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sPÉ<br />
I<br />
I
La Monnaie<br />
et le<br />
Crédit en Algérie<br />
depuis 1830
1830 —<br />
1930<br />
COLLECTION DU CENTENAIRE DE L'ALGÉRIE<br />
MISE EN VALEUR DE L'ALGÉRIE<br />
La M<br />
et le<br />
onnaie<br />
- ■•■ AI-'<br />
Lrédi redit en gène<br />
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<strong>61414</strong>1<br />
*"'V<br />
depuis 1830 ixclu<br />
par<br />
P. ERNEST-PICARD<br />
Ancien Sous-Oonvernear de la Banque de France<br />
Directeur Général de la tfanque de l'Algérie<br />
ALGER<br />
JULES CARBONEL<br />
Imprimeur de la Banque de l'Algérie<br />
PARIS<br />
LIBRAIRIE PLON<br />
8, Rue Garanciére<br />
DU<br />
f*RÊT
AVANT-PROPOS<br />
Il a paru intéressant à la Banque de l'Algérie de réunir<br />
quelques documents relatifs à l'histoire de la monnaie et du cré<br />
dit dans la colonie et de les présenter au public. Elle a voulu ainsi<br />
apporter sa contribution aux études entreprises à l'occasion du<br />
Centenaire et qui doivent former une sorte d'encyclopédie de<br />
l'Algérie.<br />
Le présent ouvrage répond à cette intention. Il doit beaucoup<br />
à l'obligeance des services du Gouvernement général et à la<br />
collaboration des amis de la Banque, comme à celle des princi<br />
paux fonctionnaires et agents de celle-ci. Parmi eux, je me fais<br />
un devoir de citer M. le Sous-Directeur général Jules Lévy» M. le<br />
Secrétaire général Camille Moyse, M. le Directeur de la suc<br />
cursale d'Alger Routaboul, ainsi que M. l'Inspecteur de Redon<br />
et MM. Gandy et de Roux. Je les remercie tous bien sincèrement<br />
du précieux concours qu'ils m'ont donné.<br />
Nous nous référons au cours des chapitres aux principales<br />
sources auxquelles nous nous sommes reportés, en dehors des<br />
archives propres de la Banque de l'Algérie. Notre travail de<br />
recherche a été grandement facilité par les avis éclairés qui nous<br />
ont été aimablement donnés aux Archives Nationales, à celles<br />
du Ministère des Affaires Etrangères et de la Guerre, du dépar<br />
tement des Bouches-du-Rhône, des Chambres de Commerce de<br />
Marseille et d'Algérie, à la Bibliothèque Nationale et à la Biblio<br />
thèque Municipale d'Alger. Nous ne saurions citer, en raison de<br />
leur trop grand nombre,<br />
les ouvrages qui peuvent être utilement<br />
consultés sur le sujet traité. L'essai de bibliographie méthodique<br />
et raisonnée, publié par M. Charles Tailliart, Recteur de l'Acadé<br />
mie d'Alger et qui complète son livre : l'Algérie dans la Littéra<br />
ture française (Paris, Champion, 1925), demeure le meilleur<br />
guide en la matière.<br />
P. E.-P.
PREFACE<br />
Lorsque la France pénétra dans la Régence d'Alger aucune<br />
organisation bancaire n'existait dans le pays. Le crédit à l'agri<br />
culture,<br />
au commerce et à l'industrie revêtait des formes primi<br />
tives qui laissaient le champ libre à l'usure. La fréquente alté<br />
ration de la monnaie locale, la variété des pièces de diverses<br />
origines circulant concurremment avec elle et l'abondance de la<br />
fausse monnaie, impunément fabriquée, favorisaient le billon-<br />
nage et portaient le trouble dans les transactions.<br />
L'œuvre qui s'imposait à nous comportait non seulement la<br />
mise en valeur du sol par les colons français ou européens, mais<br />
encore l'appel de toute une population indigène civilisée vers une<br />
civilisation plus positive et plus active. Elle ne pouvait être<br />
accomplie sans le concours d'une organisation favorisant la créa<br />
tion et la circulation de la richesse, sans un régime bancaire<br />
développé,<br />
sans une monnaie saine.<br />
Lorsque la pacification du pays fut suffisamment avancée et<br />
qu'à la période de l'action purement militaire succéda le calme<br />
nécessaire au développement des forces économiques, une des<br />
premières tâches qui retint l'attention du gouvernement, une<br />
des premières aspirations de la colonie dont il lui fallut tenir<br />
compte, fut précisément l'organisation bancaire. Après certaines<br />
hésitations, la création d'une banque d'émission spéciale à l'Al<br />
gérie fut décidée en 1851.<br />
Depuis lors, l'histoire de la monnaie et du crédit en Algérie<br />
gravite autour de celle de la Banque de l'Algérie et si, dans les
pages qui vont suivre,<br />
prééminente,<br />
— - 8<br />
celle-ci apparaît comme tenant une place<br />
ce n'est pas aux fonctions du signataire de ces<br />
lignes qu'il faut l'attribuer,<br />
c'est bien parce que la Banque de<br />
l'Algérie, jouant dans la colonie un rôle sensiblement analogue<br />
à celui de la Banque de France dans la Métropole,<br />
centre bancaire et monétaire.<br />
Le développement de l'Algérie doit beaucoup<br />
capitaux d'épargne n'y ont pas exercé, dès le début,<br />
en est le<br />
au crédit. Les<br />
une action<br />
dominante. Dans certains pays neufs, le capital venu du dehors<br />
a précédé la colonisation, il en a été l'animateur et il a parfois<br />
entraîné même l'action de la puissance publique ; dans ce cas,<br />
le crédit, appuyé sur les ressources des capitaux d'épargne, est<br />
accordé à quelques grandes entreprises ;<br />
il s'implante dans le<br />
pays en même temps que ces entreprises qui exploitent le sol<br />
et le sous-sol et mettent en valeur de vastes territoires. Il ne<br />
pouvait pas en être ainsi en Afrique du Nord. L'Algérie ne<br />
constituait pas un pays neuf, à proprement parler ; terre d'an<br />
tique culture et de vieille civilisation,<br />
son sol était en grande<br />
partie déjà exploité ; la population qui l'occupait et dont beau<br />
coup d'éléments avaient un caractère autochtone contenait d'an<br />
ciennes familles puissantes et riches ; certes,<br />
n'avait pas organisé la mise en valeur du pays,<br />
cette population<br />
elle vivait au<br />
jour le jour, limitée dans ses moyens d'action comme dans ses<br />
besoins ; mais elle avait une armature sociale et elle trouvait<br />
dans sa religion et dans sa civilisation le fondement de grandes<br />
qualités dont elle ne fit d'abord emploi vis-à-vis des nouveaux<br />
arrivants que pour leur rendre la tâche plus difficile. Le reten<br />
tissement des luttes dures et continues qui marquèrent les<br />
progrès de notre occupation, les hésitations mêmes du pouvoir<br />
central, les difficultés d'ordre pratique et juridique que rencon<br />
trait la constitution de la propriété européenne, contribuèrent<br />
a donner aux capitalistes l'impression que nous nous engagions<br />
dans une région pleine d'insécurité et qu'il était préférable<br />
de ne pas y aventurer de fonds. Seuls quelques esprits clair-
voyants, en petit nombre, ou quelques audacieux, en plus grande<br />
quantité, furent les pionniers de la colonisation. Beaucoup parmi<br />
les plus fortunés y laissèrent les ressources dont ils pouvaient<br />
disposer ; d'autres y perdirent le seul capital qu'ils eussent<br />
apporté, leurs illusions ; d'autres, enfin, y trouvèrent la mort.<br />
Devant de tels résultats, le capital français, qui se réservait,<br />
exagéra encore la prudence, il ne s'engagea qu'exceptionnelle<br />
ment et sur l'attrait de taux d'intérêt élevés,<br />
comportant une<br />
prime d'assurance contre des risques dont l'importance lui<br />
apparaissait considérable. A défaut de capitaux d'importation,<br />
il n'existait pas sur place de capitaux d'épargne pouvant être<br />
utilisés pour la mise en valeur du pays ; le peu qui s'y employait<br />
était aux mains des usuriers.<br />
Il fallait donc que le crédit suppléât en grande mesure à l'ac<br />
tion défaillante des capitaux,<br />
qu'il multipliât la puissance<br />
d'utilisation des quelques ressources mises en mouvement par<br />
lui, et l'on peut dire que l'Algérie actuelle est en partie son<br />
œuvre. Cette œuvre ne s'accomplit pas sans lutte ni déboires ;<br />
le crédit lui-même fut assez long à s'organiser et, fait à retenir,<br />
c'est en réalité de l'Algérie même, plus que du dehors,<br />
venu. Peu à peu, en effet,<br />
qu'il est<br />
en même temps que se consolidait<br />
notre occupation et que notre administration,<br />
avant dans le détail de la vie publique,<br />
pénétrant plus<br />
permettait d'attacher<br />
plus de sécurité aux contrats, les colons, les commerçants des<br />
villes, les anciens éléments actifs de la population indigène ou<br />
immigrée reconnaissaient de plus en plus la nécessité de créer<br />
une organisation bancaire : c'est en Algérie qu'est née la volonté<br />
de créer le crédit au profit de la colonie,<br />
c'est là que se sont<br />
formés les premiers organismes qui ont conquis peu à peu la<br />
confiance des capitaux français et étrangers et les ont entraînés<br />
à contribuer au développement du pays. Nous ne prétendons<br />
pas,<br />
Algérie,<br />
en mettant en lumière ce côté de l'histoire du crédit en<br />
métropolitain,<br />
méconnaître combien puissant fut le concours du capital<br />
combien active et bienfaisante fut l'action du
— 10 —<br />
pouvoir central, sans lesquels il est de toute évidence que l'Al<br />
gérie n'aurait jamais atteint l'admirable prospérité dont elle<br />
jouit en ce moment. Nous voulons seulement ne pas omettre la<br />
part propre aux colons français et dégager cette conclusion<br />
que le crédit a été appelé à jouer dans ce pays un rôle sans doute<br />
plus considérable que dans d'autres et qu'il présente en tout cas<br />
un caractère plus nettement local.<br />
Peut-être faut-il attribuer à ce fait originel certains traits<br />
de l'histoire du crédit en Algérie : la recherche constante, tou<br />
jours ardente, parfois même agressive, d'un crédit sans cesse<br />
plus souple, plus étendu,<br />
se pliant à tous les besoins d'une colo<br />
nisation en évolution constante ; un conflit fréquent entre les<br />
idées de prudence et de sagesse d'une part, et, d'autre part,<br />
l'esprit d'entreprise, l'ardeur au gain, les espérances devançant<br />
même l'avenir prévisible, toutes forces nécessaires au progrès,<br />
mais qui pour être bienfaisantes doivent trouver avec les pre<br />
mières un juste équilibre ?<br />
Bien que l'Algérie soit un pays primitivement et essentielle<br />
ment agricole, et que la question du crédit à l'agriculture dût<br />
s'imposer de bonne heure à l'attention des pouvoirs publics, ce<br />
n'est pas en fait le besoin des capitaux circulants nécessaires<br />
à la terre qui donna naissance au crédit bancaire. Ce ne sont pas<br />
les banques foncières qui furent fondées les premières, comme<br />
cela eut lieu dans certains pays agricoles, tels que l'Allemagne<br />
par exemple, à la fin du XVIIIe ou au début du XIXe siècle. Ce<br />
fut au contraire dans les ports et spécialement dans celui d'Alger,<br />
à la fois centre de commerce et siège du gouvernement, que les<br />
premiers besoins de crédit se firent sentir. Là était concentrée<br />
presque toute l'activité du pays qui, par ailleurs, n'était pénétré<br />
que progressivement, et, si l'on peut dire, sporadiquement. Ainsi<br />
c'est le commerce et non pas l'agriculture qui appela la banque<br />
en Algérie. Le premier organisme bancaire créé dans la colonie<br />
en porte l'empreinte, mais, dès sa fondation même, on le verra,<br />
il apparut qu'il fallait venir en aide à l'agriculture, assurer à
- t! —<br />
celle-ci le concours des capitaux ou du crédit, et l'on essaya de<br />
concilier, dans un même mécanisme bancaire, le fonctionnement<br />
du crédit commercial et celui du crédit agricole.<br />
Cependant une transformation se produisait dans le monde.<br />
Dans tous les pays, dès l'époque du Second Empire, de grandes<br />
compagnies se constituaient, des sociétés de crédit de large<br />
envergure se fondaient revêtant la forme de sociétés anonymes,<br />
les idées survivantes du saint-simonisme favorisaient l'éclosion<br />
de toutes les entreprises destinées à activer la production, à<br />
multiplier le travail, à assurer une féconde circulation des riches<br />
ses. L'Algérie ne devait pas rester en dehors de ce mouvement.<br />
Bientôt elle vit venir à son aide le capital français et étranger<br />
enfin rassuré. Peu à peu,<br />
malgré les erreurs de doctrine d'un<br />
pouvoir central un moment mal éclairé, malgré les difficultés<br />
créées à certaines heures par des insurrections et des cata<br />
clysmes locaux, ou enfin par la guerre extérieure, la colonisation<br />
prit un plus grand essor, le réseau des voies ferrées fut établi,<br />
les richesses minières furent exploitées. Dans ces grands travaux<br />
comme dans ces exploitations, le capital venant de l'extérieur<br />
eut la plus grande part ; il ne rencontrait pas là les mêmes<br />
obstacles que dans ses rapports avec le commerce local ou les<br />
propriétés agricoles. Il pouvait plus aisément agir par grandes<br />
masses et surveiller des intérêts moins morcelés. Sollicité par de<br />
si grandes entreprises, il ne s'intéressa d'abord qu'indirectement<br />
au développement des autres éléments de l'actif algérien. Seules<br />
quelques grandes sociétés s'occupèrent de l'agriculture et quel<br />
ques établissements de crédit vinrent apporter aux colons un<br />
appui efficace,<br />
mais forcément limité.<br />
Dès les premières années de la IIIe<br />
République, l'Algérie<br />
connut une période de grande prospérité qui devait bientôt jus<br />
tifier les plus belles espérances. C'est réellement de cette époque<br />
que date sa mise en valeur effective. Mais la confiance générale<br />
rendit aveugles ceux qui auraient dû voir le défaut du méca-<br />
nisme du crédit dans la colonie, et l'on prétendit assurer le crédit
- 12<br />
—<br />
agricole exclusivement par la banque d'émission. L'erreur coûta<br />
cher à celle-ci et à quelques colons,<br />
qui conserva un grand domaine viticole,<br />
témérité,<br />
œuvre du crédit le plus hardi.<br />
Depuis lors, peu à peu,<br />
mais non au pays lui-même,<br />
constitué en partie avec<br />
s'est dégagée une doctrine et s'est<br />
affirmée une pratique qui assurent une plus saine distribution<br />
du crédit. Sous l'impulsion des pouvoirs publics, le crédit agri<br />
cole mutuel s'est organisé avec succès, les banques populaires<br />
ont ouvert leurs guichets à une clientèle digne d'intérêt et, petit<br />
à petit,<br />
un ensemble d'institutions bancaires s'est créé en quel<br />
que sorte par scissiparité ;<br />
taines d'entre elles,<br />
grâce à la spécialisation de cer<br />
qui ont des tâches bien définies et des<br />
ressources propres, elles répondent aux besoins divers de l'agri<br />
culture, du commerce et de l'industrie,<br />
et la banque d'émission<br />
qui, au début avait dû pourvoir elle-même à tous ces besoins,<br />
leur prête un large concours. L'Algérie est ainsi dotée d'un<br />
régime rationnel d'institutions de crédit qui doit devenir aussi<br />
complet que ceux des plus grands pays.<br />
Cette œuvre n'est pas une des moins remarquables du génie<br />
français, puisque, née dans l'isolement,<br />
difficultés locales et générales, elle a grandi,<br />
aux prises avec les<br />
s'est perfectionnée<br />
par l'effort des générations et qu'au moment où nous la voyons<br />
s'épanouir, elle groupe tous les éléments de la population, depuis<br />
le colon, héritier des fondateurs et artisan lui-même de la pros<br />
périté nouvelle de l'Algérie, jusqu'à l'indigène que la France<br />
délivre de la plaie de l'usure, créant ainsi l'égalité économique,<br />
sans distinction d'origine,<br />
entre tous les habitants du pays.<br />
La monnaie française a partout remplacé la monnaie incer<br />
taine des anciens deys ; à côté des espèces métalliques, dont<br />
le rôle monétaire est de plus en plus réduit, au point que l'on<br />
ne souffre guère, dans la pratique, de leur disparition actuelle,<br />
circulent des billets de banque solidement gagés et jouissant de<br />
la confiance générale. Si de cruelles épreuves —<br />
plus effroyable drame international —<br />
ont<br />
héritage<br />
du<br />
été infligées, à la
— — 13<br />
suite de la dernière guerre, à la monnaie française,<br />
si de durs<br />
sacrifices ont dû être imposés à toute la nation pour rendre<br />
à cette monnaie une nouvelle valeur internationale, l'heure est<br />
revenue où la circulation monétaire algérienne retrouve les<br />
qualités qu'elle présentait avant la guerre et qui en faisaient<br />
l'égale des plus saines, se multipliant sans excès avec les besoins,<br />
se resserrant aux heures de crises, évitant ainsi de peser sur les<br />
prix.<br />
L'histoire du crédit et de la monnaie en Algérie depuis 1830<br />
est instructive ; on y trouvera des raisons justifiant, de ce<br />
point de vue spécial, la confiance que nous inspire, à tant d'autres<br />
titres, un pays qui a traversé de si grandes épreuves,<br />
qui pos<br />
sède de si admirables ressources et que met en valeur une<br />
pléiade d'hommes d'une si belle énergie. On y puisera aussi des<br />
leçons de sagesse et de courage à la fois ; le maniement du crédit<br />
exige l'une et l'autre de ces vertus, dont l'excès, difficile à déce<br />
ler, est également nuisible et risque, soit d'entraver le progrès,<br />
soit de précipiter des catastrophes ; on y verra enfin que la loi<br />
générale de solidarité entre les grands marchés monétaires et<br />
commerciaux s'applique plus étroitement à l'Algérie au fur et<br />
à mesure que celle-ci se développe : les crises propres au pays<br />
pourront s'en trouver atténuées,<br />
mais il est plus exposé à res<br />
sentir le contre-coup des crises mondiales. Ces dernières agiront,<br />
sans doute, plus que par le passé,<br />
sur la masse des capitaux<br />
venant travailler dans la colonie et sur le taux de l'intérêt, lié<br />
plus directement aux mouvements de ces capitaux extérieurs,<br />
jusqu'au moment où les capitaux algériens seront assez abon<br />
dants pour exercer eux-mêmes une influence décisive sur le mar<br />
ché intérieur.
TITRE I<br />
HISTOIRE DE LA MONNAIE ET DU CREDIT EN ALGERIE<br />
DEPUIS 1830
CHAPITRE I<br />
LE CREDIT ET LA. MONNAIE DANS LA RÉGENCE D'ALGER<br />
1" Le Commerce et le Crédit. —<br />
Le<br />
Commerce intérieur de la<br />
RÉGENCE EN 1830. Le COMMERCE LOCAL ET LINDUSTII1E a ALGER. Le CRÉDIT ET<br />
LE COMMERCE INTÉRIEUR. L'USURE. Le PRÊT. LES CONTRATS DE SOCIÉTÉ ET<br />
de Commande. Le prêt sur gage immobilier. Les écrits constatant l'exis<br />
tence DES DETTES. Le COMMERCE EXTÉRIEUR. LES MONOPOLES DU DEY ET LES<br />
CONCESSIONNAIRES DE MONOPOLES. LES LlVOURNAIS. Le CRÉDIT ET LE COMMERCE<br />
EXTÉRIEUR.<br />
2* La Monnaie. —<br />
Système<br />
monétaire de la Régence. Les monnaies<br />
étrangères circulant en algérie. la fausse monnaie. activité de la<br />
monnaie d'Alger. Le Trésor de la Casbah. Œuvre qui s'imposait a la<br />
France,<br />
en matière bancaire et monétaire.
Au début du XIXe<br />
LE COMMERCE ET LE CRÉDIT<br />
siècle, le. commerce intérieur réduit et<br />
l'industrie encore primitive de la Régence d'Alger n'avaient<br />
recours au crédit que sous des formes élémentaires et leurs<br />
besoins monétaires n'étaient que peu développés.<br />
La population tout entière de l'Algérie comptait sans doute<br />
moins de deux millions d'habitants, en majeure partie, sinon<br />
en totalité, occupés à des travaux agricoles : cultures et pâtu<br />
rages. Les indigènes se groupaient peu dans des villes, la nature<br />
du pays, autant que leurs goûts et leur civilisation, ne s'y<br />
prêtait guère. Nomades ou sédentaires, les Berbères comme<br />
les Arabes n'avaient, en général, que peu de liens urbains.<br />
Seuls les Kabyles étaient réellement attachés à leurs villages d'où<br />
ils dominent encore aujourd'hui le sol qu'ils cultivent. Les villes<br />
qui ont laissé un souvenir dans l'histoire de l'Algérie ou qui<br />
témoignent d'un passé prospère sont rarement l'œuvre première<br />
des indigènes. Elles ont été fondées pour la plupart par les<br />
maîtres successifs du pays. Il manque, au surplus, à l'Algérie<br />
ces grandes voies fluviales qui sont le berceau naturel de beau<br />
coup de groupements humains (1) .<br />
(1) « Au Maghreb, l'urbanisme ne s'est vraiment développé qu'aux deux<br />
extrémités du pays autour des cités monstres, Tunis d'un côté et Fez<br />
de l'autre. L'Algérie n'a pas à proprement parler de citadins, sauf à Tlem<br />
cen. L'Alger de 1830 n'était guère qu'une caserne et un port turc, mal<br />
gré la présence de quelques immigrés andalous, que nos pères de 1830<br />
appelaient « les Maures ». On ne comprend rien à l'Algérie indigène<br />
si on ne se souvient pas qu'elle est essentiellement rurale. » E.F. Gautier,<br />
Les siècles obscurs du Maghreb. Paris Payot, 1927, page 413.<br />
LE COMMERCE<br />
INTÉRIEUR<br />
DE LA<br />
REGENCE<br />
EN 1830
— 20 —<br />
A l'époque qui nous occupe, les villes constituaient surtout<br />
des marchés où se rencontraient périodiquement les négociants<br />
des diverses régions avoisinantes et même ceux des contrées<br />
lointaines ; de tout temps la diversité des produits du sol, très<br />
différents selon la latitude ou l'altitude,<br />
a provoqué des cou<br />
rants d'échange à l'intérieur, mais l'insécurité du pays ne per<br />
mettait guère à ces échanges de se faire à tout moment au gré<br />
des individus ;<br />
elle imposait le groupement des marchandises et<br />
une organisation de transports en commun que favorisait la<br />
transhumance et qui prenait la forme des caravanes.<br />
« Le nomade est un grand commerçant. Il brasse du Nord<br />
au Sud et du Sud au Nord les produits algériens. Ces popula<br />
tions, dans leurs oscillations, deviennent,<br />
selon l'expression de<br />
Pascal, de véritables chemins qui marchent. Dans le mouvement<br />
d'oscillation qui chaque année les ramène vers le Nord, ils<br />
échangent des laines et des dattes contre l'orge et le blé, vendent<br />
du musc, du henné, des tissus, des tapis. Comme ils doivent<br />
faire leur provision de céréales pour toute l'année, ils dirigent<br />
vers le Sud des convois qui vont déposer des grains dans les<br />
ksour et dans les oasis, tandis que d'autres convois viennent<br />
porter des dattes jusque sur le littoral,<br />
ou bien sont loués<br />
aux négociants européens et indigènes pour le transport des<br />
céréales... Les nomades payaient un droit nommé « eussa » (1)<br />
pour accéder aux marchés du Tell ; ils venaient parfois jusqu'au<br />
Chélif où le Beylick leur permettait, moyennant un droit consi<br />
dérable, de venir cultiver des céréales sur des terrains qui lui<br />
appartenaient. Dans le Tell, le nomade échangeait une mesure<br />
de dattes contre trois mesures d'orge,<br />
ou une demi-mesure de<br />
blé contre trois mesures de dattes. Les habitants du Tell<br />
gagnaient beaucoup à ces échanges et c'était un proverbe, chez<br />
les marchands, de dire : « Je gagnerai si les Arabes du Sud<br />
descendent. » (2).<br />
Le trafic auquel donnait lieu le déplacement des nomades<br />
(1) Les indigènes l'acquittaient en donnant des moutons, des cha<br />
meaux, des burnous, des haïks, des tapis, des djelal, des dattes, des<br />
gazelles, des plumes d'autruche. Le Beylick tarifait le tout arbitrairement<br />
et le revendait avec bénéfice.<br />
(2) Augustin Bernard et Lacroix, L'évolution du nomadisme en Algérie,<br />
Alger, Jourdan, 1906.<br />
pages 207 et suivantes. —
VUE ANCIENNE DE LA VILLE D'ALGER
— — 21<br />
transhumants revêtait souvent, on le voit, la forme d'échanges<br />
directs de marchandises, de troc,<br />
plutôt que celle de véritables<br />
négociations commerciales nécessitant le recours au crédit ou<br />
l'emploi même de la monnaie. Celui qui se faisait à l'aide de<br />
convois dont la direction était entre les mains de colporteurs<br />
indigènes ne donnait naissance qu'à un embryon d'organisation<br />
commerciale, qui ne pouvait d'ailleurs guère se développer, parce<br />
que ce trafic était constamment troublé par l'insécurité des rou<br />
tes. Dans certaines localités, des entrepôts (1) étaient constitués<br />
et quelques commerçants possédaient des approvisionnements de<br />
produits locaux du Nord et du Sud provenant de ces échanges<br />
avec les nomades ou avec les colporteurs arabes ou kabyles.<br />
Souvent ces derniers ne se bornaient pas vis-à-vis des commer<br />
çants au simple rôle d'intermédiaires. Ils devenaient leurs com<br />
manditaires. Les négociants consentaient à leur tour crédit aux<br />
détaillants, et les Juifs et les Mozabites,<br />
direct aux uns et aux autres,<br />
de banquiers. L'usure n'y<br />
en pratiquant le prêt<br />
faisaient en quelque sorte office<br />
perdait rien.<br />
De grands centres commerciaux, dont l'activité était périodi<br />
que, se constituaient ainsi, à l'intérieur, soit dans les villes<br />
anciennes telles que Constantine, Tlemcen, ou Médéa, soit sur<br />
des places de moindre importance qui conservaient le caractère<br />
de marchés et de foires connus sous la simple dénomination<br />
de souks,<br />
accompagnée de la désignation du jour de la semaine<br />
où se tenaient ce marché ou cette foire. Encore aujourd'hui, il<br />
en est ainsi dans plus d'un endroit en Algérie et cette organi<br />
sation du commerce local subsiste parce qu'elle répond aux<br />
conditions de l'habitat et à la nature des produits échangés.<br />
A l'intérieur, parmi ces grands centres commerciaux, Cons<br />
tantine était sans doute le plus vivant. On trouvait dans ses<br />
souks les produits les plus divers ; les Kabyles l'approvision<br />
naient en armes, fruits et miel ; il fournissait lui-même aux<br />
centres les plus lointains du Maghreb les articles de luxe dont<br />
il s'était fait une spécialité, les chaussures et la sellerie ;<br />
on y achetait les haïks et les burnous du Sud, les produits<br />
de l'oued Rhir, et,<br />
conduits jusqu'à lui par la voie du Sud plus<br />
(1) On trouve encore dans l'Aurès des guelâas qui ne sont que des<br />
entrepôts non habités d'une façon permanente.
LE COMMERCE<br />
LOCAL ET<br />
L'<br />
INDUSTRIE<br />
A ALGER.<br />
—<br />
— 22<br />
sûre que les chemins du littoral battus par le brigandage, les<br />
articles délicats de Tunis (1). Son activité était considérable.<br />
Il est difficile d'indiquer des chiffres qui puissent la mesurer<br />
à la veille de notre arrivée dans le pays ; mais en 1845,<br />
c'est-à-dire à une époque où notre influence ne s'était guère<br />
fait sentir encore dans le développement commercial du centre<br />
de l'Algérie,<br />
on évaluait à 500.000 le nombre d'individus fré<br />
quentant les boutiques de Constantine.<br />
Sur la côte, Alger, Bône, Bougie et Oran tenaient,<br />
dans la vie<br />
de la Régence, une place prépondérante et pourtant, à pareille<br />
date, elles recevaient, dit-on, la visite d'un nombre beaucoup<br />
plus faible de visiteurs : 70 à 80.000 environ. Mais ces quatre<br />
villes avaient une vie commerciale propre qui leur venait de leur<br />
port et les rendait plus indépendantes que Constantine des mou<br />
vements du nomadisme. Elles renfermaient une population<br />
active se spécialisant, selon ses origines ethniques,<br />
dans des<br />
métiers variés. Les Maures, importants négociants en ville, cul<br />
tivaient la campagne voisine ; les Mozabites avaient en quelque<br />
sorte le monopole de certaines professions : ils étaient bouchers,<br />
fruitiers, gargotiers, petits banquiers ; les Juifs, orfèvres, bijou<br />
tiers, essayeurs de métaux, courtiers, s'adonnaient aussi à<br />
divers commerces lucratifs, parmi lesquels il faut placer au<br />
premier rang le prêt sur gage et l'usure qu'ils n'étaient d'ail<br />
leurs pas seuls à pratiquer ; les nègres, anciens esclaves, étaient<br />
bouchers, maçons, musiciens ; des renégats, actifs et intrigants,<br />
utilisaient, pour se créer des situations privilégiées, leur cul<br />
ture générale ou leurs connaissances pratiques; de rares colo<br />
nies européennes se composaient d'un très petit nombre d'an<br />
ciens esclaves chrétiens ou de quelques négociants français, ita<br />
liens,<br />
espagnols ou anglais (2).<br />
Parmi ces villes de la côte, Alger tenait naturellement une<br />
place à part. Quoique déchue de son ancienne prospérité (3) et<br />
bien que sa population eût depuis quelque temps très sensible-<br />
(1) Exploration scientifique de l'Algérie II. Recherches sur la Géogra<br />
phie et le Commerce de l'Algérie méridionale par E. Carette, Paris 1843.<br />
(2) La « nation française » à Alger ne dépassa pas aux XVIIe et<br />
XVIIIe siècles une vingtaine de personnes. Elle en comprenait 120 en 1800.<br />
(3)<br />
En 1825, dernière année où la marine algérienne conserva sa
— — 23<br />
ment diminué, elle demeurait un centre relativement actif<br />
de production et de consommation et un entrepôt important.<br />
M. R. Lespès, dans son Esqtdsse de géographie urbaine sur<br />
Alger (1),<br />
en présente en ces termes le tableau pittoresque<br />
et précis : « L'immigration des Maures d'Espagne, à la fin du<br />
XVIe siècle et au commencement du XVIIe,<br />
peupla la ville d'un<br />
grand nombre d'artisans dont Haëdo énumère les professions<br />
d'arquebusiers, fabricants de poudre, serruriers, charpentiers,<br />
maçons, tailleurs, cordonniers, potiers, merciers, éleveurs de vers<br />
à soie. Les Juifs étaient spécialisés dans les métiers de tailleurs,<br />
de bijoutiers en corail, d'orfèvres et de frappeurs de monnaie.<br />
Les renégats se livrèrent de préférence aux professions touchant<br />
à la marine. En 1623, Grammont dénombrait à Alger 80 maîtres-<br />
forgerons, 180 couteliers, plus de 1.200 tailleurs, 3.000 tisserands,<br />
600 personnes élevant les vers à soie et 200 tissant la soie.<br />
Toutes ces industries existaient encore au XVIIIe siècle. A l'épo<br />
que où écrivait le Dr<br />
Shaw, en 1738, les Kabyles apportaient<br />
à Alger du fer en barre pour les ouvriers de la ville,<br />
et des<br />
ateliers des tisserands sortaient des étoffes de soie, des taffetas<br />
et même des velours. A la fin du siècle, Venture de Paradis<br />
mentionne comme produits fabriqués à Alger, à côté des toiles<br />
grossières faites avec le lin du pays, des rubans de soie de<br />
toutes couleurs, dont il vante la beauté, des ceintures de soie<br />
lamées d'or et d'argent exportées dans toute la Barbarie et dans<br />
le Levant, des calottes ou bonnets de laine (« chachiya » ou<br />
« chéchia » des hommes et « sarma » des femmes) du reste<br />
inférieurs à ceux de Tunis, des maroquins dont on fait des<br />
babouches, des portefeuilles, des gibecières brodées,<br />
pour le<br />
liberté d'action, elle n'était plus forte que de quatorze navires de diverses<br />
grandeurs portant 320 à 336 canons. En 1830, les Français ne trouvèrent<br />
plus dans le port d'Alger que 11 navires et une vingtaine de chebeks. Ces<br />
bâtiments ne sortaient plus depuis quatre ans par suite du blocus. Ils<br />
étaient en très mauvais état. On fut même obligé de démolir la frégate<br />
et une des corvettes qui servirent de combustible aux soldats (Elie de<br />
la Primaudaie, Le commerce et la navigation de l'Algérie avant la con<br />
quête française, 1861).<br />
(1) Alger, Esquisse de géographie urbaine par R. Lespès, Alger, Maison<br />
Cf. également: Voyage dans la Régence d'Alger<br />
Jules Carbonel, 1925. —<br />
par M. Rozet, capitaine au corps royal d'état-major, ingénieur géographe<br />
de l'armée d'Afrique. Paris 1833, et l'Algérie dans la littérature française,<br />
par Charles Tailliart, recteur de l'Académie d'Alger. Paris, Champion, 1925.
- 24<br />
—<br />
paya même ou pour i'Oiïcnt. En 1830,<br />
diverses industries encore vivantes,<br />
nous avons trouvé ces<br />
sinon prospères.<br />
« Outre les petits métiers inhérents à toute agglomération<br />
indigène que nous laissons de côté ici,<br />
on pratiquait en effet<br />
le tissage du lin, du fil d'agave, de la laine, de la soie ; on<br />
brodait sur étoffe des robes, des pantalons, des vestes, et sur<br />
cuir des bourses, des sandales, des ceinturons de sabre, des har<br />
nachements ; on tissait quelques tapis et beaucoup de nattes<br />
de jonc ; on teignait à la gaude, au bois de campêche, à l'indigo,<br />
à l'écorce de grenade et à la couperose ;<br />
on tannait à l'écorce<br />
de chêne-vert ou de grenadier ; on travaillait le fer blanc ; on<br />
forgeait des lits de parade ; on fondait le bronze,<br />
on faisait de<br />
la serrurerie fine, de la menuiserie délicate, des coffres, des<br />
étagères, on confectionait des tonneaux, on tournait la corne,<br />
on fabriquait au faubourg Bab-Azoun des pipes en terre, au<br />
faubourg Bab-el-Oued des poteries grossières, des briques et<br />
de la chaux. La ville avait même, à l'intérieur de ses murs, ses<br />
moulins à farine, dont les meules étaient tournées par des mulets<br />
ou des chameaux et, hors de l'enceinte, il avait existé peu d'an<br />
nées auparavant, sur le petit plateau des Tagarins, des moulins<br />
à vent. On en vit encore pendant quelque temps après notre<br />
occupation, au delà de la porte Bab-el-Oued,<br />
mer. »<br />
sur le bord de la<br />
Si diminuée que fût la population d'Alger, elle groupait encore<br />
en 1830 environ 18.000 Maures ou Koulouglis, 4.000 Turcs, 2.000<br />
nègres, 1.000 Berbères ou Arabes et 5.000 Juifs, soit en tout<br />
environ 30.000 habitants (1), ce qui était suffisant pour ali<br />
menter un assez large commerce de consommation locale,<br />
(1) Le capitaine Barchou de Penhoën, traçant la physionomie d'Alger<br />
au moment de l'entrée des troupes, donne cette indication : « Un grand<br />
nombre d'étrangers se trouvaient à ce moment à Alger. Les uns arri<br />
vaient d'Alexandrie ; c'étaient, en général, de ces conspirateurs libéraux<br />
qui, ne pouvant vivre sous l'oppression de la Charte, s'en étaient allés res<br />
pirer l'air pur à l'aise, sous la domination du pacha d'Egypte ; d'autres<br />
arrivaient de Grèce où les avait conduits leur alors en<br />
vogue, d'autres venaient de Constantinople, où les avait attirés la marche<br />
victorieuse des armées russes. On les leurrait de l'espoir d'un vaste<br />
bouleversement. D'autres enfin venaient de Smyrne ou de Saint-Jean<br />
d'Acre, ou de Damas, ou de Tunis, ou du Maroc. » (Cf. Feuillets d'El-<br />
Djezaïr, 5- vol. 1913, page 82. M. Klein, secrétaire général du Comité du<br />
Vieil Alger.)
— — 25<br />
approvisionné de denrées comestibles par les régions entourant<br />
Alger, et de marchandises d'utilisation courante,<br />
par ces mêmes régions et par les artisans de la ville,<br />
non seulement<br />
mais par<br />
le reste du monde, grâce à un commerce extérieur régulier, qui<br />
avait remplacé la course, principale industrie de la Régence quel<br />
ques années auparavant.<br />
De plus, Alger servait à des titres divers d'entrepôt<br />
de marchandises ; les produits importés et les produits expor<br />
tés y séjournaient comme dans tout port ; il y étaient emmaga<br />
sinés plus ou moins longtemps par les négociants ; les prises<br />
des corsaires s'y<br />
accumulaient avant d'être dispersées. Enfin<br />
Alger était le siège d'un gouvernement dont le chef monopolisait<br />
en fait le trafic des denrées essentielles ; une grande quantité<br />
de marchandises étaient conservées en réserve et réunies dans<br />
les annexes des palais du Dey lui-même. Nos troupes,<br />
en entrant<br />
à Alger, firent à cet égard d'intéressantes constatations. La<br />
Casbah contenait, outre le trésor, des quantités de laine, de<br />
peaux, de cire, de plomb et de cuivre ; dans les magasins de la<br />
marine se trouvaient du blé, du sel, de la toile, etc... . (1) Beau<br />
coup de ces marchandises s'étaient d'ailleurs accumulées depuis<br />
que le blocus rendait pratiquement impossible leur exportation.<br />
L'organisation du commerce algérien avait un caractère encore<br />
primitif. Les métiers étaient groupés par corporations ayant à<br />
leur tête un amin responsable de l'ordre, et du paiement des<br />
taxes dues par elles (2). La justice des Deys était très brutale.<br />
La bastonnade était administrée aux vendeurs à faux poids ;<br />
en cas de récidive, le marchand était cloué par une oreille<br />
à la porte de sa boutique. Parfois, le délinquant subissait le<br />
supplice du poignet coupé (3). Laugier de Tassy, dans son<br />
Histoire du Royaume d'Alger (4), rapporte que les banquerou-<br />
(1) Il existait en stock 6.918 quintaux de laine dans les édifices publies<br />
tels que le Dar Seuf ou maison de la laine.<br />
(2) Les Biskris, spécialisés comme portefaix, formaient une corporation<br />
spéciale, ainsi que las Nègres, les Kabyles, les Mozabites et les Laghouatis.<br />
(3) Le chirurgien Bach-Djerrah y procédait encore en 1830. La section<br />
on trempait, pour arrêter l'hémorragie, la partie mutilée dans un<br />
faite,<br />
vase rempli de goudron bouillant. La main enlevée était suspendue au<br />
cou du supplicié qu'on forçait ensuite à monter à rebours sur un âne et<br />
qu'on promenait ainsi à travers la ville.<br />
(4) La Haye 1725.
LE CRÉDIT<br />
ET LE<br />
COMMERCE<br />
INTÉRIEUR.<br />
— — 26<br />
tiers étaient punis de mort : « Les Turcs coupables de banque<br />
route sont étranglés, les Maures pendus, les Juifs brûlés à l'égal<br />
des chrétiens, leur consul ou la nation sont forcés de payer<br />
pour eux. On appelle « banqueroutiers » ceux qui se sauvent<br />
sans payer. Ceux qui ne peuvent pas satisfaire à leurs créanciers,<br />
doivent s'abandonner à leur discrétion avec tout ce qu'ils ont,<br />
pour ne pas se rendre coupables. »<br />
Dans de telles conditions, la confiance,<br />
qui est la base du cré<br />
dit, était exclue des transactions et tout l'appareil de contrainte<br />
qui devait y suppléer était insuffisant pour assurer le dévelop<br />
pement de larges pratiques bancaires.<br />
*<br />
Le commerce était assez actif entre les villes de la côte et<br />
l'intérieur,<br />
c'est-à-dire entre le Nord et le Sud. Le mouve<br />
ment était moindre entre l'Est et l'Ouest,<br />
des produits,<br />
parce que la nature<br />
ne présentant pas la même variété qu'entre ceux<br />
provenant de latitudes différentes,<br />
l'échange,<br />
n'appelait pas par elle-même<br />
et que chacune des réglons avait son débouché sur la<br />
mer, par Alger,<br />
Les rapports entre Constantine et Alger n'en étaient pas moins<br />
réguliers,<br />
et Alger (1),<br />
par Bône ou Bougie et par Oran.<br />
et plus développés que ceux qui existaient entre Oran<br />
mais ils étaient assez peu importants pour qu'en<br />
juillet 1818, l'agent des concessions françaises à Bône écrivît au<br />
directeur principal de ces concessions à Marseille, en lui deman<br />
dant de lui expédier du numéraire : « Pour faire du commerce,<br />
il faut de l'argent. Le commerce d'Alger avec Constantine ne<br />
peut jamais y suffire. » (2).<br />
Le commerce intérieur, sur l'importance duquel, faute de<br />
documentation satisfaisante, il est difficile d'Cti'e fixé d'une<br />
façon précise, n'apparaît donc pas comme ayant nécessité large<br />
ment le concours du crédit,<br />
ni même celui de capitaux impor<br />
tants. Les ressources que pouvaient lui assurer les colporteurs<br />
(1) La région d'Oran, réputée pour ses céréales, vendait ses produits aux<br />
Sahariens. Le surplus ne tarda pas à être acheté par les Anglais, installés<br />
à Gibraltar depuis le début du XVIIIe siècle.<br />
(2) Archives départementales des Bouches-du-Rhône. M. 14.178.
— 27<br />
kabyles, les négociants maures, les grands chefs arabes, les<br />
Mozabites et les Israélites, étaient suffisantes.<br />
Les tendances mêmes de la religion musulmane ne venaient-<br />
elles pas au surplus accentuer la résistance que l'état économique<br />
du pays opposait à ceux qui eussent été tentés d'y développer<br />
le crédit ? A cette époque et dans l'état primitif où se trouvait<br />
le négoce en Afrique du Nord, le crédit ne pouvait guère appa<br />
raître que sous la forme rudimentaire du prêt direct, et le prêt<br />
se confondait alors si facilement avec l'usure, que la religion<br />
musulmane, comme la religion chrétienne à ses débuts, en<br />
condamnant l'usure, a paru interdire le prêt à intérêt : « Ceux<br />
qui avalent le produit de l'usure se lèveront au jour de la résur<br />
rection comme celui que Satan a souillé de son contact. Et cela<br />
parce qu'ils disent : l'usure est la même chose que la vente.<br />
Dieu a permis la vente, il a interdit l'usure. » (1).<br />
Cet anathème condamnait surtout les pratiques dont étaient<br />
victimes ceux qui,<br />
nécessité, étaient contraints de s'y<br />
pour se procurer des denrées de première<br />
soumettre (2). La religion<br />
musulmane proscrivait aussi, pour le même motif, les contrats<br />
aléatoires.<br />
Les nécessités de la vie pratique ne tardèrent pas, il est vrai,<br />
à inspirer aux hommes d'affaires musulmans comme aux juris<br />
consultes eux-mêmes d'habiles solutions qui, tout en respectant<br />
les principes posés,<br />
permirent au crédit de jouer en partie son<br />
rôle en Afrique du Nord. A côté du prêt proprement dit, les<br />
contrats de société (Chirka) et de commande (El Quirad)<br />
consacrèrent, comme les contrats similaires en usage en Europe,<br />
la pratique de l'association du capital et du travail où la parti<br />
cipation aux bénéfices se substituait à l'intérêt. Particulière<br />
ment, le contrat de commande ou la commandite, El Quirad,<br />
consiste dans la remise d'un capital en espèces déterminées (or<br />
et argent) et dénombrées par une personne à une autre, afin de<br />
le faire valoir et sous réserve d'une part dans les bénéfices.<br />
L'origine de ce contrat se confond —<br />
a-t-il<br />
été dit —<br />
avec celle<br />
de l'organisation des caravanes et l'on a pu soutenir que la<br />
(1) Chapitre II du Coran, verset 276.<br />
(2) Cf. L'usure en droit musulman, par Benali Fekar (Paris, Rous<br />
seau, 1908).<br />
L'USURE,<br />
LE PRÊT.<br />
LESCONTRATS<br />
DE SOCIÉTÉ<br />
ET DE<br />
COMMANDE.
SUR GAGE<br />
IMMOBILIER.<br />
— 28<br />
—<br />
part qui revient au droit musulman en ce qui concerne le contrat<br />
de commandite est certaine, sinon absolue (1).<br />
Parfois aussi, le prêt avec intérêt se dissimulait sous la forme<br />
d'un prêt sur gage, en apparence sans intérêt, et facilitait ainsi<br />
les pratiques de l'usure comme il arrive encore trop souvent de<br />
nos jours.<br />
le prêt Le prêt à intérêt s'insinuait également dans le crédit foncier<br />
et agricole et y jouait un rôle généralement néfaste chez les<br />
indigènes. Une des caractéristiques de l'Algérie est malheu<br />
reusement l'irrégularité dans la production agricole ; or, l'esprit<br />
de prévoyance était insuffisamment développé chez des habitants<br />
généralement insouciants et n'observant souvent que la seconde<br />
partie du précepte : « Aide-toi, le ciel t'aidera. » La seule<br />
forme d'épargne pratiquée par l'agriculteur indigène était la<br />
mise du grain en réserve dans des silos ;<br />
elle était favorisée par<br />
les principes mêmes de la religion musulmane, mais elle cons<br />
tituait une forme passive et non active de l'épargne ; et les<br />
indigènes, malgré ces mesures de prévoyance, étaient exposés<br />
à manquer même du nécessaire et plus d'un s'endettait. Le<br />
prêt que leur consentaient les détenteurs de capitaux s'appuyait<br />
sur un gage immobilier. Il pouvait revêtir diverses formes. Les<br />
principales étaient la Rahnia, qui est une sorte d'antichrèse, et<br />
la Tsénia,<br />
qui n'en est guère qu'une modalité. Ces contrats consti<br />
tuaient, en quelque façon, la première forme, d'ailleurs assez<br />
dangereuse, du crédit agricole.<br />
« La Rahnia est la remise de la possession d'un bien faite<br />
pour sûreté d'une obligation, avec attribution au créancier du<br />
droit de retenir ce bien jusqu'à parfait paiement, de le faire<br />
vendre à l'échéance, en cas de non remboursement, et de<br />
se faire payer, par préférence, sur le prix provenant de la<br />
vente. » (2) Dans le rite malékite, qui est celui de la majorité<br />
des musulmans d'Algérie, le créancier prêteur ne peut pas sti-<br />
(1) La Commande (El Quirad) en droit musulman, par Benali Fekar<br />
— (Paris, Rousseau, 1910). Cf. en sens •<br />
contraire, André E. Sayous<br />
Le commerce européen en Tunisie au moyen âge et au début de l'ère<br />
moderne, Paris 1929.<br />
(2) Art. 643 de V'Avant-projet de Code présenté à la Commission de<br />
codification du droit musulman algérien par Marcel Morand, Alger 1916<br />
Voir aussi Etudes de droit musulman algérien du même auteur paie 269<br />
et suiv., Alger 1910. —<br />
« La terre d'Algérie a plié et cédé soûs le poids<br />
de la rahma comme la terre d'Irlande sous le fardeau de l'hypothèque
— — 29<br />
puler qu'il aura droit aux fruits du bien qu'il détient à rahnia.<br />
Malgré cette interdiction, la rahnia donna, bien souvent, en<br />
fait,<br />
au créancier le moyen de légaliser un contrat d'usure et<br />
elle devint même entre ses mains un instrument d'expropriation.<br />
Lorsque survenaient quelques mauvaises récoltes, les agricul<br />
teurs indigènes se trouvaient dépourvus de ressources et tom<br />
baient à la merci des prêteurs à rahnia, toujours aux aguets.<br />
Ceux-ci, une fois en possession du terrain, l'exploitaient sans<br />
souci de l'avenir. Il arrivait même parfois que les héritiers<br />
d'un débiteur, voulant libérer le terrain de leur auteur, voyaient<br />
le possesseur de ce terrain s'en déclarer propriétaire et nier<br />
l'existence de la rahnia. La tsénia,<br />
qui revêtait la forme d'une<br />
vente, permettait à « l'acheteur », bien qu'il n'eût effectivement<br />
qu'un droit de nantissement, de disposer légitimement des fruits<br />
et par suite elle produisait, en les aggravant, les mêmes effets.<br />
Ces contrats de prêt foncier se tournaient donc trop souvent<br />
contre les agriculteurs eux-mêmes, et l'usure opérait aussi libre<br />
ment sur la propriété rurale que sur la propriété urbaine, sur<br />
les biens immobiliers que sur les biens meubles. Malgré les<br />
prescriptions de la religion, elle était la plaie du pays ; elle<br />
prenait les formes les plus insidieuses ou les plus brutales, selon<br />
les circonstances ; c'était un mal ancien, un mal oriental, dont<br />
la virulence est attestée par l'énergie même de la condamnation<br />
que le prophète avait dû prononcer contre lui.<br />
A l'étreinte de l'usure,<br />
*<br />
* *<br />
et par voie de conséquence aux obli<br />
gations découlant des prêts même non usuraires, le débiteur<br />
essayait souvent d'opposer l'inertie, la mauvaise foi et il se<br />
couvrait par l'insolvabilité. Aussi, pour mettre quelque sécurité<br />
dans les transactions et réglementer en quelque sorte le crédit,<br />
certaines pratiques s'étaient introduites dans l'intérêt du débi<br />
teur autant que dans celui du créancier.<br />
Des actes étaient rédigés pour constater l'existence des dettes.<br />
Quand on a constaté la propriété privée en Algérie, on a à chaque pas<br />
rencontré la rahnia. C'est par la rahnia que quelques familles détenaient<br />
une si grande quantité de terres. » (Charles Benoist : Enquête algérienne,<br />
Paris, Lecène, 1892.)<br />
LES ECRITS<br />
CONSTATANT<br />
L'EXISTENCE<br />
DES DETTES.
- 30<br />
-<br />
La rédaction de tels actes était conforme aux prescriptions de<br />
la religion musulmane, car le Coran engage à diverses reprises<br />
les croyants à constater leurs dettes par écrit (1). A titre<br />
d'exemple,<br />
nous pouvons citer le texte du reçu d'un rembourse<br />
ment de prêt sur gage, d'ailleurs gratuit, effectué en 1811, par<br />
la corporation de La Mecque et Médine. Bien que ce prêt, accordé<br />
à un Turc de la milice, c'est-à-dire à un membre de la caste<br />
aristocratique de la Régence, présente un caractère particulier<br />
et soit sans doute exceptionnel, il n'en constitue pas moins une<br />
référence à la pratique du prêt sur nantissement ; à cet égard,<br />
il est intéressant de le noter : « Après que l'honorable Abder-<br />
rahmann le Turc, Khobotli de naissance, eût reçu sur les fonds<br />
des deux villes saintes, à titre de prêt gracieux, la somme de<br />
460 réals draham serar, et qu'il eût déposé entre les mains des<br />
administrateurs une sarma en or appartenant à la dame Kanis<br />
bent El Hadj Ali,<br />
pour qu'elle soit conservée par eux en nantis<br />
sement de la dite somme jusqu'à ce qu'il ait remboursé la totalité<br />
dudit prêt..., ce qui se passait antérieurement à la date du présent<br />
dans les derniers jours du mois de Safar de l'année 1226 (du 17<br />
au 25 mars 1811)<br />
et est consigné sur les registres des deux villes<br />
saintes susdites... » (suit la constatation du rembourse<br />
ment) (2).<br />
On trouve dans ce texte l'indication de la nature juridique<br />
du prêt et de la constitution d'un gage appartenant à un tiers<br />
et, enfin, la référence à un acte écrit constatant le contrat.<br />
Il ne semble pas toutefois que les effets de commerce, soit sous<br />
la forme primitive de simples écrits constatant les dettes et les<br />
créances, soit sous celle de billets à ordre et lettres de change,<br />
aient été employés, à l'intérieur du pays, comme instruments de<br />
crédit. Le commerce local, les échanges de région à région<br />
n'étaient pas assez développés pour entraîner une circulation<br />
d'effets de commerce. Le troc et la monnaie métallique étaient<br />
les moyens normaux de règlement du commerce intérieur.<br />
(1) « O vous qui croyez, lorsque vous contractez une dette payable à<br />
une époque fixe, mettez-la par écrit. Ne dédaignez pas de mettre par écrit<br />
une dette, soit petite ou grande, en indiquant l'époque du payement ><br />
(Verset 282, chapitre IL)<br />
(2) A. Devoulx : Notice sur les corporations religieuses d'Alaer p 26<br />
Alger, 1882.
- :it<br />
*<br />
* *<br />
Le commerce extérieur de la Régence avait décliné depuis LE commerce<br />
de longues années et, en particulier, il n'avait pas une très<br />
grande importance à Alger même qui,<br />
ainsi que le dit M. Paul<br />
Masson, resta « une échelle secondaire comparée aux échelles<br />
du Levant, la moins active de celles de Barbarie, après Tri<br />
poli » ; Oran, Bône et le Bastion de France tenaient une place<br />
plus considérable dans le mouvement des échanges avec l'exté<br />
rieur. Peu d'armateurs étrangers étaient disposés à courir le<br />
risque de rencontrer les reïs avant d'arriver au port, de leur<br />
disputer la route, de ne pouvoir obtenir le paiement de leurs<br />
marchandises, d'avoir à supporter des avanies, des exactions de<br />
toute nature, après avoir payé à la Régence 40 piastres de droit<br />
d'ancrage et 12 % de droits d'entrée (1).<br />
Pendant longtemps, on le sait,<br />
ce fut la Course qui anima<br />
le port d'Alger, enrichit ses nabitants, fit de la ville un marché,<br />
où, sans ordre, au hasard des prises, se vendaient : bois de<br />
constructions, bateaux capturés, armes, soieries, draps, coton<br />
nades, épices, vins, bières, huiles, viandes et poissons salés,<br />
lingots d'or et d'argent, espèces monnayées, sans parler des<br />
esclaves chrétiens qui faisaient l'objet d'un double trafic, au<br />
moment de leur prise et au moment de leur rédemption, effectuée<br />
par les ordres religieux ou par l'intermédiaire des Juifs.<br />
Les produits du pays : cuir, cire, laine, plumes d'autruche,<br />
tissus indigènes, denrées alimentaires (huiles, grains, raisins<br />
secs, figues, dattes)<br />
tation ;<br />
pouvaient constituer des éléments d'expor<br />
mais ils étaient peu importants et le commerce n'en<br />
était, en général,<br />
pas libre. On évalue au chargement d'une<br />
quinzaine cle bateaux au plus les marchandises exportées vers<br />
Marseille, Gênes ou Livourne qui entretenaient avec Alger des<br />
rapports constants. En 1789, Venture de Paradis compte moins<br />
de quatre-vingts bateaux entrant dans le port d'Alger, dont<br />
trente espagnols, trois de Livourne, trois de Turquie et d'Alexan<br />
drie ;<br />
mais seules comptent les marchandises importées de<br />
(1) Eugène Plantet : Correspondance des Deys d'Alger avec la Cour<br />
— de France, tome I, introduction. Paris, Alcan, 1889.<br />
extérieur.
— — 32<br />
Marseille, de Livourne et du Levant, pour un total d'environ<br />
deux millions de livres, dont la moitié venant de Livourne.<br />
Dans un mémoire sur le commerce du Levant et de Barbarie<br />
et sur celui de la Mer Noire, adressé au ministre de l'Intérieur,<br />
le 8 pluviôse, an X, par le Conseil d'Agriculture, Arts et Com<br />
merce, séant à Marseille (1),<br />
on trouve une évaluation sensi<br />
blement égale. « Les retraits s'étaient élevés en 1786 et 1789<br />
à plus d'un million de francs chaque année,<br />
et les autres années<br />
ils n'avaient pas été moindres de 5 à 600.000 francs,<br />
et même<br />
ils étaient allés plus haut. Les envois en marchandises n'avaient<br />
jamais été portés jusqu'à 600.000 francs et presque toujours<br />
ils étaient de 3 à 400.000 francs. » Ce même mémoire donne,<br />
l'indication que<br />
d'après les livres de la Compagnie d'Afrique,<br />
cette Compagnie envoyait annuellement dans ses concessions<br />
8 à 900.000 francs en piastres ou autres espèces étrangères et<br />
qu'elle expédiait 25 à 30 bâtiments, « les retraits en corail, blé,<br />
légumes, laines, cire et cuirs allant à peu près à 1 million ». Mais<br />
peu à peu cette activité diminua et, en 1817-1818, l'agence de<br />
Bône des concessions d'Afrique avait à peine exporté en 18 mois<br />
127 balles de coton, 40.000 petits cuirs salés et environ 100 quin<br />
taux de cire. Le directeur des Concessions était alors assez<br />
découragé et il écrivait au consul de France à Livourne : « Les<br />
céréales de ces contrées ne pourront plus lutter,<br />
même dans les<br />
années d'abondance, ou que très désavantageusement, contre<br />
celles de la Mer Noire qui leur sont supérieures et coûtent<br />
moins. » (2).<br />
Le consul de France écrivait à la fin de 1826 : « La nullité<br />
d'objets d'exportation de ce pays oblige le commerce à expor<br />
ter en Europe beaucoup d'or monnayé,<br />
qui n'est remplacé<br />
que partiellement par la poudre d'or de l'intérieur de l'Afrique,<br />
ce qui appauvrit sensiblement le pays. Aussi remarque-t-on le<br />
commerce d'Europe diminué considérablement. Déjà celui de<br />
Marseille est actuellement réduit et tous les naturels de ce pays<br />
l'ont abandonné. M. Paret le soutient encore quoique faiblement.<br />
Pendant le second quartier de cette année, un seul bâtiment<br />
(1) Archives modernes de la Chambre de Commerce de Marseille. Dos<br />
sier commerce du Levant et de Barbarie. Mémoire imprimé.<br />
(2) Archives départementales des Bouches-du-Rhône. M. 14.170.
