guerre avait imposées au pays. En<br />

particulier, la dépréciation monétaire atteignait durement les<br />

acheteurs de matières premières et les consommateurs. Pendant<br />

qu'elle s'accentuait, elle avait, par contre, favorisé certains<br />

exportateurs : d'une façon générale elle avait apporté le trouble<br />

dans les transactions internationales de l'Algérie. La hausse des<br />

prix qui n'était, en réalité, que l'adaptation de la valeur nominale<br />

des choses à leur valeur réelle, compte tenu de la dépréciation<br />

monétaire, menaçait l'équilibre des budgets individuels comme


- 239<br />

—<br />

ceux de toutes les entreprises aussi bien dans la colonie que<br />

dans la métropole. Cette situation ne pouvait se perpétuer sans<br />

les plus grands dommages pour le pays et,<br />

comme elle reposait<br />

en réalité sur une dépréciation exagérée de la monnaie française,<br />

que les divers éléments psychologiques qui étaient intervenus<br />

pour provoquer cette dépréciation pouvaient exercer à un mo<br />

ment donné leur influence en sens contraire, il en résultait un<br />

état d'instabilité et d'insécurité auquel le premier devoir du gou<br />

vernement était de mettre un terme,<br />

même au prix de grands<br />

sacrifices. Dès que l'opinion du monde parut mieux éclairée sur<br />

la réelle position financière de la France et que la confiance<br />

générale put être ramenée dans le pays lui-même par un ensem<br />

ble de mesures appropriées, les capitaux nationaux qui avaient<br />

fui la France, comme les capitaux étrangers qui avaient retiré<br />

leur concours, s'investirent de nouveau dans les devises et dans<br />

les affaires françaises, le change s'améliora très rapidement et,<br />

dans le courant du deuxième semestre 1926, la Banque de France<br />

disposa de ressources suffisantes pour maintenir sur le marché<br />

international le cours de la devise française à un certain niveau<br />

de stabilité qui consacra toutefois une grande partie de la dépré<br />

ciation de cette devise (1). La sorte de prime à l'exportation que<br />

constituait l'accroissement continu de cette dépréciation cessa<br />

de favoriser certaines industries. Il en résulta de nouvelles<br />

difficultés pour les exportateurs algériens, comme pour les expor<br />

tateurs métropolitains. C'était la rançon nécessaire du retour du<br />

pays à une situation monétaire normale ;<br />

mais la mesure de<br />

stabilisation que les circonstances avaient imposée à la France<br />

laissa diminué le pouvoir d'achat de tous ceux dont les revenus<br />

demeuraient payés en francs sur les bases antérieures à la<br />

guerre, et la capacité d'achat du marché intérieur s'en est trou<br />

vée profondément atteinte.<br />

Quelques personnes ont pu croire un moment qu'il eût été<br />

préférable pour l'Algérie de désolidariser sa monnaie de la mon<br />

naie métropolitaine. Elles ont estimé que le franc algérien avait<br />

conservé son principe vital que n'avait pas vicié, comme re billet<br />

français, une dette de l'Etat encore impayée à cette date (2).<br />

'1) Voir chapitre VTII.<br />

(2) Cf. St. Germes. La Banque de l'Algérie et le crédit pendant et<br />

après la guerre, Alger, 1925.


LES DE VOIRS<br />

DELA BANQUE<br />

DE L'ALGERIE<br />

EN FACE DE LA<br />

DEPRECIA IION<br />

DE LA MONNAIE<br />

ET LES BESOINS<br />

DE CREDIT DE<br />

L'AGRICULTURE.<br />

— — 240<br />

Nous pensons que cette idée, née au moment où se déroulaient<br />

dans la métropole les phases les plus inquiétantes du drame<br />

monétaire, n'est plus soutenue aujourd'hui avec la même convic<br />

tion. L'Algérie a tiré trop d'avantages de son union monétaire<br />

relative avec la France pour ne pas mesurer ce qu'a gagné son<br />

commerce à la suppression du change franco-algérien ;<br />

elle a<br />

trop le sentiment national pour ne pas se rendre compte qu'une<br />

monnaie indépendante ne l'aurait pas mise à l'abri des réper<br />

cussions d'une guerre qui a imposé à tout le pays les plus lourds<br />

sacrifices et qui menaçait l'existence de la colonie autant que<br />

celle de la métropole. Il eût fallu,<br />

même avec une monnaie<br />

indépendante, qu'elle supportât sa part du fardeau commun.<br />

Elle n'aurait pu le faire qu'en s'imposant les plus lourds impôts<br />

ou en chargeant sa propre circulation fiduciaire,<br />

si elle avait<br />

pu y contraindre la Banque. Dans les deux cas, le résultat eût<br />

été le même que celui devant lequel elle s'est trouvée placée.<br />

Chacun comprend à l'heure présente que la guerre, qui est des<br />

tructrice non seulement de vies humaines mais aussi de riches<br />

ses, appauvrit les pays qui la subissent, et qu'après ces cruelles<br />

épreuves ce qui importe le plus à l'ensemble d'une nation c'est<br />

de maintenir autant que possible les prix intérieurs et la capacité<br />

de paiement des habitants. Ces prix intérieurs et cette capacité<br />

de paiement auraient-ils été maintenus en Algérie au niveau<br />

d'avant-guerre si la colonie s'était assuré une entière autonomie<br />

monétaire et si elle avait établi entre elle et la métropole la<br />

barrière du change ? Dans quel pays éprouvé par la guerre<br />

peut-on dire qu'il en est ainsi à l'heure actuelle ?<br />

L'Algérie retrouve aujourd'hui, grâce à la solidarité entre le<br />

franc français et le franc algérien, les sécurités de négociations<br />

et de règlement qui ont si largement contribué à sa prospérité.<br />

En présence de cette question si angoissante de la dépréciation<br />

monétaire, la Banque de l'Algérie n'avait plus, au cours des<br />

années qui suivirent la guerre, une pleine liberté d'action. Elle<br />

était obligée de se préoccuper avant tout, dans un pareil péril<br />

national, de maintenir aussi sains que possible les divers élé<br />

ments de la couverture de ses billets.


— — 241<br />

La colonie, de son côté, avait toujours besoin du concours de<br />

la Banque, et l'agriculture, appelée au lendemain de la guerre à<br />

prendre un nouvel essor,<br />

souhaitait obtenir enfin un régime<br />

définitif lui assurant le crédit qui lui est nécessaire.<br />

Le réseau prévu par la loi qui avait organisé le crédit mutuel<br />

agricole s'était bien étendu. On comptait après la guerre, en 1919,<br />

43 caisses régionales et 296 caisses locales. Toutefois ces caisses<br />

n'étaient pas encore,<br />

en raison de l'insuffisance de leurs res<br />

sources, en situation de rendre aux agriculteurs tous les services<br />

que l'on pouvait en attendre.<br />

Elles n'étaient qu'au début de leur fonctionnement ; et dans<br />

leur constitution, dans la conception que certains de leurs fon<br />

dateurs se faisaient de leur rôle, dans leur gestion même, des<br />

erreurs purent être commises, comme il arrive aux premiers<br />

âges des institutions qui n'ont pas pour se guider l'expérience<br />

du passé. Il semble bien que le crédit n'échappe pas à cette loi<br />

fatale qui ne donne de véritable valeur aux yeux des hommes<br />

qu'à l'expérience personnelle. Il faut que, peu à peu, certaines<br />

initiatives exagérées se disciplinent,<br />

que des méthodes rigou<br />

reuses, des règles d'ordre absolu s'établissent. Ce doit être là<br />

l'œuvre du temps : elle s'accomplissait peu à peu. Mais, en<br />

attendant que cette mise au point fût réalisée, les caisses ne<br />

disposaient que de ressources insuffisantes ; la mutualité ne<br />

pouvait pas leur en assurer de positives et elles fonctionnaient<br />

surtout grâce aux avances que leur consentait l'Etat et qu'elles<br />

étaient chargées de répartir. Il leur fallut trouver des concours<br />

extérieurs, soit dans des dépôts,<br />

soit dans le réescompte des<br />

effets de leurs adhérents. Leur gestion n'inspirait pas encore<br />

assez de confiance aux banques et à la Banque de l'Algérie en<br />

particulier, pour qu'elles fussent assurées, dès la première heure,<br />

de trouver de ce côté toute l'aide qu'elles eussent souhaitée.<br />

C'est ainsi que pendant la période du début, que la guerre<br />

prolongea naturellement, la Banque de l'Algérie estima devoir<br />

observer vis-à-vis d'elles une attitude d'expectative ;<br />

elle ju<br />

geait sage de n'entrer en relations avec elles qu'après un temps<br />

d'épreuve permettant d'apprécier leur façon de travailler, leur<br />

prudence, leurs ressources (1).<br />

(1) Les escomptes du papier des Caisses avaient été jusqu'alors très<br />

limités et n'avaient pas nécessité l'adoption de règles générales. Pour la


— — 242<br />

Les besoins de crédit des caisses régionales n'étaient pas tou<br />

jours proportionnés à la qualité des effets qui entraient dans<br />

leur portefeuille ou à celle des garanties qu'elles pouvaient elles-<br />

mêmes offrir. Les banques qui escomptaient leurs effets et<br />

la Banque de l'Algérie, appelée à les réescompter, devaient donc<br />

soumettre à un examen sérieux le papier qui leur était présenté.<br />

Elles y apportaient d'ailleurs une grande bienveillance et sans<br />

doute, peu à peu, le régime d'escompte du papier des caisses<br />

mutuelles agricoles aurait-il pu s'établir dans des conditions<br />

satisfaisantes, si des circonstances d'ordre général n'avaient pas<br />

créé à la Banque de l'Algérie des difficultés particulières et ne<br />

lui avaient pas imposé alors des devoirs impérieux.<br />

La crise qui menaçait si gravement à cette époque la monnaie<br />

française, dont la dépréciation s'accentuait, avait sur la colonie<br />

une très sérieuse et très préoccupante réaction. La Banque<br />

devait élever le taux de l'escompte à 7,50 % et prendre des mesu<br />

res restrictives.<br />

Précisément, parce que la crise monétaire se précipitait, la<br />

Banque ne pouvait oublier que, parmi les missions qui lui étaient<br />

confiées par la loi, il en existait une qui devait prendre le pas<br />

sur les autres,<br />

c'était celle qui la constituait gardienne de la<br />

s*aine circulation monétaire. Elle devait donc veiller avant tout<br />

à la liquidité de son portefeuille,<br />

porter tout son soin à ne pas<br />

ajouter aux causes générales qui, en dehors d'elle,<br />

sans qu'elle<br />

pût personnellement s'opposer à leur action, venaient altérer<br />

la valeur de son billet, d'autres causes propres à sa gestion per<br />

sonnelle susceptibles de vicier sa circulation. Il était donc de son<br />

devoir de se montrer sévère, au moment même où cette sévérité<br />

pesait le plus durement sur la colonie.<br />

première fois en 1922, la Banque prit une décision de principe et soumit<br />

l'admission du papier des Caisses agricoles à l'escompte à une double<br />

condition : les engagements de chaque caisse ne devaient pas dépasser<br />

une fois et demie son capital et le papier devait être présenté sous l'endos<br />

d'une banque. Pour éviter que cette troisième signature vînt grever l'agri<br />

culture d'une charge spéciale, la Banque de l'Algérie réduisait dans ce<br />

cas le taux officiel de l'escompte de 1,50 %. Pour le surplus, la Banque<br />

appliquait aux effets de cette nature les règles suivies en matière de cré<br />

dit de campagne : les effets qui devaient être à échéance maxima de 100<br />

jours, pouvaient être l'objet de deux renouvellements d'égale durée. La<br />

disposition qui proportionnait la fiche d'escompte de chaque caisse, par<br />

l'intermédiaire des banques, à un montant égal à une fois et demie celui<br />

du capital de la Caisse parut constituer une limitation trop rigide, et les<br />

caisses obtinrent qu'elle fût supprimée.


— — 243<br />

Ce devoir n'apparut pas nettement aux yeux de tous. Pour<br />

mieux entraîner la Banque vers une politique plus libérale à<br />

l'égard du papier agricole, les caisses régionales se fédérèrent.<br />

En mai 1925, les chambres d'agriculture demandèrent l'escompte<br />

direct du papier agricole à la Banque de l'Algérie et, subsidiai-<br />

rement, la création d'une banque agricole. La Fédération des<br />

caisses régionales adopta le principe de cette création, mais<br />

en demandant que,<br />

par un accord avec la Banque de l'Algérie,<br />

cette banque agricole fût assurée de réescompter le papier agri<br />

cole de campagne en quantités proportionnelles aux besoins de<br />

l'agriculture et à des conditions de taux plus favorables que les<br />

conditions alors en vigueur. Les Délégations financières don<br />

nèrent leur adhésion à ce projet.<br />

La Banque de l'Algérie se rallia au principe de la création<br />

d'une banque spéciale agricole, mais elle estima que cette ban<br />

que devait être dotée de ressources suffisantes pour qu'elle se<br />

chargeât seule du réescompte du papier des caisses agricoles. A<br />

cet effet, elle se déclara prête à participer,<br />

sous une forme à<br />

déterminer, à la constitution de son capital et suggéra qu'on<br />

lui assurât des ressources supplémentaires au besoin par l'émis<br />

sion d'obligations. Elle envisageait d'ailleurs de compléter l'orga<br />

nisation du crédit agricole par une caisse de crédit immobilier,<br />

analogue à celle qui existe au Maroc depuis 1923.<br />

Le projet ainsi préparé fut étudié par les colons,<br />

par le Gou<br />

vernement général et par les Délégations financières, amendé<br />

et transformé de manière à prendre place plus exactement dans<br />

les cadres de l'organisation existante du crédit agricole. La Ban<br />

que fut autorisée par la loi du 31 décembre 1925 à prêter à<br />

TAlgérie 20 millions au taux réduit de 2 %<br />

pour l'organisation<br />

du crédit agricole dans la colonie. L'on put un moment penser<br />

que le projet serait sanctionné par la loi et que c'est sous cette<br />

forme que se résoudrait, au moins pour le moment, la très<br />

ancienne et très délicate question à laquelle les circonstances<br />

critiques que traversait le pays donnaient alors un caractère<br />

particulièrement aigu.<br />

Divers incidents firent prendre aux événements une autre<br />

tournure et, parmi eux, il convient de noter la nécessité dans<br />

laquelle se trouvèrent alors les pouvoirs publics, principalement


- 244<br />

-<br />

en raison de la dépréciation monétaire, d'élever la limite fixée<br />

aux émissions de la banque. Les adversaires d'une banque<br />

spéciale réclamèrent que cette élévation fût subordonnée à<br />

l'admission à l'escompte du papier agricole et une campagne<br />

extrêmement violente, comportant des distributions de tracts,<br />

des affiches, des souscriptions publiques, fut entreprise.<br />

Comme il arrive souvent en pareil cas la discussion s'enve<br />

nima par les malentendus ; des expressions, des formules tech<br />

niques sont mal comprises ; chacun couvre du même mot des<br />

idées ou des faits différents et le temps passé en querelles de<br />

cette nature est perdu pour le travail utile.<br />

Mais, fin mars 1926, tous se retrouvèrent d'accord pour recon<br />

naître que, si la Banque de l'Algérie pouvait escompter le papier<br />

des caisses régionales, elle ne pouvait pas le faire aveuglément,<br />

qu'elle devait être éclairée sur la nature de chaque opération<br />

pour écarter celles qui constituent des immobilisations et prêter<br />

au contraire son concours à l'escompte du papier de campagne<br />

portant, comme le veulent ses statuts, des signatures solvables ;<br />

enfin on reconnut qu'il importait de créer un organisme — une<br />

caisse foncière agricole — destinée<br />

à assurer la mobilisation<br />

du papier qui ne pouvait pas être admis à la Banque de l'Algérie<br />

parce qu'il représente des opérations dépassant la durée normale<br />

d'une campagne agricole. La Banque fut autorisée à porter à<br />

30 millions l'avance prévue par la loi du 30 décembre 1925.<br />

Sur ces trente millions, 18 devaient être affectés à la caisse<br />

foncière<br />

d'une<br />

terme,<br />

agricole. Une solution raisonnable, permettant de régler<br />

manière pratique la question du crédit agricole à court<br />

intervenait<br />

encore et mettait fin à un débat né dès<br />

avant 1851, qui a souvent paru, depuis, mettre en conflit la<br />

Banque d'émission et les milieux agricoles où elle trouve depuis<br />

longtemps,<br />

quoi qu'on en ait dit, d'excellents et fidèles clients.<br />

Mais cette fois la solution n'était pas une transaction, elle repo<br />

sait sur une rationnelle organisation du crédit et une judicieuse<br />

risques (1).<br />

distinction des<br />

(1) Voir chapitre XII.


245 —<br />

*<br />

Pendant la guerre, comme au cours de la période qui la suivit,<br />

la circulation monétaire de l'Algérie fut exclusivement composée,<br />

en dehors des jetons des chambres de commerce et de la monnaie<br />

de billon,<br />

par les billets de la Banque. L'or et les écus disparurent<br />

de la colonie comme de la métropole ou s'y cachèrent. La circula<br />

tion des billets ne cessa, par contre, de s'accroître (1). A un<br />

moment donné, la circulation de la Banque de l'Algérie comprit<br />

un nombre relativement assez élevé de billets ayant pénétré au<br />

Maroc. Ces billets ont cessé depuis lors de circuler dans ce pays<br />

et la courbe de l'augmentation propre de la circulation en Algé<br />

rie aurait été plus accentuée au cours des années 1925 à 1927 si<br />

cette accentuation n'avait pas été compensée pour partie par les<br />

retraits de billets algériens au Maroc.<br />

Ces retraits eurent lieu à la suite de mesures adoptées par<br />

le gouvernement marocain et d'un accord intervenu entre la<br />

Banque de l'Algérie et la Banque d'Etat du Maroc.<br />

Les traités de paix ne continrent pas de disposition modifiant,<br />

dans son principe, la charte internationale que la Banque d'Etat<br />

du Maroc tenait de l'acte d'Algésiras du 7 avril 1906 ; ils mirent<br />

seulement à la disposition de la France la part allemande<br />

(art. 145 du traité de Versailles)<br />

et la part autrichienne d'ac<br />

tions de cette Banque (art. 100 du Traité de Saint-Germain) (2).<br />

La Banque de l'Algérie, devant la confirmation que le pri<br />

vilège de la Banque d'Etat recevait ainsi après la guerre, ne<br />

pouvait plus songer à installer des agences au Maroc ; elle devait<br />

se borner, en vue de tendre à assurer une union bancaire néces<br />

saire à la bonne distribution du crédit et à la saine circulation<br />

monétaire dans l'Afrique du Nord, à conclure avec la Banque<br />

privilégiée du Maroc des accords pour cet objet. La loi du<br />

3 août 1920 eut pour but de rendre possible ces accords en<br />

posant le principe que la Banque de l'Algérie pourrait être<br />

autorisée à prendre des participations dans le capital des ban-<br />

(1) La loi du 26 juin 1926 ayant supprimé la faculté d'élever par décrets<br />

la limite d'émission, les élévations successives et nécessaires de cette<br />

limite, portée à 2.400 millions, furent faites par les lois du 6 août 1926<br />

et 1" août 1929.<br />

(2) Ces parts, n'étant plus dans les mains de leurs premiers propriétai<br />

res, perdaient le droit de désignation d'un administrateur qui y était atta<br />

ché et ce droit revenait à l'Assemblée générale des actionnaires.<br />

16<br />

LA<br />

CIRCULATION<br />

MONÉTAIRE<br />

DEPUIS 1914.<br />

LA MONNAIE<br />

ALGÉRIENNE<br />

AU MAROC.


SITUATION<br />

ÉCONOMIQUE<br />

ET FORTUNE<br />

ACTUELLES<br />

DE L'ALGÉRIE.<br />

— — 246<br />

ques d'émission établies dans les colonies et protectorats français<br />

en Afrique du Nord et à se faire représenter dans les conseils<br />

de ces banques. « Il appartiendra au Ministre des Finances,<br />

disait la loi, de fixer les conditions dans lesquelles la Banque<br />

de l'Algérie désignera,<br />

pour la représenter dans le conseil d'ad<br />

ministration de ces banques d'émission, son directeur général,<br />

son sous-directeur général ou ses propres administrateurs. »<br />

Par un décret du 25 avril 1921 la Banque de l'Algérie fut<br />

autorisée à acquérir, dans les conditions prévues à l'article 145<br />

du traité de Versailles, les actions constituant la part du groupe<br />

allemand dans le capital de la Banque d'Etat au Maroc. Cette<br />

acquisition fut réalisée le 2 juin 1921.<br />

De son côté, le gouvernement français concluait le 4 mars 1922,<br />

avec la Banque d'Etat du Maroc, une convention monétaire en<br />

conséquence de laquelle un arrêté viziriel retira « la tolérance<br />

accordée à titre transitoire à la circulation des billets de la<br />

Banque de France et de la Banque de l'Algérie ».<br />

C'est dans ces conditions que la Banque de l'Algérie négocia<br />

avec la Banque d'Etat du Maroc des accords qui, finalement, se<br />

réduisirent en pratique à la dissolution de la Banque algéro-<br />

tunisienne, à une reconnaissance réciproque des droits de chaque<br />

banque et à une entente sur l'échange et le rapatriement des<br />

billets (1). Il est permis d'espérer que cette entente se dévelop<br />

pera pour le bien de l'Afrique du Nord dans l'esprit qui a présidé<br />

à la loi du 3 août 1920.<br />

Malgré les épreuves que l'Algérie dut subir au cours de cette<br />

période qui s'étend de 1914 à l'heure présente, la prospérité du<br />

pays et son développement agricole et commercial ne furent<br />

pas arrêtés ; un renversement de la balance des comptes entre<br />

la métropole et la colonie rendit même celle-ci largement crédi<br />

trice et l'industrie algérienne progressa d'une manière remar<br />

quable.<br />

Cette fois encore, il ne faut pas méconnaître que le crédit,<br />

distribué judicieusement par les banques, a été pour beaucoup<br />

(1) Cf. De Roux : La Réforme monétaire au Maroc, Paris. Les Presses<br />

Universitaires, 1928.


— — 247<br />

dans d'aussi brillants résultats. Certes, le commerce algérien,<br />

dont il faut louer, en général, la claire conscience qu'il garde<br />

de son rôle capital dans la colonie, n'a pas oublié,<br />

entraînements qui égaraient quelques-uns,<br />

malgré les<br />

que les transactions<br />

régulières et normales assurent seules un profit permanent et<br />

définitivement acquis. Il ne se laissa que très exceptionnellement<br />

entraîner aux opérations spéculatives directes ou indirectes ayant<br />

pour base les cours de la monnaie nationale ; mais les banques,<br />

en s'attachant à mesurer ou même à refuser leur concours à<br />

ceux de leurs clients qu'elles savaient enclins à se livrer à de<br />

telles opérations,<br />

ont été pour tous de bonnes conseillères. On<br />

a pu trouver qu'elles restreignaient à certains moments les<br />

crédits d'une manière excessive, et on l'a dit,<br />

en ce qui concerne<br />

particulièrement la Banque de l'Algérie ; en agissant comme elles<br />

l'ont fait, elles ont, en réalité, évité à une partie de leur clientèle<br />

les chutes graves que devait fatalement entraîner,<br />

au jour du<br />

redressement monétaire, une pratique dont les dangers n'ap<br />

paraissaient pas aux yeux de ceux qui s'y livraient et qui<br />

croyaient souvent y<br />

voir une mesure de prudence. L'excès de<br />

crédit, qui eût favorisé de telles opérations, eût été bien plus<br />

dangereux pour le pays que le resserrement dont on a paru se<br />

plaindre parfois et qui ne fut pas à proprement parler un res<br />

serrement réel, mais un contrôle très serré du crédit.<br />

C'est grâce à la sagesse du commerce algérien,<br />

comme à celle<br />

des banques, que sont demeurées intactes, dans la tourmente,<br />

des forces qui ne demandaient qu'à s'épandre ; l'Algérie les<br />

retrouve en action au moment où, l'ordre monétaire étant enfin<br />

rétabli, une ère nouvelle s'ouvre devant elle.<br />

La population totale de l'Algérie s'élève aujourd'hui à près<br />

de 6 milions d'habitants (5.981.231 au recensement de 1926,<br />

parmi lesquels 658.000 Français). Le<br />

dont 833.000 Européens,<br />

commerce extérieur atteint environ 9 milliards (3.996 millions<br />

d'exportation et 4.968 millions d'importation en 1928),<br />

ce qui<br />

représente par habitant 1.500 francs. Si nous prenons pour<br />

commune mesure monétaire le poids d'or contenu dans le franc<br />

défini par la loi de germinal an XI, la comparaison entre 1913<br />

et 1928 s'établit ainsi : commerce extérieur : en 1913, 1.168<br />

millions ; en 1928 : 1.800 millions ; par tête d'habitant, 212


— — 248<br />

francs en 1913, 300 francs en 1928. Rappelons qu'en 1851 le<br />

commerce ne dépassait guère 84 milhons, soit 36 francs environ<br />

par tête d'habitant (1).<br />

Les productions du sol, malgré les difficultés de main-d'œuvre<br />

créées par la guerre et l'exode d'une partie de cette main-d'œuvre<br />

dans la métropole après la guerre, marquent également un pro<br />

grès qui donne la preuve que l'Algérie a poursuivi méthodique<br />

ment son merveilleux développement : la superficie des terres<br />

cultivées pour la production des céréales a légèrement augmenté<br />

(3.130.695 hectares contre 3.070.195),<br />

celle des vignes s'est<br />

considérablement accrue (221.776 contre 174.942). Le nombre<br />

des palmiers en rapport a presque doublé, celui des oliviers a<br />

passé de 6.307.000 à 14.601.900, la superficie consacrée à la<br />

culture du tabac de 10.213 hectares à 26.450 ; le coton qui,<br />

au moment où le déséquilibre des changes favorisait les prix<br />

de vente à l'intérieur,<br />

paraissait devoir prendre une grande<br />

extension, donne lieu même actuellement à des cultures intéres<br />

santes faisant honneur à l'initiative de ceux qui les poursuivent<br />

avec méthode.<br />

Seul le cheptel vif n'avait pas dans l'ensemble retrouvé, l'an<br />

dernier, les chiffres de 1913 ; mais, malgré les méfaits de mau<br />

vaises saisons qui ont diminué considérablement ce cheptel, il se<br />

reconstitue rapidement et de grands efforts sont faits pour en<br />

assurer le développement.<br />

Enfin, l'industrie elle-même progresse d'une façon très sen<br />

sible. La production du minerai de fer a passé de 1.348.899 ton<br />

nes en 1913 à 2.006.092 tonnes ; celle des phosphates de<br />

370.934 à 814.074. Dans les industries, comme dans les mines, la<br />

population ouvrière a, à peu près, triplé. Elle atteint dans l'en<br />

semble actuellement environ 175.000 ouvriers.<br />

Ce développement a une répercussion sur les opérations des<br />

banques, compte tenu de la nouvelle valeur du franc. Le mouve<br />

ment des caisses de la Banque de l'Algérie a atteint, au cours<br />

(1) A ce progrès est lié celui du mouvement de la navigation. Si en<br />

1928, le nombre des navires qui ont fréquenté les ports de l'Algérie est<br />

moins élevé qu'en 1913 (9.500 au lieu de 10.193) leur tonnage est très supé<br />

rieur (16.042.065 tonnes contre 10.696.097), Le développement des chemins<br />

de fer s'est poursuivi également (4.789 kilomètres exploités contre 3.337<br />

en 1913).


— 249 —<br />

de l'exercice 1927-28, environ 60 milliards, contre un peu plus<br />

de 7 en 1913. La circulation de la Banque de l'Algérie qui, à<br />

la veille de la Guerre, s'élevait au total à 219.785.480 francs<br />

dont 185.881.370 pour l'Algérie, est aujourd'hui en moyenne<br />

d'environ 2.100 millions, dont 1.500 pour l'Algérie seule. Sur<br />

cette circulation algérienne environ soixante millions sont cons<br />

titués en billets de 5 francs,<br />

qui se sont substitués à la monnaie<br />

d'argent disparue : les éléments comparables de la circulation<br />

algérienne sont donc respectivement de 186 millions en 1913 et<br />

1.440 millions en 1929,<br />

soit un accroissement de 1.254 millions<br />

représentant une proportion de 674 %, à peu près la même que<br />

celle que l'on constate dans le mouvement des caisses de la Ban<br />

que (1).<br />

Les très grandes disponibilités qui viennent actuellement ali<br />

menter les affaires algériennes ont une action sur la circulation<br />

et sur le volume de l'escompte. Elles tendent à augmenter la<br />

première et à réduire le second.<br />

Un certain montant de billets de la Banque a désormais une<br />

contrepartie qui n'existait guère en 1913 : ce sont les fonds<br />

dont dispose l'institut d'émission dans la métropole et à l'étran<br />

ger et qui, pour l'Algérie seule, atteignent une moyenne d'environ<br />

800 millions. Les billets émis en Algérie, en contrepartie de ces<br />

disponibilités qui représentent la fraction principale du solde<br />

de la balance des comptes entre la colonie et la métropole (2),<br />

servent aux transactions algériennes au même titre que les<br />

billets émis en contrepartie de l'encaisse, des dépôts et du por<br />

tefeuille.<br />

Les besoins de ces transactions peuvent donc être satisfaits<br />

avec un moindre recours à la fois à l'escompte direct par les<br />

commerçants et agriculteurs dont la trésorerie est plus aisée, et<br />

au réescompte par les banques et les caisses agricoles qui reçoi<br />

vent de nombreux dépôts. Le mouvement du portefeuille de la<br />

Banque de l'Algérie et des principales banques locales présente<br />

(1) Dans la métropole la circulation a augmenté entre 1913 et 1929<br />

de 5.713.651.290 fr. (24 décembre) à 68.266.824.615 fr. (31 octobre). Si de<br />

ce dernier total on retire 3 milliards environ de petites coupures qui ne<br />

font que remplacer la monnaie métallique, on constate que l'accroissement<br />

net de la circulation est de 1.160 %.<br />

(2) Voir chapitre IX.


— 250 —<br />

bien une augmentation très importante, sinon en nombre<br />

d'effets (5.744.441 contre 5.174.336) du moins en sommes :<br />

19.120.500.000 contre 4.127.000.000 ; le portefeuille de la Banque<br />

de l'Algérie au 31 juillet 1929 s'élevait bien à 1.223 millions<br />

contre 279 millions au 31 juillet 1913,<br />

mais ces augmentations<br />

n'atteignent pas, pour les raisons que nous venons d'indiquer,<br />

la même proportion que celle des mouvements des caisses et de<br />

la circulation et ne correspondent même pas à la nouvelle valeur<br />

officielle du franc.<br />

Cette proportion correspond d'autant moins à celle de l'en<br />

richissement de l'Algérie, que cet enrichissement a sinon modi<br />

fié le caractère de la fortune algérienne, tel que nous l'avons<br />

défini au chapitre précédent, du moins accru sa liquidité.<br />

Il est très difficile d'évaluer le montant de la richesse de<br />

l'Algérie, nous l'avons démontré, et cette difficulté est plus<br />

grande aujourd'hui qu'en 1913-1914, parce que la valeur de bon<br />

nombre de ses éléments n'est pas appréciée selon l'étalon nou<br />

veau de la monnaie ; toute une adaptation se poursuit, inégale<br />

ment et souvent par saccades, entre les prix nominaux anciens<br />

et les prix nominaux nouveaux, et la spéculation vient fausser<br />

encore souvent cette adaptation, comme cela se produit, sem<br />

ble-t-il,<br />

ruraux.<br />

sur les prix de certains terrains urbains ou même<br />

Nous nous garderons donc bien, dans une période où tant<br />

d'incertitude existe encore sur la valeur relative des divers<br />

éléments de la fortune algérienne, d'en donner,<br />

en la décomoo-<br />

sant, une évaluation approximative, comme nous avons pu le<br />

faire pour 1913 ; toutefois, si nous avancions un chiffre, nous<br />

le fixerions au total autour de 40 milliards, soit un peu moins<br />

de huit fois le chiffre de 1913 (1).<br />

L'Algérie s'est assurément enrichie d'une façon sensible depuis<br />

quinze ans. Les plaies matérielles de la guerre sont, dans l'en<br />

semble, cicatrisées dans la colonie et, si nous nous reportons<br />

à 1851, il est aisé de mesurer le chemin parcouru et de garder<br />

sa foi dans l'avenir.<br />

(1) On peut évaluer de 1.500 millions à 2 milliards les valeurs mobiliè<br />

res possédées par les Algériens, à 3 milliards environ les dépôts en ban<br />

que, à la Caisse d'épargne et dans les caisses des particuliers, à 3 milliards<br />

la valeur du cheptel vif, de 15 à 20 milliards la propriété foncière non<br />

bâtie, à 10 milliards celle des propriétés bâties, etc...


TITRE II<br />

LA MONNAIE ET LE CRÉDIT EN ALGERIE<br />

EN 1930


CHAPITRE VIII<br />

LA CIRCULATION MONETAIRE ET FIDUCIAIRE<br />

EN 1929<br />

Régime monétaire de l'Algérie. Régime monétaire français antérieur<br />

au 25 juin 1928. Loi du 25 juin 1928. L'étalon d'or. Cessation du cours<br />

forcé. Statut monétaire de la Banque de France et de la Banque de<br />

l'Algérie. Retrait des petites coupures. Rétablissement de la circula<br />

tion d'or et d'argent. Système du Gold-bullion standard. Consé<br />

quence de l'application a l'Algérie de la loi du 25 juin 1928. Le billet<br />

de la Banque de France en Algérie. Règlements par écritures : chè<br />

ques et virements.


CONCOURS OUVERT POUR LA GRAVURE DES COINS<br />

DES MONNAIES D'OR<br />

Projet retenu par le Ministre des Finance»<br />

Turin<br />

CArrèté du 30 ianvjer 1929)<br />

Bazor<br />

tiuilberr La Fleur Lavriilier<br />

Yenccsse


Le système monétaire algérien est le même que celui de la<br />

Métropole. La monnaie métallique ayant cours en France et<br />

en Algérie est la même, seule est différente la monnaie fidu<br />

ciaire, émise par une banque propre à la colonie. L'Etat français<br />

seul a le droit de fabriquer la monnaie (1)<br />

et la Banque de<br />

l'Algérie seule a le droit d'émettre sur le territoire de la colonie<br />

des billets de banque.<br />

* *<br />

Depuis 1795 jusqu'à la loi du 25 juin 1928, l'unité monétaire<br />

française a été déterminée par la loi du 18 germinal an III qui<br />

a substitué le franc à la livre antérieurement en usage. Le franc<br />

fut ensuite ainsi défini par la loi du 17 germinal an XI<br />

(28 mars 1803) : « Cinq grammes d'argent au titre de 9/10 de<br />

fin constituent l'unité monétaire qui conserve le nom de franc. »<br />

On ne doit pas conclure de cette définition que l'étalon moné<br />

taire fût exclusivement l'argent,<br />

car la loi de germinal pres<br />

crivait la fabrication de pièces d'or de 20 francs et de 40 francs<br />

(2)<br />

en spécifiant que les pièces de 20 fr. seraient à la taille de 155<br />

pièces au kilogramme,<br />

au titre de 9/10 de fin. Un rapport<br />

de 1 à 15 1/2 était ainsi établi entre l'or et l'argent. Le kilo<br />

gramme d'or valait 3.100 francs et le kilogramme d'argent<br />

200 francs. Le franc contenait donc 0 gr. 32258 d'or au titre<br />

de 900/1000, soit : 0 gr. 290322 d'or fin. Le titre des monnaies<br />

divisionnaires d'argent fut ultérieurement modifié et fixé<br />

à 835/1000 en 1864 pour les pièces de 0 fr. 20 (3)<br />

et de<br />

(1) Cette fabrication est concentrée à l'Hôtel des Monnaies à Paris.<br />

Pendant la dernière guerre, de la monnaie divisionnaire d'argent fut fabri<br />

quée à Castelsarrasin.<br />

(2) Des pièces d'or de 5, 10, 50 et de 100 francs furent également<br />

frappées.<br />

(3) La frappe des pièces de 0 fr. 20 a cessé depuis longtemps. Après<br />

la démonétisation des pièces à l'effigie de Napoléon III en 1918, il n'en<br />

avait été frappé qu'une centaine d'exemplaires au type de la République.<br />

RÉGIME<br />

MONÉTAIRE<br />

DE L'ALGÉRIE.<br />

REGIME<br />

ANTÉRIEUR<br />

AU 25 JUIN 1928.


— — 254<br />

0 fr. 50 et, en 1866, pour les pièces de 1 à 2 francs, le titre<br />

de 900/1000 ayant été conservé pour les pièces de 5 francs.<br />

La loi de germinal avait laissé libre la frappe de la monnaie<br />

d'argent et de la monnaie d'or en fixant à 9 francs par kilo<br />

gramme d'or et 3 francs par kilogramme d'argent les frais de<br />

frappe. A partir de 1876, la frappe libre de l'argent fut sus<br />

pendue et il|ne fut plus émis de pièces de 5 francs. Il n'a pas<br />

été frappé de pièces d'or depuis 1915,<br />

depuis 1920.<br />

ni de pièces d'argent<br />

La loi fondamentale avait donné pouvoir libératoire illimité<br />

aux pièces d'or, d'argent et même de cuivre. En 1810, le pouvoir<br />

libératoire des pièces de cuivre a été limité à 5 francs et, en<br />

1866,<br />

celui des pièces d'argent de 1 et 2 francs à 50 francs.<br />

Seules les pièces de 5 francs gardèrent, même après la suspension<br />

un pouvoir libératoire illimité.<br />

de la frappe libre de l'argent,<br />

A partir de 1865, la France fit partie de l'Union latine, cons<br />

tituée à la suite du traité intervenu le 23 décembre entre la<br />

Belgique, la France, l'Italie, la Suisse, traité auquel la Grèce<br />

adhéra en 1874. Ce traité avait réuni des pays ayant longtemps<br />

joui d'une uniformité monétaire, rompue en 1860 et en 1862<br />

par la Suisse et par l'Italie, qui avaient abaissé le titre des<br />

monnaies divisionnaires d'argent. Le traité de 1865 rétablissait<br />

cette uniformité en consacrant le bimétallisme pour tous ces<br />

Etats ; il fut plusieurs fois renouvslé et modifié dans certaines<br />

de ses clauses,<br />

tallisme un étalon effectif d'or. Un décret du 31 octobre 1866<br />

qui ont permis de substituer de fait au bimé<br />

rendit exécutoire en Algérie la loi du 14 juillet 1866 relative<br />

à la convention monétaire conclue le 23 décembre 1865 et le<br />

décret du 20 juillet 1866 portant promulgation de cette conven<br />

tion; en conséquence les monnaies de ces divers visées<br />

dans la convention, circulèrent depuis lors en Algérie. La guerre<br />

ayant modifié profondément la situation monétaire des princi<br />

paux Etats de l'Union latine, l'intercirculation des monnaies<br />

fut d'abord pratiquement supprimée puis, par étapes, l'Union<br />

même se trouva dissoute.<br />

Ce régime monétaire a été modifié par la loi du 25 juin 1928<br />

loi du<br />

2.5 juin 1928. qui n'a pas encore reçu son entière application pratique, et la


— — 255<br />

circulation monétaire de l'Algérie traverse actuellement, comme<br />

celle de la Métropole,<br />

une période transitoire.<br />

Elle est exclusivement composée,<br />

en dehors des monnaies<br />

de billon (cuivre ou nickel : 0 fr. 05, 0 fr. 10, 0 fr. 25) et de<br />

jetons en bronze d'aluminium (0 fr. 50, 1 franc, 2 francs) frap<br />

pés au nom des chambres de commerce de France (1), de<br />

coupures émises par la Banque de l'Algérie et qui ont cours<br />

légal : 5 francs, 20 francs, 50 francs, 100 francs, 500 francs,<br />

1.000 francs (2).<br />

La monnaie métallique d'or et d'argent, qui avait cours avant<br />

la guerre et qui, thésaurisée, fondue ou exportée, avait disparu<br />

(1) Ces jetons ont remplacé les bons de monnaie en papier, carton, fer<br />

ou zinc qui avaient été émis à concurrence de plus de 16.365.000 fr.<br />

par les Chambres de Commerce dans les conditions indiquées plus haut<br />

(Chapitre VII). Ils ont été frappés à la Monnaie de Paris à par<br />

tir de 1922. En juillet 1923, sur la demande pressante de l'Union des<br />

Chambres de Commerce de l'Algérie, et après entente avec la Banque de<br />

l'Algérie, le Ministre des Finances faisait adresser aux succursales de la<br />

Banque un contingent de 15 millions de francs en jetons métalliques. Ces<br />

jetons étant destinés à remplacer les bons en circulation, il fut d'abord<br />

décidé que la Banque ne les échangerait que contre ces bons ; puis dès le<br />

1"<br />

août, on reconnut qu'il était utile d'en assurer une plus large diffusion<br />

et ils furent échangés également contre des billets de banque. Dès le<br />

15 novembre 1923, 10.406.583 fr. 50 avaient été émis en jetons de bronze<br />

d'aluminium et 8.394.471 fr. 50 de bons de monnaie retirés de la circula<br />

tion ; au 31 décembre 1925, ces retraits avaient atteint près de 14 mil<br />

lions. Il restait encore en circulation moins de 4.500.000 francs. Comme les<br />

retraits s'étaient poursuivis avec la même rapidité dans la Métropole, il<br />

fut possible de fixer une date pour le retrait définitif et la loi du 12 jan<br />

vier 1926 régla la question, en laissant au Ministre, pour la France, et au<br />

Gouverneur général, pour l'Algérie, le soin de fixer le point de départ d'un<br />

délai de 3 mois à l'expiration duquel les porteurs ne pourraient plus se<br />

faire rembourser, la prescription libératoire étant acquise aux Chambres<br />

de Commerce. Le Gouvernement général ps.r arrêté du 25 février 1926<br />

fixa au 1er avril le point de départ du délai de trois mois prévu par la<br />

loi. A l'expiration de ce délai, la Banque de l'Algérie remit aux Chambres<br />

de Commerce le reliquat des provisions qui avaient été constituées dans<br />

ses caisses.<br />

(2) Dans la circulation algérienne, ces coupures se répartissent ainsi,<br />

à la date du 15 juin 1929 :<br />

1.000 fr. 500 fr. 100 fr. 50 fr. 20 fr. 5 fr.<br />

60S.042 000 160.559.500 302.180.400 123.159.550 126.504.040 57.940.395<br />

Circulation fiduciaire totale en Algérie : 1.378.385.8S5 francs.


— — 25G<br />

de la circulation depuis 1914, a été démonétisée par la loi du<br />

25 juin 1928 (1). Un nouvel étalon monétaire a été fixé, une nou<br />

velle monnaie doit être frappée, mais elle ne circule pas encore.<br />

L'exposé des motifs de la loi du 25 juin 1928 explique ainsi<br />

la raison de ces mesures : «Après la stabilisation de fait qui<br />

succéda à de longues années de fluctuations des changes, une<br />

revalorisation n'aurait été réalisable qu'au prix de pertur<br />

bations que l'économie nationale,<br />

si profondément troublée<br />

depuis la guerre et adaptée maintenant, semble-t-il, à la situa<br />

tion résultant du maintien des cours des changes pratiqués<br />

depuis la fin de l'année 1926, se serait trouvée dans l'impossi<br />

bilité de supporter. » (2). Il a donc fallu créer un nouvel étalon<br />

monétaire d'une valeur métallique moindre consacrant aussi<br />

exactement que possible les cours du franc que la Banque de<br />

Frarce avait maintenus depuis dix-huit mois sur le marché des<br />

changes.<br />

L'étalon Pour la première fois en France cet étalon est un véritable<br />

D'0R- étalon d'or. Désormais l'unité de compte se trouve définie par<br />

un poids d'or : 0 gr. 0655 monnayés au titre de 900/1000 (3).<br />

Le kilogramme d'or à ce titre vaut 15.267 fr. 17 et le kilo<br />

gramme de fin 16.963 fr. 52. « La monnaie d'or doit natu<br />

rellement occuper dans la circulation une place prééminente.<br />

(1) Les rentrées de monnaies d'or et d'argent à la Banque de l'Algérie<br />

depuis la guerre ont été peu importantes et n'ont guère fait que compenser<br />

les sorties qu'elle dut effectuer lors de la mobilisation (8 millions d'écus et<br />

3 millions d'or). Toutefois, l'Algérie a pu apporter à la Métropole une<br />

contribution de 3 millions d'or pour la Défense Nationale.<br />

(2) Les moyennes mensuelles des cours des changes ont été entre juillet<br />

1926 et le 25 juin 1928, les suivantes :<br />

Moyennes mensuelles<br />

De juillet 1926 à juillet 1927 : les plus hautes :<br />

les dus basses *<br />

De juillet 1927 au 25 juin 1928 : les plus hautes :<br />

les plus basses :<br />

Les parités monétaires s'établissent désormais ainsi :<br />

1" Dollar : 25,52386;<br />

2»<br />

Livre-sterling : 124,21340;<br />

3» Franc Suisse : 4,92489;<br />

4»<br />

Reichmark : 6,08012;<br />

5°<br />

Florin Hollandais : 10,25954.<br />

Livre-<br />

sterling Dollar<br />

199 03 40 96<br />

122 80 25 32<br />

124 05 25 55<br />

122 58 25 26<br />

(3) L'ancien franc était de 0 gr. 32258, le rapport du nouveau franc à<br />

l'ancien est de 4,92.


257<br />

Seule, en effet, elle doit avoir un cours légal illimité. Il sera<br />

frappé seulement des pièces de 100 francs au titre de 900/1000.<br />

La tolérance du titre est fixée à un millième en dehors, autant<br />

en dedans ; ces règles sont traditionnelles. » (1) .<br />

La fabrication des pièces d'or ne sera provisoirement effectuée<br />

que pour le compte de la Banque de France. La frappe libre<br />

ne sera reprise qu'ultérieurement en vertu d'un décret pris en<br />

Conseil des ministres. « Il est aisé de voir quelle valeur symbo<br />

lique s'attacherait au rétablissement d'une circulation d'or.<br />

L'expérience seule, quoi qu'il en soit,<br />

permettra d'apprécier s'il<br />

est ou non opportun de remettre des pièces d'or entre les mains<br />

du public. »<br />

Les billets français de 5, de 10 et 20 francs actuels doivent être<br />

retirés de la circulation avant le 31 décembre 1932 et échangés<br />

contre des pièces divisionnaires d'argent de 20 et 10 francs (2) .<br />

A la fin de 1927, le montant des petites coupures de la Banque<br />

de France en circulation atteignait 2.700 millions, soit 70 francs<br />

par tête d'habitant. L'article 7 de la loi prévoit qu'il pourra<br />

être frappé des pièces divisionnaires pour un montant de<br />

3 milliards. Cet accroissement du contingent actuel apparaît<br />

d'ailleurs justifié,<br />

si l'on songe que les nouvelles monnaies doi<br />

vent circuler non seulement en France, mais également dans<br />

les colonies. Le poids des pièces de 10 francs sera de 10 gram<br />

mes, celui des pièces de 20 francs de 20 grammes avec tolérance<br />

de 5/1000, leur titre sera seulement de 680/1000, alors qu'il était<br />

avant la guerre de 900/1000 pour les écus de 5 francs et de<br />

835/1000 pour les pièces de 0,50, 1,<br />

2 francs. Presque tous les<br />

pays ont adopté un titre inférieur (en Angleterre et en Alle<br />

magne on a même fabriqué depuis 1925 des pièces au titre de<br />

500/1000). « Notre circulation d'argent portait encore avant<br />

la guerre la marque du bimétallisme,<br />

c'est-à-dire que les mon-<br />

—<br />

(1) Exposé des motifs. Un concours a été ouvert pour la gravure des<br />

pièces d'or et d'argent. Le choix du Ministre s'est porté sur des modèles<br />

présentés par MM. Bazor et Turin (voir planches 21 et 22).<br />

(2) Le projet déposé par le Gouvernement prévoyait des pièces d'argent<br />

de 5 francs et de 10 francs. La Chambre des députés l'a modifié sur ce<br />

point en supprimant les pièces de 5 francs et en prévoyant des pièces de<br />

20 francs. Un projet de loi a été déposé en vue de la création de pièces de<br />

5 francs en nickel. Il rencontre diverses oppositions, notamment de la part<br />

des Chambres de commerce.<br />

CESSATION<br />

DU<br />

COURS FORCÉ.


STATUT<br />

MONÉTAIRE<br />

DE LA BANQUE<br />

DE FRANCE<br />

ET DE<br />

LA BANQUE<br />

DE L'ALGËRIE.<br />

— — 258<br />

naies avaient presque une valeur égale à leur force libératoire.<br />

Aujourd'hui, au contraire, les pièces d'argent n'apparaissent<br />

plus comme une survivance du passé, mais comme une création<br />

répondant aux besoins primordiaux des échanges. La monnaie<br />

blanche est définitivement reléguée parmi les monnaies de<br />

caractère fiduciaire dont la force libératoire est largement<br />

supérieure à la valeur intrinsèque. » Ces pièces ne sont accep<br />

tées obligatoirement dans les payements entre particuliers que<br />

jusqu'à concurrence d'un maximum de 250 francs, les monnaies<br />

de bronze d'aluminium que jusqu'à concurrence d'un montant<br />

de 50 francs, les monnaies en nickel et en bronze que jusqu'à<br />

10 francs. Les jetons des chambres de commerce seront pro<br />

gressivement retirés et remplacés, type pour type,<br />

monnaies émises par l'Etat.<br />

par des<br />

La monnaie d'argent, étant reléguée, comme le dit l'exposé<br />

des motifs, parmi les monnaies de caractère fiduciaire, au même<br />

titre que les monnaies de nickel, de bronze d'aluminium ou de<br />

bronze, se trouve mise, comme celles-ci,<br />

en dehors du système<br />

général de l'émission bancaire. La seule partie de l'encaisse<br />

métallique de la Banque de France admise en couverture des<br />

billets est l'<br />

encaisse-or ; la monnaie d'argent est exclue de cette<br />

couverture.<br />

La Banque de France est tenue de conserver une encaisse en<br />

lingots et monnaies d'or égale au minimum à 35 % du montant<br />

des billets au porteur en circulation et de ses comptes courants<br />

créditeurs. « Ce système d'une couverture minima de la circu<br />

lation et des engagements à vue par l'encaisse est appliqué<br />

lui aussi pour la première fois à la Banque de France. De<br />

puis 1870, en effet, les émissions de billets devaient être<br />

maintenues dans la limite d'un contingent fixé par la loi. Il<br />

en résultait des inconvénients assez graves tenant essentielle<br />

ment au manque de souplesse de ces dispositions. Qu'une période<br />

d'intense activité se présentât et la Banque se trouvait con<br />

trainte soit de paralyser prématurément l'essor des affaires en<br />

tentant de réduire ses émissions de billets par un relèvement de<br />

son taux d'escompte, soit de solliciter des pouvoirs publics une


— — 259<br />

augmentation du contingent d'émission. Le système nouveau<br />

permet, au contraire, de proportionner constamment le volume<br />

de la circulation à l'importance des avoirs métalliques de l'insti<br />

tut d'émission. Ses avantages sont d'ailleurs universellement<br />

reconnus puisqu'à quelques variantes près, il a été adopté par<br />

tous les grands pays, à l'exception de l'Angleterre. »<br />

Un projet de loi déposé par le gouvernement, le 5 juillet 1929,<br />

concernant la Banque de l'Algérie, tend à imposer à celle-ci un<br />

régime d'émission analogue en fixant, en principe, à 35 % la<br />

couverture des billets et des sommes déposées chez elle en<br />

compte courant. Cette couverture devrait être constituée pour un<br />

tiers, au moins, en or, le surplus pouvant être représenté par des<br />

billets de la Banque de France ou des sommes en compte courant<br />

à vue en France, c'est-à-dire en dépôts immédiatement converti<br />

bles en or (1) .<br />

La loi monétaire de 1928 prévoit pour son application deux<br />

périodes, la première qui doit prendre fin en principe le 31 décem<br />

bre 1932, pendant laquelle les petites coupures de la Banque de<br />

France continueront à avoir cours légal ; la seconde qui doit com<br />

porter le rétablissement de la circulation métallique or et argent,<br />

la cessation du cours légal des petites coupures de 20, 10 et 5<br />

francs de la Banque de France qui devront être retirées et,<br />

éventuellement, la reprise de la frappe libre. En principe, les<br />

mêmes dispositions concernant le retrait des petites coupures<br />

devront être appliquées en Algérie, lorsque la circulation métal<br />

lique y<br />

sera assurée d'une façon convenable. En attendant le<br />

rétablissement d'une circulation d'or, les billets de la Banque de<br />

France et ceux de la Banque de l'Algérie cessent d'avoir cours<br />

forcé et sont échangeables contre des lingots d'or, dans des con<br />

ditions qui ont été déterminées d'accord entre le Ministre des<br />

Finances et ces banques, en conformité de l'article 1er de la loi du<br />

25 juin 1928 (2).<br />

(1) Voir chapitre X.<br />

(2) Voir chapitre X.<br />

RETRAIT<br />

DES PETITES<br />

COUPURES.<br />

RÉTABLIS<br />

SEMENT<br />

DE LA<br />

CIRCULATION<br />

D'OR<br />

ET D'ARGENT.


SYSTÈME<br />

DU<br />

GULD-BULLION<br />

STANDARD.<br />

— — 260<br />

Le régime actuel est bien celui de l'étalon d'or ; toutefois, ce<br />

n'est pas la représentation monétaire de cet étalon, mais seu<br />

lement sa représentation fiduciaire, qui circule pour le moment<br />

à l'intérieur du pays ; la monnaie n'en est pas moins établie<br />

sur une base d'or et le billet émis par la Banque de France comme<br />

par la Banque de l'Algérie est convertible pratiquement en<br />

lingots d'or, pour assurer, le cas échéant, les règlements exté<br />

rieurs. Ce système est connu sous le nom de Gold Bullion Stan<br />

dard, l'étalon or lingots, par opposition au Gold Specie Standard,<br />

l'étalon or avec circulation interne de l'or.<br />

L'Angleterre a donné l'exemple de l'adoption de ce système<br />

après la guerre. Le régime monétaire anglais de 1925 n'est pas<br />

le même que celui de 1914 ; la monnaie d'or ne circule pas dans<br />

les Iles Britanniques ; la frappe libre est supprimée ; les billets<br />

de la Banque d'Angleterre, émis aujourd'hui à l'exclusion de bil<br />

lets d'Etat, sont remboursables en lingots d'or.<br />

Cette réforme est considérée par beaucoup d'économistes<br />

comme constituant un progrès très important dans la pratique<br />

monétaire ; ils font observer qu'il en résulte un emploi plus<br />

judicieux de l'or dont toute la quantité se trouvant dans un pays<br />

peut être utilisée rationnellement pour assurer les règlements<br />

internationaux et pour gager une monnaie de remplacement,<br />

ce qui évite les pertes de valeur résultant notamment de la thé<br />

saurisation individuelle. Certains vont plus loin encore. Ils voient,<br />

dans l'or, qu'il soit monnayé ou en lingots, un étalon manquant<br />

de stabilité parce qu'ils redoutent la raréfaction du minerai et<br />

que le métal subit des variations propres de valeur ; ils lui<br />

substituent un système de « monnaie dirigée selon les prix », que<br />

nous n'avons pas à exposer ici (1) ; on peut dire, toutefois,<br />

qu'il s'agit là pour le moment d'une conception théorique, sédui<br />

sante assurément, mais dont les bases mêmes sont bien incer<br />

taines et dont la mise en pratique se heurte déjà à de redoutables<br />

épreuves. L'Angleterre, tout en reconnaissant qu'il est précieux<br />

(1) Le système de la monnaie dirigée consiste à proportionner exacte<br />

ment la quantité de la monnaie en circulation et le montant des crédits<br />

bancaires au volume des affaires.