— — 33<br />
parut à Alger avec un misérable chargement de la valeur de<br />
55.000 francs qui, même,<br />
n'a pas eu encore ici son entier écou<br />
lement, et pendant le cours de celui-ci, il n'en a paru aucun.<br />
Le commerce de l'intérieur de ce pays tombe en ruines par les<br />
exactions de toute espèce des gouverneurs ou commandants<br />
turcs ou arabes : ils ne consomment plus que des objets de<br />
première nécessité. » (1).<br />
*<br />
De plus, le commerce extérieur de la Régence avait cessé<br />
d'être entièrement libre. Dès le XVIIIe<br />
siècle, Shaw signale qu'il<br />
se fait « une si grande consommation d'huile dans le pays, parti<br />
culièrement dans le royaume d'Alger,<br />
qu'il est rarement permis<br />
d'en vendre aux chrétiens pour la transporter ailleurs ».<br />
Peuchet,<br />
publiant en 1826 l'ouvrage de Raynal : L'Histoire<br />
philosophique et politique des établissements et du commerce<br />
des Européens dans l'Afrique Septentrionale,<br />
constate aussi<br />
ce fait : « Le commerce d'Alger est peu considérable, il est<br />
presque tout entre les mains des Juifs. Le grain se vend à bas<br />
prix parce qu'aucune partie n'en peut être exportée sans une<br />
permission écrite et munie du sceau du Dey ; une pareille licence<br />
est également nécessaire pour pouvoir vendre au dehors du pays<br />
des huiles dont on y récolte cependant une grande abondance. »<br />
Dans le dessein ou sous le prétexte d'éviter une insuffisance<br />
de denrées alimentaires livrées à la consommation locale et de<br />
conjurer ainsi la famine, les deys réglementèrent les exporta<br />
tions et se firent livrer certaines marchandises. Ils trouvèrent<br />
bientôt dans ce régime des avantages d'ordre pécuniaire com<br />
pensant le déficit qui se produisit dans le rendement de la Course.<br />
Ils accaparèrent peu à peu certains produits et en monopoli<br />
sèrent la vente à leur profit : blé, huile, laine, cuirs, cire et sel<br />
étaient les principales denrées sur lesquelles s'exerçait leur<br />
monopole et qu'ils revendaient avec des bénéfices atteignant<br />
parfois, disait-on, 50 à 60 % (2). Ils vendirent des licences ou<br />
(1) Archives des Affaires étrangères, Algérie, tome I, Commerce du<br />
3" trimestre 1826.<br />
(2) « Le Dey d'Alger était le premier marchand de ses Etats », dit<br />
Rozet (op. cit. tome III, page 57).<br />
Venture de Paradis nous donne les renseignements suivants : « Le<br />
LES<br />
MONOPOLES<br />
DU DEY<br />
ET LES<br />
CONCESSION<br />
NAIRES<br />
DE<br />
MONOPOLES.
- 34<br />
—<br />
des monopoles d'exportation à de grandes compagnies et à des<br />
négociants particuliers. Les Anglais eurent un moment le pri<br />
vilège d'acheter les grains et les huiles, en échange des munitions<br />
de guerre introduites à la fin du XVIe siècle (1) ; puis, les<br />
Hollandais, qui fournissaient la marine algérienne, jouirent de<br />
privilèges analogues.<br />
De son côté, la France occupa dans le commerce de la Régence<br />
une situation exceptionnelle dont l'origine était fort ancienne.<br />
Dès 1478, quelques Provençaux se fixèrent, dit-on,<br />
sur les<br />
confins de la province de Constantine et du royaume de Tunis,<br />
et obtinrent des cheiks indigènes le privilège exclusif de la pêche,<br />
ainsi que la cession d'un territoire étendu<br />
de Tabarka à Bougie,<br />
de dix lieues de côtes, moyennant certaines redevances. Ce droit<br />
territorial désigné dans la suite sous le nom de « Concessions<br />
d'Afrique » aurait été le point de départ des relations de la<br />
France avec la Régence d'Alger (2). C'est pour jouir du privi<br />
lège qui aurait été ainsi réservé à notre pays,<br />
qu'une petite<br />
association de négociants marseillais, dont quelques-uns d'ori<br />
gine corse (3),<br />
au souvenir de laquelle demeurent attachés les<br />
noms de Thomas Lincio et de Carlin Didier, —<br />
vint en 1560 ce<br />
Beylik vend la laine d'Alger à qui lui plaît... Le Beylik achète la laine<br />
à 8 piastres la vend à 10... Les cuirs sont entre les mains d'un Vekil Khradj<br />
qui les afferme du gouvernement... Le Beylik achète la cire à 60 pataquès-<br />
chiques et la revent à 163. » Et il ajoute en note : « La cire à Alger<br />
est accaparée par le Beylik ; les gens de la campagne sont obligés de la<br />
lui porter et le BeyliK la, paye à raison de 60 pataquès. On la reçoit et<br />
on l'emmagasine dans la maison du Dey ; c'est le Khasnadji qui la paie.<br />
Il y a peine de mort pour celui qui en fait la contrebande. Il est cepen<br />
dant permis aux particuliers d'en acheter pour leur usage. » (Alger au<br />
XV 111°<br />
siècle, Alger, Jourdan, 1898).<br />
(1) Shaw note que, vers le milieu du XVIII'<br />
siècle, les marchands<br />
anglais exportaient d'Oranie 7 à 8.000 tonnes de grains. Le port d'Arzew<br />
cr.pédiait annuellement 250 à 300 cirgaisons de blé. Les Anglais étaient<br />
tellement habitués à sa livrer à des expéditions de blé oranais, surtout<br />
pour Gibraltar, qu'ils cherchèrent à en monopoliser le trafic dans les<br />
première années de l'occupation française (Démontés : L'Algérie éco<br />
'<br />
nomique, tome III, p. 76.)<br />
(2) E. — Plantet, op. cit., introd. Paul Masson ne confirme pas<br />
l'opinion de Plantet : « ...Il n'est pas impossible, dit-il, que dès le XV<br />
siècle, les Marseillais aient tenté de faire des établissements stables pour<br />
la traditionnelle pêche du corail sur la côte d'Alger ou de Tunis mais<br />
on n'en a aucune preuve positive...» (Histoire barbaresque (15G0-1793) Mh<br />
Paris, Hachette, 1903, p. 3 et suiv.).<br />
(3) Voir Bulletin de propagande d'organisation du quatrième cente<br />
naire du Bastion de France n°<br />
9, 16 août 1929, Alger.
qui est un fait indiscuté —<br />
- 35<br />
—<br />
construire sur le rivage un premier<br />
établissement qu'on appela le Bastion de France.<br />
Un peu plus tard, le cardinal de Richelieu chargea le capitaine<br />
Sanson Napollon de négociations avec le Dey, et celles-ci s'ache<br />
vèrent par le traité de 1628 aux termes duquel étaient « donnés<br />
bastion et eschelles de Bônes, au roy cle France,<br />
« Le capitaine Sanson Napollon, était-il spécifié,<br />
avec pesches ».<br />
en sera le chef<br />
et commandera les dites places sans que l'on en puisse mettre<br />
un autre. Néanmoins, après son décès, le roy y<br />
pourra pourvoir<br />
d'autres personnes. » Malgré la cession au roi, fait remarquer<br />
M. Masson,<br />
« le contrat était surtout fait avec un particulier »<br />
et jusqu'à la fin du règne de Louis XIV, les gouverneurs du<br />
Bastion semblèrent devoir leur situation surtout à la faveur<br />
du Dey et du Divan. « Guillaume Marcel, le négociateur du traité<br />
de 1689, reçut encore du Dey la concession du Bastion, mais<br />
c'était déjà un officier du roi... Après lui, les directeurs de La<br />
Calle, nouveau centre de nos établissements, furent toujours<br />
désignés uniquement par le gouvernement royal, ou par les com<br />
pagnies » auxquelles le gouvernement affermait nos comptoirs.<br />
Ce fut quelque temps la Compagnie des Indes (1719-1730) et,<br />
à la fin de l'ancien régime, la Compagnie Royale d'Afrique, dont<br />
la Révolution respecta d'abord la situation et qui ne fut rem<br />
placée qu'en 1794 par l'Agence Nationale d'Afrique. Ces com<br />
pagnies se livraient, non seulement à la pêche du corail, mais<br />
à un commerce actif,<br />
des céréales.<br />
A Alger,<br />
portant particulièrement sur l'exportation<br />
où la compagnie concessionnaire n'avait aucun pri<br />
vilège, quelques commerçants français s'étaient établis. On y vit<br />
longtemps les trois mêmes représentants de maisons de Marseille,<br />
Gimon, Meifrun et Crest ;<br />
en 1787. D'un côté,<br />
celui-ci finit par faire banqueroute<br />
ces marchands faisaient concurrence à la<br />
Compagnie d'Afrique dans les ports de Constantine (1) ; de<br />
l'autre, la Compagnie disputait à ces trois négociants le com<br />
merce d'Alger même.<br />
Après la Révolution,<br />
au cours de laquelle nos concessions<br />
périclitèrent, celles-ci furent accordées aux Anglais et, quand<br />
(1) Dans le passif de Crest figurait une somme de 57.000 livres due au<br />
Bey de Constantine pour un chargement de blé.
,<br />
- 36<br />
-<br />
elles nous furent rendues en 1817, nous eûmes beaucoup de<br />
difficultés à les réorganiser. A Alger, il n'y avait plus qu'un<br />
seul établissement français dirigé par M. Paret, agent de l'im<br />
portante maison Benausse, de Marseille, et c'est ce négociant,<br />
ou plus exactement la société qu'il fonda avec quelques parents<br />
ou amis,<br />
qui fut chargé d'exploiter nos comptoirs de La Calle<br />
et de Bône à partir du 1er janvier 1822 (\).<br />
les En dehors de Marseille, dont le rôle, dans les relations de<br />
livournais.<br />
*<br />
* *<br />
la France avec la Régence, fut prédominant (2), Livourne tint<br />
— on l'a vu —<br />
une<br />
très grande place dans le commerce extérieur<br />
d'Alger et, d'une façon générale, dans celui de toute la côte. Ce<br />
port,<br />
où s'étaient rassemblés des Juifs espagnols et portugais<br />
et des Maures chassés de la péninsule ibérique, devint rapide<br />
ment le grand entrepôt des marchandises réexpédiées d'Alger<br />
après les prises des corsaires. Dès la fin du XVIIe siècle des<br />
Juifs d'Europe, des Juifs « francs », étaient venus à Alger, en<br />
particulier de Livourne. Ils étaient placés par les capitulations<br />
sous la protection du consul de France. Ils ne tardèrent pas à<br />
prendre dans la Régence des situations prépondérantes, resser<br />
rant les liens d'affaires entre les deux villes. Alger offrait à<br />
l'habileté, au sens commercial particulièrement aiguisé, à l'esprit<br />
d'intrigue de ces négociants, un champ fertile où ils pouvaient<br />
déployer les ressources de leur intelligence, en profitant de<br />
l'absence d'organisation bancaire et de crédit qui, avec l'avidité<br />
de tous les fonctionnaires du Beylick, caractérisait la Régence.<br />
Peu à peu certains d'entre eux s'insinuèrent dans les bonnes<br />
grâces des deys et des beys, auxquels ils rendaient d'opportuns<br />
services ; ils devinrent les principaux exportateurs de blé, dont<br />
ils monopolisèrent en quelque sorte le commerce.<br />
(1) Paul Masson : A la veille d'une conquête. Concessions et Compagnie<br />
d'Afrique. 1800-1830. Comité des travaux historiques. Bulletin de géogra<br />
phie historique et descriptive, 1909.<br />
(2) Lors de la création du consulat de France à Alger, en 1564, c'est<br />
un Marseillais que le roi de France nomma consul. Le dernier consul,<br />
Pierre Deval, n'était pas Marseillais, mais il avait été élevé, de 1774<br />
à 1779, en qualité de jeune de langue, aux frais de la Chambre de com<br />
— merce de Marseille. (Cf. Raoul Busquet : Les origines du consulat de<br />
— la nation française à Alger. Marseille 1927).
f-'x vB'"ig<br />
' vnmz\$S''<br />
Incendie de l'Etablissement français de La Calle<br />
18 juin I8a5
— — 37<br />
Puissants négociants, ils furent en même temps, pour les<br />
besoins de leur négoce, de puissants banquiers, qui n'ignoraient<br />
rien du mécanisme du crédit selon les méthodes en usage en<br />
Europe. C'étaient eux, notamment, qui effectuaient le règlement<br />
du solde de la balance commerciale de la Régence, par des expé<br />
ditions de monnaies ou de lingots entre Marseille et Livourne<br />
d'une part, et Alger d'autre part . (1) Ils<br />
n'avaient naturellement<br />
recours à ces envois qu'à défaut d'autres moyens de règlement,<br />
notamment de lettres de change, qu'ils étaient mieux que d'au<br />
tres en situation d'utiliser,<br />
grâce aux correspondants avec<br />
lesquels ils étaient en rapports aux agences ou maisons qu'ils<br />
possédaient eux-mêmes en Europe, en Asie, en Afrique, sur<br />
toutes les côtes de la Méditerranée (2) .<br />
« Les opérations de banque et de commerce étaient presque<br />
exclusivement dans les mains des Israélites », dit Haddey, dans<br />
le Livre d'or des Israélites (3),<br />
et il ajoute : « Quelques mai<br />
sons européennes, la plupart françaises, leur faisaient concur<br />
rence pour le commerce maritime, mais ils restèrent les maîtres<br />
de la situation commerciale. » Il en était de même à Oran :<br />
Isidore Bloch remarque que parmi les opérations relatées dans<br />
les livres du vice-consulat d'Espagne, les deux tiers au moins<br />
appartiennent aux Israélites (4).<br />
La situation privilégiée que s'étaient créée ces grands négo<br />
ciants israélites dénotait de leur part une réelle habileté, car,<br />
d'une façon générale, les Juifs algériens étaient maintenus par<br />
les Turcs et les Maures dans une sorte d'exil intérieur,<br />
où ils<br />
devaient supporter, dans un silence résigné, les humiliations et<br />
la misère. Les noms de ces grands négociants livournais furent<br />
bientôt connus du monde entier et l'histoire en garde le souvenir.<br />
Les Bouchara, les Bacri, les Busnach ont dominé la vie écono-<br />
(1) A la veille de notre occupation, la balance étant déficitaire pour<br />
l'Algérie, les expéditions ne se faisaient guère que dans un sens, ainsi<br />
qu'il résulte de l'examen des chargements de groups de tous les navires<br />
à destination ou en provenance des deux ports européens.<br />
(2) Busnach et Bacri avaient des agences, notamment à Carthagène,<br />
Marseille, Gênes, Livourne, Naples, Smyrne, Alexandrie, Tunis.<br />
(3) Alger 1892.<br />
(4) Les articles qui formaient le principal objet de ces transactions<br />
étaient le bétail et les céréales, expédiés à Malaga, Carthagène, Alméria,<br />
Algésiras, et surtout Gibraltar.
— — 38<br />
mique et souvent la vie politique d'Alger et de toute la Régence,<br />
à la fin du XVIIIe siècle et au début du XIXe siècle (1).<br />
Ledermann, dans son livre sur les frères de N.-D. de la Merci<br />
et la Rédemption des Captifs,<br />
présente ainsi leur rôle : « Les<br />
Busnach et les Bacri traitaient directement avec les ambas<br />
sadeurs, ne leur permettaient pas de parler au souverain,<br />
nommaient et destituaient les beys, dirigeaient la Course,<br />
fixaient le taux de l'impôt et, en un mot,<br />
rois d'Alger. »<br />
étaient les véritables<br />
Jean Bon Saint-André attribuait, un moment, la diminution<br />
de notre influence en Barbarie à l'accroissement de leur crédit :<br />
« Les Anglais, disait-il, leur doivent l'espèce de faveur, très<br />
précaire dans son principe, mais très réelle dans le fait, dont<br />
ils jouissent. » C'est, par contre, à la bienfaisante influence de<br />
Bacri et de Busnach que les Français arrêtés et envoyés au<br />
bagne par ordre du Bey, le 21 décembre 1798, y<br />
consul et ses employés,<br />
en liberté.<br />
compris le<br />
virent leur sort adouci et furent mis<br />
Quelques-uns abusèrent de leur puissance et en connurent la<br />
fragilité,<br />
comme ce Nephtali Busnach qu'on appelait par ironie<br />
« le gouverneur d'Alger » et qui fut massacré en 1805, dans une<br />
de ces explosions de l'aveugle colère populaire que provoque la<br />
disette contre les « accapareurs » ou les « exportateurs » de<br />
blé,<br />
rendus injustement responsables de la famine.<br />
Jusqu'à la veille de notre débarquement, leur rôle demeura<br />
considérable. Le gouvernement français en profita d'abord, dans<br />
des conditions qu'il est inutile de rappeler ici,<br />
parce qu'elles<br />
sont trop connues (2). Il en fut aussi la victime, comme il est<br />
fatal dans les marchés où l'acheteur est obligé de payer à la<br />
fois la marchandise et le crédit,<br />
qu'avec un unique vendeur.<br />
et ne peut en débattre les prix<br />
(1) Joseph Bacri s'était associé en 1782 avec trois de ses frères, Mardo<br />
chée, Jacob et Salomon, qui habitaient Livourne. La raison sociale fut<br />
« Salomon Cohen Bacri et frères ». Nephtali Busnach, neveu et beau-<br />
frère de Bacri, entra dans la société qui devint « Bacri frères et Bus<br />
nach ». Le chef de la famille Bacri était Michel. Son fils, Jacob, vint s'éta<br />
blir à Marseille, associé à Busnach. Jacob envoya à Paris Simon Aboucaya<br />
comme agent général chargé des affaires du Dey. Tous deux furent, en<br />
1795, enfermés au Temple.<br />
(2) Cf Esquer, La prise d'Alger, ch. I, éditions de l'Afrique latine 1923.<br />
— Grand rabbin Bloch, Inscriptions tumulaires Israélites, Paris 1886.
— 39<br />
*<br />
* *<br />
Le commerce extérieur ainsi organisé et monopolisé ne pou<br />
vait se passer de crédit.<br />
Les banquiers européens, par des ouvertures de crédit, des<br />
commandites ou l'escompte de lettres de change, facilitaient les<br />
transactions entre la Régence d'Alger et le reste du monde.<br />
« Pour les paiements au loin, dit André E. Sayous (1), les mu<br />
sulmans se servirent de bonne heure de méthodes ressemblant<br />
beaucoup à celles qui existèrent un peu plus tard en Europe sous<br />
la forme de lettres de change ; on appelait suftaga le transfert<br />
d'un bien, et plus généralement d'argent, d'une place à une autre,<br />
sans courir le risque de son transport, et il est démontré que les<br />
musulmans pratiquaient ainsi, au Xe siècle, à une époque où l'on<br />
ne connaissait pas encore en Europe la lettre de change. On em<br />
ployait, en pays musulmans, l'hawâla, délégation d'une créance<br />
sur un tiers réalisée généralement par une déclaration des parties<br />
devant un magistrat. En ce cas trois personnes se trouvaient<br />
en cause ; le délégant (muhil), le délégataire (muhtal)<br />
débiteur délégué (muhtal-alaïhi) ...<br />
« ...Si des<br />
et le<br />
méthodes arabes de paiement par délégation ou<br />
transfert de créances semblent avoir été employées avant que<br />
de semblables eussent été adoptées en Europe, il serait encore<br />
plus troublant que le mot hawâla fût, comme on l'a dit, l'origine<br />
du mot avaL désignant chez nous un garant du paiement du fait<br />
d'un endos sur une lettre de change. Sans aborder une discussion<br />
sur ce dernier point,<br />
nous considérons que les transformations<br />
spéciales et compliquées de la lettre de change en Europe prou<br />
vent plutôt une adaptation progressive dans des circonstances<br />
spéciales. »<br />
Toutefois, l'emploi des effets de commerce paraît avoir été<br />
assez restreint dans la Régence d'Alger et,<br />
si le crédit intervenait<br />
sous ses formes les plus évoluées dans les rapports entre négo<br />
ciants des divers pays, les achats et les ventes effectués à<br />
l'intérieur par les négociants exportateurs et importateurs ne<br />
paraissent pas, en général, avoir marqué un caractère différent<br />
de celui que nous avons constaté dans le commerce intérieur.<br />
Si, pour prendre un exemple, nous étudions, de ce point de<br />
(1) E. Sayous, op. cit., p. 30 et suiv.<br />
LE CREDIT<br />
ET LE<br />
COMMERCE<br />
EXTÉRIEUR.
— — 40<br />
vue, les opérations de la Compagnie Royale d'Afrique dans le<br />
Bastion de France, nous remarquons qu'elle trouvait en France<br />
même les ressources et les crédits qui pouvaient lui être néces<br />
saires, qu'elle effectuait ses achats dans la Régence au comptant,<br />
qu'elle les réglait en numéraire. Elle évitait, par prudence, de<br />
consentir des crédits à ses acheteurs. Elle ne prêtait à ses<br />
corailleurs que ce qu'il leur fallait pour leurs besoins indispensa<br />
bles, et cela au taux de 1 1/2 %<br />
par mois. Elle ne consentait<br />
aucune avance aux vendeurs, interdisait à ses agents de faire des<br />
prêts sur gages ou sur nantissements. Ce n'était que dans des<br />
circonstances exceptionnelles qu'elle avait recours au crédit sur<br />
place. Il lui était parfois difficile de se procurer à temps la<br />
monnaie qui lui était nécessaire pour régler au comptant ses<br />
achats. Dans un mémoire de 1768, la Compagnie avoue que cette<br />
difficulté a donné plusieurs fois de l'inquiétude et de l'embarras<br />
au directeur et que ses agents étaient forcés d'emprunter à un<br />
change onéreux et de fournir des billets pour le paiement des<br />
denrées et des marchandises qu'on leur portait « ce qui faisait<br />
mauvais effet » (1). « Le directeur a emprunté à un intérêt<br />
usuraire, il a eu recours aux officiers du Dey pour forcer les<br />
Arabes à recevoir ses billets. » Des paiements en billets se<br />
produisaient donc parfois lorsque les piastres n'étaient pas<br />
expédiées à temps ou en quantité suffisante, et ils provoquaient<br />
de la part des indigènes des refus ou des hésitations qui ne<br />
pouvaient être levés que par l'intermédiaire des caïds ou du<br />
Bey.<br />
Par contre, lorsqu'il s'agissait de payer le Bey ou d'effectuer<br />
des règlements extérieurs, la Compagnie utilisait lettres de<br />
change, mandats ou traites. On trouve de fréquentes allusions<br />
à l'emploi de ces effets dans le Journal de La Calle tenu par<br />
l'agent de la Compagnie dans cette ville (2), et surtout plus tard<br />
dans la correspondance entre le chancelier du consulat d'Alger<br />
et le directeur principal des concessions d'Afrique . (3) Parfois<br />
même ces traites donnaient lieu, en cas de non-paiement de la<br />
(1) Arch. Hist. de la Ch. de Com. de Marseille, Compagnie Royale<br />
d'Afrique, dossier « piastres ».<br />
(2) Arch. Hist. de la Ch. de Com. de Marseille. Compagnie Royale<br />
d'Afrique, journal de la Calle.<br />
(3) Arch. départ, des B.-du-Rh. déjà citées.
— — 41<br />
part du tiré, à des protêts réguliers (1). Le chancelier du consu<br />
lat, appréciant son rôle à l'égard de la Compagnie, disait le<br />
27 janvier 1820 : « Mes fonctions d'agent des concessions se<br />
bornent à négocier les traites nécessaires au paiement des lismes<br />
et autres dépenses d'usage »,<br />
et il demandait au directeur de<br />
lui envoyer quelques imprimés de lettres de change, souhaitant<br />
qu'à l'avenir ces formules fussent gravées avec une vignette<br />
emblématique et laissant, après le mot valeur,<br />
un espace suf<br />
fisant pour ajouter le nom de celui qui l'a fournie ; car, ajou<br />
tait-il,<br />
« la plupart des gens de ce pays ne savent pas écrire puur<br />
endosser les traites qui seraient passées à leur ordre et veulent<br />
que la provenance y soit spécifiée. » Nous trouvons un exemple<br />
de l'emploi d'une de ces lettres de change dans un manuscrit<br />
arabe conservé à la Bibliothèque nationale d'Alger. En 1820,<br />
pour régler au Bey de Constantine le montant de lismes, la<br />
Compagnie avait créé des traites sur son siège de Marseille ; ces<br />
traites furent acquises par un négociant maure d'Alger, Ben<br />
Mrabet,<br />
qui en avait besoin pour régler en France des opéra<br />
tions d'importations, et qui s'engagea à en verser le montant au<br />
Bey à une date déterminée. Le document conservé est le reçu<br />
du négociant maure d'Alger. Il est intéressant, parce qu'il mon<br />
tre le circuit normal d'une lettre de change dans la Régence.<br />
« Louange à Dieu! Je fais témoigner contre moi que j'ai reçu<br />
trois traites d'ensemble 40.000 francs de la chancellerie de<br />
France (2) tirées sur Marseille au taux de 13 sols et demi par<br />
réal dirhem, ce qui porte l'ensemble en réaux dirhems petits à<br />
59.360 réaux (sic). Le 27 Djoumadi el Tani, année 1237,<br />
et je<br />
paierai la somme mentionnée au fisc de l'Est au mois de rama-<br />
dhan. Ecrit par le serviteur de son Dieu (signature). » (3).<br />
Ces règlements par lettres de change demeuraient néanmoins,<br />
dans l'ensemble, assez limités, et c'est la monnaie métallique<br />
qui devait faire face aux besoins de la plupart des transactions<br />
engagées dans le pays,<br />
aussi bien pour les besoins du commerce<br />
extérieur que pour ceux du commerce intérieur.<br />
(1) Le 21 septembre 1821 le chancelier du consulat d'Alger écrit :<br />
« Sasportès me rapporte une lettre de change que vous avez laissé pro<br />
tester faute de paiement. J'ai dû lui en remettre une nouvelle en ajoutant<br />
à cette somme de 3.000 francs celle de 210 francs pour dépens, dommages,<br />
intérêts, suivant la loi établie à Alger à raison de 7 %. »<br />
(2) ' Le chancelier du consulat de France agissait comme agent de la<br />
Compagnie des concessions.<br />
n°<br />
(3) B.N. d'Alger, manuscrit arabe 45.
SYSTEME<br />
MONETA IRE<br />
DE LA<br />
RÉGENCE.<br />
La Régence d'Alger,<br />
— 42<br />
II<br />
LA MONNAIE<br />
soumise depuis trois siècles à la domi<br />
nation turque, mais devenue en fait indépendante, battait mon<br />
naie à Alger même. La frappe était contrôlée par un haut<br />
fonctionnaire qu'on appelait l'Amin es Sekka.<br />
Le système monétaire algérien comportait l'emploi des deux<br />
métaux : or et argent ; chaque métal avait un pouvoir libératoire<br />
illimité et un rapport légal était établi entre leurs valeurs.<br />
La monnaie de compte était la pataque-chique ou réal drahem<br />
seghar (1), divisée en huit mouzounès ; la monnaie réelle d'ar<br />
gent : le réal boudjou ; celle d'or : le sequin soltani;<br />
billon et de cuivre : le quaroub et l'aspre-chique.<br />
celles de<br />
Quelles étaient leurs valeurs les unes par rapport aux autres ?<br />
En 1830, au moment de l'organisation du corps expéditionnaire,<br />
le gouvernement français fit étudier par une commission spé<br />
ciale la question monétaire en Algérie (2). Cette commission<br />
évalua la pataque-chique à 0 fr. 62 et constata le rapport<br />
suivant, existant à cette époque entre les diverses monnaies<br />
réelles du pays : le boudjou valait 3 pataques-chiques ou 24 mou<br />
zounès, soit 1 fr. 86 (3) ; le sequin, 13 pataques-chiques 1/2,<br />
soit 8 fr. 37 ; le quaroub, l/16e de pataque-chique, soit 0 fr. 0387 ;<br />
l'aspre-chique, l/232e de pataque-chique, soit 0 fr. 0026 (4) .<br />
(1) Laugier de Tassy parle d'une autre « monnaie en idée » : la saïme,<br />
d'une valeur de 50 aspres (op. cit) et P. Eudel pense qu'elle servait surtout<br />
de base aux opérations des changeurs (L'orfèvrerie algérienne et tuni<br />
sienne, Alger 1902).<br />
(2) Arch. Nat. F. 80. 970 : Procès-verbal de l'établissement d'un tarif<br />
des monnaies en usage en Afrique. (Voir chapitre suivant).<br />
(3) Il existait des pièces de 1, de 2, de 1/4, et de 1/8 de boudjou. Le<br />
1/4 de boudjou, qui avait cours pour 6 mouzounès, était appelé piécette.<br />
(4) « Le nom de cette monnaie signifie chez les Turcs: denier blanc<br />
d'où les Grecs modernes l'appellent dans leur langue vulgaire aspros ce<br />
qui veut dire blanc. Aspros signifie, en général, toutes sortes de monnaie<br />
d'argent blanc.» (M. D. Shaw, Voyages dans plusieurs provinces de Bar<br />
barie 1720-1738, traduction française. La Haye 1743 tome I"<br />
p 408)
— — 43<br />
On peut remarquer que, d'une iaçon générale, les unités mo<br />
nétaires étaient de faible valeur. Ces pièces correspondaient aux<br />
besoins d'un commerce local portant sur des marchandises d'un<br />
prix peu élevé. Les chiffres que nous venons de citer ne nous<br />
donnent d'ailleurs qu'une idée imparfaite des monnaies algé<br />
riennes, car elles furent souvent altérées et leur rapport changea<br />
fréquemment.<br />
Ces variations, rendues possibles par le régime de la frappe,<br />
expliquent le désaccord des auteurs sur le poids et le titre des<br />
monnaies algériennes (1).<br />
La frappe, libre pour les pièces d'or au titra légal, était réser<br />
vée pour l'argent. Venture de Paradis disait à la fin du XVIIIe<br />
siècle (2) : « Les Juifs, qui afferment, pour 2.000 pataquès, le<br />
magasin où l'on bat la monnaie, travaillent gratis pour le Bey<br />
lick,<br />
qui a seul droit de battre de la monnaie d'argent. Il accorde<br />
aux grands cette permission pour une petite somme. D'une pias<br />
tre d'Espagne, qui vaut 36 mouzounès, il en fait 42. Pour les<br />
sequins (monnaie d'or) au titre,<br />
chacun est maître d'en faire<br />
battre. On paie aux Juifs, pour droit de ferme,<br />
six livres par<br />
marc d'or et, pour la façon, 50 sols par marc. Les empreintes<br />
sont entre les mains d'un Emin turc, qui les ferme à clef et qui<br />
est toujours présent lorsque la monnaie d'or ou d'argent se<br />
fait. » (3).<br />
Ainsi le Dey, maître de la frappe de l'argent, pouvait faire<br />
varier le rapport légal des deux monnaies d'or et d'argent. Il le<br />
(1) Suivant une note jointe au procès- verbal de la Commission de 1830,<br />
le boudjou pesait « poids commun », 10 gr. (187 1/2 à 188 grains) ; il<br />
était au titre de 860/1.000. Le sequin nouveau pesait 60 grains et était<br />
au titre de 810/1.000 ; l'ancien sequin, d'un titre plus élevé, pesait<br />
64 grains. — Tocchi (Notice sur les poids et mesures et sur les monnaies<br />
d'Alger, Marseille 1830) nous donne les chiffres suivants boudjou, 10 gr.<br />
au 825/1.000 ; sequin neuf, 3 gr. 187 au 813/1.000 ; sequin vieux, 3 gr. 400<br />
au 822/1.000. D'après M. Eudel, le titre des soltanis (sequins) était de<br />
800 à 811/1.000 (op. cit. p. 112).<br />
(2) Venture de Paradis,<br />
op. cit. pages 163 et 164.<br />
(3) La Monnaie d'Alger était située dans un petit bâtiment adossé au<br />
palais de la Jenina, à l'entrée de la route du Divan Saliette-el-Djouau.<br />
Les Juifs y frappaient la monnaie et la blanchissaient pour qu'elle eût<br />
meilleur aspect dans la paye des janissaires. Au moment où les troupes<br />
françaises entrèrent à Alger la valeur des lingots qui s'y trouvaient était<br />
de 25 à 30.000 franc3. Les scellés furent mis sur la porte et on y plaça<br />
une sentinelle ; mais une ouverture pratiquée pendant la nuit dans le mur<br />
rendit ces précautions inutiles et les lingots disparurent.
— - 44<br />
faisait sans doute « chaque fois que ses affaires le deman<br />
daient », ayant recours pour cela, soit au changement de<br />
tarification,<br />
soit à la diminution du titre.<br />
Le 21 octobre 1817, le consul Deval écrivait à M. Faurrat,<br />
directeur principal des Concessions françaises d'Afrique à Mar<br />
seille : « Le désir que Ali Dey (le successeur d'Omar Pacha) a<br />
de favoriser, en tout ce qui dépend de lui, la milice d'Alger,<br />
l'a porté à réduire la pataque-chique à 6 mouzounès de 8 qu'elle<br />
était et la piastre forte à 5 pataques-chiques au lieu de 7 1/2.<br />
Cette mesure est avantageuse essentiellement à la milice, dont<br />
la paie est évaluée en pataquès, mais elle a détérioré le change<br />
avec l'Europe. » (1).<br />
D'importants changements de cette nature eurent lieu en<br />
1820 et en 1822 ; à partir de cette date, par suite d'une réduction<br />
au titre des monnaies d'argent qui existaient alors, les nouvelles<br />
piécettes ne valurent plus intrinsèquement que les trois quarts<br />
des anciennes.<br />
Les membres de la commission de 1830 remarquèrent que « les<br />
essais faits avec le soin le plus scrupuleux donnaient la certitude<br />
que des pièces de monnaie portant la même dénomination, frap<br />
pées au même coin et ayant, dans le cours, la même valeur<br />
d'usage, variaient souvent de titre et de poids et,<br />
par consé<br />
quent, de valeur intrinsèque, suivant les dates de fabrication. ■»<br />
M. E. Tocchi, employé a l'administration des monnaies de<br />
Marseille, qui avait réuni une collection fort intéressante de<br />
pièces barbaresques, avait été consulté lors de cette étude par<br />
M. Firino, payeur général de l'armée. Dans sa notice sur les<br />
poids et mesures et sur les monnaies dAlger, il relève que la<br />
taille des monnaies était très irrégulière : 1 kilo de zoudi-bou-<br />
djoux a cours pour 188 fr. 06 ; le kilo de rial-boudjoux ne passe<br />
que pour 184 fr. 56 ; le kilo de 1/2 pataques-chiques vaut nomi<br />
nalement 194 fr. 50. « Les titres viennent encore, le plus souvent,<br />
grossir ces énormes différences... On rencontre encore de très<br />
grandes différences entre les pièces de même nature qui pro<br />
viennent du défaut d'ajustage. »<br />
La caractéristique des monnaies d'argent algériennes était<br />
(1) Arch. Dèp. B.-du-Rh. M. 14.169.
I<br />
TYPES DE MONNAIES ALGÉRIENNES<br />
FRAPPÉES DANS LA RÉGENCE D'ALGER<br />
Ryuf-Boudjou ( Argent<br />
j<br />
a) frappé à Alger 1238<br />
b) le Souverain des Deux Continent»<br />
et le Monarque des Deux Mers<br />
le Sultan Mahmoud Khan<br />
que Dieu illustre sa victoire<br />
Zoudj Drahem Seghar<br />
fdeux Aspres-Chiques valant un peu<br />
plus d'un demi centime) Cuivre<br />
a) frappé à Alger 1237<br />
b) Sultan Mahmoud<br />
de 1144 à 1240 de l'hégire (1731-1824}<br />
Zoudj Boudjou ou Double-Boudjou<br />
ou piastre d'alger (Douro fy Djezayr) Argent<br />
a) frappé à Alger 1238<br />
b)<br />
Le Souverain des Deux Continents<br />
et le Monarque des Deux Mers<br />
le Sultan Mahmoud Khan<br />
que Dieu illustre sa victoire<br />
B<br />
Panique Chique ou piécette ancienne<br />
ou Rebya'h-Boudjou (type très ancien) Argent<br />
a) Sultan Mustapha<br />
b) frappé à Alger I185<br />
Qaroub (3 centimes 7/8)<br />
Cuivre blanchi<br />
a) frappé à Alger 1237<br />
b) Sultan Mahmoud
Il<br />
TYPES DE MONNAIES ALGÉRIENNES<br />
FRAPPÉES DANS LA RÉGENCE D'ALGER<br />
Khamséh Drahem Seghar<br />
>5 aspres chiques -environ 1 centime et i 3 j<br />
Cuivre<br />
a) frappé à Alger 1237<br />
b) Sultan Mahmoud Khan<br />
que Dieu illustre sa victoire<br />
Soultany (sequin d'Alger) Or<br />
a) Le Souverain des deux Continents<br />
et le Monarque des Deux Mers<br />
le Sultan fils de Sultan<br />
b ) Le Sultan Mahmoud Khan<br />
que Dieu illustre sa victoire<br />
frappé en 1237 à Alger<br />
^^.,^1^'nus^Soultany (Demi sequin) Or<br />
•*':<br />
a)<br />
frappé à Alger 1237<br />
b) Sultan Mahmoud Khan<br />
de 1144 à 1240 de l'hégire (1731-1824,<br />
aue Dieu illustre sa victoire<br />
Souss Soultany (Demi sequin) Or (type ancie<br />
a) Sultan Mahmoud Khan<br />
que Dieu illustre sa victoire<br />
b) et le secoure<br />
frappé à Alger 1144<br />
Nouss Soultany (Demi sequin) Or (type ancien,<br />
a) Sultan Mahmoud Khan<br />
que Dieu illustre sa victoire<br />
b) et le secoure<br />
frappé à Alger 1 147<br />
Rouba7ah • Soultany (quart de sequin)<br />
a) frappé a Alger 1240<br />
b) Sultan Mahmoud
donc,<br />
et,<br />
— — 45<br />
pour toutes les pièces, une valeur intrinsèque incertaine<br />
pour les monnaies divisionnaires, un très faible montant<br />
nominal et un module exigu.<br />
C'était là un double obstacle à leur emploi dans les transac<br />
tions d'un commerce quelque peu étendu et à leur libre circula<br />
tion en Afrique du Nord.<br />
En 1741, le directeur de la Compagnie Royale Française<br />
écrivait (1) : « Pour les colonies du royaume d'Alger, il est<br />
impossible de se servir de la monnaie d'Alger,<br />
qui est si petite<br />
et si difficile à accepter et à transporter, et si embarrassante,<br />
que jamais les Maures ne se résoudront à la prendre ; de sorte<br />
qu'il ne faut pas compter sur elle pour un commerce considé<br />
rable. »<br />
*<br />
Aussi la monnaie étrangère s'introduisait-elle aisément dans<br />
la Régence et à Alger même,<br />
avec la monnaie algérienne.<br />
Parmi ces pièces étrangères,<br />
où elle circulait concurremment<br />
on trouvait notamment en assez<br />
grande quantité des espèces égyptiennes d'argent, et principale<br />
ment d'or ; la monnaie tunisienne se rencontrait surtout dans<br />
la région de Constantine, la marocaine dans celle d'Oran,<br />
où elle<br />
tenait une place importante dans la circulation ; dans certaines<br />
régions, et notamment dans le Sud oranais, à défaut de monnaie,<br />
il était d'usage de solder chez les indigènes les achats par de<br />
l'or en poudre ;<br />
gnole qui dominait.<br />
mais partout c'était la monnaie d'argent espa<br />
La Compagnie Royale d'Afrique fut un des principaux agents<br />
de l'introduction des pièces étrangères dans la Régence. Elle eut<br />
toutes facilités pour le faire tant qu'elle put se procurer des<br />
piastres mexicaines, dites piastres à colonnes (Bou-Medfaa) ,<br />
auxquelles les indigènes étaient habitués depuis longtemps. Mais<br />
lorsque les rois d'Espagne firent frapper des piastres neuves<br />
d'un nouveau type et mirent obstacle au libre trafic de leurs<br />
monnaies, la Compagnie éprouva de fortes difficultés pour faire<br />
ses paiements en Algérie.<br />
(1) P. Masson, op. cit., pages 532-546.<br />
MONNAIES<br />
ÉTRANGÈRES<br />
CIRCULANT<br />
EN ALGERIE.
- 46<br />
—<br />
Le directeur de la Compagnie Royale, dont nous citons plus<br />
haut une lettre de 1741, rapporte que, cette même année, il eut<br />
pour 600 à 700.000 livres d'espèces à envoyer pour acheter du<br />
blé, et il ajoute : « J'ai pris (à Marseille) tout ce qui s'est<br />
présenté, piastres mexicaines, vieilles et neuves, patinées, se<br />
quins vénitiens, sequins ganzerlis, fondoklis, zermapoulx, pisto-<br />
les d'Espagne, piastres isolotes, parais,<br />
ramasser que 400.000 livres de ces espèces. »<br />
malgré cela je n'ai pu<br />
Cette situation conduisit la Compagnie à demander et à<br />
obtenir, en 1768, le droit de frapper à la Monnaie d'Aix des<br />
jetons d'argent au titre des piastres à colonnes. Mais ce fut<br />
sans résultat pratique,<br />
car les indigènes n'acceptèrent pas cette<br />
monnaie nouvelle. « Tout au rebours des Turcs du Levant,<br />
habitués à voir circuler dans les échelles toutes sortes d'espèces<br />
et portés à s'engouer facilement de monnaies nouvelles, les Bar<br />
baresques des concessions, ignorants comme eux, mais plus<br />
méfiants, restaient obstinément attachés aux anciens usa<br />
ges. » (1).<br />
Cependant, il leur fallut bien céder devant la nécessité et,<br />
à partir de 1779, les piastres neuves d'Espagne furent acceptées<br />
par les indigènes. Elles ne purent d'ailleurs,<br />
anciennes,<br />
pas plus que les<br />
circuler telles qu'elles étaient fabriquées. Les unes<br />
et les autres étaient réduites à un poids déterminé par les<br />
usages et qui variait suivant les régions (2). La coupe des<br />
piastres fut faite longtemps à la main,<br />
par des procédés rudi-<br />
mentaires. Les pièces étaient irrégulières de forme,<br />
ce qui<br />
permettait aux fraudeurs de les rogner de nouveau, sans qu'on<br />
s'en aperçût au premier coup d'œil ;<br />
aussi l'usage des balances<br />
était-il nécessaire dans les paiements. La Compagnie perfec<br />
tionna le système de coupe et, en 1780, elle fit l'acquisition<br />
d'une machine effectuant une coupe circulaire régulière. Toute<br />
fois, il ne semble pas que cette réforme ait arrêté l'industrie<br />
des fraudeurs. Les piastres rognées étaient coupées de nouveau<br />
par des mains intéressées, et finalement les indigènes<br />
étaient les victimes de ce trafic. Nous lisons dans le livre des<br />
délibérations des assemblées de la Compagnie Royale d'Afrique,<br />
(1) Masson, op. cit.<br />
(2) A La Calle la piastre devait peser 18 deniers 16 grains ; à Bône<br />
16 deniers 19 grains ; à Collo, 16 deniers 4 grains.
- 47<br />
—<br />
le 23 juin 1792, que le Bey de Constantine s'est rendu à Alger<br />
et s'est plaint du préjudice que ses sujets éprouvaient de ce<br />
chef (1). « Le Dey lui a signifié que, dorénavant, la Compagnie<br />
lui paie des lismes en piastres fortes d'Espagne entières ou en<br />
monnaies courantes du royaume d'Alger. Le Bey de Constantine<br />
a demandé le même avantage et a accordé quatre mois à l'agent<br />
pour en informer la Compagnie... » Puis la Compagnie obtint<br />
un délai, mais finalement, est-il dit, à la date du 23 novembre ;<br />
« sur la demande du Dey, il fut décidé de suspendre la coupe<br />
des piastres et de la faire cesser dès aujourd'hui, de faire<br />
cependant passer à Bône, par le premier navire, les piastres qui<br />
étaient déjà coupées et d'écrire à l'agent de Bône d'engager non<br />
seulement le Bey à les recevoir encore,<br />
mais de lui faire de<br />
nouvelles représentations tendant à rétablir le cours des piastres<br />
coupées en priant le prince d'en écrire lui-même au Dey d'Al<br />
ger. » (1). La piastre demeura, en Afrique du Nord, une mon<br />
naie appréciée. Même rognées, ces pièces avaient une valeur<br />
supérieure à celle des piastres entières à Marseille,<br />
et c'est la<br />
monnaie espagnole qui donna longtemps, dans la pratique, son<br />
nom aux unités de compte en usage dans le commerce : piastre,<br />
réal, douro.<br />
La circulation monétaire algérienne était, en outre, viciée par<br />
une abondante fabrication de pièces fausses. Il fut un temps<br />
où presque toute la monnaie circulant dans la Régence était<br />
fausse ou altérée,<br />
ne renfermant qu'un cinquième du poids légal<br />
de métal fin. Cette mauvaise monnaie chassait la bonne qui,<br />
seule, pouvait être utilisée pour les règlements à l'étranger et<br />
était thésaurisée de préférence.<br />
Le centre de la fabrication de la fausse monnaie était en<br />
Kabylie, dans les villages d'Aït-el-Arba et d'Ali-ou-Haroboua.<br />
Il y demeura même après l'occupation française. En 1845, le<br />
Moniteur Universel donnait à ce sujet les renseignements sui<br />
vants (2) :<br />
« La position du repaire de ces faux monnayeurs est au<br />
sommet d'une montagne protégée par un défilé étroit et pres-<br />
(1) Arch. Hist. de la Ch. de Commerce de Marseille, Compagnie Royale<br />
d'Afrique. Livre des délibérations 1792.<br />
(2) Note parue au Moniteur Universel du 6 juin 1845, n"<br />
157.<br />
la fausse<br />
monnaie.
— — 48<br />
que inaccessible ; c'est là qu'à l'abri de toute attaque, ils<br />
imitent les monnaies de cuivre, d'argent et d'or de tous les pays<br />
du monde. Ils travaillent également le fer et l'acier, en font<br />
des fusils, des platines, des garnitures d'armes et fabriquent les<br />
balles. Les matières premières leur sont fournies en partie<br />
par des mines voisines. Le fer qui en provient est, comme on<br />
peut le concevoir facilement, d'une grande pureté ; le cuivre,<br />
l'argent leur sont apportés de tous les points des pays barbares<br />
ques, du Sahara même, par des hommes qui,<br />
non seulement<br />
apportent à Aït-el-Arba les produits de leurs pays, mais encore<br />
viennent y<br />
bon aloi.<br />
acheter les espèces falsifiées avec des monnaies de<br />
« Le plomb nécessaire à la fabrication, soit des balles, soit des<br />
fausses monnaies,<br />
est tiré d'une mine qui se trouve dans une<br />
montagne auprès de Msibah. Il paraît que le minerai en est très<br />
riche et contient une partie notable d'argent. »<br />
Relégués dans leur inaccessible retraite d'où ils ne sortaient<br />
jamais,<br />
d'<br />
les Kabyles Aït-el-Arba et d'Ali-ou-Haroboua con<br />
fiaient à d'autres le soin de colporter leurs produits.<br />
« C'était les Beni-Yenni, les Beni-Menguilleh, les Beni-Bou-<br />
drar, les Beni-Ouassif,<br />
qui en étaient ordinairement chargés.<br />
Tous ces gens étaient surveillés d'une manière particulière et<br />
ne pouvaient voyager dans l'intérieur sans une permission du<br />
caïd de Sebron qui, pour l'accorder, recevait un droit de deux<br />
douros d'Espagne. Ceux qui ne pouvaient représenter cette<br />
permission voyaient leurs mulets et marchandises saisis. On<br />
conçoit, en outre, que cette permission était refusée à ceux que<br />
l'on pouvait soupçonner coupables de l'action que cette précau<br />
tion avait pour but d'empêcher.<br />
« Trois ans avant l'entrée des Français à Alger, malgré toutes<br />
ces mesures, la fausse monnaie s'était multipliée d'une manière<br />
effrayante. L'agha Yahia,<br />
qui jouissait d'une grande réputation<br />
chez les Arabes, furieux de voir sa surveillance rendue inutile,<br />
fit arrêter un même jour, sur les marchés d'Alger, de Constan<br />
tine, de Sétif et de Bône, les hommes de toutes les tribus connus<br />
pour se livrer à cette émission.<br />
« On incarcéra ainsi une centaine d'individus que le pacha<br />
annonça devoir mettre à mort si l'on ne lui livrait pas les moules<br />
et matrices qui servaient à la fabrication.
— — 49<br />
« Les prisonniers furent mis en liberté après avoir payé une<br />
forte amende. Ce fut un échec pour les faux monnayeurs ; mais<br />
cela ne réussit pas à les détruire. Si les mesures de précaution<br />
étaient de la nature de celles dont nous venons de parler, celles<br />
de répression n'étaient pas moins sévères. Tout Kabyle émettant<br />
de la fausse monnaie était immédiatement mis à mort (1), sans<br />
forme de procès : c'était même le seul cas pour lequel la justice<br />
fût inexorable et dans lequel l'argent,<br />
autres crimes,<br />
qui rachetait tous les<br />
ne pouvait faire incliner la balance. Bien d'in<br />
nocentes victimes ont peut-être payé de leur vie un fait dont<br />
elles n'étaient point coupables : nous ne devons y<br />
voir que l'in<br />
dice de la terreur que voulaient inspirer les Turcs aux faux<br />
monnayeurs. Ces châtiments terribles ne firent cependant que<br />
rendre les contrefacteurs plus habiles et ne détruisit pas leur<br />
commerce. Aït-el-Arba ne perdit rien de sa prospérité ; il ne<br />
fut pas visité par un moindre nombre de commerçants qui, de<br />
tous les points du Maroc, de Tunisie, du Sahara, de Tripoli,<br />
venaient y faire des approvisionnements dont ils infestaient le<br />
pays ; c'est ainsi que l'abondance et la richesse régnaient parmi<br />
les faux monnayeurs. »<br />
Les contrôles effectués en 1830 dans la circulation monétaire<br />
d'Alger firent ressortir d'appréciables proportions de pièces<br />
fausses, variant de 3 0/00 pour les pataques-chiques à 4 % pour<br />
les rebya boudjoux (-')•<br />
Dans un tel état de la circulation et devant l'instabilité du<br />
rapport légal des monnaies, les changeurs,<br />
qui seuls connais<br />
saient les caractéristiques de toutes les pièces et la valeur com<br />
merciale des métaux, jouaient un rôle important.<br />
A Alger, il y en avait un au coin de chaque rue,<br />
et c'était<br />
presque toujours un Maure de la plus basse extraction. « Ce<br />
personnage aux aspects multiples, dit Eudel (3), connaissait<br />
et pratiquait toutes les finesses de son métier. Tantôt, il chan<br />
geait en aspres... les pièces d'argent, ou il donnait des boudjoux<br />
(1) D'après beaucoup<br />
faisaient les monnaies algériennes.<br />
(2) Tocchi,<br />
op. cit.<br />
(3) Eudel, op cit., p. 73 et suiv.<br />
ô?auteurs, seuls étaient punis ceux qui contre
- 50<br />
—<br />
d'argent contre des pièces d'or : son habileté frauduleuse con<br />
sistait alors à glisser dans la poignée de monnaie qu'il tendait<br />
à son client,<br />
quelques fausses pièces bien difficiles à distinguer<br />
des bonnes, même pour un œil exercé. Tantôt, il vérifiait, pour<br />
le compte du Juif, son compère, la pièce qu'un acheteur ou un<br />
négociant avait remise en paiement à celui-ci. Il la pesait en ses<br />
fines balances, il la grattait à l'ongle, il l'essuyait avec sa langue.<br />
Lui paraissait-elle, le moins du monde rognée, altérée, douteuse ;<br />
n'avait-elle pas le poids minutieusement exact : il l'engageait<br />
à refuser impitoyablement. »<br />
Etant donné que l'Etat turc n'était pas scrupuleux à l'excès<br />
sur le chapitre de la fabrication des monnaies,<br />
« le changeur<br />
devait être sans cesse en éveil pour éviter des pertes ! Notre<br />
homme se laissait prendre rarement. Il s'était improvisé comp<br />
table,<br />
et nul ne lui en aurait remontré sur ce point. On venait<br />
le consulter pour établir les comptes les plus compliqués, qu'il<br />
dressait avec une habileté prodigieuse. Neuf fois sur dix, sa<br />
mémoire le servait ; il était rarement assez instruit pour couvrir<br />
une ardoise de calculs,<br />
beaux ducats, sequins et florins,<br />
en chiffres et en signes arabes... Que de<br />
aux effigies des princes d'Eu<br />
rope ; que de pièces d'or à la marque du croissant, sorties des<br />
ateliers monétaires de Turquie, d'Egypte ou d'Arabie, passaient<br />
par les mains du Maure,<br />
astucieux et cupide. Il les recevait avec<br />
une feinte indifférence, les palpait avec amour, les voyait partir<br />
avec regret, non sans en conserver quelques spécimens entre ses<br />
doigts crochus. »<br />
activité La Monnaie d'Alger était active. Elle remettait au Dey des<br />
DE LA<br />
MONNAIE<br />
D'ALGER.<br />
*<br />
* *<br />
quantités importantes d'espèces monnayées fabriquées à l'aide<br />
des objets d'or et d'argent achetés aux habitants. Ces objets<br />
provenaient de la Course pour la presque totalité.<br />
Ainsi que le fait remarquer Shaler (1), consul des Etats-Unis<br />
à Alger, avant 1830 : « Alger a joui pendant 300 ans du privilège<br />
lucratif de piller à sa fantaisie le monde commerçant... La<br />
(1) William Shaler : Esquisse de l'Etat d'Alger, traduit de l'anglais<br />
par Bianchi, Paris, 1830.