La Fleur /'*Y*k l b THJffljïJ»<br />

CONCOURS OUVERT POUR LA GRAVURE DES COINS<br />

DES MONNAIES D'ARGENT<br />

Projet retenu par le Ministre des Finances<br />

Bénard<br />

(Arrêté du 30 janvier 1929)<br />

Popineau<br />

Rasumny


— — 261<br />

pour une nation d'avoir une monnaie basée sur une valeur uni<br />

versellement reconnue, a écarté à la fois la « monnaie dirigée »<br />

et le régime classique du Gold Standard absolu. Pour mieux<br />

ressaisir peut-être son rôle de grand centre des règlements inter<br />

nationaux et de marché de l'or, elle a maintenu l'étalon or, mais<br />

elle a suivi l'opinion de ceux qui voient dans la circulation inté<br />

rieure de l'or le « signe d'une civilisation arriérée », pensée<br />

que le chancelier de l'Echiquier traduisait en disant, en 1925,<br />

que l'emploi de l'or dans la circulation intérieure serait aujour<br />

d'hui parfaitement inutile et constituerait du gaspillage (1).<br />

La loi française n'a pas été aussi catégorique. Elle n'a adopté<br />

le Gold Bullion Standard qu'à titre provisoire et elle a prescrit,<br />

dès à présent, la frappe d'une nouvelle monnaie d'or. Le légis<br />

lateur français a pensé qu'il convenait de tenir compte en<br />

France d'un certain état d'esprit de l'opinion publique qui a, au<br />

moins en principe et pour le moment plus qu'ailleurs, « la mysti<br />

que de l'or ». Au surplus, une circulation métallique or présente,<br />

sur toute monnaie purement conventionnelle, cette incontestable<br />

supériorité que la quantité de métal existant, à chaque moment,<br />

est une donnée que, du moins jusqu'à présent, nul pouvoir n'a le<br />

moyen de modifier et qui, dans l'état actuel des exploitations<br />

minières , varie lentement ; en excluant l'or de la circulation,<br />

n'aboutit-on pas en fait à le démonétiser, à en faire une mar<br />

chandise dont les seuls acheteurs importants seraient les ban<br />

ques d'émission, ce qui risque d'altérer en partie sa qualité essen<br />

tielle d'avoir une valeur réelle fixée par le jeu naturel de la<br />

loi de l'offre et de la demande ? Sans doute, aussi, le législateur<br />

français a-t-il pensé que l'autonomie monétaire de la France<br />

serait mieux affirmée symboliquement par une monnaie d'or<br />

propre au pays, que si elle se limitait à des interventions sur le<br />

marché mondial du métal qui oscille entre Londres et New-<br />

York.<br />

On peut se demander si les mêmes raisons psychologiques,<br />

qui justifiraient la reprise dans la Métropole d'une circulation<br />

effective de monnaies d'or,<br />

se présentent également en Algé-<br />

(1) M. Keynes a dit : « En vérité l'or est aujourd'hui une relique bar<br />

bare. Les défenseurs de l'ancien étalon ne remarquent pas comme il<br />

est éloigné de l'esprit et des besoins des temps nouveaux. »<br />

17


CONSÉQUENCE<br />

DE<br />

L'APPLICA<br />

TION<br />

A L'ALGÉRIE<br />

DE LA LOI<br />

DU 25 JUIN 1928.<br />

— — 262<br />

rie. Il a toujours été très difficile de maintenir dans la colonie<br />

une telle circulation. Ne peut-on pas dire de l'Afrique du Nord,<br />

comme on l'a dit de l'Inde, que ce pays est le tombeau des métaux<br />

précieux ? De fortes quantités d'or et d'argent y sont constam<br />

ment absorbées par la thésaurisation et la confection des bijoux.<br />

C'est un gros obstacle à l'établissement d'une circulation effec<br />

tive des monnaies d'or et d'argent, surtout des monnaies d'or.<br />

La monnaie d'argent, moins intéressante que l'or pour les thé<br />

sauriseurs et les trafiquants, subsiste mieux dans la circulation.<br />

On en a eu la preuve avant la guerre. La monnaie d'argent avait<br />

rempli un rôle très utile en Afrique du Nord. Faut-il considérer<br />

que la loi du 25 juin 1928 met un terme à ce rôle ? N'est-ce<br />

pas là une question dont l'étude peut être reprise,<br />

en tenant<br />

compte de la situation particulière de l'Algérie, de la Tunisie<br />

et du Maroc et sans porter atteinte à l'unité monétaire entre la<br />

métropole et la colonie ?<br />

Quoi qu'il en soit, la loi du 25 juin 1928 est, d'ores et déjà,<br />

entrée en application en Algérie et le rapport annuel de 1928<br />

à l'assemblée générale des actionnaires de la Banque de l'Algérie<br />

a exposé ainsi la situation nouvelle qui en résulte :<br />

« Grâce aux mesures prises par les pouvoirs publics, le calme<br />

monétaire a été maintenu au cours de l'exercice ; la valeur de<br />

notre monnaie a pu se fixer à un cours assez stable pour que<br />

la loi déterminât son nouveau statut,<br />

consacrant un état de fait<br />

auquel s'était peu à peu adaptée, dans l'ensemble, l'économie<br />

nationale.<br />

« La nouvelle loi monétaire a réduit la quantité d'or comprise<br />

dans l'unité monétaire nationale et elle a institué le régime de<br />

l'étalon d'or, reléguant la monnaie d'argent,<br />

qui sera elle-même<br />

frappée à un titre réduit, au rôle de monnaie d'appoint.<br />

« Cette modification décisive du régime monétaire français<br />

s'est accomplie, dans la colonie comme dans la métropole, sans<br />

heurt et sans difficulté. La France a affirmé sa forte vitalité<br />

au cours de la crise monétaire si grave qu'elle a traversée après<br />

la guerre. Son crédit demeure intact au sortir de cette crise et<br />

la monnaie française reprend son rôle normal.


— — 263<br />

« Cette situation entraîne pour les banques d'émission diverses<br />

conséquences ; la première est le retour à la convertibilité en or<br />

du billet de banque.<br />

« Comme la nouvelle monnaie d'or n'est pas encore frappée<br />

et qu'il ne saurait être question de remettre actuellement des<br />

pièces d'or en échange des billets, la convertibilité est effective<br />

ment assurée par la remise de lingots d'or qui constituent par<br />

excellence une valeur internationale permettant aux porteurs de<br />

billets de régler leurs dettes dans tous pays.<br />

« Le cours forcé de nos billets a donc cessé en Algérie dans<br />

les mêmes conditions que pour les billets de la Banque de France,<br />

c'est-à-dire que les échanges peuvent être effectués contre des<br />

lingots pesant en moyenne 12 kg. 600, d'une valeur d'environ<br />

215.000 francs.<br />

« Ces échanges doivent se faire à Paris, ce qui est à l'avantage<br />

des commerçants qui auraient à expédier de l'or à l'étranger.<br />

« Pratiquement, les porteurs de billets nous demandent de<br />

préférence, pour leurs règlements sur France, des chèques sur<br />

la Métropole et, pour leurs règlements à l'étranger, des devises<br />

convertibles en or. Nous nous en sommes approvisionnés dans<br />

des conditions qui sont de nature à satisfaire les besoins des<br />

intéressés. Lorsque la nouvelle monnaie d'or sera frappée, cette<br />

convertibilité sera complétée par des mesures destinées à assurer<br />

le retour au régime d'avant-guerre.<br />

« La loi monétaire devait avoir, en ce qui concerne la Banque<br />

de l'Algérie,<br />

une autre conséquence. L'encaisse or de la Banque<br />

s"élevait, à la veille de la promulgation de la loi du 25 juin 1928,<br />

à francs : 30.245.653,20 et l'encaisse argent avait une valeur<br />

nominale de francs : 23.873.723,50. La loi monétaire nouvelle,<br />

en substituant un nouveau franc à l'ancien, a donné à l'encaisse<br />

or une valeur nouvelle et, en démonétisant les pièces d'argent,<br />

elle a substitué à la valeur monétaire de ces pièces la valeur<br />

réelle du métal argent.<br />

« De cette double substitution un écart est résulté entre la<br />

valeur de notre encaisse, telle qu'elle est calculée conformément<br />

à la loi de germinal, an XI, et sa valeur nouvelle résultant de<br />

la loi du 25 juin 1928. Cet écart, qui s'élevait pour l'or à francs :<br />

113.808.250,01 et pour l'argent à francs : 27.765.322,24, soit au


— — 264<br />

total francs : 141.573.572,25 a été appelé, assez improprement,<br />

« plus value de l'encaisse ».<br />

« En réalité, la valeur intrinsèque de l'encaisse n'a pas varié<br />

et la loi monétaire en a seulement modifié la valeur nominale,<br />

tandis qu'elle maintenait celle des billets.<br />

« Votre Conseil n'a pas eu à rechercher quel aurait pu être,<br />

sous l'empire du droit existant, l'emploi qui devait être fait<br />

de l'écart que faisait ressortir la réévaluation de l'encaisse.<br />

« Il a été placé en présence d'un texte de loi qui a tranché<br />

la question dans les termes suivants :<br />

« Art. 10 de la loi du 25 juin 1928: Les encaisses d'or et<br />

« d'argent,<br />

actuellement détenues par les banques ayant reçu<br />

« de l'Etat un privilège d'émission dans les colonies et pays<br />

« de protectorat où le franc a cours légal, feront l'objet d'une<br />

« réévaluation sur la base de la nouvelle parité monétaire.<br />

« Le Ministre des Finances est autorisé à conclure avec les<br />

« banques d'émission désignées ci-dessus des conventions fixant<br />

« les conditions dans lesquelles l'Etat recevra le montant des<br />

« plus-values. »<br />

« Votre Conseil ne pouvait que se conformer aux dispositions<br />

légales ; il s'est toutefois préoccupé d'éviter que les dispositions<br />

de cette loi exceptionnelle, statuant sur un cas tout particulier<br />

et dans des circonstances spéciales,<br />

ne pussent un jour être<br />

invoquées comme un précédent permettant de discuter le droit<br />

absolu de la Banque de disposer de tous les postes de son actif.<br />

M. le Président du Conseil, Ministre des Finances, a bien voulu<br />

préciser que ce droit incontestable n'était pas en cause et que<br />

seul le caractère particulier de la modification du régime moné<br />

taire expliquait une mesure qui était appliquée à la Banque<br />

de France comme elle l'avait été antérieurement aux banques<br />

d'émission des divers pays ayant apporté des modifications<br />

similaires à leur régime monétaire.<br />

« C'est dans ces conditions que votre Conseil a été appelé<br />

à conclure avec l'Etat la convention d'exécution prévue par la<br />

loi du 25 juin 1928.<br />

« Cette convention devait régler diverses questions tenant à<br />

la situation spéciale de la Banque à l'égard de l'Etat et à l'emploi<br />

de la somme mise, en vertu de la loi, à la disposition de celui-ci.


— -- 265<br />

La Banque de l'Algérie, à la différence de la Banque de France<br />

et des banques d'émission des divers pays ayant modifié leur<br />

étalon monétaire, n'était pas créancière de l'Etat de sommes<br />

supérieures au montant de la plus-value nominale de son encaisse.<br />

Il en résultait que cette plus-value ne pouvait être, comme pour<br />

ces banques, affectée intégralement à l'extinction de la dette<br />

de l'Etat vis-à-vis d'elle et que, par suite, la Banque devenait<br />

à son tour débitrice de l'Etat pour des sommes élevées devant<br />

entraîner à un moment donné une émission de billets. Or, il<br />

est incontestable que lorsqu'une banque d'émission remet à<br />

l'Etat,<br />

pour faire face à des dépenses non couvertes par des res<br />

sources réelles, des billets émis sans contre-partie —<br />

et, en<br />

l'espèce, on ne peut considérer comme une contre-partie une<br />

soi-disant plus-value d'encaisse qui n'est qu'une différence de<br />

valeur nominale,<br />

— elle<br />

crée en principe une inflation monétaire<br />

et que toute inflation est pernicieuse dans son essence et engen<br />

dre de néfastes effets qu'il est superflu de rappelée.<br />

« La Banque s'est toujours attachée à refuser toute émission<br />

de cette nature et si, pendant la guerre, au moment où le salut<br />

de la France devenait la loi suprême, elle a donné, même sous<br />

cette forme, tout son concours à l'Etat, elle a du moins obtenu<br />

sans délai le règlement d'une telle dette.<br />

« En dehors d'une avance gratuite de trésorerie de 18 millions<br />

fixée par la convention du 12 décembre 1917, relative au renou<br />

vellement du privilège, la Banque n'a consenti d'avances à l'Al<br />

gérie et à la Tunisie que dans les limites de ses propres réserves<br />

disponibles. Elle a ainsi, non pas créé des billets contre une<br />

créance sur l'Etat, mais mis à la disposition de celui-ci des<br />

ressources déjà existantes et placées en réserve par elle.<br />

« L'application de la loi nouvelle entraînait des conséquences<br />

contraires à cette sage politique et conduisait à une certaine<br />

inflation,<br />

pour des chiffres il est vrai peu élevés et dans des<br />

conditions qui devaient en atténuer considérablement l'effet.<br />

Néanmoins, il a paru qu'il était nécessaire de la réduire, dans le<br />

présent, au chiffre le plus faible possible et il a été convenu que<br />

les avances consenties à l'Algérie et à la Tunisie, aussi bien que<br />

l'avance de trésorerie, seraient amorties à l'aide du produit de<br />

là réévaluation. De plus, l'Etat français a décidé, comme il<br />

l'avait fait vis-à-vis de la Banque de France, d'appliquer une


— — 266<br />

part de ce produit au rachat de notre encaisse métallique argent.<br />

Ainsi se trouvent assez sensiblement réduites les sorties actuelles<br />

de nouveaux billets.<br />

« L'Etat a dû se préoccuper — sans que la Banque ait eu à<br />

intervenir dans cette question — de<br />

l'emploi qu'il ferait des<br />

sommes ainsi disponibles. Il nous a fait connaître qu'il avait<br />

décidé de faire participer l'Algérie et la Tunisie,<br />

un tiers, au produit de la réévaluation.<br />

chacune pour<br />

« En conséquence, à la date du 29 septembre 1928, la conven<br />

tion d'exécution prévue par la loi monétaire a été arrêtée. »<br />

Le produit total de la réévaluation s'étant élevé à francs :<br />

141.573.572,25, les comptes de chaque gouvernement intéressé<br />

ont été ainsi fixés par application de cette convention :<br />

1/3 du produit total,<br />

A déduire :<br />

1° ETAT FRANÇAIS<br />

soit Frs 47.191.190 75<br />

Avance de 18 millions (lois des 5 juillet<br />

1900, 29 décembre 1911 et 29 décembre<br />

1918) Frs 18.000.000 »<br />

Reste net Frs 29.191.190 75<br />

Cette somme est appliquée au rachat d'une partie de l'en<br />

caisse argent de la Banque de l'Algérie, le surplus de cette<br />

encaisse argent devant être repris par l'Etat avant la fin de<br />

l'année 1929.<br />

2° ALGERIE<br />

1/3 du produit total, soit Frs 47.191.190 75<br />

A déduire :<br />

Avance de 30 millions (Loi du 26 juillet<br />

1927) Frs 30.000.000 »<br />

Reste net au crédit de l'Algérie Frs 17.19L190 75


1/3 du produit total,<br />

A déduire :<br />

— — 267<br />

3° TUNISIE<br />

soit Frs 47.191.190 75<br />

Avance de Frs 4.000.000 »)<br />

(décrets des 7 mai 1904 et 30<br />

décem. 1918).<br />

Avance de Frs 3.100.000 A<br />

(décret du 16 juillet 1927).<br />

Frs 7.100.000 »<br />

Reste net au crédit de la Tunisie Frs 40.091.190 75<br />

En dehors de la monnaie ayant cours en Algérie, on trouve<br />

dans la circulation un certain nombre de billets de la Banque<br />

de France apportés par les voyageurs ou expédiés par la poste.<br />

Ces billets n'ont pas cours légal et ni les caisses de l'Etat, ni<br />

la Banque de l'Algérie ne sont tenues de les accepter ou de les<br />

échanger au pair. Toutefois,<br />

en ce qui concerne la Banque<br />

de l'Algérie, des engagements ont été pris par elle à ce sujet,<br />

en 1918, vis-à-vis du gouvernement. Lorsque les voyageurs veu<br />

lent disposer de sommes tant soit peu importantes, ils peuvent<br />

utiliser l'intermédiaire des banques en se faisant délivrer<br />

notamment des chèques, lettres de crédit, etc... Mais,<br />

pour les<br />

sommes peu élevées, il a paru que des mesures d'exception s'im<br />

posaient et la Banque de l'Algérie s'est engagée à échanger,<br />

jusqu'à concurrence de 4.000 francs, ses propres billets au pair,<br />

contre des billets de la Banque de France à toute personne<br />

justifiant de son départ d'Algérie, dans chacune des villes d'Al<br />

ger, d'Oran, de Bône, de Philippeville et à donner, dans certains<br />

ports d'embarquements métropolitains, aux voyageurs justifiant<br />

de leur départ pour l'Algérie, les mêmes facilités d'échange au<br />

pair des billets de la Banque de France contre des billets de la<br />

Banque de l'Algérie. Elle s'est entendue avec la Banque de<br />

France pour assurer ces échanges, qui ne donnent lieu en pra<br />

tique à aucune difficulté, de même que les billets de la Banque<br />

LE BILLET<br />

DE LA<br />

BANQUE<br />

DE FRANCE<br />

EN ALGÉRIE.


RÈGLEMENTS<br />

PAR<br />

ÉCRITURES :<br />

CHÈQUES<br />

ET<br />

VIREMENTS.<br />

- 268<br />

--<br />

de France qui peuvent se trouver en circulation en Algérie, en<br />

raison d'une tolérance de fait, ne sont cause d'aucune gêne pour<br />

le public (1) ; l'on ne saurait plus dire qu'il y<br />

ait lieu dé se<br />

préoccuper, dans ce cas, du change manuel entre la France et<br />

l'Algérie.<br />

Les règlements des transactions ne S'effectuent pas seule<br />

ment au moyen de la monnaie et du billet de banque. Le déve<br />

loppement des comptes de dépôts dans les banques a grande<br />

ment facilité l'usage des chèques et virements, sinon dans toute<br />

l'Algérie, du moins dans les grands centres.<br />

Il est difficile de se rendre un compte exact de la part qui<br />

revient, dans les règlements, à ces procédés plus perfectionnés<br />

de payement. Quelques chiffres, toutefois, donnent, à cet<br />

égard, d'intéressantes indications.<br />

A la Banque de l'Algérie, les payements d'effets, réglés par<br />

virements et chèques, représentent à Alger plus de 60 % du total<br />

des sommes payées, la part des règlements par virements étant,<br />

dans cette proportion, de beaucoup la plus forte, celle des règle<br />

ments par chèques étant au contraire très faible.<br />

Du 16 janvier au 15 février 1929, sur 46.714 effets payés,<br />

pour un total de 265.544.178 fr. 86, 9.965 effets d'un montant<br />

global de 173.969.302 fr. 56 ont été réglés par virements ou<br />

chèques (dont seulement 176 par chèques) et 36.749 en espèces<br />

pour un montant global de 91.574.876 fr. 88.<br />

La grande importance des virements,<br />

qui est loin d'atteindre<br />

encore il est vrai, toutes proportions gardées, celle que l'on<br />

constate dans les écritures de la Banque de France, ne cesse de<br />

s'accroître (2). Elle donne la preuve que, dans l'état de l'orga-<br />

(1) il pénètre aussi des billets marocains en Algérie comme il entre du<br />

reste des billets algériens au Maroc ; les Uns et les autres sont féèxpé*diés<br />

dans leurs pays respectifs par les soins des deux instituts d'émission.<br />

Le montant des billets marocains rapatriés par la Banque de l'Algérie<br />

s'est élevé en 1927, à 23.414.200 et eh 1928, à 8.065.870. Celui des billets<br />

algériens rapatriés par la Banque d'Etat du Maroc s'est élevé en 1927,<br />

à 7.138.880 et en 1928, à 16.388.420.<br />

(2\ À Londres le total des paiements* par1 chèques faits chaque jour est


— - 269<br />

nisation bancaire algérienne, la Banque de l'Algérie suffit à<br />

jouer le rôle de chambre de compensation, ce qui explique qu'il<br />

n'existe pas encore à Alger de groupements spéciaux de com<br />

pensation, comme dans la France métropolitaine.<br />

La Banque de l'Algérie s'attache d'ailleurs à faciliter, autant<br />

qu'il peut dépendre d'elle, les règlements par écritures, qui<br />

demeureront naturellement encore limités tant que les habitudes<br />

de thésaurisation du numéraire par les indigènes n'auront pas<br />

pu céder devant les avantages que présenterait pour beaucoup<br />

d'entre eux le dépôt en banque.<br />

supérieur à 1 milliard de francs. Les paiements s'effectuent avec une telle<br />

économie de numéraire qu'on peut considérer ce dernier comme n'étant<br />

qu'en quantité infinitésimale. Aux Etats-Unis, 80 à 85 % du montant<br />

des transactions sont réglés au moyen de chèques. A la Banque de France,<br />

en 1928, la proportion des règlements par virements atteint 89 %.


CHAPITRE IX<br />

LE CHANGE<br />

Caractéristiques du change extérieur algérien. Il est avant tout<br />

franco-algérien. éléments de la balance des comptes entre la france<br />

et l'Algérie. Difficultés que rencontre spécialement en Algérie le<br />

règlement de la balance des comptes extérieurs. l.es besoins du thésor<br />

et ceux du Commerce. Ouverture et fonctionnement du compte-courant<br />

du Trésor a la Banque de l'Algérie. Rôle du service des Postes. Le<br />

taux de l'escompte demeure le régulateur suprême des règlements exté<br />

RIEURS de l'Algérie. Valeur des indications que peuvent donner pour la<br />

FIXATION DU TAUX DES ESCOMPTES CERTAINS INDICES ÉCONOMIQUES. HEU<br />

REUX EFFET D'UN ACCORD ENTRE LE TRÉSOR ET LA BANQUE ABOUTISSANT A LA<br />

SUPPRESSION DU CHANGE ENTRE LA FRANCE MÉTROPOLITAINE ET L'ALGÉRIE.


Il existe en Algérie, comme dans tous les pays, une question<br />

du change extérieur, c'est-à-dire du règlement des dettes con<br />

tractées vis-à-vis des autres pays et réciproquement.<br />

La France étant le principal créancier et le principal débiteur<br />

de l'Algérie, et les Algériens, lorsqu'ils ont à régler des dettes<br />

dans un pays autre que la France, se procurant la plupart du<br />

temps la monnaie de ce pays non pas directement, mais par<br />

l'intermédiaire de la Métropole, le change extérieur algérien<br />

offre cette particularité d'avoir été longtemps presque exclusi<br />

vement et de demeurer encore essentiellement un change franco-<br />

algérien (1). La question du change en Algérie se ramène donc<br />

(1) A un moment donné, de 1882 à 1889, il s'est présenté une question<br />

spéciale de change entre l'Algérie et l'Espagne. Jusqu'au mUieu de l'an<br />

née 1882, U ne circulait en Algérie qu'une quantité relativement restreinte<br />

de monnaies espagnoles. Cette circulation ne créait d'aUleurs aucune dif<br />

ficulté, le public accueillant facilement cette monnaie en raison des débou<br />

chés assurés tant par les échanges réguliers de la région d'Oran avec l'Es<br />

pagne, où les Oranais s'approvisionnaient alors de primeurs, de fruits et de<br />

vin, que par le paiement de la main-d'œuvre espagnole qui venait chaque<br />

année effectuer la moisson et la cueillette de l'alfa. Mais bientôt, sous<br />

l'influence de la baisse du prix du métal argent, le Gouvernement espagnol,<br />

pour profiter des bénéfices immédiats que lui offrait le marché du métal<br />

blanc à Londres, frappa de la monnaie d'argent, non seulement comme<br />

monnaie courante, mais en dehors de toutes proportions justifiées par des<br />

besoins réels. Tant en pièces de 5 pesetas qu'en monnaies divisionnaires,<br />

il frappa de 1876 à 1885 près de 600 millions de pièces d'argent, dont près<br />

de 70 millions de pièces de 5 pesetas et de 80 millions de petite monnaie<br />

dans les seules années de 1882 à 1885. Cette monnaie d'argent se substitua<br />

dans la circulation intérieure espagnole à la monnaie d'or qui fut exportée<br />

et bientôt le change extérieur devint défavorable à l'Espagne. Comme, par<br />

suite de la tolérance ancienne, la circulation de la monnaie espagnole ne<br />

rencontrait pas plus d'entrave dans la région d'Oran que dans l'Espagne<br />

elle-même, les règlements des achats faits par les Espagnols dans cette<br />

région furent effectués avec cette monnaie dépréciée. L'invasion des piè<br />

ces espagnoles fut d'autant plus abondante que d'une part les récoltes de<br />

la péninsule ibérique firent à peu près défaut à cette époque, en particu<br />

lier à la suite de l'épidémie de choléra qui y sévit en 1885 et qui, paraly<br />

sant les travaux agricoles, entraîna de forts achats de céréales en Oranie,<br />

et que, d'autre part, les achats de l'Algérie en Espagne cessèrent par suite<br />

du développement de la culture de la vigne et de la prohibition de l'in<br />

troduction de tous végétaux édictée dans la colonie comme mesure de<br />

défense contre le phylloxéra. Au moment où les pièces espagnoles entraient<br />

en grande quantité en Algérie, toutes voies de rapatriement leur étaient<br />

fermées. La circulation monétaire de l'Algérie menaça bientôt d'être<br />

CARACTÉ<br />

RISTIQUES<br />

DU CHANGE<br />

EXTÉRIEUR<br />

ALGERIEN.<br />

IL EST AVANT<br />

TOUT FRANCO-<br />

ALGÉRIEN.


— - 274<br />

à peu près à celle-ci : dans quelles conditions,<br />

avec quels frais<br />

et quels risques, les Algériens peuvent-ils se procurer la monnaie<br />

française dont ils Ont besoin pour régler leurs dettes ; dans<br />

quelles conditions, avec quels frais et quels risques, les Français<br />

peuvent-ils se procurer la monnaie algérienne nécessaire pour<br />

régler les leurs ?<br />

Lorsqu'il existe, comme c'était le cas avant la guerre, une<br />

circulation métallique en Algérie,<br />

ces règlements se trouvent<br />

facilités par le fait que la même monnaie d'or et d'argent est<br />

utilisée dans les deux pays ;<br />

départements algériens sont, vis-à-vis de l'ensemble de la France,<br />

dans la même situation que tout autre département. Mais les<br />

pour l'emploi de cette monnaie les<br />

monnaies fiduciaires sont indépendantes et les billets de banque<br />

spéciaux à chacun des deux groupes de départements n'ont pas<br />

cours dans l'autre. Aussi, lorsque les règlements ne peuvent plus<br />

être exécutés par compensation de créances et qu'il faut avoir<br />

recours à un transport de numéraire, le billet de banque n'est<br />

pas utilisable pour cet objet et ce transport ne peut être réalisé<br />

que sous forme de métal monétaire, comme entre deux pays<br />

étrangers,<br />

latine, ayant des monnaies de même valeur circulant indiffé<br />

par exemple entre deux pays de l'ancienne Union<br />

remment dans l'un comme dans l'autre. Depuis que la monnaie<br />

métallique a disparu, la difficulté est devenue plus grande et la<br />

situation est celle de deux pays qui n'auraient aucun signe moné<br />

taire commun et n'auraient même pas le moyen d'effectuer entre<br />

eux des envois d'espèces. En temps normal et d'une façon géné<br />

rale, le prix du change franco-algérien est donc, en principe, sus<br />

ceptible d'évoluer entre deux points extrêmes déterminés par<br />

les seuls frais de transport et d'assurances des espèces métalli-<br />

viciée par cette monnaie dépréciée ; le Gouvernement dut concerter avec<br />

la Banque de l'Algérie diverses mesures pour mettre obstacle à cette inva<br />

sion. L'ancienne tolérance cessa ; les caisses refusèrent peu à peu toute<br />

monnaie espagnole ; la Banque de l'Algérie ne les admit que sous déduc<br />

tion d'un change judicieusement calculé, ou profita des occasions qui<br />

purent, par accident, se présenter pour réexpédier ces pièces, mais la liqui<br />

dation du stock fut longue. Elle créa des difficultés au commerce local,<br />

entraîna des protestations de la part des intéressés qui subissaient des<br />

pertes assez appréciables en réalisant leur monnaie. Elle provoqua une<br />

raréfaction temporaire de monnaie d'appoint dans le pays, qu'il fallut<br />

réapprovisionner en espèces nationales. Elle ne se termina qu'en 1899, non<br />

sans avoir entraîné pour la Banque de l'Algérie des frais et des pertes<br />

dont le montant atteignit plusieurs centaines de milliers de francs.


— — 275<br />

ques ayant cours dans les deux pays; mais, à toute époque, la<br />

rareté de la monnaie en Algérie et, depuis la guerre, sa dispari<br />

tion constituent un élément particulier qui complique les données<br />

du problème.<br />

L'admission réciproque au pair des billets de banque français<br />

et algériens par les deux banques d'émission pourrait trancher<br />

cette dernière difficulté ; mais, si elle se généralisait, elle aurait<br />

pour conséquence, comme l'attribution du cours légal aux billets<br />

de la Banque de France en Algérie et réciproquement, de créer<br />

une circulation incontrôlable de part et d'autre, chacune des<br />

banques intéressées n'ayant guère le moyen de restreindre, en<br />

cas de nécessité, par le procédé normal de l'élévation du taux<br />

de l'escompte, la partie extérieure de sa circulation fiduciaire<br />

et de faire rentrer dans ses caisses ceux de ses billets qui com<br />

poseraient cette circulation. Chaque banque, liée par une limi<br />

tation légale ou par la proportion qu'elle doit maintenir à la<br />

couverture de ses billets, risquerait de ne plus disposer d'un<br />

pouvoir d'émission suffisant pour répondre aux besoins du com<br />

merce de son pays. La présence d'une circulation parasitaire<br />

pourrait, de plus, en certains cas, exercer une influence analogue<br />

à celle d'une inflation monétaire d'or et agir sur les prix dans<br />

le sens de la hausse (1). Quel que soit le but qu'elle veuille<br />

(1) Nous écartons l'hypothèse où, pour des raisons spéciales, les biUets<br />

circulant à la fois en France et en Algérie n'auraient pas la même valeur<br />

réelle et où il s'établirait entre eux un change. L'une de ces raisons serait<br />

notamment une différence dans la valeur de la contre-partie de ces bil<br />

lets. Cette contre-partie est constituée par le portefeuille et l'encaisse,<br />

sans parler des autres éléments de l'actif. C'est la valeur du portefeuille<br />

qui est déterminante ; l'encaisse joue un rôle de trésorerie et exerce sub-<br />

sidiairement une action d'ordre psychologique ; il est important qu'elle<br />

soit assez élevée pour que la Banque soit assurée de faire face à toutes<br />

les demandes de remboursement de ses billets qui peuvent pratiquement<br />

se produire, surtout en vue de règlements internationaux, et c'est pour<br />

cela qu'on estime en général qu'il est sage de disposer d'une encaisse ou<br />

de comptes-courants immédiatement convertibles en or dans une proportion<br />

d'environ 30 % des engagements à vue. Mais cette proportion, qui est tout<br />

empirique, ne présente qu'un intérêt secondaire ; elle n'a jamais à elle<br />

seule été suffisante pour déterminer la valeur d'un billet. La variété des<br />

règles, suivies à cet égard depuis leur fondation par les banques d'émission<br />

dont les billets ont gardé une valeur indiscutée, en est une preuve certaine.<br />

Ce n'est pas sur une différence plus ou moins légère de pourcentage que<br />

s'établit la comparaison entre les billets des banques d'émission. La véri<br />

table couverture du billet, ce qui détermine sa valeur, c'est le portefeuille;<br />

lorsque celui-ci comprend des éléments douteux, ou insuffisamment liqui<br />

des, sa valeur est compromise. C'est ce qui arrive lorsqu'à des créances


— — 276<br />

atteindre, soit qu'elle s'efforce de maintenir dans les limites<br />

légales sa propre circulation, soit qu'elle cherche à agir sur la<br />

circulation totale du pays pour combattre une inflation moné<br />

taire, la banque d'émission devrait relever le taux de son<br />

escompte plus fréquemment et surtout plus fortement que si<br />

elle n'avait à tenir compte que de sa seule émission. Comprimer<br />

sa propre circulation intérieure serait pour elle l'unique moyen<br />

de réduire la circulation monétaire et fiduciaire totale du pays.<br />

Mais cette mesure risquerait elle-même d'être inefficace lorsqu'il<br />

s'agirait de combattre l'inflation monétaire provenant d'une<br />

inflation de crédit, car il demeurerait dans le pouvoir de l'autre<br />

banque d'émission de maintenir ou même d'aggraver cette infla<br />

tion,<br />

en accordant des facilités de crédit et en augmentant sa<br />

propre circulation extérieure. A défaut d'entente entre elles,<br />

chacune des banques d'émission risquerait donc de perdre le<br />

contrôle de l'escompte et celui de la circulation. Pour les ressai<br />

sir, elle serait exposée à multiplier ou à aggraver des mesures<br />

de défense dont les conséquences pourraient être défavorables au<br />

crédit. En fait,<br />

ce serait la Banque de l'Algérie et non la Banque<br />

de France qui se trouverait en face de ces difficultés. Le com<br />

merce algérien serait le premier à en souffrir et le remède serait<br />

sans doute pire que le mal.<br />

Il faudrait donc aller au delà et substituer la Banque de<br />

France à celle de l'Algérie. Mais serait-ce, à l'heure actuelle,<br />

une solution profitable à la Colonie ? On a vu plus haut pourquoi<br />

il existe dans les deux pays deux banques d'émission différentes,<br />

dont les rôles n'ont pas été, dès l'origine, exactement les mêmes,<br />

dont le régime d'émission a été soumis à des règles qui ont été<br />

commerciales s'ajoutent ou se substituent des créances immobilières, des<br />

commandites, du papier de spéculation, des créances sur l'Etat pour un<br />

chiffre exagéré, ou des créances sur un Etat trop obéré. On s'en est bien<br />

rendu compte depuis la guerre : c'est la crainte de voir l'Etat français<br />

devenir incapable de rembourser intégralement et rapidement sa dette à<br />

la Banque de France qui a aggravé brusquement les reculs du change fran<br />

çais, déterminés, dans leur mouvement général, par l'excès d'une émission<br />

qui ne représentait pas des opérations commerciales et qui avait multiplié<br />

à l'excès, pour les besoins de l'Etat, les signes monétaires. Dans ce cas, peu<br />

importe qu'il existe ou qu'il n'existe pas une double circulation de bil<br />

lets différents. Si l'un des billets était vicié dans son origine, U se dépré<br />

cierait de lui-même et la circulation commune des billets ne créerait<br />

qu'une difficulté locale, en rendant plus visible la dépréciation subie par<br />

le billet vicié, mais ce n'est pas elle qui la provoquerait.


- 277<br />

—<br />

bien souvent dissemblables et qui répondent encore à des situa<br />

tions économiques difficilement comparables.<br />

Le dualisme bancaire est un fait d'origine ancienne et parfai<br />

tement explicable, dont nous ne voulons retenir ici qu'une<br />

conséquence : la transformation en une sorte de change extérieur<br />

du change intérieur entre les départements français d'Algérie<br />

et les départements métropolitains.<br />

Pour mesurer exactement la difficulté que doivent,<br />

en prin<br />

cipe, éprouver les débiteurs d'un des deux pays à se procurer<br />

la monnaie nécessaire aux paiements à effectuer dans l'autre,<br />

en un mot pour apprécier les besoins de change réciproques de<br />

l'Algérie et de la Métropole, il faudrait établir leur compte annuel<br />

en doit et en avoir, et même en déterminer le solde périodique,<br />

sinon quotidien.<br />

Il n'existe guère de compte plus difficile à dresser. Le premier<br />

élément qui retient l'attention est le mouvement du commerce<br />

d'importations et d'exportations. Les statistiques douanières ne<br />

le retracent qu'incomplètement ; elles peuvent donner une indi<br />

cation approximative ; mais combien d'éléments d'erreurs ne<br />

doivent-elles pas nécessairement contenir,<br />

en dehors même de<br />

celles qui peuvent se produire dans la détermination des valeurs<br />

en douane ? Si, dans l'ensemble,<br />

on peut tenir pour relativement<br />

exactes les indications données sur les produits agricoles et les<br />

matières premières dont le transport est facile à contrôler, il<br />

n'en est pas de même en ce qui concerne les produits fabriqués,<br />

les colis postaux, les bagages même des voyageurs, touristes ou<br />

commerçants, qui contiennent des bijoux, des étoffes, des articles<br />

de Paris, etc., échappant à presque tout recensement. Même si<br />

ces statistiques avaient une réelle valeur indicative concernant<br />

l'existence des dettes et des créances commerciales entre les deux<br />

pays, elles ne donneraient qu'imparfaitement la mesure de l'im<br />

portance des règlements provoqués par ces dettes et ces créan<br />

ces. Les exportations et les importations de marchandises ne sont<br />

pas nécessairement accompagnées d'un mouvement de fonds cor<br />

respondant. Il n'y a pas, dans le temps,<br />

correspondance exacte<br />

entre les achats et les paiements. Il n'y a pas non plus identité<br />

18<br />

ÉLÉMENTS<br />

DE LA<br />

BALANCE DES<br />

COMPTES<br />

ENTRE LA<br />

FRA NCE ET<br />

L'ALGÉRIE.


- 278<br />

-<br />

cle montant entre les encaissements effectués par le commerce<br />

extérieur dans un pays acheteur et le rapatriement au pays<br />

vendeur des fonds ainsi encaissés.<br />

D'autre part, le mouvement des capitaux n'est pas déterminé<br />

seulement par celui des marchandises. Il est, en grande partie,<br />

alimenté par des fonds investis ou par les dépenses effectuées<br />

sur place par les Algériens en France ou à l'étranger et par<br />

les Français ou les étrangers en Algérie ; il l'est également par<br />

les gains réalisés dans un des pays par les habitants de l'autre :<br />

paiements de commissions et de services divers, assurances,<br />

salaires des ouvriers et employés,<br />

produits des placements de<br />

fonds, profits des entreprises, dont les bénéficiaires rapatrient<br />

une partie, parfois même la totalité, dans leur pays d'origine.<br />

Enfin, dans les rapports entre l'Algérie et la France, à ce<br />

mouvement des capitaux privés viennent s'ajouter les règle<br />

ments de dépenses et recettes pour compte réciproque de la<br />

Colonie et de la Métropole ; si, jusqu'à ces derniers temps,<br />

l'Algérie n'avait qu'une dette publique extérieure insignifiante,<br />

par contre, les dépenses effectuées par la France dans la colo<br />

nie y ont été, longtemps proportionnellement des plus élevées et<br />

demeurent encore considérables.<br />

Le mouvement des capitaux joue un rôle très important dans<br />

les rapports entre l'Algérie et la France. Il n'est pas possible<br />

d'en établir une statistique ayant une valeur quelconque com<br />

parable même à celle des statistiques du commerce. Ce mouve<br />

ment se manifeste par des règlements par écritures, des ouver<br />

tures de crédit en banque, des envois d'espèces ou de valeurs,<br />

d'effets de commerce, de chèques,<br />

par des émissions de mandats<br />

divers, en particulier des mandats et chèques postaux,<br />

qui ne<br />

peuvent être distingués de ceux auxquels donne lieu le règle<br />

ment des importations et des exportations. Il faudrait, de plus,<br />

rapprocher de ces sortes de règlements le mouvement des<br />

espèces (1) et des billets, soit envoyés par la poste, soit apportés<br />

ou remportés par les voyageurs et par les navires étrangers<br />

(1) Les statistiques douanières donnent seulement l'indication des mou<br />

vements des monnaies d'or et d'argent expédiées par groups. Ces mouve<br />

ments, pour les années qui ont précédé la guerre, ss traduisent par un<br />

excédent d'importation d'environ 6 millions par an.


— 27<br />

qui viennent se ravitailler et effectuent des ventes ou des achats<br />

dans les ports algériens et inversement. Ces derniers mouve<br />

ments de numéraire ne sont pas négligeables et, lorsque la<br />

circulation des monnaies métalliques était assurée en Algérie,<br />

ils n'étaient pas sans exercer une influence très appréciable sur<br />

le stock monétaire existant dans le pays. En ce qui concerne<br />

les billets,<br />

on peut en mesurer l'importance en constatant que<br />

depuis la guerre la Banque de l'Algérie a reçu dans ses caisses<br />

plus de 300 millions de billets de la Banque de France. Il y a,<br />

on le voit, bien des chiffres qui nous échappent et d'autres qui<br />

font double emploi : il serait donc assez vain de prétendre dresser<br />

un bilan comptable détaillé des échanges entre la France et<br />

l'Algérie (1) ; et il faut reconnaître que le problème du change<br />

franco-algérien est, par la nature même de ses données, au<br />

moins aussi complexe que tout autre problème de change inter<br />

national.<br />

La variété des époques auxquelles se produisent les mouve<br />

ments —<br />

souvent<br />

opposés<br />

— du<br />

change,<br />

aggrave encore cette<br />

complexité. Elle tient avant tout à la nature différente des<br />

produits exportés et des produits importés. L'Algérie, —<br />

toujours revenir à cette vérité première,<br />

agricole et, de plus,<br />

— est<br />

il faut<br />

surtout un pays<br />

un pays dont la production agricole est<br />

instable, irrégulière, dépendant d'une nature capricieuse. La<br />

plupart des produits algériens ne se présentent pas à l'exporta<br />

tion avec une certaine régularité,<br />

comme cela peut se produire<br />

lorsqu'il s'agit, par exemple, de marchandises manufacturées ou<br />

de matières premières . (2) Ils<br />

peuvent, certaines années, s'offrir<br />

(1) Dans son rapport sur le budget spécial de l'Algérie pour 1909 M.<br />

Cochery, avec une louable conscience et une forte documentation, s'est<br />

efforcé, sinon de dresser ce bilan, du moins d'en présenter les principaux<br />

éléments. Les chiffres qu'il relève sont incomplets et n'ont qu'une valeur<br />

indicative.<br />

(2) Le fait que les mines sont, pour la presque totalité, exploitées par<br />

des Sociétés métropolitaines ou étrangères, dont la trésorerie se centralise<br />

hors de l'Algérie, diminue l'action régulatrice que lss ventes de minerais<br />

devraient en principe assurer à la balance des comptes. Elles n'exer<br />

cent cette action que sur la balance du commerce extérieur, dans les<br />

statistiques douanières, mais non complètement dans les règlements.<br />

sauf par le paiement des frais locaux d'exploitation.<br />

DIFFICULTÉS<br />

QUE<br />

RENCONTRE<br />

SPÉCIA<br />

LEMENT<br />

EN ALGÉRIE<br />

LE RÈGLE<br />

MENT DE LA<br />

BALANCE<br />

DES COMPTES<br />

EXTÉRIEURS.


— — 280<br />

très abondamment sur le marché extérieur ; dans d'autres,<br />

au contraire, ils sont assez rares ou même complètement absent*.<br />

Les marchandises importables sont, au contraire, en général,<br />

des matières premières ou des produits fabriqués nécessaires<br />

à l'existence ou à la mise en valeur du pays ; la plupart des<br />

marchandises sont donc importées selon un rythme relativement<br />

régulier si on le compare aux brusques variations des exporta<br />

tions. Le rythme des importations est seulement accéléré ou<br />

ralenti selon l'importance des ressources que les exportations<br />

mettent à la disposition du pays,<br />

selon les besoins de son ali<br />

mentation lorsque les récoltes sont insuffisantes,<br />

ou selon ceux<br />

de son développement agricole et industriel. De ce fait, le change<br />

entre les deux pays est normalement exposé à d'amples varia<br />

tions,<br />

non prévisibles à longue échéance.<br />

Mais il y a plus encore ; les deux pays en présence ont des<br />

capacités de règlement bien différentes ; d'un côté, la France<br />

qui est un grand marché international de capitaux et qui, avant<br />

la guerre, jouissait d'une abondante circulation de monnaies d'or<br />

et d'argent, d'un stock d'or exceptionnellement élevé dans les<br />

caves de sa banque d'émission, de réserves métalliques égale<br />

ment très importantes dans les caisses ou dans les bas de laine<br />

des particuliers, qui, enfin, était, à cette date, créancière du<br />

monde ; de l'autre, l'Algérie,<br />

qui est généralement débitrice<br />

de la France et qui n'en est que très exceptionnellement et tem<br />

porairement créancière, bien qu'elle le soit en général de quel<br />

ques pays étrangers. Sa banque d'émission, exerçant son privi<br />

lège dans un pays neuf, n'a pu trouver, ni dans les ressources<br />

locales ni dans les mouvements de capitaux entre la Colonie<br />

et la Métropole, des éléments suffisants pour constituer des<br />

réserves d'or importantes ou de larges disponibilités à Paris<br />

ou sur les grandes places étrangères. Le pays ne dispose, en<br />

fait, ni d'espèces,<br />

ni souvent de créances extérieures. On com<br />

prend que le règlement du solde des dettes de la France vis-à-vis<br />

de l'Algérie puisse se faire en principe par des envois d'espèces<br />

d'or ou d'argent, mais qu'il est au contraire beaucoup plus<br />

difficile de réaliser de la même manière le règlement du solde<br />

des dettes de l'Algérie vis-à-vis de la France.<br />

Enfin la. guerre a, par deux fois, en moins d'un demi-siècle,


- 281<br />

—<br />

faussé les données complexes du problème par l'établissement du<br />

cours forcé, par la disparition complète des espèces métalliques,<br />

par un bouleversement des échanges.<br />

A défaut de statistique fournissant des conclusions positives,<br />

le raisonnement conduit donc à penser que le change franco-<br />

algérien doit être dans une position d'équilibre instable, rendant<br />

incertaines toutes prévisions à échéance un peu lointaine.<br />

En fait, il n'en est pas ainsi, parce que la question du change<br />

franco-algérien a été résolue en pratique dans des conditions<br />

telles que le public en général, que la plupart des intéressés<br />

eux-mêmes ne se doutent pas qu'elle existe.<br />

Tout problème de change se ramenant à une question de<br />

compensation à établir entre dettes et créances et de solde à<br />

régler, il est possible de le simplifier, d'atténuer son caractère<br />

en quelque sorte quotidien,<br />

par un aménagement rationnel du<br />

règlement des dettes et des créances existantes ou prévisibles ;<br />

à cet égard, la première difficulté à résoudre, en Algérie, est<br />

celle qu'entraîne l'absence de synchronisme entre les exporta<br />

tions et les importations.<br />

Un élément régulateur a été trouvé dans les dépenses mêmes<br />

que l'Etat français est obligé de faire en Algérie, et dans l'or<br />

ganisation de la trésorerie française dans la colonie. L'Etat<br />

effectue en Algérie un ensemble de dépenses qui,<br />

avant l'au<br />

tonomie financière dont jouit aujourd'hui la colonie, s'étendait<br />

à tous les services militaires et civils. Encore actuellement les<br />

dépenses de souveraineté effectuées par le Trésor métropolitain<br />

en Algérie s'élèvent à un total considérable qu'on peut évaluer<br />

entre 600 et 700 millions. Par contre, les services de trésorerie<br />

encaissent des sommes de plus en plus importantes,<br />

mais pro<br />

venant pour la presque totalité de l'impôt qui rentre à des épo<br />

ques déterminées. Il n'y<br />

a pas concordance entre ces paiements<br />

et ces perceptions et, comme il arrive presque toujours, il est<br />

nécessaire, en attendant les rentrées de fonds, d'assurer l'alimen<br />

tation des caisses par des « moyens de trésorerie ». Pendant<br />

longtemps,<br />

ces moyens de trésorerie ont consisté dans les<br />

émissions de traites du Trésor à court délai,<br />

payables à Paris<br />

LES BESOIN<br />

DU TRÉSOl<br />

ET CEUX DI<br />

COMMERCE


— - 282<br />

et à Marseille. Le Trésor évitait ainsi d'avoir à faire venir<br />

des fonds de la Métropole et le commerce se procurait de son<br />

côté les sommes qui lui étaient nécessaires pour payer en France<br />

ses importations. La Banque de l'Algérie, pour régler en France<br />

les correspondants dont elle recevait des effets payables dans<br />

la colonie, utilisait elle-même ces traites, soit qu'elle se les fît<br />

délivrer directement,<br />

soit qu'elle les escomptât aux porteurs<br />

qui n'en avaient pas l'emploi en France. Le Trésor ne se bornait<br />

pas à émettre des traites au fur et à mesure de ses besoins. II<br />

en émettait au delà de ceux-ci et en prévision de ses besoins<br />

futurs, mais il prélevait dans ce cas un change soit directement,<br />

soit en allongeant les délais de paiement des traites. Enfin,<br />

lorsque ses besoins présents et futurs lui paraissaient satisfaits,<br />

il en suspendait complètement l'émission (1). De son côté, la<br />

Banque de l'Algérie mettait à la disposition du commerce, par<br />

des tirages sur la France, les fonds qu'elle pouvait se procurer<br />

elle-même dans la Métropole,<br />

soit par suite du recouvrement des<br />

effets qui lui avaient été remis sur la France et sur l'étranger,<br />

soit en contre-partie des fonds qui lui étaient versés en vue<br />

de leur transfert en Algérie, soit au besoin,<br />

en se faisant con<br />

sentir à Paris des ouvertures de crédit. A défaut de telles<br />

disponibilités,<br />

qui se trouvaient vite épuisées lorsque le Trésor<br />

suspendait ses émissions ou les frappait de conditions jugées<br />

trop onéreuses par le commerce, il lui fallait,<br />

demandes de celui-ci,<br />

pour répondre aux<br />

envoyer du numéraire en France. On a vu<br />

que le régime d'émission auquel elle était soumise et la rareté<br />

de numéraire circulant en Algérie lui créaient à cet égard de<br />

(1) Jusqu'en 1884,<br />

ces traites étaient émises par le Caissier-payeur<br />

central. Les payeurs algériens en étaient approvisionnés et les endos<br />

saient au profit des bénéficiaires. Elles étaient d'un minimum de 500<br />

francs. Depuis 1884, ces traites furent remplacées par des mandats émis<br />

directement par les payeurs sur la Caisse centrale. Ces mandats sont<br />

uun minimum de 500 francs. Leur échéance fut à l'origine de 15 jours.<br />

Ils portaient alors un timbre de 0,50 •/„ ; en calculant les intérêts à 3 %,<br />

ces traites coûtaient 1,75 •/.,. En 1885, leur échéance fut portée à 30<br />

jours, ce qui élevait leur prix à 3 •/,». En 1894, leur échéance fut réduite<br />

à 6 jours, mais elles furent frappées d'une commission de 2,50 •/„„ ce qui<br />

porta leur prix à 3,50"/.. En 1895, l'échéance fut portée à 20jours, 'et leur<br />

coût revint à4,66'/.. ; enfin, en 1896, l'échéance fut de nouveau de 30 jours,<br />

toutes les autres conditions étant maintenues. Elles coûtaient alors 5,50<br />

•/•„ Depuis le développement pris par les mandats et chèques postaux,<br />

ces mandats du Trésor ne sont plus guère émis dans la pratique.


— -r- 283<br />

réelles difficultés. Quand elles devenaient trop fortes, la Banque<br />

devait, pour défendre son encaisse ou réduire des charges<br />

excessives, soit élever le taux de l'escompte,<br />

taines opérations de commissions spéciales.<br />

soit frapper cer<br />

Dans de telles conditions, le change se tendait si les besoins<br />

de règlement du commerce algérien à l'extérieur s'accentuaient<br />

et il se détendait si les besoins de fonds du Trésor en Algérie<br />

augmentaient ; ces phénomènes de tension et de détente se<br />

traduisaient dans les cas extrêmes, comme il est normal, par<br />

la hausse du taux de l'escompte ou par la diminution du prix<br />

des traites du Trésor.<br />

On comprit bientôt qu'il y avait dans l'influence exercée ainsi<br />

en sens contraire, par les besoins du commerce algérien en<br />

France et par ceux du Trésor français en Algérie, les éléments<br />

d'un rapprochement permettant de neutraliser en partie les<br />

effets des pointes extrêmes des besoins de l'un et de l'autre.<br />

Le Trésor français se fit ouvrir à Alger un compte par la<br />

Banque de l'Algérie (1). Au crédit de ce compte furent portées<br />

toutes les sommes qu'il encaissait à un titre quelconque et qui<br />

excédaient les besoins de la trésorerie journalière. Le compte<br />

constituait ainsi un réservoir, dans lequel venaient indistincte<br />

ment se déverser le montant des impôts, consignations, percep<br />

tions diverses, celui des sommes qu'il recevait de la Métropole,<br />

soit directement par des expéditions de numéraire,<br />

l'intermédiaire des banques,<br />

soit par<br />

enfin celles qui lui étaient seulement<br />

confiées contre délivrance de traites ou mandats payables en<br />

France et qui devaient être remboursées par le Trésor métro<br />

politain contre présentation de ces traites ou mandats. Par<br />

contre, le Trésor puisait dans ce réservoir les sommes néces<br />

saires pour faire face à tous ses paiements en Algérie. Il demeure<br />

aujourd'hui la source commune où s'alimentent la trésorerie de / '<br />

l'Etat français et celle de l'Algérie (2). y<br />

(1) Voir chapitre IV et V. Conventions de 1868, 1869, 1877.<br />

(2) Le compte du Trésor est alimenté par deux séries de ressources :<br />

1°<br />

Ressources ordinaires : Impôts, avances permanentes de la Banque de<br />

l'Algérie. Soldes créditeurs des correspondants du Trésor. Fonds libres<br />

des communes et des établissements publics ; comptes-courants cais-<br />

des<br />

OUVERTURE<br />

ET FONCTION<br />

NEMENT DU<br />

COMPTE-<br />

COURANT DU<br />

TRÉSOR A LA<br />

BANQUE DE<br />

L'ALGÉRIE.


./<br />

— 284 —<br />

Grâce à l'ouverture de ce compte, le Trésor dispose de res<br />

sources plus régulièrement aménagées et la Banque de l'Algérie<br />

fait rentrer dans ses caisses des billets qui diminuent sa cir<br />

culation ou du numéraire qui lui assure un accroissement de<br />

ses possibilités d'émission. Elle est moins exposée à se trouver<br />

dans l'obligation de faire venir du numéraire de France pour<br />

alimenter la circulation ou d'en immobiliser pour renforcer son<br />

encaisse ; il lui est plus aisé de consacrer les fonds dont elle<br />

dispose dans la Métropole au paiement des dispositions de la<br />

France ou de l'étranger sur l'Algérie ; les règlements extérieurs<br />

s'en trouvent facilités.<br />

Le mécanisme du change franco-algérien apparaît, dès lors,<br />

dass sa simplicité. Lorsqu'il s'agit de régler une dette de l'Al<br />

gérie en France, le Trésor ou la Banque reçoivent en Algérie les<br />

billets algériens destinés au paiement de cette dette et les<br />

correspondants de la Banque ou le Trésor métropolitain remet-<br />

ses d'épargne. Mandats-poste et chèques-postaux. Consignations adminis<br />

tratives et judiciaires. Cautionnements des comptables et entrepreneurs<br />

de travaux publics. Vente des produits des monopoles ; 2° Ressources<br />

Extraordinaires : Emprunts, Bons et Obligations du Trésor, fonds parti<br />

culiers des Trésoriers généraux. Sur ces ressources, le produit des émis<br />

sions de valeurs du Trésor, celui de la vente des produits des monopoles<br />

reviennent au Trésor métropolitain qui récupère, en outre, sur les ressour<br />

ces propres à l'Algérie la contribution de celle-ci aux charges militaires.<br />

Ces ressources sont employées par le Trésor algérien pour le paiement<br />

des dépenses budgétaires qui lui incombent, et par le Trésor métropolitain<br />

pour le service des valeurs du Trésor, le paiement des pensions de guerre<br />

et des pensions civiles à sa charge ; les dépenses de l'armée et de la<br />

marine, les achats pour le compte des monopoles, etc.. Le Trésor algérien<br />

dispose, d'autre part, dans la Métropole de recettes spéciales : produits<br />

encaissés pour le compte du budget algérien, annuités des chemins de<br />

fer, emprunts émis dans la Métropole ; il y dépense, par contre, les som<br />

mes nécessaires pour le service de ces emprunts, les traitements des fonc<br />

tionnaires algériens en résidence dans la Métropole (détachés, en congé)<br />

enfin les achats de matières, les fournitures pour les services administra<br />

tifs de la colonie.<br />

En général, la Trésorerie algérienne est à l'aise ; le budget de l'Algé<br />

rie lui assure des ressources qui excèdent ses dépenses. Le Trésor métropo<br />

litain a, au contraire, à faire face le plus souvent à des paiements qui<br />

excèdent ses recettes en Algérie. Les encaissements effectués par la Tré<br />

sorerie générale pour le compte de la Métropole se sont élevés en 1923,<br />

1924, 1925, à 375 millions, 194 millions et 250 millions, tandis que les<br />

décaissements ont atteint respectivement 949 millions, 849 millions et 720<br />

millions. Par contre, en atténuation, les trésoriers généraux de France et<br />

la Caisse centrale du Trésor à Paris effectuent dans la Métropole des<br />

paiements pour compte des comptables d'Algérie. Ces paiements s'éle<br />

vaient pour les mêmes années à une moyenne de 100 à 125 millions.