— — 51<br />
conséquence de cet état a été une grande accumulation de riches<br />
ses dans cette ville de pirates et on doit la regarder comme une<br />
des plus riches du monde en espèces et en bijoux. »<br />
Les espèces étaient en grande partie accumulées dans le trésor<br />
du gouvernement,<br />
où venait s'entasser le numéraire que les<br />
beys de Constantine, de Titteri et d'Oran apportaient périodique<br />
ment au Dey en paiement de leurs tributs,<br />
sans parler de ceux<br />
que payaient les nations européennes comme une sorte de rachat<br />
du droit de piraterie (1).<br />
La circulation comprenait surtout des pièces d'argent. Dans<br />
certaines régions, l'or était presque inconnu. Dans la zone<br />
où opérait la Compagnie d'Afrique, un cheik déclarait que ses<br />
sujets connaissaient si peu l'or, qu'ils préféraient une piastre<br />
à une portugaise (2),<br />
et le directeur de la Compagnie écrivait<br />
en 1741: « On ne doit pas se flatter de faire recevoir de l'or<br />
(par les indigènes)<br />
par la raison qu'ils ne l'estiment pas et<br />
encore parce qu'une piastre d'or est d'une trop grande valeur<br />
pour leurs besoins journaliers,<br />
et ils craindraient que les prin<br />
ces les crussent trop riches, s'ils leur voyaient de l'or. »<br />
L'or était principalement utilisé pour les règlements exté<br />
rieurs. Les exportations de monnaies ou lingots d'or qu'entraî<br />
naient ces règlements étaient considérés par le Dey comme<br />
appauvrissant le pays et diminuant les sources où s'approvision-<br />
(1) Les beys venaient à Alger au moins tous les trois ans, époques<br />
auxquelles ils devaient verser au Dey leur tribut, en argent et en nature.<br />
Le Bey de Constantine versa ainsi, pour la dernière fois à Alger, 778.811<br />
francs ; celui d'Oran, 622.402,50. Ces sommes comportaient le tribut dû<br />
au Dey et les cadeaux offerts à certains fonctionnaires. (Rapport de<br />
M. Girardin, directeur des Domaines à Alger, 21 fév. 1831, archives<br />
nationales). Lorsqu'un Bey arrivait, le Khasnadji (trésorier), le Khodja-<br />
el-Kheil (administrateur des domaines ruraux) et les grands officiers de<br />
la Régence allaient au devant de lui jusqu'à Mustapha. Là des rafraîchis<br />
sements lui étaient offerts. Le Bey reprenait ensuite sa route, escorté<br />
de cinq cents chevaux et précédé de son « bachechaoux » qui jetait à la<br />
population des poignées de sequins. Les forts sur son passage tiraient<br />
dix coups de canon. Le séjour du Bey à Alger était de huit jours pendant<br />
lesquels était contrôlée son administration. Au départ, les mêmes hon<br />
neurs lui étaient rendus, à moins qu'il ne fût destitué (Cf. Feuillets d'El-<br />
Djezaïr, 3e vol. 1912, page 23, Comité du Vieil-Alger, imprimerie Fontana<br />
frères, Alger).<br />
(2) Arch. Hist. de la Ch. de Com. de Marseille. Compagnie Royale d'A<br />
frique, dossier « piastres », mémoire de 1768.
nait son propre trésor. Aussi,<br />
— — 52<br />
n'hésitait-il pas à prendre parfois<br />
les mesures les plus énergiques pour maintenir l'or dans le pays.<br />
On ne sera pas surpris que ces mesures ne fussent pas inspirées<br />
par une doctrine économique précise,<br />
mais qu'elles eussent<br />
exclusivement un caractère de police. Des événements récents<br />
ont montré que même des gouvernements plus instruits et mieux<br />
en situation de connaître les réalités ont recours, le cas échéant,<br />
à des mesures de police pour tenter de résoudre certaines dif<br />
ficultés économiques. Nous lisons dans une lettre du chancelier<br />
du consulat d'Alger au directeur principal des Concessions afri<br />
caines à Marseille, en date du 5 décembre 1819 : « Le Dey, averti<br />
de l'arrivée, par la caravane de Constantine, de fortes sommes<br />
en espèces d'or et d'argent et en lingots destinées à être expé<br />
diées à Livourne par un brick anglais,<br />
a fait défendre sous peine<br />
de mort, l'exportation des sequins ou piécettes d'Alger, des mo-<br />
kos et des matières d'or et d'argent non monnayées... Cette loi<br />
sévère et fort sage avait été observée pendant très longtemps et<br />
ce n'est que depuis deux ou trois règnes que sa désuétude la<br />
laissait enfreindre impunément. Les négociants, surpris par ce<br />
contretemps, au moment où ils allaient embarquer leurs groups,<br />
ont dû retarder le départ du bâtiment jusqu'au lendemain matin<br />
afin d'échanger leurs sequins contre des piastres fortes ou des<br />
mahboubs... »<br />
Le trésor dut atteindre, à une certaine époque,<br />
un montant<br />
très élevé (1) ; mais, peu à peu, lorsque la course fut rendue plus<br />
difficile et moins fructueuse, grâce aux mesures prises par les<br />
(1) Dans un mémoire de M. Guerey, en 1791, on trouve cette indica<br />
tion : « Il n'y a guère qu'une quarantaine d'années que les deys d'Alger<br />
ont commencé à se former un trésor. Les richesses de Tunis, lorsque les<br />
Algériens s'emparèrent de cette ville, furent en grande partie versées dans<br />
ce trésor. On peut avancer avec certitude qu'il contient plus de 100 millions<br />
tournois en différentes espèces d'or et d'argent ; on n'en retira jamais<br />
rien : c'est un objet sacré pour les Algériens. Si la ville était environnée<br />
d'ennemis, personne n'oserait en approcher. Ils ne pourraient pas non<br />
plus tenter de le transporter hors de la ville, parce qu'alors il deviendrait<br />
la proie des Maures. Sa capture serait donc assurée. Un jour le Dey actuel<br />
a dit, étant ministre de la Marine, que les Français s'en empareraient<br />
un jour...» (Cf. Feuillets d'El-Djezaïr, Comité du Vieil Alger 1913 n°<br />
6 )<br />
— En<br />
1802 Jean Bon Saint- André, ancien consul à Alger, alors commis<br />
saire général du Gouvernement à Alger, écrivait au ministre de la Ma<br />
rine : « Il y a une tradition répandue dans le pays, qui -»«» dit que les Français nouvius<br />
s'empareront un jour d'Alger. »
LE TRESOR DE LA CASBAH
- 53 -<br />
divers gouvernements européens, les réserves du trésor dimi<br />
nuèrent (1).<br />
La balance des comptes, déficitaire pour la Régence, nécessita<br />
dès lors des expéditions d'espèces ; Shaler évalue,<br />
pour l'année<br />
1822, le déficit de sa balance commerciale à 937.000 dollars payés<br />
pour la plus grande partie par le gouvernement qui tirait de ses<br />
coffres à cet effet chaque année une somme équivalente à envi<br />
ron 500.000 dollars.<br />
Le trésor se trouvait à la Casbah, lorsque les troupes françai-<br />
LE TRgS0R<br />
ses entrèrent à Alger. Il y avait été enfermé par le Dey Ali, de la<br />
lorsque celui-ci avait quitté en 1816 l'ancienne Jenina pour cette<br />
forteresse (2).<br />
« Un jour le Dey fit donner l'ordre aux habitants d'Alger<br />
de fermer les portes de leurs maisons de bonne heure ; il fit<br />
aussi fermer les casernes et,<br />
s'étant procuré un grand nombre<br />
de mulets, il fit transporter pendant la nuit à la Casauba, où<br />
il s'était rendu lui-même,<br />
accompagné d'une troupe attachée à<br />
sa personne, tous les trésors d'Alger qui se trouvaient dans le<br />
local de l'ancien pacha. Le matin,<br />
il fit annoncer ce changement<br />
à grands coups de canon... Lors du transport des richesses à<br />
la Casauba, il y<br />
eut de graves déprédations de la part de ses<br />
ministres et de ses courtisans. » (3).<br />
Ce trésor était surveillé avec un soin particulier : « A Alger, le<br />
trésor de l'Etat n'est ouvert qu'en présence du khodja ou notaire<br />
de l'Etat, et une commission spéciale, dont chaque membre tient<br />
une clef ;<br />
chacun des membres de la commission se présente<br />
avec son registre pour constater l'entrée et la sortie des fonds<br />
du trésor. Le Dey<br />
même ne peut disposer du trésor public. Il<br />
se présente comme un simple soldat pour recevoir sa paye. » (4).<br />
(1) La valeur des cargaisons capturées s'éleva à 8 millions de 1805<br />
à 1815 et seulement à 700.000 francs de 1817 à 1827. Cf. Esquer, op. cit.<br />
(2) A la Jenina, l'entrée du trésor était surmontée de l'inscription<br />
suivante : « L'assistance vient de Dieu et la victoire est prochaine. An<br />
nonce une bonne nouvelle aux croyants. O toi ! qui ouvres les portes,<br />
ouvre-nous la meilleure, c'est-à-dire celle du Paradis !<br />
d'El-Djezaïr, Comité du<br />
» (Cf. Feuillets<br />
Vieil-Alger, 1914, p. 53).<br />
(3) Aperçu historique et statistique sur la Régence d'Alger, intitulé en<br />
arabe Le Miroir, par Sidi Hamdan ben Othman Khodja, Paris 1833.<br />
—<br />
(4) Le Miroir, p. 95. « La paye de la milice se faisait chaque deux<br />
lunes ; un khodja, tenant à la main le registre de la milice, faisait l'appel<br />
casbah
— — 54<br />
A la Casbah, la porte du trésor était armée de grosses serrures<br />
et pourvue d'un fort guichet de fer. Elle donnait entrée à des<br />
couloirs sur lesquels étaient creusés des corridors sans fenêtres<br />
ni soupiraux, coupés dans leur longueur par une cloison de qua<br />
tre pieds à peu près.<br />
D'après les déclarations que fit le khasnadji, trésorier en chef<br />
ou ministre des Finances, à la commission qui prit possession<br />
ae ce trésor en 1830, il n'aurait jamais existé de registre cons<br />
tatant les recettes ni les dépenses (1),<br />
ce qui fut plus tard<br />
reconnu inexact (2) ; les sorties de fonds ne s'opéraient<br />
jamais que sur une décision du Divan. En fait, les monnaies<br />
d'or et d'argent étaient entassées pêle-même, sans accep<br />
tion de valeur, de titre,<br />
ni d'origine. La commission constata<br />
que dans une première salle basse se trouvaient des boudjoux ;<br />
dans une autre trois coffres, dont deux contenaient des bou<br />
djoux, de la monnaie de billon et le troisième des lingots d'ar<br />
gent ; trois caveaux contenaient, l'un des monnaies d'or jetées<br />
pêle-mêle, l'autre des piastres de Portugal (mokos), le troisième<br />
des piastres fortes d'Espagne.<br />
Une commission fut chargée de faire le tri des pièces et des<br />
lingots et procéda à leur pesage, dont le résultat fut le suivant :<br />
7.212 kilogrammes d'or frs 24.768.000<br />
108.704 » d'argent » 23.915.000<br />
Total » 48.683.000<br />
nominal en commençant par le Dey, considéré comme le premier soldat.<br />
Chacun venant à l'appel recevait sa paie des mains du caissier en mon<br />
naie d'or et d'argent, qu'il avait le droit de faire vérifier par un visiteur<br />
qui était placé là exprès et cela parce que la monnaie d'Alger n'était pas<br />
toute de bon aloi. » (Rozet, op. cit.).<br />
(1) D'après Laugier de Tassy les revenus fixes de la Régence s'éle<br />
vaient au début du XVIII» siècle à plus d'un million. D'après Shaler<br />
en 1822, le Bey d'Oran versait annuellement 75.000 francs le Bey dé<br />
Constantine 60.000 francs, les sept caïds dépendant de la province d'Aleer<br />
16.000, le Bey de Titteri 4.000 ; les successions vacantes 40.000 le mono<br />
pole des peaux 4.000, la communauté juive 6.000, la 20 000 le<br />
domaine 40.000, les redevances françaises pour la pêche du 30 000<br />
le monopole des lames et des cires 40.000, les tributs européens<br />
Les recettes à cette époque étaient évaluées à 2.500.000 francs environ v<br />
les dépenses à 4 rua'<br />
millions.<br />
(2) Voir Devoulx, Revue Africaine, 1871.
Ces chiffres déçurent beaucoup, on le sait, ceux qui, sur la<br />
foi de renseignements reposant sans doute plus sur des légendes<br />
que sur des réalités, s'étaient imaginé que le trésor de la Casbah<br />
renfermait des sommes beaucoup plus élevées. Les indications<br />
données par Shaler, le consul des Etats-Unis,<br />
sans s'en porter garant — d'évaluations<br />
qui parlait —<br />
allant jusqu'à plus de<br />
250 millions, le rapport du consul de France Deval,<br />
en date du<br />
26 février 1828, faisant allusion à 100 ou 150 millions, le chiffre<br />
fantaisiste de 500 millions,<br />
mis en avant par le consul d'Angle<br />
terre, avaient paru justifier de plus belles espérances, et l'on<br />
sait que, pour calmer l'émotion soulevée par cette déconvenue,<br />
une commission d'enquête spéciale essaya de se rendre compte,<br />
en examinant les caveaux vides, de l'importance qu'avait pu<br />
atteindre le trésor à un moment donné. Les commissaires firent<br />
état des traces laissées le long des murs par les dépôts de lingots<br />
et de monnaies, et cette enquête, qui reposait sur des bases bien<br />
fragiles et à laquelle les subtilités mathématiques et les ingé<br />
nieuses déductions de ses membres ne purent assurément donner<br />
qu'une très frêle valeur scientifique, aboutit à cette conclusion<br />
que le nombre des mètres cubes qui avaient été, à certaines épo<br />
ques, remplis d'espèces monnayées d'or et d'argent, représentait,<br />
toute compensation faite, un peu au delà de 150 millions de frs.<br />
En tenant compte que la course n'alimentait plus le trésor et<br />
que les deys avaient été dans la nécessité d'effectuer de fré<br />
quents et importants prélèvements, depuis que la balance des<br />
comptes était défavorable à Alger, on voit que la somme trouvée<br />
en 1830 ne présentait pas un caractère anormal (1). Au surplus,<br />
l'enquête innocenta complètement les troupes françaises.<br />
Quand ce trésor fut livré aux autorités françaises, avait-il<br />
été préalablement allégé ? Passa-t-il intact aux mains de ceux<br />
qui en firent l'inventaire ? Nous ne pouvons affirmer qu'un fait<br />
certain, c'est qu'aucun pillage ne fut commis par l'armée fran<br />
çaise, et retenir qu'un seul chiffre, celui qui a été relevé en 1830<br />
(1) Le transport du trésor de la Jenina à la Casbah, par le Dey Ali<br />
en 1817, nécessita 76 voyages de mulets pour l'or et 1.400 pour l'argent ;<br />
la charge de chaque bête étant en moyenne de trois quintaux, la somme<br />
transportée fut, selon toute vraisemblance, en or de 34.500.000 francs<br />
environ et en argent de 30.500.000 francs environ. Si de ce chiffre on<br />
défalque les dépenses effectuées par le Beylick au cours des treize der<br />
nières années de son administration, on arrive très sensiblement à la<br />
somme de 48 millions 1/2 trouvée en 1830.
ŒUVRE<br />
QUI<br />
S'IMPOSAIT<br />
A LA FRA NCE<br />
EN MATIÈRE<br />
BANCAIRE<br />
ET<br />
MONÉTAIRE.<br />
-■ - 56<br />
par le payeur général Firino et la commission chargée de trier<br />
et de peser les monnaies,<br />
de millions (l).<br />
c'est-à-dire environ une cinquantaine<br />
*<br />
* *<br />
Lorsque la France pénétra en Algérie,<br />
elle ne trouva dans<br />
la Régence, ni une circulation monétaire saine, ni une organi<br />
sation de crédit rationnelle qui répondissent convenablement<br />
aux besoins de ce vaste et fertile pays,<br />
et qui fussent à plus<br />
forte raison capables de satisfaire ceux que devait y faire naître<br />
l'introduction d'une civilisation plus active. Le commerce<br />
périclitait (2) , les transactions conservaient en plus d'un endroit<br />
des formes primitives ; l'insécurité des routes rendait difficiles<br />
et raréfiait les échanges. L'usure s'épanouissait dans les villes<br />
comme dans les campagnes.<br />
Seules parfois s'étaient élevées, à Alger même, de grandes<br />
maisons, d'origine livournaises. Leurs chefs,<br />
seurs de beys »,<br />
« faiseurs et défai<br />
cherchaient à monopoliser le commerce exté<br />
rieur, compromettaient et menaçaient le pouvoir. En face d'elles,<br />
nulle concurrence n'avait été capable de mettre un frein à leurs<br />
exigences, nulle justice d'arrêter leurs exactions,<br />
nul gouverne<br />
ment de leur imposer le respect de l'intérêt public. La violence<br />
seule était la règle de la répression, qu'elle vînt des beys excédés<br />
ou du peuple révolté. Le despotisme de ces maîtres de l'argent<br />
n'avait été « tempéré que par l'assassinat ».<br />
L'œuvre qui s'imposait à la France était donc à cet égard<br />
considérable. Il lui fallait doter l'Algérie d'une circulation moné<br />
taire souple et sûre, créer toute une organisation bancaire<br />
s'adaptant aux divers besoins du pays, assurer une aide efficace<br />
à la fois à l'ancienne population indigène, dont elle entendait<br />
améliorer les conditions d'existence, et aux courageux colons qui<br />
allaient venir d'Europe réveiller la nature endormie sur cette<br />
rive africaine de la Méditerranée.<br />
(1) Voir à ce sujet Esquer, op. cit., p. 381 et suivantes et R. Firino<br />
La Famille Firino (1747-1816) ; Le payeur général " Firino (1779-1868/ o»a)t<br />
Paris, Champion, 1927.<br />
(2) Lorsque le maréchal Clauzel établit, par arrêt du 7 décembre 1830<br />
une Chambre de Commerce à Alger, composée de cinq Français d'un<br />
Maure et d'un Hébreu, on se trouva assez embarrassé pour la constituer<br />
tant était grand luer'<br />
le nombre des banqueroutiers.
CHAPITRE II<br />
LES PREMIERS TEMPS DE L'OCCUPATION FRANÇAISE<br />
1830-1848<br />
1* Substitution de la Monnaie Française à la Monnaie Algérienne.—<br />
L'entrée des Français a Alger ne détermine aucun trouble monétaire<br />
immédiat. Raréfaction progressive de la monnaie. Mesures envisagées<br />
pour remédier a la crise monétaire La Monnaie française pénètre peu<br />
a peu dans le pays.<br />
2" — Le Crédit. Les besoins de crédit du commerce algérien après<br />
1830.- Projets de création de banques algériennes. Intervention de la<br />
Banque de France. Le taux de l'intérêt en 1848.
SUBSTITUTION DE LA MONNAIE FRANÇAISE<br />
A LA MONNAIE ALGÉRIENNE<br />
Le gouvernement français, nous l'avons vu, se préoccupa, en<br />
préparant l'expédition d'Alger, de déterminer de quelle ma<br />
nière se feraient les règlements du corps d'occupation sur le<br />
territoire conquis. Il chargea le payeur général Firino d'étudier,<br />
de concert avec le général en chef et l'intendant en chef Den<br />
niée, un tarif applicable aux monnaies algériennes, se réservant<br />
d'ailleurs de lui remettre, au moment de l'embarquement, une<br />
forte somme en monnaies d'Espagne —<br />
à Toulon —<br />
fixée (1).<br />
dont<br />
Le 29 avril 1830,<br />
200.000<br />
piastres réunies<br />
la valeur d'échange fut, dès ce moment,<br />
une commission fut constituée (2). Elle<br />
se réunit les 4 et 6 mai 1830. Dans l'impossibilité de déterminer<br />
avec certitude les altérations de chaque catégorie de monnaies<br />
elle fixa, le 7 mai 1830, un tarif n'en tenant pas compte (3) :<br />
(1) La valeur d'une quadruple d'or était fixée à 84 francs ; celle de<br />
la piastre forte d'argent à colonnes, droite de poids et de titres, à 5,40.<br />
(2) Ses membres étaient : Baron Denniée, Firino, Bricogne, receveur<br />
des finances ; Alexandre Deval, consul de France ; Ricard, directeur dé<br />
la Monnaie ; Tocchi, agent de l'Administration de la Monnaie.<br />
(3) La Commission fait cette remarque,<br />
consignée dans son procès-<br />
verbal : « Il paraît d'abord bien constant qu'en Afrique les métaux d'or<br />
et d'argent n'ont point, comme en France, sous la forme monétaire, une<br />
valeur dans le rapport de 15 1/2 à 1, que l'or à raison de son abondance<br />
est généralement déprécié, d'où il résulte, par exemple, que dans la ville<br />
d'Alger, d'une quadruple d'or espagnole, on n'obtient que quarante à<br />
quarante-deux boudjoux effectifs, tandis qu'avec 10 piastres fortes d'ar<br />
gent (colonnata) qui à 2 % près équivalent à une quadruple d'or, on se<br />
procure, dans les échanges habituels quarante-cinq boudjoux environ, ce<br />
qui n'empêclw pas que, hors la ville d'Alger, les Arabes ne reçoivent<br />
indistinctement que pour une somme pareille de 40 boudjou?:, aoit une<br />
quadruple d'or, soit 16 piastres d'argent... Lorsqu'il s'est agi de régler<br />
l'évaluation en francs des raonnaies d'or du pays d'Alger, comparative<br />
ment avec les monnaies d'argent, nous avons dû, avant tout, consulter<br />
le règlement en vigueur à Alger. En l'adoptant dans toutes ses consé<br />
quences, nous fixions le sequin soltani à 8 fr. 37, somme égale au produit<br />
de 4 boudjoux 1/2 multipliés par 1 franc 86, tandis que cette monnaie,<br />
lorsqu'elle est droite de poids et de titre, vaut intrinsèquement 8 fr. 80 :<br />
si, au contraire, on s'écarte de ce règlement, on se met en contradiction<br />
avec des faits constants dan3 le pays, on heurte des usages et des habi<br />
tudes consacrés par le temps...»<br />
L'ENTREE<br />
DES<br />
FRANÇAIS<br />
A ALGER<br />
NE<br />
DETERMINE<br />
A UCUN<br />
TROUBLE<br />
MONÉTAIRE<br />
IMMÉDIA T.
MINISTÈRE<br />
DES FINANCES<br />
NOMS<br />
des monnaies<br />
Monnaies d'argent<br />
Rial Boudjou<br />
en turc « butun<br />
(entier)<br />
Rebia Boudjou<br />
(piécette neuve)<br />
Temyn Boudjou<br />
(demi -piécette<br />
Zoudj Boudjou<br />
en arabe douro<br />
fi djezaïre<br />
ou Piastre d'Alger,<br />
Pataque cbiqne (1) on piécette<br />
antienne, en arabe Rial Dranm<br />
Mouzouné (2) (<br />
(monnaie decompte)(<br />
Double Mouzouné<br />
Demi-Pataque<br />
chique<br />
Billon et cuivre<br />
Quaroub<br />
Qramse Drahm Segbar<br />
Zoudj Drahm Seghar<br />
Drain Segbar ou aspre cbiqne<br />
rapport<br />
des diverses monnaies entre ><br />
3 Pataquès chiques<br />
60 -<br />
ou 4 Rebia boudjoux (piécettes<br />
neuves)<br />
ou 8 Temyn boudjoux (demi-<br />
piécettes neuves)<br />
ou 24 Mouzounès<br />
3/4 de la Pataque chique<br />
ou 1/4 de Rial boudjou<br />
ou 2 Temyn boudjoux (demi-|<br />
piécettes neuves)<br />
ou 6 Mouzounès<br />
3/8 de la Pataque chique<br />
ou 1/tf de Rial boudjou<br />
ou 1/2 Rebia boudjou (piécette<br />
neuve)<br />
ou 3 Mouzounès<br />
2 Rial boudjoux<br />
ou 6 Pataquès chiques<br />
ou 8 Rebia boudjoux ipiccettesf<br />
neuves)<br />
ou 16 Temyn boudjoux (demi-l<br />
piécettes neuves)<br />
ou 48 Mouzounès<br />
1/3 de Rial boudjou<br />
ou 8 Mouzounès<br />
1/8 Pataque chique<br />
ou 29 Aspres chiques<br />
1/8 Pataque chique<br />
1/6 Rial boudjou<br />
ou 4 Mouzounès<br />
1/2 Mouzouné<br />
f> Aspres chiques<br />
2 Aspres chiques<br />
1/29 de la Mouzouné<br />
Approuvé :<br />
Le Général en Chef,<br />
Comte de BOURMONT.<br />
ARMÉE EXPÉDI<br />
Tarif comparatif de la valeur réciproque des<br />
ÉVALUATION<br />
en argent do France<br />
fr. cent.<br />
86<br />
46<br />
23<br />
72<br />
62<br />
07<br />
15<br />
31<br />
03<br />
01<br />
00<br />
00<br />
milli.<br />
75<br />
50<br />
87%<br />
34<br />
53<br />
26<br />
OBSERVATIONS<br />
Le Boudjou est l'nnité<br />
monétaire ; il pèse terme<br />
moyen 10 grammes.<br />
(1) La Pataqne chique<br />
proprementdite n'existait<br />
pas avant la refonte des<br />
monnaies opérée en 1822.<br />
Mais à cette époqne, les<br />
nouvelles piécettes, sons<br />
le nom de Rebia boudjou,<br />
furent frappées à une va<br />
leur réelle de 6 Mouzou-<br />
nés, c'est-à-dire avec une<br />
réduction de 1/4 sur les<br />
anciennes. Il en est résul<br />
té que celles-ci (piécettes<br />
anciennes) sVlevantàune<br />
valeur relative de 8 Mou<br />
zounès, ont réalisé la<br />
Pataque cbiqne qui jus<br />
qu'alors n'avait été qu'une<br />
monnaie idéale de compte.<br />
(La pièce de 2 Pataquès<br />
chiques, qui est fort rare,<br />
vaut 1 fr. 24 c).<br />
(S) Cette petite monnaie<br />
d'argent existe bien<br />
Maroc,<br />
mais elle n'a pas<br />
cours à Alger ; elle est<br />
de furme ovale et presque<br />
sans empreinte.<br />
Pièce de enivre blanchi<br />
Pièce de cuivre.
TIONNAIRE D'AFRIQUE<br />
- 61<br />
MONNAIES DU PAYS h'ALGER ET DES MONNAIES DE FRANCE<br />
FRANCE.<br />
ESPAGNE.<br />
NOMS DES MONNAIES<br />
j<br />
Argent<br />
Pièce d'un franc<br />
Pièce de deux francs<br />
Billon ou cuivre<br />
Cinq centimes<br />
Dix centimes<br />
Piastres fortes d'Espagne (2)<br />
ou à colonnes (colonnata<br />
Rapport des Monnaies de France et d'Espagne<br />
avec les monnaies d'Alger<br />
12 Mouzounès 28 Aspres<br />
ou 1 Pataque chique 4 Mouzounès 28 Aspres<br />
l 1 Boudjou 1 Mouzouné 28 Aspres<br />
< ou 3 Pataquès chiques 1 Mouzouné 28 Aspres<br />
/ ou 25 Mouzounès 28 Aspres<br />
Observations<br />
IPièced'uu franc ciuquantf<br />
| (20 sousi<br />
/ Pièce de soixante-quinze<br />
2 Pataquès chiques 3 Mouzounès 13 Aspres<br />
îj<br />
i ou 19 Mouzounès 13 Aspres<br />
centimes (15 sous)<br />
1 Pataque chique 1 Mouzouné 21 Aspres<br />
ou 9 Mouzounès 21 Aspres<br />
Pièce de cinquante cent. 6 Mouzounès 14 Aspres<br />
Pièce de vingt-cinq cent. 3 Mouzounès 7 Aspres<br />
Pièce de cinq francs (1)<br />
( 2. Boudjoux 16 Mouzounès 14 Aspres rt'iLÏ^M<br />
! ou 8 Pataquès chiques 14 Aspres naiw!,de fm •
— — 62<br />
L'entrée des troupes françaises à Alger devait entraîner un<br />
changement profond dans les conditions de la vie économique de<br />
la Régence. La principale source de l'enrichissement de la<br />
ville, ce qui avait fait si longtemps sa puissance et assuré l'acti<br />
vité de son commerce, la Course, était définitivement abolie. La<br />
population elle-même était modifiée dans ses classes sociales<br />
et jusque dans sa composition ethnique par le départ de l'aris<br />
tocratie militaire turque. Il semblait qu'un tel événement, que<br />
de telles perturbations, dussent provoquer un de ces mouvements<br />
d'inquiétude générale qui déterminent,<br />
sous l'empire de la<br />
crainte, un arrêt de la vie économique et cette thésaurisation<br />
immédiate qui se manifeste par la disparition de la monnaie. Rien<br />
de tel ne s'est produit dans les premiers temps de notre occupa<br />
tion. Les transactions courantes ne furent pas sensiblement trou<br />
blées, les monnaies qui composaient la circulation algérienne ne<br />
se cachèrent pas ;<br />
ments intérieurs quotidiens.<br />
on en trouva abondamment pour les règle<br />
« Dans un rapport adressé au général en chef le 6 juillet,<br />
le payeur général lui proposait d'envoyer en France toutes les<br />
monnaies françaises ou espagnoles existant dans ses caisses, soit<br />
qu'elles provinssent d'envois du trésor,<br />
soit qu'elles aient été<br />
saisies dans les caisses du pays. Les monnaies algériennes<br />
seraient seules employées au paiement des dépenses de l'armée<br />
au taux fixé par le tarif direct du 7 mai. Cette mesure assurerait<br />
l'écoulement de ces monnaies, sans être onéreuse pour l'armée,<br />
puisque celle-ci aurait la faculté de recevoir des traites sur<br />
France pour les sommes qu'elle n'aurait pas dépensées en Algé<br />
rie.<br />
« Le comte de Bourmont approuva cette manière de voir et<br />
un ordre du jour, en date du 8 juillet, fit connaître à l'armée<br />
que le paiement de toutes les dépenses se ferait en monnaies<br />
algériennes, les officiers conservant le droit de demander des<br />
traites sur France.<br />
« En conséquence de cette mesure, la somme de 1 million<br />
999.720 francs, qui était sur les bâtiments de l'Etat, fut ren<br />
voyée à Toulon et les 200.000 piastres réunies dans cette ville<br />
par les soins du ministre des Finances ne furent pas utilisées.<br />
D'autre part, les 5.285.609 fr. 94 de monnaies algériennes qui
- 63<br />
se trouvaient à la Kasbah furent versés dans les caisses du<br />
payeur général et suffirent à assurer le service jusqu'au mois de<br />
décembre.<br />
« Firino insistait d'ailleurs dans une de ses lettres sur l'utilité<br />
de l'emploi des monnaies algériennes : « Leur écoulement me<br />
« paraît nécessaire aux intendants du trésor et,<br />
pour l'obtenir<br />
« d'une manière certaine, il fallait enlever toute espèce de<br />
« concurrence avec des espèces de meilleur aloi. Je renouvelle,<br />
« dans la même intention, à tous mes préposés, l'ordre de n'ap-<br />
« pliquer les traites du trésor qu'au paiement des appointements<br />
« des officiers et employés qui ont des fonds à faire passer en<br />
« France... »<br />
« L'expérience démontra que le tarif arrêté le 7 mai répondait<br />
à la réalité. Pour faire face à tous les besoins, Firino demanda<br />
seulement au ministre trois millions de traites. » (1).<br />
*<br />
* *<br />
Mais, peu à peu, les monnaies algériennes disparurent et les<br />
monnaies françaises ne furent plus acceptées ; le change sur la<br />
France s'éleva. Le 27 janvier 1832, le payeur en chef de l'armée<br />
Grillet écrivait au baron Pichon, intendant civil à Alger : « Les<br />
petites monnaies algériennes étaient très abondantes sur la<br />
place d'Alger, lorsque nous y sommes entrés. J'en ai, depuis,<br />
émis pour environ 600.000 francs, qui se trouvaient dans le<br />
trésor de la Casauba et la circulation était telle au mois d'avril<br />
dernier qu'elles se trouvaient même trop abondantes et étaient<br />
devenues gênantes pour les transactions. Cependant, et contre<br />
toute prévision, au mois de juillet suivant,<br />
non seulement il<br />
n'existait plus de ces petites monnaies sur la place, mais toutes<br />
les monnaies algériennes avaient disparu. Il est à remarquer que<br />
j'avais émis pour environ 5 millions de boudjoux et double-<br />
boudjoux provenant du trésor de la Casauba. La plus grande<br />
partie des boudjoux et double-boudjoux ont été transportés en<br />
France pour y être fondus, le commerce trouvant quelque avan<br />
tage à cette spéculation qui lui procurait des fonds en France<br />
au pair, alors que le change était très élevé. » (2).<br />
(1) R. Firino,<br />
op. cit. pages 415-416.<br />
(2) Archives nationales F., 80-928.<br />
RARÉFACTION<br />
PROGRESSIVE<br />
DB LA<br />
MONNAIE.
- 64<br />
—<br />
Le payeur en chef attribuait, en outre, la disparition de la<br />
monnaie algérienne à une double cause : d'abord à l'habitude<br />
—<br />
qu'ont les Arabes d'enfouir tout l'argent qu'ils se procurent,<br />
et ils s'en procuraient alors en grande quantité par la vente à<br />
des prix de quatre à six fois plus élevés des denrées nécessaires<br />
au ravitaillement,<br />
— ensuite<br />
à l'accaparement de ces monnaies<br />
« par les négociants hébreux et européens en vue de la revente<br />
avec un fort agio, lorsque leur absence serait devenue un obstacle<br />
sérieux pour les transactions journalières ».<br />
Sans doute, ces raisons et d'autres d'ordre économique expli<br />
quaient la raréfaction des monnaies à un moment où la présence<br />
des troupes françaises en avait précisément augmenté le besoin.<br />
La balance commerciale, notamment, était à cette date très défa<br />
vorable à l'Algérie,<br />
qui avait de nombreux achats à faire à l'exté<br />
rieur et dont les exportations demeuraient très faibles. Le règle<br />
ment du solde de la balance des comptes pesait sur le change,<br />
entraînant, comme conséquence logique, des sorties d'espèces<br />
métalliques.<br />
Mais il est non moins certain que des motifs d'ordre psycho<br />
logique venaient, comme il arrive souvent,<br />
accentuer le mouve<br />
ment créé par les causes économiques et c'étaient eux qui<br />
constituaient alors le facteur principal. Il paraît bien évident,<br />
en effet, que si, après que la monnaie algérienne se fut raréfiée,<br />
il devint impossible de lui substituer de la monnaie française,<br />
c'est parce que la circulation de cette dernière monnaie suivait<br />
les vicissitudes de la conquête et dépendait de l'idée que les<br />
indigènes se faisaient de la portée des succès de nos armes et<br />
du caractère définitif ou précaire de notre occupation.<br />
Les autorités militaires pensèrent à user de la contrainte. Le<br />
général Berthezène, lieutenant général, commandant en chef le<br />
corps d'occupation, prescrivit, par arrêté du 7 septembre 1831,<br />
que les monnaies françaises seraient obligatoirement reçues (1)<br />
et une véritable propagande fut entreprise dans les milieux indi<br />
gènes pour assurer l'exécution de cet arrêté. Elle n'eut guère<br />
de succès. Les monnaies françaises subirent une perte au change<br />
à l'intérieur. Les indigènes, et par suite les Européens appelés<br />
à traiter avec eux, n'acceptaient les pièces de 5 francs qu'avec<br />
(1) Ministère de la Guerre : Collection des actes du gouvernement depuis<br />
l occupation d'Alger jusqu'au 1" octobre 1834, Paris, 1843.
— — 65<br />
une perte de 0 fr. 50 à 0 fr. 60 et parfois davantage. Les seules<br />
monnaies françaises reçues selon le tarif de 1830 étaient les<br />
pièces divisionnaires.<br />
Cette situation provoquait de vives réclamations. Dans une<br />
lettre adressée le 30 janvier 1832 au président du Conseil, le<br />
duc de Rovigo dit : « Dans le moment où j'écris, j'ai chez moi<br />
une troupe de négresses en pleurs, qui ont été repoussées du<br />
marché parce qu'on a refusé leurs pièces de 5 francs et qu'elles<br />
n'ont pas d'autres monnaies. » (1).<br />
*<br />
* *<br />
En novembre 1832, les habitants d'Alger adressèrent au duc<br />
de Rovigo une supplique en vue de la reprise de la frappe de<br />
la monnaie algérienne, car, disaient-ils, la même marchandise<br />
payée avec la monnaie française coûte 20 % de plus que si elle<br />
était payée avec de la monnaie du pays (2).<br />
Le baron Pichon était du même avis et il proposait d'adopter<br />
« le parti que les Français avaient pris en Egypte où de la<br />
monnaie turque fut battue, comme le fut à Berlin de la monnaie<br />
prussienne ». En prévision d'une frappe de monnaies algériennes,<br />
le duc de Rovigo prescrivit à M. Genty de Bussy, qui succéda<br />
comme intendant civil au baron Pichon, de rechercher ce<br />
qu'étaient devenus les instruments de la fabrication de la mon<br />
naie turque ; mais ces recherches n'aboutirent qu'à retrouver<br />
un petit nombre d'instruments en fer non trempé et hors de<br />
service. En fait, les suggestions du baron Pichon ne furent pas<br />
retenues et il ne fut pas frappé de monnaies algériennes.<br />
Il semble bien que le motif principal fût une raison de prestige,<br />
se rattachant précisément à l'ordre d'idées qui déterminait chez<br />
les indigènes les réactions psychologiques défavorables à la dif<br />
fusion de notre monnaie. Les autorités françaises se rendaient<br />
compte peu à peu qu'il fallait éviter tout acte pouvant renforcer<br />
dans l'esprit des habitants le sentiment de la précarité de notre<br />
occupation.<br />
(1) Collection de documents inédits sur l'histoire de l'Algérie après 1830,<br />
1"<br />
série. Correspondance du duc de Rooigo, tome I (par G. Esquer).<br />
(2) Id. Ibid., tome Ht.<br />
MESURES<br />
ENVISAGÉES<br />
POUR<br />
REMEDIER<br />
A LA CRISE<br />
MONÉTAIRE.
LA MONNAIE<br />
FRANÇAISE<br />
PÉNÈTRE<br />
PEU A PEU<br />
DANS<br />
LE PA YS.<br />
66 -<br />
Or, ce sentiment était entretenu tout naturellement par les spé<br />
culateurs qui, désireux d'acheter à bon compte des monnaies d'or<br />
ou d'argent,<br />
profitaient cte chaque événement pouvant nous<br />
être défavorable pour prétendre que notre occupation allait<br />
prendre fin et qu'après elle notre monnaie cesserait d'avoir cours<br />
et perdrait toute valeur. Parmi les chefs indigènes, plusieurs,<br />
qui nous étaient alors hostiles,<br />
contribuaient à accréditer cette<br />
opinion et engageaient la population à se défaire d'une monnaie<br />
qui était le signe d'une domination qu'ils combattaient. Chacun<br />
de ces chefs qui prétendait à l'indépendance cherchait à frapper<br />
monnaie avec ou sans le consentement de la France. Le Bey de<br />
Constantine, dès 1831, en prenant le titre de pacha, battait<br />
monnaie à son coin. Abd-el-Kader faisait demander, en 1834,<br />
au général Drouët d'Erlon les coins de l'ancienne Régence pour<br />
s'en servir lui-même, et le gouverneur général écartait sa<br />
demande ; mais la convention de la Tafna, signée par le géné<br />
ral Bugeaud le 30 mai 1837, ne réservait pas expressément à la<br />
France seule le droit de battre monnaie ; aussi, dès 1838, l'émir<br />
frappa à Tagdempt des pièces à son nom (1). Elles étaient de<br />
facture assez grossière et irrégulière quoique fabriquées par<br />
celui-là même qui avait été chargé du temps des Turcs de la<br />
frappe de la monnaie à Alger. En 1836, le « Moniteur Algérien »<br />
du 26 septembre signalait, en ces termes, un fait caractéristique :<br />
« Pour que nos monnaies de cuivre et d'argent, disait-il, aient<br />
cours chez les Kabyles et les tribus de l'intérieur, les Arabes<br />
leur font une empreinte particulière. Sur une pièce française<br />
de 0,05 que nous avons sous les yeux, on lit d'un côté « Sultan<br />
Mahmoud » et de l'autre « frappé à Alger » en caractères<br />
arabes. »<br />
La monnaie française ne pénétra donc que lentement dans<br />
le pays, chaque étape de notre occupation, chaque consolidation<br />
de celle-ci marquant un progrès de cette pénétration. On peut lire<br />
(1) « L'émir Abd-el-Kader organisa, dans son atelier monétaire à Tag<br />
dempt, la frappe des monnaies ; les « mohammedia » (pièces de Moham<br />
med) en cuivre argenté, valant 5 centimes, et les « nosfia » valant 2 centi<br />
mes 1/2. Il fixa le cours des changes : le douro d'Espagne ou boumetfâa<br />
(5 fr. 50) valait 4 réals d'Alger, le réal (1 fr. 30) valait 3 erbaas d'Al<br />
ger lerbaa (0 fr. 45)4 mohammedias, et le mohammedia deux nosfias<br />
Ce fut avec ces monnaies, d'après le change fixé par lui, qu'il perçut les<br />
lmS? , £ j gl„ !* solde de aon armée » (Général Paul Azan, L'Emir<br />
Abd-el-Kader, Pans, Hachette, page 136).
— — 67<br />
dans le Tableau de la situation des établissements français dans<br />
l'Algérie du Ministère de la Guerre,<br />
en 1840 : « A Constantine<br />
les pièces françaises sont fort recherchées par les indigènes, et<br />
l'on ne voit pas, comme à Alger et à Oran, les Arabes de l'inté<br />
rieur s'empresser d'échanger les écus français contre des pias<br />
tres fortes d'Espagne. » A la même époque, on signale que les<br />
Kabyles du Sahel ont répandu en grand nombre des pièces de<br />
5 francs fausses, ce qui était une preuve, à la fois de leur impé<br />
nitence en matière de fausse monnaie et de la faveur dont<br />
jouissaient nos écus de 5 francs. Les pièces imitées étaient à<br />
l'effigie de Louis XVIII et parfaitement frappées ; mais l'exer<br />
gue n'avait pu être reproduit, ce qui aurait suffi pour les trahir<br />
si le son et le poids n'en avaient décelé facilement la fausseté.<br />
Cette fabrication de fausse monnaie se poursuivit pendant<br />
plusieurs années. En 1845, le gouvernement dut prendre des<br />
mesures énergiques pour réprimer l'émission des pièces fausses.<br />
C'est à cette occasion que le Moniteur Universel publia sur<br />
« cette coupable industrie » un long<br />
article dont nous avons<br />
donné quelques extraits au chapitre précédent (1).<br />
Ces mesures réduisirent considérablement l'activité des faux<br />
monnayeurs, mais elles ne l'arrêtèrent pas complètement. Plus<br />
de dix ans après l'auteur d'une spirituelle relation de voyage<br />
intitulée : Promenade en temps de guerre chez les Kabyles<br />
par un juge d'Alger en congé (2), décrit le travail d'un<br />
indigène qui fond devant lui des pièces d'argent pour en faire<br />
des bijoux et il ajoute : « Cette tribu fabrique de la fausse<br />
monnaie de tous pays dont elle fait un étrange commerce. Elle<br />
ne la met pas en circulation, mais des tribus voisines la lui<br />
achètent et la répandent ensuite. » C'est la même constatation<br />
que celle qui avait été faite en 1845 par le Moniteur Universel.<br />
Les mœurs des Kabyles de cette région, leurs procédés de fabri<br />
cation et d'émission étaient demeurés les mêmes qu'au temps<br />
des Turcs. Mais déjà l'intervention des autorités françaises en<br />
1845 leur avait porté un coup sensible ; et, en 1860, le juge d'Al<br />
ger pouvait conclure : « Cette industrie doit avoir considérable-<br />
(1) Voir page 47.<br />
(2) Paris. Challamel, 1860 et Alger, chez l'auteur (F. Hun, juge doyen<br />
au tribunal de première instance).
- 68<br />
-<br />
ment diminué et offrir même à ceux qui se chargent de l'émission<br />
de ses produits plus de dangers que de profits, à cause de la<br />
surveillance que les bureaux arabes exercent sur les marchés ;<br />
quelques condamnations sévères et exemplaires la feront dispa<br />
raître entièrement et promptement. »<br />
La diffusion de la saine monnaie française dans tout le pays,<br />
en familiarisant les habitants avec des espèces droites, bien<br />
frappées, de titre et de poids constants,<br />
rendait chaque jour<br />
plus malaisée l'émission de pièces fausses reproduisant, en géné<br />
ral, d'une manière imparfaite les bonnes espèces.<br />
Bientôt,<br />
aucun doute ne subsistant plus sur le caractère de<br />
l'occupation française, la monnaie nationale circula sans dif<br />
ficulté dans l'ensemble du pays, et les généraux commandant les<br />
provinces, ainsi que les préfets des départements, reçurent<br />
l'ordre, dont ils purent petit à petit assurer l'exécution, de ne<br />
faire « acquitter qu'en monnaies ayant cours légal et autant<br />
que possible en monnaies françaises, les contributions dues par<br />
les indigènes. »<br />
En 1849 (1), des mesures plus précises furent prises par le<br />
Ministère de la Guerre, de concert avec le Ministère des Finan<br />
ces ; elles tendaient à retirer de la circulation les monnaies algé<br />
riennes au fur et à mesure qu'elles arrivaient dans les mains des<br />
agents de perception et à expédier ces pièces pour être fondues à<br />
la Monnaie. Il était d'ailleurs spécifié que ces mesures ne s'ap<br />
pliquaient qu'aux monnaies portant l'empreinte des pachas<br />
d'Alger,<br />
celles connues sous le nom de Sekka Bacitah et formées<br />
de piastres d'Espagne mutilées, celles frappées au nom du Bey<br />
Ahmed de Constantine et de l'ex-émir Abd-el-Kader devaient être<br />
rigoureusement refusées,<br />
« la France ne pouvant paraître sanc<br />
tionner le droit que se sont attribué deux chefs rebelles pendant<br />
leur éphémère commandement ». Enfin, le 11 août 1851 (2) un<br />
arrêté décida que les monnaies algériennes, les piastres d'Espa<br />
gne et toutes autres monnaies étrangères ne seraient plus admi<br />
ses désormais, sous aucun prétexte, dans les caisses publiques<br />
de l'Algérie. Longtemps encore il y<br />
eut des soltanis et des bou<br />
djoux en circulation, surtout dans les pays limitrophes de la<br />
(1) B. Off. 1849, n° 320.<br />
(2) B. Off. 1851, n° 392.
I<br />
LES MONNAIES FRANÇAISES<br />
INTRODUITES EN ALGÉRIE PE 1830 à 1848<br />
CHARLES X<br />
ARGENT<br />
LOUIS-PHILIPPE<br />
OR<br />
\RfiENT
—<br />
— 69<br />
Tunisie, ainsi que dans quelques villes du Tell. Mais, peu è peu,<br />
ces pièces furent employées, comme les monnaies des anciennes<br />
dynasties, à la confection de bijoux (1). On en faisait des<br />
colliers pour garnir les chéchias. Ces monnaies furent même<br />
à ce point recherchées pour cet objet que les faux mon<br />
nayeurs y trouvèrent leur compte. Us ne cessèrent d'en frapper<br />
et d'en répandre. Même encore en 1874, le directeur des Mon<br />
naies et Médailles dut intervenir pour réprimer la fabrication<br />
des faux soltanis.<br />
Ce sont là, au regard de la circulation monétaire du pays, des<br />
faits négligeables et l'arrêté du 11 août 1851 marque bien le<br />
moment où la monnaie française peut être considérée comme<br />
substituée à l'ancienne monnaie.<br />
Assurément, nous l'avons dit,<br />
cette substitution ne pouvait<br />
être définitive qu'à partir du moment où aucun doute ne devait<br />
plus subsister sur la force de la France et sur sa volonté de<br />
demeurer en Algérie. Les autorités françaises ne s'en sont cas<br />
assez tôt rendu compte et elles n'ont pas toujours reconnu<br />
aux éléments psychologiques la place importante, parfois primor<br />
diale,<br />
qu'ils tiennent dans les questions d'ordre monétaire. Elles<br />
ont, en certains cas, sacrifié à cette idée séduisante, mais<br />
erronée, que le pouvoir a le moyen d'imposer, par la seule vertu<br />
de textes impératifs et par la contrainte, des mesures contraires<br />
aux réalités économiques ou aux tendances en apparence irrai<br />
sonnées des foules,<br />
au lieu de pénétrer jusqu'à ces réalités et<br />
aux causes profondes de ces tendances. Au surplus, dans les<br />
circonstances que nous venons d'exposer,<br />
cette illusion n'a pas<br />
eu de conséquences très regrettables, mais il n'en est pas moins<br />
certain qu'il fallut près de vingt années pour assurer en Algérie<br />
la prédominance de la monnaie française dans la circulation<br />
locale.<br />
(1) P. Eudel,<br />
op. cit., p. 112 et 267.
LES BESOINS<br />
DE CRÉDIT<br />
DU COMMERCE<br />
ALGÉRIEN<br />
APRÈS 1830.<br />
- 70<br />
11<br />
LE CRÉDIT<br />
Il fallut une période d'égale durée pour doter l'Algérie d'un<br />
établissement d'émission chargé d'assurer la circulation fidu<br />
ciaire et de régulariser la distribution du crédit. Il était néces<br />
saire, pour qu'un tel établissement pût être créé,<br />
que le com<br />
merce fût lui-même plus actif qu'il ne l'était au moment de<br />
l'occupation et que ses besoins se révélassent plus importants.<br />
Le commerce intérieur,<br />
portant sur des denrées alimentaires,<br />
fut le premier à prendre une certaine ampleur,<br />
en raison du<br />
ravitaillement des troupes, mais il s'agissait là surtout de<br />
transactions au comptant qui avaient principalement de l'in<br />
fluence sur la circulation monétaire métallique et ne soulevaient<br />
pas de problème bancaire proprement dit.<br />
Le commerce extérieur fut plus long à sentir l'influence favo<br />
rable de l'occupation française. En 1830, les importations<br />
s'élevaient à 6.250.000 francs et les exportations à 850.000<br />
francs. Les besoins de l'armée devaient rapidement développer<br />
les importations. Peu à peu, les exportations prirent à leur tour<br />
un essor intéressant, bien qu'elles ne fussent alimentées que<br />
par quelques-uns seulement des produits indigènes (huiles, cire<br />
jaune, plumes d'autruches, kermès, essence, tissus de soie, tapis<br />
de laine, maroquin, laines), les céréales étant utilisées sur<br />
place. En 1835, les importations avaient à peu près doublé,<br />
les exportations triplé ; en 1850, les premières sensiblement<br />
décuplé, les secondes avaient suivi une progression plus rapide<br />
et atteignaient 10 millions.<br />
Pélissier de Reynaud évalue, en 1836, dans Les Annales<br />
Algériennes, les capitaux circulant sur la place d'Alger à un
— — 71<br />
million, dont une bonne moitié provenait de la solde des troupes ;<br />
la richesse commerciale d'Alger se serait élevée à 12.300.000<br />
francs répartis entre plus de 2.000 négociants et marchands (1).<br />
En 1850, les transactions intérieures auraient atteint, en Algérie,<br />
30 millions environ. Ce sont là des chiffres qui ne doivent être<br />
retenus qu'à titre d'indication. Les statistiques,<br />
même établies<br />
sur des données officielles, doivent être consultées avec une cer<br />
taine prudence et l'on ne saurait admettre, sans les plus expresses<br />
réserves, les chiffres qui prétendent représenter,<br />
non pas la<br />
valeur de marchandises passant en douane ou le montant d'opé<br />
rations inscrites dans des bilans publiés, mais le mouvement<br />
même des capitaux engagés dans toutes les opérations commer<br />
ciales du pays.<br />
Ce qui est certain, c'est que cette activité commerciale ne<br />
disposait à l'intérieur que de moyens rudimentaires de crédit<br />
et que les règlements s'y<br />
effectuaient presque exclusivement<br />
en monnaies métalliques, tandis qu'à l'extérieur, elle n'avait plus<br />
l'appui des grandes maisons israélites, dont les conditions d'exis<br />
tence se trouvaient modifiées. Mais, peu à peu,<br />
suivant la<br />
confiance, le crédit individuel se développait, les négociants<br />
faisaient crédit aux détaillants qui, eux-mêmes, accordaient des<br />
délais à certains de leurs acheteurs ; le nombre des effets de<br />
commerce créés en représentation des transactions augmentait<br />
et constituait une masse d'instruments de crédit en majeure<br />
partie inutilisée.<br />
D'autre part, l'occupation française introduisait, dans la pra<br />
tique, un moyen de paiement nouveau,<br />
qui fut bientôt employé<br />
dans les transactions journalières et dont le rôle allait s'affirmer<br />
au cours des années suivantes. C'étaient les traites que le Trésor<br />
(1) 60 négociants possédant 50.000 francs 3.000.000<br />
50 négociants possédant 20.000 francs 1.000.000<br />
800 marchands européens possédant 2.000 francs 1.600.000<br />
400 marchands juifs possédant 2.000 francs 800.000<br />
900 marchands maures possédant 1.000 francs 900.000<br />
Crédit 8.000.000<br />
Total 15.300.000<br />
A déduire pour mobilier ou propriété immobilière 3.000.000<br />
12.300.000
PROJETS<br />
DE CRÉATION<br />
DE BANQUES<br />
ALGÉRIENNES<br />
émettait, à dix jours de vue,<br />
saire à la trésorerie.<br />
- 72<br />
-<br />
pour se procurer l'aliment néces<br />
Les éléments d'une activité bancaire se constituaient donc ;<br />
mais, en fait, le véritable crédit n'était à la disposition que du<br />
petit nombre et il était très onéreux. L'usure demeurait la règle<br />
et le taux de l'intérêt courant s'en ressentait. En dehors même<br />
de toute pratique proprement usuraire, il restait excessif,<br />
atteignait souvent 36 % et, d'une façon normale,<br />
vers 24 %. Il ne faut pas y<br />
se tenait<br />
voir la seule conséquence d'une<br />
longue accoutumance des populations à l'usure ; le manque de<br />
confiance dans l'avenir de l'occupation française raréfiait le<br />
crédit comme il raréfiait la monnaie. Les capitaux hésitaient<br />
à s'engager et ne le faisaient qu'en prélevant une prime d'as<br />
surance contre le risque qu'ils redoutaient. D'autre part, l'excès<br />
d'audace de quelques esprits trop<br />
entreprenants et pressés de<br />
réussir, se livrant à des spéculations inconsidérées, contribuait,<br />
en provoquant des catastrophes individuelles répétées, à main<br />
tenir l'inquiétude des capitaux. Lorsque le maréchal Clauzel<br />
prit le gouvernement de la colonie, la confiance se raffermit et<br />
le taux courant de l'intérêt baissa quelque peu, jusqu'à 20 ou<br />
même 18 %. Une ordonnance du 7 décembre 1835 put même<br />
fixer à 10 % l'intérêt légal.<br />
Mais, en fait, l'usure ne pouvait être combattue et le taux<br />
de l'intérêt amélioré, que si des mesures étaient prises pour<br />
assurer à l'Algérie une organisation bancaire rationnelle ; et de<br />
ce côté on en demeurait aux projets et aux vœux.<br />
* *<br />
Dès la même époque, en effet, commença à se faire jour l'idée<br />
de la création d'une banque d'émission spéciale à l'Algérie ; cette<br />
idée se précisa assez pour que le maréchal Clauzel, en fé<br />
vrier 1836, étudiât un projet prévoyant l'octroi à une telle banque<br />
d'un privilège de 29 ans,<br />
et songeât à désigner un commissaire<br />
du gouvernement, son choix se portant éventuellement sur<br />
M. Darnaud (1).<br />
(1) Archives nationales F. 80-970. Lettre du maréchal Clauzel à M T5esazardi<br />
(22 février 1836).
- 73<br />
-<br />
Le projet n'était pas mûr et n'aboutit pas. Quelque temps<br />
après, en mai 1836, M. Tricou, négociant à Bordeaux, demanda<br />
l'autorisation de créer une « Banque Coloniale d'Alger » au<br />
capital d'un million, dont il avait rédigé les statuts et dont il<br />
définissait ainsi le rôle : « La Banque opérerait comme banque<br />
de dépôts, de circulation, d'escompte, de prêts sur consignation<br />
de valeurs mobilières et sur garanties hypothécaires. » Il pré<br />
voyait l'émission de billets à vue et au porteur de 25 francs,<br />
125 francs, 250 francs, le montant des billets ne devant pas<br />
dépasser le capital social. D'après une lettre adressée le 12 sep<br />
tembre 1836 par un notaire de Bordeaux, Me<br />
Oury,<br />
au maréchal<br />
Clauzel, MM. de Rothschild et Aguado auraient été disposés à<br />
souscrire un grand nombre d'actions et M. Jacques Laffitte<br />
aurait été le représentant de la Banque d'Alger à Paris. Un<br />
autre négociant de Bordeaux, M. Goupy, adressait au gouver<br />
nement général une demande analogue,<br />
en prévoyant une émis<br />
sion de billets ne devant pas excéder le double du numéraire<br />
en caisse. En décembre 1836, M. Tricou fit de nouvelles pro<br />
positions et amenda son projet, en y introduisant une dispo<br />
sition que l'on devait retrouver quinze ans plus tard dans les<br />
statuts de la Banque de l'Algérie : « Le montant des billets<br />
en circulation,<br />
en compte courant à vue,<br />
cumulé avec celui des sommes dues par la Banque<br />
raire existant matériellement en caisse. »<br />
ne pourra excéder le triple du numé<br />
Mais la création d'une banque d'émission dans un pays neuf,<br />
comme l'Algérie, inspirait des craintes aux pouvoirs publics ; le<br />
Conseil d'administration de l'Algérie examina les projets et les<br />
repoussa et, le 18 octobre 1837, le ministre de la Guerre, approu<br />
vant les conclusions de ce Conseil, les écarta définitivement en<br />
ces termes : « Il ne s'agit de rien moins pour ces banques que<br />
de l'émission de billets,<br />
ce qui constituerait un véritable papier<br />
monnaie et vous comprendrez aisément quels dangers entraîne<br />
rait une semblable création dans l'état actuel de l'Algérie et avec<br />
les ressources dont le pays dispose en ce moment. »<br />
D'autres projets virent le jour (1),<br />
concernant des banques<br />
(1) Projets Rolland, Mayron, Priollaud et Luce (1843), etc.. Archives na<br />
tionales F. 80-970. Voir à ce sujet, Douèl, inspecteur général des Finances,<br />
Un siècle de finances coloniales (1830-1930), Paris, Champion, 1930 (Col<br />
lection du Centenaire).
qui ne seraient pas chargées de l'émission de billets à vue et au<br />
porteur, mais qui, spécialisées dans le crédit algérien, devaient,<br />
dans la pensée de leurs auteurs, contribuer au développement de<br />
la- colonie et venir en aide au commerce. Le Conseil municipal<br />
d'Alger retint, parmi ces projets, celui qui concernait une caisse<br />
d'épargne et de prêts. Divers autres plans furent élaborés par<br />
l'initiative privée : banque de colonisation, banque hypothé<br />
caire, banque de consignation de marchandises. En 1841, la<br />
Chambre de Commerce d'Alger avait repris l'idée de la créa<br />
tion d'une banque spéciale à l'Algérie (Banque Algérienne).<br />
Aucun de ces projets n'aboutit ; sans doute étaient-ils trop<br />
hâtivement conçus, mais aussi furent-ils un peu légèrement et<br />
trop systématiquement écartés.<br />
Les seules mesures qui furent prises alors pour aider le com<br />
merce par le crédit n'eurent qu'une importance secondaire. La<br />
plus intéressante à signaler est l'établissement d'entrepôts de<br />
marchandises et la création de warrants transférables par endos<br />
(ordonnance du 4 novembre 1835 et arrêté du 2G mars 1837).<br />
Elle fut sans grande influence, et le commerce, privé des concours<br />
bancaires qui lui étaient nécessaires, connut des périodes par<br />
ticulièrement pénibles ; les erreurs des spéculateurs troublaient<br />
facilement une place mal organisée et le nombre des faillites<br />
augmentait sensiblement au cours de l'année 1844.<br />
A cette date, des négociants d'Alger, se rendant compte de la<br />
nécessité de disposer d'une banque favorisant la mobilisation<br />
des créances commerciales, voulurent réaliser la création de la<br />
Banque Algérienne, préconisée par la Chambre de Commerce<br />
d'Alger en 1841. Cette caisse d'escompte devait avoir un capital<br />
de 2 millions et recevoir le droit d'émettre des billets au porteur<br />
et à vue (1). Parmi les promoteurs de ce projet figuraient<br />
M. Cabanillas, secrétaire de la Chambre de Commerce, qui devait<br />
devenir plus tard directeur du Comptoir National d'Alger, et<br />
M. Edouard Lichtlin, Conseiller municipal d'Alger et Président<br />
de la Chambre de Commerce, qui devait être un jour le premier<br />
Directeur de la Banque de l'Algérie (2). Ils réunirent de nom-<br />
(1) L'acte de société fut passé en juillet 1844 en l'étude de M" Le<br />
Roy, à Alger. Cf. Archives Nationales F. 80-1872.<br />
(2) M. Lichtlin, négociant, banquier, importateur de farines de Livourne<br />
et de Trieste, consul général de Toscane, fut conseiller municipal depuis<br />
la création de la municipalité jusqu'en 1854 et président de la Chambre
— - 75<br />
breuses souscriptions à Alger même. Un autre projet, s'inspirant<br />
des mêmes principes, c'est-à-dire prévoyant également l'émission<br />
de billets de banque, fut établi en vue de la création d'une « Ban<br />
que Coloniale de l'Algérie ». (Projet Boensch).<br />
*<br />
D'autres se demandèrent si l'on n'obtiendrait pas de plus rapi<br />
des et de meilleurs résultats en faisant appel à la Banque de<br />
France, dont la situation était très forte.<br />
Le 8 avril 1844, M. Montaudon écrivait au maréchal Bugeaud<br />
pour demander la création d'une succursale de la Banque de<br />
France à Alger ; mais le gouverneur général répondait que « les<br />
statuts de cet établissement ne permettaient sans doute pas la<br />
réalisation d'un pareil projet ». L'obstacle auquel devait se heur<br />
ter cette réalisation n'était toutefois pas celui que pensait le<br />
maréchal. En effet, la loi du 30 juin 1840 et l'ordonnance du roi,<br />
en date du 25 mars 1841, avaient prévu et réglementé l'extension<br />
de la Banque de France et fixé les conditions d'établissement et<br />
de fonctionnement de comptoirs d'escompte placés sous sa direc<br />
tion immédiate et constituant de véritables succursales. Le<br />
gouvernement pouvait donc retenir cette idée et il la retint en<br />
fait après avoir écarté de nouveau les projets de création de<br />
banques spéciales,<br />
qui lui paraissaient « pleines d'incertitudes<br />
et de dangers ». Dès le mois de novembre 1844 il adressa à la<br />
Banque de France un émouvant appel lui demandant d'ouvrir un<br />
comptoir en Algérie (1). Dans la pensée du gouvernement, il<br />
de commerce de 1844 à 1850. H devint successivement président par<br />
intérim du Comptoir national d'escompte d'Alger, puis directeur de la<br />
Banque de l'Algérie, enfin vice-président du conseil d'administration du<br />
Crédit Industriel et Commercial à Paris et administrateur de la Société<br />
Algérienne.<br />
(1) Nous extrayons du très intéressant ouvrage de M. Gabriel Ramon :<br />
Histoire de la Banque de France d'après les sources originales (Ber<br />
nard Grasset 1929) le passage suivant :<br />
« C'est Soult, alors ministre de la Guerre, qui, plein de foi dans les<br />
destinées commerciales de l'Algérie, demanda à la Banque de créer ce<br />
comptoir... Marseille et Alger se disputaient, paraît-il, l'honneur de fonder<br />
cet établissement, mais les préférences du duc de Dalmatie allaient à la<br />
Banque de France. « La régénération du Nord de l'Afrique par la France,<br />
écrivait-il au gouverneur de la Banque, la fondation d'un royaume chré<br />
tien et français en Algérie est un grand fait historique ; elle rend au<br />
commerce du monde un vaste et magnifique territoire ; elle a détruit<br />
la piraterie ; elle a fait tomber une à une l'entrave des quarantaines<br />
exagérées ; en offrant aux esprits ardents et aventureux un noble but,<br />
INTERVEN<br />
TION DE<br />
LA BANQUE<br />
DE FRANCE.