Le Port<br />

D'ORAN<br />

Ancien


— — 285<br />

tent en France au créancier métropolitain des billets de la<br />

Banque de France. Lorsqu'au contraire il s'agit de payer une<br />

dette de la France sur l'Algérie, les correspondants de la Banque<br />

ou le Trésor reçoivent des billets de la Banque de France destinés<br />

au paiement de cette dette et la Banque ou le Trésor remettent<br />

en Algérie au créancier algérien des billets de la Banque de<br />

l'Algérie.<br />

Dans le premier cas, au fur et à mesure de la délivrance, en<br />

Algérie, des mandats, traites ou chèques payables en France,<br />

le Trésor métropolitain ou la banque se substituent, vis-à-vis<br />

de la Métropole,<br />

aux débiteurs particuliers algériens. Le Trésor<br />

métropolitain effectue lui-même en France les paiements dont<br />

la trésorerie métropolitaine supporte le poids et il conserve<br />

à Alger les fonds reçus dans la colonie. La Banque charge ses<br />

correspondants de payer pour son compte dans la Métropole<br />

le montant des traites ou chèques tirés sur la France et elle<br />

les approvisionne à cet effet au moyen des fonds dont elle peut<br />

disposer hors de l'Algérie. En résumé, lorsqu'il s'agit de régler<br />

les dettes de l'Algérie en France, le solde créditeur du compte<br />

du Trésor s'élève ou les fonds dont la Banque de l'Algérie dispose<br />

à l'extérieur diminuent.<br />

Dans le cas contraire,<br />

au fur et à mesure de la délivrance<br />

en France des mandats, traites ou chèques payables en Algérie,<br />

le Trésor<br />

métropolitain ou la Banque se substituent vis-à-vis<br />

de l'Algérie aux débiteurs<br />

particuliers métropolitains. Le Trésor<br />

règle sa dette à Alger par le débit de son compte courant à la<br />

Banque. La Banque paie elle-même les traites ou chèques trans<br />

mis par ses<br />

correspondants qui la couvrent en créditant son<br />

lorsqu'il s'agit de régler des dettes<br />

compte chez eux. En résumé,<br />

de la France en Algérie, le solde créditeur du compte du Trésor<br />

diminue, ou les fonds dont la Banque de l'Algérie dispose à l'ex<br />

térieur s'accroissent.<br />

En dernière analyse,<br />

lorsqu'il s'agit de régler effectivement<br />

après compensation les dettes d'un pays dans l'autre, c'est la<br />

circulation fiduciaire du<br />

pays créancier qui se substitue au<br />

numéraire que devrait expédier le pays débiteur ; lorsqu'il s'agit<br />

our<br />

l'Algérie de payer la France, c'est la monnaie fiduciaire<br />

française qui est<br />

appelée à remplacer dans la Métropole la


- ?86-<br />

monnaie métallique qui aurait dû être envoyée d'Algérie ; à des<br />

rentrées de billets algériens dans les caisses de la Banque de<br />

l'Algérie —<br />

rentrées qui ont en général, leur contre-partie dans<br />

les écritures du compte courant du Trésor à Alger —<br />

correspon<br />

dent des sorties de billets de la Banque de France qui ont en<br />

général, leur contre-partie dans les écritures du compte courant<br />

du Trésor à la Banque de France à Paris. C'est la circulation<br />

fiduciaire algérienne qui joue le même rôle dans le cas contraire ;<br />

à des entrées de monnaies françaises dans les caisses du Tréso*-<br />

ou dans celles de la Banque de l'Algérie à Paris, correspondent<br />

des sorties de billets algériens.<br />

Il y a là, en quelque sorte, une application du système du<br />

Gold Exchange Standard. Les billets reçus en Algérie pour être<br />

remboursés en France en monnaies françaises constituent une<br />

créance sur l'or de la Banque de France,<br />

comme les billets reçus<br />

en France pour être remboursés en Algérie en monnaie algé<br />

rienne constituent une créance sur l'or de la Banque de l'Algérie.<br />

Si ces règlements ne sont pas effectués par le jeu d'un compte<br />

direct entre les deux banques d'émission, s'ils n'atteignent<br />

celles-ci que par le canal d'un intermédiaire qui est le Trésor,<br />

ils n'en exe-rcent pas moinn une action réciproque sur leurs bilans<br />

respectifs.<br />

Pour que cô système soit réellement efficace, il faut que le<br />

Trésor consente à ne pas réclamer le règlement en France de<br />

son solde créditeur à Alger et que la Banque conserve en France<br />

les soldes créditeurs provenant des règlements extérieurs effec<br />

tués par ses correspondants. Le Trésor a mis au non rapa<br />

triement du solde de son compte une double condition ; il a<br />

voulu à la fois que ce solde ne demeurât pas improductif et que<br />

la Banque prît toutes dispositions pour rendre son règlement<br />

possible à Paris. Pour obtenir un tel résultat, il a imposé à la<br />

Banque de lui payer un int&vt sur ce solde (1). Cet intérêt a<br />

été calculé de telle sorte que le taux en augmente avec le mon<br />

tant du solde et que la Banque peut souvent avoir avantage,<br />

(1) Il faut remarquer qu'en acceptant cette clause, la Banque a con<br />

senti un important sacrifice, puisqu'elle ne tire guère profit des fonds<br />

ainsi détenus par elle pour le compte du Trésor. Elle ne travaille pas<br />

comme les autres banques, avec des dépôts mais avec ses billets, elle n'a<br />

pas besoin d'attirer de3 dépôts par l'attrait d'un intérêt.


- -:h:<br />

—<br />

soit à utiliser ses disponibilités, soit à expédier du numéraire<br />

lorsqu'elle en a le moyen, pour régler le Trésor en France,<br />

soit, lorsque ces disponibilités sont insuffisantes ou que le<br />

numéraire risque de faire défaut, à élever le taux de l'escompte<br />

pour provoquer un renversement de la balance des comptes. En<br />

imposant cet intérêt à la Banque, l'Etat a repassé à celle-ci la<br />

charge pécuniaire indirecte résultant pour lui d'une immobili<br />

sation de fonds. Il a fourni l'instrument nécessaire au fonction<br />

nement du système et il a remis à la Banque le soin d'en payer<br />

elle-même les frais (1).<br />

La Banque, de son côté, est exposée à conserver en France<br />

des sommes dont elle aurait un emploi plus avantageux en Algé<br />

rie. Dans ce cas, par conséquent, elle supporte également le poids<br />

du change, non plus sous la forme d'un intérêt payé au Trésor,<br />

mais sous celle d'une diminution du rendement de son émission.<br />

Il peut même arriver que le Trésor soit appelé à recevoir en<br />

France pour être payées en Algérie des sommes excédant le<br />

montant du solde créditeur de son compte à Alger. Il doit y pour<br />

voir par un envoi de numéraire, à moins que la Banque ne<br />

consente à recevoir de lui en France de la monnaie française<br />

contre laquelle elle émettra des billets en Algérie, au risque<br />

d'accroître son avoir en France si peu productif qu'il soit. L'envoi<br />

du numéraire étant parfois matériellement à peu près impos<br />

sible —<br />

comme<br />

c'est le cas à l'heure actuelle —<br />

la<br />

Banque a<br />

généralement accédé aux demandes de cette nature que le Trésor<br />

a eu à maintes reprises l'occasion de lui adresser.<br />

Mais, il est juste d'ajouter que si les opérations qui donnent<br />

naissance à ces disponibilités en France ou à l'étranger sont<br />

peu productives pour la Banque, si l'emploi qu'elle en peut faire<br />

est lui-même peu rémunérateur (2), l'existence de ces disponi<br />

bilités présente l'avantage de lui permettre d'assurer non<br />

seulement la couverture de ses tirages sur la France et sur<br />

l'étranger,<br />

mais aussi celle de ses billets (3).<br />

(1) Ces frais ont été à certains moments si élevés qu'en 1907, par exem<br />

ple, ils ont représenté 40 % des bénéfices net3.<br />

(2) L'article 12 des statuts de la Banque interdit de faire au siège<br />

social de l'escompte et des avances sur titres.<br />

(3) Voir chapitre X,


ROLE<br />

DU SERVICE<br />

DES POSTES.<br />

— — 288<br />

L'intervention du service des postes a apporté de très impor<br />

tantes et très heureuses modifications dans le mécanisme des<br />

règlements tel qu'il avait été conçu à l'origine. Ce ne sont plus<br />

aujourd'hui des traites ou des mandats émis par le Trésor de<br />

l'Algérie sur la France qui servent aux paiements du commerce<br />

de la colonie dans la métropole ; ce sont des mandats et chèques<br />

postaux ; aux trésoriers-payeurs se sont substitués les agents<br />

des postes, dont les guichets, répandus sur tout le territoire,<br />

ont mis à la portée de tous, à un tarif uniforme, qui ne varie<br />

pas comme le taux d'émission des traites ou mandats du Trésor,<br />

des instruments de paiement utilisables à l'intérieur de l'Algé<br />

rie, aussi bien que dans tous les départements français. Chèques<br />

postaux, virements postaux, mandats postaux permettent à qui<br />

conque de régler ses dettes envers n'importe lequel de ses<br />

créanciers, n'importe où en France métropolitaine ou algérienne.<br />

Le commerce a trouvé là un instrument très supérieur aux<br />

anciennes traites du Trésor et il l'utilise soit directement, en<br />

s'adressant aux guichets de la poste,<br />

soit indirectement en<br />

s'adressant aux guichets des banques qui de leur côté ont re<br />

cours, le cas échéant,<br />

aux services de la poste. L'intervention<br />

de la poste a rendu effective et consacré la suppression du<br />

change entre la France et l'Algérie (1).<br />

Les règlements des opérations commerciales de l'Algérie s'ins<br />

crivent désormais, mieux que partout ailleurs, dans les comptes<br />

(1) Le Trésor alimente, à Alger, les caisses des postes par des fonds de<br />

subvention et les receveurs des Postes versent au Trésor leurs excédents.<br />

Si l'on compare, au cours des trois dernières années, l'écart entre les<br />

fonds de subvention et les versements, on constate que les versements<br />

excèdent chaque année d'un chiffre beaucoup plus élevé les fonds de<br />

subvention :<br />

Du 1" Mars 1926 au 28 Février 1927<br />

1927 au 29 — 1928<br />

— 1928 au 28 — 1929<br />

Versements<br />

1.254 millions<br />

1.573 -<br />

1.768 —<br />

Fonds de<br />

subvention<br />

1.207 millions<br />

— 1.331<br />

1.342 -<br />

Différences<br />

47 millions<br />

La différence en faveur des versements tend à établir que les disponi<br />

bilités dans les bureaux de Postes en Algérie ont augmenté considérable<br />

ment. Cela peut tenir au développement des comptes-postaux à l'intérieur,<br />

mais il faut y voir surtout la preuve que les règlements entre l'Algérie<br />

242<br />

426<br />

et la France se font de plus en plus par cet intermédiaire ; on y relève<br />

souvent de très importants mouvements effectués par les banques pour<br />

assurer des envois de fonds de France en Algérie et réciproquement.<br />

—<br />


—<br />

— 289<br />

courants postaux, mais la base du système n'en est pas changée<br />

et ce sont toujours ces règlements qui alimentent, aujourd'hui<br />

comme autrefois, la caisse dans laquelle le Trésor puise les<br />

fonds nécessaires au paiement de ses dépenses en Algérie et qui<br />

commandent en majeure partie les mouvements de son compte<br />

à la Banque de l'Algérie. Les seules différences qu'on puisse<br />

relever entre le système primitif et celui qui fonctionne actuelle<br />

ment proviennent, d'une part, de l'importance des chiffres et,<br />

d'autre part, de la substitution de services postaux aux guichets<br />

des trésoriers-payeurs.<br />

L'ouverture du compte du Trésor ne résout toutefois pas la<br />

difficulté principale à laquelle aboutit toute question de change:<br />

comment transférer le solde des comptes d'un pays débiteur<br />

au pays créancier ? Comment, en la circonstance, lorsque l'Algé<br />

rie est débitrice de la Métropole,<br />

est-il possible de mettre le<br />

Trésor à même de recevoir en France le solde de son compte<br />

à Alger, comment éviter que les disponibilités extérieures de la<br />

Banque ne s'épuisent ? Comment, dans le cas contraire, est-il<br />

possible de transférer de France en Algérie les sommes dont<br />

le Trésor a besoin dans la colonie et celles que la Banque pourrait,<br />

de son côté, avoir éventuellement en excès à l'extérieur.<br />

Il n'existe pour atteindre chacun de ces buts que deux moyens ;<br />

soit expédier ou faire venir, selon les cas, du numéraire, soit<br />

provoquer artificiellement un renversement de la balance des<br />

comptes par des mesures entraînant, selon les cas, la diminution<br />

ou l'augmentation des besoins de règlement du pays envisagé.<br />

Ce résultat est normalement obtenu par la modification du<br />

taux de l'escompte. Dans le premier cas,<br />

c'est au relèvement du<br />

taux que la banque d'émission doit recourir. Ce relèvement agit<br />

d'une double manière : en déterminant dans l'ensemble du pays<br />

une élévation du taux de l'intérêt, il doit y attirer des capitaux<br />

étrangers en quête de placements avantageux ;<br />

onéreux le crédit, il doit en restreindre l'emploi, et,<br />

en rendant plus<br />

parce qu'il<br />

ralentit ainsi l'activité du commerce en général, il doit réduire<br />

les besoins de celui-ci. Il est également possible de renverser<br />

la balance des comptes par un moyen tout différent, en dévelop<br />

pant la production du pays débiteur et en accroissant ainsi la<br />

LE TAUX<br />

D'ESCOMPTE<br />

DEMEURE LE<br />

RÉGULA TEUR<br />

SUPRÊME DES<br />

RÈGLEMENTS<br />

EXTÉRIEURS<br />

DE L'ALGÉRIE.


- 290<br />

—<br />

quantité des marchandises exportables. La banque d'émission<br />

peut parfois y aider en prenant la mesure contraire, c'est-à-dire<br />

en abaissant le taux de son escompte ; mais on voit qu'il faut<br />

dans ce cas la collaboration du temps et qu'il s'agit là d'une<br />

solution à échéance éloignée. En réalité, de ces deux remèdes, de<br />

nature opposée, le premier répond à des nécessités immédiates<br />

et agit sur les effets du mal ; le second intéresse l'avenir et<br />

agit sur les causes. L'un risque d'entraver le développement du<br />

pays ou même de provoquer sa régression, l'autre,<br />

ce développement,<br />

en activant<br />

et par suite en donnant naissance à de nou<br />

veaux besoins, risque d'aggraver sur le moment les difficultés<br />

qu'il faut précisément essayer de surmonter. Aussi,<br />

malgré son<br />

influence, parfois fâcheuse, sur la prospérité du pays, le premier<br />

s'impose seul dans bien des cas. Lorsque, par contre, il s'agit<br />

de provoquer une augmentation des besoins de règlement pour<br />

absorber l'excès des fonds immobilisés à l'extérieur, la Banque<br />

doit réduire le taux de ses escomptes. Par une telle mesure, elle<br />

incite les capitaux,<br />

qui ne trouvent plus dans le pays qu'une<br />

rémunération qu'ils jugent insuffisante, à s'exporter vers des<br />

places où le taux de placement est plus élevé ; elle assure, d'autre<br />

part,<br />

au commerce des facilités de crédit qui se substituent à<br />

ces capitaux défaillants et qui, si elles sont assez largement et<br />

judicieusement assurées, peuvent utilement contribuer au déve<br />

loppement des échanges. Avant que le commerce d'exportation<br />

ne puisse développer ses ventes, le commerce d'importation<br />

accroît ses achats et les besoins de règlements extérieurs sont<br />

augmentés sur le moment. Mais de tels mouvements ne peuvent<br />

être provoqués que dans la mesure où il existe à l'étranger des<br />

disponibilités trop abondantes, dépassant les besoins de règle<br />

ment normaux. Aucun arbitraire n'est permis dans de tels cas à<br />

la banque d'émission. Si elle dépasse la mesure dans le sens de la<br />

hausse, le commerce est frappé, l'économie générale du pays s'en<br />

ressent ; si elle la dépasse dans le sens de la baisse, la couverture<br />

de ses billets risque d'être compromise et elle peut entraîner le<br />

commerce dans des opérations aléatoires. Enfin, dans un cas<br />

comme dans l'autre, la Banque doit, pour apprécier les mesures<br />

qu'il lui convient de prendre, prévoir comment ces mesures seront<br />

secondées ou combattues par l'action des capitaux disponibles<br />

aux mains des particuliers ou dans les caisses des banques.


— — 291<br />

Ce mécanisme des variations des taux de l'escompte est donc<br />

toujours très délicat à mettre en mouvement en raison de ses<br />

conséquences immédiates ou lointaines et il est encore plus dif<br />

ficile à manier dans les pays dont la richesse n'a qu'un nombre<br />

restreint de sources et dont l'activité s'exerce dans un seul sens<br />

ou dans un sens dominant. Plus les éléments, dont se compose<br />

la fortune d'un pays ou sur lesquels s'exerce son activité, sont<br />

variés, plus ils offrent de ressources pour les règlements inté<br />

rieurs et permettent de ne pas faire porter trop lourdement ni<br />

trop longuement sur l'ensemble du commerce et de l'industrie<br />

l'effet d'une tension du change. Il en est ainsi notamment lors<br />

qu'un pays détient un grand stock de valeurs mobilières ou est<br />

doté d'une organisation bancaire puissante, disposant de fonds<br />

pouvant être prêtés à l'étranger.<br />

Les valeurs mobilières, dont Léon Say comparaît si joliment<br />

la mobilité à celle du reflet qu'un miroir enverrait d'un lieu<br />

à un autre, sans que l'objet reflété se déplaçât, peuvent jouer,<br />

en effet, pour le règlement entre pays, un rôle très actif. Lors<br />

qu'il existe sur une place un grand marché de valeurs mobi<br />

lières, la moindre différence entre les taux d'escompte du pays<br />

et ceux du reste du monde permet des arbitrages qui créent<br />

un mouvement de capitaux capable à lui seul de renverser<br />

rapidement la balance des comptes. Si une spéculation irraison<br />

née ne venait pas, trop souvent, fausser le libre jeu de la loi<br />

de l'offre et de la demande des capitaux, il n'y aurait pas de<br />

meilleur régulateur des comptes internationaux. Les réactions<br />

en sont rapides et les résultats que l'on n'obtient parfois qu'à<br />

longue échéance sur les capitaux commerciaux sont presque<br />

immédiats sur les valeurs mobilières. Les mouvements inter<br />

nationaux de valeurs mobilières peuvent donc accentuer très<br />

utilement les effets qu'une banque d'émission cherche à obtenir<br />

par les modifications du taux de l'escompte et rendre par suite<br />

ces modifications moins accentuées et moins fréquentes.<br />

L'Algérie, malheureusement, ne possède pas encore un por<br />

tefeuille de valeurs mobilières suffisant pour constituer une<br />

réserve utilisable par des arbitrages pouvant exercer une in<br />

fluence déterminante sur le change. Elle n'est pas encore arrivée<br />

à ce degré de jouissance de la richesse acquise où le capitaliste<br />

est satisfait par la seule possession du reflet dont parlait Léon


— 292 -<br />

Say. Il lui faut encore, en général,<br />

la possession effective de la<br />

richesse visible : terre, outillage, marchandises (1) .<br />

(1) La question se pose dès à présent de l'ouverture à Alger d'une<br />

bourse de valeurs mobilières avec parquet d'agents de change. Elle a été<br />

soulevée à diverses reprises, notamment en 1909 et 1920, par les Déléga<br />

tions financières, la Chambre de Commerce d'Alger et le Syndicat<br />

Commercial Algérien. On fait observer, non sans raison, à l'appui<br />

de ce projet, que les placements mobiliers ne se développeront pas dans<br />

ce pays aussi longtemps que la négociation des titres ne pourra se faire<br />

qu'à grands frais sur un marché lointain. Actuellement il existe diverses<br />

banques, spécialisées dans les opérations de bourse et servant d'intermé<br />

diaires entre les Algériens et les marchés extérieurs ; mais, il semble<br />

bien que la plupart des opérations qui sont traitées par leur entremise<br />

revêtent beaucoup plus le caractère d'opérations spéculatives que de véri<br />

tables placements. Les portefeuilles de valeurs mobUières des capitalistes<br />

algériens se composent, en dehors de quelques valeurs éruptives, d'un très<br />

petit nombre de valeurs de placement proprement dites, sauf quelques<br />

rentes françaises, reliquat des souscriptions aux emprunts de guerre, aux<br />

quels l'Algérie a participé beaucoup plus par devoir patriotique que par<br />

goût et que dans la pensée de faire un placement. L'esprit de spéculation<br />

serait à lui seul insuffisant pour justifier l'existence d'une bourse. Il cons<br />

titue même un élément qui doit être contenu et qu'il faudrait redouter de<br />

développer par une organisation de bourse ne possédant pas une base assez<br />

solide. Mais l'institution d'une bourse peut d'autant mieux se concevoir<br />

qu'il existe sur place les éléments nécessaires à son fonctionnement et<br />

qu'on peut notamment y coter les valeurs locales importantes que dévelop<br />

pent peu à peu la transformation d'anciennes affaires en Sociétés Ano<br />

nymes. Alger compte plus d'un millier de sociétés, dont 322 anonymes ;<br />

Il existe environ 250 sociétés à Oran et à Constantine. 400 à 500 valeurs<br />

différentes sont émises par des sociétés ayant pour objet des affaires inté<br />

ressant l'Afrique du Nord. Les seules sociétés par actions ayant leur<br />

siège à Alger représentent, pour 182 entreprises diverses, un capital de plus<br />

de 1.800 millions. A ce premier noyau d'opérations viendraient s'ajouter les<br />

transactions sur des valeurs cotées sur d'autres marchés. Enfin les em<br />

prunts de la Colonie et des villes atteignent un capital de 805.305.000 fr.<br />

L'étude de la création d'une bourse à Alger soulève donc des problèmes<br />

délicats. Il n'est pas trop tôt pour l'entreprendre, sans doute même n'est-<br />

il pas trop tôt pour aboutir — peut-être<br />

— progressivement et le vœu<br />

des Délégations financières émis en ce sens vient à son heure : « Con<br />

sidérant que la richesse mobilière s'est largement développée en Algérie ;<br />

qu'il importe de favoriser la constitution de sociétés nouvelles suscepti<br />

bles de grouper les capitaux et de contribuer efficacement à la mise en<br />

valeur du pays ; que le budget de l'Algérie sera le premier bénéficiaire<br />

de ce développement de l'activité économique algérienne ; consi<br />

dérant que le meilleur moyen de favoriser les sociétés est de leur<br />

donner sur place un marché où elles pourront écouler leurs titres et qui<br />

permettra aux contribuables algériens d'investir sur place leurs capitaux<br />

disponibles au lieu de les investir à l'étranger ; qu'il n'y a aucune raison<br />

de refuser à l'Algérie ce qui est accordé à un grand nombre de villes<br />

métropolitaines dont l'importance n'est pas supérieure à celle de la ville<br />

d'Alger ; que d'ailleurs la situation géographique d'Alger impose à cet<br />

égard une mesure de décentralisation ; la Délégation des Non-Colons émet<br />

le vœu que soit créée à Alger une bourse des valeurs ». Ce vœu a été<br />

adopté le 23 mai 1929. Il l'a été également par l'Assemblée plénièrc<br />

des Délégations financières le 17 juin 1929 et par le Conseil supérieur<br />

du *<br />

Gouvernement le 28 juin 1929.


; i LE PORT DE BONE MODERNE


293<br />

D'autre part, la position si longtemps débitrice de l'Algérie<br />

n'a pas permis aux banques algériennes de s'assurer, dans la<br />

Métropole, des fonds suffisants pour faire face aisément à tous<br />

les besoins de règlements. A cet égard aucune comparaison<br />

ne peut être établie entre les banques françaises, par exemple,<br />

dans leurs rapports avec l'étranger, et les banques algériennes<br />

dans leurs rapports avec la Métropole.<br />

Le renversement de la balance des comptes doit donc être<br />

obtenu par les seuls efforts du producteur et par les restrictions<br />

imposées au consommateur. Pour qu'une modification du taux<br />

de l'escompte agisse utilement,<br />

soit pour attirer des capitaux<br />

extérieurs, soit pour restreindre la consommation, la Banque<br />

a parfois le devoir de décider des relèvements importants et de<br />

prendre des mesures de resserrement de crédit qui paraissent<br />

contre-indiqués par les nécessités du développement économique<br />

de la colonie.<br />

Et c'est ainsi que, malgré le compte courant du Trésor, malgré<br />

la suppression pratique du change entre la France et l'Algérie,<br />

la question du règlement des comptes extérieurs, qui par ailleurs<br />

détermine la cote des changes et par là commande la politique<br />

d'escompte des banques d'émission, domine aussi la volonté de<br />

la Banque de l'Algérie et exerce une influence décisive sur la<br />

fixation du taux de l'escompte dans la colonie. Les variations<br />

que subissent ces taux ne sont donc pas,<br />

malgré les liens qui<br />

unissent si étroitement la monnaie algérienne à la monnaie fran<br />

çaise, dans la dépendance complète des taux fixés par la Banque<br />

de France. Les rapports économiques entre la Colonie et la Mé<br />

tropole sont indépendants de ceux qui existent entre la France<br />

et l'étranger ; ils exercent sur le taux de l'escompte, en Algérie,<br />

une influence propre qui peut ne présenter aucune concordance<br />

avec celle qu'exercent ces derniers sur le taux de l'escompte<br />

en France.<br />

*<br />

* *<br />

Avant la guerre de 1914, le solde du règlement des comptes<br />

a été généralement défavorable à l'Algérie, mais il n'en est pas<br />

résulté de trop importants transferts de fonds de la colonie<br />

en France,<br />

ni des relèvements ^du taux de l'escompte capables<br />

d'arrêter le développement du pays,<br />

parce qu'il s'est produit<br />

constamment un afflux de capitaux venant de France et de,<br />

19<br />

VALEUR DES<br />

INDICA TIONS<br />

QUE PEUVENT<br />

DONNER POUR<br />

LA FIXATION<br />

DU TAUX<br />

D'ESCOMPTE<br />

CERTAINS<br />

INDICES ECO<br />

NOMIQUES.


— — 2s>4<br />

l'étranger qui se sont investis dans les affaires et les propriétés<br />

algériennes et qui ont contribué à sa mise en valeur. Tout au<br />

plus, s'est-il produit parfois de grandes et assez longues immo<br />

bilisations du solde du compte courant du Trésor et quelques<br />

expéditions d'espèces ; mais, en réalité,<br />

on peut dire que le<br />

système a permis des compensations très importantes qui ont<br />

considérablement atténué les effets de ce solde défavorable.<br />

Puis la guerre a renversé la balance et l'Algérie est devenue<br />

créditrice de la France. Depuis quelque temps, les règlements<br />

entre l'Algérie et la France se sont équilibrés à peu près et<br />

même, parfois, le solde en est encore au profit de l'Algérie.<br />

Il ne faut pas conclure de cette situation que la colonie soit<br />

à l'abri d'un revirement — il<br />

s'en produit un en ce moment<br />

—<br />

même; et les besoins de change peuvent encore exercer sur<br />

la fixation du taux de l'escompte leur influence dans le sens de<br />

l'élévation. Le système, remarquable par sa simplicité, qui mas<br />

que à l'Algérie l'existence même du problème, ne saurait anni<br />

hiler tous les effets d'une balance des comptes déficitaire. C'est<br />

le taux de l'escompte qui demeure le suprême régulateur du<br />

change et la Banque se trouve dans l'obligation d'y recourir,<br />

notamment lorsque le compte du Trésor présente un solde trop<br />

élevé, ou lorsque les fonds dont elle dispose en France, en cou<br />

verture de son émission, en présentent un trop faible. Ce sont<br />

là, en effet, en général,<br />

défavorable à l'Algérie.<br />

les indices d'une balance des comptes<br />

Ces indices ne sont pas, au surplus, d'une rigoureuse exac<br />

titude ; ils sont loin d'être aussi précis que ceux qui résultent<br />

d'une variation dans les cours des devises entre deux pays consi<br />

dérés ou d'expéditions d'or d'un de ces pays dans l'autre.<br />

Le compte du Trésor, tout en étant le principal volant régu<br />

lateur du change, traduit dans ses écritures beaucoup d'éléments<br />

qui n'ont rien de commun avec celui-ci.<br />

Les diverses dettes réciproques de l'Algérie et de la France<br />

sont bien réglées principalement par la poste et, après compen<br />

sation, il en résulte un solde dans les écritures de celle-ci, mais<br />

ce solde ne représente qu'une fraction de l'écart entre les dettes<br />

et les créances de l'Algérie. Une partie des règlements s'effectue,<br />

en effet, par l'intermédiaire de la Banque de l'Algérie, d'autres<br />

par le jeu des comptes ouverts entre les succursales des éta-


— - 295<br />

blissements de crédit et leurs sièges, ou par les banques entre<br />

elles ; d'autres par des ouvertures de crédit en banque ou entre<br />

maisons de commerce algériennes et françaises ou étrangères,<br />

d'autres encore au moyen du transport matériel de numéraire<br />

effectué autrefois par le Trésor et la Banque et que pratiquent<br />

actuellement les particuliers en expédiant des billets de banque<br />

ou en les transportant au cours de leurs voyages,<br />

etc. D'autre<br />

part, si le solde que fait ressortir l'écart entre les émissions et<br />

les paiements de la poste s'inscrit dans les écritures du Trésor<br />

et, influençant le solde de celui-ci, lui donne la valeur d'un indice<br />

relatif de la balance des comptes, si le compte du Trésor sup<br />

porte les dépenses de souveraineté effectuées par la France et<br />

s'il est par suite affecté par des opérations qui, relevant de<br />

la trésorerie métropolitaine, doivent être considérées comme<br />

se rattachant au change entre la France et l'Algérie, il est par<br />

contre influencé par des mouvements de recettes et de dépenses<br />

intérieures qui relèvent aujourd'hui de la trésorerie algérienne<br />

proprement dite et qui n'ont aucun rapport avec le change.<br />

Les montants journaliers du solde du compte du Trésor décri<br />

vent donc une courbe qui s'infléchit ou se redresse sous des<br />

influences variées, n'ayant entre elles aucun lien direct ; cette<br />

courbe ne traduit pas les seuls besoins de règlements extérieurs<br />

et encore moins les seuls besoins de règlement du commerce pro<br />

prement dits ; ce n'est pas celle que tracerait un exact baromètre<br />

du change (1).<br />

Au surplus, les mouvements des disponibilités de la Banque<br />

de l'Algérie, en France et à l'étranger,<br />

de ceux du solde du compte du Trésor. Il existe entre ces dispo<br />

nibilités et le compte du Trésor un lien très étroit,<br />

ne peuvent être isolés<br />

comme nous<br />

l'avons dit plus haut. Lorsque la Banque reçoit des versements<br />

ou effectue des paiements en France,<br />

ces versements ou ces<br />

paiements ont pour contre-partie des paiements effectués ou des<br />

versements reçus par elle en Algérie ; le compte du Trésor n'a<br />

(1) M. Bernard Lavergne, dans son étude sur la Banque de l'Algérie,<br />

parue dans La Revue d'Economie politique en 1918, a fort bien fait res<br />

sortir la signification exacte du compte du Trésor : « il est manifeste,<br />

dit-il, que le compte du Trésor n'exprime à aucun degré l'état des dettes<br />

et des créances de l'Etranger et de la France avec l'Algérie. » Peut-être,<br />

toutefois, est-il excessif de dire qu'il n'exprime cet état à aucun degré.<br />

Il est influencé par lui, dans une mesure difficile à dégager, mais incon<br />

testable.


— — 296<br />

pas dans ce cas à supporter les paiements qu'aurait effectués<br />

la Poste ou à encaisser les fonds que celle-ci aurait reçus ; il<br />

perd donc un élément de débit ou de crédit et son solde tend<br />

a demeurer, selon les cas, plus élevé ou plus faible d'un montant<br />

égal à l'accroissement ou à la diminution des disponibilités de la<br />

Banque. Lorsque le solde créditeur du Trésor devient trop élevé,<br />

c'est avec ses disponibilités extérieures que la Banque peut l'at<br />

ténuer par des remboursements effectués au Trésor en France ;<br />

et, dans le cas contraire, lorsque le Trésor ne dispose plus en<br />

Algérie d'un solde suffisant et qu'il verse à la Banque, à Paris,<br />

des fonds à transférer dans la colonie, il augmente les disponi<br />

bilités métropolitaines de la Banque.<br />

De 1919 à 1928 la Banque a versé ainsi au Trésor métropoli<br />

tain 2.479.000.000 et le Trésor métropolitain à la Banque<br />

1.117.000.000 (1). Si ces versements n'avaient pas été faits,<br />

le solde du compte du Trésor, au 31 octobre 1928, aurait atteint<br />

1.436.000.000 au lieu de 74.000.000 et les disponibilités de la<br />

Banque 2.247.000.000 au lieu de 885.000.000. Des compensations<br />

partielles ont été ainsi opérées entre les disponibilités de la<br />

Banque qui représentent une créance et le solde créditeur du<br />

compte du Trésor, qui représente une dette de l'Algérie, sans<br />

que la différence entre ces deux éléments en ait été changée.<br />

Enfin,<br />

pour avoir une vue plus précise de la position du<br />

change, il faudrait connaître notamment comment s'équilibrent<br />

les ouvertures de crédit dont peuvent disposer de part et d'autre<br />

les débiteurs algériens et les débiteurs métropolitains.<br />

Pour fixer les idées,<br />

on peut rapprocher quelques soldes de<br />

compte, sans leur donner une valeur absolue,<br />

ni perdre de vue<br />

qu'ils constituent une documentation incomplète. Nous en don<br />

nons ci-contre un tableau résumé.<br />

(1) Versements a Paris :<br />

de la Banque au Trésor du Trésor a la Banque<br />

1919 » 55.000.000<br />

1920 340.000.000 »<br />

1921 562.000.000 »<br />

1922 769.000.000 »<br />

1923 326.000.000 »<br />

1924 335.000.000 »<br />

1925 147.000.000 »<br />

1926 » 332.000.000<br />

1927 » 390.000.000<br />

1928 » 340.000.000


m<br />

M<br />

SB<br />

Z<br />

Z<br />

<<br />

1905<br />

06<br />

07<br />

08<br />

09<br />

1910<br />

11<br />

12<br />

13<br />

14<br />

15<br />

16<br />

11<br />

18<br />

19<br />

1920 1.717.335.000<br />

21<br />

h<br />

23<br />

24<br />

25<br />

26<br />

27<br />

28<br />

MOUVEMENT<br />

de la Balanoe<br />

Commerciale.<br />

Commerce<br />

spécial.<br />

Différence<br />

entre les Expor<br />

tations et les Im<br />

portations (1)<br />

155.124.000<br />

ISI.338. 000<br />

109.731.000<br />

130.064.000<br />

1 25. 530. 000<br />

1.300.000<br />

61 .878.000<br />

1i3.S39.000<br />

106.436.000<br />

149. 485. 000<br />

64.896.000<br />

61.211.000<br />

176.610.000<br />

59.093.000<br />

333.280.000<br />

4S5.023.000<br />

533.777.000<br />

693.648.000<br />

982.399.000<br />

1 .006.745.000<br />

104.055.000<br />

852.707.000<br />

972.464.000<br />

MOUVEMENT<br />

des opéra<br />

tions Postales<br />

Différence en<br />

tre les Man<br />

dats et Chè<br />

ques émis en<br />

Algérie, etles<br />

Mandats et<br />

Chèques émis<br />

de France sur<br />

l'Algérie<br />

130.727.595<br />

131.004.868<br />

129.802.060<br />

131.233.741<br />

136.167.703<br />

137.362.516<br />

151.436.082<br />

234.088.508<br />

219.869.959<br />

218.020.666<br />

167 046.346<br />

160.862 788<br />

152.999.872<br />

300.278.744<br />

267199.355<br />

461.280.322<br />

850.206.461<br />

860.327.856<br />

791.752 177<br />

951.958.874<br />

819.534.542<br />

297<br />

162.772.594 129.534.943<br />

231.975.467<br />

515.943.784<br />

MOUVE<br />

MENT<br />

du oompte<br />

courant<br />

du Trésor.<br />

Différences<br />

entre les<br />

soldes au<br />

31 octobre<br />

de chaque<br />

année<br />

24.075.756<br />

8 648.679<br />

20.936.886<br />

10.870.591<br />

11.965.958<br />

5.927.478<br />

10.628.449<br />

51.486.878<br />

888.830<br />

114.887 .134<br />

10.637.394<br />

13.135.603<br />

8.124.199<br />

46.729.985<br />

51.813.355<br />

107.360<br />

38.413.145<br />

18 066.592<br />

26.327.903<br />

42.581.680<br />

79.781.351<br />

47.080.271<br />

•2.736.385<br />

MOUVE<br />

MENT<br />

de l'Encaisse<br />

et des Dispo<br />

nibilités de la<br />

Banque en<br />

France et a<br />

l'Etranger.<br />

Différences<br />

au 31 octobre<br />

de chaque<br />

année (2)<br />

11. 521.450<br />

3. 626 692<br />

2. 284.364<br />

12<br />

4<br />

11<br />

1<br />

35 489.594<br />

150<br />

160 000.000<br />

60<br />

120<br />

160<br />

100<br />

85<br />

350<br />

155<br />

75<br />

789.022<br />

674.068<br />

985 664<br />

824.108<br />

232.442<br />

112.084<br />

783.186<br />

781.670<br />

886.776<br />

.000.000<br />

.000.000<br />

.000.000<br />

.000.000<br />

.000.000<br />

.000.000<br />

.000.000<br />

.000.000<br />

.000.000<br />

290 000.000<br />

TAUX<br />

d'Escompte<br />

de la Banque<br />

de l'Algérie<br />

4 V.<br />

»<br />

4 V„ 3<br />

4%<br />

»<br />

4V,.3.»V.,6<br />

4%, 5V„ 6, 5<br />

5<br />

»<br />

»<br />

»<br />

»<br />

6<br />

»<br />

5 7,<br />

»<br />

i, 6VVS,<br />

6 V.<br />

5V„ 1 V„ 7<br />

6 V.. 6<br />

5%<br />

(Les chiffres en caractères ordinaires représentent les dif<br />

férences en plus ; ceux en italique les différences en moins) .<br />

(1) Ces chiffres sont pris dans les Documents statistiques réunis par<br />

l'Administration des Douanes sur le commerce de l'Algérie sauf les chif<br />

fres de 1928 relevés dans le Bulletin de la Chambre de Commerce d'Alger.<br />

(2) Jusqu'en 1918 les chiffres relevés comprennent les variations du mon<br />

tant total des disponibilités de la Banque, qu'elles aient pour origine des


f<br />

— — 298<br />

Il ressort de ce tableau que, de 1919 à 1928,<br />

sauf la première<br />

année, la balance commerciale a toujours été déficitaire et que<br />

l'Algérie aurait eu de ce chef à payer au cours des dix ans<br />

près de 7 milliards. Pendant la même période, le total des excé<br />

dents annuels des émissions postales n'a été que d'environ<br />

6 milliards et, cependant, les disponibilités de la Banque à l'exté<br />

rieur ont augmenté d'environ 625 millions, tandis que le solde<br />

du compte du Trésor ne s'est accru au total que d'environ 80<br />

millions.<br />

On doit en conclure que, pendant ces dix années, la France<br />

et l'étranger ont, d'une façon ou d'une autre, fourni les fonds<br />

nécessaires — après règlement du solde de leurs créances — et<br />

même investi en Algérie un excédent de capitaux de près de<br />

600 millions.<br />

M. Avenol et M. Bernard Lavergne, étudiant chacun la période<br />

d'avant-guerre, avaient déjà remarqué l'importance du rôle joué,<br />

dans ces mouvements, par les dépenses de l'Etat français dans<br />

la Colonie et par les capitaux métropolitains : « De 1904 à 1913,<br />

écrivait notamment M. Avenol, en 1916, le total des excédents<br />

annuels des émissions postales a atteint un milliard et demi,<br />

dont la Banque est devenue débitrice vis-à-vis du Trésor. Cette<br />

dette ne s'est pas accumulée, puisque le solde créditeur du<br />

Trésor —<br />

sauf<br />

dans une courte période critique —<br />

constamment inférieur à 100 millions.<br />

est<br />

demeuré<br />

) « Par quels moyens la Banque a-t-elle donc pu se libérer ?<br />

« Le plus important et le plus régulier lui est fourni par le<br />

Trésor lui-même ; il doit chaque année assurer en Algérie, au<br />

titre du budget métropolitain, le paiement de 100 millions en<br />

moyenne pour dépenses militaires, annuités de chemins de fer,<br />

rentes, pensions (1).<br />

opérations faites en Algérie ou en Tunisie ; au contraire, étant donné leur<br />

importance depuis la fin de la guerre, nous donnons depuis 1918 le mon<br />

tant des variations des seules disponibilités pouvant être considérées<br />

comme proprement algériennes.<br />

(1) Le chiffre cité par M. Avenol se réfère à des années antérieures à<br />

la période actuelle et à la dépréciation monétaire. Le montant des dépen<br />

ses s'élève maintenant à plus de 600 millions. D'autre part, il convient<br />

de remarquer que, dès la fin de cette période, des dépenses exceptionnelles<br />

engagées par la France pour les opérations du Maroc étaient en partie<br />

réglées par le Payeur principal à Oran au débit du compte du Trésor &


— — 299<br />

« Voilà donc, dans la période considérée, un allégement d'un<br />

milliard, expliqué par les reprises du créancier lui-même : c'est<br />

bien, si l'on veut, dans la balance des comptes, une créance de<br />

l'Algérie sur la France, mais qui n'est point négociable sur le<br />

marché, dont dispose seule la Banque, correspondante du Tré<br />

sor. Et le surplus, les cinq cents autres millions ? La Banque de<br />

l'Algérie, à défaut de créances sur la France,<br />

n'a pas d'autres<br />

moyens de paiement que les Algériens eux-mêmes : elle ne peut<br />

offrir que ses propres billets. Si donc elle n'a pu se libérer hors<br />

de l'Algérie, c'est en Algérie qu'elle a fait emploi de sa dette ;<br />

ces cinq cents millions n'ont pas quitté la colonie, ce sont des<br />

capitaux nouveaux qui ont été appliqués à son développement :<br />

emprunts publics, banques, chemins de fer, mines,<br />

prêts hypo<br />

thécaires, etc.. Quel moyen plus économique, en effet, pour les<br />

transférer en Algérie que de disposer sur le principal débiteur<br />

de la France, la Banque, qui convertit en ses billets les capitaux<br />

métropolitains (1). L'Algérie, en effet, a de grands besoins de<br />

capitaux dus aux nécessités de sa mise en valeur. Qu'elle puisse<br />

les recevoir et les rembourser au pair, cela donnera une prime<br />

de sécurité à ses relations financières ;<br />

sa Banque d'émission. »<br />

elle en est redevable à<br />

Dans de telles conditions, il faut des balances commerciales<br />

extraordinairement déficitaires pour qu'elles entraînent d'une<br />

façon durable élévation du solde créditeur du Trésor ou diminu<br />

tion des disponibilités de la Banque. Cela est arrivé en 1920,<br />

année de mauvaise récolte : les importations dépassèrent les<br />

exportations de 1.700.000.000. Le solde du Trésor s'éleva en 1921<br />

jusqu'à 393 millions (solde journalier moven : 243 millions)<br />

et les disponibilités de la Banque de l'Algérie diminuèrent de<br />

120 millions. Cela se produit actuellement par suite d'un ralen<br />

tissement considérable des ventes de blé et de vin, et, en décem<br />

bre 1929, le solde du compte du Trésor dépassa 850 millions.<br />

la Banque de l'Algérie. En outre une partie des dépenses de la France en<br />

Tunisie furent également réglées par le débit du compte du Trésor à la<br />

Banque de l'Algérie.<br />

(1) Les dispositions auxquelles fait allusion M. Avenol entraînaient dans<br />

la métropole des versements au crédit de la Banque de l'Algérie et celle-ci<br />

pouvait ainsi verser des sommes importantes au Trésor à Paris en atté<br />

nuation du solde du compte ouvert à Alger.


HEUREUX<br />

EFFET<br />

D'UN ACCORD<br />

ENTRE<br />

TRESOR<br />

ET LA BANQUE<br />

ABOUTISSANT<br />

A LA<br />

SUPPRESSION<br />

DU CHANGE<br />

ENTRE LA<br />

FRANCE<br />

METROPOLI<br />

TAINE<br />

ET L'ALGERIE.<br />

| entre les deux pays. Ainsi se trouve réduite au minimum l'in<br />

— — 300<br />

Nous trouvons ainsi confirmée par les chiffres cette vérité d'évi<br />

dence : l'Algérie est avant tout, aujourd'hui encore, presque<br />

autant que dans le passé, tributaire de ses récoltes ; elle l'est<br />

de la quantité et de la qualité produite comme du cours mondial<br />

des vins et des céréales. Ce sont encore, chez elle, les caprices<br />

de la nature, plus que l'activité des hommes,<br />

le change.<br />

* *<br />

qui commandent<br />

Le régime que nous venons d'analyser dure depuis plus de<br />

cinquante ans. Bien des retouches y ont été apportées,<br />

mais il<br />

demeure immuable dans son principe et il a annihilé presque<br />

complètement les conséquences du dualisme bancaire au regard<br />

du change.<br />

* ~~<br />

La Banque de l'Algérie n'a pas eu à sa disposition sur place<br />

un marché du change où se pussent traiter, sous la loi de l'offre<br />

et de la demande, les moyens de règlement entre la France et<br />

l'Algérie ;<br />

elle était donc appelée à ressentir plus directement<br />

que toute autre banque d'émission le contre-coup des règlements<br />

extérieurs et, par suite, elle était exposée,<br />

pour assurer ces<br />

règlements, à se trouver contrainte de faire peser sur le com<br />

merce le poids d'un taux d'escompte élevé et instable, tant que<br />

le développement économique de l'Algérie n'aurait pas assuré<br />

à celle-ci le moyen d'équilibrer normalement ses comptes avec<br />

l'extérieur.<br />

Le Trésor métropolitain a fort heureusement consenti à faire<br />

servir ses propres besoins en francs algériens à la compensation<br />

des besoins du commerce en francs métropolitains et à différer,<br />

le cas échéant, jusqu'à des circonstances plus favorables, le<br />

règlement des sommes qui pourraient lui être dues dans la<br />

métropole. En assurant, par le service des postes, l'application<br />

aux mouvements de fonds entre la Métropole et l'Algérie des<br />

mêmes tarifs qu'entre tous autres départements français, il a<br />

encore été plus loin ; il a stabilisé lui-même le change au pair<br />

fluence que doivent fatalement exercer sur les taux d'escompte<br />

les variations d'équilibre de la balance des comptes entre la<br />

France et l'Algérie.


— — 301<br />

Mais il ne faut pas perdre de vue qu'il n'a été possible au<br />

Trésor d'intervenir dans de telles conditions que parce que la<br />

banque d'émission a accepté, de son côté, de supporter les consé<br />

quences pécuniaires du système,<br />

le numéraire nécessaire,<br />

s'accumuler des fonds au compte du Trésor,<br />

jun intérêt,<br />

soit qu'elle expédie à ses frais<br />

soit qu'en évitant cet envoi et en laissant<br />

elle bonifie à celui-ci<br />

soit enfin qu'elle immobilise en France des sommes<br />

qui ne lui assurent qu'un profit réduit.<br />

Il faut voir là une heureuse entente, profitable au pays, entre<br />

V le Trésor et la banque d'émission. On pourrait en citer d'autres ;<br />

celle-ci est une des plus intéressantes et elle a servi d'exemple<br />

aux accords du même ordre,<br />

conclus en Afrique du Nord parti<br />

culièrement, entre la Tunisie et la Banque de l'Algérie, comme<br />

entre le Trésor français et la Banque d'Etat du Maroc.


CHAPITRE X<br />

LA BANQUE DE L'ALGÉRIE EN 1929<br />

Capital. Administration. Privilège. Charges du privilège. Opérations<br />

dr la Banque. Statistiques graphiques. Sièges de la Banque. Tableau<br />

des taux d'escompte et d'avances pratiqués par la banque depuis 1851.<br />

Bilan de la Banque.


La Banque de l'Algérie, à la suite du renouvellement de son<br />

privilège en 1918 et des diverses lois qui sont intervenues concer<br />

nant le régime de ses émissions,<br />

organisée (1) :<br />

se trouve actuellement ainsi<br />

Le capital de la Banque est fixé, depuis la loi du 11 avril 1907,<br />

à 25 millions et divisé en 50.000 actions nominatives ou au por<br />

teur. A ce capital, il y a lieu d'ajouter les réserves qui figurent<br />

au bilan du 31 octobre 1929 pour 95.744.116,26 (2).<br />

Le siège social est à Paris. C'est là que se tiennent, au moins<br />

une fois par mois, les séances du Conseil d'administration.<br />

L'administration est confiée à un Conseil composé d'un direc<br />

teur général, d'un sous-directeur général (tous deux nommés par<br />

décret du Président de la République,<br />

sur la proposition du<br />

Ministre des Finances), de neuf administrateurs et de trois<br />

censeurs (nommés par l'assemblée des actionnaires pour trois<br />

ans et rééligibles) .<br />

(1) Les textes qui régissent la Banque de l'Algérie sont réunis en un<br />

recueil, constamment tenu à jour : Lois et Statuts. Les autres documents<br />

officiels sont les Rapports Parlementaires qui ont précédé les lois et que<br />

nous avons cités au cours de notre étude et les comptes-rendus des exer<br />

cices de la Banque.<br />

Outre les ouvrages généraux de législation algérienne, notamment celui<br />

de A. Girault (Principes de colonisation et de législation coloniales. Tome<br />

IV. L'Afrique du Nord. I l'Algérie. 5e éd. Rec. Sirey 1927) dont plusieurs<br />

pages sont consacrées à la Banque de l'Algérie, des études particulières<br />

sur celle-ci ont paru récemment : Bonifay, La Banque de l'Algérie,<br />

Paris, 1926. G. Dumesnil, La Banque de l'Algérie, Paris 1927. Saint.<br />

Germes, La Banque de l'Algérie et le crédit pendant et après la guerre,<br />

Alger 1925. Voir aussi le chapitre II de l'Encyclopédie de Banque et de<br />

Bourse publiée en collaboration sous la direction de F. François-Marsal<br />

(tome I. Paris 1928).<br />

Signalons enfin parmi les livres relatifs au crédit agricole en Algérie<br />

ceux qui, traitant du rôle joué par la Banque en cette matière, donnent<br />

des indications générales sur son organisation et sur son développement.<br />

—<br />

Jaïs, La Banque de l'Algérie et le crédit agricole, Paris 1902. Philippar,<br />

— Contribution à l'étude du crédit agricole en Algérie. Paris 1902. SALphati,<br />

Le crédit agricole mutuel en Algérie, Paris 1924.<br />

{ Statutaire 8.333.333 33<br />

(2) Réserves ' Immobilière 43.115.407 39<br />

f Extraordinaire 44.295.375 54<br />

95.744.116 26<br />

CAPITAL.<br />

ADMINISTRA<br />

TION.


— — 306<br />

Le directeur général préside le Conseil d'administration et<br />

tous les Comités ; nulle délibération ne peut être exécutée si<br />

elle n'est revêtue de sa signature. Il fait exécuter, dans toute<br />

leur étendue, les lois relatives à la Banque, les statuts et les<br />

délibérations du Conseil d'administration. Aucune opération<br />

d'escompte ou d'avance ne peut être faite sans son approbation.<br />

Le Conseil d'administration, dont certaines attributions se<br />

trouvent ainsi limitées par les prérogatives du directeur général,<br />

a, par contre, le pouvoir de fixer, sans en référer préalablement<br />

à l'assemblée générale, le dividende et les sommes à porter aux<br />

réserves.<br />

L'assemblée générale se compose des actionnaires propriétaires<br />

d'au moins dix actions depuis quatre mois révolus (1). Chaque<br />

actionnaire a autant de voix qu'il possède de fois dix actions,<br />

sans qu'il puisse avoir plus de dix voix en son nom personnel<br />

et plus de vingt, tant à ce titre que comme mandataire. Nul ne<br />

peut faire partie de l'assemblée des actionnaires s'il ne jouit<br />

des droits de citoyen français. Le directeur général rend compte<br />

à l'assemblée de toutes les opérations de la Banque et soumet<br />

à son approbation le compte des dépenses de l'administration<br />

pour l'année écoulée. Les censeurs rendent compte de la sur<br />

veillance qu'ils ont exercée.<br />

L'administration de chaque succursale est confiée à un conseil<br />

local présidé par le directeur de la succursale (nommé par le<br />

Ministre des Finances sur la proposition du directeur général)<br />

et composé d'administrateurs et de censeurs, nommés chaque<br />

année par le Conseil d'administration de la Banque. Le trésorier-<br />

payeur général d'Alger, les payeurs principaux d'Oran et de<br />

Constantine et les payeurs particuliers des villes où sont établies<br />

des succursales de la Banque remplissent les fonctions de com<br />

missaires du gouvernement, avec toutes les attributions des<br />

censeurs.<br />

Indépendamment du Conseil d'administration il existe, dans<br />

chaque succursale, un comité d'escompte, exclusivement chargé<br />

d'examiner les valeurs présentées à l'escompte. Il est composé<br />

(1) Jusqu'à la loi du 3 avril 1880, l'Assemblée générale était composée<br />

des 100 plus forts actionnaires, de même qu'à la Banque de France, elle<br />

est encore composée des 200 plus forts actionnaires. (Voir chapitre IV).