—<br />
— 76<br />
s'agissait « d'un comptoir ordinaire qu'elle aurait alimenté avec<br />
ses ressources et dont elle aurait eu la direction exclusive, com<br />
me elle l'exerçait sur les comptoirs ordinaires, qui aurait été, en<br />
un mot, parfaitement identique à ces comptoirs ».<br />
La Banque de France entreprit cette étude avec le plus grand<br />
soin ;<br />
elle entendit les délégués du commerce d'Alger venus à<br />
Paris spécialement pour lui donner tous les renseignements<br />
nécessaires. Mais au sein du Conseil de Régence des divergences<br />
d'opinion ne tardèrent pas à se manifester. Certains Régents<br />
estimaient qu'il y avait, dans la situation de l'Algérie, dans son<br />
éloignement de la Métropole, dans la possibilité que les com<br />
munications fussent un jour interrompues, peut-être aussi dans<br />
la nature des affaires algériennes, des causes de danger, des<br />
risques excessifs pour la Banque.<br />
Dans un rapport présenté, le 13 mars 1845,<br />
au Conseil de la<br />
Banque de France, M. Legentil, Régent (1),<br />
de la question et passait en revue les diverses objections for<br />
mulées. Il émettait un avis favorable,<br />
exposait l'historique<br />
mais en l'enveloppant<br />
de prudence. Il rappelait qu'il s'était formé plusieurs compagnies<br />
pour créer des établissements d'émission spéciaux à l'Algérie<br />
sous forme de banques par actions; que les demandes d'auto<br />
risation avaient été présentées au gouvernement et que le pré<br />
sident du Conseil, le ministre des Finances et celui du Commerce,<br />
avaient engagé la Banque à prendre l'initiative de cette institu<br />
tion, en fondant elle-même un comptoir. Il faut, disait-il, agir<br />
au début du fonctionnement d'un pareil établissement avec une<br />
sage réserve, une prudente circonspection, faire sentir partout<br />
une action modératrice et moralisante. Il s'agissait, au surplus,<br />
de donner d'abord à la demande du gouvernement une réponse<br />
de principe : il a été reconnu, disait-il, que toutes dispositions à<br />
en donnant du travail à de nombreux ouvriers de la métropole, de l'Espa<br />
gne et des autres nations voisines de l'Algérie, elle fournit un nouvel<br />
aliment à leur commerce et contribue ainsi à fortifier les tendances<br />
pacifiques de l'Europe. La Banque de France voudra s'associer à cette<br />
grande œuvre ; elle imitera les banques anglaises que l'on voit toujours<br />
prêtes à soutenir les colonies de la Grande-Bretagne ; elle nous prêtera<br />
son nom, son crédit, son appui, et, en s'assurant ainsi des bénéfices, elle<br />
rendra à la métropole un nouveau service par la moralisation du com<br />
merce algérien et le développement de toutes les entreprises qui peuvent<br />
nous dédommager de nos sacrifices et étendre la conquête morale des<br />
populations indigènes. »<br />
(1) Rapport de M. Legentil, 13 mass, 20 mars, 9 avril 1845, Paris im<br />
primerie Pion Frères 1845.
— — 77<br />
prendre relativement à l'organisation administrative, au plus ou<br />
moins d'extension à donner aux opérations futures du comptoir<br />
seraient ajournées jusqu'à ce qu'une étude faite sur les lieux<br />
mêmes « dans un voyage d'exploration entrepris dans ce but »,<br />
ait fait connaître les mesures d'exécution à adopter. Un point<br />
paraissait dès lors acquis « le taux d'intérêt, quel qu'il soit, qui1<br />
sera fixé pour l'escompte, offrira toujours par son excédent sur<br />
le taux habituel de la Banque de France une espèce de prime<br />
d'assurance contre les risques que peut faire courir l'établis<br />
sement d'une succursale à Alger ».<br />
L'étude faite par le Comité compétent du Conseil de la Banque<br />
de France fut laborieuse et prolongée et aboutit à un projet<br />
intermédiaire, conciliant, dans la mesure du possible, les deux<br />
tendances opposées qui s'étaient manifestées parmi les Régents.<br />
La Banque accepta de créer à Alger un comptoir à condition<br />
que le capital du nouvel établissement ne fût pas entièrement<br />
fourni par elle. Il ne s'agissait donc plus exactement d'une suc<br />
cursale de la Banque, d'un comptoir tout à fait semblable à ceux<br />
qu'elle établissait en France, mais, dirions-nous aujourd'hui,<br />
d'une sorte de filiale,<br />
direct.<br />
sur laquelle elle devait exercer un contrôle<br />
Dès le 26 mai 1845, le ministre des Finances put déposer à<br />
la Chambre des députés un projet de loi « relatif à la création<br />
d'un comptoir de la Banque de France à Alger ».<br />
L'exposé des motifs de ce projet de loi expliquait clairement<br />
la nécessité de la création de ce comptoir,<br />
au double point de<br />
vue de la circulation monétaire et de la distribution du crédit.<br />
Il disait notamment : « ...En Algérie, comme partout, les classes<br />
interposées entre le producteur et le consommateur, les inter<br />
médiaires obligés des échanges,<br />
suppléent par les ressources que<br />
leur offre le crédit, à l'insuffisance de leur capital. Le commerce<br />
en gros solde, en effet, à échéances plus ou moins éloignées, le<br />
prix des marchandises qu'il importe du continent. Le commerce<br />
de détail se libère de la même manière de sa dette envers le<br />
commerce de gros, tandis que les entrepreneurs de construc<br />
tions particulières et les fournisseurs de l'Administration se<br />
procurent une portion plus ou moins considérable du capital que<br />
réclament leurs acquisitions de matériaux et de denrées, en sous<br />
crivant des effets à terme qu'ils acquittent, soit avec le prix des
-<br />
— 78<br />
maisons, qui sont facilement vendues une fois bâties, soit avec<br />
les rentrées provenant du paiement de leurs fournitures par<br />
l'Administration. Alger, dont la population européenne s'élève à<br />
plus de 40.000 âmes,<br />
est le centre où viennent se liquider les<br />
opérations des villes du littoral. Ainsi la Chambre de Commerce<br />
d'Alger (1)<br />
admet que les 64 millions 1/2 de transactions qui<br />
ont eu heu dans la ville même en 1844,<br />
ont donné lieu à une<br />
création d'effets montant à 44 millions, dont une grande partie<br />
serait de nature à être admise par un comptoir de la Banque.<br />
Cette déclaration peut avec d'autant plus de raison être acceptée,<br />
que les formules de papier timbré qu'a débitées l'Adminis<br />
tration de l'Enregistrement en Algérie, pendant l'année 1844,<br />
représentent une somme d'effets à créer de<br />
au nombre de 45.300,<br />
46.430.000 francs. La masse des valeurs émises est d'ailleurs de<br />
beaucoup inférieure à celle des valeurs à émettre : les bonnes<br />
maisons qui vendent à terme ne s'empressent pas de se faire<br />
régler n'ayant aucun intérêt à conserver en portefeuille des effets<br />
qu'elles ne pourraient négocier qu'à 10 ou 12 %,<br />
car l'intérêt<br />
légal est de 10 % quand il n'existe pas de stipulation différente ;<br />
et l'intérêt courant varie suivant les localités de 10 à 25 %. Il<br />
en sera tout autrement quand elles pourront escompter les mêmes<br />
valeurs à un taux raisonnable... Une compagnie s'était formée<br />
pour solliciter l'exploitation d'une banque locale, mais quelque<br />
sécurité que parussent présenter, au point de vue commercial,<br />
les combinaisons financières des hommes honorables placés à la<br />
tête de cette compagnie, le gouvernement n'a pas cru devoir<br />
accueillir leur demande... Il a pris l'initiative d'une proposition<br />
directement faite à la Banque de France et tendant à l'établis<br />
sement d'un comptoir à Alger. »<br />
Ce fut M. Dufaure qui rapporta le projet le 14 juin ; ses<br />
conclusions étaient favorables, malgré une certaine opposition<br />
rencontrée à la Commission de la part de ceux qui estimaient<br />
que l'organisation du comptoir de la Banque de France était<br />
prématurée ; que, sous la forme à laquelle on s'était arrêté, on<br />
(1) « Quant à la circulation des billets, disait la Chambre de Com-<br />
inerce d'Alger dans une lettre adressée au gouverneur de la Banque de<br />
France, nous sommes convaincus qu'elle ne trouvera pas la moindre<br />
difficulté et que les billets de banque se substitueront immédiatement<br />
aux traites du trésor à dix jours de vue, qui aujourd'hui servent dans<br />
les transactions journalières et en facilitent le mouvement. »
— 79 —<br />
créait un établissement qui n'était pas une véritable succursale<br />
de la Banque et dont la fausse qualification devait tromper le<br />
public, et qu'enfin l'on ferait sortir ainsi la Banque de France<br />
des règles de prudence qu'elle s'était toujours imposées et « qui<br />
lui avaient valu l'estime et la confiance du monde entier ».<br />
La discussion à la Chambre des députés ne présenta pas d'in<br />
térêt particulier. Le projet fut adopté à la séance du 2 juillet.<br />
Transmis à la Chambre des pairs et rapporté devant cette Cham<br />
bre, dès le 10 juillet, par M. Lacoste, il fut adopté sans discussion<br />
le 12 et la loi fut promulguée le 19.<br />
Le comptoir de la Banque de France devait avoir un capital<br />
de 10 millions ; la Banque n'engageait sa propre responsabilité<br />
qu'à concurrence de 2 millions et devenait, pour cette somme,<br />
actionnaire du comptoir ; les 8 autres millions devaient être four<br />
nis par le public, avec droit de préférence pour les actionnaires<br />
de la Banque. L'article 5 de la loi stipulait qu'une ordonnance<br />
royale rendue, sous la forme des règlements d'administration<br />
publique, sur la demande du Conseil général de la Banque,<br />
déterminerait les conditions de l'émission des billets en Algérie,<br />
la constitution et la destination d'un fonds de réserve, enfin les<br />
modifications qui seraient rendues nécessaires aux dispositions<br />
des décrets du 18 mai 1808 et de l'ordonnance royale du<br />
25 mars 1841 régissant la Banque et ses comptoirs.<br />
Aucune hâte ne fut apportée à la rédaction de cette ordon<br />
nance. Les événements prenaient une tournure défavorable, qui<br />
donnait encore plus de force aux arguments des adversaires de<br />
l'ouverture en Algérie d'un comptoir d'escompte dépendant de<br />
la Banque de France.<br />
Celle-ci se préparait à développer progressivement son action<br />
sur toute la France ; elle sentait sa mission grandir et se trans<br />
former. Elle était à la veille de contrôler et de régler la<br />
distribution de tout le crédit en France,<br />
et elle se demandait<br />
si, au moment où elle devait appliquer, sur toutes les parties<br />
du territoire, les mêmes règles de sagesse qu'elle trouvait<br />
inscrites dans ses statuts, elle pouvait,<br />
au delà de la Méditerranée, modifier,<br />
pour étendre sa tâche<br />
en vue d'une opération<br />
spéciale, les textes qui fixaient ces règles. Elle redoutait de ne<br />
pouvoir surveiller efficacement un établissement éloigné d'elle
- 80<br />
-<br />
et dont les opérations ne devaient pas venir,<br />
comme celles des<br />
se centraliser dans le réservoir commun.<br />
succursales françaises,<br />
D'autre part, une crise d'ordre économique s'annonçait, la me<br />
nace d'événements politiques graves, le malaise précurseur de<br />
troubles révolutionnaires se faisaient sentir. L'année 1847 voyait<br />
les capitaux et le numéraire fuir de France, dans la crainte de<br />
la Révolution, et cet exode, en provoquant une crise de chômage,<br />
hâtait d'ailleurs le grand événement. Cette raréfaction du numé<br />
raire et cette diminution des capitaux disponibles s'étendirent<br />
à l'Algérie ; un grand nombre de colons,<br />
privés de travail ou<br />
de moyens d'action, durent rentrer en France. La population<br />
européenne de l'Algérie diminua cette même année 1847 de plus<br />
de 5.500 habitants,<br />
passant de 109.400 à 103.893.<br />
Le commerce algérien ne se préoccupait que plus activement<br />
de la suite que la Banque de France devait donner à la loi du<br />
19 juillet 1845,<br />
et la loi de finances du 9 août 1847 contint une<br />
disposition spéciale à ce sujet, inspirée par Garnier-Pagès,<br />
décidant que la Banque, de France perdrait la faculté qui lui<br />
avait été accordée de créer un comptoir à Alger, si cette création<br />
n'était pas réalisée au plus tard le 1er avril 1848 (1).<br />
Enfin, le 16 décembre 1847, l'ordonnance prévue par la loi<br />
(1) Diverses publications saisirent de la question l'opinion publique<br />
algérienne. L'une d'elles, intitulée Le Crédit en Algérie, par Henry<br />
Roubière (Alger 1847), portait en tête cette devise : « L'Algérie a été<br />
baptisée dans le sang ; elle a été arrosée par nos sueurs et elle demeure<br />
ingrate. Pour qu'elle devienne féconde, il faut encore qu'à l'aide du crédit<br />
le capital s'y répande partout comme une rosée bénie » (extrait du<br />
Journal d'un colon). L'auteur déclarait que le moment était venu d'or<br />
ganiser le crédit en Algérie, il déplorait que la Banque de France<br />
mît peu d'empressement à établir un comptoir à Alger. Il disait que l'or<br />
ganisation du crédit ne saurait consister dans l'établissement d'un comp<br />
toir d'escompte à Alger, mais dans un système large de banques et de<br />
caisses hypothécaires sagement distribuées dans les principales localités<br />
du pays « pour faire rayonner partout la vie et la chaleur ». Il proposait<br />
d'affecter à la création d'une banque les sommes que le maréchal Bugeaud<br />
voulait consacrer à la colonisation. Dans un Mémoire sur le comptoir<br />
de la Banque de France qui va être établi à Alger, adressé au gou<br />
verneur de la Banque, l'auteur, M. Duchesne, insiste sur la nécessité pour<br />
la Banque de France d'accepter du papier à deux signatures et de faire<br />
participer les colons proprement dits (grands et petits agriculteurs) aux<br />
bienfaits du comptoir d'Alger, ce qui était à ses yeux « la plus délicate<br />
mais la plus importante des questions » qu'il s'était proposé de traiter.<br />
« Tout le monde en convient, disait-il, parce que c'est l'évidence même :<br />
Si l'on ne parvient pas à résoudre le problème ardu de la colonisation,<br />
c'est-à-dire de la culture du sol de l'Algérie, il faut désespérer de l'avenir<br />
de la colonie. »
— 81 -<br />
du 19 juillet 1845 fut rendue. Elle autorisait la Banque de France<br />
à émettre 8.000 actions du comptoir d'Alger,<br />
au capital de<br />
1.000 francs chacune. Le montant des billets émis par le comp<br />
toir, cumulé avec celui des sommes dues à des tiers en compte<br />
courant à vue,<br />
ne pouvait excéder le triple du numéraire en<br />
caisse. Pour le surplus, les opérations devaient être les mêmes<br />
que celles de la Banque de France. A l'assemblée des actionnaires<br />
de la Banque de France du 27 janvier 1848, le gouverneur<br />
annonça cet événement en ces termes : « L'ordonnance régle<br />
mentaire relative au comptoir mixte d'Alger, dont la rédaction<br />
avait suscité tant de controverses et de difficultés, a été pro<br />
mulguée le 27 décembre dernier. La Banque reçoit en ce moment<br />
les souscriptions des actionnaires et elle accélère de tout son<br />
pouvoir l'organisation de cet établissement ; bientôt les vœux<br />
de la colonie seront satisfaits. » Peu de temps après, une ordon<br />
nance royale nomma M. Sabatault, ancien négociant, juge au<br />
tribunal de commerce d'Alger,<br />
hospices de cette ville,<br />
Banque de France.<br />
membre de la Commission des<br />
directeur du nouveau comptoir de la<br />
Mais les événements politiques se précipitaient et, dans la<br />
^tourmente, les bonnes résolutions de la Banque de France<br />
vis-à-vis de l'Algérie allaient être emportées elles-mêmes. La<br />
Révolution éclata. Un trouble profond se manifesta dans toutes<br />
les transactions, affecta la circulation monétaire, à tel point qu'il<br />
fallut décréter le cours forcé le 15 mars 1848,<br />
et le terme fatal<br />
du 1er avril passa sans que la Banque eût usé de la faculté que<br />
lui avait accordée la loi (1). Puis, au mois de juillet 1848, les<br />
journaux annoncèrent que le Conseil de Régence de la Banque<br />
de France avait décidé de renoncer à la création du comptoir<br />
d'Alger et de rembourser les actionnaires sous déduction des<br />
frais . (2) Le 25 janvier 1849, devant l'assemblée des actionnaires<br />
(1) L'émission des actions avait commencé fin décembre 1847 dans<br />
des conditions assez défavorables. Au 24 février 1848 les versements<br />
effectués ne montaient encore qu'à la somme de 3.437.000 francs. La<br />
révolution arrêta les paiements.<br />
(2) Au bilan hebdomadaire de la Banque de France, nous trouvons<br />
en avril 1848 et jusqu'au mois d'août deux rubriques relatives au comptoir<br />
d'Alger :<br />
A l'actif « Intérêts dans le comptoir d'Alger » : 1.000.000 (soit la<br />
moitié de la somme que la Banque devait souscrire).<br />
Au passif « Comptoir d'Alger, somme non employée en bons du tré-
LE TAUX<br />
D'INTÉRÊT<br />
EN 1848.<br />
— — 82<br />
de la Banque de Prance, le gouverneur déclarait : « Fallait-il<br />
demander un sursis à la déchéance ? » La Banque hésitait. Plu<br />
sieurs souscripteurs, et notamment les actionnaires d'Alger,<br />
réclamèrent leur remboursement. Cette circonstance décida de<br />
la question. Le comptoir fut liquidé avant d'avoir pu fonction<br />
ner (1). Le commerce algérien en éprouva un grand décourage<br />
ment disait, en 1849, M. Laya, au Conseil municipal d'Alger, en<br />
rappelant les vains efforts faits jusque là pour doter l'Algérie<br />
d'une banque d'escompte et de réescompte.<br />
*<br />
* *<br />
Cependant les événements politiques avaient une grande<br />
répercussion en Algérie ; les capitaux se cachaient, le taux de<br />
l'intérêt s'élevait brusquement dans des proportions telles que<br />
le gouvernement crut devoir intervenir ; le 4 novembre 1848,<br />
sor » : un chiffre supérieur à un million et variant peu (au 3 août :<br />
1.109.638 fr. 19).<br />
En août, les rubriques changent de la façon suivante :<br />
ACTIF :<br />
17 août Intérêt dans le<br />
comptoir d'Alger<br />
Remboursement des<br />
actions du comp<br />
toir d'Alger<br />
24 août Intérêt dans le<br />
comptoir d'Alger<br />
Remboursement des<br />
31 août<br />
actions du comp<br />
toir d'Alger<br />
— Néant<br />
—<br />
1.000.000<br />
1.478.260<br />
1.000.000<br />
1.749.880<br />
PASSIF<br />
Somme non en<br />
core employée<br />
en bons du<br />
Trésor .... 1.214.596 54<br />
Comptoir<br />
ger<br />
d'Al-<br />
Liquidation du<br />
Comptoir d'Al-<br />
4.472.279 04<br />
Ser 1.283.204 »<br />
n , ,<br />
Peu à peu, la somme inscrite à cette dernière rubrique diminue, puis<br />
la rubrique elle-même disparaît.<br />
(1) D'après les journaux algériens, il semblerait que les actionnaires<br />
locaux eussent au contraire songé à exiger l'exécution des engage<br />
ments de la Banque de France. De véhémentes protestations s'élevèrent<br />
dans le pays : « Il faut, disait-on, mettre en demeure la Banque de<br />
commencer les opérations du comptoir qu'elle s'est obligée de fonder<br />
lger; Ily VUf, Ce point en&a&ement positif de sa part et cet engage<br />
ment résulte de l'ordonnance qu'elle a sollicitée pour être autorisée à<br />
fonder ce comptoir, ensuite vis-à-vis des actionnaires qui ont versé les
— — 83<br />
Cavaignac prit un arrêté aux termes duquel l'intérêt conven<br />
tionnel en Algérie ne pouvait, en aucun cas,<br />
légal,<br />
excéder le taux<br />
sous les peines portées aux articles 3 et 4 de la loi du<br />
3 septembre 1807. Cet arrêté fut rapporté par décret du pré<br />
sident de la République du 11 novembre 1849 et l'ordonnance<br />
de 1835 remise en vigueur. Cette mesure fut prise sur le rapport<br />
du ministre de la Guerre qui s'exprimait ainsi : « Cet arrêté,<br />
dicté évidemment par l'intention louable de diminuer l'usure, a<br />
complètement manqué son but,<br />
ou plutôt a été directement<br />
contre son but. Il n'a fait qu'aggraver le mal. D'une part, l'arrêté<br />
du 4 novembre 1848, aussitôt éludé que rendu, a donné lieu à une<br />
foule d'opérations dans lesquelles l'excédent d'intérêt a été<br />
frauduleusement dissimulé, de l'autre,<br />
gnant les capitaux,<br />
tendait à diminuer,<br />
il a été funeste en éloi<br />
en élevant leurs prix que la concurrence<br />
en nécessitant des actes simulés qui multi<br />
pliaient les frais. Sous l'empire de l'ordonnance de 1835 les<br />
placements étaient descendus successivement à un taux inférieur<br />
au taux légal. Sous l'arrêté du 4 novembre 1848 l'argent, déjà<br />
si rare, a presque disparu complètement et, malgré les peines<br />
édictées, l'intérêt des prêts qui s'effectuent aujourd'hui s'élève,<br />
en fait, à un taux fabuleux que l'on n'oserait citer. Déjà, par une<br />
délibération du 28 novembre 1848, les Chambres de Commerce<br />
d'Alger et d'Oran, présageant tous les dangers que l'arrêté<br />
du 4 du même mois devait apporter avec lui, avaient demandé<br />
avec chaleur le retour à l'ordonnance de 1835. Depuis, le mal<br />
n'a fait qu'empirer... »<br />
Là encore l'autorité pouvait mesurer combien est fragile,<br />
devant la force des réalités économiques, la barrière d'un texte<br />
qui ne tient pas compte de ces réalités.<br />
fonds dans ses mains et envers lesquels la Banque s'est engagée à fournir<br />
un million. » (Akhbar du 26 mars 1848.)<br />
« La Banque a-t-elle pu, par sa seule volonté, se déclarer déliée de<br />
tous engagements envers les actionnaires du comptoir ? On dit, pour<br />
l'excuser, que le général Cavaignac lui a mis le marché à la main :<br />
« Faites marcher le comptoir ou rendez l'argent. » Nous n'hésitons pas<br />
à penser que les actionnaires peuvent provoquer la constitution d'un tri<br />
bunal arbitral à Alger devant lequel ils pourront demander que la Ban<br />
que soit tenue d'exécuter la société, sinon de payer des dommages-intérêts<br />
aux actionnaires. Peut-être d'ailleurs obtiendront-ils que la Banque soit<br />
forcée d'exécuter le traité, et cela serait, quoi qu'on en puisse dire, très<br />
favorable au pays. » (Akhbar, 1" août 1848.)
— — 84<br />
De plus en plus s'imposait la nécessité de doter l'Algérie d'un<br />
organisme bancaire susceptible de régulariser le taux de l'intérêt<br />
et de distribuer le crédit avec ordre et sagesse. Puisque la Ban<br />
que de France n'avait pu donner suite au projet qui eût doté<br />
la colonie d'un comptoir dépendant d'elle, l'heure était venue d'y<br />
créer un établissement autonome.
[[<br />
LES MONNAIES FRANÇAISES<br />
INTRODUITES EN ALGÉRIE DE i83o à ,848<br />
OR
CHAPITRE III<br />
LE COMPTOIR NATIONAL D'ESCOMPTE D'ALGER<br />
et la<br />
CRÉATION DE LA BANQUE DE L'ALGÉRIE<br />
I* Le Comptoir National d'Escompte. Origine et utilité des<br />
Comptoirs Nationaux d'Escompte en 1848. Démarches en vue de la<br />
création d'un Comptoir National d'Escompte a Alger. Création du<br />
Comptoir National. Fonctionnement du Comptoir National.<br />
2" Création de la Banque de l'Algérie. —<br />
Modifications<br />
apportées<br />
en 1851 dans le régime douanier et dans celui de la Colonisation. L'idée<br />
s'impose de la nécessité d'une Banque d'émission spéciale a l'Algérie.<br />
Principes sur lesquels est fondée la Banque de l'Algérie. Projet de<br />
loi relatif a la création d'une banque d'émission spéciale a l'Algérie.<br />
Vote de la loi. L'Algérie accueille avec une grande satisfaction la<br />
promulgation de la loi.
LEjCOMPTOIR NATIONAL D'ESCOMPTE<br />
La Révolution de 1848, en aggravant la crise générale, provo<br />
— — qua en France de la part du gouvernement, l'adoption de<br />
mesures diverses, dont quelques-unes furent salutaires et de<br />
vaient avoir une heureuse répercussion en Algérie.<br />
Parmi ces mesures, on doit placer au premier rang la création<br />
de comptoirs nationaux d'escompte. Nous extrayons d'un opus<br />
cule publié en 1850 (1) par M. Cabanillas,<br />
qui devait être le<br />
premier directeur du Comptoir national d'escompte d'Alger,<br />
quelques passages qui caractérisent bien l'intérêt de cette créa<br />
tion et l'accueil que lui réserva l'opinion publique : « La pensée<br />
qui présida à la création des comptoirs nationaux d'escompte,<br />
dans un moment de bouleversement général qui avait paralysé<br />
toutes les sources du crédit, retiré la confiance, et qui menaçait<br />
d'une ruine complète le commerce et l'industrie du pays, fut une<br />
des plus fécondes, des plus heureuses qui puissent être citées,<br />
et dont l'histoire financière des nations offre bien peu d'exem<br />
ples. En effet, en se reportant par la pensée à la crise inouïe au<br />
milieu de laquelle le gouvernement provisoire fut chargé de<br />
conjurer le péril qui menaçait le commerce français, dans ce<br />
moment où les intermédiaires habituels des transactions com<br />
merciales, songeant à leur propre salut, refusaient d'escompter<br />
les valeurs, quelle que fût la solvabilité des signatures dont<br />
(1 ) Notes sur l'utilité des comptoirs nationaux d'escompte, etc., par<br />
M. N. Cabanillas, Alger, 16 janvier 1850, Imprimerie Rey, Delavigne et C°.<br />
— M. Cabanillas, ancien attaché au cabinet de 11. Trouvé-Chauvel, alors<br />
que celui-ci était ministre des Finances (1848), était banquier à Alger et<br />
membre-secrétaire de la Chambre de Commerce d'Alger.<br />
ORIGINE<br />
ET UTILITÉ<br />
DES<br />
COMPTOIRS<br />
NATIONAUX<br />
D'ESCOMPTE<br />
EN 1818.
— - 88<br />
elles étaient revêtues, au moment où les capitalistes, effrayés<br />
par les éventualités qui menaçaient leur fortune,<br />
ne songeaient<br />
qu'à la mettre à l'abri de la tourmente révolutionnaire qu'on<br />
redoutait, on ne peut s'empêcher d'admirer la promptitude avec<br />
laquelle furent organisés ces instruments nouveaux de crédit<br />
et l'efficacité du remède qui a tant contribué au rétablissement<br />
de la confiance publique. »<br />
L'organisation des comptoirs nationaux d'escompte s'inspirait<br />
d'un précédent remontant à la Révolution de 1830. A cette<br />
époque, le baron Louis avait déposé un projet de loi tendant<br />
à garantir, au nom de l'Etat, les prêts faits au commerce et à<br />
l'industrie, jusqu'à concurrence de 60 millions (18 septem<br />
bre 1830). Sur la proposition de Duvergier de Hauranne, ce pro<br />
jet fut modifié et la loi du 17 octobre 1830 autorisa l'Etat à<br />
prêter lui-même au commerce et à l'industrie 30 millions. Pour<br />
assurer l'application de cette loi,<br />
un comptoir d'escompte fut<br />
créé à Paris, en vertu d'une ordonnance royale du 26 octobre ;<br />
il était dirigé par un comité spécial, et il avait pour mission<br />
d'escompter, dans des conditions déterminées, des effets de<br />
commerce au moyen des fonds que lui versait le Trésor. En<br />
décembre 1830, la ville de Paris fut autorisée à donner sa<br />
garantie à la Banque de France, à l'effet de concourir, de concert<br />
avec le Trésor, au développement du comptoir. Cet exemple fut<br />
suivi en province et une dizaine de comptoirs furent créés dans<br />
les départements. Ces institutions, établies provisoirement pour<br />
résoudre des difficultés de l'heure, ne devaient avoir et n'eurent<br />
effectivement qu'une durée éphémère. Le Comptoir de Paris fut<br />
supprimé au bout de vingt-trois mois. Le précédent vint à l'esprit<br />
des membres du gouvernement provisoire lorsqu'ils se trouvèrent<br />
en face des difficultés dont parlait avec tant d'émotion M. Caba<br />
nillas,<br />
et c'est ce qui explique la promptitude avec laquelle ils<br />
prirent, à ce moment, les décisions nécessaires que la Banque de<br />
France avait d'ailleurs préconisées dès le début de la Révolu<br />
tion (1).<br />
On connaît les principes sur lesquels reposait l'organisation<br />
des comptoirs nationaux créés par décret du 7 mars 1848.<br />
(1) Cf. Ramon : Histoire de la Banque de France, livre III, page 219.
— — 89<br />
C'était des sociétés de capitaux, mais dont le capital était<br />
fourni par tiers, par l'Etat,<br />
par les départements et les com<br />
munes et par des souscripteurs. La part de l'Etat était constituée<br />
en bons du Trésor,<br />
celle des départements et des communes<br />
par des obligations remises à titre de garantie,<br />
celle des parti<br />
culiers par du numéraire, dont, en pratique, un quart seulement<br />
fut versé. L'Etat et les villes et départements consentaient à<br />
supporter les pertes pour les deux tiers, tandis que les bénéfices<br />
étaient intégralement laissés aux actionnaires. Ces comptoirs<br />
devaient faciliter la circulation des valeurs commerciales et<br />
obvier ainsi à la disparition du numéraire, tout en évitant la<br />
création d'une monnaie de papier d'Etat. Ils donnaient sur les<br />
effets de commerce la troisième signature nécessaire pour les<br />
rendre bancables et y<br />
ajoutaient ainsi leur caution.<br />
Un réseau de comptoirs couvrit la France. En trois mois il<br />
en fut créé soixante-quatre, qui furent en relations constantes<br />
les uns avec les autres et devinrent réciproquement débiteurs<br />
ou créditeurs, de telle manière que, si un comptoir avait encaissé<br />
des fonds pour le compte d'un autre qui n'en avait pas l'emploi,<br />
il pouvait avec ces fonds venir en aide à ses propres clients.<br />
Les comptoirs assuraient donc au commerce, en ce qui concerne<br />
la circulation des capitaux, les mêmes avantages que les banques<br />
à succursales multiples, et c'était là, en période de crise, un très<br />
important résultat.<br />
Les comptoirs, complétés par des sous-comptoirs de garantie<br />
spécialisés dans tel commerce ou telle industrie, n'étaient consi<br />
dérés que comme des banques nationales temporaires, destinées<br />
à remplacer pour l'escompte les banquiers défaillants, et leur<br />
existence n'était prévue que pour trois années. Leur rôle fut<br />
efficace ; toutefois,<br />
en présence de l'insuffisance des premières<br />
souscriptions, l'Etat dut accentuer son intervention et constituer<br />
une dotation dite « du petit commerce » qui s'éleva à 60 millions<br />
mis, sous forme de prêts, à la disposition des comptoirs.<br />
La crise revêtait d'ailleurs une forme particulièrement sérieuse<br />
en France ; la Banque de France, qui venait cependant d'étendre<br />
ses opérations en absorbant les anciennes banques départemen<br />
tales,<br />
voyait le montant annuel de ses escomptes tomber de près<br />
d'un milliard à environ 600 millions et les banques particulières,
'MARCHES<br />
1 VUE<br />
: la<br />
'ËATION<br />
UN<br />
hMPTOIR<br />
S.TIONAL<br />
ESCOMPTE<br />
ALGER.<br />
- 90<br />
-<br />
encore inquiètes de la marche des événements et sous le coup<br />
de la crise économique de 1847 et des bouleversements politiques<br />
de 1848, demeuraient sur la réserve.<br />
*<br />
A Alger, la situation était encore plus grave. La crise avait<br />
commencé dès les premiers mois de 1846 et devait être attribuée<br />
en particulier au développement inconsidéré des spéculations sur<br />
les terrains et de toutes les industries qui s'y<br />
rattachent. « Il<br />
n'y a plus aujourd'hui, disait le journal YAkhbar, d'industrie<br />
prospère que celle de la fabrication des cigares. » Les maisons<br />
atteintes n'avaient pas de réserves ;<br />
elles étaient hors d'état<br />
de supporter un choc un peu rude. 85 faillites avaient été pro<br />
noncées en 1846, 148 en 1847 et 14 dans les deux premiers<br />
mois de 1848. M. Cabanillas en donnait ainsi l'explication (1) :<br />
« Les commerçants et les industriels qui sont venus habiter<br />
la colonie possédaient, en général,<br />
peu de ressources pécuniai<br />
res ; ils avaient donc besoin de trouver un appui qui leur permît<br />
de multiplier ces ressources à des conditions de banque leur<br />
laissant une marge convenable pour prix de leur travail, et ceux<br />
qui avaient recours au crédit se voyaient exploités par les prê<br />
teurs qui ne consentaient à leur venir en aide qu'à des conditions<br />
tellement onéreuses qu'elles absorbaient,<br />
non seulement les<br />
bénéfices qu'avait pu réaliser l'emprunteur, mais encore une<br />
partie de son capital primitif, déjà trop<br />
restreint pour le mou<br />
vement de ses opérations. De là des catastrophes particulières<br />
qui bientôt après sont devenues générales et qui avaient fini<br />
par entraîner dans une chute commune et les exploitants et<br />
les exploités ; de là cette position critique qui faisait désespérer<br />
de l'avenir commercial et industriel de la colonie... Quel est le<br />
commerce, quelle est l'industrie capables de prospérer en servant<br />
des intérêts à raison de 2 ou 3 % par mois ? »<br />
Le crédit n'avait peut-être pas été assez mesuré aux spécula<br />
teurs et ils l'avaient payé cher ; à ce double titre, il leur avait été<br />
nuisible ; le commerce sérieux avait ressenti le contre-coup de<br />
cet état de choses, et cette crise donnait une nouvelle preuve<br />
(1) Cabanillas, ibid., page 17.
— — 91<br />
du danger que faisait courir à la colonie l'absence d'un établis<br />
sement capable de régulariser la distribution du crédit et de<br />
modérer le taux de l'intérêt. De nouveau, les Algériens repre<br />
naient l'idée de la création d'une banque jouissant de la faculté<br />
d'émettre des billets, et M. Lichtlin recommençait, en avril 1848,<br />
la campagne qu'il avait menée dès 1844 à ce sujet (1). Il donnait<br />
le titre de Comptoir national d'escompte à la future institution<br />
qu'il entendait organiser avec le triple concours de l'Etat, de la<br />
commune et des particuliers,<br />
subordonnant toutefois son fonc<br />
tionnement au droit d'émettre des billets. A peu près à la même<br />
date, de son côté, « le citoyen Robert, huissier », faisait apposer<br />
sur les murs d'Alger une affiche par laquelle il invitait ses<br />
concitoyens à le seconder pour l'établissement d'un comptoir<br />
d'escompte à Alger, indépendant de celui de la Banque de<br />
France,<br />
qui n'avait pas alors fait connaître son abandon définitif.<br />
Ce comptoir devait prendre le papier à deux signatures et n'au<br />
rait guère différé des comptoirs nationaux métropolitains que<br />
par une disposition qui laissait aux actionnaires le risque des<br />
premières pertes, dont ils étaient exonérés par la législation<br />
française.<br />
L'idée qui dominait l'esprit des hommes d'affaires ayant,<br />
comme M. Litchlin, réfléchi sur la nécessité de mettre à la<br />
disposition de la colonie un organisme de crédit doté de puis<br />
sants moyens d'action, était que seule une banque d'émission<br />
pourrait disposer des ressources indispensables. Aussi consa<br />
craient-ils tous leurs efforts à faire triompher cette idée et<br />
combattaient-ils au besoin tout projet qui ne s'en inspirait pas.<br />
Ils décidèrent le gouverneur général à agir et celui-ci convoqua,<br />
dans les premiers jours d'avril, le maire et la Chambre de Com<br />
merce. Au cours de cette réunion, il fut convenu que le projet<br />
de création d'une banque locale serait repris en suivant, dans<br />
leurs grandes lignes, les dispositions de l'acte de société passé<br />
en 1844 à Alger, devant le notaire Le Roy,<br />
sous l'inspiration<br />
de M. Litchlin. Le capital devait être divisé en 20.000 actions<br />
de 100 francs. La banque admettrait le papier à deux signatures<br />
et émettrait des billets de banque ayant cours légal et forcé<br />
dans la province d'Alger, le cours forcé étant toutefois supprime<br />
(1) Voir page 74.
— — 92<br />
pour les petites coupures de 25 francs. Le montant de l'émission<br />
ne devait pas dépasser le double du capital réalisé. Le directeur<br />
devait être nommé par l'Etat.<br />
Mais le gouvernement était engagé dans le système des comp<br />
toirs nationaux d'escompte, tels qu'ils fonctionnaient en France,<br />
et c'est sous cette forme qu'il lui parut convenable de donner<br />
au commerce algérien une aide dont il reconnaissait la nécessité.<br />
Il ne retint donc pas le projet soutenu par M. Litchlin et il<br />
décida la création d'un comptoir national à Alger ; sans attendre<br />
d'être certain que la ville d'Alger donnerait son concours à la<br />
constitution du nouvel établissement, il nomma,<br />
15 décembre 1848,<br />
de M. Cabanillas.<br />
par arrêté du<br />
un directeur provisoire en la personne<br />
Celui-ci s'employa, sans retard, à réunir les fonds nécessaires<br />
à la constitution du capital et entreprit,<br />
réalisation du projet,<br />
en faveur de la rapide<br />
une véritable croisade. Dès le 3 jan<br />
vier 1849, les statuts du futur comptoir étaient déposés chez<br />
Me Barrois ; dès le 4, les listes de souscriptions étaient ouvertes<br />
à la Chambre de Commerce et chez les membres provisoires du<br />
bureau : MM. Cabanillas, Gugenheim, Manager, Lacrocets et<br />
Villacroze. Il réunit bientôt plus de 100 souscripteurs pour<br />
un capital de 107.000 francs,<br />
qui fut porté peu après à<br />
120.000 francs, avec un total de 110 souscripteurs ; la somme<br />
était relativement importante pour cette époque troublée. Une<br />
assemblée des souscripteurs fut réunie dès le 7 janvier. Elle<br />
approuva les statuts provisoires, sous réserve de l'approbation<br />
de l'autorité supérieure. Mais le projet ne manquait pas d'adver<br />
saires résolus ; les uns —<br />
peut-être<br />
agissaient sans doute par intérêt,<br />
le plus grand nombre —<br />
craignant la fin d'un régime<br />
bancaire anarchique qui leur assurait le moyen de réaliser des<br />
bénéfices excessifs ; d'autres, comme M. Litchlin,<br />
se rendaient<br />
compte que la colonie devait être dotée d'un établissement ayant<br />
la faculté d'émission de billets de banque, et voulaient écarter<br />
une solution qu'ils jugeaient avec raison insuffisante, pensant<br />
hâter par là l'heure où une banque d'émission serait créée en<br />
Algérie ; d'autres, enfin, guidés également par le seul souci<br />
de l'intérêt général, témoignaient d'une prudence exagérée. Il<br />
leur apparaissait que le Comptoir d'Alger devrait, pour rendre
— — 93<br />
de réels services à la colonie, montrer dans l'application des<br />
règles de sagesse suivies par tous les comptoirs,<br />
une largeur<br />
d'esprit pouvant dépasser la juste mesure, de telle sorte que<br />
certains risques écartés ailleurs viendraient, dès le début, donner<br />
aux opérations faites à Alger un caractère de moindre sécurité.<br />
Ils prédisaient que le portefeuille comprendrait en majorité des<br />
effets de renouvellement et de circulation et du papier en ma<br />
jeure partie agricole, par là même immobilisé. Ceux qui avaient<br />
le souci de ne pas engager inconsidérément les deniers de la<br />
ville, et qui redoutaient de trouver là une source d'accroissement<br />
d'impôts, s'élevaient contre un projet qui comportait la garantie<br />
municipale. D'aucuns allaient même jusqu'à laisser entendre que<br />
les conseillers municipaux d'Alger seraient personnellement<br />
responsables des pertes que pourrait faire le Comptoir, si la ville<br />
se trouvait dans l'impossibilité de les couvrir. On prétendait,<br />
enfin, que le nouvel établissement, dont les frais généraux ne<br />
pouvaient manquer d'être élevés,<br />
ne trouverait pas d'aliment<br />
pour ses opérations et ne tarderait pas à perdre son capital.<br />
L'attitude réservée de certains pouvait s'expliquer à l'époque si<br />
troublée où la question se posait. En 1850, à l'assemblée des<br />
actionnaires du Comptoir, le rapporteur de la Commission de<br />
vérification des comptes le reconnaissait en ces termes : « Nous<br />
devons tenir compte aux hommes pratiques de leur adoration<br />
des choses qui existent et de leur défiance pour les nouvelles. »<br />
M. Cabanillas réfuta toutes les objections, montra comment<br />
les villes métropolitaines s'étaient résolument engagées dans la<br />
voie de la création de comptoirs nationaux d'escompte, et sur<br />
quels éléments d'activité pouvait compter le nouyel établis<br />
sement ; il comprima jusqu'à l'extrême la prévision des frais<br />
généraux qu'il fixa à 15.000 francs par an, de façon à démontrer<br />
qu'un comptoir serait viable à Alger. Il lui fallut un certain<br />
temps pour convaincre la municipalité,<br />
M. Laya,<br />
où il eut l'appui de<br />
qui se fit le défenseur du projet et où il fut vigoureu<br />
sement combattu par M. Lichtlin qui trouvait le projet insuf<br />
fisant,<br />
mal étudié et dangereux par là même (1).<br />
(1) M. Lichtlin soutenait que M. Cabanillas avait tort de prétendre<br />
que le nouvel établissement pourrait venir en aide aux colons. « Le<br />
papier des colons, disait-il, n'est créé qu'en vue d'un fait incertain, d'un
REATION<br />
V<br />
OMPTOIR<br />
ATIONAL.<br />
94 -<br />
C'est pour entraîner l'adhésion du Conseil que M. Cabanillas<br />
rédigea, le 3 juin 1849, la note dont nous avons analysé plus haut<br />
divers passages, et ce n'est que le 11 juillet que le Conseil<br />
municipal prit une délibération aux termes de laquelle il donna<br />
son concours pour le tiers du capital (1).<br />
Entre temps, les fondateurs du Comptoir avaient soumis au<br />
ministre des Finances les statuts provisoires et M. d'Artigues,<br />
délégué de celui-ci, en avait approuvé le texte ; la Banque de<br />
France et le Comptoir national d'escompte de Marseille avaient<br />
promis leur concours, en ce sens que la Banque de France, par<br />
sa succursale de Marseille,<br />
acceptait en principe de réescompter<br />
le papier du Comptoir d'Alger garanti par le Comptoir national<br />
d'escompte de Marseille.<br />
L'assemblée des actionnaires put voter le 20 juillet la cons<br />
titution du Comptoir. Les statuts définitifs furent déposés le<br />
25 juillet devant Me<br />
Barrois, notaire à Alger (2). On y peut<br />
lire que : « M. le Ministre des Finances a autorisé la création<br />
produit à créer ou à récolter et n'offre pas, dès lors, à la Banque cette<br />
certitude de rentrée qu'elle recherche dans le papier qu'elle admet à<br />
l'escompte. Si elle agissait, comme on semble le promettre, elle manque<br />
rait à sa mission, elle immobiliserait son capital et paralyserait ainsi<br />
son mouvement, en préparant sa ruine. » Il combattait avec la plus<br />
grande vigueur l'idée que le papier agricole pourrait être renouvelé une<br />
ou plusieurs fois. « ...Est-il besoin de vous dire, ajoutait-il, que c'est à<br />
la facilité irréfléchie avec laquelle nous avons admis les renouvellements<br />
qu'il faut attribuer, en grande partie, la crise immense que nous avons<br />
subie, parce qu'elle a forcé le crédit à sortir des limites du possible. »<br />
(1) Voir notamment les séances du Conseil municipal des 13 et 20 juin<br />
1849. La question fut très longuement examinée et discutée au Conseil. La<br />
décision fut approuvée par l'opinion publique qui avait hâte de voir<br />
enfin un projet aboutir : « Non seulement, disait le journal VAkhbar,<br />
le crédit est à naître en Algérie, mais la science du crédit, la science des<br />
affaires. Une institution toute modeste qu'elle soit, qui fournirait à tous,<br />
non seulement un point d'appui, mais l'exemple des règles à suivre dans<br />
les transactions de toute nature, serait un bienfait immense pour le pay3.<br />
La valeur des signatures, la sagesse et la loyauté des opérations que<br />
chacun suivra, seront mieux connues, mieux appréciées et ce sera un<br />
avantage pour tout le monde. Ceux qui connaissent la place de Paris,<br />
savent que l'immense utilité de la Banque de France ne consiste pas tant<br />
dans les facilités qu'elle a procurées à cette place par son crédit, par<br />
ses billets, que dans la direction sage, régulière et modérée qu'elle a<br />
obligé toutes les maisons de banque et de commerce en relations avec<br />
elle d'imprimer à leurs affaires. Son influence a été morale encore plus<br />
que financière, cela n'est pas douteux. »<br />
(2) Le dépôt fut fait par M. Lechene, maire d'Alger ; M. Cabanillas,<br />
MM. F.-B. Paysant, banquier et négociant ; C.-A. Villacroze, avocat ; L.-A.<br />
Laya, minotier, membre du Comptoir national ; Antoine Cautois, courtier
- 95<br />
—<br />
d'un comptoir national à Alger et,<br />
prenant en considération la<br />
situation difficile de la place, a promis, au nom de l'Etat, indé<br />
pendamment de la garantie du tiers du capital, de faire l'avance<br />
d'une somme de 100.000 francs en espèces. » La durée du<br />
Comptoir, prévue pour trois années,<br />
pouvait être prorogée du<br />
consentement des trois parties intervenantes. Le fonds social<br />
était fixé à 1.500.000 francs, et devait être fourni,<br />
un tiers par<br />
les actionnaires, soit 500.000 francs en numéraire, un tiers par<br />
la ville d'Alger en obligations, un tiers par l'Etat en bons du<br />
Trésor.<br />
L'acte constate que plus de 500 actions de 200 francs chacune<br />
sont souscrites et que, par suite, les opérations pourront com<br />
mencer, sans attendre la souscription totale du capital, aussitôt<br />
après le retour de l'approbation ministérielle.<br />
Ces opérations étaient ainsi précisées aux articles 7 et 8 des<br />
statuts : les opérations du Comptoir consistent dans l'escompte<br />
des effets de commerce payables en Algérie ou dans toute l'éten<br />
due de la France. Le Comptoir n'admettra à l'escompte que des<br />
effets de commerce revêtus de deux signatures au moins et dont<br />
l'échéance ne pourra excéder 105 jours pour le papier payable<br />
dans la ville ; 60 jours pour le papier payable en Algérie ;<br />
90 jours pour le papier payable dans les villes où il existera,<br />
soit une succursale de la Banque de France, soit un comptoir<br />
national d'escompte. Les autres articles des statuts reproduisent<br />
les dispositions ordinaires des statuts des comptoirs, telles<br />
qu'elles découlaient normalement des principes posés par le décret<br />
du 7 mars 1848.<br />
Par deux arrêtés du 27 août 1849, le ministre des Finances<br />
approuva définitivement les statuts et nomma M. Cabanillas,<br />
directeur définitif du Comptoir (1).<br />
de commerce, membre de la Chambre de Commerce ; J.-F. Fabre, négo<br />
ciant en vins, membre de la Chambre de Commerce ; Costes, membre<br />
de la Chambre de Commerce ; Gugenheim, négociant ; A.-A. Villiers,<br />
négociant et propriétaire, tous membres du Conseil d'administration du<br />
Comptoir, avec M. Descous, ancien négociant, membre du Conseil muni<br />
cipal, absent, en présence et avec le concours de M. Frédéric Lacroix,<br />
préfet du département d'Alger.<br />
(1) Les souscripteurs du Comptoir avaient, au cours de leur assemblée<br />
générale du 20 juillet, dressé dans l'ordre suivant la liste de trois candi<br />
dats présentés à l'approbation du ministre pour les fonctions de directeur :<br />
MM. Cabanillas, Villiers, Gugenheim.
FONCTIONNE<br />
MENT<br />
DU<br />
COMPTOIR<br />
NATIONAL.<br />
96<br />
* *<br />
Le 1er octobre 1849, le nouvel établissement commença ses<br />
opérations. Il avait donc fallu, pour réaliser le projet, environ<br />
une année après sa mise à l'étude à Alger et dix-huit mois après<br />
la création des comptoirs dans la Métropole.<br />
Ce Comptoir disposait d'un fonds de roulement assez faible.<br />
Le nombre des actions souscrites avait été définitivement de 622,<br />
représentant un capital de 124.400 francs, mais 482 actions seu<br />
lement furent payées, dont 69 par des indigènes. Le capital<br />
réalisé n'atteignit que 94.400 francs et les tribunaux décidèrent<br />
que les souscripteurs dissidents n'étaient pas tenus de remplir<br />
leurs engagements vis-à-vis du Comptoir.<br />
A cette somme de 94.400 francs, il y a lieu d'ajouter celle<br />
de 94.500 francs versée par l'Etat, à valoir sur le prêt subven-<br />
tionnel de 100.000 francs ; de telle sorte que les fonds dont<br />
disposait le Comptoir s'élevaient à 188.900 francs.<br />
Il pouvait augmenter sans doute assez sensiblement son fonds<br />
de roulement en faisant appel aux dépôts ;<br />
mais ses fondateurs<br />
étaient des hommes prudents et, s'ils connaissaient les avantages<br />
des ressources de cette nature, ils en redoutaient justement<br />
les dangers. Aussi se bornèrent-ils à les attirer avec mesure,<br />
c'est-à-dire en ne leur consentant qu'un intérêt relativement<br />
peu élevé pour l'époque et en prenant des précautions contre<br />
les retraits imprévus. Devant l'assemblée générale des action<br />
naires du 16 juillet 1850, le directeur s'exprimait ainsi à ce<br />
sujet : « La direction,<br />
connaissant tout le danger d'accepter de<br />
nombreux dépôts dont le retrait soudain, dans les moments de<br />
crise, peut causer les plus graves embarras à tout établissement<br />
de banque, n'a pas voulu accorder des intérêts élevés qui<br />
auraient attiré les capitaux ; ces intérêts sont servis au taux<br />
de 3 à 4 % l'an, et 5 % dans les cas exceptionnels de compte<br />
courant. Les conditions de retrait imposées aux déposants lais<br />
sent, en outre,<br />
au Comptoir assez de latitude pour se mettre<br />
en mesure de rembourser et pour être toujours maître de ses<br />
opérations, car pour retirer une somme de 5.000 francs on est<br />
tenu d'aviser un mois à l'avance. »<br />
Les dépôts s'élevèrent, au cours des huit premiers mois
— 97 -<br />
d'exercice à 166.800 francs. Ils figuraient au 30 juin 1850<br />
dans les écritures pour 63.000 francs. Le fonds de roulement<br />
se composait donc de moins de 300.000 francs,<br />
et le Comptoir<br />
n'avait guère la faculté d'augmenter ses ressources par le<br />
réescompte. Le directeur en faisait la remarque en ces ter<br />
mes : « Cette ressource si précieuse,<br />
qui donne tant de facilités<br />
aux comptoirs de la Métropole et qui leur permet de multi<br />
plier leurs opérations pour ainsi dire à l'infini, manque presque<br />
totalement au Comptoir d'Alger. Le papier qu'il escompte,<br />
étant tout payable dans la colonie et par de très petites<br />
coupures, ne peut être envoyé au réescompte en France, aussi<br />
n'avons-nous pu, pendant les neuf mois d'exercice, placer chez<br />
quelques rares disposeurs d'Alger que l'insignifiante somme de<br />
58.634 francs. » Le concours qu'il trouvait auprès des autres<br />
comptoirs et de divers correspondants particuliers était égale<br />
ment assez limité,<br />
puisqu'en juin 1850 les quarante comptoirs<br />
nationaux, avec lesquels il était en relations de comptes courants,<br />
n'étaient créditeurs que d'un montant total de 53.060 francs,<br />
et ses 199 correspondants particuliers que de 92.503 francs (1).<br />
Malgré l'étroitesse de sa trésorerie et ses moyens limités, le<br />
Comptoir rendit des services immédiats et importants. Dès<br />
juin 1850,<br />
son portefeuille comprenait 636 effets pour un mon<br />
tant de 375.500 francs ; la moyenne de chaque effet présenté<br />
s'était élevée à 651 francs environ. Le tiers des valeurs avait<br />
été présenté par des négociants indigènes. Les effets escomptés<br />
avaient été judicieusement choisis, grâce à une parfaite connais<br />
sance de la place de la part du Conseil d'administration qui, en<br />
dehors des fondateurs, comprenait un négociant indigène (2),<br />
et du Comité d'escompte composé de quinze membres dont cinq<br />
indigènes. Très peu de protêts durent être faits et le nombre<br />
des impayés fut tout à fait insignifiant.<br />
Le directeur pouvait, en toute justice, se féliciter des résultats<br />
obtenus : « Avec ces faibles ressources, le Comptoir national<br />
(1) Le Comptoir en maintenant ainsi ses comptes débiteurs chez les<br />
correspondants de la Métropole trouvait un bénéfice résultant de la dif<br />
férence entre le loyer de l'argent en France et le taux plus élevé de ses<br />
escomptes en Algérie.<br />
(2) Sadia-Lévi-Valensi, membre de la Chambre de Commerce.
— — 98<br />
d'Alger a entrepris la tâche difficile d'aider le commerce et<br />
l'industrie de l'Algérie, de contribuer à leur développement, de<br />
faciliter les liquidations et de faire baisser le taux de l'intérêt,<br />
dont l'élévation était une des principales causes de la gêne et<br />
des embarras qui arrêtaient tout progrès dans le pays. Les<br />
objections qui accueillirent nos débuts ont fait place, peu à peu,<br />
à la bienveillance, à la sympathie, et le commerce, en général,<br />
est venu nous demander les moyens d'action qui lui étaient<br />
nécessaires, moyens que le Comptoir lui a fournis avec empres<br />
sement dans la mesure de ses ressources, à des conditions qui<br />
témoignent du désir de ne prélever que la prime strictement<br />
nécessaire pour couvrir les frais d'administration (1). L'expé<br />
rience a démontré que le Comptoir était une institution utile ;<br />
elle a fait disparaître les hésitations qu'on éprouvait par la<br />
crainte qu'il n'y<br />
eût pas d'aliment à Alger pour son existence<br />
et les faits sont venus confirmer ce que j'avançais dès le prin<br />
cipe, à savoir : que l'établissement serait cause qu'on exigerait<br />
des acheteurs des règlements qui permettraient aux vendeurs<br />
de mobiliser des valeurs commerciales négligées jusqu'alors et<br />
qui paralysaient la majeure partie du crédit privé... Le Comp<br />
toir est non seulement utile au commerce et à l'industrie de<br />
la colonie, mais encore, dans sa toute modeste sphère, il contribue<br />
à rapprocher les indigènes de nous. Vous savez combien l'intérêt<br />
est un puissant mobile pour les Arabes, et ils fréquenteront<br />
d'autant plus nos marchés qu'ils seront plus certains d'y trouver<br />
un débouché pour leurs denrées ; lorsqu'ils seront convaincus<br />
qu'ils ont tout à gagner avec nous par le commerce, tandis qu'ils<br />
n'ont qu'à perdre par les armes,<br />
plus en plus suivies, de plus en plus amicales,<br />
nos relations deviendront de<br />
et les expéditions<br />
commerciales remplaceront les expéditions armées dont ils ont<br />
si souvent éprouvé les funestes effets.. Ainsi le Comptoir, en<br />
fournissant des capitaux au commerce,<br />
est l'intermédiaire paci<br />
fique, heureusement placé, comme un trait d'union entre la<br />
population européenne et les indigènes, pour opérer cette fusion<br />
vers laquelle doivent tendre tous nos efforts. »<br />
Quelque intéressants que fussent les résultats obtenus par<br />
(1) A cette date, le taux de l'escompte du Comptoir était de 8 %.