— — 307<br />

du directeur président, de deux administrateurs et de deux à<br />

quatre membres choisis chaque semaine sur une liste de dix<br />

à seize actionnaires de la Banque, désignés chaque année par<br />

le Conseil d'administration de la Banque de l'Algérie,<br />

sentation du Conseil de la succursale.<br />

sur pré<br />

Dans le Conseil de chaque succursale une place au moins est<br />

réservée à un membre indigène, citoyen, sujet ou, en Tunisie,<br />

protégé français (1).<br />

Le privilège de la Banque, qui consiste, en Algérie, dans privilège.<br />

l'autorisation d'émettre, à l'exclusion de tous autres établis<br />

sements, des billets au porteur remboursables à vue, lui est<br />

actuellement concédé jusqu'au 31 décembre 1945 (loi du 29 dé<br />

cembre 1918).<br />

Depuis la loi du 25 juin 1928 et jusqu'à ce que, à la suite<br />

de la fabrication de la nouvelle monnaie française, il soit devenu<br />

matériellement possible de mettre en circulation des espèces<br />

métalliques, les billets de la Banque sont remboursables à vue<br />

à Paris, dans les mêmes conditions que les billets de la Banque<br />

de France,<br />

contre des lingots d'or (2).<br />

Le privilège de la Banque s'exerce actuellement sur le ter<br />

ritoire de l'Algérie et sur celui de la Régence de Tunis.<br />

Les billets de la Banque de l'Algérie y<br />

ont cours légal (art. 1er<br />

de la loi du 12 août 1870, art. 2 de la loi du 5 avril 1880 et décret<br />

tunisien du 8 janvier 1904).<br />

L'article 2 de la loi du 5 juillet 1900 dispose que les émissions<br />

de billets de la Banque de l'Algérie doivent être maintenues<br />

dans des proportions telles,<br />

qu'au moyen du numéraire réservé<br />

dans les caisses de la Banque et des échéances du papier de son<br />

(1) L'article 65 des statuts a été modifié par la loi du 29 décembre 1918<br />

de manière à permettre l'accession aux Conseils des succursales des sujets<br />

ou protégés français.<br />

(2) Jusqu'à nouvel avis, la Banque de l'Algérie assure la convertibilité<br />

de ses billets en les échangeant contre des lingots d'or, livrables à Paris,<br />

à raison de 65,5 milligrammes d'or au titre de neuf cent millièmes de fin<br />

par franc. Chaque lingot livré à Paris est d'un poids de 12 kgs 600<br />

environ d'or fin, c'est-à-dire d'une valeur de 215.000 francs environ.<br />

Si un porteur de billets désire échanger ses billets contre des lingots,<br />

il peut s'adresser à cet effet à toutes succursales ou bureaux de la Ban<br />

que de l'Algérie. En échange de ses billets, il lui est remis un bon à déli<br />

vrer au profit de la personne désignée pour retirer le ou les lingots à<br />

Paris.


CHARGES<br />

DUPRIVILÈGE.<br />

— 308<br />

—<br />

portefeuille, elle ne puisse dans aucun temps être exposée à<br />

différer le paiement de ses engagements au moment où ils lui<br />

seraient présentés. D'autre part, la loi du 1er août 1929 fixe à<br />

l'émission un maximum de 2.400 millions.<br />

Un projet de loi,<br />

Parlement (1), tend à modifier les dispositions de l'art. 2 de<br />

la loi du 5 juillet 1900.<br />

actuellement soumis aux délibérations du<br />

1° Redevances<br />

La Banque paye deux redevances, l'une à l'Etat français qui<br />

bénéfice à l'Algérie, l'autre au Gouvernement tunisien.<br />

La redevance à l'Etat français ne peut jamais être inférieure<br />

à 750.000 francs. Elle est calculée sur le montant des billets<br />

constituant la circulation algérienne, déduction faite des encais<br />

ses en numéraire et, éventuellement, des avances consenties<br />

(1) Ce projet de loi est ainsi conçu :<br />

— Art. 1. La Banque de l'Algérie est tenue de conserver une encaisse<br />

en lingots d'or, monnaies d'or françaises ou tunisiennes, billets de la Ban<br />

que de France et disponibilités à vue sur France pour un total minimum<br />

égal à trente-cinq pour cent (35 %) du montant cumulé de ses billets au<br />

porteur en circulation et de ses comptes courants créditeurs.<br />

L'encaisse de garantie ainsi définie doit être constituée à raison d'un<br />

tiers au minimum par aes lingots d'or ou des monnaies d'or françaises ou<br />

tunisiennes.<br />

— Art. 2. La proportion de l'encaisse de garantie aux engagements à<br />

vue fixée à l'article premier de la présente loi pourra temporairement être<br />

inférieure à trente-cinq pour cent (35 %) tout en restant supérieure à<br />

trente pour cent (30 %), à charge pour la Banque de l'Algérie de payer<br />

à l'Etat une redevance spéciale progressive conformément à l'échelle ci-<br />

après :<br />

Montant des engagements à vue dépassant<br />

le total couvert à raison de 35 %, par<br />

l'intégralité de l'encaisse définis à i'art. 1".<br />

Taux annuel de la redevance<br />

Moins de 50 millions Le taux d'escompte minoré de 4 points<br />

et au minimum 1 "/,.<br />

— 100 Le taux d'escompte minoré de 3 points<br />

et au minimum 2 */o.<br />

Le taux d'escompte minoré de 2 points 1/2<br />

et au minimum 2 1/2 •/..<br />

Le taux d'escompte minoré de 2 points<br />

et au minimum 3 "j,.<br />

Le taux d'escompte minoré de 1 point 1/2<br />

et au minimum 3 1/2 "/••<br />

Le taux d'escompte minoré de 1 point<br />

—<br />

— 200 —<br />

— 300 -<br />

— 400 —<br />

Plus de 400 —<br />

et au minimum 4 •/•• .


LA BANQUE DE L'ALGÉRIE A ALGER<br />

A BANQUE DE L'ALGÉRIE A BOUGIE


- 309<br />

-<br />

gratuitement ou à un taux réduit à l'Etat ou à la Colonie dans<br />

un intérêt public ;<br />

elle est de 1/8 du taux officiel moyen de l'es<br />

compte lorsque ce dernier n'excède pas 5 %, de 1/7 lorsqu'il est<br />

supérieur à 5 %, sans excéder 6 %, et de 1/6 au-dessus de 6 %.<br />

Cette redevance est payée en sus de tous les impôts qui sont<br />

dus par la Banque, dans les conditions d'assiette et de taux<br />

déterminées par les lois existantes au moment où fut signée<br />

la convention du 12 décembre 1917 sanctionnée par la loi du<br />

29 décembre 1918. Toute majoration ou addition aux impôts<br />

frappant le montant ou le produit de l'émission doit être com<br />

pensée avec le montant de la dite redevance. L'excédent serait<br />

perçu en sus le cas échéant.<br />

La redevance à l'Etat tunisien est égale au cinquième de<br />

la redevance payée par la Banque de l'Algérie sur le<br />

montant de la circulation algérienne, sans qu'elle puisse être<br />

inférieure à 150.000 francs. Toutefois,<br />

le calcul de la redevance due à la Tunisie,<br />

si à un moment donné<br />

effectué en prenant<br />

pour base la circulation particulière à la Régence et comme<br />

taux celui pratiqué en Algérie, conduit à des résultats plus<br />

avantageux pour le Protectorat, c'est ce mode de calcul qui<br />

est employé pour la Tunisie au lieu du calcul forfaitaire du<br />

cinquième de la redevance (1) (2).<br />

(1) Pour la Tunisie, les redevances ont produit de 1924 à 1928, 19.980.629<br />

francs et l'ensemble des sommes payées par la Banque de l'Algérie atteint<br />

ainsi le chiffre de 101.191.690 francs à la fin de 1928.<br />

(2) Par une convention du 4 juillet 1929, soumise pour ratification au<br />

Parlement par le projet de loi déposé le 5 juillet 1929, la Banque a con<br />

senti à modifier de la façon suivante les bases de la redevance, pour le cas<br />

où le régime de la limite d'émission serait supprimé et remplacé par<br />

les dispositions du projet de loi déposé devant le Parlement.<br />

« Le texte des deux premiers alinéas de l'article 2 de la convention du<br />

12 décembre 1917 entre l'Etat et la Banque de l'Algérie sera, à compter<br />

de la promulgation de la loi approuvant la présente convention, remplacé<br />

par les dispositions ci-après :<br />

« La Banque de l'Algérie versera à l'Etat français chaque semestre,<br />

jusqu'au 31 décembre 1945, une redevance qui sera calculée sur le mon<br />

tant cumulé des billets constituant la circulation algérienne et des comp<br />

tes courants créditeurs algériens à l'exclusion de la fraction productive<br />

d'intérêts du compte courant du Trésor, après déduction de l'ensemble des<br />

encaisses algériennes en lingots d'or ou en espèces métalliques ayant<br />

cours légal, des disponibilités algériennes en billets de la Banque de France<br />

ou en compte courant dans cet établissement et des avances consenties<br />

gratuitement ou à taux réduit à l'Etat ou à la colonie dans un intérêt<br />

public.<br />

« Le total ainsi obtenu sera réparti entre deux cédules correspondant<br />

20


— — 310<br />

Depuis 1901, date où pour la première fois la redevance a été<br />

prévue, jusqu'en 1928, le produit total s'en est élevé :<br />

Pour l'Algérie seulement,<br />

de 1901 à 1917 à francs : 10.264.156 58<br />

1918 à 1928 à » 70.946.904 51<br />

dont en 1928<br />

Total<br />

81.211.061 09<br />

7.455.977 56<br />

Les redevances doivent être employées par l'Etat en Algérie,<br />

au profit :<br />

1° de sociétés coopératives agricoles ;<br />

2° du crédit individuel agricole à long terme, à moyen terme<br />

ou à court terme ;<br />

3° des sociétés d'assurances mutuelles agricoles ;<br />

4° des études, expérimentations et vulgarisations agricoles ;<br />

5° de la propagande industrielle, commerciale et touristique ;<br />

6° des sociétés d'habitations à bon marché ;<br />

7° de la recherche et de la mise en valeur des richesses artis<br />

tiques, archéologiques et historiques ;<br />

8° des instituts de sciences appliquées à l'industrie et à l'agri<br />

culture.<br />

2° Partage du dividende<br />

Toute répartition d'un dividende annuel supérieur à 150 francs,<br />

net d'impôts, par action au porteur, oblige la Banque à verser à<br />

l'Etat français une somme égale à l'excédent net réparti, mul-<br />

l'une aux escomptes et aux avances sur titres, l'autre aux fonds placés<br />

en France et à l'étranger. Le tarif de la redevance sera constitué, dans<br />

chaque cédule, par le huitième de la moyenne des taux réels d'intérêts<br />

pratiqués pour les opérations de ladite cédule, lorsque cette moyenne ne<br />

dépassera pas 5 %, par le septième de ladite moyenne lorsqu'eUe sera<br />

supérieure à 5 % sans excéder 6 %, par le sixième, lorsqu'elle s'élèvera<br />

au-dessus de 6 %.<br />

« Le produit de la redevance ne pourra être inférieur à dix millions de<br />

francs par an. Toutefois, si ce montant représentait un prélèvement supé<br />

rieur à celui qui résulterait de l'application aux éléments d'assiette, visés<br />

au premier alinéa du présent article, d'un tarif égal dans chaque cédule<br />

au cinquième de la moyenne des taux réels d'intérêts pratiqués ou au<br />

sixième de cette moyenne, dans le cas où elle serait inférieure à 4 % dans<br />

la première cédule et à 1,50 % dans la seconde, la Banque de l'Algérie<br />

ne serait tenue de verser que la somme résultant de ces derniers tarifs. »


- 311<br />

-<br />

tiplié par le rapport existant entre le montant des billets de la<br />

circulation algérienne et celui de la circulation totale de la<br />

Banque.<br />

La même règle a été adoptée pour la Tunisie, proportion<br />

nellement au montant de la circulation des billets tunisiens.<br />

Depuis 1918, ce partage de dividende a produit pour l'Etat,<br />

au profit de l'Algérie, un total de 24.484.039 fr. 07, dont<br />

5.901.622 fr. 16 pour l'exercice 1927-1928 (1).<br />

3° Impôt spécial sur la circulation des billets<br />

La circulation des billets est soumise à un impôt du timbre<br />

qui est perçu par abonnement à raison de 0,50 0/00 sur la partie<br />

de la circulation productive et de 0,20 0/00 sur le complé<br />

ment (2).<br />

Pour l'exercice 1927-1928, cet impôt s'est élevé à 535.508 fr. 55.<br />

4° Intérêt versé à l'Etat sur le solde créditeur<br />

de son compte courant<br />

La Banque paye à l'Etat français et à l'Etat tunisien un<br />

intérêt variable sur les sommes que les Trésors ont en dépôt<br />

chez elle. Le montant des intérêts ainsi payés à l'Etat français<br />

s'élève, depuis 1918 jusqu'en 1928, à 14.170.986 fr. 97, dont<br />

668.093 fr. 46 pour l'année 1928 (3).<br />

En 1929, les sommes payées par la Banque, à titre de rede<br />

vances, intérêt au profit de l'Etat, ou impôts spéciaux, en dehors<br />

des impôts généraux demeurés à sa charge, s'élèveront à envi<br />

ron, 29 millions, dont :<br />

(1) Pour la Tunisie, le superdividende a produit 7.015.960 fr. 93 depuis<br />

1918.<br />

(2) L'article 3 du projet de loi déposé le 5 juillet 1929 dispose :<br />

« Le droit de timbre institué par l'article 10 de la loi du 5 juillet 1900<br />

portera dorénavant sur la quotité moyenne des billets en circulation et des<br />

comptes-courants créditeurs correspondant à des opérations productives.<br />

Un arrêté du Ministre des Finances déterminera les bases et les modali<br />

tés du calcul à effectuer pour déterminer ladite quotité. »<br />

(3) Pour l'Etat tunisien, les intérêts du solde créditeur ont produit<br />

9.717.396 fr. 85 dont 494.228 fr. 83 pour l'année 1928.


- 312<br />

—<br />

1° au titre de la redevance algérienne 9.831.633 fr. 09 ;<br />

2° au titre de la redevance tunisienne 3.371.745 fr. 92 ;<br />

3° au titre de la participation au dividende à l'Algérie<br />

6.554.619 fr. 72, à la Tunisie 2.195.380 fr. 28;<br />

4° au titre de l'impôt du timbre 632.435 fr. 66;<br />

5° au titre des intérêts versés au Trésor français sur le solde<br />

de son compte-courant 4.000.000 francs et des intérêts versés<br />

au Trésor tunisien au même titre 2.500.000 francs.<br />

5° Opérations gratuites effectuées pour le compte du Trésor<br />

La Banque doit effectuer gratuitement le paiement des chèques<br />

et virements émis par les comptables du Trésor et prêter son<br />

concours pour faciliter le règlement par virement des mandats<br />

établis aux noms des créanciers de l'Etat, de la Colonie, des<br />

départements et des communes qui ont des comptes ouverts,<br />

soit à la Banque de l'Algérie, soit dans une maison de banque<br />

elle-même titulaire d'un compte à la Banque de l'Algérie. Elle<br />

doit procéder sans frais à l'encaissement des chèques tirés ou<br />

passés à l'ordre des comptables du Trésor.<br />

La Banque paye gratuitement,<br />

concurremment avec les cais<br />

ses publiques, pour le compte du Trésor, les coupons au porteur<br />

des rentes françaises et des valeurs du Trésor français. Elle doit<br />

ouvrir gratuitement ses guichets à l'émission des rentes fran<br />

çaises et valeurs du Trésor (1).<br />

Les comptables directs du Trésor et les comptables des admi<br />

nistrations financières peuvent opérer des versements et des<br />

prélèvements dans les succursales et bureaux auxiliaires.<br />

(1) Souscriptions aux emprunts effectués aux guichets de la Banque :<br />

En Algérie En Tunisie<br />

5 •/. 1915 23.241.926 40 676.931 20<br />

5 •/. 1916 37 . 747.848<br />

75 593 . 853 75<br />

4 •/. 1917 32.461.429 70<br />

4 •/. 1918 .... 235.451.803 80<br />

372.914 10<br />

21.155.337 60<br />

5"/. 1920<br />

6'/. 1920<br />

179.267.177 »<br />

75.051.548 70<br />

15.585.803 »<br />

5.400.796 70<br />

583.221.734 35 43.785.636 35<br />

Les souscriptions effectuées aux guichets du Trésor et de tous les éta<br />

blissements financiers installés en Algérie (Banque de l'Algérie comprise)<br />

se sont élevées à 1.768.396.610 francs sur lesquels la Banque de l'Algérie


— — 313<br />

6° Avances sans intérêts à l'Algérie<br />

Par une convention signée le 4 juillet 1929 et actuellement sou<br />

mise aux délibérations du Parlement, la Banque s'est engagée<br />

à mettre à la disposition de l'Algérie,<br />

si le projet concernant la<br />

réforme du statut monétaire est voté, une avance de 30 millions<br />

sans intérêts jusqu'à l'expiration de son privilège, c'est-à-dire<br />

jusqu'en 1945. Les Délégations financières ont émis le vœu que<br />

cette avance fût plus élevée.<br />

Les opérations de la Banque de l'Algérie sont définies par<br />

les articles 11 à 24 des statuts. Elles sont limitées à l'Algérie et<br />

à la Tunisie (2).<br />

a) Opérations d'escompte. —<br />

Toute<br />

personne notoirement sol-<br />

vable peut être admise aux escomptes de la Banque de l'Algérie.<br />

Les demandes d'admission sont soumises à l'examen des conseils<br />

d'administration locaux, qui donnent leur avis,<br />

et doivent être<br />

approuvées par les directeurs des succursales. Elles sont ensuite<br />

transmises, pour ratification,<br />

au Conseil d'administration de la<br />

Banque à Paris, qui procède au vote définitif des crédits.<br />

Les effets négociables aux guichets de la Banque doivent<br />

avoir une échéance ne pouvant excéder cent jours et être revêtus<br />

de deux signatures notoirement solvables ; pour les effets paya<br />

bles à l'étranger et dans les colonies françaises, les délais de<br />

route peuvent s'ajouter à l'échéance maxima de cent jours.<br />

Un régime spécial est appliqué aux warrants commerciaux.<br />

S'ils sont accompagnés du récépissé, ils sont dispensés de l'une<br />

des signatures statutaires, mais, dans ce cas, l'échéance des war<br />

rants ne doit pas dépasser 60 jours et le montant des sommes<br />

avancées ne peut excéder les deux tiers de la valeur des mar<br />

chandises warrantées.<br />

Les effets documentaires sont également dispensés de la<br />

figure pour : 583.221.734 fr. 35. La Banque a donc recueilli à peu près<br />

le tiers des souscriptions effectuées en Algérie, ce qui est une proportion<br />

équivalente à celle des placements de valeurs de la Défense Nationale<br />

effectués, pendant la même période, par la Banque de France dans la<br />

Métropole.<br />

(2) n est interdit à la Banque de faire au siège social de l'escompte,<br />

des avances sur titres et d'ouvrir des comptes-courants.<br />

OPÉRATIONS<br />

DE LA<br />

BANQUE


- 314<br />

-<br />

deuxième signature par la remise des connaissements et, dans<br />

ce cas, l'escompte peut être consenti à concurrence de la moitié<br />

de la valeur de la marchandise.<br />

Le taux des escomptes est réglé par délibération du Conseil<br />

d'administration, mais les bénéfices résultant de l'élévation au-<br />

dessus de 6 %<br />

naire ».<br />

sont portés à un compte de « Réserve extraordi<br />

La Banque de l'Algérie n'accueille pas seulement le papier que<br />

peuvent lui réescompter les banques (1) ; elle a également pour<br />

(1) Elle ouvre largement ses guichets même à la petite clientèle, ainsi<br />

qu'il ressort de l'examen de ses cotes d'escompte. On entend par cotes d'es<br />

compte les chiffres fixés par le Conseil d'administration, suivant la sol<br />

vabilité présentée ainsi que suivant l'importance des affaires traitées et<br />

celle des sûretés offertes, pour limiter les engagements autorisés des<br />

clients. Ces chiffres ne peuvent être dépassés par les directeurs et les<br />

Conseils d'administration de la Banque. Le groupement de ces cotes reflète<br />

ainsi, avec une approximation suffisante, la progression et la réparti<br />

tion selon leur importance, des affaires des clients de la Banque. Le tableau<br />

ci-dessous montre que la petite clientèle a largement accès à ses guichets.<br />

Nombre et répartition des cotes d'escompte à la Banque de l'Algérie<br />

0 so ooa 100.000 200 000 500.000 1.000.000 Snpérienres<br />

Exercices à à à a a a a Totaux<br />

49.999 99.999 199.999 499.999 999.999 4.999.999 5 millions<br />

1899-1900 408 136 135 72 46 25 5 827<br />

1905-1906 1.174 313 222 134 42 24 5 1.914<br />

1912-1913 1.991 795 443 330 131 84 13 3.787<br />

1919-1920 1.468 481 441 343 141 104 29 3 007<br />

1924-1925 1.191 566 478 384 177 165 13 2.974<br />

1928-1929 1.168 670 667 564 275 322 48 3.714<br />

Il est remarquable que malgré les réductions des 4/5 de la valeur de<br />

l'unité monétaire, le nombre des cotes inférieures à 50.000 francs n'ait<br />

diminué que de 40 % environ depuis 1913 et que plus de la moitié des<br />

cotes soient inférieures à 100.000 francs.<br />

En janvier 1929, les effets inférieurs à 1.000 francs représentent plus de<br />

la moitié en nombre des effets compris dans le portefeuille de la Banque<br />

à Alger, ainsi qu'il ressort du relevé ci-joint :<br />

Sur 46.695 effets escomptés, du 16 au 31 janvier 1929, pour 192.746.119 fr. :<br />

4.775 effets sont inférieurs a 100 fr. pour un total de 263.150 fr.<br />

23.305 supérieurs a 100 fr. et inférieurs ù 1.000 fr. pour un total de<br />

9.555.404 fr.<br />

15.919 supérieurs a 1.000 fr.et inférieur» a 10.000 fr. pour un total de<br />

43.816.663 fr.<br />

'2.386 —<br />

supérieurs a 10.000 fr. et inférieurs a 100.000 fr. pour H un total<br />

de 57.452.482 fr.<br />

310 —<br />

supérieurs à 100.000 fr. pour un total de 81.658.420 fr.


— — 315<br />

mission, nous l'avons expliqué en remontant à ses origines et en<br />

retraçant son histoire, d'escompter directement les effets créés<br />

à la suite d'opérations d'achats et de ventes, et revêtus seule<br />

ment de deux signatures, en principe celles du vendeur et de<br />

l'acheteur ; elle escompte également tous effets représentant<br />

des opérations réelles, pourvu qu'ils soient revêtus de deux signa<br />

tures notoirement solvables et qu'ils ne dépassent pas l'échéance<br />

prescrite ; elle accepte, dans certains cas,<br />

que ces effets soient<br />

renouvelés dans les conditions précisées par le directeur général,<br />

dans une lettre du 11 décembre 1917 adressée au Ministre des<br />

Finances,<br />

au moment de la signature de la convention relative<br />

au renouvellement du privilège, et ainsi conçue : « La Banque<br />

de l'Algérie réservera aux demandes de renouvellement d'effets<br />

relatifs à des crédits d'exportation ou à des crédits de campa<br />

gne toutes les facilités compatibles avec les règles de prudence<br />

qui s'imposent à un institut d'émission. »<br />

b) Encaissements. —<br />

La Banque se charge, pour le compte<br />

des particuliers ou pour celui des établissements publics, de<br />

l'encaissement des effets qui lui sont remis. Elle paie, à concur<br />

rence des sommes encaissées, tous mandats et assignations<br />

(art. 11, paragraphe 4) (1).<br />

c) Comptes courants garantis par nantissements de titres. —<br />

La Banque met à la disposition de toute personne qui désire<br />

entrer en relations avec elle,<br />

pour traiter un ensemble d'opé<br />

rations, des comptes courants garantis par des nantissements<br />

de titres.<br />

Ces comptes fonctionnent exactement comme les comptes cou<br />

rants de banques et permettent, par le jeu des remises auxquelles<br />

ils peuvent donner lieu, toutes les opérations usuelles : virements,<br />

(1) Le nombre des localités sur lesquelles la Banque de l'Algérie peut<br />

recevoir des valeurs à l'escompte ou à l'encaissement s'est élevé à :<br />

100 en 1857 1.750 en 1910<br />

500 en 1877 2.000 en 1922<br />

800 fln 18S8 2.261 en 1929<br />

Les recouvrements, dans un certain nombre de localités comprises dans<br />

ces chiffres, sont assurés par le service des Postes, par application d'un<br />

décret du 31 mars 1880, qui a étendu au service algérien les dispositions<br />

de l'arrêté ministériel du 11 mai 1879 concernant le recouvrement des<br />

effets de commerce par la poste.


- 316<br />

—<br />

chèques, découverts, dépôts *et retraits directs, domiciliation, etc.<br />

En cas de découvert, le client ne supporte d'intérêts que sur<br />

les sommes dont il a besoin et il peut à tout moment augmenter<br />

ou diminuer son découvert dans les limites stipulées lors de<br />

l'ouverture du compte.<br />

Le compte courant donne, en outre,<br />

aux propriétaires de<br />

valeurs mobilières tous les avantages, facilités et sécurités, reti<br />

rés généralement du dépôt de titres et, ce, sans payer de droits<br />

de garde, tout au moins chaque fois que le mouvement du<br />

compte a produit un chiffre d'arrérages relativement minime.<br />

Il peut enfin être pour le commerçant qui a un portefeuille<br />

de valeurs mobilières un auxiliaire précieux de l'escompte.<br />

La Banque admet en nantissement, à concurrence de 80 %<br />

de leur valeur en bourse au jour du contrat : les rentes sur<br />

l'Etat, les bons et obligations du Trésor, de la Défense nationale<br />

et du Crédit national, les emprunts de l'Algérie, de la Tunisie,<br />

et des colonies et pays de protectorats, les bons et obligations<br />

des Chemins de fer français, algériens, tunisiens et de diverses<br />

colonies, les obligations du Crédit Foncier de France (foncières<br />

et communales), les emprunts des villes, départements et cham<br />

bres de commerce et, à concurrence de 50 %, les actions des<br />

grands réseaux de chemins de fer français.<br />

Ce poste de son bilan est très peu développé en raison de<br />

la faible quantité de titres de cette nature détenus en Algé<br />

rie (1).<br />

d) Opérations de bourse. —<br />

La<br />

Banque effectue, moyennant<br />

couverture préalable, toutes opérations de bourse par les inter<br />

médiaires officiels habituels.<br />

e) Comptes courants. —<br />

Elle reçoit en comptes courants, sans<br />

intérêts, les sommes qui lui sont déposées. Aucune opposition<br />

n'est admise sur ces sommes (loi du 4 août 1851, art. 7).<br />

(1) Le total des Avances sur titres atteignait en :<br />

1880<br />

1914<br />

1929<br />

753.635 Frs.<br />

1.447.908 Frs.<br />

20.637.984 Frs.<br />

La valeur des titres en dépôt à la Banque s'élevait au 15 avril 1929 à<br />

•<br />

304.629.826 francs pour 169.244 titres.


BILLETS DE BANQUE ACTUELS I<br />

Réduction 400/1000


GRAPHIQUES


1852-1913<br />

Echelle :0m m 015 par million<br />

„ moyennes semestrielles<br />

par périodes décennales<br />

MOUVEMENT des CAISSES<br />

1914-1926<br />

Echelle: Om.m.003par?millions<br />

L<br />

chiffres su 31 octobre<br />

-«#■<br />

y^wruiyjfr<br />

1926-1929<br />

Echelle ^Omm.OOJ par million<br />

■<br />

p<br />

ni<br />

i 4<br />

■<br />

il<br />

I u<br />

il<br />

i I<br />

f<br />

1 1<br />

II<br />

■'■■•"<br />

v "'<br />

'<br />

Chiffres semestriels<br />

i<br />

j<br />

ï<br />

» jwwn .


18521913<br />

Echelle: 0mm25 par million<br />

5 oo<br />

CIRCULATION<br />

ALGERIE TUNISIE<br />

S 2<br />

moyennes<br />

ptr périodes décennales<br />

C3T<br />

1914-1926<br />

- Echelle Omm 05 par2millions<br />

t M 2 & | 9<br />

Chiffres au 3/ Octobre<br />

J*<br />

1926 •<br />

1929<br />

£che!le:0mm 05 par million<br />

|<br />

L2.<br />

Chiffres semestriels<br />

f/tfSfA*tWlét,4/»„,<br />

1<br />

Ï


f<br />

oPÉRATioNSd-ESCOMPTEeu-ENCAISSEMENT<br />

1852-1913<br />

Echelle :0m.m.OS par million .<br />

I 1<br />

4*<br />

** r« î» *» •*« S; ê^<br />

§ i s i i ? li /il<br />

moyennessemestrielles<br />

ptr périodes décennales<br />

1914-1926<br />

Echelle :0m.m.0i par? militons<br />

AD)0ie)Vift«)Pi


ENSEMBLE des ENGAGEMENTS àVUE<br />

CIRCULATION TOTALE^mh-tuhisie)» DÉPOTS "TRÉSOR FRANÇAIS<br />

etTRÉSOR TUNISIEN ■<br />

1852-1913<br />

Echelle: 0mm25 par million<br />

5 S<br />

i<br />

■ ' ■ V<br />

moyennes<br />

par périodes décennales<br />

I<br />

i<br />

CHÈQUES et BORDEREAUX à PAYER<br />

1914-1926<br />

Echelle : Om.m.05 par2miilions<br />

iO)0)ii)(i)0)i)i o> Oj S S)<br />

.» 5 -* ç<br />

à 4. o ^<br />

V<br />

Chiffres seaiestrieib


PROPORTION DES ÉLÉMENTS COMPOSANT<br />

L'ENSEMBLE DU PASSIF IMMÉDIATEMENT EXIGIBLE<br />

a : 3.000.000 fr.<br />

b . 315.000 „<br />

C<br />

- 0 „<br />

a = 72.000.000 fr.<br />

b -- 9.866.000 .<br />

C ■- 21.233.000<br />

MB a _<br />

I I b _<br />

t^^a C _<br />

a = 2.073. 000. 000 fr.<br />

b . 187. 000. 000<br />

C . 633. 000. 000 .<br />

*'<br />

II! Mi j -5S£<br />

Vjrt<br />

Circulation<br />

Dépôts.<br />

Comptes<br />

,<br />

Chèques et bordereaux à payer,<br />

du Trésor public , du Trésor<br />

tunisien , de la Banque de France .<br />

1852 -1861<br />

moyenne<br />

décennale<br />

1882-1891<br />

mojenne<br />

décennale<br />

a = 154. 359. OOO fr.<br />

b = 14 047.000 .<br />

C 94.444.000 .<br />

a ± 855.998.000 fr.<br />

b = 55.560.000 -<br />

C , 111.042.000 _<br />

1902 1913<br />

mojenne<br />

duodécennale<br />

1914-1325<br />

moyenne<br />

duodécennale<br />

1929<br />

31 octobre


S3.<br />

ooooOooo<br />

O o o o a o o o<br />

NO I IVI HO U 13<br />

siaMaaiAia<br />

ISlIlAluano SJObVHD<br />

>--, «» Il S' -".'.'SA1'<br />

El


— — 317<br />

*<br />

* *<br />

Les tableaux que l'on trouvera ci-contre donnent le dévelop- statistiques<br />

pement des opérations d'escompte et d'encaissement de la Ban-<br />

que de l'Algérie depuis sa création jusqu'à ce jour.<br />

Nous les avons divisés en trois périodes : La première s'étend<br />

de 1851 à 1914 et fait l'objet de graphiques établis sur une<br />

échelle de base ; la dernière,<br />

tre 1926 au deuxième semestre 1929,<br />

qui s'étend du deuxième semes<br />

c'est-à-dire depuis le<br />

moment où la devise française se redressa puis fut stabilisée<br />

en fait pour permettre la détermination nouvelle du poids d'or<br />

de l'unité monétaire, fait l'objet de graphiques établis sur une<br />

échelle cinq fois moindre que la précédente, de façon à rendre<br />

plus sensibles les comparaisons des chiffres relevés au cours<br />

de ces deux périodes, en tenant compte de la valeur relative<br />

des deux monnaies. La période intermédiaire, qui comprend les<br />

années de 1914 à 1926,<br />

a fait l'objet d'un graphique spécial<br />

présenté sous une forme toute différente des précédents et selon<br />

une échelle n'ayant pas de rapport avec celles de ces graphiques.<br />

Le caractère instable de la valeur de l'unité,<br />

monétaire fran<br />

çaise pendant cette période ne nous paraît pas permettre d'utiles<br />

comparaisons entre les chiffres relevés à ce graphique et ceux<br />

des autres tableaux. Dans ce graphique lui-même, les chiffres<br />

du début ne peuvent être considérés comme ayant la même<br />

valeur que ceux qui sont inscrits à la fin. L'unité monétaire<br />

de 1914 et celle de 1926 ne constituent pas une même mesure<br />

des valeurs.<br />

Les tableaux graphiques concernent :<br />

i"<br />

Le mouvement des caisses<br />

Pour les périodes 1852-1913 et 1926-1929, les chiffres portés<br />

sont ceux des mouvements d'un semestre. Pour la première<br />

période il s'agit de la moyenne semestrielle au cours de dix<br />

années,<br />

sauf pour 1913 où la moyenne semestrielle de l'année<br />

a été relevée. On remarquera l'importance prise au cours de<br />

cette année par les mouvements des caisses de la Banque, par<br />

graphiques.


— 318<br />

—<br />

rapport aux moyennes décennales antérieures. La période 1914-<br />

1926 a été marquée par une progression continue du montant<br />

en francs de ces mouvements, par un ralentissement en 1920,<br />

une chute en 1921, une reprise en 1922, puis une nouvelle chute<br />

en 1925,<br />

■(•/■<br />

suivant ainsi les fluctuations des crises mondiales et de<br />

la crise propre à la monnaie française. Le mouvement des cais<br />

ses au début de la période commençant au deuxième semestre<br />

1926, se trouve à peu près pouvoir être comparé, en valeur abso<br />

lue, à celui de la moyenne semestrielle de 1913, et marque ensuite<br />

la reprise d'une progression normale.<br />

2°<br />

La circulation<br />

Depuis 1904, la circulation se compose de deux éléments, la<br />

circulation algérienne et la circulation tunisienne.<br />

Ces deux éléments ont été distingués sur le graphique par des<br />

hachures différentes : rapprochées et placées à la base de cha<br />

que colonne, lorsqu'il s'agit de figurer la circulation algérienne ;<br />

espacées et placées au sommet lorsqu'il s'agit de la circulation<br />

tunisienne. Les chiffres de chacune de ces circulations sont ins<br />

crits dans le même ordre, au-dessus de chaque colonne. Pour le<br />

tracé de la courbe 1914-30 avril 1926, les circulations ont été<br />

additionnées, chaque point étant obtenu par le total des deux<br />

chiffres dont il est surmonté.<br />

On observera que la circulation a suivi dans l'ensemble, comme<br />

il est naturel, une progression sensiblement égale à celle qui est<br />

marquée par le graphique du Mouvement des caisses ; toutefois,<br />

tandis que ce mouvement est seulement au deuxième<br />

semestre 1926 à peu près le même en valeur absolue que<br />

celui de 1913, la circulation au contraire a accusé un accrois<br />

sement bien plus considérable. Il y avait, semble-t-il, un excès<br />

de billets qui a été rapidement résorbé dès que la valeur du<br />

franc a été stabilisée ; la réduction de la circulation est, en<br />

effet, au premier semestre 1927 bien plus accentuée que ne l'a<br />

été la réduction correspondante du Mouvement des Caisses. Elle<br />

ne paraît donc pas devoir être expliquée par le seul ralentisse<br />

ment temporaire des affaires qui a accompagné la stabilisation,<br />

mais par un retour aux modes normaux de règlements.


3°<br />

319 —<br />

Les opérations d'escompte et d'encaissement<br />

La caractéristique du mouvement de ces opérations est la<br />

dépression qu'elles ont marquée en réalité pendant et après la<br />

guerre. Ce n'est qu'en 1929 et non en 1926-27,<br />

comme pour les<br />

mouvements des caisses et la circulation, qu'on retrouve, en<br />

valeur absolue, les chiffres de 1913, et le ralentissement tem<br />

poraire des affaires qui a accompagné la stabilisation y est éga<br />

lement beaucoup plus nettement sensible que dans les deux<br />

tableaux précédents.<br />

!y°<br />

L'ensemble des engagements à vue<br />

Sous cette rubrique ont été réunis la circulation totale (Algé<br />

rie et Tunisie) ; les dépôts, le compte-courant du Trésor, celui<br />

du Trésor Tunisien, le compte-courant d'avances sur titres de<br />

la Banque de l'Algérie à la Banque de France ; les dispositions<br />

diverses à payer (chèques, bordereaux, etc..)<br />

Le même mode de représentation a été adopté que pour les<br />

tableaux 1 et 2. La base des colonnes (hachures rapprochées)<br />

représente la circulation totale ; le sommet (hachures espa<br />

cées) représente le total de tous les autres comptes. Pour le tracé<br />

de la courbe 1914-30 avril 1926, tous les comptes ont été totali<br />

sés ; les deux chiffres inscrits au-dessus de chaque point indi<br />

quent, le premier la circulation totale, le second l'ensemble des<br />

autres comptes.<br />

On remarquera que l'ensemble des engagements à vue a suivi<br />

les mêmes mouvements que celui des opérations d'escompte et<br />

d'encaissement, et qu'une des caractéristiques des chiffres de<br />

la période commençant au deuxième semestre 1926 est la part<br />

prépondérante prise dans ces engagements à vue par la circula<br />

tion. Cette part prépondérante tend à diminuer en ce moment,<br />

en raison de l'accroissement considérable du solde créditeur du<br />

compte-courant du Trésor, et, dès le deuxième semestre 1929,<br />

cette réduction est très sensible.


5°<br />

— — 320<br />

Proportion des éléments<br />

composant V ensemble du passif immédiatement exigible<br />

Ces éléments sont 1° la circulation; 2° les dépôts, chèques et<br />

bordereaux à payer ; 3° les comptes-courants du Trésor public<br />

et du Trésor Tunisien,<br />

ainsi que le compte-courant d'avances sur<br />

titres de la Banque de l'Algérie à la Banque de France.<br />

L'ensemble est représenté par un demi-cercle, dans lequel le<br />

secteur noir figure la circulation, le secteur blanc les dépôts,<br />

chèques et bordereaux à payer ; le secteur hachuré les comp<br />

tes du Trésor public et du Trésor tunisien,<br />

ainsi que le solde<br />

du compte d'avances sur titres à la Banque de France. Ce solde<br />

est d'ailleurs insignifiant et doit être tenu pour négligeable dans<br />

l'appréciation des valeurs relatives des divers éléments compo<br />

sant l'ensemble des engagements à vue. On remarquera qu'au<br />

fur et à mesure du développement des affaires en Algérie, la<br />

part représentée par le solde créditeur des comptes du Trésor<br />

est devenue plus forte. La guerre a arrêté ce développement et<br />

la circulation a pris bientôt une place prépondérante ; le compte<br />

du Trésor n'était plus alimenté, en effet,<br />

par un excédent de la<br />

balance des paiements de l'Algérie. Au contraire en 1929, cette<br />

balance devient de nouveau déficitaire pour l'Algérie, —<br />

doute exceptionnellement —<br />

et<br />

sans<br />

la part du solde créditeur du<br />

compte-courant du Trésor dans les engagements à vue de la<br />

Banque tient, dès le 31 octobre 1929, une place beaucoup plus<br />

importante, qui s'est accentuée d'ailleurs depuis,<br />

et qui tend à<br />

rappeler les proportions qu'elle avait atteinte dans la période<br />

1902-1913.


BILAN<br />

DE LA BANQUE DE L'ALGÉRIE<br />

AU 31 OCTOBRE 1929 (D<br />

(1) La Situation de la Banijue est publiée chaque mois au Journal Officiel Algérien.


Numéraire en Caisse<br />

Disponibilités à l'Etranger<br />

Disponibilités en France<br />

Rentes sur l'Etat<br />

Portefeuille<br />

Effets remis par la Banque<br />

— 322 —<br />

ACTIF<br />

Or (lingots et monnaies) 206.336.057,95<br />

Divers 18.445 393,91<br />

Effets escomptés ... 1.727.425.360,65<br />

Effets à l'encaissement 40.063.330,40<br />

Warrants 6.672.802,40<br />

Effets en recette 96.573.271,00<br />

Comptes courants garantis par des nantissements de titres.<br />

Succursales (leur compte avec la Banque)<br />

Bureaux Auxiliaires<br />

Correspondants d'Algérie<br />

Correspondants de France et de l'Etranger<br />

Hôtels de la Banque<br />

Titres appartenant à la Caisse des Retraites<br />

Avance à la Banque Industrielle de l'Afrique du Nord (Loi<br />

du 29 décembre 1918)<br />

Actions de la Banque d'Etat du Maroc (Loi du 3 août 1920<br />

et décret du 25 avril 1921)<br />

Comptes Divers<br />

224.781.451,86<br />

265.256 673,88<br />

285.517.207,42<br />

23 666.763,75<br />

1.870.736.764,45<br />

112.808.485,79<br />

26 967.456,72<br />

5.386.993.159,83<br />

387.438.633,75<br />

128.591.170,51<br />

208.820.137,26<br />

43.115.407,39<br />

35.894.999,75<br />

5.000.000,00<br />

1.467.675,00<br />

102.697.988,78<br />

9.109753.976,14


Capital<br />

Billets au porteur en circulation<br />

Bordereaux à payer<br />

Comptes courants sur place<br />

Réescompte du dernier semestre<br />

— — 323<br />

PASSIF<br />

Banque de l'Algérie (son compte avec les Succursales).<br />

Effets envoyés en recouvrement<br />

Banque de France<br />

Dividendes à payer<br />

Chèques à payer<br />

Recouvrements à effectuer<br />

Profits et Pertes<br />

Caisse des Retraites<br />

Trésor Public<br />

Trésor Tunisien<br />

Réserves<br />

'<br />

Statutaire<br />

| Immobilière<br />

Extraordinaire<br />

25.000 000,00<br />

2.072.979 890,00<br />

98.<br />

142.087.<br />

9.371.<br />

5.322.434<br />

482.580<br />

87<br />

1.392 847,82<br />

44.949 253,38<br />

17.861<br />

25.104 460,85<br />

37.407<br />

584.246<br />

248.407<br />

8.333 333,33<br />

43.115<br />

,401,85<br />

,655,13<br />

.459,00<br />

.639,60<br />

.795,71<br />

.520,54<br />

.921,74<br />

.336,87<br />

149,73<br />

.527,66<br />

407,39<br />

44.295 375,54<br />

9.109.753.976,14


— — 324<br />

Relevé des taux d'escompte pratiqués par la Banque de l'Algérie<br />

DATES<br />

1" novembre 1851 6 •/.<br />

24 octobre 1857 7 '/.<br />

14 novembre 1857 6 7.<br />

5 octobre 1861 7 •/.<br />

11 novembre 1861 6 7„<br />

14 mai 1864 1 7.<br />

24 mai 1864 6 V.<br />

18 octobre 1864 7 7.<br />

8 novembre 1864 6 •/.<br />

29 décembre 1868 —<br />

26 juillet 1870 —<br />

3 avril 1878 —<br />

24 avril 1878 —<br />

COMMERCIAL<br />

Algérie France<br />

4<br />

6<br />

5<br />

4<br />

7.<br />

7.<br />

7.<br />

7.<br />

9 octobre 1878 5 7. —<br />

8 octobre 1879 4 7. 3 7.<br />

26 mai 1880<br />

10 octobre 1881 5 7»<br />

2 1/2 7.<br />

3 7.<br />

8 février 1882 6 •/. 4 7.<br />

29 mars 1882<br />

8 juillet 1884<br />

13 février 1894 —<br />

14 août 1894<br />

15 mars 1898<br />

5 »/.<br />

1<br />

—<br />

— 3<br />

11 avril 1899 4 •/.<br />

2 janvier 1900<br />

9 janvier 1900<br />

30 janvier 1900<br />

19 novembre 1900<br />

4 lévrier 1902<br />

21 mars 1907<br />

4 1/2 •/.<br />

5 '/.<br />

4 1/2 7.1<br />

(Létaux p'<br />

4 V.<br />

4 1/2 7.<br />

3 1/2 7.<br />

3 7„<br />

CAMPAGNE AVANCES<br />

7» ef . ayant moins de 31 j. à courir<br />

2 V. _<br />

de<br />

31 à 100 -<br />

17. ef.ayantde là 15 jours à courir<br />

27. -<br />

16<br />

à 30<br />

7. 31 à 100<br />

5 7.<br />

être abaisséjusqu'i1<br />

3 "/.se Ion les c irconstances)<br />

3 V.<br />

7. novembre 1907 5 7. —<br />

5 •/.<br />

—<br />

—<br />

I


BILLETS DE BANQUE ACTUELS II<br />

ANQUE DE L'ALGÉRIE<br />

VINGT 'FRANCS<br />

PAYABLES LES AU PORTEUR ET r.T A VUE<br />

32-0-1092<br />

Réduction 400 1 000


DATES<br />

325<br />

COMMEKCIAL<br />

Algérie<br />

Fiance<br />

CAMPAGNE AVANCES<br />

9 janvier 1908 4 1/2 7. 3 7. 5 1/2 7. 4 7.<br />

27 septembre 1911 3 7. —<br />

5 janvier 1912 41/2 7.<br />

17 octobre 1912 5 V. —<br />

4 novembre 1912 5 1/2 7. —<br />

14 décembre 1912 —<br />

6<br />

—<br />

6<br />

6<br />

— — 5<br />

7. 4 1/2 7.<br />

o 1/2 7. 4 7.<br />

7. 4 1/2 7,<br />

1/2 7, 5 7.<br />

1/2 7.<br />

27 décembr- 1912 6 V. 4 1/2 7. 7 7. 6 7.<br />

15 mai 1913 5 1/2 v.<br />

11 août 1913 5 •/.<br />

30 janvier 1914 4 1/2 7. —<br />

30 juillet 1914 5 1/27. —<br />

1" août 1914 6 7. —<br />

— 6<br />

— 6<br />

5<br />

6<br />

7<br />

1/2 7, 5 1/2 •/.<br />

V. 5 7.<br />

1/2 7.<br />

—<br />

1/2 7. 6 V.<br />

7. 7 7.<br />

24 septembre 1914 5 7. 6 v. 6 V.<br />

3 mai 1920 6 7. —<br />

7<br />

7. 6 1/2 7.<br />

15 mars 1922 5 1/2 •/. 5 7. 6 1/2 7. 6 7.<br />

11 janvier 1924 6 7. —<br />

7<br />

7. 6 1/2 V,<br />

18 janvier 1924 6 1/2 7. 5 1/2 7. 7 1/2 7, 7 7.<br />

15 septembre 1924 —<br />

— - 8<br />

12 décembre 1924 7 1/2 7. 6 1/2 7. 8 1/2 7.<br />

15 décembre 1924 —<br />

14 mai 1925<br />

— — 8<br />

— 7<br />

7.<br />

10 juillet 1925 6 1/2 7. 6 '/. 7 1/2 7.<br />

16 décembre 1925<br />

3 juin 1926<br />

2 août 1926<br />

5 1/2 7.<br />

7 1/2 7.<br />

6 1/2 7.<br />

6 7.<br />

7 1/2 7.<br />

—<br />

6 1/2 V.<br />

8 1/2 7.<br />

18 décembre 1926 7 7. 7 •/. 8 V.<br />

7.<br />

—<br />

1/2 7*<br />

—<br />

—<br />

8 7.<br />

9 1/2 7°<br />

5 février 1927 6 1/2 7. 6 1/2 7. 7 1/2 % 9 7.<br />

16 avril 1927 6 7. 6 7. —<br />

13 juin 1927 —<br />

8 septembre 1927<br />

9 décembre 1927<br />

6 janvier 1928<br />

—<br />

:<br />

20 janvier 1928 5 1/2 «/o<br />

13 avril 1928<br />

1" novembre 1928<br />

-<br />

1<br />

5 7.<br />

'4 7.<br />

3 1/2 7.<br />

—<br />

—<br />

— 8<br />

7.<br />

7 7. 7 7.<br />

6 1/2 •/.<br />

— 6<br />

—<br />

1/2 7.


— — 326<br />

Succursales et Bureaux de la Banque de l'Algérie<br />

ALGERIE<br />

Datée cle création<br />

Alger-Escompte succursale Ancien siège social transformé en succursale<br />

— Oran<br />

— Constantine<br />

— Bône<br />

— Philippeville<br />

— Tlemcen<br />

13<br />

3<br />

11<br />

22<br />

22<br />

après le transfert de l'administration cen<br />

trale de la Banque à Paris. (Statuts<br />

annexés à la loi du 5 juillet 1900.)<br />

août 1853.<br />

décembre 1856.<br />

juillet 1868.<br />

avril 1875.<br />

avril 1875.<br />

Blida bureau 2 juillet 1891.<br />

Mostaganem succursale Bureau le 1er mars 1893, érigé en succursale<br />

le 1" juin 1923.<br />

Bougie succursale Bureau le 1" avril 1893, érigé en succursale<br />

le 1" juin 1922.<br />

Tizi-Ouzou bureau<br />

1"<br />

mai 1894<br />

— Orléansville<br />

— Setif<br />

— Guelma<br />

— Souk-Aharas<br />

— Mascara<br />

— Boufarik<br />

— Tiaret<br />

16<br />

16<br />

6<br />

15<br />

16<br />

juillet 1898.<br />

décembre 1898.<br />

novembre 1900.<br />

janvier 1901.<br />

mars 1902.<br />

Sidi-Bel-Abbès succursale<br />

31 octobre 1904.<br />

16 mai 1907.<br />

Bureau le 16 août 1908, érigé en succursale<br />

le 1" juin 1922.<br />

Aïn-Temouchent bureau 20 janvier 1910.<br />

Saïda — 21 février 1910.<br />

Bordj-Bou-Arréri dj<br />

-<br />

1*'<br />

mars 1910.<br />

St-Denis-du-Sig. 3 juillet 1911.<br />

—<br />

Aïn-Beïda<br />

15 Juin 1912.<br />

— Aumale<br />

— Maison-Carrée<br />

Algem-Titres succursale<br />

1"<br />

août 1912.<br />

lor<br />

septembre 1912<br />

10 mars 1921.<br />

Affreville bureau 16 octobre 1924.<br />

Belizane — 16 novembre 1926.<br />

Djidjelli — 11 avril 1927.<br />

Bouïra — 1"<br />

août 1927.<br />

1"<br />

Cherchell<br />

octobre 1927.<br />

TUNISIE<br />

Tunis succursale 8 janvier 1904.<br />

Sfax bureau 3 janvier 1905.<br />

— Sousse<br />

— Bizerte<br />

— Béja<br />

1"<br />

février 1905.<br />

22 avril 1912.<br />

1"<br />

février 1926.


MM. Paul Ernest-Picard<br />

327 —<br />

Administration de la Banque<br />

(C^),'<br />

Directeur général, Président du Conseil.<br />

Jules Lévy (0.&), Sous-Directeur général.<br />

MM . Billiard (Louis) (O . &),<br />

Administrateur* :<br />

Président de la Chambre de Commerce d'Alger.<br />

Boyer (Paul) (O. $), Président du Conseil d'Administration du<br />

Comptoir National d'Escompte de Paris.<br />

Brincard (C.&) (Baron G.), Président du Conseil d'Administration<br />

du Crédit Lyonnais.<br />

Celier (Alexandre) (C.^), Directeur général honoraire au Ministère<br />

des Finances, ancien Conseiller d'Etat.<br />

Galicieh (Albert) (G. 0.&), Administrateur de la Société des Phos<br />

phates Tunisiens et des Mines de zinc du Guergour, Président<br />

du Conseil d'Administration des Manufactures de tabacs Bastos<br />

Le Bourdais des Touches (0.&) iComte), Administrateur des Chemins<br />

de fer de l'Ouest Algérien.<br />

Moatti, ancien Avoué près la Cour d'Appel d'Alger.<br />

Sabatier (Elisée) (0.^), ancien Président des Délégatious financières<br />

Algériennes.<br />

Tirard (Paul) (C.#), Président de la Compagnie des Chemins de fer<br />

du Midi.<br />

Censeurs :<br />

MM. Boulogne (Gaston) (C.&), Conseiller de Gouvernement Honoraire à<br />

Alger.<br />

Delamotte (Gabriel) (0.&), Inspecteur général des Finances hono<br />

raire, Directeur honoraire au Ministère des Affaires étrangères.<br />

Rodocanachi (Emmanuel) (0.*), Banquier.<br />

M. Camille Mo\se (0.&), Secrétaire général.<br />

Siège social : 217, boulevard Saint-Germain, Paris<br />

Directeurs et Directeurs Généraux de la Banque de l'Algérie<br />

depuis sa fondation<br />

MM. Edouard Lichtlin, 0. * Directeur 1"<br />

novembre 1851.<br />

Adolphe Villiers, 0. *<br />

— 16 juin 1859.<br />

...<br />

Ernest Chevallier, 0. *<br />

— 16 août 1875.<br />

.. .<br />

Félix Nelson-Chiérico, &<br />

Amédée Rihouet, 0. #<br />

Marc Lafon, »fè<br />

Emile Moreau, C *<br />

—<br />

—<br />

—<br />

—<br />

26 octobre 1886.<br />

16 mars 1897.<br />

18 mai 1898<br />

20 février 1906.<br />

— Directeur<br />

Paul Ernest-Picard, C &.. —<br />

général. 29 décembre 1911.<br />

—<br />

• 26 juin 1926.


CHAPITRE XI<br />

BANQUES PRIVÉES, ÉTABLISSEMENTS DE CRÉDIT<br />

ET BANQUES LOCALES<br />

Rapports des Banques Métropolitaines et Etrangères avec l'Algérie.<br />

Sociétés de Crédit ayant des Agences en Algérie. Banquiers particuliers<br />

locaux. Comptoirs d'Escompte locaux. Crédit a l'Industrie. Banques<br />

d'affaires. Monographies.


Le réseau bancaire de l'Algérie s'étend tous les jours ; il ne<br />

suffirait 'pas, pour mettre en lumière le rôle des banques dans<br />

le développement du pays, de parler de celles qui ont des sièges<br />

dans la colonie ; il faudrait aussi déterminer quelle part revient<br />

dans cette mise en valeur aux banques métropolitaines, comme<br />

aux banques étrangères. Combien, en effet, parmi celles-ci, ne<br />

pratiquant pas l'escompte sur place,<br />

accordent néanmoins aux<br />

affaires algériennes un concours puissant : commandite, place<br />

ment de titres, ouvertures de crédit ?<br />

Il n'entre pas dans le cadre de notre étude de le déterminer<br />

et de rechercher les liens qui unissent en Algérie ces banques<br />

aux multiples sociétés d'études ou d'entreprises, aux omniums,<br />

aux syndicats, aux sociétés d'exploitations minières ou agricoles,<br />

aux sociétés foncières ou immobilières, dont le nombre s'accroît<br />

sans cesse et qui, dans l'état de division et de groupement des<br />

fortunes actuelles, représentent une des formes les plus actives<br />

du travail des capitaux. Il convient, du moins, de mentionner que<br />

le crédit est maintenant assuré aux entreprises algériennes par<br />

les voies les plus diverses, que le capital algérien, le capital mé<br />

tropolitain et le capital étranger y contribuent largement ;<br />

l'Algérie constitue aujourd'hui un débiteur recherché : le temps<br />

n'est plus où les capitaux n'osaient pas traverser la Méditer<br />

ranée.<br />

Même en nous bornant à parler ici des banques ayant un siège<br />

en Algérie, nous ne saurions passer sous silence les rapports<br />

qui existent entre elles et les banques de la Métropole ou de<br />

l'étranger. Les effets de commerce créés en Algérie sont payables<br />

sur les places les plus variées du monde. Il est donc nécessaire<br />

que les banques algériennes aient des correspondants dans tous<br />

les pays (1)<br />

(1) La Banque de l'Algérie,<br />

les divers pays,<br />

et ces correspondants constituent un des rouages<br />

compte 470 correspondants.<br />

pour assurer l'encaissement des effets dans<br />

rapports<br />

des banques<br />

métropo<br />

litaines<br />

ET ÉTRAN<br />

GÈRES<br />

AVEC<br />

L'ALGÉRIE.