Ci^^<br />
— — 99<br />
le Comptoir, il fallait bien reconnaître que l'établissement nou<br />
veau était insuffisant pour répondre aux besoins réels d'un pays<br />
dont on entrevoyait déjà la future prospérité ; l'agriculture,<br />
notamment, restait en dehors de l'action immédiate du Comptoir<br />
et ne pouvait bénéficier de son influence bienfaisante que par<br />
des voies indirectes. Cette lacune avait été reconnue dès le<br />
premier jour. Si M. Lichtlin avait dénoncé l'impossibilité pour<br />
le Comptoir d'escompter le papier agricole (1), d'autres avaient<br />
estimé qu'une banque « qui refuserait de venir en aide à l'agri<br />
culture en Algérie ne remplirait que très imparfaitement le but<br />
de sa mission.. » (2) « qui peut douter, disait-on, que la signature<br />
d'un éleveur de bestiaux ne soit admise par la Banque de Rouen<br />
et de Caen, la signature d'un producteur de soie par la Banque<br />
de Lyon, d'un propriétaire de vignoble par la Banque de Bor<br />
deaux, lorsque ces signatures viennent d'hommes notoirement<br />
solvables et lorsqu'elles se présentent dans les conditions régle<br />
mentaires ? Un Comptoir d'Alger doit s'arranger pour procurer<br />
des facilités et des avances aux propriétaires des dattiers de<br />
Biskra,<br />
comme le font les banques d'Amérique à l'égard des<br />
planteurs de la Nouvelle-Orléans et de la Virginie. » Cette<br />
question,<br />
crédit en Algérie,<br />
qui devait jouer un si grand rôle dans l'histoire du<br />
ne manqua pas d'être signalée au Conseil<br />
municipal d'Alger par les promoteurs mêmes du projet de<br />
création du Comptoir. On passa outre,<br />
en disant : « Les statuts<br />
ont été faits pour les comptoirs nationaux de France et non<br />
pour l'Algérie ; mais le gouvernement sait très bien qu'ici tout<br />
est exceptionnel ; aussi ne se montrera-t-il pas trop rigoureux<br />
sur cette question. » En fait,<br />
aucune modification n'avait été<br />
apportée par le gouvernement aux statuts à ce sujet et, limité<br />
dans son action par l'insuffisance des ressources dont il disposait,<br />
le Comptoir l'était également par la rigueur des règles qui lui<br />
étaient imposées.<br />
C'est ce que déplorait, dans son rapport à l'assemblée des<br />
actionnaires du 16 juillet 1850, M. Canton, au nom de la Com-<br />
de vérification. Après avoir retracé la situation « du<br />
r page 93, note 1.<br />
hbar, le 24 juin 1849.
•- — 100<br />
pauvre laboureur qui n'a d'autres ressources que son travail<br />
et des cultivateurs entraînés à la ruine par les marchands<br />
d'argent qui prélèvent des taux usuraires », il ajoutait : « La<br />
situation de notre caisse et la nature de nos statuts ne nous<br />
permettent pas malheureusement de leur venir en aide. Mais<br />
émettre le vœu d'être affranchis<br />
nous désirons, dès aujourd'hui,<br />
de cette dernière entrave, afin que, si, un jour, nos fonds deve<br />
naient plus abondants,<br />
nous puissions également secourir l'agri<br />
culteur... » Et il concluait : « Un de nos plus grands capitaines<br />
avait adopté pour devise,<br />
en abordant cette terre qu'il devait<br />
illustrer par sa gloire et soumettre par ses armes : « L'épée et la<br />
charrue » ; aujourd'hui, tout en reconnaissant l'utilité des armes<br />
et leur heureuse influence pour la paix du pays et sa tranquillité,<br />
nous vous proposons l'alliance non moins utile de la charrue<br />
et du coffre-fort. » (1).<br />
Pour accroître ses ressources,<br />
avant de faire appel à une<br />
augmentation des souscriptions de capital en numéraire, le<br />
Comptoir s'adressa à l'Etat et lui demanda une nouvelle avance<br />
de 200.000 francs,<br />
en excipant de sa prospérité pour démontrer<br />
au Trésor qu'il ne courrait aucun risque. Mais l'Etat ne mit<br />
aucun empressement à répondre à cet appel. M. Cabanillas<br />
menaça de démissionner et ne demeura à son poste qu'après<br />
un vote de l'assemblée des actionnaires du 1er février 1851, qui<br />
prit la délibération suivante : « L'assemblée regarde comme non<br />
avenue la démission de M. Cabanillas, ou du moins ne la regarde<br />
pas comme définitive, persuadée qu'elle est que le gouvernement,<br />
dans sa sollicitude pour les intérêts du commerce algérien, en<br />
fera cesser les motifs en accordant le prêt subventionnel réclamé<br />
par ces mêmes intérêts. » (2).<br />
(1) En 1850,<br />
parut sous la signature A. F. un opuscule sur l'orga<br />
nisation de banques mutuelles en Algérie. L'auteur se préoccupait du<br />
crédit aux colons et pensait trouver une solution pratique de la question<br />
dans l'organisation d'une association entre propriétaires algériens pour<br />
la création d'une banque par province, dont le capital d'environ deux<br />
millions serait divisé par billets garantis par une hypothèque sur leurs<br />
immeubles. « Ces billets auraient cours en Algérie et seraient payables<br />
en France par les agents du Trésor public qui, au besoin, les renverraient<br />
en Algérie comme numéraire dans les caisses de l'Etat. »<br />
(2) Le 16 août 1851, le procès- verbal de la séance de la Chambre de<br />
Commerce d'Alger porte les remarques suivantes : « La nécessité d'une<br />
nouvelle subvention en faveur du Comptoir national d'Alger a été de<br />
nouveau, pendant cette session, l'objet d'une démarche de la Chambre.
M. Ed. LICHTLIN<br />
Premier Directeur de la<br />
Banque de l'Algérie<br />
f 1851-1359)
- toi<br />
-<br />
M. Cabanillas ne s'inclina que provisoirement et M. Lichtlin<br />
prit bientôt la direction intérimaire du Comptoir.<br />
L'activité du Comptoir, ainsi gênée dans son développement,<br />
ne s'en accentuait pas moins et, le 30 juin 1851, son portefeuille<br />
s'élevait à 457.000 francs.<br />
Mais ce chiffre même suffisait à lui seul pour établir que<br />
l'organisme créé en 1849, à titre temporaire, ne disposait pas<br />
des moyens d'action nécessaires et que le moment était venu de<br />
le transformer ou de le remplacer.<br />
Vous avez eu le regret de voir vos instances demeurer infructueuses mal<br />
gré le concours de M. le Gouverneur général, celui de M. le Préfet et<br />
tout le bon vouloir de M. le Ministre de la Guerre. Espérons que la pré<br />
sence à Paris de notre honorable collègue, M. le Directeur du Comptoir,<br />
pourra aplanir les difficultés d'exécution que rencontre la marche compli<br />
quée de cette affaire, qui exige le concert du Département de la Guerre<br />
et du Département des Finances. Toujours est-il qu'en attendant cette<br />
solution reconnue indispensable par l'Administration elle-même, le Comp<br />
toir national d'escompte d'Alger, réduit aux faibles ressources d'un capital<br />
de 200.000 francs, ne saurait répondre aux besoins ordinaires de la place<br />
et encore moins faire face au mouvement de fonds que réclame l'achat<br />
des huiles indigènes dont l'abondance donne, cette année, une animation<br />
si grande à nos relations avec Marseille. »
MODIFICA<br />
TIONS<br />
APPORTÉES<br />
EN 1851<br />
DANS LE<br />
REGIME<br />
DOUANIER<br />
ET DANS<br />
CELUI DE LA<br />
COLONISA<br />
TION.<br />
10:;<br />
n<br />
CRÉATION DE LA BANQUE DE L'ALGÉRIE<br />
Dès le début de l'année 1851,<br />
chacun pressentait que le déve<br />
loppement de l'Algérie allait entrer dans une phase nouvelle.<br />
La loi du 11 janvier 1851,<br />
en modifiant un régime douanier<br />
suranné, ouvrait le marché métropolitain aux produits naturels<br />
de la colonie, qui n'étaient plus traités en produits d'importation<br />
étrangère. L'Algérie devenait, comme le dit la circulaire de<br />
l'Administration des Douanes du 20 janvier 1852, une sorte<br />
d'annexé commerciale de la France. Les indigènes en profitèrent<br />
les premiers dans la vente des produits du sol, devenue plus<br />
rémunératrice. Les colons,<br />
encouragés par cette heureuse mani<br />
festation d'un esprit nouveau, multiplièrent leurs initiatives ;<br />
ils entreprirent des cultures riches, firent des essais de sérici<br />
culture encouragés spécialement par le gouvernement, plantè<br />
rent le tabac, tentèrent la culture du coton et créèrent les pre<br />
miers éléments d'un vignoble dont les débuts modestes ne lais<br />
saient toutefois pas prévoir l'admirable extension ultérieure.<br />
Cet essor était secondé également par un changement dans<br />
le système de la colonisation pratiqué par le gouvernement. On<br />
sait qu'aucun plan n'avait été élaboré à ce sujet, au moment<br />
de l'expédition de 1830, que les premiers colons furent même<br />
écartés ou rapatriés,<br />
que seule l'initiative de quelques person<br />
nalités énergiques et courageuses mettant en valeur, à leurs<br />
frais, des terrains voisins d'Alger, créa un mouvement qui<br />
obligea le gouvernement à s'occuper de réglementer la coloni<br />
sation.<br />
Le maréchal Clauzel fut le premier qui, en 1836, décida la<br />
création d'un centre de colonisation à côté du camp de Boufarik ;<br />
le colon recevait le terrain sans en acquitter le prix. Il demeurait
— — 103<br />
débiteur d'une redevance de deux francs par hectare, destinée<br />
à couvrir l'Etat de ses travaux préparatoires ; c'était là un pre<br />
mier essai de crédit officiel à la colonisation, à l'agriculture.<br />
On sait quelle fut l'issue malheureuse de cette tentative que<br />
vint ruiner l'insurrection de 1839. On se rappelle que le maré<br />
chal Bugeaud,<br />
qui voyait dans la colonisation l'auxiliaire de la<br />
conquête, et qui avait déclaré,<br />
en débarquant en février 1841 :<br />
« Je serai colonisateur ardent et j'attache moins de gloire à<br />
vaincre dans les combats qu'à fonder quelque chose d'utilement<br />
durable pour la France », avait établi un plan dont il pour<br />
suivait avec énergie l'application. Il fut conduit à donner aux<br />
colons un appui matériel et pécuniaire qui tenait plus de<br />
l'assistance que du crédit, mais qui comportait effectivement<br />
des prêts temporaires consentis par l'Etat. Le maréchal était<br />
d'ailleurs opposé à la grande colonisation ;<br />
il voulait peupler le<br />
sol et il ne voyait pas des propriétaires effectifs dans les grands<br />
concessionnaires capitalistes. Des essais de grande colonisation<br />
eurent lieu néanmoins à cette époque dans la province d'Oran<br />
sous l'inspiration du général Lamoricière, élève d'Auguste Comte<br />
et ami du Saint-Simonien d'Eichthal (1),<br />
ou dans la province<br />
de Constantine par le général Bedeau ; mais ils ne furent secon<br />
dés par aucune organisation de crédit et n'aboutirent point.<br />
Le décret du 26 avril 1851 organisa un nouveau régime de<br />
propriété qui, à la différence de celui qu'avait institué le maré<br />
chal Bugeaud, ne stipulait pas de condition suspensive ; l'acte de<br />
concession conférait la propriété immédiate du sol au colon, et<br />
celui-ci pouvait désormais obtenir du crédit sur la terre.<br />
D'autre part, des mesures étaient prises par le gouvernement<br />
pour combattre l'usure pratiquée sous forme de prêts sur gages<br />
et, dès le début de 1851, il fut question de la création d'un mont<br />
de piété à Alger, création qui fut réalisée l'année suivante (2).<br />
(1) L'Union Agricole d'Afrique fut fondée en 1846, sous l'inspiration<br />
d'Enfantin, par des disciples plus ou moins convaincus de Fourier, qui<br />
voulaient associer le capital au travail. Elle disposait de plus de 3.000 hec<br />
tares à Saint-Denis-du-Sig. La tentative échoua après avoir duré cinq<br />
ans. Jules Duval fut un administrateur de l'Union.<br />
(2) Le 12 janvier 1851 on lisait dans VAkhbar : « Une perquisition<br />
ayant eu lieu au domicile du sieur L..., prévenu de prêter sur gages, divers<br />
objets, tels que titres de propriété, quittances et argenterie ont été saisis<br />
et le procès-verbal de la saisie a été envoyé au parquet. Nous croyons
— - 104<br />
On commençait également à se préoccuper de la constitution<br />
d'une caisse d'épargne à Alger. « Ce qui a souvent manqué aux<br />
nouveaux colons arrivant dans le pays nantis de quelques res<br />
dire, en 1852,<br />
—<br />
sources, devait au moment de la réalisation<br />
de ces projets, le maréchal de Saint-Arnaud, ministre de la<br />
Guerre,<br />
— c'était<br />
un lieu sûr où ils puissent les déposer en<br />
attendant de pouvoir en faire un usage utile,<br />
c'était un moyen<br />
facile de mettre à l'abri l'argent gagné plus tard dans les tra<br />
vaux industriels,<br />
agricoles. » Des Algérois ouvrirent bientôt une<br />
souscription pour couvrir les premiers fonds d'une caisse d'épar<br />
gne et de prévoyance ; ils élaborèrent des statuts et les soumi<br />
rent au gouvernement. Ces projets ne devaient aboutir qu'un peu<br />
plus tard. Mais, dès le début de 1851, ces idées de prévoyance, de<br />
occupaient les<br />
protection de l'épargne, de lutte contre l'usure,<br />
esprits. On songeait même à créer une bourse à Alger (1).<br />
savoir que si une surveillance un peu active était exercée on découvrirait,<br />
surtout parmi la population juive, beaucoup d'individus qui se livrent à la<br />
coupable industrie du prêt sur gages et qui prêtent à des malheureux à<br />
des intérêts énormes. De pareils faits prouvent la nécessité de la création<br />
d'un mont-de-piété à Alger. Nous nous contenterons aujourd'hui de cons<br />
tater cette nécessité que nous tâcherons prochainement de démontrer<br />
plus catégoriquement. »<br />
Quelques jours après, YAkhbar revenait sur la question et disait notam<br />
ment (16 janvier 1851) : « A Alger, il existe des misères et des détres<br />
ses profondes et l'on ne peut s'empêcher de frémir quand on pense<br />
que ces détresses et ces misères sont abandonnées pieds et poings liés<br />
aux usuriers et aux prêteurs sur gages. Pour ne parler que de la popula<br />
tion musulmane qui, depuis deux ans, a été si affreusement décimée par<br />
le choléra et à laquelle l'Administration ne peut venir qu'incomplètement<br />
en aide, n'est-il pas douloureux de penser que des familles, entassées dans<br />
des réduits infects, n'ont d'autres ressources, pour nourrir des enfants et<br />
des vieillards, que de mettre en gage chez des Juifs les objets qui leur sont<br />
les plus indispensables, et cela à des intérêts tellement fabuleux qu'en<br />
quelques mois ils ont atteint la valeur du gage et que les emprunteurs<br />
n'ont rien de mieux à faire que de l'abandonner aux prêteurs. Si du<br />
moins U y avait à Alger un mont-de-piété, ces pauvres familles trouve<br />
raient à emprunter sur ces objets à un taux modéré et les conditions<br />
avantageuses de renouvellement qui leur seraient offertes les mettraient<br />
à même de n'être jamais réduites à aliéner leurs gages. S'il y avait eu<br />
un mont-de-piété, que de désastres commerciaux auraient pu être évités !<br />
Combien de petits négociants, en y déposant certains objets de quelque<br />
valeur, auraient réalisé la somme qui leur était nécessaire et se seraient<br />
mis au-dessus de la triste nécessité d'une faillite, en ne tombant pas aux<br />
mains des usuriers. »<br />
(1) Séance de la Chambre de Commerce du 16 août 1851 : « La Cham<br />
bre ne pouvait oublier la question si importante de la création d'une<br />
Bourse sur la place d'Alger. Elle a dû repousser encore l'objection sur<br />
laqueUe M. le Ministre persiste à vouloir motiver son refus et qui consiste
— — 105<br />
Ces mouvements d'opinion, ces modifications des systèmes<br />
douanier et de colonisation, le développement même de la mise<br />
en valeur de l'Algérie, ne faisaient qu'imposer plus nettement<br />
à tous les Algériens la pensée qu'il devenait nécessaire de doter<br />
la colonie d'une banque capable de remplir, dans le pays, la<br />
mission dévolue, dans la Métropole, à la Banque de France.<br />
M. Cabanillas et M. Lichtlin étaient cette fois d'accord pour<br />
reconnaître qu'il convenait de convertir le comptoir en banque<br />
d'émission. L'opinion publique les suivait : « Le Comptoir<br />
national d'Alger, disait YAkhbar, est déjà une base solide sur<br />
laquelle on peut s'appuyer. La conversion du Comptoir d'es<br />
compte d'Alger en une banque émettant des billets à cours<br />
forcé ou non forcé, serait une mesure si simple que, véritable<br />
ment, l'on ne comprend pas les motifs qui empêcheraient<br />
de l'adopter. C'est, du reste, ce qui a lieu partout. D'où est<br />
venue la Banque de France, créée en l'an VIII par le Premier<br />
Consul ? D'une caisse d'escompte qui remontait aux dernières<br />
années de la monarchie. Mais il y a mieux : on s'occupe à l'As<br />
semblée législative de la création de banques coloniales qui pour<br />
raient émettre des bons de 25 à 100 francs ; pourquoi ne songe<br />
rait-on pas à une institution semblable pour l'Algérie ? » (1).<br />
En 1852, M. Lichtlin, devenu alors directeur de la Banque<br />
de l'Algérie, expliquait ainsi comment l'idée de la création de<br />
la banque d'émission avait fini par s'imposer (2) : « La crise<br />
formidable que nous avons traversée à Alger, et dont toutes les<br />
plaies sont à peine cicatrisées, les ébranlements de la révolu<br />
tion de 1848, aussi bien que les anxiétés que la politique laissait<br />
planer sur la France en 1851, étaient des causes bien légitimes<br />
de doute sur l'opportunité et sur le succès de la création d'une<br />
banque en Algérie ; mais l'exemple du Comptoir national, qui<br />
avait surmonté les difficultés du présent et qui, dans sa sphère<br />
modeste, rendait de si utiles services, était un enseignement<br />
dans la crainte d'encourager en Algérie des spéculations hasardeuses sur<br />
les fonds publics et de priver ainsi le commerce et l'agriculture de capi<br />
taux dont ils ont grand besoin. »<br />
(1) Akhbar, 9 février 1851.<br />
(2) Première assemblée générale des actionnaires de la Banque de<br />
l'Algérie, novembre 1852.<br />
L'IDEE<br />
S'IMPOSE<br />
D'UNE<br />
BANQUE<br />
D'ÉMISSION<br />
SPÉCIALE A<br />
L'ALGËRIE.
PRINCIPES<br />
SUR<br />
LESQUELS<br />
EST FONDÉE<br />
LA BANQUE<br />
DE L'ALGÉRIE.<br />
— — 106<br />
que nous ne pouvions méconnaître. Invoquant l'expérience du<br />
passé et nous appuyant sur l'autorité des faits, nous pouvions<br />
montrer, d'une part, l'importance croissante de notre mouve<br />
ment commercial, les habitudes d'ordre et de régularité dans<br />
les transactions, l'exactitude remarquable dans les paiements<br />
et, d'un autre côté, les progrès de l'industrie et de l'agriculture<br />
algérienne, que la récente loi de douanes devait nécessairement<br />
faire grandir et prospérer. Il n'en fallait pas davantage pour<br />
convaincre le ministre éminent (1),<br />
de la France,<br />
qui dirigeait les finances<br />
que le moment était venu de remplacer le comptoir<br />
national, qui ne répondait plus aux besoins de la place, par<br />
l'institution plus large et plus féconde de la Banque. »<br />
Ht<br />
* *<br />
Toutefois, l'action de cette nouvelle banque ne pouvait pas<br />
s'exercer dans les mêmes conditions que celles de la Banque de<br />
France. Les hésitations de celle-ci, lorsque la loi lui avait donné<br />
la faculté de créer un comptoir à Alger, l'abandon qu'elle avait<br />
finalement fait de cette faculté en étaient une preuve très claire.<br />
Les règles qui convenaient à l'Algérie devaient tenir compte de<br />
la situation spéciale de la colonie ; elles devaient être plus souples<br />
que celles qui étaient imposées à la Banque de France ; elles ne<br />
pouvaient pas, non plus, être calquées sur le régime devant être<br />
appliqué aux banques instituées dans les vieilles colonies et dont<br />
le gouvernement poursuivait alors l'étude.<br />
D'une part, en effet, l'Algérie ne pouvait pas être comparée<br />
à la France ; elle était encore au début de sa mise en valeur,<br />
les capitaux français ne s'y engageaient qu'avec une certaine<br />
hésitation ; elle avait un grand besoin de crédit et les capitaux<br />
en avaient un non moins grand de sécurité ; il fallait établir<br />
définitivement la régularité dans les transactions,<br />
créer des<br />
habitudes de loyauté, imposer partout l'exactitude dans les paie<br />
ments, réaliser en un mot tout ce qui constitue ce respect de<br />
l'échéance sur lequel se fonde le bon renom d'un pays et qui<br />
assure son crédit. Il s'agissait donc de concilier, avec des règles<br />
(DM. Fould.
- 107<br />
_<br />
fermes et une méthode rigoureuse, les grandes facilités néces<br />
saires à une jeune colonie.<br />
D'autre part, l'Algérie ne pouvait pas être assimilée aux vieilles<br />
colonies. Certaines questions spéciales se posaient dans celles-ci<br />
et ne se retrouvaient pas en Afrique du Nord. La législation<br />
des banques coloniales,<br />
qui devait être fixée par la loi du<br />
11 juillet 1851, avait une origine toute particulière ;<br />
c'était une<br />
conséquence de la suppression de l'esclavage. Elle répondait à<br />
des conditions locales déterminées, à la nécessité d'assurer aux<br />
colons, privés du régime ancien de la main-d'œuvre coloniale, des<br />
compensations que l'on pensait trouver à la fois dans une indem<br />
nité et dans l'organisation de prêts sur récoltes pendantes. Une<br />
telle solution du problème bancaire ne pouvait suffire dans<br />
un pays dont le vaste territoire présente des climats et des<br />
cultures variés, qui avait un passé commercial et agricole, qui<br />
était habité par une nombreuse population singulièrement plus<br />
avancée dans la civilisation que les noirs des vieilles colonies.<br />
Nous détachons d'une note rédigée pour le ministre des<br />
Finances par M. Lichtlin, alors qu'il était directeur intérimaire<br />
du Comptoir national d'escompte, le 9 juillet 1851,<br />
certains pas<br />
sages qui précisent comment se posait alors en Algérie la<br />
question que les pouvoirs publics étaient appelés à résoudre.<br />
« C'est par la colonisation que se constituera sur des bases<br />
sérieuses le mouvement commercial algérien. Toute institution<br />
de crédit doit s'efforcer, dans les limites de son action, de favo<br />
riser la colonisation de l'Algérie... Le but de la Banque de<br />
l'Algérie est surtout de vivifier le crédit algérien ;<br />
si le petit<br />
et moyen commerce ne peuvent trouver en elle une ressource<br />
immédiate,<br />
son action sera singulièrement amoindrie. Mais jus<br />
qu'à ce jour les capitaux se sont-peu portés vers l'Algérie. Il faut<br />
les encourager et surtout les rassurer. lia confiance publique est<br />
profondément ébranlée par les commotions politiques et le mo<br />
ment est peu favorable à des appels de fonds qui doivent<br />
s'engager dans des affaires de longue haleine. »<br />
De ces prémisses, l'auteur tirait une double conclusion : 1° Il<br />
est nécessaire de ne pas exiger que les effets escomptés soient<br />
revêtus de plus de deux signatures. La troisième signature serait /<br />
onéreuse pour le commerce. « Croyez-le, disait-il au ministre, ce
— — 108<br />
qui importe à l'Algérie, le grand bienfait auquel elle aspire, c'est<br />
de l'argent à bon marché ; or,<br />
plus on multipliera les intermé<br />
diaires, plus on augmentera le loyer de l'argent » ; 2° Il est<br />
nécessaire pour donner confiance aux capitaux que l'Etat inter<br />
vienne dans la constitution de la banque, en y investissant des<br />
capitaux, en assurant, dans la répartition des bénéfices, une<br />
priorité en faveur des capitaux privés et en exerçant un contrôle<br />
sur la banque.<br />
Une question d'un autre ordre se posait, c'était celle de la mon<br />
naie. Des quantités considérables de numéraire avaient été<br />
exportées de France en Algérie depuis vingt ans ; il y avait<br />
intérêt à ce que le billet de banque prît, dans la circulation algé<br />
rienne, une place raisonnable.<br />
On avait, tout d'abord, dans une première rédaction du<br />
projet des statuts,<br />
paru négliger ce point de vue en prévoyant<br />
que le nouvel établissement serait une banque de prêts et d'es<br />
compte ; mais on dut reconnaître que cette définition était à<br />
la fois trop large, —<br />
puisqu'elle<br />
répétait les termes dont on<br />
s'était servi pour les banques coloniales alors qu'on ne pouvait<br />
songer à l'engager dans des opérations de prêts sur récoltes<br />
pendantes présentant en Algérie des risques spéciaux,<br />
— et<br />
trop restreinte, puisqu'elle négligeait un de ses rôles essentiels,<br />
ses attributions d'ordre monétaire : l'émission de billets de ban<br />
que. Elle fut donc définie : « Banque d'escompte, de circulation<br />
et de dépôts. »<br />
n Les deux missions principales (escompte et circulation) ainsi<br />
/ confiées à la Banque entraînaient la conciliation, dans ses sta-<br />
1<br />
tuts, de principes parfois assez différents, pour ne pas dire<br />
opposés. Comme banque d'escompte, elle devait être accueillante<br />
au papier commercial et maintenir un taux d'escompte modéré<br />
pour assurer une réduction des taux de l'intérêt pratiqués dans<br />
le pays, en vue de vivifier, comme disait M. Lichtlin, le crédit<br />
algérien. Comme banque d'émission, elle ne devait admettre dans<br />
son portefeuille que des effets d'une échéance courte, d'un paie<br />
ment certain, écartant, dans toute la limite du possible, tout<br />
risque d'immobilisation et elle devait déterminer le taux de l'es<br />
compte avec le souci de défendre la couverture des billets émis<br />
par elle et d'assurer la bonne qualité de la monnaie fiduciaire.
- 109<br />
-<br />
Les rédacteurs des statuts eurent la sagesse de s'inspirer de U<br />
ceux de la Banque de France qui, depuis cinquante ans, avaient 1/<br />
fait leur preuve, ayant permis à celle-ci de rétablir l'ordre dans la<br />
circulation monétaire et dans la distribution du crédit et de<br />
traverser, avec succès, des crises graves. Ils ont, toutefois,<br />
apporté à ces statuts des modifications essentielles, dont quel<br />
ques-unes se justifient par les nécessités indiquées plus haut, ; ;<br />
et d'autres qui, s'expliquant plus par des théories économiques lf<br />
que par des raisons pratiques, n'ont pu être maintenues à<br />
l'expérience.<br />
*<br />
* *<br />
Le projet de loi relatif à la création de la Banque fut présenté<br />
par M. A. Fould, ministre des Finances, et par le général Randon,<br />
ministre de la Guerre, le 23 juillet 1851. L'exposé des motifs<br />
faisait ressortir que les transactions commerciales en Algérie se<br />
développaient particulièrement depuis la loi du 11 janvier 1851,<br />
modifiant le régime douanier, que le moment était donc venu<br />
de la doter d'une institution bancaire, plus large et plus féconde<br />
que n'était le Comptoir national d'escompte d'Alger. Il rappelait<br />
que la Banque de France avait renoncé à s'installer dans la<br />
colonie et il concluait à la nécessité de la création d'une banque<br />
indépendante. « Les départements de la Guerre et des Finances<br />
attachent le plus grand prix à la fondation de cette banque,<br />
attendue avec impatience par les colons,<br />
essor à la production et qui,<br />
qui donnera un nouvel<br />
plaçant dans les mains des indigènes<br />
une monnaie fondée sur la confiance, les rattachera à nous par<br />
le lien de l'intérêt. Ce sera pour ces populations un pas immense<br />
dans la voie de la civilisation que de se familiariser, par un signe<br />
palpable d'échange, avec les notions si utiles du crédit. »<br />
Quelques-unes des dispositions du projet présenté par le gou<br />
vernement furent modifiées par la commission compétente (1)<br />
et M. Benoist d'Azy rédigea le rapport fait au nom de cette<br />
commission. Le rapporteur caractérisait ainsi le projet : « Créer<br />
en Algérie une banque qui permette au commerce local de jouir<br />
(1) Faisaient partie de cette commission : MM. Benoist d'Azy, Louis<br />
Reybaud, général Lamoricière, Henry Didier, de Tocqueville, Passy, Char<br />
ras, Marie de Saint-Germain, Cunin-Gridaine, etc...<br />
PROJET<br />
DE LOI<br />
RELATIF A<br />
LA CRÉA TION<br />
D'UNE<br />
BANQUE<br />
D'ÉMISSION<br />
SPÉCIALE<br />
A L'ALGÉRIE.
- tto<br />
-<br />
des moyens de crédit aujourd'hui répandus sur presque tous les<br />
points du territoire français ; former cette banque dans un<br />
système qui participe tout à la fois de notre grande et admirable<br />
institution de crédit, la Banque de France, et des comptoirs<br />
nationaux, institutions secondaires, qui, créées au moment le<br />
plus difficile de la crise de 1848, ont rendu et rendent encore<br />
de si excellents services,<br />
Cette pensée dominait, en effet,<br />
voilà la pensée générale du projet. »<br />
laquelle reposait le régime de la banque nouvelle.<br />
« On s'est demandé, ajoutait-il,<br />
toute la conception sur<br />
si le Comptoir national d'es<br />
compte ne suffirait pas et s'il ne vaudrait pas mieux que, se<br />
développant lui-même graduellement, il prît l'extension néces<br />
saire pour satisfaire aux besoins du pays ; mais, en réalité, c'est<br />
là ce qu'on propose de créer. En donnant à l'institution nouvelle<br />
le nom de banque et la faculté d'émettre du papier, on ne change<br />
rien au comptoir, mais on lui donne une faculté d'extension<br />
qui lui permettra de suivre le développement du pays. »<br />
Parce que la Banque tenait du Comptoir national,<br />
on avait<br />
prévu, ainsi que le suggérait le directeur de ce Comptoir, une<br />
intervention pécuniaire de l'Etat. Cette intervention prit finale<br />
ment la forme d'une « avance à titre de prêt subventionnel »<br />
de un million au taux de 3 %, le remboursement de ce prêt<br />
pouvant être effectué, à la demande de l'Etat, trois ans après,<br />
par une émission d'actions. La Commission se déclarait, au sur<br />
plus, convaincue que ce prêt était une condition nécessaire et<br />
que sans cela il serait impossible de réaliser le capital : « Le<br />
prêt de l'Etat a surtout pour objet de donner une sécurité<br />
de plus, parce qu'on a plus de confiance dans sa surveillance<br />
intéressée. » Ce n'était, en fait, qu'une extension de ce que le<br />
gouvernement avait fait pour le Comptoir national d'Alger,<br />
l'importance de la somme avancée par l'Etat devant être appré<br />
ciée par rapport au capital de 3 millions prévu pour la Banque.<br />
L'Etat, ainsi directement intéressé à la gestion de la Banque,<br />
pouvait exercer des droits spéciaux de contrôle ; aucune répar<br />
tition d'intérêt ou de dividende ne pouvait avoir lieu sans<br />
l'approbation du ministre ;<br />
on donna même à celui-ci le droit<br />
d'intervenir dans la fixation du taux de l'escompte. Le projet<br />
de loi avait déterminé ce taux d'une façon arbitraire à un
— 111 —<br />
maximum de 6 % (1) ; c'était méconnaître les réalités écono<br />
miques et laisser la Banque impuissante devant les crises. La<br />
Commission modifia sur ce point le projet et laissa à la Banque<br />
la latitude de fixer ce taux, avec l'approbation du ministre des<br />
Finances. Comme la Banque tenait du Comptoir, elle devait,<br />
ainsi que le faisait celui-ci,<br />
légitimes des commerçants,<br />
satisfaire directement aux besoins<br />
sans leur imposer de charges nou<br />
velles, mais, au contraire, en les allégeant autant que possible ;<br />
aussi fut-elle autorisée à prendre les effets revêtus seulement<br />
de deux signatures solvables, dont l'une au moins domiciliée à<br />
Alger, une de ces signatures pouvant être suppléée par la remise,<br />
soit d'un connaissement d'expédition de marchandises exportées<br />
d'Algérie, soit d'un récépissé de marchandises déposées dans un<br />
magasin public.<br />
Parce que la Banque devait remplir, d'autre part, le même<br />
rôle monétaire que la Banque de France, d'autres dispositions<br />
étaient inspirées par les statuts de celle-ci,<br />
notamment les<br />
règles concernant l'émission des billets, les opérations qu'elle<br />
était autorisée à faire, son administration, les pouvoirs conférés<br />
à son directeur nommé par l'Etat, la composition de l'assemblée<br />
des'<br />
actionnaires, etc... Certaines modifications avaient été tou<br />
tefois apportées à ces règles ; les unes s'expliquent d'elles-mêmes<br />
par la nature des opérations de la clientèle qui devait s'adresser<br />
à la Banque (notamment l'allongement de 90 à 100 jours des<br />
échéances dos effets escomptables) ; d'autres provenaient du<br />
désir d'imposer au public une confiance absolue dans la Banque<br />
et dans les billets émis par elle. C'est ainsi qu'une proportion<br />
d'un tiers était établie entre le numéraire en caisse et le mon<br />
tant de la circulation des billets, cumulé avec celui des sommes<br />
dues en compte courant,<br />
et que l'excédent du passif sur le numé<br />
raire ne pouvait dépasser le triple du capital ; c'est ainsi égale<br />
ment que la moitié des bénéfices devait être annuellement por<br />
tée au fonds de réserve.<br />
(1) L'idée de fixer arbitrairement, tout au moins dans des limites im<br />
posées par le gouvernement, le taux de l'escompte était d'origine napo<br />
léonienne. Lorsque le Premier Consul présida à la fondation de la Banque<br />
de France, il avait l'idée que celle-ci devait fixer et maintenir pour toute<br />
la France le taux de 4 %. Jusqu'à la loi du 9 juin 1857, la Banque de<br />
France ne pouvait pas dépasser 6 % pour le taux de ses escomptes, parce<br />
que le taux conventionnel de l'intérêt était fixé au maximum de 6 % en<br />
matière commerciale.
E<br />
.A LOI.<br />
GÊRIE<br />
VEILLE<br />
C UNE<br />
MDE<br />
'SFAC-<br />
1<br />
'ROMUL-<br />
ON<br />
A LOI.<br />
- 112<br />
Le rapporteur signalait qu'une des questions qui avait le plus<br />
retenu l'attention de la Commission était celle de savoir si,<br />
comme le proposait le gouvernement, les billets de la Banque<br />
devaient être reçus comme monnaie légale dans toute l'Algérie,<br />
comme la loi l'avait décidé pour les billets des banques coloniales.<br />
La Commission avait écarté cette disposition. Il lui avait paru<br />
que « en ce qui regarde les immenses provinces de l'Algérie,<br />
dans lesquelles les communications sont longues et difficiles,<br />
dans lesquelles il n'existerait pas encore dans les villes princi<br />
pales de succursales où l'on pût échanger les billets, l'obligation<br />
de recevoir un effet non réalisable pourrait être regardée comme<br />
une oppression contre laquelle on serait disposé à s'irriter, et<br />
cela au grand préjudice de cette circulation même, à laquelle<br />
on chercherait à se soustraire. Cette disposition serait d'ailleurs<br />
sans effet réel,<br />
car si cette monnaie de papier n'était pas reçue<br />
avec confiance et même avec faveur, le prix s'en abaisserait...<br />
Aucune injonction légale ne peut donner à une monnaie réelle ou<br />
fictive une valeur qui ne serait pas librement acceptée ». On<br />
s'était borné à demander au ministre de prescrire à tous ses<br />
comptables d'admettre les billets de la Banque.<br />
La discussion du projet fut promptement menée. Elle eut lieu<br />
le 4 août 1851. Peu d'observations dignes de retenir l'attention<br />
furent présentées, sauf en ce qui concerne les dispositions rela<br />
tives à la fixation des taux d'escompte qui furent justement<br />
critiquées.<br />
Le projet fut voté —<br />
par<br />
552 voix contre 32 —<br />
tel que l'avait<br />
rapporté M. Benoist d'Azy. et la loi fut promulguée aussitôt (1).<br />
Elle conférait, pour vingt années, à la Banque de l'Algérie,<br />
au capital de trois millions (6.000 actions de 500 francs), le<br />
privilège de l'émission de billets.<br />
En invitant le gouverneur général à promulguer la loi du<br />
4 août, le ministre de la Guerre s'exprimait ainsi :<br />
«J'espère, Monsieur le Gouverneur général, que la population<br />
algérienne appréciera ce nouveau bienfait du gouvernement,<br />
destiné à exercer une influence heureuse et décisive sur l'avenir<br />
de la colonie, et dont je m'applaudis, par ce motif, d'avoir pris<br />
l'initiative auprès de M. le Ministre des Finances. »<br />
(1) La loi fut publiée au Moniteur Universelle 9 août 1851.
— — 113<br />
Le Moniteur Algérien du 25 août 1851 faisait suivre cette<br />
lettre de ce commentaire :<br />
« Jamais les bonnes dispositions du gouvernement en faveur<br />
de l'Algérie ne s'étaient manifestées d'une manière plus évi<br />
dente que dans le courant de cette année,<br />
où deux lois d'un<br />
intérêt vital pour le pays ont été votées à une immense majorité<br />
par l'Assemblée,<br />
par suite de l'initiative de l'autorité locale et<br />
du gouvernement central. Il y aurait ingratitude à ne pas recon<br />
naître qu'à aucune époque une Métropole n'a fait davantage<br />
pour sa colonie, que le gouvernement français pour l'Algérie. »<br />
De son côté, le journal YAkhbar disait : « Il y a là un vérita<br />
ble, un immense service rendu à l'Algérie ;<br />
ce serait de notre<br />
part manquer à la justice aussi bien qu'aux convenances de<br />
ne pas proclamer très haut notre reconnaissance envers ceux<br />
qui ont coopéré à cet acte important. Le public algérien nous<br />
permettra d'ajouter à leurs noms, qu'ils connaissent bien, celui<br />
de notre habile négociateur, M. Lichtlin. » (1).<br />
Dans ses grandes lignes, l'organisation de la Banque, telle<br />
qu'elle fut fixée par la loi du 4 août 1851, a été conservée ;<br />
elle a subi l'épreuve du temps et résisté à des crises graves.<br />
Elle demeure, encore aujourd'hui, l'armature de la Banque de<br />
l'Algérie.<br />
Elle lui a permis de résoudre peu à peu les divers problèmes<br />
monétaires et bancaires qui devaient se poser devant elle : super<br />
position d'une monnaie fiduciaire à la monnaie locale à Alger<br />
d'abord, puis sur l'ensemble du territoire ; lutte contre l'usure<br />
afin de provoquer soit directement, soit indirectement, un abais<br />
sement général sensible du taux de l'intérêt ; aide à donner<br />
aux commerçants, aux industriels, aux agriculteurs dont les<br />
besoins légitimes étaient déjà grands et ne devaient pas cesser<br />
de s'accroître ;<br />
allégement de la charge du change entre la<br />
Métropole et la colonie, de manière à en libérer autant que pos<br />
sible le commerce ; sans parler du concours qu'à certaines heures<br />
décisives de la vie du pays une banque d'émission doit être<br />
prête à donner à l'Etat.<br />
(1) Akhbar, 14 août 1851.
CHAPITRE IV<br />
LA BANQUE DE L'ALGÉRIE ET LE CRÉDIT<br />
DE 1851 A 1870<br />
Insuffisance des moyens d'action dk la Banque de l'Algérie a ses<br />
débuts. La Banque éprouve de grandes difficultés a maintenir une<br />
encaissk proportionnelle a la circulation des billets. développement de<br />
la circulation des billets. création des premières succursales de la<br />
Banque dp: l'Algérie. Docks Algériens. Crédit Foncier de France.<br />
Société Générale Algérienne. La Crise de 1867-1868 et le crédit<br />
agricole. Le développement de l'Algérie et le crédit. Services rendus<br />
par la Banque de l'Algérie de 1851 a 1870. Critiques adressées a la<br />
Banque de l'Algérie, Situation de l'Algérie et de la Banque de l'Algérie<br />
en 1870.
—<br />
— 118<br />
La Banque s'installa dans un immeuble de la rue de la Ma<br />
rine (1) et commença ses opérations, le 1er novembre 1851, sous<br />
la présidence de M. Lichtlin. Il lui fallut, en premier lieu, arrêter<br />
son règlement intérieur et déterminer sa règle de conduite ; elle<br />
le fit, avec une grande prudence,<br />
Ministère des Finances, M. Lemaître,<br />
ment général des fonds,<br />
en présence d'un délégué du<br />
sous-directeur du Mouve<br />
qui assista aux premières séances de<br />
son Conseil. Elle dut limiter ses opérations à Alger même et<br />
écarter les demandes qui, dès le mois de novembre 1851 et bien<br />
tôt après, en janvier 1852, lui venaient d'Oran et de Constantine,<br />
en vue de l'ouverture de succursales dans ces villes : ses statuts<br />
ne l'autorisaient, en effet, à admettre à l'escompte que des per<br />
sonnes domiciliées à Alger et il paraissait alors qu'ils devaient<br />
être sur ce point interprétés stricto sensu.<br />
Ses premiers pas furent assez timides;<br />
statuts avec rigueur,<br />
elle appliquait ses<br />
en conformité assurément avec les<br />
avis que lui avait donnés le délégué du ministre ; c'est<br />
ainsi que nous la voyons refuser de se charger de faire<br />
accepter les valeurs escomptées ou de servir d'intermédiaire<br />
pour la vente d'un titre de rente française,<br />
parce que ces<br />
opérations n'étaient pas spécifiées par les textes comme pou<br />
vant être faites par elle ; lorsque parfois elle s'aventurait à<br />
envisager une ration n'entrant pas dans les catégories expres<br />
sément visées à ses statuts, le ministre intervenait pour la lui<br />
interdire, comme lorsque, en juillet 1852,<br />
olle voulut accueillir<br />
une demande de prêt que lui adressait la ville d'Alger et, en<br />
avril 1854, une demande analogue émanant du mont-de-p'été<br />
d'Alger. D'autre part, sa clientèle était assez limitée, car ainsi<br />
que le disait son directeur en 1852 : « Des habitudes gênées par<br />
la règle, des intérêts déplacés, d'autres un peu froissés, sont des<br />
motifs qui peut-être tinrent à l'écart quelques maisons hono<br />
rables » et qui ralentirent les premiers progrès de la Banque.<br />
Au surplus, elle disposait de moyens insuffisants pour faire<br />
face à une grande extension du crédit et pour bien remplir son<br />
rôle de banque de circulation fiduciaire. L'émission de ses billets<br />
(1) La Banque demeura dans cette maison jusqu'en 1868, date à laquelle<br />
elle s'installa boulevard de l'Impératrice, devenu depuis boulevard de la<br />
République, dans un immeuble construit pour elle par l'architecte Robinot-<br />
Bertrand. L'ancien immeuble fut vendu en 1869 sur une mise à prix de<br />
120.000 francs. Le terrain avait une superficie de 572 m2, dont 350 cou<br />
verts.
- 119<br />
était soumise à des règles trop étroites pour un établissement<br />
dont on attendait beaucoup,<br />
et qui devait travailler dans un<br />
pays où le stock de monnaie circulante était insuffisant, dimi<br />
nuait constamment par suite des habitudes de thésaurisation<br />
des habitants,<br />
les voies commerciales,<br />
et ne se reconstituait pas automatiquement par<br />
déficitaire. Une légitime prudence,<br />
certaine méfiance à l'égard de l'Algérie, —<br />
parce que la balance des comptes était<br />
moins légitime, mais historiquement explicable,<br />
aggravée sans doute par une<br />
méfiance assurément<br />
— avait<br />
fait<br />
imposer à la Banque des conditions assez sévères dont le respect<br />
devait, pensait-on, écarter d'elle les dangers d'une croissance trop<br />
rapide.<br />
Tout d'abord, nous l'avons vu,<br />
une première limitation était<br />
mise à l'émission des billets : « Le montant des billets en circu<br />
lation, cumulé avec celui des sommes dues en compte courant,<br />
ne pouvait excéder le triple du numéraire existant en caisse. »<br />
Cette limitation était encore aggravée par la disposition sui<br />
vante : « L'excédent du passif sur le numéraire en caisse ne<br />
pourra dépasser le triple du capital réalisé ». En outre, les<br />
avances promises par l'Etat ne devaient être mises à sa disposi<br />
tion que proportionnellement à la réalisation de ce capital.<br />
Les moyens d'action de la Banque se trouvaient donc dépendre<br />
de la plus ou moins grande facilité avec laquelle elle pouvait<br />
réaliser l'émission ou l'augmentation de son capital et se procurer<br />
du numéraire.<br />
Très vite,<br />
* *<br />
elle apprit combien il était difficile de disposer<br />
du numéraire suffisant. Les ressources locales en monnaies<br />
métalliques étaient restreintes et risquaient d'être rapide<br />
ment épuisées. Il lui fallait faire venir à grand frais des espèces<br />
de France (1), et, pour se couvrir de ces frais, autant que pour<br />
tenter de diminuer la circulation de ses billets, frapper d'une<br />
commission spéciale les escomptes du papier sur la Métropole,<br />
ou bien essayer, en ouvrant à des correspondants de France<br />
(1) Dès 1853, la Banque fut obligée de faire venir des écus de France.<br />
Elle perdait alors 2 % k cette opération. Le Trésor, de son côté, faisait<br />
venir de la monnaie en Algérie pour alimenter ses caisses et répondre<br />
aux demandes du commerce local ; on lit, par exemple, dans les comptes<br />
LA BANQUE<br />
ÉPROUVE<br />
DE GRANDES<br />
DIFFICULTÉS<br />
A MAINTENIR<br />
UNEENCAISSE<br />
PROPORTION<br />
NELLE A LA<br />
CIRCULATION<br />
DES BILLETS.
— — 120<br />
des comptes à intérêts réciproques, d'attirer à elle l'encaissement<br />
du papier de la Métropole sur Alger.<br />
Cette question de l'approvisionnement en numéraire a été une<br />
des plus délicates à résoudre de tout temps dans la colonie ;<br />
elle tient en réalité d'une part à la question même du change<br />
entre la France et l'Algérie (1) et, d'autre part,<br />
aux habitudes de<br />
thésaurisation de la population indigène. Elle se présentait, au<br />
début, avec une acuité particulière,<br />
parce que cette population<br />
marquait de la défiance à l'égard du billet de banque et que,<br />
de son côté, la Banque était obligée de retirer le numéraire de<br />
la circulation,<br />
la proportion statutaire fixée suivant une règle conforme à la<br />
doctrine,<br />
pour maintenir entre son encaisse et ses billets<br />
mais sans souci suffisant des réalités.<br />
Aussi toute cette première période de 1851 à 1870 est-elle<br />
dominée, pour la Banque,<br />
par la préoccupation d'observer cette<br />
règle et d'y plier les besoins locaux ; il en est résulté une série<br />
de mesures,<br />
— les<br />
unes gênantes pour le commerce, mais néces<br />
saires pour attirer et défendre le numéraire,<br />
comme l'élévation<br />
du taux de l'escompte, ou l'augmentation des commissions sur<br />
— les mandats émis par elle payables en France les autres,<br />
au contraire, profitables à la colonie,<br />
entre la Trésorerie de l'Etat et la Banque.<br />
comme certaines ententes<br />
Le moyen le plus pratique dont disposaient alors le commerce<br />
et la Banque elle-même pour s'assurer des disponibilités en<br />
France sans être obligés d'expédier des espèces, était de se<br />
faire délivrer par le Trésor des traites payables dans la Métro<br />
pole,<br />
conformément à la pratique que nous avons vu s'établir dès<br />
rendus de la Chambre de Commerce de Bône pour l'année 1860 : « Depuis<br />
plusieurs années, une pénurie très sensible de monnaies divisionnaires<br />
d'argent se faisait sentir sur les places de la circonscription et particu<br />
lièrement à Bône. Leur disparition avait été un moment si extraordinaire<br />
que toutes les transactions, celles de bétail surtout, avaient été tellement<br />
entravées, qu'on pouvait calculer que la difficulté de change s'était pré<br />
sentée 90 fois sur 100. En rappelant ses réclamations antérieures, la<br />
Chambre fit connaître cette fâcheuse situation à M. le Ministre et priait<br />
Son Excellence d'y remédier, en faisant mettre à la disposition de M. le<br />
Payeur de la subdivision une certaine quantité de pièces de 50 centimes<br />
1 et 2 francs. Par deux dépêches des 3 mars et 5 avril 1860, Son Excellence<br />
voulut bien informer la Chambre qu'elle venait de saisir M. le Ministre<br />
des Finances de sa demande et qu'une somme de 30.000 francs serait<br />
prochainement expédiée pour le département de Constantine. »<br />
(1) Voir chapitre LX.
-<br />
— 121<br />
les premiers temps de l'occupation française (1). Les trésoriers-<br />
payeurs étaient approvisionnés de traites de cette nature paya<br />
bles sur la caisse centrale du Trésor. Ils les émettaient au fur<br />
et à mesure de leurs besoins et se procuraient par cette émission<br />
les fonds qui leur étaient nécessaires sur place. C'était par cette<br />
voie que se réglait principalement le change entre les deux pays.<br />
Mais il arrivait qu'il n'y eût pas coïncidence de dates entre les<br />
besoins du Trésor et ceux du commerce, surtout lorsque, la<br />
récolte ayant été mauvaise,<br />
celui-ci était brusquement contraint<br />
à de gros achats de céréales à l'étranger. Il en résultait une<br />
accumulation dans les caisses de l'Etat de sommes sans emploi,<br />
dont le Trésor décaissait en France la contrepartie, dans des<br />
conditions parfois onéreuses pour lui. Il fut ainsi conduit à<br />
restreindre de différentes manières l'émission de ces traites, soit<br />
en les frappant d'une commission spéciale, soit en ne les délivrant<br />
qu'à un assez long délai de vue,<br />
soit même en en suspendant<br />
entièrement l'émission, lorsque l'encaisse du trésorier général<br />
dépassait un certain chiffre.<br />
Dès ce moment, la question du maintien de son encaisse en<br />
numéraire se compliqua pour la Banque ; elle dut tenir compte<br />
des conditions d'émission des traites du Trésor, et défendre elle-<br />
même son encaisse contre les demandes du commerce qui, ayant<br />
des règlements à faire en France et ne disposant plus aussi<br />
aisément de traites sur le Trésor métropolitain, s'adressait direc<br />
tement à elle (2). De là découlait un parallélisme entre les me<br />
sures prises par le Trésor et par la Banque,<br />
selon les nécessités<br />
de l'alimentation de leurs encaisses réciproques, c'est-à-dire selon<br />
les mouvements des règlements internationaux de l'Algérie ; de<br />
là devaient également naître des accords entre le Trésor et la<br />
Banque. Us prirent des formes diverses. Le premier en date fut<br />
celui de 1863 conclu à la suite de la mission du délégué du<br />
(1) Voir page 71.<br />
(2) Certains banquiers particuliers, tels que le Comptoir algérien de<br />
circulation (A. Rey et C") émettaient des mandats à sept jours de vue<br />
sur Paris ou des délégations à trois jours de vue au pair, utilisant sous<br />
cette forme les disponibilités que leur assuraient en France les ventes<br />
de valeurs de Bourse qui étaient leur spécialité et se procurant ainsi le<br />
numéraire algérien nécessaire au règlement de leurs vendeurs. Les chan<br />
geurs agissaient de même, notamment Casteras frères.
— — 122<br />
ministre des Finances, M. d'Artigues,<br />
et aux termes duquel les<br />
fonds du Trésor composant les encaisses des trésoriers-payeurs<br />
des trois provinces devaient à l'avenir être déposés à la Banque<br />
à Alger, Constantine et Oran (1),<br />
ces fonds devant d'ailleurs<br />
rester toujours à la disposition du Trésor et être remboursables,<br />
en totalité ou en partie, sur mandats des trésoriers-payeurs. La<br />
Banque était tenue de remettre à ces comptables tout le numé<br />
raire qui pouvait leur être nécessaire,<br />
jusqu'à concurrence de<br />
la somme inscrite à leur compte courant. « Le ministre a voulu,<br />
disait à cette époque le directeur du Mouvement général des<br />
fonds, donner à la Banque un éclatant témoignage de confiance<br />
et lui faciliter les moyens de développer ses opérations en<br />
accroissant ses réserves métalliques des fonds qui jusqu'alors<br />
restaient improductifs dans les caisses du Trésor. » Mais le Tré<br />
sor y trouvait aussi son avantage, car il obtenait de la Banque<br />
qu'elle effectuât gratuitement les virements de fonds entre les<br />
comptes des divers trésoriers-payeurs. En 1864, la Banque se<br />
chargeait de faire prendre, dans les différentes places de l'Algé<br />
rie, sur les indications des trésoriers-payeurs, les fonds sans<br />
emploi et de les centraliser à Alger.<br />
Ces accords n'étaient pas, par eux-mêmes,<br />
suffisants pour<br />
maintenir dans les caisses de la Banque les espèces nécessaires et<br />
ils la laissaient exposée aux demandes des importateurs. Comme<br />
elle ne trouvait généralement pas en Algérie le papier sur la<br />
France en quantité convenable pour se créer dans la Métropole,<br />
par l'encaissement de ce papier, les disponibilités qui lui étaient<br />
nécessaires, force lui était de s'y faire consentir des ouvertures<br />
de crédit ; —<br />
ces ouvertures de crédit<br />
d'ailleurs<br />
onéreuses —<br />
étaient naturellement limitées et, par suite, insuffisantes pour<br />
parer aux grands mouvements qui pouvaient se produire à cer<br />
tains moments. La Banque de l'Algérie trouva en la circonstance<br />
le précieux appui de la Banque de France qui, dès 1863, consentit<br />
— aux termes d'un accord valable pour quatre années —<br />
à<br />
réescompter, le cas échéant, jusqu'à concurrence de 4 millions,<br />
son portefeuille d'effets algériens, sans déplacement des valeurs.<br />
(1) C'est alors que le trésorier-payeur général d'Alger fut appelé à<br />
remplir les fonctions de commissaire du gouvernement auprès du Conseil<br />
de la Banque.
- 123<br />
-<br />
« En établissant avec la Banque de l'Algérie —<br />
Moniteur Algérien le 1er novembre 1863 —<br />
des<br />
disait<br />
le<br />
rapports ana<br />
logues à ceux que le Trésor entretient avec la Banque de<br />
France et ses succursales,<br />
son Excellence a recommandé aux<br />
trésoriers-payeurs de faciliter de tout leur pouvoir la circulation<br />
des billets, en en faisant entrer dans leurs paiements journaliers<br />
la plus grande quantité possible. Avec le concours de ces comp<br />
tables supérieurs et avec la force nouvelle qu'elle puisera dans<br />
l'augmentation de son capital, la mobilisation de son portefeuille<br />
et les dépôts du Trésor, la Banque d'Alger parviendra prompte-<br />
ment à étendre l'importance de sa circulation fiduciaire et elle<br />
se trouvera ainsi à portée de rendre au commerce de la colonie<br />
tous les services qu'on est en droit d'attendre de cette institu<br />
tion. »<br />
Ces mesures variées, fréquemment modifiées (1), prouvent<br />
combien était difficile cette partie de la tâche de la Banque,<br />
tenue d'observer des règles dont la Banque de France n'avait pas<br />
eu à connaître les rigueurs et qui fixaient des proportions rigi<br />
des entre la circulation, l'encaisse et le capital.<br />
La Banque fut donc conduite, au cours de cette période, à<br />
procéder —<br />
ainsi<br />
qu'y fait allusion la note du Moniteur —<br />
à des augmentations successives du capital versé.<br />
On se rappelle que le capital de la Banque n'avait été consti<br />
tué que pour une assez faible part et qu'il ne fut d'abord réalisé<br />
que pour 1 million (2). De nouveaux appels de fonds eurent lieu<br />
avec succès avant 1870 : en juillet 1856 (3) et juillet 1857 et —<br />
quand un décret du 30 mars 1861 eut élevé le capital à 10.000.000<br />
— en<br />
mai 1861 et en novembre 1863.<br />
(1) Voir chapitre IX.<br />
(2) Un fonds de réserve, limité à la moitié du capital social, c'est-à-dire<br />
à 1.500.000 francs, devait être formé au moyen du prélèvement de la moi<br />
tié des bénéfices après paiement aux actionnaires d'un intérêt de 4 %.<br />
(3) Jusqu'en 1853, le prêt subventionnel de l'Etat, prévu pour un million<br />
par la loi du 4 août 1851, ne fut constitué que par l'ouverture de crédit<br />
de 525.000 francs, dont nous avons parlé plus haut. Au cours de l'exercice<br />
1853-1854, l'Etat avança une somme de 300.000 francs qui fut remboursée<br />
en 1856. A ce moment, la Banque émit une nouvelle série d'actions qui<br />
porta son capital à 2 millions. En 1857, une nouvelle émission de 2.000<br />
actions éleva le capital à 3 millions. Ce capital devait être ultérieurement<br />
porté à 10 millions par un décret impérial du 30 mars 1861, à 20 millions<br />
par un arrêté ministériel du 28 octobre 1881, pris en conformité de la<br />
loi du 3 avril 1880, et enfin à 25 millions par la loi du 11 avril 1907.