SOCIÉTÉS<br />

DE CRÉDIT<br />

AYANT DES<br />

AGENCES<br />

EN ALGÉRIE.<br />

— — 332<br />

essentiels et chaque jour plus important, du mécanisme du cré<br />

dit.<br />

Depuis quelque temps, les grandes banques étrangères, parti<br />

culièrement celles de la Grande-Bretagne et de l'Amérique du<br />

Nord et du Sud, multiplient leur contact avec les banques, l'in<br />

dustrie et le commerce. L'Algérie est ainsi appelée à participer<br />

sans cesse plus activement au mouvement des capitaux du monde<br />

entier.<br />

Parmi les établissements d'escompte ayant des sièges en Algé<br />

rie, le plus ancien dans la colonie est la Compagnie Algérienne,<br />

qui date de 1877 et qui a été créée pour exercer son activité en<br />

Algérie même. Le premier, parmi les établissements d'escompte<br />

et de dépôts métropolitains, qui ouvrit une agence dans la colonie<br />

fut le Crédit Lyonnais, dont le siège d'Alger date de 1878. Puis<br />

vint, en 1880, le Crédit Foncier et Agricole d'Algérie, aujourd'hui<br />

Crédit Foncier d'Algérie et de Tunisie, qui poursuivit, sous une<br />

forme nouvelle et sur un champ d'action beaucoup plus vaste, les<br />

opérations du Crédit Foncier de France dont les privilèges<br />

avaient été étendus à l'Algérie en 1860. Il est à la fois une banque<br />

d'escompte et de dépôts et une banque de prêts fonciers.<br />

En 1913, la Société Générale et la Société Marseillaise ouvri<br />

rent des agences à Alger, en 1919, la Banque Cox et C° vint<br />

également mettre ses services à la disposition des Algériens,<br />

et fut bientôt remplacée par la Barclays Bank.<br />

Le Comptoir national d'escompte de Paris,<br />

qui est depuis sa<br />

création le .correspondantde la Banque de l'Algérie, comme l'était<br />

depuis l'origine l'ancien comptoir dont il prit la suite, se trouve<br />

mêlé très intimement à l'activité de l'Algérie, sans y avoir créé<br />

d'agences.<br />

Nous reproduisons plus loin (1)<br />

ou nous résumons les notices<br />

que les divers établissements nous ont remises sur notre de<br />

mande, pour préciser, en relatant quelques dates de leur histoire,<br />

le rôle qu'ils jouent dans l'organisation générale du crédit.<br />

(1) Voir Monographies page 339.


— 333<br />

*<br />

* *<br />

A côté d» ces établissements de crédit, il existe en Algérie<br />

des banquiers locaux, dont le rôle ne doit pas être négligé, et des<br />

banques privées locales qui ont utilement contribué à la mise<br />

en valeur des régions où s'exerce leur action. Leur nombre est<br />

relativement peu élevé et leurs maisons sont de création assez<br />

récente. Il y en a peu, parmi celles qui existent actuellement,<br />

dont l'origine remonte à plus d'une cinquantaine d'années.<br />

On ne trouve que très exceptionnellement de vieilles banques<br />

particulières dont la vie ait été intimement mêlée à celle du pays<br />

et dont le nom s'évoque de lui-même quand on parle d'une ville<br />

ou d'une région,<br />

comme c'est le cas si fréquemment dans la<br />

France métropolitaine. Ce ne sont pas, en effet, des capitalistes<br />

qui sont venus, à la première heure, dans la colonie avec le des<br />

sein d'y faire fructifier des capitaux,<br />

opérations bancaires le développement économique ;<br />

en favorisant par des<br />

ce sont des<br />

colons, qui ont apporté leur intelligence, leur ténacité, leurs bras<br />

et leurs besoins. A cette époque héroïque c'est l'emprunteur qui<br />

est venu de France plus souvent que le prêteur.<br />

Il y eut bien et il y a encore, par places, des escompteurs<br />

particuliers, des prêteurs individuels et il est peu de négociants<br />

qui, à un moment donné, n'aient été plus ou moins les banquiers<br />

de leurs acheteurs ; le besoin a créé l'organe et, sous une forme<br />

élémentaire, la banque a fonctionné un peu partout et de tout<br />

temps. Nous écartons d'ici, bien entendu, les prêteurs qui pra<br />

tiquent l'usure et exploitent la misère ou l'indolence des emprun<br />

teurs. Ceux là ne jouent qu'un rôle néfaste et le développement<br />

du réseau bancaire doit avoir pour effet de les faire peu à peu<br />

disparaître,<br />

ou tout au moins de réduire de plus en plus leur<br />

action. Nous ne voulons parler que des véritables escompteurs<br />

ou des capitalistes qui, tout en recherchant un emploi productif<br />

des fonds dont ils disposent, pratiquent loyalement la banque.<br />

Quelques-uns de ces escompteurs ont fait des opérations très<br />

importantes pour des montants élevés et ont trouvé bientôt le<br />

concours de la Banque de l'Algérie qui, en étendant leurs moyens<br />

d'action,<br />

leur a permis de faire œuvre plus utile encore. Dans<br />

BANQUIERS<br />

PARTICU<br />

LIERS<br />

LOCAUX.


— — 334<br />

plus d'une région, il en existe aujourd'hui dont les opérations,<br />

très divisées, se rapprochent souvent plus du prêt direct que<br />

de l'escompte et qui constituent des auxiliaires indispensables<br />

du crédit. Quelques-uns même occupent des situations prépon<br />

dérantes ; ce sont d'actifs banquiers,<br />

leur région, mais ils ne sont, en général,<br />

véritables animateurs de<br />

pas exclusivement<br />

spécialisés dans la banque et ils exercent souvent un commerce<br />

qui absorbe parfois le principal de leur activité. C'est fréquem<br />

ment l'exercice même de ce commerce et la nécessité d'accorder<br />

des avances aux producteurs et des crédits aux acheteurs qui<br />

les a conduits à organiser des services bancaires. Toutefois, peu<br />

de maisons existent qui maintiennent un nom connu, honoré<br />

pour les services traditionnellement rendus,<br />

et dont le souvenir<br />

se perpétue de générations en générations. Aussi ne trouve-t-on<br />

en Algérie qu'un petit nombre de banques locales proprement<br />

dites constituées sous la forme de sociétés en nom collectif ou<br />

en commandite simple.<br />

comptoirs Les banques locales actuelles, constituées sous forme de socié-<br />

locaux<br />

*<br />

* *<br />

^S anonymes, sont, sauf quelques exceptions, l'œuvre de grou<br />

pements de personnes et de capitaux. Presque toutes ont une<br />

clientèle en majeure partie agricole. La plupart ont précédé<br />

l'organisation des caisses de crédit agricole mutuel. Elles ont<br />

été les pionniers du crédit agricole. Toutes,<br />

sauf une d'entre<br />

* elles qui porte lo titre de Caisse Agricole et Commerciale, ont<br />

pris l'appellation de comptoirs d'escompte, soit que leur origine<br />

remonte à l'époque où la Banque de l'Algérie, s'inspirant de<br />

l'exemple du Comptoir d'escompte de Saint-Denis-du-Sig, favo<br />

risa, dans diverses parties du territoire, l'ouverture de banques<br />

locales agricoles auxquelles ce nom fut donné (1), soit que les<br />

établissements de création plus récente se soient naturellement<br />

rattachés par cette appellation à la tradition des anciens comp<br />

toirs pour marquer par là le rôle qu'ils entendaient jouer.<br />

Ces banques ont peu à peu gagné la confiance d'une clientèle<br />

étendue et fidèle dans la région où s'exerce leur action. Elles<br />

(1) Voir chapitre V.


— — 335<br />

sont aujourd'hui au nombre de douze, dont deux seulement sont<br />

postérieures à 1904.<br />

Ces comptoirs ne sont pas les seuls qui aient été créés ; on<br />

en comptait dix-huit en 1884, dont quelques-uns cessèrent leurs<br />

opérations ; de 1884 à nos jours, de nouvelles sociétés avaient été<br />

fondées qui disparurent à leur tour.<br />

Un certain nombre de comptoirs, datant de l'époque où se pré<br />

parait l'essor économique de l'Algérie par la création du vignoble,<br />

ne purent résister à la crise qui la suivit (1). Ils furent liquidés<br />

par la Banque de l'Algérie avec de grands ménagements à l'égard<br />

des débiteurs. D'autre part,<br />

quelques comptoirs furent absorbés<br />

par le Crédit Foncier d'Algérie et de Tunisie, alors qu'ils étaient<br />

en pleine activité (2).<br />

Les ressources des banques locales existantes ne proviennent<br />

pas exclusivement de leur capital qui, pour l'ensemble des douze<br />

établissements,<br />

s'élève à 12.845.000 francs porté à 38.522.782<br />

francs si l'on ajoute leurs réserves. Elles ont des dépôts impor<br />

tants atteignant, en 1928, un total de 141.614.326 francs. Enfin,<br />

elles sont admises au réescompte de la Banque de l'Algérie qui<br />

assure ainsi à leur trésorerie la souplesse nécessaire : elles sont,<br />

dans l'ensemble,<br />

en mesure de présenter au réescompte du bon<br />

papier prélevé dans leur portefeuille qui, pour elles toutes, a<br />

atteint, au 31 décembre 1928, le chiffre de 133.274.805 francs.<br />

Ces banques locales, qui sont près de leurs clients, dont elles<br />

connaissent les ressources, les qualités et les défauts,<br />

sont en<br />

situation de remplir un rôle très important dans la distribution<br />

du crédit en Algérie. Elles le font, en général,<br />

activité.<br />

*<br />

* *<br />

avec sagesse et<br />

Le crédit à l'industrie n'avait pas fait, jusqu'à ces dernières<br />

années, l'objet d'une étude spéciale en Algérie et l'on ne s'était<br />

pas préoccupé, dans la colonie, de le doter d'une organisation<br />

particulière.<br />

Les grands travaux de construction de chemins de fer ont été<br />

(1) Voir chapitre V.<br />

(2) Douera en 1920, Rouïba en 1921 et Tizi-Ouzou en 1922.<br />

crédit<br />

A L'INDUS<br />

TRIE.


— — 336<br />

exécutés avec le concours de puissants établissements de crédit<br />

métropolitains ou de consortiums spéciaux ; en 1881, le Crédit<br />

Algérien s'est fondé et a apporté également à ces travaux un<br />

concours actif. L'industrie extractive, qui joue en Afrique du<br />

Nord un rôle très important, s'est principalement développée<br />

de même avec des capitaux métropolitains ou étrangers. Elle ne<br />

fait que peu appel au crédit sur place ; toutefois certaines ban<br />

ques, travaillant en Algérie, comme la Compagnie Algérienne<br />

I et le Crédit Foncier d'Algérie et de Tunisie, lui avaient donné un<br />

j<br />

concours des plus utiles. Les industries de transformation se<br />

sont d'abord réduites aux moulins à grain ou à huile,<br />

et la<br />

nature saisonnière de leurs opérations leur a fait bien souvent<br />

trouver auprès des grandes banques, comme auprès de la Banque<br />

de l'Algérie, sous la forme de crédits de campagne, les fonds<br />

qui leur étaient nécessaires. Les autres industries sont demeurées<br />

longtemps peu nombreuses ou peu actives et leurs besoins de<br />

crédit n'ont pris d'extension que plus tard. Il était donc normal<br />

que le crédit à l'industrie n'eût pas sollicité, pendant de longues<br />

années, l'attention spéciale de la colonie, dominée par la question<br />

du crédit agricole.<br />

La guerre de 1914 permit à certaines industries de se créer<br />

ou de se développer et fit apparaître plus nettement la néces<br />

sité de mettre en œuvre toutes les ressources du pays. Elle rendit<br />

sensible l'avantage que peut, dans certaines circonstances, pré<br />

senter l'existence d'industries indépendantes des grands centres<br />

métropolitains. Elle posa en quelque sorte,<br />

pour la première<br />

fois en Algérie, d'une manière pressante, le problème du crédit<br />

à l'industrie. Les chambres de commerce s'en préoccupèrent<br />

et, dès 1917, le directeur général de la Banque de l'Algérie<br />

disait dans son compte rendu annuel : « Par suite des circons<br />

tances, le développement de la production nord-africaine est<br />

devenu un problème d'ordre national. Pendant les hostilités,<br />

l'agriculture et l'industrie de nos colonies doivent suppléer aux<br />

insuffisances de la Métropole. Après, il nous faudra utiliser, avec<br />

le maximum d'intensité possible, toutes nos ressourses d'outre<br />

mer si nous voulons nous redresser sous le formidable fardeau<br />

que la guerre aura fait peser sur nos épaules. Nous considérons<br />

comme un impérieux devoir d'aider à la prospérité de l'agricul-


— — 337<br />

ture, du commerce et de l'industrie du Nord de l'Afrique. Sous<br />

les auspices des chambres de commerce d'Algérie, nous avons<br />

fait procéder, par un de nos meilleurs agents, M. Laboubée, à<br />

une enquête sur la situation de l'industrie en Algérie. Les résul<br />

tats de cette enquête,<br />

consignée dans une brochure de 158 pa<br />

ges (1), paraissent donner raison à ceux qui, comme nous, pen<br />

sent que le moment est venu d'accélérer l'évolution économique<br />

algérienne vers l'industrie. Mais on comprendra que, dans ce rôle<br />

d'éducateur et de stimulateur notre action soit limitée. »<br />

Le crédit à l'industrie relève en effet des banques d'affaires<br />

et non des instituts d'émission, ni des banques travaillant exclu<br />

sivement avec des dépôts à court terme ; mais la spécialisation<br />

du travail bancaire n'était pas, à cette époque, réalisée d'une<br />

façon assez nette en Algérie pour que cette vérité économique<br />

apparût dans toute sa clarté et les chambres de commerce, par<br />

ticulièrement celles de Bougie et de Bône, demandèrent que la<br />

Banque de l'Algérie apportât un concours plus efficace à l'ex<br />

tension de l'outillage économique ; celle de Bône émit même le<br />

vœu que la Banque de l'Algérie organisât le crédit industriel<br />

à long terme.<br />

L'enquête à laquelle avait fait procéder la Banque était donc<br />

venue à son heure ; l'inventaire des fabriques, les indications<br />

statistiques détaillées données sur la force motrice employée<br />

et la main-d'œuvre occupée, ainsi que sur les résultats obtenus,<br />

l'étude des productions locales comme des importations, ne<br />

devaient pas seulement permettre de préparer « une documen<br />

tation pouvant servir à examiner la possibilité de développer<br />

certaines industries existant déjà en Algérie et à rechercher<br />

celles dont la création était à préconiser »,<br />

mais ils avaient<br />

en outre l'avantage de préciser la nature et l'étendue des besoins<br />

financiers de ces industries et, par suite, le concours qu'elles<br />

pouvaient attendre des banques.<br />

L'auteur, M. Laboubée,<br />

actuellement directeur général de la<br />

Banque Industrielle de l'Afrique du Nord à Alger, combattait<br />

le pessimisme de ceux qui exprimaient d'excessives réserves sur<br />

l'avenir industriel de l'Algérie et affirmait : « Tout est possible<br />

(1) Notes sur l'industrie en Algérie par S. Laboubée. Chambres de Com<br />

merce de l'Algérie, Alger 1917.


—<br />

— 338<br />

ici », appuyant son optimisme d'une longue liste « des entreprises<br />

multiples et variées qui se sont jusqu'à ce jour épanouies dans<br />

la colonie et qui étaient déjà, pour celïe-ci,<br />

des. éléments impor<br />

tants de production et de richesse ». « Nous avons dressé,<br />

ajoutait-il, un inventaire qui, bien que très incomplet, a été pour<br />

nous presque une révélation. Nous avons trouvé l'Algérie plus<br />

avant que nous le supposions dans la voie que nous cherchons<br />

à lui tracer. » La liste dressée par M. Laboubée contenait la<br />

désignation de 716 usines et ateliers répartis en 57 catégories,<br />

utilisant une force motrice de 16.252 H.P. et occupant 23.584<br />

ouvriers. L'auteur pouvait justement conclure : « Les Algériens<br />

sont des travailleurs, des hommes de progrès hardis. Il n'est<br />

pas nécessaire de les aiguillonner. Il suffit de ne pas entraver<br />

leurs initiatives par des lenteurs ou des subtilités administra<br />

tives, de mettre à leur portée tout l'outillage économique public<br />

nécessaire,<br />

surtout en moyens de transport avec tarifs raison<br />

nables ; enfin, de les doter d'un système de crédit approprié<br />

à tous leurs besoins industriels justifiés ».<br />

banques La nécessité de développer le rôle des banques d'affaires<br />

D'AFFAIRES. , ., ,, ., , ., ,. .<br />

,.,,,,,,<br />

ressortait d une manière évidente de cette étude et c est pour<br />

tenir compte de cette nécessité et du mouvement d'opinion dont<br />

les chambres de commerce avaient rendu publique l'expression,<br />

que la Banque de l'Algérie avait pris, en 1918, l'engagement d'ap<br />

porter son concours financier et moral à la création d'une banque<br />

industrielle pour l'Afrique du Nord (1).<br />

« La Banque industrielle aura pour objet principal, disait le<br />

directeur général dans sa lettre au Ministre des Finances, de<br />

faire des prêts à long<br />

et moyen terme aux entreprises indus<br />

trielles et commerciales de l'Afrique du Nord. »<br />

Elle complète donc une organisation bancaire d'affaires, encore<br />

insuffisamment évoluée pour venir en aide, sur place, aux<br />

moyennes entreprises industrielles dont le développement cons<br />

titue un des éléments les plus stables de la prospérité d'un<br />

pays.<br />

Depuis lors de nouveaux groupements bancaires, ayant un<br />

caractère plus particulièrement algérien, se sont constitués et<br />

(1) Voir chapitre VII.


s'occupent,<br />

— — 339<br />

concurremment avec les banques d'affaires métro<br />

politaines ou coloniales, du crédit à l'industrie.<br />

Parmi ces groupements, il convient de signaler l'Union Nord-<br />

Africaine pour la finance, l'agriculture et l'industrie, dont le<br />

siège est à Alger et qui réunit des capitaux presque exclusive<br />

ment algériens.<br />

I —<br />

Établissements<br />

1!<br />

MONOGRAPHIES<br />

de crédit (1)<br />

1. Compagnie Algérienne,<br />

2. Crédit Foncier d'Algérie et de Tunisie,<br />

3. Crédit Lyonnais,<br />

4. Société Générale,<br />

5. Société Marseillaise,<br />

6. Barclays Bank.<br />

COMPAGNIE ALGERIENNE<br />

Société anonyme au capital de 105 millions entièrement versés<br />

Siège social à Paris<br />

Fondée en 1877 (2), la Compagnie Algérienne a été créée<br />

au moment où, les colons algériens commençant à recueillir les<br />

premiers fruits de leurs efforts, il devenait nécessaire de mettre<br />

à leur disposition des moyens d'échange modernes et les services<br />

d'une organisation bancaire appropriée à leurs besoins. Elle s'est<br />

ainsi trouvée appelée à collaborer, dès le début, au développement<br />

de régions auxquelles leurs richesses naturelles et leur puissance<br />

de production agricole devaient assurer une splendide prospérité.<br />

Favorisée par l'étendue des opérations qu'autorisaient ses sta<br />

tuts, elle a pu, dès la première heure, envisager un large avenir<br />

et la possibilité d'un essor puissant.<br />

Son réseau d'agences, tout en s'étendant sans cesse en Algérie,<br />

a englobé successivement la Tunisie, où elle s'est installée l'une<br />

(1) Notices remises par les établissements cités.<br />

(2) Voir chapitre V.


des premières,<br />

— — 340<br />

et le Maroc où son agence de Tanger fut ouverte<br />

dès 1904 et celle de Casablanca deux ans après. Ce réseau enserre<br />

dans ses mailles étroites toute l'étendue du territoire nord-<br />

africain français.<br />

Pour que cette organisation fût à même de donner tous les<br />

résultats qu'on était en droit d'attendre d'elle, il restait à assurer<br />

d'une manière commode et facile les relations avec la Métropole.<br />

Le port de Marseille d'abord, celui de Bordeaux ensuite, appe<br />

laient la création des deux agences.<br />

Enfin, d'autres agences furent installées dans les principales<br />

places en relations particulièrement suivies avec l'Afrique du<br />

Nord (1).<br />

La Compagnie Algérienne ne pouvait réaliser un tel pro<br />

gramme avec ses ressources primitives. Son capital à l'origine<br />

de dix millions, augmenté successivement en 1881, 1901, 1912,<br />

1913, 1914, 1920, fut finalement porté en 1928 au chiffre actuel<br />

de cent cinq millions (2).<br />

Ainsi, depuis sa fondation, la Compagnie Algérienne a pu<br />

mettre progressivement à la portée des colons européens d'abord,<br />

puis, peu à peu, de l'élément indigène, avec les capitaux qui leur<br />

étaient nécessaires, un organisme bancaire dont les rouages<br />

s'étendaient et se perfectionnaient au fur et à mesure que s'ac<br />

croissait la puissance économique des pays dans lesquels s'exer<br />

çait son activité.<br />

tèle.<br />

Elle s'est appliquée à satisfaire aux besoins variés de sa clien<br />

Aux colons, propriétaires et fermiers,<br />

(1)<br />

bre de 168,<br />

elle apporte son concours<br />

Les agences de la Compagnie Algérienne sont actuellement au nom<br />

se répartissant comme suit :<br />

En France 38<br />

En Algérie 94<br />

En Tunisie 13<br />

Au Maroc 23<br />

(2) Le capital fut porté :<br />

En 1881 de 10.000.000 à 15.000.000<br />

En 1901 de 15.000.000 a 25.000.000<br />

En juin 1912 de 25.000.000 a 30.000.000<br />

En décembre 1912 de 30.000.000 a 40.000 000<br />

En 1913 de 40.000.000 a 50.000.000<br />

En 1914 de 50.000.000 a 62.500.000<br />

En 1920 de 62.500.000 a 100.000.000<br />

En 1928 de 100.000.000 a 105.000.000<br />

)


*Y» LJ6THJ<br />

D<br />

1869<br />

UN DES ASPECTS DU DÉVELOPPEMENT D'ALGER<br />

1929


— - 341<br />

au moment où les travaux agricoles exigent de plus larges dis<br />

ponibilités, n'hésitant pas à prolonger cet appui et à accorder<br />

des facilités de toutes sortes lorsque, par suite de récoltes défi<br />

citaires, la situation de ses clients le commande.<br />

Par des avances de plus longue durée et généralement sous<br />

forme de crédits garantis,<br />

elle met à leur disposition les fonds<br />

nécessaires à l'exécution de travaux de longue haleine pour<br />

assurer la mise en valeur de leurs terres.<br />

Dans les régions plus particulièrement productrices de céréales,<br />

elle a créé de vastes magasins où les agriculteurs peuvent entre<br />

poser leurs récoltes et, au cas de besoin,<br />

se créer des ressources<br />

en les warrantant. Il est ainsi possible aux colons d'entreprendre<br />

leur nouvelle campagne agricole sans être obligés de réaliser,<br />

à tout prix, les produits de la campagne précédente.<br />

A l'égard des commerçants,<br />

elle a su s'adapter à l'essor rapide<br />

de leurs affaires et à leur extension au delà du territoire nord-<br />

africain ;<br />

elle a mis à leur disposition des services organisés<br />

pour tout ce qui concerne les opérations documentaires et le<br />

change.<br />

Elle a également doté ses agences de services d'ordres de<br />

bourse et apporté une importante contribution au placement des<br />

emprunts de l'Etat et de l'industrie.<br />

CREDIT FONCIER D'ALGERIE ET DE TUNISIE<br />

Société anonyme au capital de 150 millions entièrement versés<br />

Siège social à Alger —<br />

Siège<br />

administratif à Paris<br />

A côté d'un établissement fondé dans un but commercial et<br />

monétaire, la mise en valeur de l'Algérie réclamait l'intervention<br />

d'un organisme spécial destiné à satisfaire aux importants<br />

besoins de crédit qu'éprouvait son agriculture naissante. Aussi,<br />

le privilège du Crédit Foncier de France avait-il été, dès 1860,<br />

étendu à la colonie.<br />

Mais cette extension avait été entourée de conditions parti<br />

culières et la rigueur de règles très strictes avait suscité des<br />

objections des colons (1). L'opinion publique se manifesta donc<br />

(1) Voir chapitre V.<br />

22


— — 342<br />

rapidement en faveur d'une institution de crédit agricole, plus<br />

en rapport avec les nécessités locales,<br />

d'autant que l'activité de<br />

l'établissement métropolitain se développait très lentement en<br />

raison des difficultés de recouvrement des annuités et de sur<br />

veillance des gages. Le siège central était trop<br />

prunteurs.<br />

éloigné des em<br />

Ces raisons motivèrent l'étude d'un organisme bénéficiant des<br />

prérogatives du Crédit Foncier et possédant la faculté de con<br />

trôler sur place la bonne fin des opérations. La première<br />

assemblée constitutive du Crédit Foncier et Agricole d'Algérie<br />

fut donc tenue le 30 novembre 1880 sous la présidence du gou<br />

verneur du Crédit Foncier en France.<br />

Cette création était commandée par le désir de fournir à l'Al<br />

gérie une institution de crédit agricole plus souple que celle<br />

fonctionnant dans la Métropole,<br />

d'un pays neuf,<br />

pouvant se plier aux exigences<br />

mais à laquelle la société mère prêterait son<br />

appui en mettant à sa disposition les ressources provenant des<br />

obligations à lots et en la faisant profiter des avantages résultant<br />

de ses privilèges.<br />

Le capital de la nouvelle société et les ressources procurées<br />

par ses dépôts devaient être utilisés pour des opérations agricoles<br />

à court terme, de manière à préparer pour le Crédit Foncier<br />

de France les opérations qui lui seraient remises quand les gages<br />

auraient pris une valeur suffisante.<br />

La Société Nord-Africaine pouvait, afin de favoriser la coloni<br />

sation, contribuer à la fondation de magasins généraux, consentir<br />

des prêts sur warrants, et en général effectuer toutes opérations<br />

de banque.<br />

Il s'établissait ainsi entre les deux sociétés une collaboration<br />

qui permettait d'accomplir toutes les opérations ayant trait à<br />

l'agriculture jusques et y compris les prêts à long terme amor<br />

tissables en 30 ans.<br />

La conception porta ses fruits et l'établissement algérien se<br />

développa progressivement, suivant lui-même l'évolution agricole<br />

de l'Algérie, participant vers 1880 à la création du vignoble,<br />

subissant à son tour le contre-coup de la crise, acquérant un<br />

domaine qu'il devait liquider plus tard et développant constam<br />

ment ses moyens d'action. Le capital fixé à 60.000.000 au début


— — 343<br />

s'élevait progressivement au chiffre actuel de 150.000.000, tan<br />

dis que le chiffre des dépôts dépassait le milliard en 1928, pour<br />

atteindre au début de 1929 plus de 1.600.000.000.<br />

En 1907, la Société, après l'absorption du Crédit Foncier de<br />

Tunisie, devenait le Crédit Foncier d'Algérie et de Tunisie et son<br />

activité, suivant l'expansion française, débordait ensuite sur tout<br />

le Maroc.<br />

En 1881, le Crédit Foncier d'Algérie n'avait que 8 succursa<br />

les en Afrique et en France. En 1918, il possédait 52 sièges en<br />

Algérie, sans compter le siège social et les bureaux d'Alger.<br />

Aujourd'hui, 7 succursales et 71 agences sont réparties entre<br />

les trois départements algériens ; il faut ajouter à ce nombre le<br />

siège social et les 4 bureaux d'Alger.<br />

La Société,<br />

qui possède un siège administratif à Paris et 4 suc<br />

cursales en France, dispose de 19 sièges en Tunisie, de 20 sièges<br />

au Maroc et de 5 succursales ouvertes à l'Etranger,<br />

en Syrie et<br />

dans les places les plus directement en rapport avec l'Afrique du<br />

Nord : Gibraltar, Malte et enfin Londres, soit au total 132 sièges.<br />

Le caractère spécialement algérien du Crédit Foncier d'Algérie<br />

et de Tunisie se manifeste par la composition de son Conseil,<br />

dont un tiers réside dans l'Afrique du Nord, tandis qu'un com<br />

missaire, délégué du Crédit Foncier de France, assiste avec voix<br />

consultative à celles des séances du Conseil d'Alger au cours des<br />

quelles sont examinées les affaires traitées en participation par]<br />

les deux établissements. Il est le chef du service de l'inspection<br />

foncière, dont les membres sont chargés de l'étude des demandes<br />

de prêts hypothécaires et de l'évaluation des gages.<br />

Les formes d'activité de la société africaine sont extrêmement<br />

variées.<br />

Les prêts à long terme sont financés avec les ressources pro<br />

venant des obligations à lots émises par le Crédit Foncier de<br />

France.<br />

Ces prêts, garantis par une hypothèque de premier rang sur<br />

un immeuble de revenu durable et certain, consentis pour une<br />

durée de 10 à 30 ans,<br />

sont remboursables par annuités.<br />

Le volume des prêts en participation n'a cessé de croître depuis<br />

1881. Après un ralentissement sensible durant les hostilités, le<br />

mouvement a repris son ampleur. C'est ainsi qu'au cours des dix


— — 344<br />

derniers exercices près de 80 millions furent consacrés aux<br />

prêts hypothécaires réalisés en Algérie,<br />

et le montant total des<br />

prêts réalisés en participation dans l'Afrique du Nord depuis<br />

1881 dépasse 300 millions.<br />

Les prêts aux communes, aux établissements publics, et spécia<br />

lement aux Chambres de commerce, dont on connaît le rôle dans<br />

la vie économique de l'Algérie,<br />

de France avec le concours du Crédit Foncier d'Algérie et de<br />

Tunisie,<br />

sont traités par le Crédit Foncier<br />

et donnent lieu à un mouvement sans cesse croissant de<br />

recouvrement d'annuités.<br />

Quant aux opérations qu'il traite seul, le Crédit Foncier d'Al<br />

gérie et de Tunisie dispose, pour les financer, des 150 millions<br />

de son capital et surtout des dépôts de sa clientèle, dont l'impor<br />

tance a été mentionnée plus haut.<br />

Le montant des opérations d'escompte, ainsi réalisé, dépasse<br />

actuellement le chiffre annuel de huit milliards de francs.<br />

Ces opérations comportent les ouvertures de crédit aux colons<br />

et la masse des opérations d'escompte nécessitées par l'activité<br />

économique de la Colonie. Ce sont les crédits de campagne des<br />

tinés à la préparation de toutes les récoltes algériennes : céréales,<br />

vigne, oliviers, bétail, lièges, orangers, plantes à parfum, dat<br />

tiers, puis l'escompte de toutes les traites nécessitées par le com<br />

merce de tous ces produits avec la Métropole et l'Etranger ; les<br />

crédits accordés aux mines réparties sur tout le territoire, et<br />

en sens inverse les opérations d'escompte relatives à tous les<br />

objets manufacturés importés dans la colonie : tissus, matériaux<br />

de construction, automobiles, machines, etc...<br />

Grâce à la création de docks silos et de magasins ouverts à<br />

partir de 1910 dans les contrées particulièrement agricoles, des<br />

avances peuvent être consenties en prenant comme gages les pro<br />

duits entreposés. Des effets sont souscrits en représentation de<br />

ces marchandises et escomptés ensuite par le Crédit Foncier d'Al<br />

gérie et de Tunisie qui réalise ainsi l'octroi des crédits nécessai<br />

res sous la forme d'avances sur marchandises qui, dès leur entrée<br />

en magasin font l'objet d'un contrat de nantissement.<br />

Le Crédit Foncier d'Algérie et de Tunisie a, d'autre part, lar<br />

gement contribué au développement et à l'organisation des maga<br />

sins généraux en Tunisie et au Maroc.


— — 345<br />

A côté de l'aide ainsi apportée directement à l'agriculture, le<br />

Crédit Foncier d'Algérie et de Tunisie a favorisé, de diverses<br />

manières, la mise en valeur du territoire de la colonie. Des parti<br />

cipations ont été prises lors de la constitution ou de l'accroisse<br />

ment du capital d'un certain nombre d'entreprises algériennes.<br />

En 1921, d'accord avec la direction de l'Agriculture, fut admis<br />

le principe du concours à apporter au fonctionnement des caisses<br />

régionales et locales du crédit agricole mutuel.<br />

Par la multiplication des formes de crédit qu'il peut offrir, il<br />

s'efforce, en effet, de satisfaire aux besoins de capitaux si variés<br />

dans tout pays en voie de développement. Le Crédit Foncier d'Al<br />

gérie et de Tunisie se trouve donc mêlé de la manière la plus<br />

intime à toutes les manifestations du développement économique<br />

de l'Algérie et de toute l'Afrique du Nord.<br />

CREDIT LYONNAIS<br />

Société Anonyme au capital de 408 millions<br />

Siège Social à Lyon<br />

Siège Central à Paris<br />

Le Crédit Lyonnais a été constitué à Lyon le 6 juillet 1863<br />

par Henri Germain,<br />

œuvre jusqu'à sa mort (1905).<br />

qui devait présider aux destinées de son<br />

Primitivement cantonnée dans la région lyonnaise et dans le<br />

Sud-Est, l'activité de cet établissement allait s'étendre progres<br />

sivement à toute la France. L'Algérie ne fut pas omise dans le<br />

programme que s'était tracé le fondateur de l'établissement ;<br />

en 1878, n'ayant pas encore quinze ans d'existence et ne comp<br />

tant encore que douze sièges, le Crédit Lyonnais s'installait, le<br />

premier parmi les grands établissements de crédit, sur les deux<br />

places d'Alger et d'Oran. Depuis lors,<br />

son développement en Algé<br />

rie s'est poursuivi d'après les mêmes méthodes que dans la<br />

France métropolitaine.<br />

Le Crédit Lyonnais a mis à la disposition des colons qui avaient<br />

la capacité et la volonté de réussir,<br />

sous forme le plus souvent<br />

de crédits de campagne, les capitaux indispensables à la mise en<br />

valeur de leurs exploitations. Le développement de l'établisse-


— — 346<br />

ment et la création d'agences dans toutes les régions de la<br />

Métropole lui permettaient de disposer de capitaux importants<br />

dont il pouvait faire, pour partie, un emploi à moyen terme, l'ori<br />

gine variée à l'infini de ceux-ci assurant une certaine stabilité<br />

au montant des dépôts effectués dans ses caisses.<br />

Il serait certes intéressant de suivre pas à pas la fortune des<br />

premières agences du Crédit Lyonnais en Algérie, de montrer<br />

comment chacune d'elles a su s'attacher une clientèle de plus en<br />

plus nombreuse et d'indiquer à quelles nécessités nouvelles a<br />

répondu la création des nouveaux sièges. Il suffira de dire qu'en<br />

1896, trois Agences étaient créées à Constantine, Philippeville,<br />

et Sidi-Bel-Abbès. En 1900, l'établissement ouvrait les guichets<br />

de Bône et en 1913 ceux de Mostaganem.<br />

La guerre survenant devait arrêter ce mouvement. Cependant<br />

le fonctionnement de tous les sièges existants put être assuré<br />

malgré la mobilisation de nombreux employés. En 1920, le<br />

programme d'expansion fut repris par la création de l'Agence<br />

de Guyofadlle et depuis cette date le nombre des nouveaux sièges<br />

alla s'accentuant concurremment avec le développement rapide de<br />

l'Algérie ; en 1923, l'Etablissement s'installe à Maison-Carrée<br />

et à Aïn-Témouchent, en 1924, à Blida, en 1927, à Tlemcen ;<br />

enfin tout récemment à Mascara, Boufarik, Orléansville et Sétif.<br />

En résumé, cent ans après le début de la pénétration française<br />

en Algérie, le Crédit Lyonnais y compte vingt-sièges, la seule<br />

Agence d'Alger ayant trois bureaux de quartier sous sa dépen<br />

dance.<br />

La situation économique actuelle de l'Algérie n'est en rien com<br />

parable à ce qu'elle était lorsque, il y a 52 ans, le Crédit Lyonnais<br />

ouvrait son premier guichet en Afrique du Nord. D'un pays en<br />

friche l'activité de nos colons a fait un gros producteur de vin<br />

et de céréales et un centre d'élevage important : c'est dire qu'il<br />

se traite maintenant dans ces départements des affaires com<br />

merciales portant sur des chiffres élevés et dans lesquelles la<br />

banque a aussi son rôle à jouer. Si le Crédit Lyonnais apporte<br />

encore aux colons l'appui de capitaux nouveaux toujours néces<br />

saires à la mise en valeur et à l'outillage de ces riches contrées,<br />

il met aussi à la disposition de la clientèle de ses agences algé<br />

riennes les nombreux services bancaires qui fonctionnent dans


— — 347<br />

tous ses sièges : escompte, encaissement, placement, paiement<br />

de coupons, avances sur titres, garde de titres, coffres-forts, etc.<br />

et toutes les facilités qui résultent d'un réseau de plus de 1.100<br />

agences tant en France qu'à l'Etranger et de l'existence de<br />

correspondants sur toutes les places importantes du monde<br />

entier.<br />

Le Crédit Lyonnais, conçu principalement sur le type d'une<br />

banque de dépôts,<br />

s'est adapté en Algérie aux nécessités toutes<br />

particulières d'un pays neuf et il a ensuite secondé l'évolution<br />

commerciale qui a succédé à l'effort de colonisation exclusive<br />

ment agricole du début.<br />

SOCIETE GENERALE<br />

POUR FAVORISER LE DEVELOPPEMENT DU COMMERCE<br />

ET DE L'INDUSTRIE EN FRANCE<br />

Société Anonyme au capital de 625 millions. Siège social à Paris<br />

La Société Générale pour favoriser le développement du Com<br />

merce et de l'industrie en France a été fondée en 1864.<br />

Toute son activité fut consacrée à l'organisation du crédit et<br />

à l'adaptation de ses services financiers aux besoins variés et<br />

toujours plus grands de l'économie nationale ;<br />

et cette partici<br />

pation ininterrompue à l'accroissement des forces productrices<br />

de la France devait avoir son prolongement naturel dans l'un de<br />

nos plus beaux domaines coloniaux : l'Algérie.<br />

La Société Générale n'était pas demeurée indifférente aux<br />

progrès considérables de la mise en valeur de l'Afrique du Nord :<br />

elle connaissait les abondantes sources de richesses offertes par<br />

une terre fertile à une population entreprenante et laborieuse ;<br />

elle voulait apporter au développement et à la prospérité des<br />

transactions de la colonie les crédits qui sont l'indispensable<br />

soutien de toute exploitation agricole ou commerciale.<br />

Elle fonda d'abord, en 1913, la Société Générale de l'Afrique du<br />

Nord, dont le siège social était h Tunis. Le rôle de cette société<br />

filiale devait être de mesurer l'étendue de l'œuvre qu'il serait<br />

possible d'accomplir dans l'Afrique du Nord et plus spécialement<br />

en Algérie. Quelques mois d'études et d'expérience suffirent à


— - 348<br />

décider la Société Générale à installer une succursale à Alger et<br />

une autre à Oran au début del'année 1914. *<br />

La guerre franco-allemande vint arrêter l'exécution d'un plus<br />

vaste programme qui ne put être reprise qu'en 1919. Les plus<br />

importantes places de l'Algérie, telles que Constantine, Bône,<br />

Bougie, Philippeville, Mostaganem,<br />

Sidi-bel-Abbès furent presque<br />

simultanément dotées chacune d'une agence autonome et orga<br />

nisée pour répondre aux principaux besoins financiers de la<br />

région.<br />

Dans un très court espace de temps, la Société Générale avait<br />

mis ainsi à la disposition de l'Algérie des crédits dont l'utilité<br />

était d'autant plus grande que l'instabilité du marché des capi<br />

taux constituait une menace constante pour l'exploitation métho<br />

dique de la terre et la réalisation de ses produits.<br />

Aujourd'hui la coopération de cet établissement de crédit à<br />

toute l'activité économique de l'Algérie a pris l'extension qu'il<br />

désirait. Le mouvement des escomptes et des encaissements du<br />

papier de commerce né des transactions avec la France, qui est<br />

le meilleur fournisseur et le meilleur client de l'Algérie, a mar<br />

qué chaque année une nouvelle augmentation pour atteindre dans<br />

le cours de 1928 les chiffres imposants de :<br />

228.650.000 francs en 39.500 effets, pour le papier sur France<br />

et 1.112.580.000 francs en 546.000 effets, pour le papier sur l'Al<br />

gérie.<br />

A ce total de 1.341.230.000 francs de papier de commerce, il<br />

faudrait ajouter les ouvertures de crédit que provoquent les<br />

exportations sur l'Etranger et les importations, car la Société<br />

Générale, forte de la situation privilégiée que lui crée l'organisa<br />

tion de son service de correspondance sur toutes les places du<br />

monde, est en mesure d'apporter tout le concours nécessaire à<br />

assurer les mouvements de fonds auxquels donnent lieu les règle<br />

ments avec l'extérieur.<br />

Ce n'est pas sous le seul aspect de la vie commerciale qu'il faut<br />

envisager le concours que la Société Générale a voulu apporter<br />

à l'Algérie. L'exportation est nécessairement conditionnée par le<br />

rendement de la terre et, sans négliger les risques provenant des<br />

conditions climatériques, la mise en valeur de la terre nécessite<br />

un apport constant de capitaux sans lesquels toute l'énergie et<br />

la ténacité de l'exploitant risqueraient de demeurer stériles.


— 349-<br />

Aussi un très large appui financier n'a-il pas été ménagé à<br />

l'agriculture. Qu'il se soit agi de seconder les initiatives indivi<br />

duelles ou les efforts des collectivités, tels les divers organismes<br />

coopératifs qui ont si puissamment contribué à la prospérité de<br />

l'Algérie, la Société générale s'est employée à assouplir ses cré<br />

dits en leur donnant la forme qui s'adaptait le mieux aux besoins<br />

de chacun. Elle voit avec satisfaction se développer chaque année<br />

cet ensemble de ses opérations qui contribuent à la production<br />

abondante de toutes les richesses agricoles : céréales, vins,<br />

tabacs, olives, pour ne rappeler que les principales et parmi les<br />

quelles il ne faudrait pas omettre le bétail, et plus particulière<br />

ment les moutons.<br />

SOCIETE MARSEILLAISE DE CREDIT INDUSTRIEL<br />

ET COMMERCIAL ET DE DEPOTS<br />

Société Anonyme au capital de 100 millions<br />

Siège Social à Marseille<br />

La Société Marseillaise de Crédit a été fondée en 1865.<br />

Son capital fixé, à l'origine, à 20 millions de francs, a été élevé<br />

successivement au chiffre de 100 millions (le 23 mars 1929).<br />

Les réserves dépassent 50 millions.<br />

Pendant de nombreuses années cet établissement limita son<br />

activité à la place de Marseille, mais,<br />

par suite du développement<br />

de ses opérations et de l'accroissement de sa clientèle, il fut con<br />

duit à créer, en 1881, une succursale à Paris. C'est seulement de<br />

1913 que date l'évolution de la Société Marseillaise de Crédit. A<br />

cette époque, facilitée par l'influence régionale déjà acquise, elle<br />

commença la mise en application d'un programme méthodique<br />

d'extension dans la France méridionale. C'est ainsi qu'elle créa<br />

un noyau important d'agences dans le Sud-Est et le Sud-Ouest<br />

de la France, absorbant plusieurs banques locales ou régionales,<br />

notamment les diverses succursales de la très ancienne banque<br />

Arnaud Gaidan, fondée elle-même en 1848.<br />

Puis,<br />

en raison des liens étroits qui unissent la Société Mar<br />

seillaise de Crédit avec de puissantes et anciennes sociétés colo<br />

niales et de navigation et en raison aussi de l'importance des


— — 350<br />

rapports d'échange existant, dans toutes les branches de l'indus<br />

trie et du commerce, entre Marseille et nos belles colonies nord-<br />

africaines — Algérie,<br />

Tunisie et Maroc —<br />

elle<br />

fut amenée à<br />

envisager une nouvelle extension de son réseau d'agences dans<br />

la zone d'influence méditerranéenne. Et, dès [1919,/ répondant<br />

ainsi aux besoins comme aux desiderata de son importante clien<br />

tèle des régions vinicoles — régions où cette société occupait<br />

déjà une situation privilégiée grâce à l'absorption des sièges de<br />

la Banque Arnaud Gaidan —<br />

sièges dans l'Afrique du Nord.<br />

elle décida la création de nouveaux<br />

Nous ne parlerons ici que des agences créées en Algérie et en<br />

Tunisie,<br />

mentionnant que le réseau de succursales de la Société<br />

Marseillaise de Crédit n'est cependant pas aussi étendu que celui<br />

des établissements de crédit dont ces colonies sont le principal<br />

rayon d'action : la Société Marseillaise de Crédit s'est bornée,<br />

jusqu'ici, à rechercher quelques points d'appui, visant unique<br />

ment à faciliter les opérations de ses clients de la Métropole.<br />

Dans le département d'Alger, la Société Marseillaise de Crédit<br />

a ouvert sa première agence à Alger, en février 1920, dans un<br />

immeuble situé rue Dumont-d'Urville. Ce siège n'a pas tardé à<br />

prendre un développement intéressant à la suite duquel fut<br />

décidée la création d'un bureau dans le quartier industriel de<br />

l'Agha. Ce bureau, ouvert en février 1925, est situé à proximité<br />

de la gare de marchandises et des terre-pleins de l'arrière port.<br />

Actuellement un deuxième bureau a été créé dans l'important<br />

quartier de Bab-el-Oued.<br />

Enfin, pour parfaire ses moyens d'action dans l'intérieur même<br />

du département, la Société Marseillaise de Crédit a décidé la<br />

création d'une sous-agence à Blida, qui fonctionne depuis novem<br />

bre 1927.<br />

Dans le département d'Oran, l'agence d'Oran a commencé ses<br />

opérations en novembre 19jt9^ Ce siège a pris, lui aussi, rapide<br />

ment, un développement appréciable, développement qui a motivé<br />

la création en octobre 1927_d'une sous-agence à Sidi-bel-Abbès.<br />

Dans le département de Constantine, la Société Marseillaise a<br />

ouvert cette année une agence à Constantine et des sous-agences<br />

à Philippeville et à Bône.<br />

En Algérie comme en Tunisie où elle possède des agences, la


— 351 —<br />

Société Marseillaise de Crédit a prêté son concours à toutes les<br />

branches économiques en général (plus spécialement aux vins,<br />

huiles, futailles, céréales, fruits, primeurs, bois, alfas, pépinières,<br />

tabacs, denrées coloniales, tissus, cuirs et peaux, machines agri<br />

coles, produits œnologiques, crin végétal, etc..)<br />

La Société Marseillaise de Crédit —<br />

qui possédait déjà à Paris,<br />

un bureau de quartier au numéro 24 de la rue de Paradis où<br />

sont établies presque toutes les grandes maisons d'exportation —<br />

a créé, il y a quelques mois, pour faciliter les affaires de sa très<br />

importante clientèle vinicole, un nouveau bureau de quartier dans<br />

les entrepôts même de Bercy, centre du commerce des vins en<br />

gros de la capitale.<br />

Enfin, cet établissement possède des agences dans les princi<br />

pales villes de — saison du centre de la France Vichy, La Bour-<br />

boule, Vals-les-Bains —<br />

dités à sa clientèle de l'Afrique du Nord.<br />

offrant ainsi les plus grandes commo<br />

BARCLAYS BANK (FRANCE) LIMITED<br />

Cette banque, dont le siège principal est à Paris et qui pos<br />

sède en France 14 agences, est également installée à Alger depuis<br />

novembre 1919 et à Oran depuis novembre 1920,<br />

Elle est uneTïliale de Barclays Bank Limited, de Londres, qui<br />

est un des plus importants et des plus anciens établissements de<br />

crédit du Royaume-Uni et dont les dépôts atteignaient à fin 1928<br />

£ 335.881.222., et le nombre des succursales en Angleterre et<br />

Pays de Galles plus de 1.950.<br />

Les deux agences algériennes de Barclays Bank (France)<br />

Limited furent tout d'abord fondées à la demande de la maison-<br />

mère de Londres pour répondre aux besoins de sa clientèle de<br />

touristes Anglais se rendant en Algérie et qui chaque année<br />

devenait plus nombreuse.<br />

Tout en contribuant par les facilités données à sa clientèle<br />

anglaise, à développer cette intéressante branche d'activité qu'est<br />

le tourisme en Algérie, Barclays Bank (France) Ltd. commença<br />

ces dernières années à s'intéresser au commerce et à l'industrie<br />

locale dont la prospérité ne cessait de s'affirmer.<br />

Barclays Bank (France)<br />

Ltd. commença alors à prêter son


- 352<br />

—<br />

concours aux maisons algériennes travaillant plus spécialement<br />

avec l'Angleterre (exportation d'alfa, céréales, minerais de fer,<br />

phosphates, etc., importation de charbon, machines, produits<br />

chimiques, etc..) puis, devant les besoins croissants d'une agri<br />

culture en plein développement,<br />

aide financière.<br />

n'hésita pas à lui apporter son<br />

C'est ainsi que dans l'exposé de la situation générale de l'Al<br />

gérie en 1927 présenté par M. Pierre Bordes, gouverneur géné<br />

ral, nous voyons figurer Barclays Bank (France) Ltd. au hui<br />

tième rang (après la Banque de l'Algérie, la Compagnie Algé<br />

rienne, le Crédit Foncier Agricole d'Algérie et de Tunisie, le<br />

Crédit Lyonnais, la Société Générale, la Société Marseillaise et<br />

la Banque Industrielle de l'Afrique du Nord)<br />

de ses escomptes :<br />

pour l'importance<br />

Papier sur la France Frs 86.857.198 40<br />

Papier sur l'Algérie Frs 83.475.195 69<br />

Soit au total,<br />

pour l'année 1927 Frs 170.332.394 09<br />

et au sixième rang pour l'importance de ses opérations d'encais<br />

sement :<br />

Papier sur la France Frs 15.403.367 50<br />

Papier sur l'Algérie Frs 43.793.158 45<br />

Soit au total, pour l'année 1927 Frs 59.196.525 95


II. — Banques<br />

353 —<br />

locales<br />

Comptoirs d'escompte locaux<br />

COMPTOIR D'ESCOMPTE DE MARENGO<br />

Société anonyme constituée le 3 octobre 1879<br />

Capital Le capital, fixé à 80.000 francs,<br />

a été successive<br />

ment porté à 200.000 en 1881, à 400.000 en 1885, à 500.000<br />

en 1890, à 1.000.000 en 1926. Les actions sont de mille francs<br />

et libérées de moitié.<br />

Réserves. —<br />

A<br />

gnaient 1.865.901 francs.<br />

Portefeuille et dépôts. —<br />

la fin de l'exercice 1928, les réserves attei<br />

Au<br />

31 décembre 1928, le porte<br />

feuille et les dépôts s'élevaient respectivement à 7.356.369 et<br />

4.678.910 francs.<br />

Capital. —<br />

COMPTOIR D'ESCOMPTE DE BEL-ABBES<br />

Le<br />

Société anonyme fondée en 1880<br />

capital, fixé à 200.000 francs, a été porté suc<br />

cessivement à 500.000 francs en 1882, à 1.500.000 en 1921, à<br />

5.000.000 en 1926. Il est représenté par :<br />

1° 1.500 actions de 1.000 francs entièrement libérées ;<br />

2° 3.500 actions de 1.000 francs sur lesquelles il n'a été appelé<br />

que le premier quart, le deuxième quart a été libéré par prélè<br />

vement sur les bénéfices de l'année 1928.<br />

Réserves. —<br />

A<br />

gnaient 10.400.000 francs.<br />

la fin de l'exercice 1928 les réserves attei


Portefeuille et dépôts. —<br />

— — 354<br />

Au<br />

31 décembre 1928, le porte<br />

feuille et les dépôts s'élevaient respectivement à 38.318.688 et<br />

27.820.899 francs.<br />

COMPTOIR D'ESCOMPTE DE MASCARA<br />

Société anonyme créée en 1880<br />

— Capital. Le capital, fixé à 300.000 francs, s'élève actuelle<br />

ment à 600.000 francs représenfé par 1.200 actions libérées du<br />

quart.<br />

Réserves. —<br />

A<br />

gnaient 2.520.401 francs.<br />

Portefeuille et dépôts. —<br />

la fin de l'exercice 1928, les réserves attei<br />

Au<br />

31 décembre 1928, le porte<br />

feuille et les dépôts s'élevaient respectivement à 13.298.235 et<br />

17.340.216 francs.<br />

Capital. —<br />

COMPTOIR D'ESCOMPTE DE RELIZANE<br />

Le<br />

Société anonyme constituée en 1880<br />

capital, fixé à 150.000 francs, a été porté à<br />

300.000 francs en 1883, représenté par 600 actions de 500 francs<br />

libérées du quart.<br />

Réserves. —<br />

A<br />

gnaient 1.750.000 francs.<br />

Portefeuille et dépôts. —<br />

la fin de l'exercice 1928, les réserves attei<br />

Au<br />

31 décembre 1928, le porte<br />

feuille et les dépôts s'élevaient respectivement à 10.473.140 et<br />

8.360.243 francs.<br />

Capital. —<br />

COMPTOIR D'ESCOMPTE DE L'ARBA<br />

Le<br />

Société anonyme constituée en 1880<br />

capital, fixé à 100.000 francs, a été porté à<br />

200.000 en 1887, puis à 600.000 en 1927, représenté par<br />

1.200 actions de 500 francs entièrement libérées.


Réserves. —<br />

A<br />

gnaient 456.012 francs.<br />

Portefeuille et dépôts. —<br />

- 355<br />

—<br />

la fin de l'exercice 1928, les réserves attei<br />

Au 31 décembre 1928, le portefeuille<br />

et les dépôts s'élevaient respectivement à 5.752.596 et 6.133.901e<br />

francs.<br />

Capital. —<br />

COMPTOIR D'ESCOMPTE DE MEDEA<br />

Société Anonyme constituée le 26 mars 1881<br />

Le capital fixé à 100.000 fr. a été porté à 200.000<br />

en 1882, à 400.000 en 1885 et à 1.200.000 en 1921, divisé en<br />

actions de 500 fr. entièrement libérées.<br />

Réserves. —<br />

A<br />

gnaient 3.370.000 francs.<br />

Portefeuille et dépôts. —<br />

la fin de l'exercice 1928, les réserves attei<br />

Au<br />

31 décembre 1928, le porte<br />

feuille et les dépôts s'élevaient respectivement à 21.920.763 et<br />

17.247.733 francs.<br />

Capital. —<br />

COMPTOIR D'ESCOMPTE D'AIN-TEMOUCHENT<br />

Le<br />

Société Anonyme créée en 1881<br />

capital fixé à 154.000 francs a été porté à<br />

300.000 francs en 1882, à 600.000. francs en 1884,<br />

ramené à<br />

300.000 francs en 1891 et reporté à 600.000 francs en 1900,'<br />

représenté par 1.200 actions de 500 francs dont 1/4 versé.<br />

Réserves. —<br />

A<br />

gnaient 3.116.245 francs.<br />

Portefeuille et dépôts. —<br />

la fin de l'exercice 1928, les réserves attei<br />

Au<br />

31 décembre 1928, le portefeuille<br />

et les dépôts s'élevaient respectivement à 10.878.612 francs et<br />

35.807.232 francs.