'.VELOPPE-<br />
ÏNT DE LA<br />
RCULATION<br />
US BILLETS.<br />
La circulation fiduciaire (1)<br />
124 —<br />
* *<br />
s'établit d'abord assez rapidement<br />
et d'une manière satisfaisante à Alger même et autour d'Alger,<br />
mais peu à peu son développement parut se ralentir : c'est que,<br />
dans les premières années de l'installation de la Banque, la popu<br />
lation française était peu nombreuse, la colonisation peu dévelop<br />
pée, et qu'en dehors d'un cercle assez restreint de commerçants,<br />
de fonctionnaires et de colons qui avaient les premiers fait bon<br />
accUeil au billet, on se trouvait en présence des indigènes ; aussi<br />
la pénétration du billet dans les milieux indigènes fut-elle une<br />
des premières préoccupations de la Banque.<br />
Dès 1853, le directeur, M. Lichtlin, disait à l'assemblée géné<br />
rale des actionnaires : « On ne saurait méconnaître que la pro-<br />
« gression constante de mois en mois de nos billets en circula-<br />
« tion n'est pas seulement motivée par des transactions de la<br />
« place,<br />
mais qu'elle repose aussi sur les opérations commer-<br />
« ciales entre européens et indigènes, dont le cercle s'élargit<br />
« incessamment Il y a peu d'années encore la piastre d'Espa-<br />
« gne était seule admise par les indigènes ; la pièce de 5 francs<br />
« ne franchissait pas les limites du Sahel ; c'est le contraire<br />
« aujourd'hui, la monnaie française a exclu toutes les monnaies<br />
« étrangères et le billet de banque est accepté ».<br />
Mais cette pénétration, dont la Banque de l'Algérie se félicitait<br />
à si juste titre, devenait plus malaisée, à mesure qu'on s'éloi<br />
gnait d'Alger, et, en 1857, M. Lichtlin le remarquait : « La<br />
« circulation de nos billetâ progresse lentement, il faut le recon-<br />
« naître, tout en le déplorant. Dans la province d'Alger, les<br />
« transactions sont plus nombreuses entre européens et, par<br />
« suite, l'usage du billet est plus répandu ; dans les provinces<br />
« de l'Est et de l'Ouest, au contraire, où l'élément indigène est<br />
« prédominant et fournit la plus large part des denrées qui ali-<br />
« mentent l'exportation, le billet ne pénètre pas dans l'intérieur-<br />
(1) Les billets de la Banque de l'Algérie étaient alors fabriqués par les<br />
soins de la Banque de France. Ils sont aujourd'hui imprimés par la Ban<br />
que de l'Algérie elle-même dans ses ateliers spéciaux situés dans la ban<br />
lieue d'Alger.
LES PREMIERS BILLETS DE LA BANQUE DE L'ALGÉRIE 1852<br />
Réduction 350 jooo
— — 125<br />
« du pays. Faut-il s'en étonner ? Non, sans doute. Lorsque<br />
« nous voyons, sur les marchés de l'intérieur, l'or de la France<br />
« refusé par les Arabes en paiement de leurs marchandises, il<br />
« serait bien étrange qu'ils admissent le billet de la Banque ».<br />
Enfin, dix ans après, de très sérieux progrès étaient réalisés<br />
et M. Blasselle, censeur de la Banque de l'Algérie, pouvait s'ex<br />
primer ainsi : « Aujourd'hui,<br />
presque tous les Indigènes en<br />
« territoire civil acceptent parfaitement nos coupures de 50 et<br />
« de 100 francs. Quand nous apercevons des indigènes au gui-<br />
« chet de la Banque, prenant notre papier avec confiance, il nous<br />
« semble —<br />
peut-être<br />
nous faisons-nous illusion —<br />
que<br />
le dua-<br />
« lisme existant entre les deux races perd un peu de sa téna-<br />
« cité ; il nous semble que les habitudes de méfiance sont noyées<br />
« dans le courant et les nécessités de la vie, emportées par l'effet<br />
« peut-être lent, mais véritable du temps,<br />
« triotes indigènes,<br />
et que nos compa-<br />
en appréciant les avantages que leur procu-<br />
« re l'usage de notre monnaie fiduciaire, font un premier pas<br />
« vers l'unification qui leur donnerait de si précieuses compen-<br />
« sations. »<br />
*<br />
* *<br />
La diffusion du billet avait été grandement facilitée par la<br />
création de succursales qu'une interprétation plus judicieuse des<br />
statuts permit de réaliser : Oran (décret du 13 août 1853) , Cons<br />
tantine (décret du 3 décembre 1856), Bône (décret du 11 juillet<br />
1868).<br />
Le choix d'Oran s'était imposé ae lui-même, et cette succur<br />
sale donna dès le début des résultats importants, qui ne furent<br />
pas acquis exclusivement, comme on l'avait redouté, au détri<br />
ment du siège d'Alger (1).<br />
C'est à propos de l'organisation de cette succursale que la<br />
Banque posa les règles qu'elle devait suivre, en dehors d'Alger,<br />
(1) La Banque craignait alors que les charges que lui imposait cette<br />
création ne pussent pas être couvertes par des bénéfices nouveaux ; mais,<br />
estimant « qu'elle ne saurait être victime de son abnégation », elle expri<br />
mait l'espoir « qu'au besoin le gouvernement saurait lui en tenir compte ».<br />
C'est d'ailleurs à cette époque qu'elle obtint de l'Etat la réalisation effec<br />
tive du prêt subventionne!.<br />
CRÉATK<br />
D,<br />
PREMIÈRt<br />
SUCCURSA L,<br />
DELAB*NQl<br />
DE L'ALGÉRl
- 126<br />
dans ses nouveaux comptoirs,<br />
—<br />
en ce qui concerne l'escompte des<br />
effets de commerce et l'émission des billets de banque. Elle<br />
résolut de fixer un taux d'escompte uniforme pour tout le pays ;<br />
mais,<br />
préoccupée de disposer dans les caisses de la succursale<br />
du numéraire suffisant pour rembourser à présentation ses<br />
billets, elle décida, à l'exemple de la Banque de France, d'émettre<br />
des billets spéciaux à chacun de ses sièges et elle mit sur les<br />
tirages d'Oran sur Alger une commission, pour parer aux incon<br />
vénients que ces tirages pouvaient produire par moments dans<br />
l'encaisse de la succursale en y provoquant des sorties de billets.<br />
Les billets émis par la succursale étaient du même type que<br />
ceux d'Alger, mais ils étaient frappés d'une estampille au nom<br />
de la succursale, comme le sont, au nom de la Tunisie, les billets<br />
émis actuellement dans la Régence. Ils n'étaient en principe<br />
remboursables qu'au siège émetteur ; il fut toutefois prévu que<br />
les billets de banque d'Alger pourraient être facultativement<br />
remboursés à Oran, et réciproquement ceux d'Oran à Alger,<br />
sous réserve que cette faculté fût subordonnée à l'entière appré<br />
ciation des Directeurs qui pouvaient autoriser ou refuser le paie<br />
ment de ces billets dans la limite des besoins du service, c'est-<br />
à-dire en tenant compte de l'importance du numéraire en caisse.<br />
Même encore en 1869, les Directeurs étaient autorisés, pour<br />
mieux défendre les encaisses locales, à ne recevoir les billets émis<br />
par d'autres sièges que contre paiement d'une commission (1).<br />
La création de la succursale de Constantine donna heu à une<br />
(1) Dix ans plus tard, M. René Brice, rapporteur devant la Chambre<br />
des députés du projet relatif au renouvellement du privilège de la Banque,<br />
en 1879, s'exprimait ainsi : « La Commission s'est demandée s'il ne serait<br />
pas possible d'imposer à la Banque de l'Algérie l'obligation de rembourser<br />
indifféremment, soit au siège de la Banque, soit à chacune de ses succur<br />
sales les billets émis par les succursales ou par la Banque. Le directeur<br />
a fait observer que renonciation d'une telle règle aurait les conséquences<br />
les plus graves ; que la Banque a des succursales fort éloignées d'Alger,<br />
la succursale de Tlemcen, par exemple, distante d'Alger de plusieurs jours<br />
de voiture; que si un négociant d'Alger se présentait inopinément à Tlem<br />
cen et y réclamait le remboursement de ses billets, il serait impossible<br />
de faire face, sans un assez long délai, à ses exigences, l'encaisse de<br />
chaque succursale étant calculée sur ses besoins connus et habituels, non<br />
sur les imprévus peu vraisemblables. Il a invoqué la législation en vigueur<br />
pour la Banque d'Angleterre et la Banque de France. »<br />
La Banque de France avait, en effet, maintenu ce principe que les<br />
billets émis par ses comptoirs n'étaient remboursables qu'au comptoir<br />
d'émission ; mais, en pratique, elle n'appliquait cette règle qu'en cas de
— — 127<br />
étude plus longue que celle à la suite de laquelle fut décidée la<br />
création de la succursale d'Oran et à plus d'hésitations : on<br />
recula, pendant quelque temps, devant une décision qui devait<br />
installer la Banque dans une région dont le développement éco<br />
nomique ne paraissait pas assez avancé ; et, d'autre part, on<br />
hésitait à choisir entre les diverses villes qui faisaient valoir<br />
leurs titres ; Philippeville et Bône, invoquant des raisons diver<br />
ses, se posaient en rivales de Constantine. Ce fut, toutefois, cette<br />
dernière ville qui fut choisie en 1856. Les résultats bénéficiaires<br />
de la succursale de Constantine furent sensiblement inférieurs<br />
à ceux que réalisait la succursale d'Oran,<br />
et cette constatation<br />
à diverses reprises faite en public ne manqua pas de déplaire aux<br />
Constantinois ;<br />
une polémique de presse s'en suivit et le Direc<br />
teur de la Banque dut se rendre sur place pour assurer au nom<br />
du Conseil de la Banque le commerce de Constantine de toute<br />
sa sympathie. Si nous relatons ce minime incident, c'est pour<br />
montrer quelle heureuse émulation les clients de la Banque<br />
apportaient à assurer l'activité de la nouvelle maison dont ils<br />
avaient si longtemps attendu la venue et pour donner une preuve<br />
du prix qu'ils attachaient aux services rendus par elle.<br />
La création d'une succursale à Bône ne se fit que beaucoup<br />
plus tard. Dès 1863,<br />
elle fut réclamée par la Chambre de com<br />
merce de Bône qui fit, à cette occasion, fort bien ressortir la<br />
principale difficulté que rencontraient alors les commerçants<br />
des villes algériennes dépourvues de sièges de la Banque, au<br />
sujet du règlement du commerce extérieur. Pour effectuer ces<br />
règlements, ils ne disposaient, nous l'avons vu,<br />
que des traites<br />
du Trésor s'ils voulaient éviter les frais de constitution et d'ex<br />
pédition de groups de numéraire,<br />
était parfois suspendue et souvent entravée.<br />
et l'émission de ces traites<br />
« En vertu d'une récente décision de M. le Ministre des Finan-<br />
nécessité et facilitait les échanges ; en fait, la Banque de l'Algérie<br />
agissait de même : le principe demeurait une sauvegarde pour les cas<br />
exceptionnels, mais les échanges ne tardèrent pas à se faire. Le même<br />
principe a été inscrit dans le règlement établi, en exécution de l'acte d'Al-<br />
gésiras, pour la Banque d'Etat du Maroc.<br />
En 1880, les billets de 100 francs furent unifiés, l'estampillage ne fut<br />
maintenu que pour les billets de 500 et de 1.000 francs, puis le 6 sioût 1884,<br />
le Conseil de la Banque supprima définitivement les émissions de billets<br />
de banque particulières à chaque succursale.
— — 128<br />
ces, écrivait la Chambre de commerce de Bône au Gouverneur<br />
général, les payeurs d'Alger et de Constantine avaient été auto<br />
risés à suspendre l'émission des traites du Trésor parce que le<br />
numéraire s'accumulait sans emploi dans les caisses de ces deux<br />
comptables.<br />
« Quoique cette mesure ne fût qu'exceptionnelle,<br />
pourtant mise en vigueur à Bône,<br />
elle a été<br />
pendant une période de trois<br />
mois ; aussi le commerce ne pouvant plus se procurer de valeurs<br />
pour effectuer ses remises, se trouvait dans la nécessité de les<br />
faire au moyen de groups. C'était, sans doute, un procédé aussi<br />
dispendieux qu'incommode, mais le commerce, n'ayant pas d'au<br />
tres ressources,<br />
puisque notre place est encore privée d'une suc<br />
cursale de la Banque de l'Algérie, devait forcément l'employer.<br />
Cependant, depuis le 1er de ce mois, l'effet de cette décision a eu<br />
un terme au moyen de l'envoi de 230.000 francs de traites à M. le<br />
Payeur de la subdivision ;<br />
10 jours de vue, comme autrefois, elles le sont à 30, ce qui est<br />
seulement au lieu d'être payables à<br />
loin d'être avantageux, parce que nécessairement le porteur<br />
devra tenir compte, à ses correspondants, de cette différence<br />
d'échéance.<br />
« Dans ces circonstances, la Chambre tient, Monsieur le Maré<br />
chal, à vous informer combien le commerce de cette place a<br />
été affecté par la détermination prise par M. le Ministre des<br />
Finances, quand il s'est vu tout à coup privé de la facilité de<br />
transmettre ses fonds au moyen des traites du Trésor, puisque<br />
pendant les onze premiers mois de 1862, il avait déposé à la<br />
caisse de M. le Payeur de la subdivision, 3.819.900 francs en<br />
numéraire convertis en 2.150.000 francs de traites sur Paris et<br />
1.669.900 francs sur Marseille.<br />
« Aussi, pour parer à de pareilles éventualités, la Chambre<br />
de Commerce a l'honneur, Monsieur le Maréchal, de solliciter<br />
de votre bienveillance, qu'il plaise d'aviser à ce qu'une succursale<br />
de la Banque de l'Algérie soit établie à Bône... L'opportunité de<br />
cette demande résulte encore de ce fait que le département<br />
de Constantine, dont les intérêts commerciaux sont considérables,<br />
ne possède qu'une succursale de la Banque, dont le siège est au<br />
chef -lieu, et que cet établissement n'offre aucun avantage à Bône.<br />
Aussi, pour opérer une négociation d'effets, il est indispensable
— - 129<br />
d'avoir un représentant à Constantine, de payer une commission,<br />
a'attendre le retour du courrier et de faire venir le numéraire<br />
en groups,<br />
ce qui occasionne toujours de nouveaux frais. » (1).<br />
Le vœu de la Chambre de Commerce de Bône finit par<br />
être réalisé et, en 1868,<br />
ville.<br />
une succursale fut ouverte dans cette<br />
La création de succursales n'assurait pas, en principe, à la<br />
Banque, le moyen de venir en aide à l'ensemble du commerce de<br />
l'Algérie. D'après ses statuts, elle ne devait admettre que des<br />
clients domiciliés à Alger ou, plus tard, dans les villes où ses<br />
succursales furent établies. Les commerçants de l'intérieur<br />
étaient donc obligés —<br />
de Bône —<br />
de<br />
comme<br />
le dit la Chambre de Commerce<br />
s'adresser à des intermédiaires et de subir leur<br />
loi qui comportait généralement un taux d'intérêt très élevé.<br />
Cette situation se maintint plus d'une dizaine d'années et ce ne<br />
fut qu'en 1864, à l'occasion de la suspension d'une maison de<br />
banque (la Maison Lecoq et C°)<br />
que le Conseil de la Banque de<br />
l'Algérie tourna la difficulté en prenant la décision suivante :<br />
« En vue d'atténuer, dans les limites de la prudence, les résul<br />
tats fâcheux dont le commerce, et notamment celui de l'intérieur,<br />
est menacé par suite de cette suspension, la Banque admettra à<br />
l'escompte les maisons de l'intérieur qui lui paraîtraient mériter<br />
cette faveur, à condition pour elles d'élire un domicile à<br />
Alger. » (2).<br />
Toutefois, la Banque de l'Algérie ne rayonnait pas encore assez<br />
sur l'ensemble du pays pour satisfaire à tous les mouvements<br />
de fonds entraînés par les besoins du commerce intérieur entre<br />
les différentes places de l'Algérie. En 1865, le ministre des<br />
Finances, à la suite d'une étude faite sur ce sujet par un ins<br />
pecteur général des finances, M. de Besse, autorisa les trésoriers-<br />
payeurs à recevoir désormais les fonds des négociants et à déli<br />
vrer en échange des mandats sur leurs préposés, toutes les fois<br />
que les caisses de ces derniers renfermeraient des excédents<br />
de recette non employés à l'acquittement des dépenses locales.<br />
Déjà apparaît sous cette forme le rôle que l'Etat devra tenir<br />
plus tard, par l'intermédiaire du service des Postes, dans les<br />
mouvements de fonds à l'intérieur du pays.<br />
(1) Archives de la Chambre de Commerce de Bône.<br />
(2) Ce ne fut que lors du renouvellement du privilège de la Banque<br />
en 1880, que cette disposition restrictive disparut des statuts.
CKS<br />
'<br />
GÉHIENS.<br />
ÉDIT<br />
NCIER<br />
FRANCE.<br />
CIÉTÉ<br />
■NÉRALE,<br />
GERIENNE.<br />
130 -<br />
* *<br />
Entre temps, le commerce trouvait,<br />
en dehors même de la Ban<br />
que, mais souvent grâce à la collaboration directe ou indirecte de<br />
celle-ci, de nouveaux concours.<br />
En 1852,<br />
et aux huiles,<br />
au moment où étaient installées des halles aux blés<br />
s'était posée la question d'organiser à Alger un<br />
magasin public destiné à recevoir des marchandises dans les<br />
conditions prévues à l'article 16 des statuts, c'est-à-dire en assu<br />
rant aux récépissés de ces marchandises la faculté d'escompte<br />
avec dispense d'une signature (projet Chopin). Mais la question<br />
ne parut pas présenter, à cette date, un intérêt suffisant, et ce<br />
ne fut que dix ans après, lorsque le commerce eût pris un plus<br />
grand essor, que les docks algériens furent institués par décret<br />
impérial du 12 mars 1861, et que la Banque réglementa l'admis<br />
sion des warrants à l'escompte, en fixant une liste très large<br />
des marchandises warrantages et la proportion très normale<br />
des avances à consentir sur warrants.<br />
Vers la même époque, en 1860, le Crédit Foncier de France<br />
était autorisé à étendre ses opératiohs""ën Algérie (1). L'organi<br />
sation du crédit foncier présentait dans la colonie des difficultés<br />
particulières pour un établissement central. Le gage des petites<br />
propriétés constituées par les colons offrait,<br />
surtout au début<br />
de la colonisation, de trop faibles garanties de stabilité pour des<br />
prêts à long terme et des difficultés très grandes de surveillance<br />
de la part d'un prêteur éloigné. L'économiste Jules Duval écrivait<br />
à ce sujet en 1860 : « La valeur du capital et la facilité de l'ex-<br />
(1) Dès septembre 1852, une commission avait été nommée à Alger<br />
« pour étudier les modifications à apporter au décret du 28 février 1852<br />
créant le Crédit Foncier de France et pour approprier ce décret à l'Algé<br />
rie. » Archives nationales F. 80, 1872. Cf. les Annales de la colonisation<br />
algérienne où furent publiés en 1852 (T.I. p. 278) un article sur l'orga<br />
nisation du Crédit Foncier en Algérie, et en 1853 (t. III p. 198 et suiv.)<br />
un article sur le prix de l'argent en Algérie, dont nous extrayons ces<br />
lignes :<br />
« Un des plus honorables habitants de l'Algérie, ancien capitaine de l'ar<br />
mée, aujourd'hui propriétaire et colon dans l'une des principales villes<br />
de l'intérieur, nous adresse une lettre :<br />
« En attendant, Monsieur, veuillez, je vous prie, insister... pour que le<br />
Crédit Foncier soit le plus tôt s possible appliqué en Algérie. Pour mon<br />
compte, je viens de consentir une obligation à 36 %. Les intérêts retenus<br />
d'avance, le coût de l'acte et autres frais font monter le tout de 48 à<br />
50 %. »
— — 131<br />
« ploitation s'amoindrissent par les morcellements qui suivent<br />
« les partages de succession ; les revenus risquent d'être empor-<br />
« tés par une multitude d'accidents ; les familles n'étant pas<br />
« largement assises sur le sol, sont dispersées par le tourbillon<br />
« d'événements et de passions qui déplace, dissout, abaisse aussi<br />
« souvent qu'il élève les générations contemporaines. Dans ce<br />
« mouvement incessant de décomposition, on perd de vue, quand<br />
« on est à distance, au centre de Paris,<br />
un petit débiteur et<br />
« un petit bien rural... Le Crédit Foncier de France, ne prêtant<br />
« que la moitié au plus de la valeur des immeubles et le tiers<br />
« seulement s'il s'agit de plantations et de vignes, les sommes<br />
« qu'il offrira paraîtront insignifiantes comparées aux besoins,<br />
« parce que cette valeur vénale qui, en vingt-<br />
France, représente<br />
« cinq ou trente fois le revenu, le représente en Algérie seule-<br />
« ment huit ou dix fois... Par là l'agriculture offre plus de facili-<br />
« tés au prêt agricole et personnel, auquel suffit la garantie du<br />
« revenu, qu'au prêt hypothécaire, qui réclame avant tout le<br />
« gage d'une valeur capitale bien certaine. » Toutefois si le prêt<br />
demeurait, malgré l'installation du Crédit Foncier de France,<br />
du ressort des prêteurs locaux, l'intervention de cette grande<br />
institution devait, dans l'opinion générale,<br />
taux de l'intérêt.<br />
amener une baisse du<br />
En dehors du Crédit Foncier de France, de grands établis<br />
sements bancaires parisiens s'intéressaient alors à l'Algérie et<br />
le gouvernement impérial provoquait la création de sociétés<br />
chargées d'entreprendre de grands travaux, considérés par- lui<br />
comme l'un des moyens les plus efficaces d'affermir et de faire<br />
prospérer la colonisation. « Les paroles de l'Empereur à Alger,<br />
annonçant la venue d'une grande compagnie, ont donné heu,<br />
disait le journal VAkhbar, le 2 juin 1865, à bien des supposi<br />
tions. Cette compagnie serait, selon les uns, le Crédit Mobi<br />
lier,<br />
de Francfort annonçait la constitution d'une grande compagnie<br />
selon d'autres encore une compagnie nouvelle. » L'Europe<br />
internationale qui prendrait l'Algérie pour théâtre de ses opé<br />
rations et dont le capital social serait de 100 millions. La lettre<br />
impériale du 20 juin 1865 posait, d'autre part, le principe de la<br />
création, dans chaque province, de comptoirs d'escompte pouvant<br />
prêter de l'argent aux colons comme aux arabes, à un taux<br />
modéré.<br />
>
- 132 —<br />
La Banque de l'Algérie témoignait, de son côté, d'une grande<br />
confiance dans l'action heureuse que les grandes sociétés<br />
devaient avoir sur le développement du pays et M. Villiers<br />
directeur depuis 1859 (1) disait en 1865 : « L'action de la Ban<br />
,<br />
que est destinée à prendre de larges proportions, sous l'impul<br />
sion de nouvelles compagnies financières qui vont être appelées<br />
en Algérie par la haute et puissante initiative de l'Empereur<br />
et dont les capitaux viendront féconder les ressources de ce<br />
riche pays. »<br />
La Société Générale Algérienne, au capital de 100 millions,<br />
fondée en 1866, par MM. Frémy, gouverneur du Crédit Foncier,<br />
et Talabot,<br />
l'Algérie,<br />
directeur général des Chemins de fer P.-L.-M. et de<br />
et puissamment encouragée par l'empereur qui sous<br />
crivit au capital pour deux millions, devait, dans la pensée du<br />
gouvernement et de ses auteurs,<br />
avoir pour objet de procurer<br />
des capitaux et d'ouvrir des crédits pour toutes opérations agri<br />
coles, industrielles et commerciales en Algérie et d'entreprendre<br />
ou de réaliser ces opérations. Elle se définissait elle-même<br />
« principalement société de crédit, accessoirement société indus<br />
trielle ». La Société, liée à l'Etat par un contrat que la Chambre<br />
approuva d'un vote quasi unanime,<br />
disposition de celui-ci une somme de 100 millions destinée à<br />
s'engageait à mettre à la<br />
être utilisée, dans le délai de six années, à l'exécution de<br />
grands travaux d'utilité publique. L'Etat rembourserait cette<br />
somme par annuités. La Compagnie recevait 100.000 hecta<br />
res (2) au prix de 1 franc de rente annuelle par , hectare pendant<br />
cinquante ans et la promesse de la concession des mines dont elle<br />
pourrait découvrir les gisements dans un délai de dix années.<br />
Sa constitution fut saluée, en général, par beaucoup d'es-<br />
(1) M. Villiers, arrivé à Alger peu après 1830, prit part à l'expédition<br />
de Constantine où il se distingua en qualité d'officier d'ordonnance du<br />
maréchal Clauzel. Il renonça à la carrière militaire et se consacra au<br />
commerce et à l'industrie. Il avait été nommé administrateur de la Banque,<br />
puis sous-directeur, puis directeur de la succursale d'Oran.<br />
(2) Ce contrat avait été sanctionné par une loi du 12 jmllet 1865. La<br />
Société, qui fut définitivement autorisée par décret en novembre 1866,<br />
était au capital de 100 millions divisés en quatre séries de 50.000 actions<br />
chacune. Les actions de 500 fr. étaient libérées de 50 fr. à la souscription<br />
et de 75 francs un mois après. La Société émettait en même temps<br />
200.000 obligations garanties par des annuités de l'Etat (en réalisation du<br />
prêt de 100 millions fait par la Société à l'Etat).
f *•* u l V..at-t'^""*><br />
LA BANQUE DE L'ALGÉRIE A ORAN<br />
Nouvel Immeuble en construction
— 133<br />
-<br />
poirs : elle arrive, disait-on, au moment le plus opportun,<br />
« au<br />
moment où la dévastation causée par les sauterelles a rendu les<br />
bras inutiles dans nos champs dépouillés. Le travail qu'elle va<br />
donner aux colons, que la ruine menaça,<br />
sera un bienfait plus<br />
grand encore que les souscriptions qui se couvrent de signa<br />
tures ».<br />
M. Lichtlin, l'ancien directeur de la Banque de l'Algérie, devint<br />
un des administrateurs du nouvel établissement, qui rencontra,<br />
néanmoins, dès le début, des détracteurs à Paris dans la per<br />
sonne du banquier Mirés et, en Algérie, dans certains milieux.<br />
Installée à Alger, rue Bab-Azoun,<br />
elle se livra d'abord à des<br />
opérations de banque courantes (escompte, recouvrements, avan<br />
ces sur dépôts de titres et sur marchandises,<br />
négociations de<br />
warrants) ; elle ouvrit bientôt des comptoirs à Oran, Constantine<br />
et Bône. Dès son premier exercice,<br />
elle se félicitait de ce que son<br />
portefeuille, s'élevant à moins de 1.200.000 francs, n'eût donné<br />
lieu qu'à 6 % de protêts et que les effets protestés eussent été<br />
remboursés. « Fait honorable, disait-elle, pour le commerce algé<br />
rien et qui détruit les critiques superficielles et passionnées. »<br />
Elle remarquait que son établissement avait été accueilli avec<br />
faveur par la Banque de l'Algérie « à qui sa longue expérience<br />
a appris que les établissements de crédit, conduits avec prudence,<br />
loin de se nuire réciproquement,<br />
tres » (1).<br />
se fortifient les uns les au<br />
Elle cherchait particulièrement, pour accroître ses ressources,<br />
à attirer les dépôts, voulant, disait-elle, « inaugurer en Algérie<br />
le système des comptes courants avec chèques, système si<br />
répandu en Angleterre et qui commence à s'acclimater parmi<br />
nous ».<br />
Les débuts de cette Société coïncidèrent, malheureusement<br />
pour elle, avec une période de crise agricole en Algérie ; elle dut<br />
aider le gouvernement à prêter aux tribus indigènes les sommes<br />
indispensables pour leurs semailles et le fit avec le concours<br />
du Crédit Foncier de France auquel elle ouvrit sa garantie.<br />
En 1869, le<br />
mouvement de son portefeuille atteignit néanmoins<br />
(1) Une autorisation de principe, donnée par le ministre des Finances<br />
le 30 mars 1861, avait permis à la Banque de l'Algérie d'ouvrir ses gui<br />
souscription des actions et obligations de cette Société.<br />
chets à la
LA CRISE<br />
DE 1867-68<br />
ET LE CRÉDIT<br />
AGRICOLE.<br />
— 134<br />
—<br />
près de 100 millions et ses escomptes s'élevèrent à près de<br />
60 millions,<br />
pour atteindre 80 millions l'année suivante. Mais<br />
les événements ne répondirent pas, par la suite, aux espérances<br />
de ses fondateurs. Elle ne put réaliser qu'une partie de son pro<br />
gramme. Plus tard,<br />
une participation malheureuse dans une<br />
émission de bons égyptiens détermina sa liquidation. Elle devait<br />
être remplacée en 1877 par la Compagnie Algérienne.<br />
Dès 1853 s'était fondée la Compagnie Genevoise de la colonie<br />
de Sétif, concessionnaire de l'Etat,<br />
l'histoire du crédit, parce que,<br />
qui se rattache également à<br />
comme elle le disait dans son<br />
rapport de 1868, agissant à la fois en France et en Algérie « elle<br />
favorisait l'introduction des capitaux français dans la colonie,<br />
dont elle faisait ainsi cesser l'isolement financier ». Elle vou<br />
lait « procurer à l'Algérie : argent,<br />
*<br />
* *<br />
eau et bras ».<br />
Parfois, les grands espoirs que fait naître la confiance si<br />
légitime placée dans l'avenir de l'Algérie par ceux qui la con<br />
naissent bien, —<br />
et<br />
que ressentent avec une sorte d'emporte<br />
ment ceux qui, l'ayant ignorée, la découvrent un jour —<br />
éga<br />
raient jusque dans le mirage des illusions dangereuses certains<br />
commerçants comme certains colons. De brusques réveils, une<br />
insurrection des tribus du Sud en 1864, des sécheresses persis<br />
tantes, la famine, des cataclysmes d'ordre divers faisaient<br />
traverser à la colonie de mauvaises passes. De nombreux sinistres<br />
commerciaux marquèrent en particulier l'exercice 1863-1864. La<br />
Banque de l'Algérie en ressentit le contre-coup ; elle le supporta<br />
sans trop de difficultés, mais saisit l'occasion pour donner « un<br />
avertissement qui, disait-elle,<br />
pourra modérer l'ardeur des mai<br />
sons dont l'insuccès semble avoir eu pour cause un capital<br />
insuffisant et un aveugle optimisme ».<br />
L'agriculture algérienne,<br />
en particulier l'agriculture indi<br />
gène, traversait alors une période particulièrement pénible.<br />
L'année 1867, notamment, fut néfaste ; les récoltes avaient été<br />
déficitaires et, quand vint l'hiver, la famine sévit. Elle fit<br />
périr, dit-on, de 200 à 300.000 individus. La Chambre de Com<br />
merce de Constantine disait à ce propos, dans un rapport datant
— — 135<br />
du mois de février 1868 : « La crise menaça d'anéantir les pro<br />
grès obtenus au prix de tant de labeur par la colonisation depuis<br />
trente ans... La récolte (dans la province)<br />
plus de 5 millions de quintaux métriques,<br />
aurait dû s'élever à<br />
en prenant pour base<br />
la récolte précédente, année mauvaise, éprouvée par la sécheresse<br />
et le passage des sauterelles. La récolte n'a pas atteint cette<br />
année les deux huitièmes. C'est un déficit de 3.800.000 quintaux<br />
enlevés à la production, sinon à la consommation de la province.<br />
L'impuissance absolue des indigènes pour lutter contre le mal<br />
qui les étreint ne doit-elle pas être attribuée à leur organisation<br />
sociale, à l'état actuel de leur propriété, à leur ignorance, à leur<br />
apathie et un peu, il faut bien le dire, à l'incurie de la majorité<br />
de leurs chefs ? N'est-il pas incontestable, de l'aveu même de<br />
tous nos administrateurs, que le territoire occupé par les Euro<br />
péens, bien que soumis aux mêmes influences climatériques, a<br />
été épargné par la famine ? Là, les indigènes les plus malheureux<br />
ont trouvé du travail et du secours ;<br />
ceux dont la prévoyance<br />
avait été puissamment stimulée par l'exemple que donnent nos<br />
colons ont pu ne devoir qu'à leur seule initiative le moyen<br />
d'échapper à la profonde misère qui décime leurs coreligion<br />
naires ; d'autres, plus éprouvés, mais propriétaires du sol, se<br />
sont procurés sans difficulté et à des conditions avantageuses<br />
des prêts en nature ou en argent. A Constantine seulement,<br />
les prêts de ce genre consentis par une association locale, au taux<br />
minimum de 6 %,<br />
ont dépassé le chiffre de 100.000 francs. »<br />
Les crédits ainsi consentis étaient assurément importants, mais<br />
ils n'étaient pas méthodiquement accordés. Ce qui manquait aux<br />
indigènes c'était principalement le secours de sociétés de pré<br />
voyance et, d'une façon générale,<br />
mêmes,<br />
aux colons comme à eux-<br />
c'était une organisation saine de crédit agricole : « Le<br />
crédit agricole n'existe pas, disait la Chambre de Commerce de<br />
Constantine, il faut le créer et, plus tard, lui faire subir les<br />
modifications appropriées aux circonstances. La Banque de<br />
l'Algérie, limitée par ses statuts et ses capitaux,<br />
ne peut pas<br />
venir en aide à l'agriculture qui a besoin de prêts à long terme. »<br />
La province d'Oran et celle d'Alger furent encore plus dure<br />
ment éprouvées (1) : des tremblements de terre, la sécheresse, le<br />
(1) A cette époque, le général Liébert créa dans la subdivision de Milia<br />
na une Société indigène de crédit et de secours. (Voir chapitre XII).
—<br />
— 136<br />
choléra firent de terribles ravages ; les mêmes inquiétudes<br />
s'y manifestaient, les mêmes plaintes s'y faisaient entendre ; les<br />
mêmes idées d'organisation du crédit agricole se développaient.<br />
Une brochure de M. Marcel Lucet (1)<br />
sur ce projet produisait<br />
une grande sensation en Algérie. Elle était publiée à un moment<br />
où l'on pouvait enregistrer des tentatives d'organisation de<br />
caisses spécialement agricoles (2) , ou de caisses de crédit mutuel,<br />
précurseurs des caisses de crédit agricole actuelles (Sociétés de<br />
crédit mutuel fondées en 1868 à Alger, Boufarik, Bou-Ismaël,<br />
Coléa) (3).<br />
Mais aucune organisation générale du crédit agricole ne se<br />
réalisait alors,<br />
gues années,<br />
malgré l'intérêt qu'elle présentait depuis de lon<br />
malgré le caractère si tragique d'actualité que lui<br />
donnait la crise de 1868. Il est toutefois intéressant de constater<br />
qu'à cette date les colons ont songé à la coopération. Ce n'était<br />
pas la première fois, d'ailleurs,<br />
que cette idée se faisait jour<br />
parmi eux. Dès 1859 (4), avait paru à Alger une brochure<br />
institulée : « Greniers d'abondance —<br />
Banques<br />
agricoles com<br />
munales » et adressée au prince Jérôme Napoléon, ministre de<br />
l'Algérie, par J. Tron, propriétaire, cultivateur aux Quatre-<br />
Fermes, près Blidah, et qui préconisait la création d'un grenier<br />
d'abondance, celle d'une compagnie d'assurances contre l'incendie<br />
(1) Le projet de M. Lucet, alors président du Comice agricole de Cons<br />
tantine, consistait dans la constitution de crédits mutuels locaux dont les<br />
opérations auraient été garanties par hypothèques. Il déclarait que la<br />
terre algérienne était alors à peu près vierge d'hypothèques.<br />
(2) Projet d'une société de crédit agricole de la province d'Alger (en<br />
novembre 1866) pour les prêts de semence aux cultivateurs indigènes<br />
et européens.<br />
(3) Akhbar, 1" mars et 18 août 1868. Dès 1864, ce journal avait ouvert<br />
une campagne en faveur de la création d'un comptoir d'escompte agricole.<br />
Le journal cite le marché de Boufarik du 9 mai 1864 où abondaient,<br />
dit-il, les animaux de toutes sortes, mais où les transactions furent nulles<br />
faute d'argent. Il relate le fait d'un colon payant 8.000 francs de loyer,<br />
ayant une récolte pendante de plus de 30.000 francs, qui n'a pu trouver<br />
1.000 francs à emprunter sur sa seule signature.<br />
(4)<br />
A la même date, avait paru un projet de « banque mobilière agri<br />
cole de l'Algérie » présenté par M. A. Jaubert, membre du Conseil général<br />
d'Alger. L'auteur, qui envisageait la création d'une banque agricole pour<br />
l'escompte d'effets créés par les agriculteurs, dotait cette institution de<br />
la faculté d'émission de billets de banque. U parle « d'escompter les effets<br />
souscrits ou négociés au profit des sociétés particulières de crédit agricole<br />
qui pourront se former en Algérie ».
— - 137<br />
et la mortalité du bétail, celle enfin d'une banque agricole com<br />
munale ou cantonale. Cette banque, dans la pensée de l'auteur,<br />
aurait tiré ses ressources de la vente des récoltes entreposées<br />
dans le grenier d'abondance et du paiement des primes d'as<br />
surances. C'eût donc été une banque mutuelle alimentée,<br />
sous des<br />
formes diverses, par la contribution des colons. Beaucoup de<br />
généreuses illusions animaient l'auteur dont la foi était quelque<br />
peu teintée des idées socialistes de 1848. « L'Etat, dit-il, n'aura<br />
pas besoin de sortir deux milliards de ses caisses,<br />
comme tous<br />
les agronomes le disent, pour fonder des banques agricoles,<br />
l'Etat n'a besoin que d'encourager, d'organiser, de protéger<br />
l'agriculture qui nourrit tout le monde. » Nous ne retenons de<br />
cette brochure que l'idée de la mutualité agricole qui s'y trouve<br />
exprimée inconsciemment et que reprirent, après la crise de 1868,<br />
les colons de la région d'Alger.<br />
Quoi qu'il en soit, l'Algérie poursuivait un développement déjà le déve,<br />
des plus intéressants ; la vie économique s'organisait, le nombre<br />
fifri<br />
des officines d'usure diminuait (1), d'importants établissements etle cré<br />
bancaires s'installaient peu à peu, les règlements s'effectuaient<br />
d'une manière plus simple et plus sûre, les instruments de crédit<br />
circulaient plus facilement, l'usage des chèques s'introduisait et,<br />
dès 1864, il était assez vulgarisé pour que les censeurs de la<br />
Banque,<br />
signalant l'habitude prise par le public des dépôts en<br />
banque, fissent remarquer que l'emploi du chèque permettait de<br />
réduire la circulation des billets.<br />
(1) En 1848 les « négociants-banquiers » étaient fort nombreux et leurs<br />
bénéfices devaient être, en général, importants en raison des taux souvent<br />
usuraires que pratiquaient certains d'entre eux. On en comptait dix-huit,<br />
dont quelques-uns d'ailleurs parfaitement honorables : MM. Ayrolles,<br />
A. Boissière, Brun fils et Cie, Veuve Cabanillas, G. Citati, Cougot, Gimbert<br />
et Cie, Gugenheim et Cie, Julienne, Laisne, Lichtlin et Cie, J. Mekalski,<br />
Ménager, Philip aîné, L. Pihan, J. Roure, A. Tuon, Villiers.<br />
Sur ces dix-huit banquiers, neuf disparurent à la création du Comptoir<br />
d'escompte (1848) et de la Banque de l'Algérie (1851). En 1863, il n'en<br />
restait que quatre, plus deux nouveaux : MM. Gugenheim, Julienne, Le-<br />
coq et Cie, J. Roure, Franqueville, Rey et Cie.<br />
On est en droit de conclure du rapprochement de ces chiffres que la<br />
création du Comptoir d'escompte et celle de la Banque de l'Algérie avaient<br />
mis fin à bien des pratiques usuraires, ce qui avait entraîné la fermeture<br />
des maisons qui ne vivaient que d'elles.
- 138<br />
—<br />
De grands travaux étaient entrepris dans la colonie ; le réseau<br />
routier était développé ; les lignes de chemin de fer s'établis<br />
saient (1) activant la vie économique du pays, donnant au<br />
commerce un essor nouveau et créant des besoins auxquels<br />
devaient satisfaire la Banque de l'Algérie, les établissements<br />
bancaires existants et même de nouveaux capitaux sollicités de<br />
venir s'investir en Algérie. M. L. Paysant résumait ainsi dans<br />
YAkhbar du 8 juin 1869 la conclusion de ses études sur l'Algérie<br />
et le crédit :<br />
« 1° Le crédit est aussi solidement assuré et peut trouver ici<br />
peut-être de plus grandes garanties que dans d'autres pays ;<br />
« 2° Quoique moins exposé, le capital est, dans toute spécu<br />
lation ayant pour mobile la culture, les grands travaux, les<br />
entreprises, plus productif que partout ailleurs ;<br />
« 3° Ce même capital, moins craintif,<br />
travail,<br />
jours intimement liés l'un à l'autre. »<br />
attirera forcément le<br />
car ces deux grands agents de la production sont tou<br />
Résumant cette période de l'histoire bancaire dans un rapport<br />
présenté à l'assemblée générale des actionnaires, en 1901, à<br />
l'occasion du cinquantenaire de la Banque, le directeur de celle-ci,<br />
M. Lafon, s'exprimait ainsi,<br />
non sans une juste fierté : « Les<br />
calamités de divers ordres qui frappèrent le pays ne purent,<br />
au cours de ces vingt premières années, décourager l'assistance<br />
de la Banque, ébranler sa foi dans les destinées économiques du<br />
pays. Au milieu des désastoes financiers provoqués par l'insur<br />
rection des tribus du Sud,<br />
alors que le choléra décimait les<br />
populations, que les tremblements de terre ruinaient les cités,<br />
que la sécheresse stérilisait le sol, que la disette désolait l'agri-<br />
(1) Dès 1844, l'établissement des chemins de fer en Algérie avait fait<br />
l'objet d'études et de propositions (projet de Redon concernant une voie<br />
ferrée entre Alger et Blida, projet Lacroix appuyé par un groupe anglo-<br />
allemand, concernant une ligne Stora-Constantine). De nouveaux projets<br />
furent présentés en 1854 ; puis en 1860, la Compagnie des chemins de<br />
fer algériens fut constituée avec le concours du Crédit Industriel et Com<br />
mercial, des Dock3 de Marseille et de capitaux anglais ; mais ceux-ci ne<br />
montrèrent que peu d'empressement et la souscription ouverte à Londres<br />
ne réussit pas ; la Compagnie des chemins de fer P.-L.-M. se substitua,<br />
en 1863, à la Compagnie des chemins de fer algériens. (Cf. M.-A. Ber<br />
nard : Les Chemins de fer algériens Alger, Jourdan, 1913.)
•- 130<br />
—<br />
culture et paralysait le commerce, la Banque, non seulement<br />
maintint, mais encore développa son concours large et bienveil<br />
lant. Elevant la conception de son rôle à la hauteur d'un devoir<br />
public,<br />
elle demeura inébranlable devant l'affolement des capi<br />
taux et lutta, pour le crédit de la colonie, en affirmant sa con<br />
fiance. Le chiffre de ses escomptes s'accrut sans discontinuité,<br />
passant de 78.300.000 francs en 1865 à 156 millions en 1871.<br />
Ces succès ne sauraient être attribués seulement à la puissance<br />
des ressources d'un pays qui venait à peine de naître à la vie<br />
économique. Nous devons les considérer comme dus essentielle<br />
ment à la force du levier qui a mis ces derniers en mouvement<br />
et à l'habile direction qui en a su régler l'emploi utile....»<br />
* *<br />
Les services d'ordre général rendus au commerce par la Ban<br />
que pendant cette période étaient réels et consistaient en pre<br />
mier heu dans le maintien d'un taux d'escompte aussi modéré P/<br />
et aussi stable qu'on pouvait le souhaiter à pareille époque. Ce ba<br />
taux fut presque constamment de 6 % ,<br />
DE L'ALC<br />
DE 1851 A<br />
sauf exception, et c'était<br />
là un fait de la plus haute importance dans un pays où l'usure,<br />
qui avait régné en maîtresse à Alger même,<br />
s'étendait encore<br />
sur une grande partie du territoire. Pendant le même temps,<br />
malgré la grande prospérité dont jouissait la Métropole, l'es<br />
compte de la Banque de France avait subi diverses variations (1)<br />
dont les plus importantes s'étaient produites en 1857, sans que<br />
la Banque de l'Algérie élevât d'autant son propre taux. Cette<br />
stabilité et cette modération du taux avaient pour résultat<br />
indirect de faciliter les crédits individuels que les vendeurs<br />
accordaient aux acheteurs et qui constituaient peu à peu une<br />
masse flottante de crédit, impossible à évaluer, mais dont l'action<br />
était certaine.<br />
La Banque rendait encore au commerce un très grand service<br />
(1) C'est à cette époque que la Banque de France fut autorisée (loi<br />
du 9 juin 1857) à élever le taux de ses escomptes au-dessus de 6 % et ce<br />
taux atteignit alors plusieurs fois 8 et 9 %. Il fut même un moment fixé<br />
à 10 % pour le papier à 90 jours.<br />
SER<br />
RE
CRITIQUES<br />
ADRESSÉES<br />
A LA BANQUE<br />
DE L'ALGÉRIE.<br />
- 140<br />
—<br />
en contribuant à son éducation financière,<br />
en lui inculquant<br />
peu à peu de saines habitudes. Si, dès le début, le Conseil dut<br />
prononcer d'assez nombreux rejets d'effets et écarter des<br />
escomptes un certain nombre de personnes,<br />
c'est que la Banque<br />
devait, tout en secondant les efforts du commerce, que vivifiait<br />
une politique douanière nouvelle,<br />
acclimater d'une manière défi<br />
nitive des principes de régularité dans les paiements et réserver<br />
autant que possible ses services aux seuls clients pleinement<br />
imbus de ces principes essentiels.<br />
La Banque obtint à cet égard de très heureux résultats ; et,<br />
dès les premiers exercices, elle eut un portefeuille très sain, ne<br />
comportant aucune valeur en souffrance ;<br />
dire,<br />
pour le plus grand éloge du commerce d'Alger :<br />
« Votre attention se fixera, sans aucun doute,<br />
son directeur pouvait<br />
sur ce fait<br />
remarquable, qui témoigne notamment de la scrupuleuse exac<br />
titude du commerce à remplir ses engagements. En comparant<br />
ce résultat si satisfaisant à ce qui se passait, il y a si peu de<br />
temps encore, sur la place d'Alger, et à ce qui se passe aujour<br />
d'hui encore sur les places du littoral et de l'intérieur, il vous<br />
sera facile de mesurer toute l'étendue du progrès que l'institu<br />
tion de la Banque a réalisé sous ce rapport. »<br />
Enfin, en évitant de prendre des mesures restrictives, elle<br />
épargnait au commerce le contre-coup de ces crises violentes<br />
que la nature a plus d'une fois déchaînées sur l'Algérie. En 1867,<br />
à l'époque de la terrible famine, M. Villiers, alors directeur,<br />
pouvait dire aux actionnaires : « Confiants à juste titre dans<br />
l'énergie et l'honnêteté du commerce dans toutes ses branches,<br />
nous n'avons appliqué aucune mesure restrictive à nos octrois<br />
de crédit. »<br />
*<br />
* *<br />
Et pourtant les services rendus par la Banque n'étaient pas<br />
universellement reconnus ; en particulier, pendant les premières<br />
années de son existence, alors qu'elle ne disposait que de moyens<br />
réellement insuffisants, on se demanda, dans les milieux inté<br />
ressés, quelles mesures il convenait de prendre pour obtenir de<br />
meilleurs résultats.<br />
Si quelques-uns envisageaient le renforcement de son mono-
LES MONNAIES FRANÇAISES SOUS LE SECOND EMPIRE<br />
^£$00^<br />
PIÈCES<br />
NON LAURÉES<br />
PIÈCES LAURÉES<br />
OR<br />
f * „ AU1EK .<br />
*<br />
3
— - 141<br />
pôle, d'autres, au contraire, pensaient qu'il valait mieux qu'elle<br />
cédât la place à la Banque de France. Une pétition fut signée<br />
en ce sens et adressée au ministre des Finances ; la Chambre<br />
de Commerce d'Alger prit, le 27 juillet 1858, une délibération<br />
analogue (1). La Chambre paraît avoir été surtout inspirée<br />
par le désir de trouver une formule permettant de faire dispa<br />
raître tout change entre la France et l'Algérie, ainsi que par<br />
le raisonnement suivant : « Le capital de la Banque de l'Algérie<br />
ayant été, en très grande partie, souscrit par des Algériens, en<br />
remplaçant cet établissement par la Banque de France, on libé<br />
rerait des capitaux algériens qui seraient restitués aux divers<br />
canaux de la production coloniale. On développerait également<br />
l'industrie des banques privées entravée par la Banque de<br />
l'Algérie qui escompte le papier à deux signatures. »<br />
Au contraire, la Chambre de Commerce de Constantine décla<br />
rait, le 4 septembre 1858,<br />
la Banque de France à la Banque de l'Algérie « considérant que<br />
qu'elle s'opposait à la substitution de<br />
celle-ci a rendu et rend encore de grands services partout où<br />
elle fonctionne ». « Son administration, disait-elle,<br />
met à l'abri<br />
de toute crainte d'une dispensation parcimonieuse du crédit. »<br />
Elle concluait donc en demandant le maintien de la Banque de<br />
l'Algérie « dont les bienfaits sont peut-être, constatait-elle, les<br />
plus remarquables ici. »<br />
Les adversaires de la Banque prétendaient que si elle avait<br />
prospéré, c'était le fait de l'accroissement de la culture, du com<br />
merce et de la population de l'Algérie : « Au lieu d'être la cause,<br />
elle a ressenti les effets. » Le crédit direct est inexistant,<br />
disait-on ; la Banque de l'Algérie ne prend que du papier à deux<br />
signatures « parce que ses statuts lui interdisent le crédit<br />
direct », et les autres banques agissent comme elle parce qu'elles<br />
(1) L'adresse de la Chambre de Commerce d'Alger au prince Napoléon<br />
le 27 juillet 1858, contenait cette réflexion : « L'Algérie, dotée d'une suc<br />
cursale de la Banaue de France, entre de plain-pied au point de vue<br />
cambiste dans le concert européen. Les banquiers de France accepteront<br />
le papier d'Alger, d'Oran et de Constantine aux mêmes conditions que<br />
ceux de Lyon, Marseille, Le Havre. C'est la francisation de nos valeurs<br />
commerciales. » Dans une brochure publiée en 1860 à Paris par M. Emile<br />
Robert on retrouve les mêmes idées : « Quand la Banque de l'Algérie<br />
sera devenue une annexe de la Banque de France, le commerce de la<br />
colonie franchira le cercle étroit où fe circonscrit précisément le cercle<br />
des deux signatures. »
TION<br />
VLGÉRIE<br />
NQUE<br />
iLGÉRIE<br />
70.<br />
— 14Z —<br />
n'ont pas de fonds. Le taux des escomptes est trop élevé : il est<br />
bien de 6 % à la Banque de l'Algérie, mais il passe à 8 et 12 %<br />
dans les établissements de banque et de 18 à 24 chez les ban<br />
quiers privés (1). On en concluait qu'il fallait, pour donner plus<br />
i'aisance au pays, faire venir la Banque de France, sans modifier<br />
sc« statuts, de façon qu'elle fût la banque des banquiers, —<br />
ce<br />
qui eût été sans doute favorable à ceux-ci, peut-être plus qu'au<br />
commerce lui-même. —<br />
rie devînt banque agricole, etc...<br />
On demandait que la Banque de l'Algé<br />
*<br />
* *<br />
Mais ces critiques demeurèrent sans suite et s'atténuèrent au<br />
fur et à mesure que la Banque, devenant plus forte,<br />
montrer plus active.<br />
put se<br />
Chacun devait se rendre compte, à la veille de la guerre<br />
de 1870, que la situation monétaire et bancaire en Algérie était<br />
transformée et l'on rendait justice à la Banque,<br />
qui avait puis<br />
samment contribué à régulariser peu à peu et à modérer cons<br />
tamment le taux du loyer de l'argent, qui avait introduit des<br />
habitudes de régularité dans les règlements commerciaux dont<br />
profitait le bon renom du commerce algérien, qui, enfin, avait<br />
donné à la colonie d'une manière continue et toujours plus large<br />
l'appui du crédit qu'elle était en mesure d'assurer.<br />
Organisée administrativement sur le modèle de la Banque de<br />
France, s'inspirant des sages principes qui faisaient la force de<br />
celle-ci,<br />
elle avait en même temps évité l'écueil des immobili<br />
sations, vers lesquelles une banque d'émission, appelée à venir<br />
en aide aux éléments actifs d'une jeune colonie,<br />
est exposée à<br />
se laisser entraîner. Les tentations ne lui avaient pas manqué<br />
de ce côté, mais elle avait résisté aux tendances de ceux qui,<br />
(1) En 1858, en dehors des banquiers particuliers, il existait trois éta<br />
blissements financiers en Algérie : la Caisse du Commerce Algérien (E.<br />
Robert et Cie), au capital de 1.200.000 fr., fondée peu après la création<br />
de la Banque de l'Algérie et pour « prendre » la place laissée vacante<br />
par le Comptoir national d'escompte. Le Comptoir Algérien de circulation<br />
(A. Rey et Cie), créé en 1854, en vue des besoins du petit commerce, au<br />
capital de 500.000 francs. La Caisse d'escompte et de recouvrement (Le-<br />
coq et Cie), fondée le 1" janvier 1858, au capital de 500.000 francs. Plus<br />
tard se fonda le Comptoir Commercial d'Alger (Ouvrier fils), banque<br />
d'escompte et de recouvrements.
— — 143<br />
dans son Conseil même, se fussent laissés aller à accueillir<br />
des effets reposant essentiellement sur des garanties hypothé<br />
caires et représentant des immobilisations.<br />
Son crédit s'était affermi ; ses moyens d'action s'étaient<br />
étendus. Son capital était porté à 10 millions, par des versements<br />
effectifs de 5.900.881 francs, sur lesquels 990.881 francs, repré<br />
sentant la prime d'émission, étaient versés aux réserves qui<br />
s'élevaient à 2.841.766 francs. Sa circulation atteignait 13 mil<br />
lions 344.000 francs.<br />
Elle était donc prête à faire face à la tâche que pouvait lui<br />
imposer une Algérie transformée,<br />
la colonisation, à travers mille péripéties,<br />
sur le territoire de laquelle<br />
avait déjà accompli<br />
une œuvre remarquable et où la population s'était accrue (1).<br />
De 1851 à 1870, la population française avait passé de 65.497<br />
à 129.998 et la population étrangère de 65.233 à 115.516 ; plus<br />
de 230 centres, villes ou villages avaient été occupés,<br />
créés ou<br />
agrandis ; la mise en valeur du sol était à la veille d'entrer<br />
dans une phase active.<br />
Pendant le même temps, le crédit foncier commençait à échap<br />
per à la seule action des prêteurs individuels ; de grandes<br />
sociétés s'étaient fondées et les banques métropolitaines com<br />
mençaient à s'intéresser à la colonie.<br />
D'autre part, l'usure était heureusement combattue à Alger<br />
même par la création d'un mont-de-piété fondé « pour ruiner<br />
l'industrie des prêteurs sur gages » et la Justice dont l'autorité<br />
s'étendant, s'efforçait de la saisir chaque fois qu'elle se mani<br />
festait sous des formes tombant sous le coup de la loi.<br />
L'épargne était encouragée par l'institution à la même époque ■><br />
à Alger, d'une caisse départementale qui était appelée égale<br />
ment à rendre les plus signalés services.<br />
La richesse de l'Algérie peut, à cette date,<br />
se résumer en un<br />
chiffre qui témoigne des résultats obtenus dès cette époque par<br />
le travail des colons, l'industrie des habitants et, il ne faut pas<br />
le négliger, le concours du crédit : c'est celui du mouvement du<br />
commerce extérieur.<br />
(1) La population indigène, si durement éprouvée par le choléra de 1867<br />
et la famine de 1868, le typhus et la petite vérole en 1869, était en<br />
diminution en 1872 de 16.000 unités.
— - 144<br />
Tandis qu'en 1851 les exportations atteignaient 19.792.791<br />
francs et les importations 64.278.112 francs, soit un total de<br />
84.070.903, les chiffres relevés en 1870 étaient respectivement de<br />
124.456.249 francs et 172.690.713 francs, soit un total de<br />
297.146.962 francs.<br />
En raison des cataclysmes qui avaient marqué les dernières<br />
années de cette période, la population générale de l'Algérie ne<br />
s'était accrue que de 5 % ; c'est donc pour une population totale<br />
sensiblement la même, mais comprenant environ 10 % d'Euro<br />
péens au lieu de 5 %,<br />
que le commerce extérieur de l'Algérie<br />
avait augmenté au cours de ces vingt années, de 253 %.
CHAPITRE V<br />
LA BANQUE DE L'ALGÉRIE ET LE CRÉDIT<br />
de 1871 à 1905<br />
La Guerre de 1870-71. Insuffisance des moyens ij'action de la<br />
Banque de l'Algérie après la guerre. Ouverture du compte courant<br />
du Trésor sous la forme actuelle. La Banque de l'Algérie a la veille<br />
du renouvellement de son privilège. Le renouvellememt du privilège<br />
en 1880. La création du vignoble algérien et le crédit. Les Comptoirs<br />
d'Escompte. Le Crédit Agricole. La crise viticole. Critiques adressées<br />
a la Banque de l'Algérie. Sa défense par M. Nelson-Chiérico. Des<br />
mesures énergiques sont prises pour rétablir la situation compromise<br />
de la Banque. Ajournement du renouvellement du privilège de la Ban<br />
que en 1897 et en 1899. Rétablissement de la situation de la Banque.<br />
Renouvellement du privilège en 1900. Le crédit agricole de 1890 a<br />
1905. La Banque de l'Algérie de 1900 a 1905. Son privilège est étendu<br />
a la Régence de Tunis. Rôle du crédit de 1871 a 1905.
La déclaration de guerre de 1870 surprit l'Algérie dans la guerre<br />
l'abondance d'une belle récolte. Elle n'eut pas de répercussion<br />
immédiate sur les transactions qui poursuivirent leur cours<br />
normal ; seuls les escomptes marquèrent une ampleur exception<br />
nelle et la Banque put redouter que son encaisse devînt insuf<br />
fisante. Elle ne voulut pas prendre de mesures restrictives : « U<br />
faut, disait-elle le 2 août 1870, raffermir à l'heure actuelle les<br />
bases sur lesquelles repose le crédit de la colonie ; les paiements<br />
s'effectuent avec une régularité parfaite, les affaires sont pros<br />
pères et présentent toute sécurité. » Bientôt cet optimisme et<br />
cette sécurité furent emportés par le contre-coup des événements<br />
malheureux qui se précipitaient en France. Le 8 août une pani<br />
que se fit sentir à Alger. Elle eut pour effet de provoquer, dans<br />
les banques et en particulier à la Banque de l'Algérie, un certain<br />
nombre de retraits de dépôts, en même temps que des présen<br />
tations de billets de banque en vue de leur remboursement en<br />
espèces. Cette panique toutefois parut devoir se calmer un peu<br />
le lendemain, et la Banque, grâce à d'opportunes importations<br />
de numéraire, put faire face aux demandes de remboursement<br />
jusqu'au 12 août. A cette date intervint une loi qui proclama le<br />
cours légal et le cours forcé des billets de la Banque de France<br />
et de ceux de la Banque de l'Algérie, tout en limitant l'émission<br />
de ces derniers à 18 millions. Les effets de la panique se poursui<br />
virent et se manifestèrent tout naturellement par la disparition<br />
du numéraire, qui fut thésaurisé ; cette disparition causa rapide<br />
ment une gêne considérable dans les transactions. En présence<br />
d'un pareil fait constaté dans la Métropole, la loi du 12 août<br />
avait autorisé la Banque de France à émettre des coupures de<br />
25 francs ;. mais elle n'avait pas donné la même faculté à la<br />
Banque de l'Algérie ; ce ne fut que le 3 septembre que celle-ci<br />
obtint sur sa demande la même autorisation, avec celle de porter<br />
son émission jusqu'à la hmite de 21 millions. Toutefois, la cou<br />
pure de 25 francs était encore d'un montant trop élevé pour<br />
se substituer à toute la monnaie d'argent disparue et, quelque<br />
DE 187°-?i
— — 148<br />
temps après, le décret du 26 octobre 1870, élevant le chiffre<br />
des émissions à 34 millions, donna à la Banque la faculté d'émet<br />
tre des coupures de 10 francs (1).<br />
Le commerce algérien conservait malgré tout une certaine<br />
aisance et faisait face assez normalement à ses échéances, dont<br />
il ne réclamait pas en réalité la prorogation. Celle-ci avait été<br />
édictée en France par la loi du 13 août 1870. Etait-il nécessaire<br />
d'étendre cette mesure à l'Algérie ? Tous ne le pensaient pas,<br />
bien que les rapports si étroits entre le commerce de la métro<br />
pole et celui de la colonie dussent rendre très sensibles aux<br />
Algériens des reports d'échéances accordés en France. La Ban<br />
que de l'Algérie, en particulier, ne demanda pas cette mesure,<br />
dont quelques-uns des membres de son Conseil redoutaient les<br />
dangers pour la colonie. Elle chercha même à la faire écarter ;<br />
elle obtint seulement qu'elle fût différée et la prorogation des<br />
échéances ne fut édictée en Algérie que le 10 septembre. Cette<br />
mesure souleva dans la pratique diverses difficultés d'interpré<br />
tation que la Banque de l'Algérie s'efforça d'aplanir sans s'écar<br />
ter des règles que la prudence lui imposait, mais aussi sans nuire<br />
aux intérêts du commerce. Elle ne donna pas lieu à d'importants<br />
abus et n'affecta pas la bonne tenue de la place d'Alger, ni<br />
d'aucune autre dans la colonie.<br />
Les censeurs de la Banque purent dire à l'assemblée des action<br />
naires de 1871,<br />
par l'organe de M. Obitz : « Nous appellerons<br />
votre attention sur le résultat remarquable qu'a donné la liqui<br />
dation des effets prorogés ; malgré le dédale presque inextricable<br />
de différents décrets sur cette matière, pas une erreur, pas un<br />
conflit,<br />
pas une fausse interprétation ne se sont produits. Les<br />
résultats sont à l'honneur de notre commerce, de la direction<br />
qui, appréciant la situation avec intelligence, a su, par des mesu<br />
res bienveillantes et des atermoiements que méritait la bonne<br />
volonté des débiteurs de la Banque, appliquer des tempéraments<br />
féconds à la rigueur de nos statuts. »<br />
(1) Des mesures furent prises par la Banque de l'Algérie pour activer<br />
la fabrication de ces petites coupures, d'accord avec la Banque de France,<br />
dont l'imprimerie fut transportée de Paris à Clermont-Ferrand, ce qui<br />
ne manqua pas de compliquer singulièrement les difficultés toujours gran<br />
des d'une impression rapide de billets de banque. La Banque de France<br />
ne fut autorisée que postérieurement à émettre des coupures inférieures<br />
à 25 francs (coupures de 20 francs le 12 décembre 1870, coupures de<br />
10 et de 5 francs le 29 décembre 1871).
VUE DE LA PLACE DU GOUVERNEMENT A ALGER<br />
VERS 1870
— 149 —<br />
Le concours que la Banque de l'Algérie dut prêter à l'Etat,<br />
pendant la guerre de 1870-71, fut des plus efficaces. Il se<br />
manifesta de diverses façons et, en particulier, par des avances<br />
qui<br />
s'élevèrent à 12 millions (1). L'importance de ce chiffre<br />
doit être appréciée à la mesure des possibilités de la Banque,<br />
dont la circulation à cette époque ne dépassait guère 30 millions.<br />
Peu après la proclamation de la République, l'énervement était<br />
assez grand dans la population et l'on se demandait si la Banque,<br />
fondée en 1851 et dirigée par des hommes qui avaient affirmé<br />
leur fidélité à l'ancien régime, ne prendrait pas vis-à-vis du<br />
gouvernement nouveau une attitude réservée. C'était bien mécon<br />
naître la valeur morale de ces hommes qui savaient qu'au-dessus<br />
des gouvernements il y a la France, et qui se tenaient en dehors<br />
des luttes politiques, ne pensant qu'à remplir la mission qui leur<br />
était confiée. Cet état d'esprit d'une partie de l'opinion n'en<br />
existait pas moins,<br />
et c'est à lui sans doute qu'il faut attribuer<br />
un incident qui se produisit le 16 septembre 1870. Ce jour-là<br />
une démonstration faillit avoir lieu contre la Banque,<br />
sous pré<br />
texte qu'elle aurait refusé les traites des trésoriers-payeurs qui,<br />
comme nous l'avons vu, étaient fort utilisées par le commerce<br />
dans ses règlements. Le journal YAkhbar,<br />
qui n'était pas par<br />
ticulièrement favorable au directeur de la Banque, M. Villiers,<br />
relate ainsi l'événement : « A la nouvelle, tout à coup répandue<br />
dans la matinée d'hier,<br />
traites des trésoriers-payeurs,<br />
que la Banque de l'Algérie refusait les<br />
une agitation profonde s'est pro<br />
duite sur la place du Gouvernement. C'est là,<br />
l'ignore,<br />
personne ne<br />
qu'à certaines heures, se réunit le commerce de la ville.<br />
L'agitation tournait à l'émeute. On parlait d'assiéger la Banque,<br />
de l'enlever d'assaut ; il ne tint qu'à un fil que ce projet ne<br />
fût mis à exécution. Il paraît que maintenant tout est arrangé. »<br />
Malgré ces incidents, la Banque de l'Algérie maintint, pendant<br />
la guerre,<br />
au commerce algérien les diverses facilités qu'elle lui<br />
avait accordées en temps de paix et elle contribua à atténuer<br />
grandement pour l'Algérie les effets d'une crise redoutable qui,<br />
commencée par une guerre,<br />
devait se poursuivre par une insur<br />
rection ensanglantant une partie de la colonie.<br />
(1) Ces avances furent remboursées en 1872 en France.<br />
10
JSUFFI-<br />
ANCE<br />
ES MOYENS<br />
'ACTION<br />
E LA BANQUE<br />
E L'ALGËRIE<br />
PRÈS<br />
A GUERRE.<br />
— 150 —<br />
*<br />
* *<br />
Au lendemain de ces événements, la situation de la Banque<br />
de l'Algérie paraissait forte ;<br />
mais la nécessité d'étendre ses<br />
moyens d'action n'en devenait que plus évidente. Les besoins<br />
monétaires de l'Algérie ne cessaient de s'accroître ; les opéra<br />
tions militaires, l'abondance persistante des récoltes, l'augmen<br />
tation des exportations provoquée par une culture plus étendue<br />
en surface,<br />
mieux favorisée par des saisons heureuses, l'ap<br />
parition sur les marchés internationaux de nouveaux produits<br />
algériens (alfa, crin végétal, graines de lîn, minerais, bétail)<br />
étaient la cause d'un accroissement des besoins monétaires et<br />
de crédit. Or, la Banque demeurait à l'étroit dans les limites<br />
statutaires, trop rigides à l'égard de l'émission de ses billets. Les<br />
premières années qui suivirent la guerre de 1870-71 furent en<br />
partie consacrées à des discussions à ce sujet entre la colonie,<br />
le gouvernement et elle.<br />
La colonie, par l'organe du gouvernement général, par la<br />
presse ou par ses représentants dans le sein de l'Assemblée<br />
nationale,<br />
manifestait la hâte de voir la Banque devenir plus<br />
active, créer de nouvelles succursales, être plus accueillante<br />
envers les commerçants et les clients, plus large dans ses<br />
escomptes (1). Le Gouvernement et la Banque étaient très<br />
désireux de répondre aux vœux de la colonie, mais ils étaient<br />
aux prises avec les difficultés qu'ils avaient rencontrées avant<br />
la guerre pour éviter l'accumulation au compte du Trésor à Alger<br />
de sommes dont celui-ci n'avait pas l'emploi. La solution de<br />
cette question déjà vieille du change franco-algérien, était rendue<br />
plus malaisée par le régime même auquel était soumise l'émis-<br />
(1) Quelques voix discordantes se faisaient bien entendre. C'est ainsi,<br />
que, lors de la discussion de la loi du 26 mars 1872, portant la limite<br />
d'émission à 48 millions, M. Clapier, membre de l'Assemblée Nationale<br />
et de la Commission qui avait procédé à l'étude de la loi, reprocha à la<br />
Banque des imprudences qui se traduisaient, selon lui, par la mauvaise<br />
qualité de son portefeuille, des escomptes téméraires et des émissions<br />
désordonnées. Mais il ne pouvait appuyer ses dires sur aucun fait positif<br />
et reconnut lui-même qu'il n'avait pas eu à sa disposition tous les docu<br />
ments propres à l'éclairer. Il paraît surtout avoir considéré que le papier<br />
à deux signatures escompté par la Banque n'était pas toujours créé<br />
pour des opérations réelles, mais qu'il pouvait, si on développait l'es<br />
compte, ne constituer que du papier de complaisance ou de circulation.
— 151<br />
sion des billets. A défaut d'un changement de ce régime, il<br />
était nécessaire de soustraire autant que possible l'encaisse de<br />
la Banque de l'Algérie à l'influence directe et brusque du change.<br />
Il importait avant tout qu'un accord intervînt —<br />
que ceux de 1863 et de 1866 —<br />
Banque,<br />
plus<br />
complet<br />
entre le gouvernement et la<br />
pour introduire quelque régularité dans les mouvements<br />
d'espèces et de fonds entraînés par les besoins du Trésor et par<br />
ceux du commerce, éléments déterminants, mais non concor<br />
dants, de la balance des comptes entre l'Algérie et la Métropole.<br />
En 1874, le ministre des Finances proposait à la Banque, qui<br />
l'acceptait, de maintenir au compte du Trésor à Alger des<br />
sommes qui excédaient ses propres besoins, mais dont le rapa<br />
triement en France pouvait « se trouver en opposition avec les<br />
intérêts de la Banque de l'Algérie et du commerce de la colonie » ;<br />
il y mettait comme condition que toute somme en dépôt excédant<br />
4 millions fût productive, au profit du Trésor, d'un intérêt de<br />
1 % l'an. Le compte du Trésor n'était en réalité, depuis son<br />
ouverture en 1863, que l'ensemble des comptes des trésoriers-<br />
payeurs et c'est sous cette rubrique que ces comptes figuraient<br />
dans les écritures de la Banque, au même titre que les comptes<br />
courants des particuliers et des banques. La Banque avait, d'au<br />
tre part,<br />
accepté de supporter les frais d'envois de fonds effec<br />
tués par les trésoriers,<br />
et ces frais atteignaient parfois des<br />
sommes assez élevées pour qu'elle trouvât excessive la double<br />
charge que constituait pour elle le paiement de ces frais et celui<br />
de l'intérêt de 1 % imposé par b Trésor. Des négociations enga<br />
gées à ce sujet entre le Trésor et la Banque se poursuivirent,<br />
avec des fortunes diverses, jusqu'enJj578^année au cours de la<br />
quelle un principe nouveau fut posé,<br />
en vertu duquel un compte<br />
courant ouvert au Trésor lui-même se superposa aux comptes des<br />
trésoriers-payeurs. Ce régime fut définitivement consacré par<br />
une lettre de M. Léon Say, ministre des Finances, adressée à la<br />
Banque de l'Algérie le 13 janvier 1879 : « La Banque de l'Algérie<br />
reçoit en dépôt, au crédit d'un compte courant ouvert au Trésor<br />
à Alger, toutes les sommes qui lui sont versées, soit à Alger,<br />
même, soit dans ses succursales par les trésoriers-payeurs ou<br />
leurs préposés. Le solde de ce compte, qui doit toujours être cré<br />
diteur, est productif d'intérêt à raison de 1 % par an, jusqu'à<br />
OUVERTURE<br />
DU COMPTE<br />
DU TRESOR<br />
SOUS LA<br />
FORME<br />
ACTUELLE.
— 152 —<br />
concurrence d'un capital de 5 millions ;<br />
il n'est dû aucun inté<br />
rêt sur les sommes qui viendraient à dépasser ce chiffre... Le<br />
Trésor dispose des fonds qui lui appartiennent sur tous les<br />
points de l'Algérie où la Banque possède des succursales. Ces<br />
dispositions se font au moyen de mandats de virement délivrés<br />
à Paris par M. le caissier payeur central.<br />
« Les mandats de virement ne peuvent, en aucun cas, donner<br />
lieu à des paiements en numéraire : ils sont uniquement desti<br />
nés à alimenter les comptes spéciaux que la Banque ouvre aux<br />
trésoriers-payeurs ou aux payeurs des localités où elle possède<br />
des établissements. Ces comptes ne portent pas d'intérêt... La<br />
Banque supporte tous les frais de transport des fonds versés<br />
par les trésoriers-payeurs ou leurs préposés et provenant des<br />
excédents disponibles de ces comptables. »<br />
Telle est l'origine du compte courant du Trésor,<br />
v»<br />
qui joua<br />
depuis lors un rôle prédominant dans le règlement des comptes<br />
entre la métropole et la colonie (1).<br />
En fait, l'accord de 1878,<br />
que consacrait la lettre du 22 jan<br />
vier 1879, ne constituait encore qu'un palliatif. Il ne pouvait<br />
dépendre, en effet, d'un tel traité de modifier, en fin de compte,<br />
la balance économique et financière de l'Algérie.<br />
Le Trésor se trouvait substitué en quelque sorte au commerce<br />
et prenait à son compte, contre paiement en Algérie, la dette<br />
de la colonie à l'égard de la métropole. Il s'assurait en com<br />
pensation certains avantages de trésorerie et même d'intérêts<br />
sur une partie de cette dette, et c'était la Banque de l'Algérie<br />
qui, finalement, en supportait les frais. Mais,<br />
si cette dette ne<br />
se compensait pas assez vite et assez largement avec les créances<br />
de l'Algérie sur la France, le Trésor devait finir par trouver trop<br />
lourde l'immobilisation de fonds qu'il s'imposait ainsi à Alger.<br />
Aussi ne tarda-t-il pas à chercher un moyen d'obliger la Banque<br />
à tout mettre en œuvre pour s'assurer des disponibilités en<br />
France permettant d'éteindre sa dette vis-à-vis de lui. Il<br />
substitua bientôt au régime d'intérêt appliqué à son compte un<br />
système qui devait en être diamétralement l'opposé et, en 1881,<br />
(1) Voir chapitre EX. Voir également l'ouvrage de M. Douël, Inspecteur<br />
général des Finances sur l'histoire des Finances algériennes depuis 1830 :<br />
Un siècle de Finances coloniales (1830-1930). Paris, Champion 1930 (Col<br />
lection du Centenaire).
— — 158<br />
dès le 1er<br />
janvier, la Banque était amenée à consentir le paiement<br />
de l'intérêt de 1 % sur l'intégralité du solde, même si celui-ci<br />
dépassait 5 millions ; puis, bientôt, au courant de la même année,<br />
la nouvelle doctrine se précisa : les cinq premiers millions furent<br />
exonérés d'intérêt, mais, par contre, il était établi une échelle<br />
croissante d'intérêts s'élevant, par tranches, avec le montant du<br />
solde lui-même. C'est le régime actuellement encore en vigueur.<br />
Il tend à inciter et à contraindre automatiquement la Banque<br />
à relever le taux de l'escompte jusqu'au point nécessaire pour<br />
provoquer des mouvements de fonds inverses, lorsque la balance<br />
des comptes a créé au Trésor un solde créditeur jugé excessif.<br />
Quelles que fussent les imperfections de ce système, il rendit<br />
dès cette époque les plus grands services au commerce de la<br />
colonie et, d'autre part,<br />
en assurant plus d'élasticité à l'encaisse<br />
métallique de la Banque, il donna à celle-ci plus de souplesse pour<br />
l'émission de ses billets.<br />
Toutefois, la Banque n'était pas encore en situation de faire<br />
preuve, sans témérité, d'une activité répondant aux aspirations<br />
du pays qui devançaient parfois les possibilités du présent. Elle<br />
avait bien préparé l'avenir en décidant, dès 1874, la création<br />
d'une succursale à Tlemcen, puis en étudiant conjointement son<br />
établissement à Philippeville ou à Sétif, pour écarter finalement<br />
son privilège<br />
Sétif et fixer son choix sur Philippeville . (1) Mais<br />
devait expirer en 1881 ; elle avait devant elle la perspective<br />
de discussions dont elle ignorait le développement possible. Son<br />
existence même était en question ; le Conseil d'Etat consulté,<br />
à propos du renouvellement du privilège,<br />
se demandait en 1877<br />
s'il ne conviendrait pas de provoquer une fusion entre elle et<br />
la Banque de France. D'autre part, son capital, à l'importance<br />
duquel était lié le montant autorisé de son passif exigible, demeu<br />
rait trop faible pour lui permettre de prendre l'essor souhaité.<br />
Elle avait le désir de donner satisfaction à la colonie malgré<br />
ces difficultés et elle fit en ce sens de réels efforts. Elle ne réussit<br />
(1) La création des succursales de Tlemcen et de Philippeville fut<br />
décrétée le 22 avril 1875.<br />
LA BANQUE<br />
DE L'ALGÉRIE<br />
A LA VEILLE<br />
DU RENOUVEL<br />
LEMENT<br />
DE SON<br />
PRIVILÈGE.
- 154<br />
—<br />
pas toujours, dans ce rôle délicat, à recueillir l'approbation de<br />
l'opinion publique ; on lui reprocha tour à tour d'être trop<br />
restrictive ou trop imprudente ; en réalité,<br />
certains sinistres<br />
commerciaux ayant ébranlé, en 1875, les places de Constantine,<br />
d'Oran et d'Alger, révélèrent qu'elle avait parfois exagéré les<br />
crédits. Elle dut prendre des mesures de liquidation et d'apure<br />
ment de son portefeuille.<br />
En 1876, l'un de ses censeurs, M. Blasselle,<br />
s'en expliquait<br />
ainsi : « La question de savoir si la Banque se montre trop<br />
large ou trop parcimonieuse dans l'admission des bordereaux<br />
présentés à l'escompte a été diversement envisagée. Jusqu'en<br />
1874, à l'époque où les pertes de la Banque ne dépassaient pas un<br />
tiers de centime par 100 francs, on trouvait généralement qu'elle<br />
ne dispensait pas le crédit d'une manière assez large ;<br />
on pré<br />
tendait qu'elle travaillait exclusivement dans l'intérêt de ses<br />
actionnaires et qu'elle ne se prêtait pas à l'extension des tran<br />
sactions commerciales et à la prospérité du pays. Pourquoi ne<br />
le dirions-nous pas ? On trouvait, et nous trouvions nous-mêmes,<br />
que la Banque ne perdait pas assez, qu'elle escomptait à coup<br />
sûr, qu'elle ne remplissait pas le but pour lequel elle était insti<br />
tuée. Aujourd'hui, les choses ont bien changé et l'on paraît<br />
disposé à croire que les comités d'escompte n'ont pas toujours<br />
arrêté au passage les valeurs que la Banque n'aurait pas dû<br />
accepter et que des pertes relativement considérables auraient<br />
pu être évitées ci l'on avait apprécié la solidité des présentateurs<br />
avec un diagnostic plus intelligent. La vérité est que certai<br />
nes fiches étaient exagérées ; quelques négociants opéraient<br />
exclusivement sur le crédit, sans que la solidité de leur fortune<br />
justifiât suffisamment la confiance qui leur était accordée.<br />
L'attention de la Banque a été éveillée à temps ; la vérification<br />
minutieuse de leur situation a fait prendre des mesures qui,<br />
quelque sages qu'elles fussent, eurent pour effet d'amener des<br />
liquidations et de diminuer notablement les escomptes. »<br />
La Banque,<br />
après avoir peut-être exagéré un peu imprudem<br />
ment ses risques, était obligée de se replier, comme doit le faire<br />
en pareil cas un banquier d'escompte au moment même où<br />
elle se voyait, comme banque d'émission, contrainte de pren<br />
dre d'autres mesures restrictives. Il se produisait alors un
— — 155<br />
afflux exceptionnel de remises effectuées par les correspondants<br />
de France que la Banque n'avait pas le moyen de couvrir<br />
en compte, le papier sur la France faisant alors défaut en Algé<br />
rie. Pour enrayer ce mouvement et éviter d'être placée dans la<br />
nécessité de réduire son encaisse par l'envoi de numéraire dans<br />
la Métropole,<br />
elle frappa d'une commission spéciale le papier<br />
venant de France, mais cette mesure provoqua, de la part des<br />
chambres de commerce, des plaintes dont le gouvernement géné<br />
ral et le ministre des Finances se firent l'écho.<br />
Les pouvoirs publics étaient insensibles aux explications de<br />
la Banque et le général Chanzy, le 28 mars 1878, lui écrivait<br />
pour lui rappeler que les chambres de commerce se plaignaient,<br />
qu'il fallait écouter leur voix, et il n'hésitait pas à ajouter qu'on<br />
allait discuter le renouvellement du privilège et que c'était<br />
l'heure d'avoir l'opinion publique pour soi.<br />
Cette invitation à céder à l'opinion publique fut malheureuse<br />
ment trop bien accueillie par la Banque. Certes,<br />
un institut<br />
d'émission, à qui sont dévolues des fonctions d'ordre général,<br />
ne saurait demeurer insensible à la voix de l'opinion publique ;<br />
il doit l'entendre, étudier à fond les doléances, les desiderata,<br />
les suggestions dont elle se fait l'écho ; il n'est pas dit qu'il doive<br />
lui obéir. Si, à cette date, la Banque de l'Algérie avait analysé<br />
avec soin la question du crédit agricole,<br />
peut-être eût-elle moins<br />
laissé se développer des exigences et des espérances exagérées<br />
qu'elle a cru devoir satisfaire, pensant agir pour le bien du pays ;<br />
peut-être cette question aurait-elle été mieux étudiée alors par<br />
les pouvoirs publics;<br />
peut-être la discussion qui devait s'ouvrir<br />
plus tard au Parlement, lors du renouvellement du privilège, ne<br />
se serait-elle pas déroulée dans une certaine équivoque; peut-<br />
être n'aurait-on pas interprété l'engagement pris par la Banque<br />
de seconder la colonisation et l'agriculture dans la plus large<br />
mesure et l'encouragement qui lui fut donné à tenir cet enga<br />
gement,<br />
comme la preuve que les pouvoirs publics entendaient<br />
charger la Banque du crédit agricole. Or,<br />
non seulement une<br />
partie des intéressés purent, à la veille de ces discussions par<br />
lementaires,<br />
exposer à ce sujet des théories absolues sans ren<br />
contrer de contradicteurs,<br />
mais la Banque elle-même parut<br />
donner sou adhésion à ces théories par son silence et par ses
— - 156<br />
actes. On la vit alors multiplier ses correspondants sur tout le<br />
territoire et se mettre à la portée de tous les colons,<br />
plus éloignés des centres où elle était établie.<br />
Jusqu'à ce jour,<br />
même les<br />
on avait laissé en Algérie aux initiatives<br />
particulières, aux banquiers locaux, aux prêteurs sur hypo<br />
thèques, aux usuriers même, le soin d'assurer le crédit agricole.<br />
Aucune organisation rationnelle n'existait, nous l'avons vu ; tout<br />
au plus, peut-on retenir quelques essais de mutualité agricole (1)<br />
et soutenir que le crédit hypothécaire présentait quelque appa<br />
rence de réglementation par l'intervention des notaires dans la<br />
rédaction des actes de constitution d'hypothèques et par le<br />
régime de la conservation établi selon les règles du droit français.<br />
Mais, en réalité, jusqu'en 1877,<br />
aucune banque ne s'occupait<br />
spécialement de l'agriculture. La société de crédit agricole<br />
constituée à Paris, en 1861, grâce à une dotation de l'Etat, avec<br />
le concours du Crédit Foncier de France, et qui devait opérer<br />
dans les départements par des correspondants-banquiers ou par<br />
des sous-comptoirs agricoles, créés à l'imitation des sous-comp<br />
toirs d'escompte, n'avait pas eu le temps d'étendre ses opérations<br />
dans les départements algériens. Elle avait d'ailleurs été détour<br />
née de son but et, à la veille d'être mise en faillite,<br />
été, en 1876,<br />
elle avait<br />
absorbée par le Crédit Foncier de France. Celui-ci<br />
n'exerçait guère dans la colonie ses privilèges ; il avait paru<br />
éviter les immobilisations individuelles et avait surtout effectué<br />
des prêts aux communes et aux départements (2) .<br />
Seule la Compagnie Algérienne, qui avait succédé, en 1877,<br />
(1) Voir chapitre IV page 136 et suivantes. Diverses propositions furent<br />
faites à la même époque au Conseil Supérieur du gouvernement ; en 1872<br />
en vue d'obtenir une dotation de 9 millions pour permettre l'institution<br />
d'une caisse de crédit aux colons ; en 1873, concernant un projet présenté<br />
par M. Cohen pour l'organisation d'une caisse de crédit agricole par la<br />
Banque Franco-Austro-Hongroise. D'autres projets furent présentés envi<br />
sageant soit une caisse d'Etat devant effectuer des prêts aux colons (pro<br />
jet Leyman), soit la création d'une banque coloniale agricole émettant des<br />
obligations sur prêts fonciers (projet Depoisson). En 1879, M. Letellier<br />
présentait un vœu en faveur de l'institution d'un crédit foncier agricole<br />
spécial à l'Algérie. Enfin à la même date, des efforts intéressants étaient<br />
faits pour venir en aide aux agriculteurs indigènes par l'intermédiaire de<br />
sociétés spéciales de crédit et de secours (voir chapitre XII).<br />
(2) Depuis son installation en Algérie, le Crédit Foncier n'avait con<br />
senti jusqu'en 1870 à des particuliers que 5.835.000 francs de prêts hypo<br />
thécaires contre plus de 10 millions 1/2 de prêts aux communes.
LES PREMIÈRES MONNAIES DE LA TROISIÈME RÉPUBLIQUE<br />
OR<br />
ARGENT
— — 157<br />
à la Société Générale Algérienne,<br />
faire à la fois des opérations agricoles et des opérations finan<br />
avait pris pour programme de<br />
cières. Elle exploitait avec beaucoup de soin ses domaines qui<br />
devinrent importants ;<br />
elle donna aux agriculteurs des facilités<br />
d'escompte, créa des docks à Blida et à Sétif ; puis le Crédit<br />
Lyonnais établit, de son côté, des agences à Alger et à Oran en<br />
1878 et son installation, d'une manière générale, coïncida avec<br />
un abaissement du loyer de l'argent;<br />
mais l'action de ces deux<br />
banques était forcément limitée et, si elle secondait celle de la<br />
Banque de l'Algérie, elle n'atteignait guère plus qu'elle tous les<br />
colons ayant besoin de crédit. Presque tout demeurait donc à<br />
faire à ce sujet et, comme on sentait de toute part le besoin<br />
qu'un fort appui fût donné par le crédit à l'agriculture, les<br />
regards de tous se tournaient vers la Banque dont le privilège<br />
expirait. Celle-ci se laissait entraîner par ce mouvement général<br />
et les pouvoirs publics ne voyaient pas le danger.<br />
C'est dans ces conditions que la question du renouvellement<br />
du privilège de la Banque fut étudiée par le gouvernement et<br />
le Parlement.<br />
Les services rendus par la Banque furent pris en considéra<br />
tion et une proposition de M. Thomson concernant la fusion<br />
de la Banque de l'Algérie et de la Banque de France fut<br />
écartée. M. René Brice,<br />
rapporteur devant la Chambre des<br />
députés, fit remarquer que la Banque de l'Algérie pouvait<br />
se mettre, plus facilement que ne le ferait la Banque de<br />
France, à la portée des colons : « La Banque de l'Algérie a<br />
institué dans les localités secondaires et jusque dans les villages,<br />
des correspondants chargés de recouvrer, sous sa responsabilité,<br />
des effets de<br />
à l'escompte,<br />
commerce qui lui sont remis à l'encaissement ou<br />
tandis que des conducteurs de voitures lui rendent<br />
les mêmes services dans les fermes ou dans les petits hameaux<br />
isolés situés sur leurs parcours. Elle fait ainsi pour près de<br />
200<br />
dues<br />
millions d'affaires qui seraient forcément négligées et per<br />
pour la Banque de France au grand préjudice du pays. »<br />
A ceux qui reprochaient à la Banque de l'Algérie de ne pas<br />
LE RENOUVEL<br />
LEMENT<br />
DU PRIVILÈGE<br />
EN 1880.
LA CREATION<br />
DU VIGNOBLE<br />
A LGÊRIEN<br />
ET LE CRÉDIT.<br />
LES<br />
COMPTOIRS<br />
D'ESCOMPTE.<br />
— 158 —<br />
être assez accueillante aux colons, le rapporteur, après avoir<br />
établi que la moyenne de la valeur des effets escomptés par elle<br />
n'était que de 641 fr. 50 et que le nombre des présentateurs<br />
admis à l'escompte direct était élevé, puisqu'il atteignait 616 au<br />
seul siège d'Alger, ajoutait : « Le directeur de la Banque nous<br />
a donné l'assurance formelle que son Conseil d'administration<br />
et lui étaient d'accord pour s'efforcer de la rendre de plus en<br />
plus accessible au petit commerce aussi bien qu'aux colons. »<br />
Au Sénat, le rapporteur, M. Lucet, tenait le même langage.<br />
Enfin, le 5 avril 1880, le privilège fut renouvelé jusqu'au<br />
1er novembre 1897 ; il supprimait les dispositions de la loi du<br />
4 août 1851 limitant au triple du capital réalisé l'excédent du<br />
passif sur le numéraire en caisse. Aucun chiffre maximum<br />
n'était prévu pour le montant de la circulation des billets qui,<br />
cumulé avec celui des sommes dues par la Banque en compte<br />
courant ne pouvait excéder, comme l'avait stipulé la loi du<br />
4 août 1851, le triple du numéraire existant en caisse ; le cours<br />
forcé était supprimé, le cours légal maintenu. La Banque était<br />
autorisée à ouvrir des comptes même à des personnes non domi<br />
ciliées à Alger ou dans les villes, sièges de ses succursales.<br />
*<br />
* *<br />
Au moment où la Banque de l'Algérie recouvrait ainsi une<br />
plus grande liberté et obtenait, par le renouvellement de son<br />
privilège, une certaine sécurité d'avenir, de grandes transforma<br />
tions se poursuivaient en Algérie. Le vignoble français traversait<br />
une période très critique, le phylloxéra y faisait de grands<br />
ravages, provoquant la ruine et l'exode de beaucoup de viticul<br />
teurs. Un grand nombre de ceux-ci vinrent en Algérie, dont le<br />
sol leur paraissait assez riche pour leur permettre de reconstituer<br />
leur fortune perdue ; courageusement, audacieusement parfois,<br />
ils se mirent à l'ouvrage et plantèrent des vignes dans une terre<br />
encore indemne de phylloxéra. Tout faisait supposer que le vin<br />
produit en Algérie trouverait en France et dans le monde entier<br />
un large débouché, celui que laissait libre la disparition de tant<br />
de vignes françaises. Les colons, qui depuis longtemps consa<br />
craient leurs efforts à la culture parfois décevante des céréales,
— - 159<br />
suivirent l'exemple des nouveaux venus, et de très importants<br />
vignobles furent bientôt créés en Algérie, représentant un effort<br />
remarquable,<br />
rables.<br />
et donnant des espérances de richesses considé<br />
Cependant, au cours de la même période, en particulier en 1878,<br />
puis en 1881, année qui fut également marquée par une nouvelle<br />
insurrection et par une exceptionnelle sécheresse, des accidents<br />
d'escompte se produisirent, notamment à Oran,<br />
où la Banque<br />
dut prendre des mesures de sauvegarde destinées à arrêter les<br />
entreprises de certains spéculateurs, dangereuses pour le pays.<br />
Mais ces événements, qui conservaient un caractère exceptionnel,<br />
n'étaient pas de nature à détourner la Banque de la voie dans<br />
laquelle elle s'engageait.<br />
Pensant répondre aux vœux de la colonie,<br />
et pour étendre<br />
mieux son action sur tout le pays, sous l'impulsion de M. Che<br />
vallier, ancien trésorier général d'Alger,<br />
le 16 août 1875,<br />
qui la dirigeait depuis<br />
elle favorisa la création de nombreux comptoirs<br />
d'escompte qui devaient répandre le crédit, le mettre à la portée<br />
des intéressés et servir d'intermédiaires entre les colons et elle.<br />
En 1871, les habitants de Saint-Denis-du-Sig avaient constitué<br />
entre eux une société anonyme destinée à faire aux colons les<br />
avances nécessaires à l'exploitation de leurs propriétés. Le<br />
directeur de la Banque de l'Algérie à Oran avait aidé de ses<br />
conseils les initiateurs de cette idée. Ce fut le premier comptoir<br />
d'escompte. Il aida puissamment au développement de la région<br />
qui se transforma rapidement et connut une réelle prospérité.<br />
Il fut longtemps un des établissements les plus florissants de<br />
la colonie. Cet exemple inspira à laJBanque de l'Algérie l'idée<br />
de favoriser la création d'institutions similaires. Depuis 1877,<br />
vingt-quatre comptoirs d'escompte furent installés dans des<br />
régions agricoles où, jusqu'alors, le crédit avait complètement<br />
fait défaut et où se maintenaient des taux usuraires. De 1871<br />
à 1880, 7.000 hectares de vignes avaient été plantés ; de 1880<br />
à 1888, grâce à l'intervention des comptoirs,<br />
80.000 hectares.<br />
En 1881, M. Chevallier,<br />
on en compta<br />
constatant la progression des affaires<br />
de la Banque de l'Algérie, disait : « Si ce résultat doit être<br />
attribué pour une partie à l'exploitation toujours croissante des
— — 160<br />
produits de notre pays et à la découverte sans cesse nouvelle<br />
des richesses que renferme son territoire, il faut reconnaître que,<br />
par tous les moyens en son pouvoir, la Banque prête au commerce<br />
et à la colonisation le concours le plus utile et le plus libéral.<br />
« Nous ajouterons que, dans la tâche qui lui incombe, la Ban<br />
que est bien secondée par les différents comptoirs d'escompte<br />
qui se sont fondés depuis plusieurs années dans plusieurs<br />
localités secondaires : auxiliaires naturels de la Banque, ces<br />
établissements contribuent, dans une large mesure, au dévelop<br />
pement du crédit et à l'augmentation de la fortune publique. »<br />
La Banque prétendait ainsi résoudre, avec ce seul concours,<br />
le problème du crédit agricole. Seule, d'ailleurs,<br />
elle représentait<br />
alors une force bancaire réellement puissante. La Compagnie<br />
Algérienne était encore à ses débuts. Le Crédit Foncier de France<br />
qui, nous l'avons vu, n'avait donné qu'un très faible dévelop<br />
pement aux prêts hypothécaires individuels, avait renoncé à agir<br />
directement et s'entendait avec une société nouvelle au capital<br />
de 50 millions, le Crédit Foncier et Agricole d'Algérie, qui avait<br />
pour objet principal de favoriser, par des prêts hypothécaires<br />
ou autres, l'amélioration du sol, les défrichements et la cons<br />
truction de bâtiments urbains et ruraux. Cette société devait<br />
servir d'intermédiaire au Crédit Foncier de France pour les<br />
prêts hypothécaires. Constituée en 1880,<br />
elle ne commença ses<br />
opérations qu'en 1881 ; elle avait son siège à Alger, des succur<br />
sales et agences à Constantine, Oran, Bône, Bougie et Tlemcen<br />
et des correspondants dans diverses régions. Mais elle n'était<br />
pas encore fondée ou elle débutait à peine, quand la Banque de<br />
l'Algérie aborda le problème du crédit agricole. C'est un des<br />
plus délicats qui se puisse poser devant une banque d'émission<br />
parce qu'il se compose de données en apparence inconciliables :<br />
le caractère d'immobilisation à long terme que comportent les<br />
besoins agricoles et celui de la liquidité absolue que doit pré<br />
senter le portefeuille d'une banque dont le premier devoir est<br />
de veiller à la convertibilité des billets qu'elle émet. Nous ver<br />
rons plus loin comment il est résolu à l'heure actuelle, nous<br />
devons ici seulement exposer de quelle manière il fut traité<br />
par la Banque de l'Algérie vers 1880 et quelles furent les consé<br />
quences d'une tentative qu'elle a elle-même qualifiée de hardiesse<br />
économique.
— - 161<br />
Le succès des premières plantations de vignes lui donna dans<br />
l'avenir une confiance qui justifia à ses propres yeux cette<br />
audace (1).<br />
En 1882, M. Chevalher disait aux actionnaires : « Il ne nous<br />
appartient pas de vous signaler le développement que prend<br />
chaque année la culture de la vigne et moins encore de vous<br />
signaler les progrès accomplis, mais ce que nous pouvons dire,<br />
en toute certitude, c'est que, dans un avenir rapproché, l'expor<br />
tation de nos vins constituera pour le pays des ressources<br />
importantes qui modifieront notre balance, peut-être jusqu'à en<br />
établir l'équilibre. »<br />
Et M. Blasselle, censeur, ajoutait : « Nous avons l'habitude<br />
de contester à la France son génie colonisateur. Qu'il nous soit<br />
permis de vous soumettre à cet égard une comparaison : trois<br />
ans avant la déclaration d'indépendance des Etats-Unis, un peu<br />
plus d'un siècle après sa prise de possession, l'Angleterre, la<br />
puissance colonisatrice par excellence, ne fournissait annuelle<br />
ment à ses Etats d'Amérique que 151.553.300 francs de mar<br />
chandises. En tenant compte de la différence des temps, de la<br />
multiphcation des communications et de l'augmentation des<br />
richesses, voyons si nous pouvons supporter la comparaison :<br />
après une période moitié moindre, après cinquante années seu<br />
lement d'occupation, dont une grande partie employée à la<br />
conquête, la France trouve en Algérie un débouché annuel de<br />
250 millions et bientôt, si nous ne nous arrêtons pas dans la<br />
voie du progrès, nous pourrons affranchir la mère-patrie de la<br />
dépendance de l'étranger pour une somme égale. »<br />
*<br />
* *<br />
Cependant, le portefeuille de la Banque s'accroissait dans des<br />
proportions qui rendaient difficile l'observation des règles sta-<br />
tutaires d'émission et, symptôme inquiétant, le papier hypothé<br />
caire et les effets créés en renouvellement d'anciens effets im<br />
payés à l'échéance, commençaient à y tenir une large place.<br />
(1) Les bénéfices de la Banque s'élevèrent dans des proportions telles<br />
que les dividendes des années 1878 à 1885 furent considérablement aug<br />
mentés et, par un funeste aveuglement, on trouva oans ce fait même une<br />
nouvelle justification de la politique suivie par la Banque.<br />
la crise<br />
viticole.
— 162 —<br />
L'optimisme ne commença guère toutefois à être ébranlé que<br />
vers 1885 ; de mauvaises récoltes se succédant depuis quelques<br />
années créaient une situation bien moins brillante, le phylloxéra<br />
apparaissait en Algérie et le vignoble français,<br />
grâce à l'énergie<br />
des viticulteurs du Midi, était reconstitué ; les débouchés sur<br />
lesquels on comptait se fermaient ou du moins n'étaient ouverts<br />
qu'à des vins de certaine qualité et à cette époque les viticulteurs<br />
algériens, au début d'une production nouvelle,<br />
n'avaient pas<br />
encore réalisé les sélections et les progrès industriels qui leur<br />
permettent aujourd'hui de mettre en vente des vins admis sur<br />
tous les marchés et préférés même à beaucoup d'autres dont la<br />
réputation est justement consacrée. La panique s'empara rapi<br />
dement des intéressés ; les affaires en cours furent rompues ;<br />
les maisons de banque poursuivirent la rentrée de leurs créances.<br />
Les vins, qui se vendaient jusque là 35 francs l'hectolitre, ne<br />
trouvèrent plus acquéreurs qu'à 11 ou 10 francs. Les prix tom<br />
bèrent même plus bas, et il arriva qu'on laissa couler le vin dans<br />
le fossé pour récupérer le tonneau (1). Une crise foncière intense<br />
s'en suivit. La terre avait acquis, sous l'influence de<br />
facilités excessives de crédit, une valeur factice ; une brusque<br />
chute des prix l'avilit d'une manière non moins excessive, à tel<br />
point que les ventes à la barre du tribunal ne rencontraient pas<br />
d'offres d'achat et que la terre ainsi vendue demeurait au<br />
créancier poursuivant.<br />
La Banque ne voulut rien brusquer,<br />
elle évita les mesures qui<br />
auraient précipité et généralisé les catastrophes. Les censeurs<br />
firent entendre en 1885, publiquement, un premier avertis<br />
sement : « Si la Banque a pu maintenir à sa clientèle le crédit<br />
qui lui était nécessaire dans un moment difficile, il est bon que<br />
cette clientèle sache, de son côté, maintenir ses opérations et,<br />
par suite,<br />
ses demandes de crédit dans des limites proportion<br />
nées à ses ressources réelles. Il faut qu'en opérant avec prudence<br />
et avec réserve,<br />
elle sache d'elle-même modérer ses demandes<br />
dans une mesure qui permette à la Banque de ne pas se trouver<br />
dans l'obligation d'imposer des restrictions de crédit : il v va<br />
(1) L. F. Gautier, Le phénomène colonial de Boufarik. Revue de Paris,<br />
1" novembre 1929.
— 163 —<br />
de l'intérêt de tous et la Banque, solidaire de chacun, a le devoir<br />
d'assurer la sécurité de l'avenir. »<br />
En fait, la Banque avait fourni aux colons, soit directement,<br />
soit indirectement par l'intermédiaire des comptoirs d'escompte,<br />
sans autre limite effective que les besoins d'exploitations sur<br />
lesquelles s'édifiaient de grandes espérances, les fonds néces<br />
saires pour créer le nouveau vignoble, son outillage, ses bâti<br />
ments, son matériel de vinification, son cheptel. Dans bien des<br />
cas, les propriétés étant encore improductives, les intérêts ne<br />
pouvaient être payés et les comptes des présentateurs s'accrois<br />
saient progressivement, non seulement des dépenses nouvelles,<br />
mais encore des intérêts qu'ils ne pouvaient acquitter et qu'ils<br />
soldaient en papier.<br />
En assumant la charge du crédit agricole tout entier, les<br />
banques en général, et la Banque de l'Algérie en particulier,<br />
avaient accepté un poids trop lourd. Chacun commençait à s'en<br />
apercevoir et la Banque de l'Algérie devait en ressentir très<br />
gravement les conséquences. Déjà des critiques s'élevaient, des<br />
craintes se manifestaient ; des mesures de sauvegarde s'impo<br />
saient (1).<br />
Un nouveau directeur de la Banque fut nommé, M. Nelson-<br />
(1) On reprochait à la Banque de s'être engagée dans une politique<br />
d'immobilisations de crédits hypothécaires et de renouvellements dans le<br />
seul deissein d'augmenter le dividende des actionnaires. En même temps,<br />
d'autres lui reprochaient, au contraire, de vouloir, pour maintenir ce<br />
dividende, réduire le concours donné aux petits colons. Des divergences<br />
de vues se produisaient à ce sujet au sein même du Conseil de la Banque<br />
et trouvaient leur écho dans la presse locale. « L'école économiste fran<br />
çaise, disait le journal VAkhbar (12 septembre 1886) a toujours<br />
classé le prêt agricole au nombre des utopies et, avec elle, beaucoup de<br />
législateurs ont pensé de même. Nous croyons donner un bon conseil à<br />
la Banque de l'Algérie en lui disant : « Laissez continuer l'expérience des<br />
prêts à l'agriculture et encouragez, au lieu de combattre, ceux qui en<br />
sont les partisans et les praticiens. Laissez prêter aux colons et dévelop<br />
per les comptoirs d'escompte, admettant même que vos dividendes puissent<br />
en être légèrement atteints... »<br />
En octobre 1886 le même journal manifestait ses craintes de voir<br />
M. Chevallier « qui, animé des meilleures intentions, n'a pas tenu assez<br />
compte des intérêts véritables du crédit de l'Algérie et s'est trop préoccupé<br />
des intérêts des actionnaires et du dividende rivé à la cote des actions »<br />
remplacé par un agent supérieur du Ministère des Finances ou par un<br />
directeur de succursale de la Banque de France, ignorant les questions<br />
algériennes ; « par un roumi, très fort sans doute sur les principes finan<br />
ciers,<br />
colonie ».<br />
mais absolument ignorant des hommes et des choses de notre
- 164<br />
—<br />
Chiérico, ancien fonctionnaire de l'ordre administratif, apparte<br />
nant à un milieu algérien très justement considéré et lui-même<br />
algérien de naissance. Il arriva à Alger le 15 novembre 1886 et<br />
ouvrit, dix jours après, l'assemblée des actionnaires en décla<br />
rant : « Je ne perdrai pas de vue que mon rôle ici est double.<br />
Subordonné du ministre des Finances, je devrai tenir la main<br />
à l'application stricte des statuts qui ont fait la prospérité de<br />
la Banque de l'Algérie,<br />
veiller aux intérêts considérables que le<br />
Trésor a engagés dans le but de faciliter vos opérations. Mais<br />
je saurai me souvenir en même temps que j'ai la gérance et la<br />
garde de la fortune de tous ceux qui,<br />
confiants dans l'avenir de<br />
l'Algérie, n'ont pas hésité à s'associer par leurs capitaux à<br />
l'œuvre d'intérêt général que la Métropole poursuit dans la plus<br />
belle de ses colonies. Algérien de naissance, je sais et je connais<br />
les besoins de la colonisation. Tous mes efforts tendront à<br />
concilier les deux intérêts que je représente. »<br />
L'année suivante, à l'assemblée des actionnaires de 1887, il<br />
précisait ainsi sa pensée : « Il est essentiel que chaque chose soit<br />
remise à sa place et il faut qu'il soit bien entendu qu'on ne peut<br />
exiger de la Banque que ce qu'elle peut donner,<br />
car il est de l'inté<br />
rêt de tous que la solidité du crédit du premier étabhssement<br />
financier de l'Algérie ne puisse être mise en doute en aucun<br />
cas et pour n'importe quelle cause. »<br />
M. Nelson-Chiérico rappelait, en outre, les paroles de MM. René<br />
Brice et Lucet et il ajoutait que la Banque avait tenu l'enga<br />
gement dont avaient pris acte les rapporteurs : « Elle a ouvert<br />
largement, trop largement peut-être dans certaines circonstan<br />
ces, ses guichets au travailleur de la terre, au colon ;<br />
elle a créé<br />
et appliqué le crédit agricole... Une telle œuvre n'a pu s'accom<br />
plir,<br />
une innovation si hardie n'a pu se produire sans entraîner<br />
quelques mécomptes... Enfin, il faut bien le dire,<br />
on a quelque<br />
fois perdu de vue les limites permises, peut-être oublié les<br />
règles de prudence....»<br />
Mais il concluait, gardant dans l'avenir la foi qui animait la<br />
colonie elle-même : « Nous persévérerons dans l'œuvre entre<br />
prise, en étendant de plus en plus le crédit agricole ; mais, pour<br />
les emprunts à long terme, dont le produit doit être immobilisé,
- 165<br />
-<br />
ce sera affaire au Crédit Foncier (1), tandis que nous mettrons<br />
à la disposition de la colonie les ressources nécessaires pour assu<br />
rer sa récolte annuelle. »<br />
La direction nouvelle s'attacha à commencer la liquidation des<br />
immobilisations, à faire rentrer les comptoirs d'escompte dans<br />
le cadre « modeste et utile qui leur était assigné, le colon labo-<br />
« rieux devant être certain de trouver là le crédit qui lui<br />
« permettra de préparer et d'assurer sa récolte ». Elle leur<br />
prescrivait de profiter des récoltes favorables, notamment<br />
en 1887, pour provoquer de la part de leurs clients des amortis<br />
sements, ajoutant : « Il ne faut pas que vos clients gardent leurs<br />
« bénéfices pour agrandir leurs propriétés, il faut qu'ils amor-<br />
« tissent d'abord leurs dettes. » Cependant la situation de la<br />
viticulture algérienne s'aggravait ; en 1890, le mildew détruisit<br />
la récolte des vignobles de Constantine et il fallut prendre des<br />
mesures exceptionnelles pour venir en aide aux colons sinistrés.<br />
Dans les centres les plus fortement atteints un agent de la Ban<br />
que se transportait, une fois par semaine, avec mission de rece<br />
voir les demandes de crédit présentées par les petits colons en<br />
vue de se procurer les sommes nécessaires à la préparation de<br />
la prochaine récolte. L'escompte leur était fait sans intermédiaire<br />
au taux réduit et uniforme de la Banque.<br />
La tâche était difficile pour M. Nelson-Chiérico,<br />
qui avait le<br />
devoir de faire rentrer la Banque dans les règles statutaires et<br />
d'assurer la bonne liquidation d'un portefeuille très lourdement<br />
immobilisé, et qui,<br />
mises,<br />
désireux de ménager des situations compro<br />
s'attachait en même temps à maintenir un assez large<br />
concours au commerce et aux agriculteurs eux-mêmes (2). Il<br />
pouvait dire en 1888 : « Jusqu'à présent,<br />
malgré les difficultés<br />
« considérables de l'heure actuelle, la Banque a justifié son titre<br />
« d'établissement public et sa qualité de privilégiée en ne<br />
« provoquant elle-même aucune faillite,<br />
aucune expropriation.<br />
« Mais il sera nécessaire de faire sur les réserves d'importants<br />
« prélèvements pour amortir les pertes. »<br />
(1) En 1888 le Crédit Foncier avait consenti 3.300.000 francs de prêts<br />
hypothécaires contre 8.285.000 en 1886.<br />
gouverneur général avait nommé une commis<br />
sion pour rechercher une combinaison pouvant procurer de l'argent à bon<br />
(2) En février 1888, le<br />
marché aux colons.<br />
11
CRITIQUES<br />
ADRESSEES<br />
A LA BANQUE<br />
DE L'ALGÉRIE.<br />
SA DÉFENSE<br />
PAR<br />
M. NELSON-<br />
CHIÉRICO.<br />
— — 166<br />
En fait, la situation de la Banque,<br />
sinon en ce qui concerne<br />
la valeur de son actif, qui demeurait importante et certaine, du<br />
moins au regard de ses statuts, était trop gravement compro<br />
mise pour pouvoir être rétablie sans mesures énergiques.<br />
Depuis longtemps la proportion statutaire n'était plus observée<br />
entre l'encaisse et la circulation ; depuis 1891, le dividende, qui<br />
diminuait chaque année,<br />
ne fut plus assuré qu'au prix des<br />
plus grands efforts et réduit encore bien souvent sur l'interven<br />
tion du ministre des Finances qui exigeait des amortissements<br />
massifs. Le ministre suivait très attentivement, mais avec<br />
inquiétude, les comptes de la Banque et se préoccupait de voir<br />
le compte courant du Trésor conserver un solde de plus en plus<br />
élevé. Il estimait que la Banque ne mettait pas assez de hâte<br />
à liquider ses anciens comptes et qu'elle continuait à s'engager<br />
dangereusement avec certains clients dont elle pensait ainsi<br />
favoriser la liquidation.<br />
Depuis longtemps, à la suite des mesures prises pour éliminer<br />
du portefeuille le papier immobilisé, la Banque avait provoqué<br />
par des cessions, en majorité amiables et parfois forcées, des<br />
ventes de terrains qui,<br />
ne trouvant pas d'acquéreurs dans des<br />
conditions convenables, la mirent à la tête d'un vaste domaine<br />
immobilier, qu'elle gérait elle-même et qui lui donnait ainsi, pour<br />
une part très importante de son actif, un rôle de propriétaire<br />
foncier exploitant, peu conciliable avec celui de banque émettrice<br />
de billets remboursables à vue (1).<br />
Les attaques ne manquèrent pas à la Banque (2) ;<br />
* *<br />
on ne lui<br />
ménagea aucune critique et la « hardiesse économique » de ceux<br />
qui l'avaient engagée à assumer tout le crédit agricole ne trouva<br />
plus aucun défenseur. On allait jusqu'à discuter l'opportunité de<br />
renouveler son privilège, lorsque celui-ci expirerait en 1897.<br />
Contre elle s'élevaient à la fois ceux qui se rendaient compte<br />
de l'erreur commise et ceux qui, après en avoir profité, se<br />
(1) Cf. Albier. De l'organisation du crédit en Algérie. Paris 1901, page<br />
169.<br />
(2) Cf. Louis Vignon. La France dans l'Afrique du Nord (Algérie Tuni<br />
sie), Paris 1887 et La France en Algérie, Paris, 1893.