— — 356<br />

CAISSE AGRICOLE ET COMMERCIALE DE GUELMA<br />

Capital. —<br />

Société Anonyme fondée en 1885 par Louis Lavie<br />

Le<br />

capital fixé à 200.000 francs a été porté à<br />

400.000, puis à 800.000 francs en 1927, divisé en 1.600 actions<br />

de 500 francs entièrement libérées.<br />

Réserves. —<br />

A<br />

gnaient 202.996 francs.<br />

— Portefeuille et dépôts. Au<br />

la fin de l'exercice 1928, les réserves attei<br />

31 décembre 1928, le portefeuille<br />

et les dépôts s'élevaient respectivement à 6.292.816 et 5.407.539<br />

francs.<br />

NOUVEAU COMPTOIR D'ESCOMPTE DE BATNA<br />

Capital. —<br />

Société Anonyme constituée le 16 mars 1891<br />

Le<br />

capital fixé à 160.000 francs est représenté par<br />

400 actions de 400 francs, libérées du quart.<br />

Réserves. —<br />

A<br />

gnaient 877.764 francs.<br />

la fin de l'exercice 1928' les réserves attei<br />

— Portefeuille et dépôts. Au 31 décembre 1928, le portefeuille<br />

et les dépôts s'élevaient respectivement à 5.335.840 et 6.713.640<br />

francs.<br />

Capital. —<br />

COMPTOIR D'ESCOMPTE D'AFFREVILLE<br />

Société Anonyme constituée le 9 mars 1892<br />

Le<br />

capital fixé à 200.000 francs a été porté à<br />

300.000 francs en 1920, à 652.000 francs en 1924 et à<br />

1.500.000 francs en 1926, divisé en 1.500 actions de 1.000 francs.<br />

Réserves. —<br />

A<br />

gnaient 518.460 francs.<br />

la fin de l'exercice 1928, les réserves attei<br />

— Portefeuille et dépôts. Au 31 décembre 1928, le portefeuille<br />

et les dépôts s'élevaient respectivement à 8.587.814 et 7.949.352<br />

francs.


»'<br />

àWE* ^* f<br />

FABRICATION DE TAPIS


— 357<br />

—<br />

COMPTOIR D'ESCOMPTE DE LOURMEL<br />

Fondé en janvier 1905, le Comptoir d'Escompte n'a pas revêtu<br />

la forme d'une société anonyme, mais celle d'une association<br />

particulière en participation dont le capital a été fixé à 85.000<br />

francs.<br />

COMPTOIR D'ESCOMPTE DE LA GRANDE KABYLIE<br />

Société Anonyme constituée en juin 1923<br />

Capital Le capital a été fixé à 1.000.000 en 2.000 actions<br />

de 500 francs, libérées de moitié.<br />

Réserves. —<br />

A<br />

gnaient 600.000 francs.<br />

Portefeuille et dépôts. —<br />

«<br />

la fin de l'exercice 1928, les réserves attei<br />

Au<br />

31 décembre 1928, le portefeuille<br />

et les dépôts s'élevaient respectivement à 5.059.927 et 4.154.651<br />

francs.<br />

23'


1. Crédit Algérien.<br />

— — 358<br />

111.— Banques d'affaires<br />

2. Banque Industrielle de l'Afrique du Nord.<br />

CREDIT ALGERIEN<br />

pour favoriser le développement agricole, commercial<br />

et industriel de l'Algérie<br />

Société Anonyme au capital de 16 millions<br />

Siège social à Paris<br />

Le Crédit Algérien, constitué en 1881, n'a pas limité son champ<br />

d'activité à l'Algérie. Il a dirigé également ses efforts vers les<br />

autres régions françaises de l'Afrique du Nord, la plupart des<br />

colonies et naturellement la Métropole.<br />

Renonçant aux opérations courantes d'escompte qui, lors de<br />

sa création, étaient déjà largement assurées tant par les établis<br />

sements algériens que par les établissements métropolitains ins<br />

tallés dans le Nord de l'Afrique,<br />

il a porté ses premiers efforts<br />

vers le développement de la propriété foncière en Algérie et en<br />

Tunisie et vers la réorganisation puis le développement pro<br />

gressif de la Compagnie des Chemins de Fer de l'Ouest-Algérien,<br />

dont le réseau s'étendait, dès 1910, jusqu'à la frontière du Maroc<br />

et qui fut chargée, en 1916,<br />

de la frontière à Oudjda.<br />

de l'exploitation de la ligne allant<br />

Dès 1887, le Crédit Algérien apporte largement son concours<br />

aux villes et départements algériens, traitant au fur et à mesure<br />

des besoins des intéressés de nombreux emprunts : villes de<br />

Mostaganem, Oran, Constantine, Souk-Ahras, Orléansville, Blida,<br />

Bône, Sidi-bel-Abbès, Médéa, Saïda, Aumale, Aïn-Temouchent,<br />

Perrégaux, départements d'Alger, d'Oran et de Constantine.<br />

En accord avec d'autres établissements il a, un peu plus tard,<br />

participé largement aux emprunts du Gouvernement général de<br />

l'Algérie, de la Régence de Tunis, de la Caisse des Prêts Com<br />

munaux de Tunisie, du Gouvernement général de Madagascar,<br />

aux emprunts du Gouvernement impérial du Maroc, des Gouver-


— 359 —<br />

ments généraux de l'Afrique Occidentale française et de l'Afri<br />

que Equatoriale française.<br />

Le Crédit Algérien a traité également les emprunts des colo<br />

nies de la Guadeloupe, de la Martinique, de la Nouvelle-Calédo<br />

nie, de Saint-Pierre et Miquelon et de La Réunion, des villes de<br />

Dakar, de Rufisque, etc.; il a apporté un concours constant à<br />

la Compagnie des Ports de Tunis, Sousse et Sfax qui a joué un<br />

rôle de premier plan dans le développement de la Tunisie, en<br />

procédant à l'émission de ses diverses séries d'obligations, et par<br />

ticipé notamment à la constitution de la Banque d'Etat du Maroc,<br />

de la Compagnie générale du Maroc, de la Compagnie générale<br />

des Colonies.<br />

Il a pris part également à de nombreuses émissions d'obliga<br />

tions faites par des sociétés exploitant des services publics au<br />

Maroc (Chemins de fer, Ports, Electricité, etc..)<br />

et a apporté<br />

son appui financier à des entreprises dont le développement ne<br />

peut manquer d'avoir d'heureux résultats pour l'Algérie et les<br />

diverses régions africaines administrées par la France.<br />

BANQUE INDUSTRIELLE DE L'AFRIQUE DU NORD<br />

Société Anonyme au capital de 12.500.000 francs.<br />

Siège social à Paris<br />

La Banque Industrielle de l'Afrique du Nord fut constituée<br />

le 11 août 1919 au capital de 12.500.000 francs. En dehors de ce<br />

capital, les ressources de la Banque devaient provenir d'une<br />

dotation et d'une avance de la Banque de l'Algérie de cinq mil<br />

lions chacune qui furent réalisées, et éventuellement d'émissions<br />

d'obligations.<br />

Le président, M. Rodocanachi,<br />

administrateur de la Banque<br />

de l'Algérie, s'exprimait ainsi, lors de la première assemblée des<br />

actionnaires de la Banque Industrielle de l'Afrique du Nord :<br />

« Les hommes actifs et entreprenants qui,<br />

pendant ces derniè<br />

res années, alors que nos colonies africaines n'étaient pas encore<br />

sorties du stade agricole,<br />

ont su conduire le Nord de l'Afrique<br />

au haut degré de prospérité qu'il a atteint, seront,<br />

sans aucun<br />

doute, aptes à créer une industrie locale florissante. Ils peuvent


— — 360<br />

compter sur notre concours pour les aider dans leur œuvre ;<br />

d'une part, nous sommes prêts à faciliter l'extension des entiv<br />

prises déjà existantes par des prêts à moyen et à long terme ou<br />

par des méthodes usitées dans les pays de formation financière<br />

plus ancienne ; d'autre part, nous accorderons notre plus sérieuse<br />

attention à toutes les suggestions qui nous seront présentées<br />

pour la création d'affaires nouvelles qui nous paraîtront suscep<br />

tibles de s'adapter aux conditions économiques du pays ».<br />

L'objet de la Banque Industrielle de l'Afrique du Nord a été<br />

défini en termes très larges par ses statuts. Elle peut notam<br />

ment : « prêter son concours à des associations déjà constituées,<br />

sous la forme de sociétés ou de participations<br />

ou à constituer,<br />

de toutes natures, civiles ou commerciales, se charger de la cons<br />

titution de ces sociétés, de l'émission de leur capital, du place<br />

ment de leurs actions et obligations...,<br />

accepter tout mandat de<br />

contrôle et de surveillance sur les opérations... en un mot cons<br />

tituer, suivre dans leur développement, comme actionnaire ou<br />

intéressée de manière quelconque, patronner et contrôler d'au<br />

tres établissements commerciaux, industriels, agricoles ou finan<br />

ciers. »<br />

L'organisme créé avec la collaboration de la Banque de l'Algé<br />

rie fut donc prêt, dès le lendemain de la signature de la paix, à<br />

donner son concours à l'industrie ; mais il faut reconnaître qu'il<br />

était doté d'assez faibles moyens d'action,<br />

qu'il commençait ses<br />

opérations à une période d'activité industrielle un peu factice, née<br />

des besoins de la guerre puis des illusions de l'inflation, et qu'en<br />

fin le marché de l'argent ne se prêtait guère à l'émission d'obli<br />

gations, lui permettant d'étendre immédiatement son influence.<br />

Toutefois, cette création marque une étape intéressante dans<br />

l'évolution bancaire algérienne, et la Banque Industrielle de<br />

l'Afrique du Nord a pu, peu à peu, développer son action et<br />

contribuer efficacement au développement des industries de la<br />

Colonie.<br />

Dès 1920,<br />

outre le concours régulier qu'elle donnait à diver<br />

ses sociétés industrielles devenues ses clientes, elle réalisait la<br />

réorganisation de certaines industries locales (manufactures de<br />

tabac,<br />

chaux et ciments).<br />

Puis, les années suivantes, elle donna son concours notamment


— — 361<br />

à une importante société pour le traitement des sous-produits de<br />

la vigne et de l'olivier ; à des coopératives de tabacs dont l'action<br />

s'est heureusement exercée pour le développement de la produc<br />

tion du tabac et l'ouverture de débouchés ; à des entreprises<br />

chargées de construire des barrages devant permettre d'irri<br />

guer les plaines les plus intéressantes de la colonie ; à des<br />

industries diverses : pâtes alimentaires, minoteries, pêche, con<br />

serves, produits chimiques et engrais, matériel agricole et indus<br />

elle a étendu<br />

triel, meubles, lièges, tapis, mines et carrières ;<br />

son action en Tunisie et au Maroc.<br />

Le montant des effets négociés par elle est passé de 35.000.000<br />

la première année (1920) à 601 millions en 1928.<br />

Elle est administrée par un Conseil dont la Banque de l'Algé<br />

rie a le droit de désigner un tiers des membres,<br />

sans que les<br />

administrateurs communs à la Banque de l'Algérie et à la Ban<br />

que Industrielle de l'Afrique du Nord puissent se trouver en<br />

majorité. Le Directeur général de la Banque de l'Algérie est<br />

Commissaire du Gouvernement auprès de cette Banque.


CHAPITRE XII<br />

INSTITUTIONS DE CRÉDIT CRÉÉES OU SOUTENUES<br />

PAR L'ÉTAT OU PAR LES COMMUNES<br />

Intervention de l'Etat en faveur de certaines instituions de cré<br />

dit. Ressources dont l'État dispose pour cet objet. Elles proviennent<br />

pour la plus grande part de la banque de l'algérie.<br />

1* Le Crédit Agricole. —<br />

Objet<br />

du crédit agricole. Crédit a court<br />

terme. Concours donné par les Banques pour le crédit a court terme.<br />

Crédit a moyen terme, crédit a long terme. Bases de la législation<br />

spéciale du crédit agricole mutuel. Caisses locales et Caisses régionales.<br />

Sociétés coopératives de production agricole- Caisse foncière agricole<br />

d'Algérie. Statistiques des Caisses régionales et locales et des sociétés<br />

coopératives agricoles. Crédit agricole aux indigènes. Sociétés de<br />

prévoyance et de prêts mutuels aux indigènes.<br />

2° Les Banques populaires. — Origine<br />

des Banques populaires. Prin<br />

cipes sur lesquels repose la législation concernant les Banques popu<br />

laires. Attributions générales et devoirs des Banques populaires.<br />

Attributions spéciales dévolues aux Banques populaires (Crédit aux<br />

démobilisés. Crédit a l'artisanat. Crédit hôtelier. Crédit maritime).<br />

Statistique et monographies des Banques populaires algériennes. Sociétés<br />

spéciales pour le crédit a la construction d'immeubles a bon marché.<br />

3* Les Caisses de Crédit Municipal. —<br />

Prêts sur gages mobiliers.


Une minoterie<br />

»^Y%L>1"<br />

TH J. !? t7>Chambre à Cviindre* dans une Minoterie


A côté des établissements de crédit et des banques privées<br />

dont nous avons parlé dans le chapitre précédent, il existe en<br />

Algérie des institutions de crédit en faveur desquelles les pou<br />

voirs publics interviennent,<br />

en leur accordant des exonérations<br />

spéciales d'impôts, des subventions et des avances. Cette inter<br />

vention se justifie par le rôle spécial que la loi assigne à ces<br />

institutions dans un intérêt général, économique et social.<br />

Certes, le crédit mis par les établissements bancaires privés à<br />

la disposition de ceux qui en sont jugés dignes n'est pas réservé<br />

à une catégorie sociale. Chacun peut en bénéficier, du moment<br />

qu'il présente, tant par lui-même,<br />

dispose d'autre part, les garanties que ces établissements ont le<br />

que par les ressources dont il<br />

devoir de prendre en considération avec d'autant plus d'attention<br />

d'engager les fonds de<br />

qu'il s'agit, pour les banques de dépôt,<br />

leurs clients ou, pour la banque d'émission, la couverture des<br />

billets de banque.<br />

Ces garanties sont relativement faciles à apprécier quand l'exa<br />

men qu'il en faut faire porte sur de grandes maisons dont<br />

l'activité s'exerce sous le contrôle quotidien du public ou se tra<br />

duit dans les écritures de bilans<br />

plus difficile à<br />

contrôlables. Leur valeur est<br />

déterminer lorsqu'elles concernent la petite agri<br />

culture, le petit commerce, la petite industrie et l'artisanat.<br />

précédemment l'évolution de la question du<br />

On a pu suivre<br />

crédit agricole. C'est la première qui se soit posée à cet égard en<br />

Algérie ; mais elle ne fut pas la seule.<br />

Pendant longtemps, le petit commerçant et le petit industriel,<br />

aussi bien dans la métropole que dans la colonie,<br />

des besoins de<br />

n'eurent que<br />

crédit limités. Ils se contentaient souvent d'un<br />

outillage réduit, utilisé jusqu'à l'usure, de gains leur assurant,<br />

conditions modestes, une vie suffisamment indépen<br />

dans des<br />

conforme<br />

dante et à leur goût. Leur clientèle leur demeurait<br />

lorsqu'elle trouvait auprès d'eux une certaine régularité<br />

attachée,<br />

INTERVEN<br />

TION<br />

DE L'ÉTAT<br />

EN FAVEUR<br />

DE CERTAI<br />

NES INSTI<br />

TUTIONS<br />

DE CRÉDIT


— — 866<br />

dans la production. Le crédit individuel que pouvaient leur faire<br />

les vendeurs de matières premières répondait, en général, aux<br />

nécessités du fonctionnement de leurs petites entreprises, et, leur<br />

clientèle n'exigeant pas d'eux de crédits excessifs et effectuant<br />

ses paiements avec une certaine régularité, le fonds de roulement<br />

dont ils avaient besoin était assez faible. Puis, peu à peu, au fur<br />

et à mesure que le machinisme se développa, que la fabrication<br />

en séries imposa des types uniformes et des prix moins élevés,<br />

que les moyens de communication plus répandus activèrent la<br />

concurrence en facilitant le rapprochement des vendeurs et des<br />

acheteurs, que les goûts se modifièrent, que les procédés de<br />

fabrication et que les méthodes de vente se transformèrent, les<br />

petits industriels, les petits commerçants se trouvèrent entraînés<br />

dans ce mouvement général. Il leur fallut des ressources plus<br />

étendues et plus souples. Le crédit leur devint nécessaire, soit<br />

pour compléter leur installation, soit pour assurer leur fonds<br />

de roulement et le rendre indépendant du crédit que leur faisaient<br />

leurs fournisseurs et qui, les plaçant sous la dépendance de<br />

ceux-ci, leur enlevait toute liberté dans leurs achats, soit enfin<br />

pour mobiliser leurs créances, c'est-à-dire le crédit qu'ils consen<br />

taient eux-mêmes à leurs propres acheteurs.<br />

En France métropolitaine, beaucoup trouvèrent accès aux<br />

guichets des banquiers locaux qui, connaissant bien la clientèle<br />

de leur région, pouvaient donner au crédit personnel une part<br />

souvent prépondérante. En Algérie, un tel concours ne pouvait<br />

guère venir, à défaut de banquiers locaux trop peu nombreux<br />

ou trop spécialisés,<br />

que de la part de particuliers recherchant<br />

pour leurs capitaux un intérêt élevé, ou de grands établissements<br />

bancaires sollicités d'autre part par toutes les activités mises<br />

en œuvre pour la colonisation et le développement économique<br />

du pays. On peut donc en conclure que le petit commerce et la<br />

petite industrie ne trouvaient pas, en Algérie, les mêmes facilités<br />

qu'en France et que, dans la colonie, plus encore que dans la<br />

métropole, il existait de ce chef, depuis plusieurs années, une<br />

lacune dans l'organisation bancaire ; mais il ne faut pas croire<br />

que cette lacune eût des conséquences bien graves ; les banques<br />

et la Banque de l'Algérie elle-même s'efforçaient d'y remédier et<br />

le faisaient avec succès : la division du papier escompté, le faible


— — 367<br />

montant moyen des effets, le très grand nombre de petites som<br />

mes figurant sur la plupart de ces effets témoignent du libé<br />

ralisme qui inspirait à cet égard la banque d'émission. On doit<br />

trouver là, sans doute, l'explication de ce fait que des banques<br />

spéciales n'aient pas pris antérieurement une grande extension<br />

en Algérie (1).<br />

Au surplus le fonctionnement de telles banques n'est pas sans<br />

présenter des difficultés qui leur sont propres. Les risques de<br />

pertes, inhérents à une clientèle composée de petits commer<br />

çants, de petits industriels ou artisans comme de petits colons,<br />

sont nombreux et difficiles à suivre. La banque ne peut guère<br />

les éviter que si elle a le moyen de recueillir sur chaque client<br />

des informations continues, détaillées et précises, et elle ne peut<br />

le faire que si elle est sur place, si elle suit pas à pas elle-même<br />

sa clientèle. Le crédit de cette nature doit donc avoir une base<br />

locale. Il existe bien, nous l'avons vu, dans chaque région, des<br />

escompteurs ou des prêteurs locaux, mais ils n'ont pas tous une<br />

conception assez élevée de leur rôle pour voir au delà du gain<br />

qu'ils peuvent réaliser immédiatement et ils calculent ce gain<br />

d'après les risques éventuels qu'ils courent qui, bien souvent, il<br />

faut le reconnaître,<br />

sont considérables. Une prime d'assurance<br />

est justifiée en présence de ces risques ; mais qui ne sait combien<br />

est parfois difficile à discerner la nuance qui distingue une telle<br />

prime d'un taux usuraire. L'escompteur, usurier de race ou seu<br />

lement trop méfiant de nature,<br />

s'assure d'abord en quelques<br />

semestres, par la seule perception des intérêts, la rentrée du<br />

capital prêté qu'il sait incertaine à l'échéance et ce n'est pas<br />

sur le bon crédit que s'établit en pareil cas le taux de l'intérêt,<br />

c'est sur le pire.<br />

La Banque de l'Algérie,<br />

secondée par les grandes banques<br />

(1) On trouve il est vrai plusieurs types anciens de Banques populaires<br />

(les premiers datent dans la Métropole de 1830). A Alger, un Crédit<br />

Mutuel d'Alger fut fondé le 16 avril 1864 et définitivement constitué le<br />

19 mars 1865 sous la forme d'une société anonyme à capital variable. Le<br />

capital souscrit fut d'abord très faible, puis augmenta successivement<br />

jusqu'à 100.000 francs divisé en 2.000 parts de 50 francs au 1er janvier<br />

1889. Cette banque consentait des prêts et faisait également des opérations<br />

d'escompte. (Albeztini : Le développement des Banques -populaires en<br />

Franc&~Pa.ris 1926).Cet exemple fut suivi dans toute la Mitidja. En 1868,<br />

il existait des Sociétés de crédit mutuel à Boufarik, Bou-Ismaël, Coléa.


RESSOURCES<br />

DONT<br />

DISPOSE<br />

L'ÉTAT POUR<br />

CET OBJET.<br />

ELLES PRO<br />

VIENNENT<br />

POUR<br />

LA PLUS<br />

GHANDE PART<br />

DELA BANQUE<br />

DE L'ALGÉRIE.<br />

— — 368<br />

et par les comptoirs locaux, a combattu avec succès cette ten<br />

dance qui ruine le pays et brise bien des initiatives ; mais elle<br />

ne peut étendre son action partout. Là se trouve la justification<br />

d'une législation spéciale concernant particulièrement le crédit<br />

agricole, la petite industrie, le petit commerce.<br />

Cette législation a pour objet : 1° de mettre à la disposition<br />

de certains organismes spéciaux des sommes qui peuvent non<br />

seulement constituer un fonds de roulement,<br />

mais éventuelle<br />

ment un fonds de réserve provisoire ; 2° d'assigner à ces orga<br />

nismes un rôle déterminé et spécialisé ; 3° d'assurer sur leur<br />

fonctionnement un contrôle nécessaire.<br />

Elle a existé dans la métropole avant de fonctionner dans la<br />

colonie ;<br />

nous en avons vu les raisons en ce qui concerne le crédit<br />

agricole. Elle ne pouvait, au surplus, y être introduite avant que<br />

l'Algérie disposât de ressources nécessaires pour alimenter les<br />

avances ou subventions devant permettre la création et le fonc<br />

tionnement de ces organismes.<br />

*<br />

* *<br />

Là encore, la Banque de l'Algérie a joué un rôle tutélaire.<br />

D'un côté, les ressources directes ont été fournies par elle,<br />

au moyen de la redevance qui lui est imposée annuellement et<br />

de la part que l'Etat s'est assurée dans ses bénéfices, ainsi que<br />

des avances qu'elle a consenties à la Colonie, de l'autre, elle<br />

accepte à l'escompte le bon papier commercial ou le bon papier<br />

de campagne qui se trouve dans le portefeuille de ces organismes<br />

spéciaux et les banques ou sociétés de crédit accueillent égale<br />

ment ce papier, sachant qu'elles pourront le réescompter à la<br />

Banque de l'Algérie.<br />

Nous rappelons ici pour mémoire (1) le montant des sommes<br />

mises par la Banque à la disposition de l'Etat pour l'Algérie à<br />

la fin de l'année 1928.<br />

(1) Voir chapitre IX.


1° Produit de la redevance :<br />

— — 369<br />

a) Ressources permanentes<br />

Depuis 1900 jusqu'à fin 1928 81.211.061 09<br />

(dont 7.455.977,56 pour l'année 1928).<br />

2° Partage de dividendes :<br />

Depuis l'exercice 1920-1921 au cours duquel le<br />

dividende servi par la Banque a été, pour la<br />

première fois, supérieur à 150 francs, le<br />

partage du dividende a donné 24.484.039 07<br />

3° Affectation de la réévaluation de l'encaisse<br />

au remboursement d'avances :<br />

Sur le produit de la réévaluation de l'encaisse<br />

de la Banque, l'Algérie a remboursé à celle-ci<br />

les avances de 18 millions (loi du 29 décem<br />

bre 1918) et de 30 millions (loi du 28 juillet<br />

1927) affectées par les lois des 5 avril 1921<br />

et 28 juillet 1927 aux caisses régionales de<br />

crédit agricole mutuel, à des sociétés coopé<br />

ratives et à diverses œuvres d'intérêt général,<br />

ce qui a pour résultat de transformer en res<br />

sources définitives les ressources provisoires<br />

provenant de ces avances 48.000.000 00<br />

4° Solde du produit de la réévaluation de l'en<br />

caisse<br />

Total des ressources permanentes acquises dès<br />

1928<br />

b)<br />

Ressources temporaires<br />

Par la convention du 4 juillet 1929, la Banque a<br />

pris l'engagement, à l'occasion de la réforme<br />

de son statut monétaire (1) de mettre gratui<br />

tement à la disposition de l'Algérie, lorsque<br />

cette réforme entrera en application, une<br />

avance remboursable seulement à l'expiration<br />

17.194.190 75<br />

170.889.290 91<br />

de son privilège en 1945 30.000.000 00<br />

(1) Voir chapitre X.


OBJET DU<br />

CRÉDIT<br />

AGRICOLE.<br />

CRÉDIT<br />

A COURT<br />

TERME.<br />

— — 370<br />

Le total des ressources permanentes et temporaires, mises<br />

par la Banque à la disposition de l'Algérie était donc à la fin de<br />

1928 de 200.889.290 fr.; à ce chiffre viennent s'ajouter, dès cette<br />

année, environ 16 millions, montant de la redevance et de la<br />

participation au dividende pour 1929, ce qui fait un total de<br />

plus de 216 millions.<br />

LE CREDIT AGRICOLE<br />

Le crédit agricole a pour objet de mettre à la disposition des<br />

agriculteurs, propriétaires ou fermiers, et des groupements<br />

d'agriculteurs, sous forme d'avances ou de subventions, des fonds<br />

destinés à être utilisés pour l'exercice de leur profession.<br />

La doctrine distingue trois sortes de crédit agricole, selon<br />

la nature des opérations auxquelles il s'applique : crédit à court<br />

terme, crédit à moyen terme, crédit à long terme. La pratique<br />

a adopté la même division en fixant empiriquement la durée<br />

de chacun de ces crédits. On a vu, dans les chapitres précédents,<br />

que cette distinction n'a été faite, en Algérie, qu'à une époque<br />

relativement récente (1) et nous avons signalé les retards que ce<br />

défaut d'analyse a apportés à une rationnelle organisation du<br />

crédit agricole. Nous n'y reviendrons pas.<br />

Nous nous bornerons à préciser ici les opérations qui doivent<br />

être considérées comme entrant dans chacune de ces trois caté<br />

gories.<br />

*<br />

* *<br />

Le crédit à court terme est nécessaire à tout agriculteur qui<br />

ne dispose pas de moyens suffisants pour effectuer ses achats<br />

de bétail, d'engrais et de semence, ou pour payer les travaux<br />

de la préparation, de l'entretien et de la rentrée de sa récolte.<br />

(1) Cette distinction a été légalement consacrée en France par la loi du<br />

5 août 1920, en Algérie par le décret du 26 novembre 1925.


371<br />

Ce sont là des opérations pour lesquelles il a des besoins bien<br />

déterminés et temporaires, compris dans la durée de ce que<br />

l'on est convenu d'appeler une campagne agricole. Si les ressour<br />

ces que donne la récolte ne sont pas appliquées au règlement<br />

de la dette contractée en vue de cette récolte, il ne s'agit plus<br />

d'un crédit de campagne et l'opération prend le caractère d'une<br />

commandite, plutôt que d'une opération proprement bancaire.<br />

Elle ne peut pas être traitée au moyen d'effets escomptables<br />

susceptibles d'être admis par une banque ne devant s'engager<br />

que dans des opérations à court terme.<br />

Parfois, le crédit à court terme peut être nécessaire pout<br />

répondre à des besoins exceptionnels ou permettre à un agri<br />

culteur de faire face à une situation temporairement difficile ;<br />

mais, même dans ce cas, il ne conserve ce caractère que s'il ne<br />

dépasse pas la durée d'une campagne.<br />

Le crédit à court terme joue un rôle capital,<br />

en ce sens que<br />

c'est lui qui fournit le fonds de roulement nécessaire à l'exploi<br />

tation agricole ;<br />

annuelles,<br />

c'est lui qui permet de faire face aux dépenses<br />

qui régularise la trésorerie de l'agriculteur et qui<br />

agit le plus directement sur les prix des produits agricoles, en<br />

écartant la nécessité où le producteur peut se trouver d'ajourner<br />

ses achats ou de précipiter ses ventes.<br />

Quoi qu'on ait pu dire parfois,<br />

il a généralement été assuré<br />

à l'ensemble des agriculteurs algériens dans des conditions avan<br />

tageuses,<br />

soit que les banques le consentissent directement aux<br />

colons, soit que ceux-ci en bénéficiassent par l'intermédiaire de<br />

leurs vendeurs ou de leurs acheteurs qui, profitant eux-mêmes<br />

du crédit bancaire, peuvent,<br />

pres acheteurs,<br />

deurs (1).<br />

soit accorder des délais à leurs pro<br />

soit faire des avances à leurs propres ven<br />

Ces facilités, qui reposent sur le principe,<br />

de l'Algérie,<br />

admis par la Banque<br />

qu'une opération liquidée pendant la durée d'une<br />

campagne conserve un caractère bancaire, étaient nécessaires<br />

dans un pays agricole en cours de mise en valeur. Elles n'ont<br />

pas toujours été accordées aussi libéralement ailleurs,<br />

et en<br />

(1) Les crédits de campagne accordés par la Banque de l'Algérie aux<br />

agriculteurs algériens ont toujours atteint un chiffre élevé : 60 millions<br />

par an environ avant la guerre : 300 à 350 millions aujourd'hui.<br />

CONCOURS<br />

DONNÉ<br />

PAR LES<br />

BANQUES<br />

POUR LE<br />

CRÉDIT<br />

A COURT<br />

TERME.


- 372<br />

-<br />

France, pendant longtemps, les banques ne reconnaissaient le<br />

caractère de papier bancable qu'à celui qui, effectivement payé<br />

au bout de 90 jours,<br />

ne doit jamais donner lieu à un renou<br />

vellement. La Banque de France fit, dans la région de Nevers,<br />

vers 1880, une expérience de crédit agricole de campagne qu'elle<br />

généralisa depuis, mais sans lui donner une extension compa<br />

rable à celle que ces crédits ont pris en Algérie.<br />

Dans la colonie, au contraire, les agriculteurs ont eu en prin<br />

cipe, de bonne heure, accès direct aux guichets non seulement<br />

des comptoirs d'escompte, mais encore des grandes banques,<br />

ainsi qu'à ceux de la Banque de l'Algérie pour l'escompte d'effets<br />

représentant des opérations se dénouant dans la durée d'une<br />

campagne.<br />

Les grands établissements de crédit accueillent volontiers ces<br />

effets et parfois même ceux qui proviennent d'opérations dépas<br />

sant ce terme. Pour beaucoup d'entre eux, les cultivateurs, les<br />

viticulteurs, les horticulteurs, les primeuristes constituent une<br />

clientèle recherchée,<br />

qui est assurée de trouver à leurs guichets<br />

toutes facilités d'escompte et d'obtenir d'importantes ouvertures<br />

de crédit. Depuis de longues années, certains même, comme la<br />

Compagnie Algérienne et le Crédit Foncier d'Algérie et de<br />

Tunisie, ont créé, dans les régions productrices de céréales, de<br />

vastes magasins où les agriculteurs peuvent entreposer leurs<br />

récoltes et les warranter.<br />

Nous ne répéterons pas ce que nous avons exposé précédem<br />

ment concernant les difficultés que présente la distribution du<br />

crédit agricole dans un pays de colonisation. Ce crédit<br />

renferme des risques d'immobilisation qui constituent un<br />

danger pour la trésorerie des banques et n'offre pas la garantie<br />

que présente, en matière commerciale, l'existence d'une marchan<br />

dise qui peut faire ici défaut, puisque cette marchandise est en<br />

voie de création et qu'un vent trop chaud ou trop vif, qu'une<br />

pluie trop rare ou trop violente peuvent la détruire. Nous enten<br />

dons seulement, en rappelant ces risques, montrer qu'en Algérie<br />

les banques, se rendant compte que la prospérité du pays est<br />

intimement liée à celle de l'agriculture, ont eu le courage de ne<br />

pas les écarter de leur portefeuille et que, dès avant l'organi<br />

sation actuelle, les colons avaient trouvé auprès d'elles, pour le


crédit à court terme,<br />

résultats acquis.<br />

— — 373<br />

un appui dont l'efficacité se juge aux<br />

Si parfois des restrictions de crédit ont pu être constatées,<br />

elles n'ont pas eu —<br />

sauf<br />

nelles de guerre l'exigeaient —<br />

lorsque des circonstances exception<br />

de<br />

caractère général. Elles ont<br />

pu porter atteinte à des situations individuelles ; mais ces<br />

accidents n'étaient-ils pas, la plupart du temps, explicables par<br />

des erreurs de jugement, des imprudences ou même des spécu<br />

lations téméraires de la part de ceux qui en furent les victimes ?<br />

N'était-ce pas aussi parce que le crédit à court terme avait<br />

dégénéré en crédit à long terme, l'escompte en commandite ?<br />

* *<br />

A côté du crédit à court terme, les agriculteurs ont souvent<br />

besoin, en effet, d'un concours de plus longue durée : tout d'abord<br />

l'aménagement ou la reconstitution d'exploitations rurales exi<br />

gent parfois certaines dépenses immédiates qui ne peuvent être<br />

payées avec les produits de la récolte annuelle. Il faut en répartir<br />

l'amortissement sur une période plus longue et y<br />

consacrer une<br />

partie des produits de plusieurs années d'exploitation : tels sont<br />

les achats d'animaux ou de matériel nécessaires à la culture<br />

ou à l'élevage, les améliorations foncières, l'extension ou la répa<br />

ration des bâtiments. Ce sont là des opérations qui nécessitent<br />

des avances de fonds que l'agriculteur ne peut se procurer qu'au<br />

près de prêteurs qui consentent à immobiliser un capital pendant<br />

plusieurs années,<br />

ou auprès de banques qui sont en mesure de<br />

consacrer à de telles opérations des sommes qu'elles ne sont pas<br />

exposées à se voir elles-mêmes réclamer à vue. C'est ce qu'on<br />

est convenu d'appeler le crédit à moyen terme. On l'a parfois<br />

qualifié de crédit industriel agricole, par opposition aux prêts à<br />

court terme, appelés prêts commerciaux agricoles.<br />

Enfin, certains prêts de plus longue durée constituent la caté<br />

gorie du crédit à long terme ; ils correspondent à des acquisi<br />

tions, transformations profondes, reconstitutions d'exploitations<br />

agricoles. C'est là le domaine du Crédit Foncier ou d'organismes<br />

spéciaux disposant de ressources constituées en vue d'atteindre<br />

ce*<br />

but.<br />

24<br />

CREDIT<br />

A MOYEN<br />

TERME.<br />

CRÉDIT<br />

A LONG<br />

TERME.


BASES DE LA<br />

LÉGISLATION<br />

SPECIALE<br />

DU CRÉDIT<br />

AGRICOLE<br />

MUTUEL.<br />

CAISSES<br />

LOCALES.<br />

374<br />

*<br />

* *<br />

L'organisation du crédit agricole mutuel comprend tout un<br />

ensemble d'institutions qui ont pour objet d'assurer aux agri<br />

culteurs le crédit à court, à moyen et à long terme (1).<br />

Elle repose essentiellement sur trois idées fondamentales :<br />

1° Il faut que la cellule initiale du crédit ait un caractère<br />

local ;<br />

2° Le crédit doit avoir une base de mutualité ou plus exacte<br />

ment de coopération (2) ;<br />

3° L'Etat donne un concours financier aux organismes du cré<br />

dit agricole et exerce un contrôle sur ceux qui bénéficient de<br />

ce concours.<br />

*<br />

* *<br />

A la base du crédit agricole se trouvent les caisses locales<br />

qui sont en contact direct avec les intéressés. Ce sont elles qui,<br />

pour la réalisation des prêts à court terme, escomptent les effets<br />

souscrits par les sociétaires en vue d'opérations exclusivement<br />

agricoles. La durée des prêts ne doit ni dépasser celle de l'opé<br />

ration à laquelle ils s'appliquent, ni excéder un an. Pour les prêts<br />

à moyen terme, les caisses locales font signer à leurs sociétaires<br />

des engagements spéciaux qui fixent les conditions du prêt, les<br />

garanties fournies, les conditions de remboursement par amor-<br />

(1) La législation relative au Crédit Mutuel et à la Coopération agricole<br />

en Algérie, remonte à la loi métropolitaine du 5 novembre 1894, qui a<br />

doté les caisses de crédit agricole mutuel de France et d'Algérie d'un sta<br />

tut légal resté en vigueur en France jusqu'à la promulgation de la loi du<br />

5 août 1920, et en Algérie jusqu'à l'apparition du décret du 26 novembre<br />

1925. Les textes fondamentaux sont à l'heure actuelle: la loi du 20 décem<br />

bre 1924, qui a décidé notamment qu'à l'avenir les questions relatives au<br />

crédit agricole seraient tranchées directement en Algérie par décret, le<br />

décret du 26 novembre 1925, pris en vertu de cette loi, l'arrêté du Gouver<br />

neur général du 5 décembre 1925, la loi du 28 juillet 1927, créant la<br />

Caisse foncière agricole d'Algérie.<br />

(2) Les caisses de crédit agricole ont exclusivement pour objet de faci<br />

liter et de garantir les opérations concernant la production agricole, effec<br />

tuées par leurs sociétaires individuels ou collectifs. Les prêts doivent être<br />

exclusivement consentis aux sociétaires. Le capital des caisses ne peut<br />

être formé par des souscriptions d'actions, il doit l'être par les socié<br />

taires au moyen de parts nominatives. (Article 2 de la loi du 5 août 1920.)


— 375 —<br />

tissements annuels. La durée maxima de ces prêts est de six<br />

ans.<br />

Le taux d'intérêt des prêts à court et à moyen terme ne doit<br />

pas être inférieur au taux d'intérêt servi aux parts sociales<br />

(lequel ne peut dépasser 6 %) ni supérieur de plus de 3 %<br />

au taux officiel d'escompte de la Banque de l'Algérie.<br />

Enfin, les caisses locales sont autorisées à consentir des prêts<br />

individuels à long terme (1) sous réserve que le contractant<br />

s'engage « à exploiter lui-même ou avec l'aide de sa famille, la<br />

petite propriété qu'il se propose d'acquérir, d'aménager, de trans<br />

former ou de reconstituer avec les fonds qui lui sont prêtés ».<br />

Ces prêts ne sont consentis que contre une garantie consistant<br />

en une inscription hypothécaire ou un contrat d'assurances en<br />

cas de décès. Ils ne peuvent excéder 40.000 francs et la duré?<br />

de leur remboursement est de vingt-cinq ans au maximum. Le<br />

taux d'intérêt (minimum 2 %, maximum 6 %) est fixé par le<br />

Gouverneur général sur avis de la commission consultative du<br />

crédit agricole (2) ,<br />

*<br />

* *<br />

Les caisses locales sont rattachées à des caisses régionales. caisses<br />

Ces caisses régionales n'ont pas de rapports directs avec les<br />

agriculteurs emprunteurs. Elles sont avant tout les intermé<br />

diaires, pour la répartition des prêts, entre l'Etat d'une part<br />

et, d'autre part, les caisses locales, les coopératives et autres<br />

groupements agricoles..Elles ont une autre fonction très impor<br />

tante ; elles réescomptent, après endossement par les caisses<br />

locales qui leur sont affiliées, les effets souscrits par les sociétai<br />

res de ces caisses. Elles font, enfin, directement aux caisses<br />

locales les avances nécessaires à la constitution d'un fonds de<br />

roulement.<br />

(1) Le crédit à long terme n'est pas une création de la loi de 1920 en<br />

France et du décret de 1925 en Algérie. Il apparaît pour la première i<br />

fois dans la loi du 19 mars 1910 instituant des prêts individuels à long /<br />

terme de 8.000 francs au taux maximum de 2 %. Cette loi fut rendue '<br />

applicable à l'Algérie par un décret du 25 mars 1915.<br />

(2) Pour les pensionnés de guerre le taux est réduit à 1 % et l'Algérie<br />

contribue aux amortissements lorsque le pensionné de guerre est chargé<br />

de famille.<br />

régionales.


— — 376<br />

En dehors de leur capital, les ressources propres des caisses<br />

régionales proviennent du réescompte qu'elles peuvent faire de<br />

leur portefeuille, composé des effets qu'elles ont elles-mêmes<br />

réescomptés aux caisses locales ; elles trouvent également, en<br />

particulier à l'heure actuelle, de larges disponibilités dans les<br />

sommes qui leur sont confiées en dépôt.<br />

Toute caisse régionale peut demander à la Banque de l'Algérie<br />

son admission directe à l'escompte et, en outre, éventuellement,<br />

l'ouverture d'une cote sous l'endos d'un établissement finan<br />

cier (1).<br />

Une expérience de trois années a démontré que les facilités<br />

d'escompte et de réescompte accordées ainsi par les banques<br />

et par l'institut d'émission répondent aux besoins du crédit<br />

agricole à court terme ; la Banque de l'Algérie ne se refuse pas,<br />

au surplus, à les étendre chaque fois qu'elle est certaine de faire<br />

entrer dans son portefeuille des effets présentant les sécurités<br />

statutaires et dont le paiement est assuré à l'expiration de la<br />

campagne.<br />

Les caisses régionales ont trouvé, d'autre part, d'importantes<br />

ressources dans les dépôts de leurs adhérents ou de leurs amis.<br />

L'extrême abondance des disponibilités constituant le résidu<br />

flottant de l'inflation, les heureux résultats de certaines récoltes<br />

en céréales et surtout de celles des vignobles qui ont augmenté<br />

très sensiblement la richesse générale en Algérie dans ces derniè<br />

res années,<br />

ont permis aux caisses de recevoir de nombreux<br />

dépôts pour des sommes élevées. C'est là, pour elles,<br />

une res<br />

source précieuse. Mais elle est précaire et, à plus d'un point de<br />

vue, dangereuse. Les dépôts à vue sont toujours instables, même<br />

lorsqu'ils sont d'origines variées. Ils le sont encore plus lorsqu'il<br />

(1) Lorsque les Caisses régionales présentent directement leur papier<br />

aux guichets de la Banque de l'Algérie, le taux officiel du papier com<br />

mercial leur est appliqué ; mais lorsque leurs négociations sont effectuées<br />

indirectement par voie de réescompte, sous l'endos d'un établissement<br />

financier, ce réescompte bénéficie d'une réduction de 1 1/2 % sur le taux<br />

du papier commercial, sans que le minimum applicable puisse toutefois<br />

être inférieur 15%. (Cette décision a été prise en août 1926 alors que<br />

le taux du papier commercial était fixé à 7 1/2). Ces dernières conditions,<br />

ayant eu pour objet de faciliter aux petits agriculteurs l'accès aux éta<br />

blissements financiers installés en Algérie, ne concernent que les négocia<br />

tions qui, pour un même client d'une caisse agricole, ne dépassent pas<br />

40.000 francs.


— — 377<br />

s'agit de dépôts d'agriculteurs qui peuvent se trouver, sous l'in<br />

fluence d'une récolte particulièrement mauvaise,<br />

exposés à avoir<br />

au même moment besoin de reprendre leurs disponibilités et de<br />

faire appel au concours de leurs banquiers. Il est, en tout cas,<br />

souhaitable que les caisses évitent de les immobiliser dans des<br />

opérations ayant un caractère d'insuffisante liquidité.<br />

Il est également nécessaire que les caisses régionales se pénè<br />

trent bien de cette idée que, dans les circonstances actuelles,<br />

si le crédit à bon marché est un idéal vers lequel il convient de<br />

tendre, il n'en est pas de même du crédit gratuit ou à trop bon<br />

marché, et qu'elles doivent, sauf exceptions justifiées, suivre la<br />

loi commune, d'ailleurs assez souple, du loyer de l'argent, qui<br />

n'est pas arbitrairement imposé dans un grand pays où la con<br />

currence bancaire écarte les abus. En 1907, le Gouverneur<br />

général, dans l'exposé de la situation générale de l'Algérie, leur<br />

donnait à cet égard de très utiles avertissements, dont elles ont<br />

d'ailleurs sagement fait leur profit. « Certaines caisses, disait-il,<br />

ont tendance à prêter au-dessous du cours normal de l'argent....<br />

Elles faussent la notion du crédit agricole et donnent une déplo<br />

rable éducation financière »,<br />

et il faisait observer que l'objectif<br />

du crédit agricole est de mettre les cultivateurs sur un pied<br />

d'égalité avec les industriels et les commerçants. Sans doute<br />

peut-il se présenter des cas où de petits et moyens colons ne<br />

peuvent être aidés que par un crédit à meilleur marché et les<br />

conditions de gratuité dans lesquelles la Banque de l'Algérie a<br />

mis d'importantes ressources à la disposition de la colonie,<br />

comme le régime de faveur qu'elle a admis pour le réescompte<br />

du papier des petits agriculteurs,<br />

peuvent faciliter l'adoption de<br />

mesures exceptionnelles ; mais il ne serait pas sage de trans<br />

former l'escompte en prêts gratuits et d'habituer les bénéficiai<br />

res à n'y voir que des subventions temporaires.<br />

Les caisses régionales et les caisses locales, maintenant cons<br />

cientes de leur rôle, de l'importance comme de la difficulté de<br />

leur tâche,<br />

constituent un des éléments actifs d'une organisation<br />

bancaire bien adaptée aux besoins du pays.<br />

Leur fonctionnement donne satisfaction aux adhérents et<br />

atteint le but que le gouvernement s'était proposé en les créant.<br />

Elles contribuent,<br />

par l'ensemble des institutions qui gravitent


SOCIÉTÉS<br />

COOPÉRA<br />

TIVES DE<br />

PRODUCTION<br />

AGRICOLE.<br />

autour d'elles,<br />

— 378 -<br />

et notamment par le développement des assuran<br />

ces agricoles (1), à donner au crédit des agriculteurs une base<br />

plus stable ; leur action s'exerce donc directement et indirecte<br />

ment en faveur de ceux-ci.<br />

*<br />

* *<br />

Les institutions de crédit agricole mutuel sont complétées<br />

par une organisation coopérative qui est aujourd'hui l'auxiliaire<br />

très utile non seulement de l'agriculture proprement dite, mais<br />

encore de l'industrie agricole. Les sociétés coopératives de pro<br />

duction agricole ont pour objet de venir en aide aux petits<br />

producteurs, de les grouper, de créer des services d'intérêt<br />

collectif, achats d'engrais, traitements de sous-produits, fourni<br />

tures d'électricité, organisation de ventes en commun (2). Elles<br />

effectuent ou facilitent toutes opérations concernant la produc<br />

tion, la transformation, la consommation ou la vente des produits<br />

provenant exclusivement des exploitations agricoles des coopé-<br />

rateurs. Elles peuvent être constituées en vue d'achats en<br />

commun de matériel nécessaire à l'agriculture ou, d'une façon<br />

générale, de fournitures. Ces sociétés coopératives,<br />

comme les<br />

associations syndicales ayant un objet exclusivement agricole<br />

et les sociétés agricoles de fabrication, d'exéeution de travaux<br />

agricoles, d'intérêt collectif et d'hygiène sociale, peuvent de<br />

même que les agriculteurs adhérents bénéficier d'avances à long<br />

(1) Le législateur a affranchi les sociétés d'assurances mutuelles agri<br />

coles de certaines formalités de constitution. Il leur a permis d'obtenir du<br />

crédit auprès des caisses locales dont elles sont membres. Il leur accorde<br />

des avances et des subventions, prélevées en Algérie sur la redevance de<br />

la Banque. L'assurance fortifie puissamment le crédit de l'agriculteur et<br />

l'organisation des assurances mutuelles fait, en quelque sorte, partie<br />

intégrante du système du crédit mutuel agricole.<br />

(2) Les sociétés coopératives ont été longtemps régies par la loi du<br />

26 février 1909, autorisant l'attribution à ces sociétés d'avances à 2 %,<br />

limitant leurs opérations et leur interdisant la réalisation de bénéfices<br />

commerciaux,<br />

en raison des subventions et avantages fiscaux accordés<br />

par l'Etat et leur assurant des conditions d'exploitation mettant vis-à-vis<br />

d'elles en état d'infériorité les entreprises similaires dues à l'initiative pri<br />

vée et le commerce en général. Depuis lors, est intervenue en France la<br />

loi du 5 août 1920 modifiant le statut légal de ces sociétés dans des con<br />

ditions précisées par un règlement d'administration publique du 9 février<br />

1921, puis en Algérie, leur régime a été réglé par le décret du 26 novem<br />

bre 1925 et l'arrêté du Gouverneur général du 5 décembre 1925,


— — 379<br />

terme. Leurs demandes d'avances sont présentées par l'intermé<br />

diaire des caisses régionales (1).<br />

Les sociétés coopératives furent d'abord utilisées par les cul<br />

tivateurs pour la constitution du matériel agricole et par les<br />

viticulteurs pour l'organisation rationnelle de caves. Puis les<br />

planteurs de tabac en créèrent, ensuite il s'en constitua pour<br />

la transformation et la conservation des fruits et légumes, etc...<br />

Les caves coopératives, dont la première fut créée à Dupleix<br />

en 1905, ont rendu de très grands services ; elles permettent<br />

une vinification aussi soignée que possible dans un pays où cette<br />

opération exige toute une science, une surveillance et des moyens<br />

perfectionnés que ne peuvent réaliser seuls les petits et moyens<br />

viticulteurs. Il en a été de même avec les coopératives de tabac<br />

(tabacoops)<br />

qui ont puissamment aidé à améliorer la produc<br />

tion, assuré un classement méthodique des produits, créé en<br />

fait un type apprécié dont la vente à l'étranger s'est beaucoup<br />

développée (2).<br />

Enfin, grâce à ces coopératives, de très importants docks<br />

à céréales sont en voie de donner aux récoltes l'abri temporaire<br />

et sûr qui peut permettre aux producteurs de mieux régler leurs<br />

ventes.<br />

Pressés parfois,<br />

soit par la nécessité de disposer en vue de<br />

la campagne d'un fonds de roulement qui leur fait défaut, soit<br />

par la difficulté de conserver par devers eux le grain dans de<br />

bonnes conditions (3), les agriculteurs sont exposés à réaliser<br />

(1» L'article 24 du décret du 26 novembre 1925 règle les conditions de<br />

ces prêts.<br />

(2) Voir chapitre XI. La Banque Industrielle de l'Afrique du Nord.<br />

(3) Dans une communication faite au Congrès des docks et silos à céréa<br />

les de l'Afrique du Nord tenu à Marseille en 1928, M. Boyer-Banse, chef<br />

du service du crédit et de la coopération agricole au Gouvernement géné<br />

ral, a signalé que cette difficulté était grande en Algérie. « La caractéris<br />

tique de la situation dit-il, c'est que le logement manque presque d'une<br />

façon absolue chez le producteur. Nous n'avons pas l'équivalent des res<br />

sources de logement qui existent en France, dans ces milliers de petits<br />

greniers qu'on trouve chez les producteurs. Ce n'est pas à la construction<br />

de silos ou de greniers individuels que le producteur algérien met son<br />

argent, il a bien d'autres dépenses urgentes à envisager. En règle géné<br />

rale, le producteur est tout à fait incapable de conserver chez lui ses<br />

récoltes surtout lorsqu'elles sont importantes. Les minotiers eux dispo<br />

sent de plus de facilités de logement que les agriculteurs, beaucoup d'en<br />

tre eux ont de très beaux silos qui sont tout de même insuffisants par


STATISTIQUE<br />

DES CAISSES<br />

RÉGIONALES<br />

ET LOCALES<br />

ET DES<br />

SOCIÉTÉS<br />

COOPÉRA<br />

TIVES<br />

AGRICOLES.<br />

382 —<br />

hypothécaires, emprunts avec ou sans garantie de la colonie,<br />

prélèvement de 18 millions sur les avances consenties par la<br />

Banque de l'Algérie.<br />

Le Conseil d'administration de la Caisse foncière agricole,<br />

investi des pouvoirs les plus étendus, est composé de douze<br />

membres ;<br />

six représentent l'Algérie et sont nommés par le<br />

Gouverneur général ; les six autres sont désignés par les caisses<br />

régionales (1).<br />

Les Caisses régionales de crédit agricole mutuel sont groupées<br />

en une Fédération dont le siège est à Alger, et qui coordonne<br />

leurs efforts, inspire leur politique générale de crédit et se fait<br />

l'interprète de leurs besoins et de leurs vœux.<br />

Nous ne pouvons donner ici une monographie de chacune<br />

d'elles,<br />

en raison de leur nombre. Quelques-unes toutefois se<br />

détachent de l'ensemble par leur caractère plus général, par l'ac<br />

tion qu'elles ont exercée sur le développement de la Mutualité<br />

Agricole, par l'importance des concours qu'elles donnent à l'agri<br />

culture et, en particulier, aux petits colons.<br />

(1) Dans sa séance du 14 mai 1929, le Conseil a, dans la limite de ses<br />

attributions, soit émis les vœux, soit pris les décisions suivantes, en<br />

matière de prêts à moyen et à long terme :<br />

1° — A l'égard des maxima des prêts à long terme. Le Conseil émet<br />

le vœu que le montant maximum fixé à 40.000 francs par l'article 8 du<br />

décret du 26 novembre 1925, soit porté à 120.000 francs, et, en même<br />

temps, décide de relever les conditions de fortune des emprunteurs, ainsi<br />

que la valeur des propriétés susceptibles de faire l'objet de prêts, à un<br />

maximum de :<br />

200.000 francs pour un célibataire.<br />

300.000 francs pour un emprunteur marié avec majoration de<br />

30.000 francs par enfant.<br />

2° — A l'égard des maxima des prêts à moyen terme. Le Conseil décide<br />

de porter de 60.000 à 120.000 francs, le montant maximum des prêts à<br />

moyen terme, tout en maintenant les maxima des conditions de fortune<br />

des emprunteurs, et de la valeur des propriétés susceptibles de faire l'ob<br />

jet de prêts, qui seront ainsi les mêmes que ceux des prêts à long terme,<br />

savoir :<br />

200.000 francs pour un célibataire.<br />

300.000 francs pour un emprunteur marié, avec majoration de<br />

30.000 francs par enfant.<br />

3°<br />

A l'égard de la durée des — prêts à moyen terme. Le Conseil émet<br />

le vœu de voir porter de 6 à 10 ans, comme en France, le maximum de<br />

durée de ces prêts, précédemment fixé à 6 ans, par l'article 6, alinéa 6<br />

du décret du 28 novembre 1925.<br />

4° A l'égard du taux d'intérêt. —<br />

En ce qui concerne le taux d'inté<br />

rêt des prêts à long terme (actuellement 5,50 %) et à moyen terme 7 %<br />

le Conseil demande à M. le Gouverneur général de fixer le premier à 5 %,<br />

et il se propose lui-même de ramener le second à 6,50 %, le cas échéant.


Nous signalons seulement :<br />

— 383 -n-<br />

La Caisse régionale de Crédit Agricole mutuel d'Alger, fondée<br />

en 1901 et dont la circonscription territoriale s'étend sur le<br />

département d'Alger et les arrondissements limitrophes. Son<br />

capital variable s'élève aujourd'hui à 8.150.000 francs et ses<br />

réserves statutaires atteignent 3.247.821 fr. 67. Elle groupe<br />

4.218 sociétaires répartis en 105 Caisses locales, 117 Coopérati<br />

ves affiliées. Elle a été fondée par un des hommes dont l'activité<br />

s'est le plus longuement et le plus ardemment employée en<br />

faveur du mouvement coopératif agricole, M. Pasquier-Bronde.<br />

Le Crédit Central Agricole, fondée en 1917 et dont le siège est<br />

également à Alger. Sa circonscription territoriale est l'Algérie<br />

tout entière ; mais il limite en fait son action à certaines régions<br />

des départements d'Alger et d'Oran. Son capital variable s'élève<br />

aujourd'hui à 6.305.600 francs et ses réserves statutaires attei<br />

gnent 1.874. 313 fr. Elle groupe 1.000 sociétaires répartis en lf;<br />

Caisses locales, 20 Coopératives affiliées. Cette Caisse régionale<br />

a été l'auxiliaire directe du service du Crédit agricole du Gouver<br />

nement général pour faciliter la réalisation des initiatives prises<br />

par celui-ci concernant le crédit, l'assurance et la coopération<br />

agricole sous toutes leurs formes.<br />

La Caisse régionale de Crédit Agricole mutuel de Tlemcen,<br />

créée en 1901, se rattache à une des plus anciennes organisations<br />

agricoles de l'Algérie. Elle a été fondée, en effet, par le Syndicat<br />

agricole de Tlemcen dont l'origine remonte à 1885, et qui fut<br />

constitué pour assurer la défense du vignoble contre les atteintes<br />

du phylloxéra. A son action se rattache le souvenir de M. Havard<br />

père, qui en fut l'animateur, comme l'est aujourd'hui son fils,<br />

Délégué financier et Président de la Fédération des Caisses<br />

régionales de Crédit agricole mutuel d'Algérie. Son capital<br />

variable est actuellement de 808.600 francs. Ses réserves s'élè<br />

vent à 1.525.972 fr. 50. Elle groupe 1.417 sociétaires dont 983<br />

européens et 434 indigènes répartis en 18 Caisses locales, dont<br />

8 européennes et 10 indigènes, 9 Coopératives affiliées.<br />

Nous reproduisons ci-après les tableaux statistiques officiels<br />

concernant le mouvement des Caisses de Crédit mutuel agricole.<br />

Ces statistiques, qui s'arrêtent à l'année 1928, permettent de


— — 384<br />

mesurer l'effort considérable de ces Caisses. Les résultats de<br />

1929 seront encore plus probants et les circonstances qui ont,<br />

en cette fin d'année, créé à l'agriculture une situation délicate,<br />

mettront encore mieux en lumière l'action utile du Crédit agri<br />

cole mutuel secondé par les banques de réescompte et en particu<br />

lier par la Banque de l'Algérie.<br />

Le montant total des prêts des Caisses régionales, qui était de<br />

244 millions au 30 septembre 1928, a atteint 381 millions au 30<br />

septembre 1929, pour dépasser 400 millions.<br />

En 1920, le montant des prêts des Caisses régionales ne dépas<br />

sait pas 10 millions de francs. L'aide apportée à l'agriculture<br />

algérienne par ces institutions s'est donc accrue en 9 ans, ainsi<br />

que le faisait remarquer le Gouvernement Général en novembrt<br />

1929, dans la proportion de 1 à 40.


SITUATION<br />

DES<br />

CAISSES RÉGIONALES


ANNEES DEPARTEMENTS<br />

Alger<br />

1913 Constantine.<br />

1919<br />

1925.<br />

1928.<br />

ANNEES<br />

Oran.<br />

Alger<br />

Constantine.<br />

Oran<br />

Alger<br />

Total.<br />

Total.<br />

DEPARTEMFNTS<br />

Constantine ....<br />

Oran<br />

Alger<br />

Constantine<br />

Oran<br />

Total<br />

Total<br />

— 386 -<br />

18<br />

13<br />

10<br />

41<br />

19<br />

14<br />

10<br />

43<br />

u<br />

es<br />

es<br />

S<br />

O<br />

14<br />

13<br />

14<br />

41<br />

13<br />

12<br />

14<br />

CAPITAL<br />

»ersé<br />

617.702<br />

431.023<br />

630.150<br />

1.698.877<br />

751.80b<br />

648 210<br />

Ô81750<br />

2 081.765<br />

CAPITAL<br />

Tersé<br />

4.338 080<br />

1.707 150<br />

3.101 800<br />

9.147.030<br />

13.795.550<br />

5.984.563<br />

Caisses locales<br />

affiliées<br />

»ox régionales<br />

Nombre<br />

8 136.170<br />

39 27.976.283<br />

118<br />

60<br />

81<br />

259<br />

139<br />

70<br />

87<br />

Adhé<br />

rents<br />

Années<br />

Montant<br />

Reçues<br />

5.406 2 012.360<br />

4.829 1.665.200<br />

5.048 1.634.400<br />

15 283 5.311 960<br />

6 093 2.810.160<br />

6 915 2 003200<br />

3 784 1.809.800<br />

296 16.792 6.623.<br />

Années<br />

Caisses locales<br />

affiliées ani<br />

Caisses régionales<br />

Nombre<br />

158<br />

66<br />

86<br />

310<br />

188<br />

66<br />

101_<br />

355<br />

Adhérents<br />

6.579<br />

7.267<br />

6337<br />

20.183<br />

6.578<br />

7.480<br />

9.118<br />

23.176<br />

(1) Mi.as reproduisons "<br />

les tableaux publiés dans les Exposas de la situation générale<br />

sont pas comparables a ceux relatifs aux maximum des prêts Jans les statistiques établis<br />

Un prêt renouvelé deux fois pendant l'année était ainsi compté pour un chiffre éiral h trois<br />

moment choisi pour la ststistique (3* trimestre). Les chiffres fournis chaque année depuis 1922


1913 -<br />

des Avances<br />

Caisses Régionales<br />

Remboor-<br />

sées<br />

1910<br />

Ditlérences<br />

452.460 1.559.900<br />

29.700 1.635.500<br />

127 200 1.507.200<br />

609.360 4.702.600<br />

373 860 2.496.300<br />

174.700 1. 828.300<br />

470 600 1.339 200<br />

1.019.160 5.664.000<br />

1985 -<br />

19S8<br />

MONTANT DES RESERVES<br />

des régionales<br />

2 962.014<br />

1 606.155<br />

2.352.681<br />

6.920.850<br />

6.168 929 78<br />

3.506.583 96<br />

5.896 764 48<br />

15.572.278 22<br />

Montant<br />

des dépôts<br />

faits par les<br />

particuliers<br />

1.829.739<br />

186. 8C6<br />

2.337.034<br />

4.353.579<br />

13.131.290<br />

256.494<br />

4 152.508<br />

17.540.292<br />

des locales<br />

1.505.887<br />

439.238<br />

765.097<br />

2.710.222<br />

1.974.004 50<br />

443 532 73<br />

1.910.349 50<br />

4.327.886 73<br />

— 387<br />

Montant des<br />

réserves<br />

287.668<br />

261.366<br />

193.403<br />

742 437<br />

964.609<br />

614.013<br />

528.577<br />

2.107.199<br />

Maximum des prêtï<br />

a conrt terme<br />

consentis par les<br />

Caisses régionaW-s<br />

an'<br />

cours dn<br />

3* trimestre<br />

43.872.081<br />

15.182.370<br />

30.332.148<br />

89.386 590<br />

117.659.792 15<br />

45.341.226 90<br />

81.944.801 37<br />

244 945.820 42<br />

Nombre<br />

des eflets<br />

5.913<br />

5 612<br />

5.314<br />

16.839<br />

ESCOMPTE<br />

732<br />

1.694<br />

922<br />

Montant<br />

4.573. 108<br />

4.403.958<br />

4.371.564<br />

13.350.630<br />

2.357.336<br />

1.548.006<br />

1.505.883<br />

RENOUVELLEMENT<br />

Nombre<br />

des<br />

effets<br />

3 673<br />

4.733<br />

8.134<br />

16.540<br />

1.655<br />

1.102<br />

270<br />

Montant<br />

3.045.362<br />

2.362.690<br />

3.817.633<br />

9.225.687<br />

2.206.060<br />

1.239 109<br />

1.240.237<br />

3.348 5.411.225 3 027 4.685.406<br />

AVANCES DE LA COLONIE<br />

Court terme<br />

8.318 167<br />

4025.787<br />

7.215 983<br />

19 739 937<br />

9214.774<br />

5 287.687<br />

9 961.119<br />

24.463.580<br />

Long<br />

Prêts ordinaires<br />

terme individuel<br />

1.225.107 22 1 000.554 99<br />

36 600<br />

509.111 11<br />

1.770.818 33 2 383. 170 83<br />

2 357 672 25 2.400.588 54<br />

961.239 37<br />

714.343 44<br />

Prêts spécianx<br />

aox mntilés<br />

450.340 77<br />

932.275 07<br />

320 300 50<br />

1.808.293 93<br />

4.033.255 06 4.729.182 97<br />

de l'Algérie ". Les chiffres relatifs à l'escompte des effets pendant la période 1901-1921 ne<br />

dépuis 1922. Dans le premier cas on additionnait tous les effets escomptés ou renouvelés.<br />

fois son montant réel. Dans le second cas, au contraire, chaque prêt n'est compté qu une t..is<br />

au représentent vraiment ainsi, pour chaque Caisse, son effort maximum au cours de 1 année.


1<br />

1<br />

— - 388<br />

SITUATION DES SOCIÉTÉS COOPÉRATIVES AGRICOLES<br />

ANNÉES<br />

(31 décem*<br />

bre)<br />

DÉPARTEMENTS<br />

i<br />

NOMBRE<br />

de<br />

coopératives<br />

1913 21<br />

1919 32<br />

1925 69<br />

Constantine<br />

Oran<br />

3<br />

»<br />

NOMBRE<br />

d'adhérents<br />

770<br />

46<br />

o<br />

MONTANT<br />

des<br />

avances<br />

614.000<br />

24 816 614 000<br />

13<br />

1<br />

»<br />

»<br />

966.200<br />

323.100<br />

150.000<br />

46 1.439.300<br />

27<br />

45<br />

1928 124<br />

3 711<br />

4.415<br />

1.435<br />

13.427.628<br />

5.676.850<br />

3.671 075<br />

141 9.561 22.775.553<br />

31<br />

57<br />

5.829<br />

7.654<br />

1.982<br />

32.970.928<br />

53.280.208<br />

12 520.930<br />

212 15.465 98.772.066


DEPAR<br />

TEMENTS<br />

Alger.<br />

Constantine.! .<br />

Oran ,<br />

Caves<br />

DESIGNATION<br />

des<br />

Sociétés<br />

Docks à céréales .<br />

Docks à tabacs. . .<br />

Sociétés de maté<br />

riel agricole . . .<br />

Sociétés diverses.<br />

Caves<br />

Totaux 124<br />

Docks à céréales.<br />

Docks à tabaes.<br />

Sociétés du maté<br />

riel agricole<br />

.<br />

Sociétés diverses.<br />

Caves<br />

Totaux .<br />

Docks à céréales .<br />

Docks à tabacs. ..<br />

Sociétés de maté<br />

riel agricole. . . .<br />

Sociétés diverses.<br />

Totaux..<br />

Totaux pour l'Algérie.<br />

389<br />

II<br />

1988<br />

-s -s<br />

s °<br />

o»<br />

«S<br />

59<br />

11<br />

2<br />

41<br />

11<br />

13<br />

Ed S<br />

05 .b<br />

o '3<br />

1.537|<br />

510,<br />

2.309J<br />

870<br />

603<br />

CAPACITÉ DE LOGEMENT<br />

Caves<br />

Hectolitres<br />

940.110<br />

»<br />

5.829 940.110<br />

269j<br />

1581 »<br />

6.816!<br />

219<br />

192!<br />

31 7.654<br />

57<br />

362<br />

1.079<br />

»<br />

193<br />

348<br />

1.982<br />

!<br />

171.675<br />

171.675<br />

174.471<br />

»<br />

174.471<br />

Docks<br />

à Céréales<br />

Quintaux<br />

336.000<br />

336.000<br />

126.000<br />

Docks<br />

à Tabacs<br />

Quintaux<br />

90.000<br />

»<br />

B<br />

90.000<br />

110.000<br />

126.000 110.000<br />

212 15.465,1.286.256 1.123.000 200.000<br />

»<br />

661.000<br />

661.000


CRÉDIT<br />

AGRICOLE<br />

AUX<br />

INDIGÈNES.<br />

— 35)0 —<br />

De bonne heure, le Gouvernement général de l'Algérie se<br />

préoccupa d'étendre aux indigènes les bienfaits du crédit agri<br />

cole. Il y avait là une œuvre d'autant plus intéressante à entre<br />

prendre que la situation particulière dans laquelle se trouvent<br />

bien des indigènes, leur état civil parfois imparfait, la fréquente<br />

indivision de leurs propriétés, leur éloignement des centres, sou<br />

vent même leur instabilité,<br />

sont autant de difficultés pour le<br />

prêteur qui calcule dès lors le loyer de son prêt sur les risques<br />

courus.<br />

Quatre caisses locales, ne comprenant que des adhérents indi<br />

gènes, furent créées en 1907 à Berrouaghia, Aïn-Boucif, Boghari<br />

et Chellala et rattachées à une caisse régionale établie au chef-<br />

lieu de la commune mixte ; le mouvement ne fut pas suivi spon<br />

tanément ; mais, sous les efforts des fonctionnaires de l'admi<br />

nistration,<br />

on constata en 1912 un progrès intéressant dans 'e<br />

nombre, sinon dans l'activité des caisses ; il y avait à cette<br />

date une soixantaine de caisses locales indigènes et huit caisses<br />

régionales. En réalité, ces caisses étaient en quelque sorte des<br />

organismes complémentaires des sociétés de prévoyance plutôt<br />

que de véritables établissements de crédit. C'est, en effet, aux<br />

administrateurs des communes mixtes que fut confiée la charge<br />

de leur fonctionnement; tout en se dévouant à une œuvre dont<br />

l'intérêt ne leur échappait pas,<br />

ceux-ci lui donnèrent bientôt un<br />

caractère plus administratif que bancaire et, finalement, les<br />

caisses ne répondirent pas aux espérances qu'on avait placées en<br />

elles. Quelques-unes réussirent néanmoins à fonctionner normale<br />

ment, comme celles de Sidi-Aïssa et de Médéa, mais aucune ne<br />

prospéra.<br />

On songea alors à affilier les caisses locales indigènes aux<br />

caisses régionales européennes ; mais quelques-unes de celles-ci<br />

ne consentirent pas à laisser s'unir à elles des organismes dont<br />

le fonctionnement ne leur paraissait sans doute pas suffisamment<br />

assuré et, dans l'ensemble, les caisses régionales marquèrent<br />

une préférence pour l'affiliation directe des adhérents des caisses<br />

indigènes aux caisses européennes.


- 3»!<br />

—<br />

La fusion sous cette forme des organismes indigènes avec les<br />

caisses européennes s'est heureusement effectuée, assurant le<br />

rapprochement si souhaitable entre les éléments indigènes e1<br />

français. Sur quarante et une caisses régionales en 1926, on<br />

en comptait trente-trois mixtes et huit exclusivement indigènes :<br />

en 1928, il n'existait plus que quatre caisses purement indigènes.<br />

On peut donc dire à présent que la grande majorité des indigènes<br />

agriculteurs,<br />

qui n'offrent pas une surface suffisante pour être<br />

admis directement à l'escompte par les banques, trouvent par<br />

l'intermédiaire des caisses agricoles le crédit qui leur est néces<br />

saire.<br />

*<br />

* *<br />

Au surplus, des institutions spéciales donnent aux cultivateurs<br />

indigènes, sous une forme qui correspond à leurs traditions, des<br />

concours qui ne sont pas nécessaires, sous la même forme, aux<br />

agriculteurs européens : mutuelles-labours qui, moyennant une<br />

prestation en nature (touïza), garantissent aux sociétaires<br />

l'assurance de leurs récoltes ou de leurs cheptels en cas de sinis<br />

tre ; sociétés mutuelles indigènes de cultures (Djemaat-el-Felaha)<br />

dont le but est de donner à leurs membres des connais<br />

sances agricoles indispensables et qui reçoivent à cet effet des<br />

avances (semences, cheptel, etc..) nécessaires à leurs cultu<br />

res (1). La première société de cette dernière sorte a été créée<br />

en 1918 aux Eulmas, près Sétif, sur l'initiative de M. Lévy,<br />

délégué financier.<br />

Les plus importantes parmi ces institutions spéciales aux<br />

indigènes,<br />

en même temps que les plus anciennes par leurs ori<br />

gines, sont les sociétés indigènes de prévoyance.<br />

Elles dérivent du silo de réserve. Le Coran a prescrit aux<br />

croyants de prélever sur leurs biens une part pour les miséreux,<br />

et les musulmans aisés ne manquaient pas de suivre à cet égard<br />

les préceptes de leur religion, en réservant,<br />

pour être distribuée<br />

(1) Des crédits importants ont été consentis par la Banque de l'Algérie<br />

à certaines époques, notamment aux communes indigènes de Biskra et de<br />

Djelfa, avec les signatures des Djemaas ou des chefs indigènes de la<br />

région, pour permettre la mise en valeur de vastes terrains agricoles<br />

dont la propriété était indivise.<br />

SOCIÉTÉ<br />

D<br />

PREVOYANC<br />

ET DE PRÊT<br />

MUTUEL<br />

AU<br />

INDIGÈNE:


— 392 —<br />

aux plus nécessiteux dans les années de disette,<br />

de leur récolte qui était conservée dans des silos.<br />

une petite part<br />

Cette coutume tomba en désuétude après notre occupation.<br />

Elle avait pu être détournée de son véritable but pendant la<br />

période où nos troupes se trouvaient en présence d'une résistance<br />

qu'elles devaient avant tout faire céder. Certains officiers n'en<br />

avaient pas moins compris l'utilité que présentaient les silos en<br />

cas de mauvaise récolte. Le futur général Lapasset avait conçu<br />

une organisation de silos des tribus, dont les événements de 1848<br />

empêchèrent la réalisation. Le général Liébert, qui commandait<br />

à Miliana, reprit ces idées lors de la famine qui sévit dans la<br />

colonie en 1867-1868. Il fit creuser des silos dans toutes les tribus<br />

des centres de Teniet-el-Haâd, de Miliana, de Cherchell,<br />

temps qu'il ouvrit des souscriptions en argent. Le général Lié<br />

en même<br />

bert eut des imitateurs dans les départements d'Oran et d'Alger<br />

et le Gouvernement autorisa, à cet effet, la création de caisses<br />

de prévoyance (Miliana 1869, Boghar 1874, etc..) En mai 1884,<br />

il prescrivit la création de sociétés de prévoyance dans toutes<br />

les communes de l'Algérie et ces sociétés reçurent un,statut juri<br />

dique par la loi du 14 avril 1893 (1)<br />

qui leur octroya la person<br />

nalité civile. Elles ont pour but de venir en aide, par des secours<br />

temporaires, aux indigènes, ouvriers agricoles ou cultivateurs<br />

pauvres, gravement atteints par les maladies ou les accidents ;<br />

de permettre, par des prêts annuels en argent ou en nature, aux<br />

indigènes, fellah ou khammès, de maintenir et de développer<br />

leurs cultures, etc... Pour utiliser leurs fonds de réserve, qui<br />

peuvent excéder leurs besoins dans certains cas, elles sont autori<br />

sées à consentir, jusqu'à concurrence du dixième de leurs fonds<br />

disponibles, des prêts à d'autres sociétés indigènes de prévoyance,<br />

etc.. Elles sont administrées par des Conseils où siègent les<br />

(1) Cette loi a pour objet la reconnaissance comme établissement d'uti<br />

lité publique des sociétés de prévoyance et de prêts mutuels des communes<br />

mixtes de l'Algérie. Elle fut votée à la suite d'une enquête prescrite par<br />

le Gouvernement général et sur le rapport, très documenté, présenté par<br />

M. Charles Bourlier, député, le 31 décembre 1891.<br />

Le projet avait été combattu en Algérie même par diverses personnes,<br />

qui voyaient dans le retour à une pratique ancienne une erreur, une solu<br />

tion contraire au progrès, et qui proposaient de créer des banques agricoles<br />

régionales, avec dépôt des fonds disponibles à la Banque de l'Algérie o » qui m<br />

leur accorderait des crédits.


— 393 —<br />

adjoints indigènes, chefs des douars. Le président est nommé<br />

par le préfet. Les prêts sont en général consentis pour la durée<br />

d'une campagne agricole (huit à dix mois) et ne doivent pas<br />

dépasser trois ans. L'actif de ces sociétés, qui était de 6 millions<br />

en 1896-97, atteignait en 1928, 89 millions. Elles étaient, fin 1928<br />

au nombre de 199, comprenant 1.520.476 adhérents et les prêts<br />

consentis à cette date se montaient, pour l'année, à 27.143.217<br />

francs. Les avances qu'elles avaient reçues de l'Etat atteignaient<br />

4.024.130 francs. Le rôle de ces sociétés en fait de véritables et<br />

bienfaisants auxiliaires du crédit agricole ; grâce à leur prospé<br />

rité, elles mettent chaque année à la disposition des sociétaires<br />

une somme plus considérable pour leur alimentation et les ense<br />

mencements ; jouant le rôle de coopératives de production, elles<br />

achètent à des prix relativement bas,<br />

grâce à l'importance des<br />

commandes, des instruments aratoires modernes et les revendent<br />

à bon compte à leurs sociétaires ; leur action produit ainsi les<br />

meilleurs effets sur le rendement cultural indigène.<br />

II<br />

LES BANQUES POPULAIRES<br />

Le crédit au moyen et au petit commerce, à la moyenne et<br />

à la petite industrie est avant tout un crédit personnel, consenti<br />

en considération des qualités du bénéficiaire et non de garanties<br />

effectives qui lui font en général défaut. Aussi a-t-il été conçu<br />

sous la forme d'un crédit de coopération. Les coopérateurs, qui<br />

sont appelés éventuellement à être les bénéficiaires du crédit, doi<br />

vent être l'objet d'un choix rigoureux s'exerçant dans un rayon<br />

assez restreint, de telle sorte que chacun soit aussi exactement<br />

que possible renseigné sur ses co-s.ociétaires. Enfin, pour diviser<br />

les risques, il est bon que les coopérateurs appartiennent à des<br />

professions aussi diverses que possible.<br />

Partant de ces principes, la loi fondamentale du crédit au<br />

moyen et au petit commerce, à la moyenne et à la petite indus<br />

trie,<br />

qui date du 13 mars 1917 et qu'un décret du 12 mai 1921 a<br />

rendu applicable à l'Algérie (1),<br />

prévoit la création de deux<br />

(1) La loi du 13 mars 1917 a été modifiée par la loi du 7 août 1920,<br />

rendue applicable en Algérie par le décret du 22 octobre 1923.<br />

ORIGINES<br />

DES<br />

BANQUES<br />

POPULAIRES.


PRINCIPES<br />

SUR<br />

LESQUELS<br />

REPOSE LA<br />

LÉGISLATION<br />

CONCERNANT<br />

LES BANQUES<br />

POPULAIRES.<br />

— 394 -s-<br />

types de sociétés commerciales, chargées d'assurer ce crédit<br />

aux intéressés : 1° La société de caution mutuelle,<br />

sorte de<br />

syndicat de garantie qui, à l'exclusion des opérations de crédit,<br />

se borne à avaliser ou à endosser les effets de ses adhérents<br />

pour en faciliter l'escompte en Banque; 2° la banque populaire,<br />

apte à toutes les opérations de dépôts, de crédit et d'egcompte.<br />

Il n'existe pas encore en Algérie de sociétés de caution<br />

mutuelle ;<br />

seules se sont constituées des banques populaires.<br />

Nous nous bornerons donc à résumer les fonctions de celles-ci.<br />

*<br />

* *<br />

« Les banques populaires, dit la loi de 1917, ne peuvent faire<br />

d'opérations qu'avec les commerçants, les industriels, fabri<br />

cants, artisans et sociétés commerciales, pour l'exercice normal<br />

de leur industrie, de leur commerce et de leur métier ».<br />

Elles peuvent être constituées sous forme de sociétés anony<br />

mes ordinaires ou sous forme de sociétés à capital variable (1).<br />

Bien qu'elles soient des institutions essentiellement coopératives,<br />

leurs actions peuvent être souscrites par des membres ne parti<br />

cipant pas aux avantages de la banque et n'ayant droit par suite<br />

qu'à la rémunération de leurs apports.<br />

Le capital souscrit ne peut recevoir un intérêt supérieur à 6 %<br />

des versements effectués (2). Après service de cet intérêt, le<br />

surplus des bénéfices est versé pour une part aux réserves et<br />

réparti pour une autre part entre les clients de la Banque « au<br />

prorata des prélèvements de toutes sortes qu'ils ont subis »,<br />

ce qui est la simple application du principe coopératif.<br />

Le Conseil d'administration détermine pour chaque client le<br />

montant maximum des escomptes et des avances qui peuvent<br />

être consentis,<br />

effets admis à l'escompte.<br />

et limite la durée des avances et l'échéance des<br />

Pour assurer le fonctionnement de ces banques, il est prévu<br />

(1) La loi du 7 août 1920 autorise les banques populaires, par déroga<br />

tion a. la loi du 24 juillet 1867, à fixer leur capital Initial à 500.000 francs<br />

(au lieu de 300.000) et à l'augmenter de la même somme d'année en année<br />

(au lieu de 200.000).<br />

(2) La loi de 1917 fixait l'intérêt maximum & 5 % ; c'est la loi de 1920<br />

qui l'a porté à 6 %.


395<br />

qu'elles peuvent recevoir des dépôts de toutes personnes et socié<br />

tés, et de plus, que les Caisses d'épargne peuvent leur consentir<br />

des prêts.<br />

Enfin l'Etat leur vient en aide en leur consentant pour cinq<br />

ans au minimum des avances qui ne peuvent excéder le double<br />

du capital versé en espèces (1). A cet effet, des crédits spé<br />

ciaux sont inscrits au budget de l'Algérie. Ces crédits n'ont jus- ,<br />

qu'à ce jour rien coûté à la colonie, puisqu'ils n'ont pas<br />

excédé'<br />

le montant des sommes mises pour cet objet à sa disposition par<br />

la Banque de l'Algérie (2) .<br />

Les banques populaires bénéficient d'autre part de privilèges<br />

fiscaux (exonération de l'impôt sur le revenu des valeurs mobi<br />

lières, de l'ancien impôt de la patente, de l'impôt sur les bénéfi<br />

ces des professions industrielles et commerciales). Elles sont<br />

enfin soumises à des formalités de publicité plus simples et beau<br />

coup moins onéreuses que celles qui sont de droit commun.<br />

*<br />

* *<br />

Les banques populaires doivent, au moyen de leur capital<br />

social, des dépôts de leur clientèle, des avances de l'Etat, du rées<br />

compte de leur portefeuille, recueillir les fonds destinés à satis<br />

faire les besoins de crédit de leurs membres et mettre ces fonds<br />

à la disposition de ceux-ci à titre d'avances directes ou contre<br />

escompte d'effets.<br />

L'Etat a entendu que les avances consenties aux banques<br />

populaires n'eussent que le caractère d'une aide initiale : « C'est<br />

en elles-mêmes, précise le commentaire général de la loi, dans<br />

(1) Ces avances peuvent être consenties sans intérêt. Dans la pratique<br />

le Gouvernement général accorde la gratuité d'intérêts dans la période de<br />

début, puis U pergoit des intérêts au taux de 2 %. Même après l'expiration<br />

du délai de 5 ans, ces avances peuvent être renouvelées.<br />

(2) La loi du 5 avril 1921 a disposé que 4.500.000 francs à prélever sur<br />

l'avance de 18 mUlions consentie par la Banque à l'Etat, aux termes de<br />

la convention du 12 décembre 1917, seraient attribués à titre d'avances<br />

aux Banques populaires, aux Sociétés coopératives de production et de<br />

consommation ainsi qu'aux Sociétés ouvrières de production et de crédit<br />

Cette avance de 18 millions a été consolidée par l'abandon que la loi du<br />

25 juin 1928 et la convention du 20 décembre 1928 ont fait à l'Etat du<br />

montant du tiers de la réévaluation de l'encaisse de la Banque, qui a été,<br />

jusqu'à due concurrence, compensée avec cette avance.<br />

ATTRIBU<br />

TIONS<br />

GÉNÉRALES<br />

ET DEVOIRS<br />

DES BANQUES<br />

POPULAIRES.


— — 396<br />

leur capital social et autour d'elles, dans les dépôts que fera<br />

affluer vers elles la confiance qu'elles inspireront, ainsi que dans<br />

les facilités d'escompte qu'elles rencontreront.... que les banques<br />

populaires trouveront les éléments essentiels et permanents de<br />

leur activité... L'Etat n'entend intervenir en leur faveur que<br />

pour les encourager et soutenir leurs premiers pas,<br />

et compte<br />

qu'elles deviendront majeures assez rapidement pour pouvoir<br />

se passer de son concours. »<br />

Elles doivent donc veiller comme les autres banques à la liqui<br />

dité de leur actif, à la saine composition de leur portefeuille ;<br />

elles ne sont pas des organismes de bienfaisance, mais des ins<br />

titutions de crédit soumises aux règles qui s'imposent à cet<br />

égard à toutes les banques. La connaissance de leur clientèle,<br />

connaissance des qualités morales de celle-ci, connaissance de<br />

sa façon de travailler, de ses débouchés, de ses ressources comme<br />

de ses besoins réels, est leur premier devoir. Il est souvent dif<br />

ficile à remplir en raison de l'extrême variété des métiers, du<br />

grand nombre de petites maisons que les banques populaires<br />

doivent étudier et suivre ; mais si elles se maintiennent bien<br />

dans le rôle qui leur est assigné, si elles écartent les trop forts<br />

engagements de clients trop exigeants,<br />

si elles recrutent leur<br />

clientèle d'escompte dans le milieu connu d'elles, elles évitent par<br />

là même les gros incidents, les lourdes pertes que peuvent faire<br />

subir à toute autre banque la défaillance d'un client important<br />

trop grandement engagé.<br />

Parfois, dans la Métropole, certaines banques populaires ont<br />

rencontré cet écueil, parce qu'elles avaient accepté des risques<br />

excessifs sur un seul client, sur une seule catégorie d'affaires.<br />

Des pertes sévères ont été éprouvées par quelques-unes d'entre<br />

elles. Cette situation a préoccupé les pouvoirs publics et une loi<br />

réformant le statut des banques populaires a été votée le 24<br />

juillet 1929 et suivie d'un décret du 21 août 1929.<br />

Il a paru nécessaire de constituer sur leurs opérations un con<br />

trôle purement autonome à caractère technique et d'assouplir<br />

les modalités du concours financier de l'Etat. A cet effet, il<br />

est créé une Chambre Syiuiicade éluejpar les banques populaires<br />

et qui représentera çeilçs-çi vis-à-yis3ëTEtàt. La Chambre<br />

Syndicale recevra les avances et les répartira, elle exercera un


— — 397<br />

contrôle sur les opérations des banques. Nous ne doutons pas<br />

que les banques populaires algériennes, de fondation plus récen<br />

te, et qui dans l'ensemble sont dirigées avec sagesse, gardent<br />

dans leur esprit le souvenir des expériences malheureuses de<br />

ces banques métropolitaines et en fassent leur profit. Leur mis<br />

sion est trop importante, au point de vue général, pour qu'elles<br />

s'en écartent.<br />

D'autre part, leur-nombre relativement peu élevé ne justifie<br />

pas encore en Algérie la création d'une Caisse centrale des ban<br />

ques populaires comme il en existe une en France, où une telle<br />

caisse, fondée en 1921, doit fonctionner à la fois comme cham<br />

bre de compensation et comme organe de crédit, par le jeu du<br />

réescompte. La Banque de l'Algérie, qui réescompte le papier des<br />

banques populaires, lorsqu'il présente les qualités et conditions<br />

statutaires, remplit en fait, d'ailleurs, auprès de ces banques,<br />

une partie du rôle dévolu à cet organisme centralisateur.<br />

En dehors, de leur rôle purement bancaire, les banques popu<br />

laires ont été désignées par le législateur comme intermédiaires<br />

entre l'Etat et certains bénéficiaires d'avancés consenties pour<br />

des raisons d'intérêt social.<br />

C'est ainsi que la loi du 24 octobre 1919,<br />

qui a pour objet<br />

d'instituer le crédit à long terme au profit des petits commer<br />

çants, petits industriels, petits fabricants et artisans démobili<br />

sés, ainsi qu'aux veuves de cette catégorie de travailleurs béné<br />

ficiant d'une pension, leur a confié la mission de consentir aux<br />

intéressés des prêts d'un montant et d'une durée déterminés.<br />

La loi a voulu faciliter aux bénéficiaires de ces prêts la reprise<br />

de leurs affaires et, d'une façon générale, l'exercice de leur acti<br />

vité professionnelle. La loi du 24 octobre 1919 avait ouvert au<br />

Ministre du Commerce un crédit de 50 millions à cet effet, pour<br />

être attribué, sous forme d'avances sans intérêt,<br />

aux banques<br />

populaires constituées en France. Un décret du 12 mai 1921,<br />

qui rend cette loi applicable à l'Algérie, prévoit que dans la<br />

colonie ces avances seront prélevées sur le crédit ouvert au bud<br />

get spécial de l'Algérie,<br />

sous la rubrique « Prêts aux petits com-<br />

ATTRIBUTl<br />

SPÉCIA<br />

DÉ VOL<br />

AUX BANQ<br />

POPULAL<br />

CRÉDIT<br />

DÉMOBILi


merçants et industriels,<br />

— — 398<br />

aux petits fabricants démobilisés ainsi<br />

qu'à leurs veuves » (1). Les avances consenties au titre de cette<br />

dernière loi ne peuvent, pour chaque banque, excéder le sextuple<br />

de leur capital versé. L'application de la loi du 24 octobre 1919<br />

est limitée dans le temps : les avances ne sont consenties aux<br />

banques populaires que pour une durée de 14 années au maxi<br />

mum, sans prorogation. En ce qui concerne les prêts faits aux<br />

bénéficiaires,<br />

elle est limitée à la fois dans le temps et quant<br />

au montant des sommes prêtées : les prêts consentis au taux<br />

de 3 % ne peuvent excéder 10.000 francs,<br />

de dix années.<br />

ni dépasser la durée<br />

La distribution de ces prêts par les banques populaires algé<br />

riennes est aujourd'hui terminée et les derniers remboursements<br />

doivent être effectués dans une huitaine d'années environ. Alors,<br />

la loi, qui était une loi temporaire et de circonstance, n'aura plus<br />

d'application en Algérie.<br />

Ces prêts qui se sont élevés au nombre de 142, ont atteint un<br />

montant de 1.226.993 francs. Ils sont en décroissance<br />

depuis,<br />

par suite des remboursements effectués. La Banque<br />

Populaire d'Alger, qui avait prêté 741.000 francs, avait déjà<br />

reversé à l'Etat, en décembre 1928, sur cette somme, 280.000<br />

francs remboursés par ses emprunteurs.<br />

crédit a Les banques populaires servent également d'intermédiaires<br />

l'artisanat.<br />

*<br />

entre yEtat et leg intéresséS) pour la distribution du Crédit à<br />

l'artisanat.<br />

Dans ce cas, leur mission n'est pas temporaire comme celle<br />

que leur a confiée la loi du 24 octobre 1919, elle est au con<br />

traire permanente et elle a une très grande importance.<br />

On entend par artisanat l'industrie dans laquelle le travail de<br />

direction n'absorbe pas les maîtres au point de les empêcher de<br />

travailler manuellement dans leurs entreprises, tandis que, dans<br />

la grande industrie, la direction est séparée de l'exécution, elle-<br />

(1) Le crédit est alimenté par le prélèvement de 4.500.000 francs sur<br />

les fonds provenant originairement de l'avance de la Banque de l'Algérie»


— 3i->9 —<br />

même scindée en de multiples tâches réglées par la loi de la divi<br />

sion du travail. Le législateur a voulu créer au profit de l'artisan<br />

un régime de faveur par rapport aux autres petits industriels ;<br />

il a été guidé par l'idée d'assurer, pour un but social, la renais<br />

sance des métiers. En Algérie cette organisation présente une<br />

utilité incontestable, non seulement parce que la grande indus<br />

trie y fait à peine son apparition, mais aussi parce que cette<br />

forme d'organisation de la production correspond parfaitement<br />

au caractère et aux mœurs de la population indigène et que la<br />

rénovation de certains métiers, notamment le tissage, doit assu<br />

rer des moyens d'existence à une fraction importante de la<br />

population.<br />

L'artisan a rarement besoin d'un fonds de roulement impor<br />

tant et il ne fait guère appel au crédit à court terme ; d'ailleurs<br />

sa clientèle est trop peu importante, offre trop peu de surface,<br />

ou effectue des achats d'un montant trop peu élevé, pour qu'il<br />

puisse pratiquement émettre des traites sur elle. Il a surtout<br />

besoin de crédit à moyen et à long terme,<br />

parce qu'il faut qu'il<br />

se procure des ressources lui permettant de perfectionner son<br />

outillage, et il ne présente dans ce cas au prêteur éventuel que<br />

des garanties personnelles assez faibles.<br />

Pour renforcer la situation des artisans, le législateur a cher<br />

ché à les grouper, à les associer, et le système de la coopération<br />

est à la base du Crédit artisanal, comme à la base du Crédit<br />

agricole ,<br />

à celle du Crédit à la petite industrie et au petit com<br />

merce ; mais ce système est ici en quelque sorte plus serré.<br />

C'est une loi du 27 décembre 1923 (1), rendue applicable à l'Al<br />

gérie par décret du 2 avril 1925, qui organise le crédit à l'arti<br />

sanat, et elle a pris ce titre suggestif : « Loi portant organisation<br />

du crédit aux sociétés coopératives et unions de sociétés coo<br />

pératives d'artisans, ainsi qu'aux petits artisans » (2).<br />

Il est prévu que des prêts peuvent être accordés, sur les fonds<br />

(1) Un décret portant règlement d'administration publique était prévu<br />

par l'article 7 de cette loi. Il a été rendu le 27 juillet 1924.<br />

(2) Cette loi avait été préparée par une commission instituée en décem<br />

bre 1922 par le Gouvernement, désireux de faire bénéficier les artisans du<br />

crédit organisé par la loi du 18 décembre 1915 sur les sociétés coopérati<br />

ves ouvrières de production et de crédit et par la loi du 7 mai 1917 sur les<br />

sociétés coopératives de consommation.


— 400 —<br />

spécialement affectés à cet objet par l'Etat, aux sociétés coopé<br />

ratives ou unions de sociétés coopératives d'artisans, ainsi qu'aux<br />

artisans individuellement.<br />

Les prêts collectifs peuvent être accordés aux sociétés coopé<br />

ratives ayant pour but l'achat, la fabrication, la répartition des<br />

marchandises, matières premières, machines ou objets quelcon<br />

ques intéressant directement ou indirectement l'exercice de la<br />

profession artisanale de leurs membres,<br />

et aux unions de ces<br />

sociétés (1). Ces unions peuvent être constituées sous la forme<br />

de sociétés à personnel et à capital variables ;<br />

elles ne doivent<br />

comprendre que des artisans, travailleurs indépendants, recou<br />

rant à elles pour certaines opérations accessoires n'intéressant<br />

que l'exercice de la profession artisanale. Les prêts faits aux<br />

collectivités peuvent atteindre une durée maxima de dix ans.<br />

Ils sont renouvelables. Les avances accordées à ces unions et<br />

sociétés ne peuvent dépasser le triple de l'actif de la société.<br />

Elles leur sont consenties par l'intermédiaire d'Une union<br />

agréée par arrêté du Gouverneur général. Les unions agréées<br />

mettent en relation la Colonie et les groupes emprunteurs ; elles<br />

encaissent le produit des intérêts payés par ceux-ci, constituant<br />

ainsi, après couverture des frais,<br />

une réserve de garantie pour<br />

le remboursement des avances consenties par le Gouvernement<br />

général. Lorsque les prêts sont intégralement soldés, les réser<br />

ves restent acquises aux unions.<br />

Les prêts individuels ne sont consentis qu'à des artisans, mem<br />

bres d'un syndicat professionnel, sociétaires de sociétés coopéra-<br />

ves artisanales, elles-mêmes membres d'une union agréée.<br />

C'est pour la répartition de ces prêts qu'interviennent les<br />

banques populaires Les demandes de prêts individuels doivent<br />

être présentées à la banque populaire, chargée spécialement de<br />

ces opérations, par l'intermédiaire d'une union agréée. La banque<br />

populaire est libre de remettre le montant du prêt aux béné<br />

ficiaires, soit directement, soit indirectement,<br />

en payant leurs<br />

fournisseurs. Ce dernier procédé, qui présente l'avantage d'un<br />

contrôle, est généralement adopté.<br />

(1) Les unions de sociétés sont soumises au régime juridique établi par<br />

la loi du 7 mai 1917 étendue à l'Algérie par décret du 12 avril 1922 et par<br />

celle du 13 mars 1917, citée plus haut.


— - 401<br />

Les prêts individuels sont réservés aux petites entreprises<br />

n'excédant pas en importance certaines limites fixées d'après<br />

le nombre de travailleurs étrangers à la famille (1). Ils sont des<br />

tinés à être affectés à la constitution, l'aménagement, l'instal<br />

lation, la réfection totale ou partielle, la dotation en outillage<br />

d'une petite entreprise. Le montant de chaque prêt individuel<br />

ne peut dépasser 10.000 francs. Leur durée est de cinq ans et<br />

ils sont frappés d'un intérêt égal à celui des avances sur titres<br />

de la Banque de l'Algérie.<br />

Comme les unions, pour les prêts collectifs, les banques popu<br />

laires, pour les prêts individuels, constituent avec les intérêts<br />

encaissés, après couverture des frais, une réserve de garantie.<br />

En outre, les engagements des banques doivent être liquidés dans<br />

un délai de six ans, ce qui laisse aux organismes créanciers une<br />

année pour poursuivre jusqu'à complet paiement les débiteurs<br />

bénéficiaires de prêts d'une durée maxima de cinq ans.<br />

*<br />

,( C'est aussi par l'intermédiaire des Banques populaires que s'est<br />

7organisé en Algérie le crédit hôtelier ; mais toutes les banques<br />

populaires ne s'en chargent pas. Une seule,<br />

cet effet,<br />

qui a été créée à<br />

est spécialisée dans ces opérations et elle a pris le<br />

titre de « Crédit Hôtelier Algérien ».<br />

L'Algérie attirant des visiteurs chaque jour plus nombreux,<br />

il était nécessaire de jalonner d'installations hôtelières, suscep<br />

tibles de correspondre à tous les besoins, les chemins parcourus<br />

par ces visiteurs.<br />

Le crédit devait hâter cette organisation, que l'on pensa d'a<br />

bord pouvoir être assurée, soit par les établissements bancaires<br />

déjà créés,<br />

soit par l'administration elle-même. Celle-ci devait<br />

s'occuper de l'amélioration des hôtels existants et des installa-<br />

(1) Sont considérés comme petits artisans les travailleurs de l'un ou<br />

l'autre sexe exerçant une profession indépendante, exerçant eux-mêmes<br />

les travaux manuels qui font l'objet de ce métier, et n'occupant en dehors<br />

de leur famille que deux personnes au plus. Le nombre peut être porté<br />

à trois s'il y a parmi eux un apprenti ayant passé un contrat d'appren<br />

tissage.<br />

crédit<br />

hôtelier


— 402 —<br />

lions à réaliser; s'il ne lui était pas possible, en cette matière,<br />

de se substituer aux initiatives privées, elle était du moins en<br />

mesure de les susciter par l'intermédiaire des syndicats d'initia<br />

tive qui, à ce point de vue, ont une action directe à exercer.<br />

L'aide de la colonie, prenant sa source dans les redevances de<br />

la Banque de l'Algérie (1), pouvait être réalisée sous deux for<br />

mes différentes : la subvention ou la garantie d'intérêt. La sub<br />

vention est destinée à récompenser l'hôtelier de la bonne tenue<br />

de son établissement ; elle est accordée à titre de participa<br />

tion aux travaux d'aménagements, d'améliorations et d'embel<br />

lissements effectués dans l'intérêt du tourisme. Les sommes<br />

allouées ne dépassent pas la moitié des dépenses effectuées<br />

et sont maintenues à des chiffres inférieurs à 50.000 francs.<br />

Il fallut, en effet, apporter une limite aux demandes qui affluè<br />

rent de toutes parts, dès que les hôteliers furent informés de<br />

l'affectation possible des fonds qui leur étaient réservés.<br />

La garantie d'intérêt couvre jusqu'à concurrence du taux de<br />

5 %, pendant sept années,<br />

— durant<br />

sont soumis au contrôle de l'administration —<br />

lesquelles les intéressés<br />

et pour une frac<br />

tion ne dépassant pas 200.000 francs, les capitaux engagés dans<br />

des entreprises hôtelières intéressant le développement du tou<br />

risme. Le bénéfice de ces dispositions est accordé après avis préa<br />

lable d'une commission spéciale.<br />

Ces moyens administratifs ne tardèrent pas à se révéler insuf<br />

fisants,<br />

car ils étaient très loin de correspondre au vrai crédit.<br />

L'organisation du tourisme algérien exigeait plus et mieux que<br />

des subventions à maximum de 50.000 francs et des garanties<br />

d'intérêt pour des fractions de capitaux ne dépassant pas 200.000<br />

francs. Ces procédés ne pouvaient permettre de « provoquer, dans<br />

une mesure suffisante, les initiatives hardies nécessaires à l'es<br />

sor de l'industrie hôtelière. » L'on pensa alors à organiser le<br />

crédit hôtelier suivant les principes adoptés en France par la<br />

loi de finances du 30 juin 1923, pour le Crédit national hôte<br />

lier.<br />

(1) Loi du 5 avril 1921, portant affectation des sommes à provenir<br />

de la redevance annuelle que la Banque de l'Algérie doit verser à l'Etat<br />

en vertu de la loi du 29 décembre 1918, article 2, paragraphe 5, Propa<br />

gande industrielle, commerciale et touristique.


— — 403<br />

En fait, le Crédit national hôtelier, dont les opérations s'éten<br />

dent à la France et à la Corse, n'est autre qu'une banque popu<br />

laire régie par les lois des 13 mars 1917 et 7 août 1920 ; il<br />

fonctionne comme une banque ordinaire pour toutes les opéra<br />

tions courantes de ses membres, mais il est organisé en même<br />

temps pour consentir des avances à court et à long terme.<br />

Les prêts à court terme ne peuvent dépasser deux années et<br />

sont accordés sous forme de billets à 90 jours souscrits par<br />

l'hôtelier et renouvelables jusqu'à l'échéance. Les prêts à long<br />

terme,<br />

le plus souvent accompagnés de garanties réelles ou de<br />

contrats d'assurances en cas de décès, sont accordés pour une<br />

durée maximum de 14 années, et destinés à la construction, à<br />

l'agrandissement ou à de notables perfectionnements d'hôtels,<br />

suivant un programme dicté par les besoins du tourisme. Les<br />

fonds mis par le Trésor français à la disposition du Crédit<br />

national hôtelier sont destinés à la petite et à la moyenne hôtel<br />

lerie seulement, à l'exclusion de la grande industrie.<br />

C'est sur ce modèle que l'on a créé le « Crédit Hôtelier Algé<br />

rien », banque populaire au même titre que l'organisme français.<br />

Pour constituer son capital, on a fait appel à tous les groupe<br />

ments intéressés au développement de l'industrie hôtelière : com<br />

pagnies de navigation et de chemins de fer, sociétés de tourisme,<br />

en particulier le Crédit Foncier d'Algérie et de Tuni<br />

banques,<br />

sie. La Banque de l'Algérie est intervenue à sa création par une<br />

appréciable dotation. Les ressources de cet institut, société à<br />

capital variable, se composent du capital s'élevant actuellement<br />

à 1 million entièrement versé et d'une avance de 2 millions con<br />

sentie par la colonie. Elles doivent être affectées soit aux cré<br />

dits à moyen terme qui ne peuvent excéder cinq ans et sont des<br />

tinés aux travaux d'améliorations et d'aménagement d'instal<br />

lations existantes, soit aux crédits à long terme, consentis pour<br />

15 ans au plus et prévus pour les constructions d'hôtels nouveaux<br />

ou agrandissements d'hôtels existants. Les garanties se compo<br />

sent, en général, du nantissement du fonds de commerce et du<br />

matériel des hôtels, et, éventuellement,<br />

si l'hôtelier est proprié<br />

taire de l'immeuble, d'une hypothèque venant en premier rang.


404 —<br />

crédit C'est enfin par l'intermédiaire de Banques populaires spécia-<br />

maritime.<br />

* *<br />

iisées que les pêcheurs et certaines industries maritimes béné<br />

ficient en Algérie du Crédit maritime.<br />

Ce crédit a été organisé dans la Métropole par une loi du 4<br />

décembre 1913,<br />

mais aucun des organismes essentiels prévus par<br />

cette loi ne fonctionne encore en Algérie,<br />

sauf dans le départe<br />

ment de Constantine. On ne trouve guère dans la colonie que<br />

quelques syndicats et d'assez rares coopératives maritimes.<br />

Ce sont ces sociétés qui,<br />

par l'intermédiaire des Banques popu<br />

laires spécialisées, peuvent obtenir du Gouvernement général un<br />

concours qui se traduit par des subventions et des avances. Un<br />

quart du capital de chaque société peut être constitué au moyen<br />

d'une subvention et la moitié au moyen d'une avance. Les fonds<br />

nécessaires à ces subventions et à ces avances sont prélevés<br />

sur les crédits inscrits spécialement au budget de l'Algérie.<br />

On sait que la législation française a organisé le crédit mari<br />

time sur des bases analogues à celles qui ont fait leur preuve<br />

pour le crédit agricole. La loi fondamentale du 4 décembre 1913<br />

codifie et complète les mesures prises antérieurement à cet<br />

égard. Son application à l'Algérie a été spécifiée par son article<br />

27 (1).<br />

Elle précise que l'institution du crédit maritime mutuel ne<br />

(1) Cette loi a été complétée par les décrets des 12 avril 1914 et 22<br />

janvier 1915. L'idée première de ces dispositions législatives remonte à<br />

une trentaine d'années. En 1899, le Gouvernement prévoyait, dans une cir<br />

culaire relative au fonctionnement des Sociétés mutuelles entre marins,<br />

que « des prêts pourraient être accordés aux marins-pêcheurs, grâce à<br />

une application du Crédit mutuel qui pourrait, dans l'avenir, être féconde<br />

en résultats utiles ». En 1905, le département de la marine fit adopter la<br />

création d'une Caisse nationale de prêts qui fut dotée d'une première mise<br />

de 760.000 francs prélevés sur les primes à la marine marchande. En 1906,<br />

(loi du 23 avril) furent instituées des sociétés locales de crédit maritime.<br />

Mais ces sociétés ne purent rendre que des services limités ; le papier<br />

souscrit par leurs membres, et qu'elles cherchaient à escompter, ne trou<br />

vait guère preneur, en raison des insuffisantes garanties qu'il parais<br />

sait offrir. En attendant que la loi organisât des caisses régionales de<br />

crédit maritime, une association fut fondée sous le régime de la loi de<br />

1901 ; elle reçut une avance de 100.000 francs prélevée sur la dotation de<br />

760.000 francs, précédemment constituée. Puis la loi du 18 juin 1909 créa<br />

les caisses régionales, et celle du 20 mars 1910, autorisa l'Etat à consentir<br />

des avances à ces caisses.


—<br />

— 405<br />

s'applique qu'aux marins-pêcheurs, aux concessionnaires d'éta<br />

blissements de pêche sur le domaine maritime exploitant eux-<br />

mêmes ces établissements, ainsi qu'à leurs veuves, et aux fem<br />

mes exerçant la même profession. Elle a exclusivement pour<br />

objet de faciliter aux bénéficiaires les opérations se rattachant à<br />

la capture, à l'élevage, au parcage, à la conservation et à la vente<br />

des produits des eaux maritimes ou du domaine maritime.<br />

Le crédit maritime mutuel est accordé par l'intermédiaire de<br />

caisses régionales et de caisses locales qui peuvent être consti<br />

tuées sous la forme de sociétés à capital variable (1). Ces cais<br />

ses peuvent être formées par les bénéficiaires désignés plus<br />

haut, sous réserve qu'il soient affiliés à un syndicat profession<br />

nel maritime, à une société coopérative maritime, à une société<br />

d'assurances mutuelles contre les risques du matériel de pêche<br />

ou enfin à une prud'homie de pêche. Elles peuvent principale<br />

ment l'être par ces groupements eux-mêmes.<br />

Les opérations des caisses de crédit maritime se répartissent<br />

en quatre groupes : Les prêts individuels à court et à long terme<br />

et les prêts collectifs à court et à long terme ; les caisses locales<br />

sont chargées de la répartition des prêts individuels à court et à<br />

long terme,<br />

ainsi que des prêts collectifs à court terme aux syn<br />

dicats professionnels maritimes, sociétés d'assurance mutuelle,<br />

prud'homies de pêche. Les prêts collectifs à long terme sont<br />

répartis par les caisses régionales seules ; ils sont consentis aux<br />

sociétés coopératives maritimes (2) .<br />

Ces sociétés coopératives maritimes sont régies par la même<br />

(1) Le capital des caisses est constitué à l'aide de souscriptions formées<br />

de parts nominatives transmissibles seulement par voie de cession et avec<br />

l'agrément de la société. Il doit être réalisé pour les 2/3 au moins par<br />

des membres actifs, et peut l'être pour un tiers par des membres hono<br />

raires. Il ne peut jamais être réduit, par les reprises des apports des socié<br />

taires sortants, au-dessous du capital de fondation.<br />

(2) Le montant des avances faites aux caisses régionales, pour les prêts<br />

de cette nature, ne peut excéder le quintuple de leur capital versé, ni<br />

dépasser une durée de cinq années. Pour les prêts individuels à long terme,<br />

les subventions sont limitées en principe au quintuple du capital versé. Un<br />

même bénéficiaire ne peut recevoir plus de 40.000 francs s'il s'agit d'un<br />

prêt consenti en vue de l'industrie de la pêche, ni plus de 5.000 francs<br />

s'il s'agit d'un prêt accordé en vue de l'exploitation du domaine maritime;<br />

les avances mises ainsi à sa disposition ne peuvent être faites pour une<br />

durée supérieure à dix ans.<br />

Le prêt à long terme maritime doit être entouré de plusieurs garanties<br />

26


— — 40tj<br />

loi. Elles sont formées par un ou plusieurs groupements profes<br />

sionnels maritimes ou par des membres de ces groupements, en<br />

vue de l'achat en commun d'engins de pêche, d'instruments nau<br />

tiques, d'appâts, de combustibles, etc...<br />

Les sociétés coopératives peuvent se concerter de manière<br />

à permettre aux membres de l'une de s'approvisionner dans les<br />

magasins de l'autre. Ces groupements sont constitués le plus<br />

souvent sous la forme de sociétés anonymes à capital variable •<br />

ils peuvent obtenir des prêts de caisses régionales variant, quant<br />

à leur montant et à leur durée, suivant les diverses opérations<br />

auxquelles ils sont affectés (1).<br />

Ce régime de crédit maritime mutuel rend en France d'ap<br />

préciables services aux gens de mer.<br />

Il semble que, soit sous cette forme, ainsi que le département<br />

de Constantine en a pris l'initiative par la création d'une caisse<br />

régionale au chef-lieu et d'une caisse locale à Philippeville, soit<br />

sous la forme de banques populaires spécialisées, comme il est de<br />

pratique dans le département d'Alger,<br />

un effort utile puisse<br />

être tenté pour donner à la pêche une impulsion qui lui manque<br />

en général et pour développer les industries maritimes qui ne<br />

tiennent pas encore dans le pays une place correspondante à<br />

l'étendue de ses côtes poissonneuses. Les gens de mer ne sont<br />

en Algérie qu'au nombre de 10.000 environ,<br />

ce qui représente à<br />

peine l/12e de la population maritime française. Ce petit nombre<br />

et la dispersion des gens de mer le long de la côte algérienne,<br />

suffit à expliquer les difficultés que rencontre, en Algérie, l'ap<br />

plication de la loi métropolitaine. L'important, au surplus, n'est-il<br />

variant suivant que les crédits sont affectés à l'industrie de la pêche ou<br />

aux opérations autres que l'industrie de la pêche proprement dite.<br />

Dans le premier cas, elles sont constituées par une hypothèque maritime,<br />

un contrat d'assurances maritimes et un contrat d'assurance en cas de<br />

décès ; dans le second, par un warrant sur les produits de l'exploitation,<br />

consenti au profit de la caisse locale jusqu'à concurrence de la somme due,<br />

un contrat d'assurance et un contrat d'assurance en cas de décès.<br />

(1) S'il s'agit d'un prêt à long terme, pour les opérations générales spé<br />

cifiées à l'article premier de la loi, il ne peut être consenti pour une<br />

durée supérieure à 5 ans et son montant ne peut excéder le triple du capi<br />

tal versé en espèces sous forme de parts, par la Société coopérative à la<br />

caisse régionale. S'il s'agit d'un prêt à court ternie uniquement réservé<br />

à l'achat d'appâts, il ne peut excéder le quintuple du capital versé et sa<br />

durée ne peut dépasser un an.


— — 407<br />

pas que son esprit soit appliqué sous une forme adaptée au pays<br />

et que le crédit maritime se développe au profit des petits<br />

pêcheurs et des petits industriels marins qui ne présentent pas<br />

individuellement assez de surface pour obtenir directement le<br />

concours des grandes banques ?<br />

*<br />

* *<br />

Il existe, en Algérie, quatre banques populaires principales<br />

non spécialisées, déjà relativement anciennes: celles d'Alger, de<br />

Constantine, de Bône et de Bougie. Dans le département d'Oran,<br />

une banque populaire vient d'être créée à Montgolfier, une autre<br />

a été projetée à Tlemcen.<br />

A côté de ces banques populaires, dont les opérations, tout<br />

en se renfermant dans le cadre de la loi,<br />

les branches de l'activité industrielle et commerciale pour les<br />

sont étendues à toutes<br />

quelles ces institutions ont été créées, certaines banques popu<br />

laires se sont constituées en vue d'opérations spéciales, en dehors<br />

même de celles dont nous avons parlé concernant le crédit mari-<br />

time^et le crédit hôtelier. Elles sont, en général, issues des<br />

puissantes mutualités agricoles du département d'Alger et elles<br />

diffusent le crédit par l'entremise de filiales coopératives en<br />

contact avec les particuliers.<br />

Nous donnons ci-après quelques indications sur chacune de ces<br />

banques. :<br />

statisti<br />

ET MONOl<br />

Pl<br />

DES BANQ<br />

POPULA1<br />

A LGÉRIEN


— — 408<br />

Monographies des Banques populaires<br />

a) Banques populaires non spécialisées<br />

1° Banque Populaire d'Alger<br />

Société anonyme coopérative au capital variable de 1 million<br />

Créée en août_1924,<br />

entièrement versé<br />

cette Banque populaire a très heureuse<br />

ment développé ses opérations dans le petit commerce et la<br />

petite industrie. La moyenne des effets escomptés par elle<br />

en 1928 est de 527 francs.<br />

Ses escomptes se sont élevés :<br />

en 1924, pour 3.084 effets, à Fr. 1.035.690 50<br />

— 1925<br />

— 1926<br />

— 1927<br />

— 1928<br />

—<br />

—<br />

—<br />

—<br />

28.977<br />

53.356<br />

63.265<br />

70.555<br />

—<br />

—<br />

—<br />

—<br />

11.658.875<br />

23.163.008<br />

27.449.317<br />

37.212.137<br />

39<br />

38<br />

»<br />

04<br />

Le nombre de ses clients est de 450 : ceux qui ont recours<br />

à l'escompte sont en moyenne de 234 par mois. Les avances et<br />

les escomptes sont limités individuellement à 40.000 francs.<br />

Déjà de nombreux petits commerçants et industriels ont trouvé<br />

auprès de cette Banque un concours qui leur permet d'échapper<br />

à l'usure.<br />

C'est également cette Banque qui a appliqué dans le départe<br />

ment d'Alger, dans les conditions que nous avons indiquées plus<br />

haut (1), les dispositions de la loi du 24 octobre 1919.<br />

Le montant de ses réserves atteint 437.010,61.<br />

2° Banque Populaire de Bône<br />

Société anonyme coopérative au capital variable<br />

de 300.000 francs<br />

Créée en octobre 1922, le développement de cette Banque a été<br />

le suivant d'après le mouvement de ses escomptes :<br />

(1)<br />

Voir page 397.


— — 409<br />

en 1923 Fr. 2.070.838 80<br />

— 1924<br />

— 1925<br />

— 1926<br />

— 1927<br />

— 1928<br />

—<br />

—<br />

—<br />

—<br />

—<br />

6.493.466<br />

7.070.253<br />

9.043.536<br />

9.825.486<br />

13.825.486<br />

30<br />

05<br />

10<br />

90<br />

»<br />

Le montant de ses réserves est de 107.058,05.<br />

3° Banque Populaire de Bougie<br />

Société anonyme coopérative au capital variable<br />

de 76.000 francs<br />

Créée en juin 1923, le développement de cette banque a été<br />

le suivant d'après le mouvement de ses escomptes :<br />

en 1925 Fr. 2.412.847 90<br />

— 1926<br />

— 1927<br />

— 1928<br />

—<br />

—<br />

—<br />

4.329.024<br />

6.500.000<br />

9.307.325<br />

80<br />

»<br />

»<br />

Le montant de ses réserves est de francs : 27.702,61.<br />

4° Banque Populaire de Constantine<br />

Société anonyme coopérative au capital variable<br />

de 452.000 francs<br />

Créée en juin 1924, le développement de cette banque a été<br />

le suivant d'après le mouvement de ses escomptes :<br />

en 1924 Fr. 365.551 30<br />

— 1925<br />

— 1926<br />

— 1927<br />

— 1928<br />

—<br />

—<br />

—<br />

—<br />

4.402.112<br />

7.894.250<br />

16.357.455<br />

30.112.825<br />

69<br />

77<br />

49<br />

»<br />

Le montant de ses réserves atteint 126.578,30.<br />

5° Caisse Populaire de Montgolfier<br />

Société anonyme à capital variable,<br />

créée le 27 mars 1929 au<br />

capital de 4.700 francs actuellement porté à 6.700.


— 410 —<br />

b) Banques populaires spécialisées<br />

1° Crédit Mutuel Algérien<br />

Société anonyme au capital variable de 697.000 francs<br />

Créée en 1909, sous le nom de « Banque Populaire d'Alger »,<br />

cette société céda ce nom à la Banque Populaire d'Alger actuelle<br />

ment existante, au moment de la création de celle-ci.<br />

Bien que spécialisée dans des catégories de crédit déterminé,<br />

elle est placée sous le régime de la loi du 13 mars 1917. Elle<br />

s'occupe de crédit au profit d'institutions sociales : sociétés<br />

coopératives de consommation et de production, crédit maritime,<br />

habitations à bon marché. Elle prête son concours à des coopé<br />

ratives du bâtiment, à des coopératives de pêcheurs, à des coopé<br />

ratives de fabrication de conserves de poissons ; elle fait des<br />

avances aux sociétés d'habitations à bon marché pour leur per<br />

mettre d'engager leurs projets de constructions, en attendant<br />

le versement des concours de l'Etat, quand ces concours leur<br />

sont acquis.<br />

Le montant de son portefeuille était au 31 décembre 1928<br />

de francs : 3.685.132,10. Celui de ses réserves de francs :<br />

80.736,39.<br />

2° Crédit Populaire Algérien<br />

Société anonyme au capital variable de 130.000 francs<br />

Cette société, créée en juin 1928 en est à ses débuts. Comme<br />

la précédente, elle se spécialise dans certaines opérations et spé<br />

cialement dans le crédit maritime (1).<br />

3° Société de Crédit Hôtelier Algérien<br />

Société anonyme au capital de 1 million de francs<br />

Créée en 1928,<br />

cette banque populaire a pour objet d'aider<br />

au développement et à l'amélioration de l'industrie hôtelière en<br />

Algérie et à cet effet de faire, avec des hôteliers ou sociétés<br />

(1) Voir page 404.


—<br />

— 411<br />

hôtelières, des opérations commerciales de banque pouvant inté<br />

resser les dites personnes ou sociétés à raison de l'exercice de<br />

leur profession, notamment l'escompte de warrants hôteliers<br />

et l'ouverture de crédit, avec ou sans nantissement, ainsi que<br />

des prêts de plus longues durées, en vue de la réfection, l'amé<br />

nagement, la modernisation ou la construction d'hôtels à voya<br />

geurs.<br />

La Société peut recevoir des dépôts de fonds, mais avec un<br />

minimum de trois mois de préavis.<br />

La Société a obtenu du Gouvernement général de l'Algérie des<br />

avances au taux de 2 % égales à deux millions, c'est-à-dire<br />

deux fois le capital versé.<br />

Les débuts de cette Société ont été satisfaisants ;<br />

elle a déjà<br />

rendu d'utiles services pour l'amélioration des hôtels algériens.<br />

4° Crédit Mutuel pour l'industrie du crin végétal en Algérie<br />

Société anonyme au capital variable de 592.500 francs<br />

Cette société, créée en mai 1928,<br />

exerce surtout son activité<br />

dans la région de Tlemcen et de Nemours où l'industrie du crin<br />

végétal est très active. Son siège social est à El-Affroun.<br />

5° Banque Populaire de la Mitidja<br />

Société anonyme à capital variable de 200.000 francs<br />

Cette Société a été créée à Boufarik le 14 juin 1928 au capital<br />

initial de 1.800 francs. Ce capital a été porté successivement à<br />

150.000 et à 200.000 francs.<br />

En dehors des avances consenties individuellement aux petits<br />

commerçants, cet organisme prête également son concours à la<br />

Distillerie coopérative de Boufarik et à la Coopérative de la<br />

Mitidja,<br />

spécialisée dans le traitement des sous-produits de la<br />

vigne et de l'olivier à Boufarik. Son siège social est à Boufarik.


SOCIÉTÉS<br />

SPÉCIALES<br />

POUR LE<br />

CRÉDIT A LA<br />

CONSTRUC<br />

TION D'IMMEU<br />

BLES A BON<br />

MARCHÉ.<br />

412 —<br />

*<br />

* *<br />

Pour faciliter l'accession de toute une classe sociale à la pro<br />

priété, par la construction d'immeubles à bon marché, les pou<br />

voirs publics ont édicté une série de dispositions législatives<br />

dont le texte fondamental remonte au 10 avril 1908 (1).<br />

Mais, si libérales que soient ces dispositions, il faut que ceux<br />

qui sont appelés à en bénéficier puissent trouver les fonds néces<br />

saires à leur mise en application ; là aussi le crédit est utile.<br />

On a vu, plus haut, que le « Crédit Mutuel Algérien » s'occupait<br />

d'opérations de cette nature. Il n'est pas le seul et, sous l'ins<br />

piration du même groupement qui l'a créé, une « Société Ano<br />

nyme de Crédit Immobilier d'Alger », dont le capital initial était<br />

de 100.000 francs, a pris pour objet de consentir aux emprun<br />

teurs remplissant les conditions prévues par l'article 3 de la loi<br />

du 10 avril 1908, des prêts hypothécaires individuels destinés,<br />

soit à l'acquisition de champs ou jardins dans les termes de<br />

ladite loi,<br />

soit à l'acquisition ou à la construction de maisons<br />

individuelles à bon marché ; de faire des avances aux sociétés<br />

auxquelles la législation sur la matière autorise à consentir des<br />

prêts.<br />

Le capital de cette Société a été porté à 1 million. La Colonie<br />

lui donne son concours sous diverses formes et, notamment, en<br />

souscrivant des actions. En dehors des ressources qui lui pro<br />

viennent de son capital et des avances de l'Etat, la Société de<br />

Crédit Immobilier d'Alger contracte des emprunts à intérêt<br />

réduit à la Caisse nationale des retraites pour la vieillesse et à<br />

la Caisse des retraites des chemins de fer algériens de l'Etat.<br />

Au 31 décembre 1928 les prêts en cours s'élevaient à environ<br />

3.500.000 francs et 224 maisons avaient été acquises ou édifiées<br />

avec son concours en mars 1929.<br />

(1) Voir loi du 5 décembre 1922.


- 413<br />

—<br />

III<br />

LES CAISSES DE CREDIT MUNICIPAL<br />

A côté des institutions de crédit que l'Etat soutient pour venir<br />

en aide aux producteurs, agriculteurs ou industriels, et aux com-<br />

merçants, ou aux acquéreurs d'habitations à bon marché, il<br />

existe en Algérie, comme dans presque tous les pays, des institu<br />

tions spéciales ayant pour objet de venir en aide aux habitants<br />

pauvres ou peu aisés, en leur permettant de contracter des prêts<br />

sur gages mobiliers. Ce sont là de très anciens établissements<br />

connus du monde entier sous le nom de monts-de-piété et qui<br />

ont pour effet de combattre utilement les pratiques usuraires<br />

dont sont trop facilement victimes tant de personnes pressées<br />

par le besoin.<br />

"Ces monts-de-piété sont des institutions municipales ; elles ont<br />

d'ailleurs pris en France, depuis le décret du 18 octobre 1920,<br />

le nom de caisses de crédit municipal. Le conseil d'administration<br />

est composé, sous la présidence du maire, de neuf membres, dont<br />

trois sont pris dans le conseil municipal, trois parmi les adminis-<br />

teurs du bureau de bienfaisance, trois parmi les notables de la<br />

commune. L'établissement des monts-de-piété en Algérie remonte<br />

à peu près à la même époque que la création de la Banque de<br />

l'Algérie et de la Caisse d'épargne. Dès 1847, Garnier-Pagès<br />

réclamait à la Chambre des députés de bonnes institutions de<br />

crédit pour l'Algérie :<br />

« Aux colonisateurs, il faut offrir des banques,<br />

et ceci est<br />

l'œuvre de capitaux individuels ; l'Etat doit aux habitants pau<br />

vres ou malaisés des villes des caisses d'épargne et des monts-<br />

de-piété. »<br />

Le prêt sur gage donnait lieu en Algérie à des exactions par<br />

ticulièrement scandaleuses que soulignait le Ministre de la<br />

Guerre en 1852, dans son rapport au Prince-Président sur l'ha<br />

bitude de l'usure.<br />

« La justice, disait-il, a constamment l'œil ouvert sur ceux qui<br />

se livrent à ce genre d'industrie dont la base est toujours une<br />

impitoyable exploitation de la détresse par la cupidité ; mais<br />

elle voit souvent ses investigations et ses poursuites sans résultat<br />

£*<br />

mobili.


— 414 —<br />

parce que les victimes elles-mêmes se taisent sur les dommages<br />

qu'elles éprouvent ; le pauvre craindrait de tarir la seule source<br />

de crédit qui lui soit ouverte en dénonçant l'usurier qui le pres<br />

sure ou en confirmant par son témoignage les soupçons trop<br />

légitimes de la justice. »<br />

C'est pour ruiner l'industrie des prêteurs sur gage que fut créé<br />

le mont-de-piété d'Alger par le décret du 8 septembre 1852 (1).<br />

150.000 francs, prêtés à 3 % par la caisse locale et municipale,<br />

furent les premiers fonds du nouvel établissement. Puis, il fut<br />

émis une série d'obligations garanties par la ville qui en fixait<br />

le maximum. De 500.000 francs,<br />

à 5 millions (décret du 8 novembre 1925) .<br />

celui-ci fut porté peu à peu<br />

Le Conseil d'administration, dont la première séance eut lieu<br />

le 3 janvier 1853, sous la présidence de M. Lechêne,<br />

maire d'Al<br />

ger, décida d'installer le mont-de-piété au dépôt des ouvriers,<br />

faubourg Bab-Azoun,<br />

et les opérations purent commencer au<br />

mois de juillet sous la direction de M. Descous.<br />

Les débuts du mont-de-piété ont rencontré plus d'un obstacle ;<br />

les usuriers, les uns puissants, d'autres de petite envergure mais<br />

représentant une masse considérable, lui faisaient une sourde<br />

guerre. D'autre part, les indigènes, ignorants des formes admi<br />

nistratives du nouveau mode d'emprunt qui était mis à leur<br />

disposition, demeurèrent longtemps méfiants. Puis,<br />

peu à peu.<br />

la confiance des intéressés fut acquise à la nouvelle institution.<br />

En 1859, la construction d'un immeuble, place d'Isly, fut entre<br />

prise et le mont-de-piété, réorganisé par décret du 28 avril 1860,<br />

s'y installa ; c'est encore là que sont aujourd'hui ses bureaux et<br />

ses magasins.<br />

En 1867,<br />

si nous comptons ensemble les engagements et les<br />

renouvellements, 1.254.744 francs furent prêtés à 70.242 em<br />

prunteurs.<br />

En 1878, les prêts s'élevèrent à 1.786.441 francs pour 79.497<br />

articles. Ces résultats étaient satisfaisants. Mais il était évident<br />

qu'un seul mont-de-piété ne pouvait suffire à toute l'Algérie.<br />

Toutefois, si l'on en créa un à Oran en 1881 (décret du 9 sep<br />

tembre), celui de Constantine ne fut établi qu'en 1898 (décret<br />

du 24 octobre).<br />

(1) Vers la même date fut créée la Caisse d'épargne d'Alger.


— — 415<br />

Les caisses de crédit municipal se sont sans cesse développées.<br />

Le montant de leurs prêts s'éleva en 1900 à 5.705.761 francs<br />

pour 234.911 articles ; en 1905, à 7.019.340 francs pour 269.424<br />

articles ; en 1910, à 8.237.848 francs pour 304.680 articles et<br />

en 1913 à 9.567.891 francs pour 321.162 articles. En 1918,<br />

4.448.267 francs furent prêtés à 130.539 emprunteurs et<br />

20.472.615 francs à 179.639 emprunteurs en 1928.<br />

M. Eudel signalait, dans son livre sur l'Orfèvrerie algérienne<br />

et tunisienne, que si la clientèle des monts-de-piété se recrutait<br />

dans toutes les parties de la population : colons, indigènes ou<br />

étrangers, les Arabes formaient néanmoins une clientèle parti<br />

culière. Pour beaucoup d'entre eux, le mont-de-piété n'est pas<br />

comme pour tant d'autres « le bazar de la misère », mais une<br />

banque de dépôt où ils remettent les parures qu'ils ont acquises<br />

avec le bénéfice de leur récolte : « C'est un coffre-fort qui leur<br />

coûte bon marché. Moyennant une faible commission, ils peuvent<br />

ainsi n'emprunter qu'une petite partie du gage. » A Alger, en<br />

1928, les Israélites tenaient la tête dans la clientèle de la Caisse<br />

avec une moyenne de prêt de 145,09, ensuite venaient les Euro<br />

péens avec 112,41 ; puis les musulmans avec 84,35, mais ceux-ci<br />

représentaient 56 % des emprunteurs.<br />

Les caisses de crédit municipal reçoivent des dépôts (à Alger,<br />

à la fin de 1928, ces dépôts répartis entre 616 déposants, attei<br />

gnaient 9.346.542 francs). Elles ne se bornent pas au prêt sur<br />

objets,<br />

elles font également des avances sur valeurs mobilières<br />

libérées, au porteur (lois des 25 juillet 1891, 10 juin 1916 et<br />

décret du 25 juillet 1917). Le maximum des prêts — qui ne<br />

peuvent excéder une durée de six mois —<br />

est<br />

de 3.000 francs.


CONCLUSION<br />

Cent ans après la prise d'Alger, sur ce vaste territoire qui,<br />

sous l'administration française, a trouvé la paix intérieure et<br />

l'unité, une organisation bancaire solide et souple, s'améliorant<br />

chaque jour, assure le crédit au commerce, à l'agriculture, à l'in<br />

dustrie, sans distinction entre les divers éléments de la popula<br />

tion, qu'il s'agisse de citoyens ou sujets français ou d'étrangers<br />

établis dans le pays. Il n'est plus une forme de l'activité humaine<br />

qui ne puisse, en principe, trouver ici le concours du crédit,<br />

depuis les chefs des grandes entreprises jusqu'au petit commer<br />

çant, au petit cultivateur, à l'artisan, pourvu qu'à la base se<br />

placent le travail et l'honnêteté.<br />

L'usure, qui était, à l'arrivée des Français, une plaie de l'Afri<br />

que du Nord, n'est certes pas encore entièrement et partout<br />

vaincue : mais son domaine se réduit, son rôle devient peu à peu<br />

plus négligeable. Pourra-t-elle jamais disparaître ? « Certes,<br />

disait Burdeau, dans son célèbre rapport sur le budget de l'Al<br />

gérie en 1891, la suppression de l'usure n'est pas chose aisée ;<br />

tant qu'il y aura des gens imprévoyants et des gens avides, et<br />

qu'ils pourront se rencontrer, l'usure saura s'introduire dans<br />

leurs transactions ». Elle a essayé de profiter de la législation<br />

française pour prendre des formes nouvelles, mais ce renouveau<br />

n'a eu qu'un moment. Elle est actuellement en recul très net,<br />

même dans les campagnes et bientôt sa clientèle se réduira « aux<br />

mauvais débiteurs qui sont ses victimes désignées par la<br />

nature ».<br />

Le développement des banques, la plus grande abondance des<br />

capitaux, la création de banques populaires, l'organisation du<br />

Crédit mutuel agricole, le fonctionnement des sociétés de pré<br />

voyance contribuent à hâter l'heure où ce résultat sera acquis ;<br />

de leur côté, l'Administration et la Justice française veillent à


— 418<br />

—<br />

empêcher le renouvellement des abus que les vieux contrats de<br />

la Rahnia et de la Tsénia entraînaient si fâcheusement. Un<br />

sérieux progrès est donc accompli,<br />

un grand bienfait réalisé au<br />

profit des populations algériennes dont la vie devient chaque<br />

jour plus aisée et mieux assurée.<br />

L'action des banques a de même secondé celle du Gouverne<br />

ment en hâtant la pénétration française dans les milieux du<br />

négoce indigène,<br />

en rapprochant les races dans les transactions<br />

fructueuses d'un commerce régulier et sûr,<br />

en créant entre elles<br />

des liens d'intérêts communs. Elle a aidé à la constitution de la<br />

fortune des plus actifs, des plus laborieux et des plus économes.<br />

Ella n'a pas pas été moins heureuse auprès des colons. D'abord<br />

timidement, pour les raisons que nous avons indiquées,<br />

puis plus<br />

largement et parfois même avec une hardiesse que d'aucuns ont<br />

pu juger excessive, elle a puissamment aidé à la colonisation<br />

algérienne, à la mise en valeur du sol, à l'exploitation du sous-<br />

sol, à la naissance de l'industrie.<br />

Les bénéficiaires de cette action ont quelquefois méconnu<br />

l'heureuse influence des banques, et comme « ces enfants, drus<br />

et forts d'un bon lait qu'ils ont sucé,<br />

qui battent leur nourrice »<br />

il s'en est trouvé qui ont voulu les rendre responsables des crises<br />

dont elles étaient elles-mêmes les victimes ; au lieu de reconnaî<br />

tre en elles les auxiliaires de la production, ils prétendirent qu'el<br />

les se bornaient à en tirer profit et qu'elles étaient de simples<br />

intermédiaires rapprochant, moyennant d'avantageuses commis<br />

sions, le capital et le travail. Ils les accusèrent de mal remplir<br />

ce rôle de courtier, en apparence si aisé et sans risque, et d'ac<br />

corder le crédit, selon les cas, avec trop de parcimonie ou trop<br />

de facilité, mais toujours à un prix trop élevé. Il y a beaucoup<br />

d'injustice dans ces reproches et une évidente méconnaissance<br />

des devoirs des banques.<br />

La mission des banques —<br />

dignes de ce nom —<br />

nous<br />

parlons de celles qui sont<br />

comporte des responsabilités plus grandes<br />

que celles d'un courtier, et elle est loin d'être aussi aisée et aussi<br />

simple que se l'imaginent ceux qui sont prompts à s'en prendre<br />

aux « puissances d'argent », dès que leurs espérances se brisent<br />

devant des réalités économiques. Dépositaires des capitaux d'au<br />

trui, elles n'ont le droit de les engager qu'à bon escient ; elles


— — 419<br />

en sont comptables vis-à-vis de ceux qui les leur ont confiés,<br />

c'est-à-dire des déposants, s'il s'agit des banques privées, et des<br />

porteurs de billets de banque, s'il s'agit de banques d'émission.<br />

Elles doivent donc proportionner le crédit, non pas aux besoins<br />

et encore moins aux désirs de chacun, mais à leurs propres<br />

moyens, qui ne sont pas infinis et que viennent encore limiter<br />

leurs responsabilités vis-à-vis de leurs déposants. Il leur faut,<br />

pour être en mesure de rembourser à tous moments leurs dépôts<br />

ou leurs billets, avoir la certitude de retrouver à l'échéance pré<br />

vue les fonds qu'elles ont prêtés à leur clientèle ; comme les<br />

Banques d'émission,<br />

les Banques privées doivent par là même<br />

écarter autant que possible les risques d'immobilisation, chaque<br />

fois qu'elles ne peuvent disposer que de fonds provenant de<br />

dépôts à vue ou à court terme, et pour cela, elles doivent, avant<br />

tout, avoir le sentiment du risque.<br />

Il leur faut avoir d'abord celui du risque individuel ; nous ne<br />

parlons pas seulement de celui qui peut dériver de l'incapacité<br />

ou de la malhonnêteté des individus. C'est un risque profession<br />

nel qu'il est possible de réduire par un ensemble de précautions<br />

appropriées, de même qu'un industriel,<br />

par l'application de<br />

mesures de sécurité, écarte certains risques d'accidents. Nous<br />

voulons seulement retenir l'insolvabilité qui termine parfois la<br />

carrière de gens honnêtes, intelligents et travailleurs, mais trop<br />

entreprenants. Ce risque existe dans tous les pays. Il se rencon<br />

tre sans doute plus fréquemment dans une colonie qui attire<br />

des hommes d'énergie, des audacieux, des téméraires aussi, dans<br />

un pays neuf qui demeure longtemps une terre d'expérience, où<br />

les initiatives ne sont pas disciplinées et s'exercent en plusieurs<br />

sens par des voies parfois inconnues. Quel redoutable problème<br />

lorsqu'elles se trouvent en face de cette race<br />

se pose aux banques,<br />

d'homme pour qui « il n'est pas nécessaire d'espérer pour entre<br />

prendre,<br />

ni de réussir pour persévérer » et surtout lorsque de<br />

premiers succès viennent donner à ces mêmes hommes des rai<br />

sons d'espérer et la volonté d'entreprendre plus encore !<br />

Ce sont eux souvent qui sont les grands artisans des progrès<br />

agricoles ou industriels. Il faut donc que,<br />

chaque fois que leurs<br />

efforts peuvent être fructueux et sont dignes d'être encouragés,<br />

l'appui du<br />

les banques leur assurent, si elles en ont le moyen,


— - 420<br />

crédit, sans lequel trop souvent ces efforts seraient vains ; mais,<br />

il faut aussi qu'elles évitent de les inciter, par des excès de cré<br />

dit, à s'engager plus avant dans des expériences vouées à l'échec.<br />

Il leur faut, à cet égard, beaucoup de discernement et beaucoup<br />

de prudence. Elles ne doivent pas perdre de vue que le succès<br />

n'absout pas toutes les erreurs, et que les facilités exagérées de<br />

crédit, si elles excitent l'esprit d'initiative,<br />

faussent les condi<br />

tions normales d'existence des entreprises et risquent de créer<br />

des illusions sur la valeur des résultats obtenus ; c'est ainsi que<br />

souvent un débiteur trop confiant s'engage au delà de ses forces.<br />

Les banques doivent se garder mieux que leurs clients de cer<br />

tains entraînements et il faut autant redouter pour un pays<br />

l'excès de leur confiance que celui de leur prudence.<br />

Elles doivent également avoir le sentiment du risque général.<br />

Il leur faut se rappeler que des crises économiques mondiales<br />

se produisent plus ou moins périodiquement, et que,<br />

si l'on ne<br />

peut en discerner les causes et souvent en relever les signes pré<br />

monitoires, on n'a pas encore le pouvoir de les neutraliser entiè<br />

rement. Lorsque ces crises se révèlent, les banques doivent, tout<br />

en ménageant leur clientèle et en évitant les mesures qui seraient<br />

de nature à aggraver le mal, s'attacher à conserver à leur porte<br />

feuille le caractère de liquidité nécessaire.<br />

A ces risques, la nature en ajoute un autre en Algérie : outre<br />

les crises générales,<br />

qui de plus en plus feront sentir leurs réper<br />

cussions dans la colonie, l'Algérie agricole est soumise à des<br />

crises propres, qui ne sauraient être pressenties au seul examen<br />

des statistiques et des indices économiques,<br />

mais qu'une mau<br />

vaise saison, qu'un brusque cataclysme peuvent soudainement<br />

déchaîner,<br />

ou qu'une hausse continue des prix de revient peut<br />

faire éclater un jour. Il ne faut pas que de telles éventualités<br />

demeurent en dehors des prévisions de ceux qui ont mission d'as<br />

surer le crédit comme de ceux qui y font appel.<br />

La préoccupation constante du banquier soucieux de ses res<br />

ponsabilités n'est donc pas, comme le pensent trop facilement des<br />

esprits irréfléchis, celle du gain à réaliser, mais celle de la perte<br />

à éviter. C'est ce qu'exprimait devant nous, un jour, un vieux<br />

banquier parisien dont le souci de l'échéance troublait jusqu'au<br />

sommeil : « Les effets de mon portefeuille sont à 90 jours ; mais<br />

ils ont hélas ! aussi 90 nuits à courir ».


- 421<br />

—<br />

Il ne faut pas toutefois que de telles craintes paralysent l'ac<br />

^<br />

tion des banques. Dans un pays en plein développement, elles ne<br />

peuvent se borner à l'application des règles étroites d'un rigou-<br />

risme excessif. Connaissant les dangers, elles doivent prendre<br />

les précautions qui s'imposent, mais elles ne sauraient trouver<br />

ni profits ni, sans doute, sécurité même dans l'inaction. Elles<br />

sont donc appelées à montrer dans la Colonie plus d'allant peut-<br />

être que dans la Métropole, et par suite à s'y exposer à plus de<br />

risques, et ceci explique dans une certaine mesure que le taux<br />

de l'escompte courant y soit en général plus élevé qu'en France.<br />

Cette situation se modifie d'ailleurs peu à peu au profit de<br />

l'Algérie.<br />

Les risques des banques diminuent à mesure que s'améliore<br />

la moralité des pays où elles sont établies et que la méfiance cesse<br />

d'être de règle à l'égard de l'ensemble des débiteurs. De ce point<br />

de vue, l'histoire algérienne des cent dernières années est récon<br />

fortante.<br />

S'il faut reconnaître que ces risques demeurent plus élevés<br />

dans la Colonie que dans la Métropole, il est incontestable que de<br />

grands progrès ont été réalisés en ce sens.<br />

La première préoccupation du Comptoir National d'Escompte<br />

d'Alger, puis de la Banque de l'Algérie, a été, on l'a vu, de s'ef<br />

forcer d'obtenir des débiteurs le respect de l'échéance. C'est le<br />

mérite du commerce algérien d'avoir répondu à ces efforts,<br />

c'est son honneur d'avoir maintenu depuis lors ce principe essen<br />

tiel. Il a établi ainsi son crédit sur une base solide.<br />

Dans le même ordre d'idées, la seconde préoccupation de la<br />

Banque de l'Algérie et des banques algériennes en général a été<br />

d'établir leurs relations avec leur clientèle dans la confiance<br />

réciproque. Même sur cette terre d'Afrique du Nord, où la vie<br />

n'apparaît souvent que comme une lutte contre la nature, con<br />

tre les idées, contre les hommes,<br />

où depuis la plus haute anti<br />

quité se créent si facilement tant de groupements opposés,<br />

l'union s'impose pour assurer le progrès ;<br />

elle se fait très heu<br />

reusement peu à peu entre banquiers et clients, dont la collabora<br />

tion est féconde, parce que, grâce à elle, le crédit devient l'auxi<br />

liaire de l'intelligence, de la loyauté, du travail.<br />

Certes, nous ne prétendons pas que, dans toutes circonstan-


— — 422<br />

ces, toutes les banques aient eu une notion exacte de leurs<br />

devoirs et que de très regrettables erreurs ne puissent être<br />

signalées. Il existe dans le monde une proportion variable, mais<br />

qu'on ne peut négliger, d'hommes qui n'ont ni une conscience<br />

assez haute, ni une intelligence assez claire pour honorer la pro<br />

fession qu'ils exercent ;<br />

et même parmi ceux qui comprennent<br />

le mieux et le plus dignement leur rôle, il n'en est guère qui puis<br />

sent se prétendre infaillibles. Les banquiers ne font pas, même<br />

en Algérie, exception à cette règle ;<br />

pons pas ici de cas particuliers ;<br />

mais nous ne nous occu<br />

nous apprécions d'ensemble<br />

l'œuvre du crédit et nous devons constater que, si elle a été dif<br />

ficile,<br />

elle n'en a pas moins été singulièrement féconde.<br />

Par les ouvertures de crédit, par l'escompte,<br />

par les avances<br />

sur titres ou sur marchandises, par les prêts fonciers, les ban<br />

ques privées ou les institutions de crédit soutenues par l'Etat<br />

sont en situation actuellement de répondre aux besoins du pays.<br />

La Banque de l'Algérie garde le contact avec tous ; bien que<br />

des établissements spécialisés soient préposés à certaines opé<br />

rations bancaires qu'elle ne peut effectuer elle-même, elle prend<br />

sa large part de l'activité générale et elle demeure le grand<br />

organisme de secours éventuel en cas de crise. Elle maintient<br />

dans le pays une saine circulation fiduciaire, elle lui évite, avec<br />

le concours du Trésor public, les charges d'un change extérieur ;<br />

elle lui assure les avantages d'un taux d'escompte modéré et<br />

stable.<br />

Enfin, l'Etat lui-même et la Colonie participent à son activité<br />

en associés privilégiés, puisque les sommes payées par elle au<br />

titre des redevances, partage de dividendes, impôts divers, inté<br />

rêts sur le compte créditeur du Trésor, représentent, pour l'exer<br />

cice 1928-1929, plus de 200 % des sommes distribuées aux<br />

actionnaires. La Banque de l'Algérie se trouve ainsi collaborer<br />

efficacement aux mesures inspirées au Gouvernement général<br />

et aux Délégations financières par leur généreuse et clair<br />

voyante volonté de faire profiter des avantages du crédit toutes<br />

les classes sociales, européennes et indigènes, contribuant à la<br />

prospérité du pays.<br />

Ces résultats ont été obtenus malgré des difficultés de toutes<br />

sortes et parfois même malgré les événements tragiques qui ont


- 423 —<br />

marqué l'espace d'un siècle. En cette matière comme dans les<br />

autres domaines de l'activité humaine, la colonisation française<br />

a été grandement profitable au pays et l'organisation du crédit<br />

tient une place intéressante dans l'œuvre de civilisation pacifique<br />

et de collaboration des races accomplie par la France en Algérie.


TABLE DES MATIÈRES<br />

AVANT-PROPOS 5<br />

PRÉFACE<br />

i°<br />

TITRE I<br />

Histoire de la Monnaie et du Crédit en Algérie depuis 1830<br />

CHAPITRE I<br />

Le Crédit et la Monnaie dans la Régence d'Alger<br />

Le Commerce et le Crédit. —<br />

Le<br />

commerce intérieur de la<br />

Régence en i83o. Le commerce local et l'industrie à Alger. Le<br />

crédit et le commerce intérieur. L'usure. Le prêt. Les contrats de<br />

Société et de Commande. Le prêt sur gage immobilier. Les écrits<br />

constatant l'existence des dettes. Le commerce extérieur. Les mo<br />

nopoles du Dey<br />

et les concessionnaires de monopoles. Les Livour-<br />

nais. Le crédit et le commerce extérieur 19<br />

20<br />

— La Monnaie.<br />

Système<br />

monétaire de la Régence. Les mon<br />

naies étrangères circulant en Algérie. La fausse monnaie. Activité<br />

de la monnaie d'Alger. Le Trésor de la Casbah. Œuvre qui s'im<br />

posait à la France,<br />

i°<br />

rienne.<br />

en matière bancaire et monétaire 42<br />

CHAPITRE II<br />

Les premiers temps de l'Occupation française<br />

i83o-i848<br />

Substitution de la Monnaie Française à la Monnaie Algé<br />

— L'entrée<br />

des Français à Alger ne détermine aucun trou<br />

ble monétaire immédiat. Raréfaction progressive de la monnaie.<br />

Mesures envisagées pour remédier à la crise monétaire. La Mon<br />

naie française pénètre peu à peu dans le Pays 5g<br />

20<br />

Le Crédit. ■—<br />

Les<br />

besoins de crédit du commerce algérien<br />

après i83o. Projets de création de banques algériennes. Interven<br />

tion de la Banque de France. Le taux de l'intérêt en 1848 70<br />

7


i°<br />

— 426<br />

CHAPITRE III<br />

Le Comptoir National d'Escompte d'Alger<br />

et la Création de la Banque de l'Algérie<br />

Le Comptoir National d'Escompte. —<br />

Origine<br />

et utilité des<br />

Comptoirs Nationaux d'Escompte en 1848. Démarches en vue de<br />

la création d'un Comptoir National d'Escompte à Alger. Création<br />

du Comptoir National. Fonctionnement du Comptoir National.. 87<br />

20 Création<br />

de la Banque de l'Algérie. —<br />

Modifications<br />

appor<br />

tées en i85i dans le régime douanier et dans celui de la Colonisa<br />

tion. L'idée s'impose de la nécessité d'une Banque d'émission spé<br />

ciale à l'Algérie. Principes sur lesquels est fondée la Banque de<br />

l'Algérie. Projet de loi relatif à la création d'une banque d'émis<br />

sion spéciale à l'Algérie. Vote de la loi. L'Algérie accueille avec<br />

une grande satisfaction la promulgation de la loi<br />

CHAPITRE IV<br />

La Banque de l'Algérie et le Crédit de i85i a 1870<br />

Insuffisance des moyens d'action de la Banque de l'Algérie à<br />

ses débuts. La Banque éprouve de grandes difficultés à maintenir<br />

une encaisse proportionnelle à la circulation des billets. Dévelop<br />

pement de la circulation des billets. Création des premières suc<br />

cursales de la Banque de l'Algérie. Docks Algériens. Crédit Fon<br />

cier de France. Société Générale Algérienne. La crise de 1867-<br />

1868 et le crédit agricole. Le développement de l'Algérie et le<br />

crédit. Services rendus par la Banque de l'Algérie de i85i à 1870.<br />

Critiques adressées à !a Banque de l'Algérie. Situation de l'Algérie<br />

et de la Banque de l'Algérie en 1870 117<br />

CHAPITRE V<br />

La Banque de l'Algérie et le Crédit de 1871 a ioo5<br />

La Guerre de 1870-71. Insuffisance des moyens d'action de la<br />

Banque de l'Algérie après la guerre. Ouverture du compte courant<br />

du Trésor sous la forme actuelle. La Banque de l'Algérie à la veille<br />

du renouvellement de son privilège. Le renouvellement du privi<br />

lège en 1880. La création du vignoble algérien et le crédit. Les<br />

Comptoirs d'Escompte. Le Crédit Agricole. La crise viticole. Cri<br />

tiques adressées à la Banque de l'Algérie. Sa défense par M. Nel<br />

son-Chiérico. Des mesures énergiques sent prises pour rétablir la<br />

situation compromise de la Banque. Ajournement du renouvelle<br />

ment du privilège de la Banque en 1897 et en l&99- Rétablisse-<br />

102


— 427 -<br />

ment de la situation de la Banque. Renouvellement du privilège<br />

en 1900. Le crédit agricole de 1890 à 1905. La Banque de l'Algé<br />

rie de 1900 à igo5. Son privilège est étendu à la Régence de Tu<br />

nis. Rôle du crédit de 1871 à 1905 147<br />

CHAPITRE VI<br />

La Banque de l'Algérie, le Crédit et la Monnaie<br />

de 1906 a 1914<br />

Prospérité de l'Algérie en 1906. Rétablissement définitif de la<br />

situation de la Banque de l'Algérie. Maintien du privilège de la<br />

Banque en 191 1. Le crédit de 1906 à 1914 : crédit commercial,<br />

crédit agricole. Crise de 1912. Situation économique de l'Algérie<br />

à la veille de la guerre de 1914. La fortune de l'Algérie en 1914.<br />

La circulation monétaire et fiduciaire en Algérie au début de<br />

1914. La monnaie algérienne en Tunisie en 1914. La monnaie<br />

algérienne au Maroc en 1914. L'Algérie était en plein progrès<br />

au début de 1914 187<br />

La Banque de l'Algérie,<br />

CHAPITRE VU<br />

depuis 1914<br />

le Crédit et la Monnaie<br />

La déclaration de guerre par l'Allemagne. Le cours forcé. Le<br />

moratorium des dépôts. La prorogation des échéances. Les ban<br />

ques et le commerce pendant la guerre. Rôle de la Banque de<br />

l'Algérie pendant la guerre. Renouvellement du privilège de la<br />

Banque. Le commerce et les banques après 1918. Dépréciation de<br />

la monnaie française. Les devoirs de la Banque de l'Algérie en<br />

face de la dépréciation monétaire et les besoins de crédit de l'agri<br />

culture. La circulation monétaire depuis 1914. La monnaie algé<br />

rienne au Maroc. Situation économique et fortune actuelles de<br />

l'Algérie 221<br />

TITRE II<br />

La monnaie et le crédit en Algérie en 1930<br />

CHAPITRE VIII<br />

La circulation monétaire et fiduciaire en 1929<br />

Régime monétaire de l'Algérie. Régime monétaire français an<br />

térieur au 25 juin 1928. Loi du 25 juin 1928. L'étalon d'or. Ces<br />

sation du cours forcé. Statut monétaire de la Banque de France<br />

et de la Banque de l'Algérie. Retrait des petites coupures. Réta-


— — 428<br />

blissement de la circulation d'or et d'argent. Système du Gold-<br />

bullion standard. Conséquence de l'application à l'Algérie de la<br />

loi du 25 juin 1928. Le billet de la Banque de France en Algé<br />

rie. Règlements par écritures : chèques et virements 253<br />

CHAPITRE IX<br />

Le Change<br />

Caractéristiques du change extérieur algérien. Il est avant<br />

tout franco-algérien. Eléments de la balance des comptes entre<br />

la France et l'Algérie. Difficultés que rencontre, spécialement en<br />

Algérie, le règlement de la balance des comptes extérieurs. Les<br />

besoins du Trésor et ceux du Commerce. Ouverture et fonction<br />

nement du compte courant du Trésor à la Banque de l'Algérie.<br />

Rôle du service des Postes. Le taux de l'escompte demeure le<br />

régulateur suprême des règlements extérieurs de l'Algérie. Valeur<br />

des indications que peuvent donner pour la fixation du taux des<br />

escomptes certains indices économiques. Heureux effet d'un accord<br />

entre le Trésor et la Banque aboutissant à la suppression du<br />

change entre la France métropolitaine et l'Algérie 273<br />

CHAPITRE X<br />

La Banque de l'Algérie en 1929<br />

Capital. Administration. Privilège. Charges du privilège. Opé<br />

rations de la Banque. Statistiques graphiques. Sièges de la Ban<br />

que. Tableau des taux d'escompte et d'avances pratiqués par la<br />

Banque depuis i85i . Bilan de la Banque 3o5<br />

CHAPITRE XI<br />

Banques privées, Etablissements de crédit<br />

et Banques locales<br />

Rapports des Banques Métropolitaines et Etrangères avec l'Al<br />

gérie. Sociétés de Crédit ayant des agences en Algérie. Banquiers<br />

particuliers locaux. Comptoirs d'Escompte locaux. Crédit à l'In<br />

dustrie. Banques d'affaires. Monographies , 33i<br />

CHAPITRE XII<br />

Institutions de crédit créées ou soutenues<br />

par l'Etat ou par les Communes<br />

Intervention de l'Etat en faveur de certaines institutions de cré<br />

dit. Ressources dont l'Etat dispose pour cet objet. Elles provien<br />

nent pour la plus grande part dé la Banque de l'Algérie 365


i°<br />

— Le Crédit Agricole.<br />

Objet<br />

— 429 —<br />

du crédit agricole. Crédit à court<br />

terme. Concours donné par les Banques pour le crédit à court ter<br />

me. Crédit à moyen terme, crédit à long terme. Bases de la légis<br />

lation spéciale du crédit agricole mutuel. Caisses locales et Caisses<br />

régionales. Sociétés coopératives de production agricole. Caisse fon<br />

cière agricole d'Algérie Statistiques des Caisses régionales et locales<br />

et des sociétés coopératives agricoles. Crédit agricole aux indigè<br />

nes. Sociétés de prévoyance el de prêts mutuels aux indigènes 370<br />

20<br />

Les Banques populaires.<br />

— Origine<br />

des Banques populaires.<br />

Principes sur lesquels repose la législation concernant les Ban<br />

ques populaires. Attributions générales et devoirs des Banques po<br />

pulaires. Attributions spéciales dévolues aux Banques populaires<br />

(Crédit aux démobilisés. Crédit à l'artisanat. Crédit Hôtelier. Cré<br />

dit maritime). Statistique et monographies des Banques popu<br />

laires algériennes. Sociétés spéciales pour le crédit à la construc<br />

tion d'immeubles à bon marché 3g3<br />

3° Les Caisses de Crédit Municipal. —<br />

Prêts<br />

sur gages mo<br />

biliers 4i3<br />

CONCLUSION 417


2 . Vue<br />

TABLE DES ILLUSTRATIONS<br />

Alger. Vue prise en avion<br />

CONTENUES DANS CE VOLUME<br />

(Photographie du Service de l'Aviation du 'premier groupe<br />

d'Algérie).<br />

CHAPITRE I<br />

Frontispice<br />

Pages<br />

ancienne de la Ville d'Alger 20<br />

(Dessinée sur les lieux, en 1830, par D. M., ingénieur géo<br />

graphe, gravée par J.-B. Verzi, à Paris, chez Bence) (1).<br />

3. Incendie de l'Etablissement français de la Calle (18 juin 1827). 36<br />

(Gravure extraite de l'Atlas de l'aperçu historique, statis<br />

tique et topographique sur l'Etat d'Alger, à l'usage de<br />

l'Armée Expéditionnaire d'Afrique. Paris, 1830)<br />

4 et 5. Types de monnaies algériennes frappées dans la Régence<br />

d'Alger de n44 à 1240 de l'Hégire (1731-1824) (2 planches). 44<br />

(Extrait de l'Etude de J.-J. Marcel. Monnaies diverses ayant<br />

cours en Algérie). Un abrégé (Je cette étude 'parut en 1842<br />

dans l'Annuaire algérien et elle fut publiée d'abord par<br />

•<br />

M. Berbrugger L'Algérie historique, pittoresque et mo<br />

numentale, puis en édition particulière en 1844 (Impri<br />

merie orientale).<br />

6. Le Trésor de la Casbah<br />

(Gravure extraite de l'ouvrage de Berbrugger, op. cit.).<br />

(1) Des numéros inscrits au-dessus de certaines parties de la gravure renvoient<br />

a une légende sur laquelle on peut lire :<br />

« 1. Fort de l'Empereur, ce fut Charlemagne qui en jetta (sic) les fondemens. —<br />

2. Le Palais du Dey, il n'offre rien de remarquable. — 3.<br />

— —<br />

par l'effet du bombardement. 4. Forteresse de la marine qui bat toute la Rade.<br />

—<br />

5. Fort des sept heures. 6. Cimetière et Tombeau des sept Deys qui régnèrent<br />

52<br />

Le phare presque détruit<br />

successivement et furent massacrés dans l'espace d'une journée. —7. Marabou ou<br />

— — Saint du Pays. 8. Fort et Jardin de Mustapha ] Pacha. 9. Port d'Alger.—<br />

10. Maison de campagne du Consul de France.<br />

Tous les Endroits où est arboré un Pavillon sont autant de fortifica<br />

« Nota. —<br />

tions, les Maisons de la Ville sont toutes surmontées d'une terrasse et n'ont point<br />

de toit. »


7<br />

— — 432<br />

CHAPITRE II<br />

Pagas<br />

et 8. Les monnaies françaises introduites en Algérie de i83o<br />

68 et 84<br />

à i848 (2 planches)<br />

CHAPITRE III<br />

9. Portrait de M. Ed. Lichtlin, premier Directeur de la Ban<br />

que de l'Algérie (i85i-i85g)<br />

(Collection de M. A. Chassériau).<br />

10. Les premiers billets de la Banque de l'Algérie (i85a)<br />

11. La Banque de l'Algérie à Oran :<br />

i°<br />

20<br />

CHAPITRE IV<br />

Vue de la première installation à Oran (i853)<br />

Nouvel immeuble en construction 132<br />

(Projet dressé >par M. Umbdenstock, Architecte en chef du<br />

Gouvernement, Professeur à l'Ecole des Beaux-Arts et à<br />

l'Ecole Polytechnique).<br />

12. Les monnaies françaises sous le Second Empire 140<br />

CHAPITRE V<br />

i3. Vue de la place du Gouvernement à Alger vers 1870 148<br />

(Gravure communiquée par M. J. Carbonel, éditeur à Alger).<br />

14. Les premières monnaies de la Troisième République 136<br />

i5. Vue de Constantine prise le i3 octobre 1837, jour de l'en<br />

trée des Français 172<br />

(Dessin inédit communiqué par M. J. Carbonel, éditeur à<br />

Alger).<br />

Constantine en 1929 172<br />

(Photographie communiquée par le Gouvernement Général<br />

de l'Algérie).<br />

16. Industrie vinicole :<br />

i°<br />

20<br />

1890 iso<br />

ig3o 180<br />

(Photographie Luck et Fils à Oran).<br />

CHAPITRE VI<br />

17. Les monnaies en 1913. 196<br />

100<br />

124<br />

132


— — 433<br />

Pages<br />

18. Vignoble algérien 204<br />

(Photographie Luck et Fils à Oran).<br />

Cuverie 204<br />

(Photographie communiquée par le Gouvernement Général<br />

de l'Algérie).<br />

CHAPITRE VII<br />

19. Embarquement de troupes à Alger en 191 4-<br />

(Cliché communiqué par l'Illustration).<br />

20. Monument commémoratif de la guerre de igi4-igi8, érigé<br />

à la Banque de l'Algérie (1)<br />

(1) Noms des agents de la Banque de l'Algérie, morts pour la Patrie, inscrits<br />

sur ce Monument :<br />

Alberty, Emile.<br />

Arroyo, Richard.<br />

Attard, Léon.<br />

Aubert, Ernest.<br />

Audouin, Pascal.<br />

Ballet, Joseph.<br />

Ballet, Louis.<br />

Bazac, Fernand.<br />

Bonneau, Edouard.<br />

Bonnet, Jean.<br />

Borelly, Marie.<br />

Bourduge, Albert.<br />

Candiard, Claude.<br />

Carayon, Julien.<br />

Carron, Gaston.<br />

Cazals, Abel.<br />

Chevauchée, Alphonse.<br />

Clément, Edouard.<br />

Cocheux, Maurice.<br />

Collignon, Alfred.<br />

Couillard, Antoine.<br />

Coulond, Louis.<br />

Delaporte, Richard.<br />

Di Costanzo, Frédéric.<br />

Dupré, Louis.<br />

Dupuy, Jean.<br />

Dusserre, Henri.<br />

Faur, Fernand.<br />

Fleury, Octave.<br />

Gantés, Edouard.<br />

Garde, Alphonse.<br />

Garnier, Célestin.<br />

Gautier, Adrien.<br />

Giudicelli, René.<br />

Hertrich, Victor.<br />

Hilaire, Aimé.<br />

Imbert, Emile.<br />

Imbert, Ernest.<br />

Jany, Auguste.<br />

Jaquard, Albert.<br />

Joffard, Prudent.<br />

Kespi, Simon.<br />

Kœnig, Louis.<br />

Kriskris, Léon.<br />

Labbé, Joseph.<br />

Lapène, Amédée.<br />

Le Clezio, Louis.<br />

Lévy, Jules.<br />

Loaisel de Saulnays, Victor.<br />

Malartic, René.<br />

Malka, Abraham.<br />

Marchal, Pierre.<br />

Martin, Amédée.<br />

Martin, Charles.<br />

Martin, René.<br />

Meichler, René.<br />

Minier, Emile.<br />

Monatte, Jean.<br />

Nadame, Emile.<br />

Natal, Henri.<br />

Normand, Joseph.<br />

Ortéga, Joseph.<br />

Ourière, Victor.<br />

Pantin, Georges.<br />

Pelenc, Albert.<br />

Puydupin, Fernand.<br />

Richaud, Louis.<br />

Sattori, Emile.<br />

Thouati, Maurice.<br />

Trouillot, Jean.<br />

Vitrac, Camille.<br />

Weber, Jean.<br />

220<br />

228


— — 434<br />

CHAPITRE VIII<br />

, Pagps<br />

ai. Les nouvelles monnaies françaises :<br />

22.<br />

i°<br />

2°<br />

Reproduction des avers des projets présentés au con<br />

cours ouvert pour la gravure des coins des monnaies<br />

d'or 252<br />

En tête, projet retenu par le Ministre des Finances (Arrêté<br />

du 30 janvier 1929).<br />

Reproduction des revers des projets présentés au con<br />

cours ouvert pour la gravure des coins des monnaies<br />

d'argent 260<br />

En tête, projet retenu par lé Ministre des Finances (Arrêté<br />

du 30 janvier 1929).<br />

23. Le port d'Alger :<br />

i °<br />

2Q<br />

a4. Le port d'Oran :<br />

CHAPITRE IX<br />

Le port d'Alger ancien 276<br />

(Une des Esquisses africaines dessinées pendant un voyage<br />

à Alger et lithographiêes par Adolphe Otth, Berne, chez<br />

J.-F. Wagner, lithographe, 1839).<br />

Le port d'Alger moderne 276<br />

'Photographie communiquée par le Gouvernement Général<br />

de l'Algérie).<br />

r Le port d'Oran ancien 284<br />

2°<br />

(Photographie Luck et fils à Oran, reproduisant une gra<br />

vure extraite de l'ouvrage de Léon Galibert l'Algérie an<br />

cienne et moderne, édité en 1843 par Fume et Cie, à<br />

Paris).<br />

Le port d'Oran moderne<br />

(Cliché Luck et Fils à Oran).<br />

a5. Le port de Bône :<br />

i"<br />

2°<br />

Le port de Bône ancien 292<br />

(Extrait de la France maritime, Grehan, Paris, 1848).<br />

Le port de Bône moderne 292<br />

(Photographie communiquée par le Gouvernement Général<br />

de l'Algérie).<br />

CHAPITRE X<br />

26. La Banque de l'Algérie a Alger 308<br />

La Banque de l'Algérie à Bougie. 308<br />

(Projet dressé et réalisé par M. Umbdenstock, Architecte en<br />

chef du Gouvernement, Professeur à l'Ecole des Beaux-<br />

Arts et à l'Ecole Polytechnique).<br />

284


— — 435<br />

Billets de Banque actuels (2 planches) :<br />

27. Billets de 1.000 fr., de 5oo fr., de 100 fr. (1)<br />

Pages<br />

28. Billets de 5o fr., de 20 fr., de 5 fr. (2) 324<br />

CHAPITRE XI<br />

?9- Un des aspects du développement d'Alger :<br />

Vue prise en 1869<br />

Vue prise en 1 929<br />

(Clichés Eichacker, photographe à Alger).<br />

3o. Une huilerie 336<br />

3 1 . Une<br />

Fabrication de tapis 356<br />

(Photographies communiquées par le Gouvernement Général<br />

de l'Algérie).<br />

CHAPITRE XII<br />

minoterie 364<br />

(Photographie communiquée par le Gouvernement Général<br />

de l'Algérie).<br />

Une chambre à cylindres dans une minoterie<br />

32. Un silo 396<br />

(Photographie de Docks Silos coopératifs communiquée par<br />

le Gouvernement Général de l'Algérie).<br />

Motoculture 396<br />

(Photographie Luck et Fils à Oran).<br />

(1) Le type de billet de 1.000 fr. reproduit n'est pas encore en circulation. Usera<br />

émis prochainement.<br />

(2) Les billets émis en Tunisie sont frappés d'une estampille spéciale Tunisie.<br />

(Cette estampille figure sur les reproductions des billets de 100 fr. (planche 27) et de<br />

50 fr. (planche 28). Voir page 182. A l'origine, les billets émis dans les différentes<br />

succursales de la Banque étaient également estampillés au nom du siège d'émission<br />

(voir page 126). *<br />

N. B. Les hors-texte ont été tirés par les procédés héliographiques de l'Impri<br />

merie Astracolor (63-65, rue de la Maine, Vanves, Seine).<br />

316<br />

340<br />

340<br />

364


Alger —<br />

—<br />

Typographie Julbs Carbonel Alger

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