— — 167<br />
voyaient alors pressés par elle. Au Parlement, diverses inter<br />
ventions s'étaient produites qui démontraient combien la position<br />
de la Banque devenait difficile au regard même de cette opinion<br />
publique qui l'avait entraînée. Peut-être n'est-il pas sans intérêt<br />
de reproduire ici la défense de la Banque que M. Nelson-<br />
Chiérico présenta devant les actionnaires à l'assemblée générale<br />
de 1892 :<br />
« Depuis votre dernière assemblée générale, la question de la<br />
Banque a été pour ainsi dire, et pendant de longs mois, tant en<br />
France qu'en Algérie, à l'ordre du jour des préoccupations de<br />
l'opinion, de la presse et même du Parlement. Nous avons eu<br />
à subir de vives critiques. Il ne saurait nous convenir de nous<br />
y arrêter et de tenter la réfutation des attaques violentes, pas<br />
sionnées, injustes, dont nous avons été quelquefois l'objet,<br />
bien que souvent nos actionnaires en aient pris émotion : l'in<br />
térêt général n'ayant pu être le seul mobile de leurs auteurs,<br />
nous avons le devoir de passer outre.<br />
« Mais certains bons esprits,<br />
nos actionnaires,<br />
et parmi eux quelques-uns de<br />
négligeant de tenir compte de circonstances<br />
spéciales, indépendantes de la volonté de quiconque et troublés,<br />
les uns par un manque de clarté plus apparent que réel dans<br />
l'établissement de nos bilans, les autres par la diminution des<br />
dividendes,<br />
sont arrivés, avec plus de tact et de mesure il est<br />
vrai, à formuler aussi des critiques dont quelques-unes ont été<br />
portées jusqu'au Parlement et qui doivent fixer notre attention.<br />
Nous devons, à la louable intention de tous ceux qui les ont<br />
conçues et exprimées, des explications nettes, précises, leur per<br />
mettant d'apprécier, en meilleure connaissance de cause, la situa<br />
tion réelle de notre institution.<br />
« Devant la Commission sénatoriale des dix-huit,<br />
nous avons<br />
eu l'occasion de nous expliquer avec la plus grande netteté.<br />
« A la Chambre des députés, sur l'interpellation de l'honorable<br />
M. Goirand, M. le Ministre des Finances a pu également faire<br />
la preuve que la plupart des critiques, des accusations même,<br />
formulées contre la Banque,<br />
manquaient de base solide.<br />
« Ces discussions sont présentes à l'esprit de tous et il nous<br />
paraît superflu de les reprendre.<br />
« Mais nous devons insister tout particulièrement sur le rôle
— — 168<br />
qu'a joué et que joue la Banque de l'Algérie en tant qu'établis<br />
sement public.<br />
« Nous ne remonterons pas jusqu'à son origine, en 1851, pour<br />
rappeler les services rendus au commerce. Nous n'en retien<br />
drons qu'un. Dans les grands centres où la Banque avait une<br />
action directe par ses succursales, elle a supprimé l'usure, qu'an<br />
térieurement à sa création, tous, riches et pauvres,<br />
petits négociants, devaient fatalement subir.<br />
grands et<br />
« Et ce bienfait a été par la suite étendu à toute la colonie<br />
grâce à l'action des comptoirs d'escompte : l'usure a, pour ainsi<br />
dire, disparu.<br />
« En même temps, l'œuvre de la colonisation faisait un pas<br />
considérable dans la voie du progrès. C'est en 1880, époque à<br />
laquelle notre privilège fut renouvelé, que prit naissance ce mou<br />
vement qui transforma si rapidement la colonie.<br />
« Jusqu'à ce moment, l'Algérie n'avait vécu que de l'exporta<br />
tion de ses produits en nombre assez restreint : céréales, laines<br />
et bestiaux. En dépit des procédés rudimentaires de culture<br />
employés par les indigènes, détenteurs des plus grandes surfa<br />
ces, la fertilité de son sol et surtout le peu de concurrence étran<br />
gère permettaient au pays de vivre de ses exportations.<br />
« Tout à coup<br />
une révolution économique éclate : les pays<br />
étrangers inondent les marchés français de produits similaires<br />
et l'exportation algérienne est gravement atteinte.<br />
« La colonie, vaillante, fortement trempée,<br />
et, modifiant son programme,<br />
ne désespère pas<br />
elle tente d'arracher au sol d'au<br />
tres richesses. Elle se donne à la culture intensive et tourne son<br />
objectif vers la vigne.<br />
« Des capitaux importants sont nécessaires. L'Algérie n'en<br />
a pas en réserve et l'épargne française semble peu disposée à<br />
franchir la Méditerranée.<br />
« Soucieuse de l'avenir du pays qui est en jeu, et surtout<br />
incitée par le Parlement qui, lors de la discussion de son pri<br />
vilège en 1880, l'avait mise en demeure d'étendre ses facilités<br />
à l'agriculture, la Banque de l'Algérie intervient et fournit la<br />
plus grande partie des capitaux qui ont servi à la création de<br />
ce merveilleux vignoble algérien et qui dépasse aujourd'hui
- 169<br />
—<br />
150.000 hectares, avec une production, année moyenne, de 4 à<br />
5 milhons d'hectolitres.<br />
« La vie économique, prête à s'éteindre en 1880,<br />
plus d'intensité que jamais.<br />
« Tous se sont mis résolument à l'œuvre ; beaucoup<br />
reprend avec<br />
ont usé<br />
de l'intervention de la Banque. Mal secondés par les circons<br />
tances, victimes de fléaux inattendus, quelques-uns ne réussi<br />
rent pas et la période des difficultés s'ouvrait pour la Banque.<br />
« A l'assemblée générale de 1887 nous avons fait un exposé<br />
très succinct de la situation du moment. Nous avons fait suivre<br />
cet exposé d'un programme général d'ensemble sur les mesures<br />
que nous comptions prendre ; vous l'avez approuvé, nous n'y<br />
reviendrons pas.<br />
« Mais, dès aujourd'hui,<br />
n'est-il pas équitable de reconnaître<br />
que, sans le concours de la Banque, l'Algérie aurait misérable<br />
ment végété autour d'une production à peine suffisante à sa<br />
consommation ?<br />
« Là, d'ailleurs, ne se sont pas bornés les services rendus par<br />
la Banque. Il en est de tout aussi considérables qu'il convient de<br />
mettre en lumière.<br />
« En 1889, les populations du département de Constantine sont<br />
ruinées par la sécheresse. Point de récolte, pas même de céréales<br />
pour la semence.<br />
« C'est la misère pour les colons. Pour les indigènes, c'est plus<br />
encore : c'est la famine avec son cortège obligé de rapines, de<br />
brigandages et de maladies épidémiques dont l'année 1867 nous<br />
avait laissé l'effroyable souvenir.<br />
« Il fallait aviser sans retard.<br />
« Le gouvernement général de l'Algérie, le département de<br />
Constantine, émus et poussés par l'imminence du danger, s'a<br />
dressent à la Banque de l'Algérie. Une somme de quatre millions,<br />
sans intérêts pendant les deux premières années,<br />
disposition du département de Constantine,<br />
est mise à la<br />
pour être affectée<br />
aux prêts de semences tant aux indigènes qu'aux colons.<br />
« L'année suivante, en 1890, un autre fléau, le mildew, apporte<br />
la ruine et la désolation dans la population européenne du même<br />
département. Là encore, sans retard, la Banque intervient et
MESURES<br />
RGIQUES<br />
T PRISES<br />
R<br />
ABL1R<br />
SITUATION<br />
PROMISE<br />
.A<br />
QUE.<br />
170 —<br />
prête 500.000 francs au département qui les répartit aux com<br />
munes chargées de la distribution aux intéressés.<br />
« Il convient d'ajouter ici que ces deux prêts sont presque<br />
entièrement remboursés. Il reste à récupérer 102.977 fr. 97 sur<br />
celui de 4 millions et 155.750 francs sur celui de 500.000 francs.<br />
« Plus récemment enfin, cette année même, 1892, c'est l'Algé<br />
rie entière qui a subi les redoutables effets d'une longue et per<br />
sistante sécheresse.<br />
« La récolte est à peu près nulle dans deux départements,<br />
Alger et Oran, et très médiocre dans celui de Constantine. C'est<br />
encore la misère, la ruine, la famine pour la population indigène,<br />
privée de la semence nécessaire à la prochaine récolte.<br />
« La situation est grave et c'est la Banque qui,<br />
sur la demande<br />
de M. le Gouverneur général et des trois préfets, apporte spon<br />
tanément son bienfaisant et rapide concours. Elle avance 350.000<br />
francs au département de Constantine, 625.000 francs à celui<br />
d'Oran et 1.500.000 francs à celui d'Alger, au taux de 2 1/2 %<br />
pendant deux ans.<br />
« Est-il nécessaire, Messieurs, de beaucoup insister sur la<br />
valeur de ces services et sur le rôle joué par notre institution<br />
dans ces circonstances particulièrement critiques ? Nous ne le<br />
pensons pas et nous nous contenterons de livrer ces faits au<br />
consciencieux examen de tous ceux qui, de bonne foi ou de<br />
parti-pris,<br />
ont pu contester l'utilité de notre rôle. »<br />
* *<br />
Une banque d'émission chargée de créer une monnaie fidu<br />
ciaire saine ne doit pas seulement songer à jouer un rôle utile,<br />
elle doit veiller à l'observation des règles qui lui ont été imposées<br />
dans l'intérêt même de cette saine circulation fiduciaire qui est<br />
une des premières conditions de la sécurité des transactions.<br />
Le gouvernement ne pouvait s'écarter de ce point de vue et,<br />
en 1896, il nomma sous-directeur de la Banque de l'Algérie, un<br />
inspecteur des finances, M. Lafon, avec mission de le renseigner<br />
exactement sur la situation de la Banque et de provoquer toute<br />
mesure qui serait reconnue nécessaire. L'année suivante un ma<br />
gistrat de la Cour des comptes, M. Rihouet, fut appelé à rempla<br />
cer M. Nelson-Chiérico, et l'on peut dire que le choix qui fut fait
— — 171<br />
de ce conseiller-maître était une indication formelle de la volonté<br />
du gouvernement de voir la Banque rentrer d'une façon rapide<br />
dans la stricte application de ses règles statutaires, qu'elles qu'en<br />
pussent être les conséquences pour ses clients, comme pour elle-<br />
même.<br />
Et de fait, l'encaisse métallique fut reconstituée et maintenue,<br />
depuis le début de 1897, dans les proportions statutaires et la<br />
nouvelle direction entreprit la reconstitution d'un portefeuille<br />
exclusivement commercial.<br />
Elle se montra d'abord très sévère sur ce point et,<br />
instructions du Ministère des Finances,<br />
selon les<br />
elle mit même en doute<br />
le caractère statutaire des effets comportant des renouvel<br />
lements, ce qui écartait tout crédit de campagne. C'était là un<br />
excès de rigorisme et une telle doctrine n'était guère applica<br />
ble à la Banque de l'Algérie. Une certaine inquiétude se répandit<br />
dans le public ; la presse attaqua la Banque avec vigueur ; la<br />
Chambre de Commerce d'Alger, justifiant la conduite passée<br />
de la Banque et exposant en termes fort élogieux les services<br />
qu'elle avait rendus à la colonie, demanda instamment, le 6 octo<br />
bre 1897, que les mesures prises sur les instructions du ministre<br />
fussent rapportées. Tout en réclamant le renouvellement du<br />
privilège de la Banque,<br />
elle demandait qu'elle fût de nouveau<br />
mise en situation d'offrir, comme par le passé, les conditions<br />
de crédit « suffisantes au développement et au progrès du com<br />
merce, de l'industrie et de l'agriculture ». En l'absence de<br />
M. Rihouet, le sous-directeur, M. Lafon, dut, en novembre 1897,<br />
pour calmer cette émotion, donner l'assurance que tout papier<br />
renouvelable ne serait pas systématiquement écarté.<br />
Au mois de mai 1898, il succédait à M. Rihouet et faisait, à<br />
l'assemblée des actionnaires, la déclaration suivante : « Pénétré,<br />
« tant de nos obligations comme banque d'émission que de nos<br />
« devoirs vis-à-vis du pays,<br />
nous poursuivons notre œuvre<br />
« d'apurement, en continuant à y apporter les ménagements que<br />
« nécessite, surtout en matière de crédit, une situation déjà<br />
« existante. »
'OURNE-<br />
ENT DU<br />
ÏNOUVELLE-<br />
ENT DU<br />
HIVILÈGE DE<br />
i BANQUE<br />
V 1897<br />
T EN 1899.<br />
ETABLISSE-<br />
ENT DE LA<br />
JTUATION DE<br />
A BANQUE.<br />
— 172<br />
Le gouvernement et l'opinion publique demeuraient; inquiets<br />
de la situation de la Banque, dont le bilan restait chargé de pos<br />
tes immobiliers, constituant un actif de réalisation incertaine.<br />
De nouveau on parlait de faire appel à la Banque de France<br />
et M. Viviani déposait un amendement en ce sens. Le privilège de<br />
la Banque n'était renouvelé en 1897 que pour deux ans, jus<br />
qu'au 31 octobre 1899 (1), et le Ministère des Finances se<br />
refusait à envisager un renouvellement de longue durée tant<br />
que la situation n'aurait pas été entièrement apurée. Au courant<br />
de l'année 1899, il exigea que le poste « Domaine » disparût<br />
complètement de l'actif et assigna à la Banque un court délai<br />
pour réaliser cette mesure. Il ne laissa renouveler le privilège<br />
que pour une année,<br />
expirant le 31 octobre 1900.<br />
Pour répondre aux exigences ministérielles une combinaison<br />
fut élaborée, consistant à créer une société immobilière devant<br />
se charger de la gestion et de la liquidation du domaine qui lui<br />
fut cédé après estimation de sa valeur. C'est ainsi que fut fondée<br />
la « Société Domaniale », avec le concours des actionnaires de<br />
la Banque de l'Algérie et de certains de ses administrateurs qui<br />
acceptèrent de se charger d'une tâche difficile et ingrate.<br />
L'exécution de ces mesures eut pour résultat d'absorber la<br />
presque totalité des réserves ; mais,<br />
parmi les éléments ainsi<br />
amortis, il en était de réelle valeur qui ne devaient pas tarder<br />
à contribuer à les reconstituer (2) .<br />
(1) La Chambre de Commerce d'Alger et le Conseil municipal d'Alger,<br />
par des délibérations fortement motivées, protestaient contre l'ajournement<br />
de la prorogation. Les chambres de commerce, traduisant l'inquiétude<br />
que causait aux colons un ajournement dont le seul but était de hâter<br />
de la part de la Banque la liquidation du passé, redoutaient que des<br />
mesurée trop brutales ne fussent prises contre les débiteurs et que la<br />
Banque se montrât désormais trop rigoureuse à l'égard des agriculteurs<br />
et viticulteurs. Le Conseil municipal avait saisi l'occasion pour soulever<br />
la question du change entre la France et l'Algérie, en réclamant l'échange<br />
au pair des billets des deux banques et la reprise par le Trésor de l'émis<br />
sion de traites endossables sur la France.<br />
(2) Le total des réserves était de 17.825.509 francs au 31 octobre 1900,<br />
Quand on eut fait disparaître du bilan le compte « liquidation », qui<br />
s'élevait à 8.384.432 francs et les valeurs du portefeuille dites « d'im<br />
mobilisation », qui s'élevaient à 9.387.669 francs, le montant des réserves<br />
tomba à 53.389 francs. Mais il devait bientôt s'élever à nouveau : à<br />
3.060.000 francs au 31 octobre 1901 ; à plus de 5 millions en 1902 ; à près<br />
de 8 millions en 1903 ; à 10 millions en 1904 et à 19 millions en 1906.
Vue de CONSTANTINE,<br />
prise le 13 Octobre 1837, jour de l'entrée des Français
173 —<br />
*<br />
* *<br />
Ayant ainsi satisfait aux exigences du gouvernement, M. La-<br />
fon put entreprendre la négociation du renouvellement du<br />
privilège de la Banque qui fut prorogé par la loi du 5 juillet 1900,<br />
pour la même échéance que le privilège de la Banque de France,<br />
jusqu'au 31 décembre 1920, mais en prévoyant,<br />
comme pour<br />
celui-ci, qu'une loi votée en 1911 pourrait le faire cesser en 1912.<br />
Les conditions imposées à la Banque peuvent se résumer<br />
ainsi :<br />
Pour bien marquer la rupture avec le passé on donnait à la<br />
Banque une organisation nouvelle,<br />
en transportant son siège<br />
social d'Alger à Paris ; le Conseil d'administration devait être,<br />
en conséquence, pratiquement en partie renouvelé, le siège d'Al<br />
ger fonctionnant comme une succursale ordinaire avec un conseil<br />
d'administration local. Cette mesure, disait le ministre dans<br />
l'exposé des motifs, devait avoir pour avantage de soustraire la<br />
Banque de l'Algérie aux influences locales sans que la tractation<br />
des affaires sur place dût en éprouver aucun dommage (1).<br />
La limite d'émission des billets de banque était portée à<br />
(1) La Chambre de Commerce d'Alger, dans sa séance du 31 mars 1900,<br />
tout en approuvant l'ensemble du projet du gouvernement, protesta contre<br />
ce transfert, dans lequel elle voyait la cause fatale de grands retards<br />
dans la conclusion des affaires, et son rapporteur, M. Billiard, ajoutait :<br />
« Le ministre explique qu'il veut soustraire la direction de la Banque de<br />
l'Algérie à des influences locales ; ces influences, si elles ont existé,<br />
n'étaient-elles pas moins dangereuses que les influences politiques aux<br />
quelles la direction de Paris et le ministre lui-même pourront difficilement<br />
se soustraire La création<br />
prévue d'une succursale en Tunisie ne nous<br />
paraît pas suffisante pour justifier le transfert à Paris ; le directeur est<br />
en meilleure situation à Alger qu'à Paris pour prendre une décision sur<br />
une affaire tunisienne à cause des nombreuses analogies entre l'Algérie<br />
et la Tunisie ; c'est dans cet ordre d'idées que la Tunisie a été placée dans<br />
ressort de la Cour d'appel d'Alger et non dans celui de la Cour d'Aix<br />
le<br />
ou de Paris. »<br />
Ces réclamations se produisirent pendant quelque temps. En 1901 et<br />
en 1902 le Conseil Supérieur déclara que l'installation de la Banque à<br />
paris était un non-sens ; en juin 1902, le Syndicat Commercial d'Alger<br />
demanda le retour du siège social à Alger et la Chambre de Commerce<br />
s'associa à cette manifestation qui demeura sans suite.<br />
Il convient d'ailleurs d'observer que, lorsqu'en 1904, la Banque de<br />
l'Algérie s'installa en Tunisie, le décret tunisien du 8 janvier stipula dans<br />
son article 1 que le gouvernement tunisien se réservait la faculté de<br />
retirer à la Banque de l'Algérie le privilège d'émission dans la Régence<br />
au<br />
cas où le siège social de la Banque cesserait d'être établi à Paris.<br />
RENOUVELLE<br />
MENT DU<br />
PRIVILÈGE<br />
EN 1900.
— — 174<br />
150 milhons, mais toute règle étroite, fixant une proportion<br />
rigide entre l'encaisse et la circulation, était supprimée. On a<br />
vu quelles conséquences regrettables pour l'Algérie avait entraîné<br />
le maintien de cette disposition et la loi se borna sagement à<br />
reproduire celle des statuts primitifs de la Banque de France<br />
(28 nivôse, an VIII) prescrivant que les émissions doivent être<br />
maintenues dans des proportions telles qu'au moyen du numé<br />
raire réservé en caisse et des échéances du papier en portefeuille,<br />
la Banque ne puisse, dans aucun temps, être exposée à différer<br />
le payement de ses engagements au moment où ils lui seront<br />
présentés.<br />
Ainsi disparaissait une règle théoriquement explicable, qui<br />
avait été prématurément appliquée à la Banque, mais dont un<br />
projet de loi, actuellement soumis au Parlement, devait repren<br />
dre le principe vingt-neuf ans après.<br />
En vue de l'extension des services de la Banque dans de<br />
nouvelles régions, en particulier dans la Tunisie,<br />
où son établis<br />
sement avait été envisagé dès le début de notre protectorat, mais<br />
différé tant que sa situation n'était pas régularisée, l'article 4<br />
de la loi prévoyait que la Banque de l'Algérie pourrait être<br />
autorisée, par décrets rendus sur la proposition du ministre des<br />
Finances, le Conseil d'Etat entendu, à créer des établissements<br />
et à émettre des billets payables au porteur et à vue dans les<br />
colonies et protectorats français en Afrique.<br />
L'Etat se réservait, par contre, d'importants avantages :<br />
pour la première fois, depuis la fondation de la Banque, il lui<br />
imposait, comme il venait de le faire à l'égard de la Ban<br />
que de France, le paiement d'une redevance annuelle, fixée à<br />
200.000 francs jusqu'en 1905, et s'élevant progressivement<br />
jusqu'à 300.000 francs a partir de 1913. En outre, par une con<br />
vention du 30 juin 1900, que la loi sanctionnait, la Banque<br />
consentait à l'Etat, pour la durée du privilège, une avance de<br />
3 milhons, dont l'article 6 de la loi affectait le montant, en même<br />
temps que celui du produit des redevances annuelles, au crédit<br />
agricole en Algérie.<br />
L'exposé des motifs du projet de loi s'expliquait ainsi sur ce<br />
point : « Le gouvernement a été saisi d'un grand nombre de
— — 175<br />
vœux se rattachant à la question du crédit agricole (1). Ces<br />
vœux peuvent se diviser en deux catégories : les uns tendent à<br />
faire de la Banque elle-même l'instrument du crédit agricole ;<br />
les autres à obtenir seulement de la Banque un concours pécu<br />
niaire suffisant pour faciliter l'établissement de ce crédit. Après<br />
les graves mécomptes que le crédit agricole a causés à la Banque<br />
de l'Algérie, mécomptes qui ont compromis son fonctionnement<br />
et ont pu même faire douter, pendant quelque temps, de la pos<br />
sibilité de renouveler son privilège, nous ne pouvons pas autori<br />
ser dans le nouveau projet des opérations aussi dangereuses pour<br />
un institut d'émission et aussi incompatibles avec ses obligations<br />
fondamentales. Ce que le gouvernement n'a pu admettre pour la<br />
Banque de France, il ne peut l'admettre davantage pour la Ban<br />
que de l'Algérie ; que celle-ci, comme la Banque de France,<br />
escompte, dans les conditions générales autorisées par ses sta<br />
tuts, le papier des syndicats agricoles, qu'elle pratique, en un<br />
mot le crédit agricole, dans les mêmes cas et sous les mêmes<br />
formes que tout autre crédit, la chose est sans inconvénient ; les<br />
statuts nouveaux ont reçu, à cet effet, une modification emprun<br />
tée à celle que la loi du 17 novembre 1897 a introduite dans les<br />
statuts fondamentaux de la Banque de France (2) ; mais que<br />
la Banque de l'Algérie allant plus loin, escompte du papier à<br />
long terme adossé à des opérations non commerciales et inca<br />
pables de fournir en temps voulu la contre-valeur en numé<br />
raire des billets,<br />
c'est une voie dans laquelle nous ne saurions<br />
(1) D'assez vives discussions eurent lieu aux Délégations financières au<br />
sujet du privilège de la Banque. On avait été jusqu'à demander que le taux<br />
d'escompte fût fixé pour toute la durée du privilège ; on avait surtout in<br />
sisté sur le crédit agricole. A ce sujet l'assemblée plénière demanda que le<br />
renouvellement du privilège fût subordonné au versement par la Banque<br />
d'une dotation destinée à une banque agricole et à l'octroi régulier de cré<br />
dits de campagne aux colons (Ordre du jour Aymes). La Banque de<br />
l'Algérie avait fait connaître qu'elle consentirait à tenir à la disposition<br />
de l'Etat une somme de 3 millions à titre de prêt sans intérêt et pour<br />
la durée du privilège. « L'Etat, disait la Banque, en disposerait en faveur<br />
des établissements de crédit agricole de la colonie, qu'il s'agisse de comp<br />
toirs régionaux ou éventuellement d'une banque centrale agricole qui<br />
pourrait au besoin être en rapport avec la Banque de l'Algérie.<br />
(2) Addition à l'article 2 des statuts des mots « des syndicats agricoles<br />
ou autres » à la liste des personnes dont les effets peuvent être escomptés<br />
à la Banque,
le crédit<br />
de 1890 a 1905.<br />
entrer... Aussi,<br />
— — 176<br />
avons-nous pensé qu'en Algérie comme en France<br />
la seule solution possible consistait à demander à la Banque, au<br />
profit du crédit agricole, un sacrifice pécuniaire. »<br />
M. Antonin Dubost, rapporteur, disait à la séance du Sénat<br />
le 4 juillet 1900 : « Le crédit agricole ne peut pas être distribué<br />
par les banques d'émission. Une banque d'émission ne peut<br />
escompter que des valeurs à courte échéance et d'une réalisa<br />
tion facile, sinon le remboursement de ses billets n'est pas assuré.<br />
Au contraire, l'agriculture a besoin de longues échéances et le<br />
gage qu'elle fournit n'est pas d'une réalisation rapide. Il s'ensuit<br />
d'une façon évidente que, pour distribuer le crédit à l'agriculture,<br />
des institutions spéciales sont nécessaires. »<br />
Tje grands progrès avaient été réalisés en France en matière<br />
de crédit agricole depuis plusieurs années ; la loi du 21 mars 1884<br />
sur les syndicats agricoles avait éveillé chez les cultivateurs<br />
français l'idée de l'organisation et développé en eux le sens de<br />
l'association ; des caisses locales agricoles s'étaient fondées déjà<br />
sous le régime de la loi de 1867 sur les sociétés et avaient donné<br />
d'intéressants résultats. Puis, M. Méline, ministre de l'Agricul<br />
ture, avait déposé, dès 1890,<br />
un projet de loi sur le crédit agricole<br />
qui devint la loi du 5 novembre 1894, sous le titre de « Loi rela<br />
tive à la création de sociétés de crédit agricole », et jeté ainsi<br />
les bases d'une organisation qui entra sans retard dans la voie<br />
des réalisations pratiques et qui devait bientôt rendre aux agri<br />
culteurs métropolitains les plus signalés services.<br />
Il n'en avait pas été de même en Algérie. La loi du 5 novem<br />
bre 1894 contenait bien une disposition la rendant applicable dans<br />
la colonie ; mais la situation de l'agriculture n'était pas la même<br />
en Algérie que dans la Métropole et les intéressés hésitaient<br />
devant l'application d'un texte qui avait été élaboré sans tenir<br />
compte de ces différences (1). En 1897 un Congrès des agricul<br />
teurs, tenu à Alger, fut saisi de la question. M. Arthus présenta<br />
à ce Congrès, au nom de la Société d'agriculture d'Alger, un rap<br />
port concluant à la création d'une banque centrale agricole. Il<br />
(1) Voir Philippar, Contribution à l'Etude du crédit agricole en Algérie,<br />
Paris, Larose, 1903.
— — 177<br />
constatait d'abord que le taux de l'intérêt, aggravé par le fait<br />
qu'il est payé d'avance lorsqu'il s'agit d'agios de l'escompte,<br />
était trop lourd pour les agriculteurs : de 7 à 12 % selon les<br />
comptoirs d'escompte ; 6 à 7 % pour le Crédit Foncier ; 5 % pour<br />
les privilégiés pouvant avoir accès aux guichets de la Banque de<br />
l'Algérie ; le crédit existait donc, selon lui, mais il était devenu<br />
un instrument de ruine au lieu d'être un instrument de pros<br />
périté ; il ne s'agissait pas de créer le crédit agricole, mais de<br />
le réformer. Analysant ensuite ce qu'est en réalité le crédit<br />
agricole, M. Arthus adoptait la division classique, dans la doc<br />
trine, en long, moyen et court terme. Le long<br />
(construction, plantations, constitution du cheptel)<br />
et le moyen terme<br />
relève des<br />
prêts fonciers et du Crédit Foncier. Mais, selon lui, il fallait<br />
abroger le décret qui a étendu le privilège du Crédit Foncier<br />
de France à l'Algérie « attendu que les services rendus par cet<br />
établissement ont été nuls » et créer un établissement foncier<br />
spécial à l'Algérie. Le crédit à court terme concerne les achats<br />
de semences, engrais,<br />
matières premières ou préparées néces<br />
saires aux cultures, paiement de la main-d'œuvre, et il admettait<br />
que ce crédit ne devait pas excéder dix-huit mois, délai dans<br />
lequel les recettes et les dépenses devaient être effectuées.<br />
Le crédit agricole à court terme devait, selon M. Arthus, être<br />
encouragé et garanti dans une certaine mesure par l'Etat et il<br />
concluait que,<br />
puisque la Banque de l'Algérie serait soumise<br />
comme la Banque de France à une redevance, il fallait que les<br />
ressources à provenir de cette redevance fussent affectées au<br />
crédit agricole ; il convenait de créer une banque agricole unique<br />
dont les risques,<br />
répartis sur tout le territoire en un plus grand<br />
nombre de prêts, se trouveraient plus divisés et, partant, moins<br />
étendus. Cette banque unique de crédit agricole devait avoir,<br />
dans le plus grand nombre de villes possibles, des succursales<br />
et des agences et pouvoir s'appuyer dans chaque commune sur<br />
un syndicat agricole, du type prévu par la loi du 21 mars 1884.<br />
Enfin, le capital de cette banque devait être fourni par l'Etat.<br />
En 1899, un second Congrès des agriculteurs s'était réuni à<br />
Alger et avait émis le vœu : « Que le renouvellement du privilège<br />
de la Banque de l'Algérie fût subordonné à l'établissement du<br />
crédit agricole en Algérie : 1° par un versement à déterminer
— — 178<br />
ultérieurement, destiné à former la première mise de fonds de<br />
la banque agricole ; 2° par l'inscription dans les statuts d'une<br />
clause accordant aux colons européens et indigènes la faculté<br />
d'obtenir des crédits de campagne devant être réalisés, suivant<br />
leur nature, en six, douze ou quinze mois. »<br />
A leur tour, les Délégations financières étudièrent la question<br />
et adoptèrent, le 14 novembre 1899,<br />
Arthus,<br />
un projet analogue au plan<br />
après avoir écarté le système de la loi française : « Sys<br />
tème excellent, certes, disait M. Deloupy, dans un pays où la<br />
famille est constituée depuis des siècles,<br />
où chacun connaît son<br />
voisin et sait dans quelle mesure il peut s'engager pour lui, dans<br />
un pays enfin où tout se passe entre compatriotes, système<br />
inadmissible chez nous où aucune de ces conditions n'existe et<br />
que seule l'œuvre du temps pourra faire naître. » (1).<br />
Cette affirmation témoignait de l'état d'esprit de beaucoup<br />
de colons qui se rendaient compte que la loi, faite pour une<br />
situation agricole déterminée, ne pouvait pas, de piano, donner<br />
en Algérie les mêmes résultats qu'en France. Ils n'étaient pas<br />
sans défiance à l'égard d'un principe de mutualité qui pouvait<br />
entraîner les colons en situation de répondre de leurs propres<br />
engagements à en couvrir d'autres moins bien garantis et à faire<br />
en quelque sorte tous les frais du système nouveau.<br />
Cependant, à cette date, la question changeait d'aspect. La<br />
mutualité, tout en demeurant la base du régime du crédit agricole<br />
était, en France même, puissamment aidée par des avances de<br />
l'Etat et elle ne présentait plus les mêmes risques pour les par<br />
ticipants. Lors de la discussion du renouvellement du privilège<br />
de la Banque de France, en 1897, le gouvernement avait subor<br />
donné ce renouvellement à une contribution au crédit à l'agricul-<br />
(1) Le vœu émis par les Délégations financières était le suivant : « Qu'il<br />
soit créé une banque centrale ayant pour but les prêts à l'agriculture,<br />
dont le capital serait formé par des obligations garanties par l'Etat ou<br />
le Gouvernement de l'Algérie.<br />
Que cette banque, au fur et à mesure des besoins dans les centres agri<br />
coles importants, provoque la création de banques cantonales dont le<br />
capital de garantie, serait constitué par des actions et qui seraient admi<br />
nistrées par des actionnaires, sous leur responsabilité, mais avec le contrôle<br />
d'un inspecteur des finances. »<br />
Voir, en sens contraire, le voeu de M. Lecq. Bulletin de la Société de<br />
Géographie d'Alger 2- trimestre 1901. Ce vœu tendait à la création de<br />
caisses locales.
— — 179<br />
ture sous la double forme d'une avance à l'Etat et de redevances<br />
annuelles. La loi du 31 mars 1899 avait décidé que ces sommes<br />
seraient attribuées à titre d'avances sans intérêt à des caisses<br />
régionales de crédit agricole reposant sur le principe de la mutua<br />
lité. Ces caisses régionales devenaient des intermédiaires entre<br />
les caisses locales de la loi de 1894 et le Trésor. Un principe<br />
venait d'être posé qu'il pouvait être intéressant d'appliquer à<br />
l'Algérie. Dès le mois de juillet 1900, M. Morinaud, député, et<br />
plusieurs de ses collègues, prirent l'initiative du dépôt d'une pro<br />
position de loi tendant à organiser en Algérie des caisses régio<br />
nales, dans les conditions prévues par la loi du 31 mars 1899,<br />
écartant ainsi les projets de création en Algérie d'une centrale<br />
agricole,<br />
que ne recommandaient au surplus ni les souvenirs du<br />
« Crédit agricole » métropolitain de 1860, ni l'exemple récent de<br />
centralisation effectué par la Banque de l'Algérie. Le 8 juillet<br />
1901 fut votée une loi dans laquelle furent fondus le_ texte de la<br />
proposition Morinaud et celui d'un projet élaboré par le gouver<br />
nement. Elle instituait en Algérie des caisses régionales de crédit<br />
mutuel agricole ayant pour but « de faciliter les opérations<br />
concernant l'industrie agricole, effectuées par les membres des<br />
sociétés locales de crédit agricole mutuel de leur circonscription '<br />
et garanties par ces sociétés ». Ces caisses devaient escompter<br />
des effets souscrits par les membres des sociétés locales et<br />
endossés par ces sociétés ;<br />
elles pouvaient faire à ces sociétés<br />
les avances nécessaires pour la constitution de leur fonds de<br />
roulement ; le montant des avances ne devant pas excéder le<br />
quadruple du capital versé en espèces. L'Etat était autorisé à<br />
mettre à la disposition de ces caisses régionales des sommes<br />
importantes sans intérêt,<br />
et ces caisses régionales étaient char<br />
gées de venir en aide avec ces ressources aux caisses locales. Un<br />
arrêté du gouverneur général était prévu pour fixer les moyens<br />
de contrôle et de surveillance à exercer sur les caisses régionales,<br />
et la loi précisait les dispositions essentielles à insérer dans les<br />
statuts, notamment en ce qui concerne le maximum des dépôts à<br />
recevoir en comptes courants et le maximum des bons à émettre,<br />
lesquels, réunis, ne peuvent excéder les trois quarts du montant<br />
des effets en portefeuille.<br />
Le crédit agricole se trouvait désormais organisé dans des
— - 180<br />
conditions qui, dans la pensée des dirigeants de la Banque de<br />
l'Algérie, devaient écarter de celle-ci toute sollicitation nouvelle<br />
concernant l'escompte de papier d'immobilisation agricole puis<br />
que les caisses de crédit mutuel pouvaient recevoir les fonds<br />
provenant des avances ou des contributions de la Banque. Le<br />
directeur Lafon prit aussitôt à ce sujet une attitude très nette<br />
destinée à couper court à toute discussion nouvelle sur ce point.<br />
Lorsque le gouverneur général Jonnart appelait son attention sur<br />
les colons agriculteurs dont certains se trouvaient dans une<br />
situation digne d'intérêt et justifiant quelques ménagements, il<br />
répondait que jusqu'à ce jour la Banque avait usé de tous les<br />
ménagements et donné tous les concours possibles, mais que,<br />
désormais, après le renouvellement du privilège, la question était<br />
bien nette : ce n'est pas la Banque de l'Algérie qui doit faire<br />
le crédit agricole. En conséquence,<br />
elle ne développerait plus les<br />
relations avec les comptoirs d'escompte. Si M. Jonnart insistait,<br />
rappelant que les Délégations financières avaient mis au renou<br />
vellement deux conditions : la première, le versement d'une<br />
somme pour le crédit agricole ; la seconde, l'accès du papier<br />
agricole aux guichets de la Banque et, s'il demandait à celle-ci,<br />
tout en reconnaissant qu'il ne fallait pas retomber dans les<br />
erreurs passées, de maintenir son concours aux comptoirs, dont<br />
la liquidation systématique entraînerait de graves conséquences,<br />
le directeur répondait que le Parlement français n'avait pas suivi<br />
sur ce point les Délégations financières et répétait que le crédit<br />
agricole restait désormais interdit à la Banque de l'Algérie, Sous<br />
cette forme absolue, adoptée pour donner toute sa force à une<br />
affirmation de principe, la Banque n'entendait écarter en fait<br />
que le papier agricole ne présentant pas les conditions statu<br />
taires.<br />
Une certaine inquiétude se manifestait dans les milieux inté<br />
ressés sur la portée de l'exclusive prononcée par la Banque et<br />
par les pouvoirs publics. « L'esprit qui a présidé au renou<br />
vellement de notre privilège, disaient les censeurs lors de la<br />
dernière assemblée tenue à Alger,<br />
la nature des opérations de la Banque. La limitation de l'es<br />
semble s'être attaché à limiter<br />
compte au seul papier d'affaires est une réalité immédiate. Un<br />
tel résultat ne sera peut-être pas atteint sans difficultés. Il nous
INDUSTRIE VINICOLE<br />
1890
- 181<br />
—<br />
paraît indispensable que les colons qui, jusqu'à présent, étaient<br />
habitués à considérer la Banque de l'Algérie comme la grande<br />
dispensatrice de tous les crédits sans distinction,<br />
puissent trou<br />
ver auprès des caisses agricoles, dont l'établissement est attendu<br />
si impatiemment, les avances que, désormais, elle ne pourra plus<br />
faire. »<br />
La doctrine, établie par le Parlement dans des termes généraux<br />
et admise par la Banque, était bien que le papier d'immobilisa<br />
tion devait être écarté des escomptes et que le papier agricole,<br />
revêtant le plus souvent ce caractère, devait être particulièrement<br />
surveillé avant son admission, de façon à ne prendre place dans<br />
le portefeuille que s'il remplissait les conditions de mobilité<br />
requises. L'attitude très nette prise par le directeur de la Banque<br />
n'excluait pas, en fait, une application libérale des principes ainsi<br />
posés et, en 1901, M. Lafon pouvait dire : « A l'égard de l'agri<br />
culture, base des plus importantes transactions,<br />
notre concours<br />
n'a cessé d'être bienveillant, inspiré du désir d'atténuer les consé<br />
quences des circonstances économiques particulièrement diffici<br />
les qu'elle traverse... Le montant des engagements des comptoirs<br />
d'escompte est en augmentation et les chiffres constituent des<br />
preuves évidentes de notre attachement à cette race laborieuse<br />
des colons qui fait la force et l'honneur de la colonie... Bien que<br />
les sacrifices consentis nous affranchissent des obligations du<br />
crédit agricole,<br />
notre assistance dans l'avenir continuera à se<br />
manifester envers le producteur algérien,<br />
développement et de fécondité,<br />
source généreuse de<br />
sous toutes les formes qui peu<br />
vent concilier nos sympathies avec le crédit du billet de banque,<br />
dont la sûreté et la garantie importent avant tout à la com<br />
munauté algérienne. »<br />
Ainsi devait, peu à peu,<br />
* *<br />
s'élaborer une doctrine et se créer<br />
la banque<br />
une pratique établissant entre les diverses formes de crédit DJL joôo^wsftf<br />
agricole des distinctions justifiées et laissant encore à la<br />
Banque de l'Algérie et aux établissements de crédit une part<br />
importante de collaboration avec l'agriculture, qui est à la base<br />
de l'activité économique algérienne.<br />
12
SON<br />
PRIVILÈGE<br />
EST ÉTENDU<br />
A LA RÉGENCE<br />
DE TUNIS.<br />
— — 182<br />
Malgré les difficultés qu'elle rencontrait, malgré les incidents<br />
et les complications provenant de la liquidation du passé, et en<br />
particulier de la gestion laborieuse et décevante de la Société<br />
Domaniale, le redressement de la Banque réorganisée s'affirmait<br />
au point qu'en 1903 M. Lafon pouvait se féliciter de la recons<br />
titution de la réserve statutaire qui n'avait pas nécessité plus<br />
de trois ans et demi.<br />
La Banque avait, entre temps, largement étendu en Algérie<br />
le réseau de ses agences qui, en 1905,<br />
en dehors des succursales<br />
d'Alger, Oran, Constantine, Tlemcen, Bône, Philippeville, comp<br />
tait douze bureaux auxiliaires, dont le plus ancien, celui de Blida,<br />
datait de 1891.<br />
Elle avait reconquis la confiance de tous et elle pouvait enfin<br />
réaliser un projet prévu dans la loi de 1900,<br />
en étendant son<br />
privilège d'émission à la Tunisie. Par un décret du 8 janvier 1904<br />
possesseur du royaume de<br />
« Mohamed El Hadj Pacha Bey,<br />
Tunis ; désireux de favoriser le développement économique de la<br />
Régence ; après s'être assuré de l'assentiment du gouvernement<br />
français », autorisa la Banque de l'Algérie à s'installer dans la<br />
Régence de Tunis, avec le privilège d'émission de billets payables<br />
au porteur et à vue pour la même durée que celle prévue par la<br />
loi française. Il était stipulé que les billets émis en Tunisie<br />
devaient être revêtus d'une estampille spéciale indiquant leur<br />
origine tunisienne. La Banque consentait une avance d'un million<br />
au trésor beylical et s'engageait à verser au protectorat une<br />
redevance annuelle égale, en fait, au tiers de celle qui était payée<br />
à l'Etat français. Le 7 mars le gouvernement français autorisait,<br />
par décret, la Banque de l'Algérie à créer des établissements et<br />
à émettre des billets dans la Régence et réglementait, par ana<br />
logie avec le régime algérien, les droits de nomination, de contrôle<br />
et de surveillance réservés au ministre des Finances.<br />
Faisant allusion à cet événement devant l'assemblée des action<br />
naires de 1904, M. Lafon disait : « Nous continuerons de toutes<br />
nos forces la grande œuvre entreprise en favorisant l'essor des<br />
transactions avec la Métropole, avec nos deux voisines affection<br />
nées : l'Italie par la Tunisie, l'Espagne par l'Oranie, en rendant<br />
nos opérations de plus en plus faciles et accessibles au com<br />
merce. »
— - 183<br />
Au delà même de l'Oranie, la Banque de l'Algérie entrevoyait<br />
Je Maroc et étudiait en 1905 le moyen d'y faire éventuellement<br />
circuler ses billets ; elle créait à Nemours, puis à Lalla-Marnia,<br />
des bureaux dont la durée fut d'ailleurs éphémère, comme le fut<br />
à cette époque l'espoir de voir les événements favoriser l'unifi<br />
cation bancaire de l'Afrique du Nord.<br />
Le crédit a joué un rôle des plus actifs dans la colonie au<br />
cours de la longue période que nous venons de passer en<br />
revue. Commencée pendant les heures tragiques d'une guerre<br />
d'où la patrie devait sortir meurtrie, puis d'une insurrection de<br />
tribus encore insuffisamment conscientes de la force et des<br />
bienfaits de la France, cette période s'est poursuivie pendant que<br />
la Métropole recouvrait elle-même son indépendance et sa pros<br />
périté et que l'Algérie se développait avec une rapidité extraor<br />
dinaire, transformait sa culture,<br />
créait cet admirable vignoble<br />
qui constitue aujourd'hui un des éléments les plus productifs<br />
de sa richesse (1).<br />
La part du crédit dans ce développement de l'Algérie fut-elle<br />
excessive ? M. Charles Benoist dans son Enquête algérienne,<br />
a pu dire en 1892 : « On a gaspillé le crédit. On n'a pas attendu<br />
que l'emprunteur se présentât ; on est allé devant lui, jusque<br />
chez lui. On a promené le crédit dans la rue,<br />
on l'a porté à<br />
domicile. Diverses raisons peuvent être invoquées comme expli<br />
cation ou excuse. D'abord, la concurrence des banques contrain<br />
tes de solliciter le client, ensuite l'exceptionnelle richesse du sol<br />
qui formait le gage, le magnifique avenir promis à la colonisa<br />
tion et notamment les espérances sans bornes que fit naître<br />
l'introduction ou le développement de la viticulture. Les sociétés<br />
de crédit eurent leurs placiers, leurs commis-voyageurs, et ne se<br />
(1) « La vigne, depuis vingt ans, rapporte à l'Algérie des sommes d'ar<br />
gent énormes, elle a fait une révolution économique et même morale, elle<br />
a changé l'atmosphère, exalté la joie de vivre et la fièvre d'entreprendre ;<br />
elle a fait pousser Alger en ville champignon. Tout cela, bien entendu, aux<br />
proportions de l'Algérie qui n'est pas l'Amérique. Maia enfin cette expan<br />
sion subite, quelle qu'elle ait été, fut l'œuvre de la vigne. » E. F. Gau<br />
tier, Les siècles obscurs du Maghreb. (Payot, Paris 1927).<br />
DE S7[<br />
rôle du<br />
'
— — 184<br />
montrèrent pas sévères sur les références. Elles ne demandèrent<br />
pas si le colon était solvable ou ne l'était pas ; il leur suffit qu'il<br />
fût propriétaire à titre définitif. Ce système a été suivi par des<br />
particuliers nantis de sommes plus ou moins fortes. Les résultats<br />
ont été désastreux. Voilà où on en est venu avec des intentions<br />
pures. »<br />
Il y eut, en réalité, à cette époque,<br />
un brusque déséquilibre<br />
entre les besoins de crédit des colons et l'organisation même du<br />
crédit en Algérie. Un entraînement général masqua aux plus<br />
sages les difficultés que créait ce déséquilibre. On ne chercha<br />
pas à mettre au point et à compléter cette organisation insuf<br />
fisante et l'on crut que la Banque d'émission pouvait porter le<br />
poids de tout le crédit foncier, commercial, industriel. C'était<br />
une lourde erreur. La Banque elle-même, partageant l'enthou<br />
siasme général,<br />
se laissa convaincre qu'elle pouvait impunément<br />
la commettre : en agissant ainsi, elle a rendu aux colons un ser<br />
vice que ceux-ci ne sauraient méconnaître, mais qui s'est retourné<br />
à la fois contre elle-même, comme il arrive d'ordinaire lorsqu'une<br />
institution s'écarte des principes sur lesquels elle repose, et<br />
contre certains des bénéficiaires de son action, comme il arrive<br />
également lorsque l'avenir sert de gage au crédit plus que les<br />
réalités présentes.
LA BANQUE DE L'ALGÉRIE,<br />
CHAPITRE VI<br />
DE 1906 A 1914<br />
LE CRÉDIT ET LA MONNAIE<br />
Prospérité de l'Algérie en 1906. Rétablissement définitif de la situa<br />
tion dk la Banque de l'Algérie. Maintien du privilège de la Banque en<br />
1911 .<br />
Le<br />
Crédit de 1906 a 1914 : Crédit commercial, crédit agricole.<br />
Crise de 1912. Situation économique de l'Algérie a la veille de la<br />
guerre de 1914. La fortune de L'Algérie en 1914. La circulation moné<br />
taire ET FIDUCIAIRE EN ALGÉRIE AU DÉBUT DE 1914. La MONNAIE ALGÉRIENNE<br />
en Tunisie en 1914. La monnaie algérienne au Maroc en 1914. L'Algérie<br />
était en plein progrès au début de 1914.
La crise de crédit qui avait suivi les excès des années anté<br />
rieures peut être considérée comme terminée en 1906, et l'avenir<br />
s'annonçait comme devant être très favorable à l'Algérie. Le com<br />
merce extérieur général allait atteindre, dès cette même année,<br />
728 millions, alors que dix ans auparavant il ne dépassait guère<br />
549 millions.<br />
La Banque de l'Algérie, dont M. Emile Moreau, inspecteur des<br />
Finances, prit à cette date la direction, devait trouver dans son<br />
organisation nouvelle la souplesse nécessaire pour répondre aux<br />
besoins de crédit de la colonie, tout en observant un scrupuleux<br />
respect de ses statuts. Elle pouvait, malgré la tension monétaire<br />
et la cherté de l'argent qui se manifestaient sur la plupart des<br />
places financières, éviter d'élever le taux de l'escompte et mainte<br />
nir les conditions modérées dont elle faisait bénéficier le com<br />
merce. .<br />
*<br />
* *<br />
La première tâche du nouveau directeur fut de parachever<br />
celle de son prédécesseur. Avec la netteté de son esprit et la<br />
précision de ses volontés, il ne tarda pas à procéder en quelque<br />
sorte à la toilette de la Banque ; il trancha, le plus tôt qu'il<br />
le put, certaines affaires qui traînaient, provoqua la liquidation<br />
amiable de la Société Domaniale, dont l'exploitation était<br />
déficitaire, fit vendre un important domaine qui servait de gage<br />
à une créance d'un montant élevé, effectua dans le bilan les<br />
amortissements nécessaires et, ayant ainsi libéré la Maison de<br />
toute lourde trace du passé, il s'attacha à la mettre en situation<br />
d'obtenir, dans les conditions de dignité et d'indépendance qui<br />
convenaient à la Banque d'émission de l'Algérie, c'est-à-dire d'un<br />
pays devenu majeur, le maintien de son privilège qui pouvait<br />
être remis en question en 1911 (1).<br />
(1) L'article 1er de la loi du 5 juillet 1900 avait prorogé le privilège jus<br />
qu'au 31 décembre 1920, mais en stipulant que « néanmoins une loi votée<br />
par les deux Chambres dans le cours de l'année 1911 pourrait faire cesser<br />
le privilège à la date du 31 décembre 1912. » (Voir page 173).<br />
PROSPÉRITÉ<br />
DE L'ALGÉRIE<br />
EN 1906.<br />
RÉTABLISSE<br />
MENT<br />
DÉFINITIF DE<br />
LA SITUATION<br />
DE LA BANQUE<br />
DE L'ALGÉRIE.
— 188<br />
-<br />
Il acquit d'abord la liberté d'action nécessaire, en assurant<br />
une augmentation du capital de la Banque, porté par la loi du<br />
11 avril 1907 au chiffre actuel de 25 millions,<br />
et en faisant décider<br />
que la limite d'émission pourrait être élevée par décrets jusqu'à<br />
300 millions. Il s'attacha aussitôt après à donner une vive impul<br />
sion aux affaires de la Banque « estimant qu'il est à la fois<br />
conforme à l'intérêt général et à l'intérêt particulier de celle-ci<br />
de permettre l'accès direct de ses guichets à tous ceux qui le<br />
méritent par leur crédit et leur honorabilité ».<br />
A l'assemblée des actionnaires de 1910, il expliquait ainsi quelle<br />
fut alors sa politique : « La Banque, en étendant son champ<br />
d'action, avait eu un double but : faire pénétrer de plus en plus<br />
dans les milieux indigènes l'usage du billet et de la saine mon<br />
naie et combattre le fléau de l'usure... Il est remarquable que<br />
le seul fait de l'installation de la Banque de l'Algérie dans une<br />
contrée quelconque provoque immédiatement une baisse de taux<br />
de l'intérêt qui varie de 1 % à 2 % et quelquefois davantage,<br />
notamment en Tunisie... C'est que votre établissement ne se<br />
borne pas à réescompter le portefeuille des banques métropolitai<br />
nes et locales travaillant en Algérie et en Tunisie. Il admet direc<br />
tement à ses guichets toutes personnes présentant les condi<br />
tions déterminées par ses statuts. Vos carnets d'engagements<br />
révèlent que, sur 2.470 cotes de crédit ouvertes à vos guichets,<br />
613 ne sont pas supérieures à 10.000 francs et 1.042 à 20.000<br />
francs. De sorte que,<br />
malgré la différence apparente existant<br />
entre les taux officiels d'escompte en France et en Algérie, le<br />
taux réel payé par le petit producteur et même par le commer<br />
çant moyen doit être à peu près équivalent des deux côtés de<br />
la Méditerranée et inférieur à celui qui est pratiqué dans nom<br />
bre de vieux pays européens.... Pour favoriser les exportations,<br />
nous avons maintenu, envers et contre tous, à un taux très infé<br />
rieur au taux officiel, l'escompte du papier sur France et du<br />
papier payable en or à l'étranger. »<br />
Par le taux modéré que la Banque consentait, cette politique<br />
avait une heureuse répercussion dans tout le pays et les banques<br />
particulières, succursales de grands établissements de crédit<br />
métropolitains, banques locales, anciens comptoirs, que de sages
— — 189<br />
directions avaient maintenus après la tourmente (1), organismes<br />
agricoles naissants,<br />
particuliers même faisant de la banque au<br />
jour le jour pour s'assurer un placement de fonds rémunérateur,<br />
devaient suivre l'exemple donné par la Banque de l'Algérie et<br />
le taux de leurs services était maintenu par là même à un chiffre<br />
peu élevé (2), tandis que se resserrait peu à peu le domaine de<br />
l'usure (3).<br />
*<br />
* *<br />
Dès le début de janvier 1911, le gouvernement décidait de pro<br />
fiter de la latitude que lui avait réservée la loi du 5 juillet 1900<br />
pour reviser les conditions imposées à la Banque. Il fit ouvrir,<br />
par les soins du Gouvernement général de l'Algérie, une enquête<br />
auprès des groupements intéressés au sujet des facilités nou<br />
velles qui pourraient être demandées à la Banque,<br />
en faveur du<br />
commerce, de l'industrie et de l'agriculture. Cette vaste enquête<br />
fut entièrement favorable à la Banque de l'Algérie.<br />
L'exposé des motifs du projet de loi concernant le maintien<br />
du privilège s'exprime ainsi à ce sujet : « L'enquête ordonnée<br />
par le gouvernement, sur l'initiative du Ministre des Finances,<br />
(1) Les comptoirs d'escompte subsistant alors étaient ceux de l'Arba,<br />
Douera, Marengo, Médéa, Rouïba, dans le département d'Alger ; Batna<br />
et Caisse Agricole et Commerciale de Guelma dans celui de Constantine ;<br />
Lourmel, Relizane, Sidi-bel-Abbès, Saint-Denis-du-Sig, dans le départe<br />
ment d'Oran.<br />
(2) Pour rendre cette influence plus efficace, la Banque créait encore<br />
de nouveaux bureaux : Tiaret (1907), Sidi-bel-Abbès (1908), Aïn-Témou<br />
chent, Saïda et Bordj-Bou-Arréridj (1910).<br />
(3) La liberté du taux de l'intérêt conventionnel avait disparu de la<br />
législation algérienne en 1898. A la suite d'une enquête provoquée en 1894<br />
par le Procureur de la République d'Alger et après étude par le Conseil<br />
du Gouvernement (rapport Bouragnet, 7 décembre 1894) et avis des divers<br />
Ministères intéressés, un décret fut rendu le 29 janvier 1898 limitant à<br />
10 % le taux conventionnel de l'intérêt en matière civile seulement ; mais,<br />
sur un amendement présenté par MM. Saint-Germain et Thomson, la loi<br />
de Finances du 13 avril 1898 fixa, dans ses articles 60 à 63, à 8 % le<br />
maximum du taux de l'intérêt, tant en matière commerciale qu'en matière<br />
civile et déclara applicable à l'Algérie la loi du 19 décembre 1850 sur<br />
l'ufv.re, bien que cette loi eût été abrogée in parte qua en France par la<br />
loi du 12 janvier 1886. (Cf. A. Girault, Principes de colonisation et de légis<br />
lation commerciale et Archives Nationales F. 80. 1762.) La législation<br />
algérienne donna ainsi à la Justice des armes dont celle-ci ne manqua<br />
pas de se servir pour combattre l'usure lorsqu'elle se manifestait sous des<br />
formes qui la mettaient jusqu'alors à l'abri de son action.<br />
MAINTIEN DU<br />
PRIVILÈGE<br />
DE LA BANQUE<br />
EN 1911.
— 190 —<br />
le 3 janvier 1911, à l'occasion de la dénonciation éventuelle du<br />
privilège, auprès des chambres de commerce et des groupements<br />
de la colonie leur a permis de formuler divers vœux dont nous<br />
donnons ici le résumé.<br />
« La Chambre d'Alger a demandé l'allocation par la Banque<br />
d'une subvention annuelle destinée à continuer à l'étranger<br />
l'œuvre de recherche de nouveaux débouchés pour les produits de<br />
la colonie. La Chambre d'Oran a formulé un vœu analogue en<br />
proposant comme chiffre de la subvention 150.000 francs. La<br />
Chambre de Mostaganem a demandé une dotation en faveur de<br />
l'établissement du crédit hypothécaire à la petite propriété et une<br />
redevance spéciale pour faciliter l'application de la loi du 26 fé<br />
vrier 1909 sur la coopération agricole. La Chambre de Bougie<br />
a proposé la création d'avances en comptes courants à intérêts<br />
réciproques aux départements,<br />
communes et chambres de com<br />
merce pour l'exécution de travaux intéressant le développement<br />
de la colonie. La même Chambre a demandé que la Banque<br />
escomptât plus largement le papier des caisses régionales de<br />
crédit agricole sans les obliger de remettre en garantie des<br />
valeurs acquises sur les avances de l'Etat. Quant aux Chambres<br />
de Constantine et de Bône,<br />
plement le statu quo.<br />
elles ont demandé purement et sim<br />
« Certains des vœux présentés par les chambres de commerce<br />
ne sont susceptibles d'aucune suite, notamment en ce qui con<br />
cerne les prêts hypothécaires et les avances aux départements<br />
et aux établissements publics. Une banque d'émission ne saurait<br />
entreprendre d'opérations de cette nature sans mettre en danger<br />
la sécurité et la mobilité du gage donné à sa circulation fidu<br />
ciaire ; d'ailleurs, la courte durée du privilège de la Banque, qui<br />
prend fin dans neuf ans, lui interdirait de toute manière des<br />
prêts à long terme. Il est impossible de prescrire à la Banque<br />
d'accueillir sans garantie le papier des caisses agricoles ; la<br />
liberté d'appréciation de l'établissmeent en cette matière doit<br />
être entièrement réservée. »<br />
La Banque étudia les résultats de cette enquête avec le double<br />
souci de répondre aux désirs légitimes des représentants du<br />
commerce de la colonie et de ne pas s'écarter des principes<br />
généraux qui dominent son institution. Elle y apporta un esprit
— — 191<br />
d'autant plus large que la reconstitution de puissantes réserves<br />
« la mettait en mesure de se départir un peu de ses rigueurs<br />
habituelles et d'admettre certaines dérogations à ses statuts dans<br />
le but d'aider la colonie à développer son commerce d'exporta<br />
tion » (1).<br />
La loi du 29 décembre 1911, qui confirma le privilège, contint<br />
certaines dispositions destinées à répondre en partie aux vœux<br />
des chambres et aux tendances plus libérales marquées par la<br />
Banque.<br />
C'est ainsi que celle-ci fut autorisée à faire certaines opéra<br />
tions destinées à faciliter les transactions du commerce exté<br />
rieur : escompte d'effets payables à l'étranger et dans les colonies<br />
françaises, dont l'échéance maxima de cent jours peut être allon<br />
gée des délais de route (sans toutefois que le total des opérations<br />
de cette nature puisse dépasser le double du montant des réser<br />
ves) ; opérations de change sur les monnaies étrangères traitées<br />
pour les besoins de la clientèle ; droit de créer,<br />
en vertu de<br />
décrets rendus sur la proposition du Ministre des Finances et<br />
après avis conforme du Ministre des Affaires étrangères, des<br />
agences dans les pays étrangers qui entretiennent des relations<br />
commerciales particulières avec l'Algérie et la Tunisie. La Ban<br />
que devait, en outre, créer de 1912 à 1920 quatre établissements<br />
nouveaux.<br />
Enfin l'Etat substituait à la redevance forfaitaire, prévue par<br />
une redevance proportionnelle au montant des<br />
la loi de 1900,<br />
billets constituant la partie de la circulation excédant l'ensemble<br />
des encaisses en numéraire. Le minimum annuel en était fixé<br />
a 750.000 francs. L'Etat se faisait consentir une avance com<br />
plémentaire de 2 millions (2) destinée à la colonie et il imposait<br />
à la Banque de l'Algérie,<br />
(1) La Banque demanda,<br />
ble, l'autorisation :<br />
comme il l'avait fait pour la Banque<br />
sans obtenir sur ce point de réponse favora<br />
1° D'ouvrir des comptes-courants à intérêts réciproques aux exporta<br />
teurs ;<br />
2° de consentir des prêts sur marchandises remises en nantissement ;<br />
3° de prêter même sur des valeurs non admises par la Banque de France<br />
(en dehors des valeurs algériennes visées à l'article 2 de ses statuts).<br />
Ces diverses demandes, considérées comme contraires aux règles aux<br />
quelles les banques d'émission doivent se soumettre, furent écartées.<br />
(2) Ce qui portait le total des avances à 5 millions.
LE CREDIT<br />
DE 1906 A 1914.<br />
CRÉDIT<br />
COMMERCIAL.<br />
— — 192<br />
de France, l'obligation d'exécuter gratuitement une série d'opé<br />
rations de caisse destinées à alléger la tâche des comptables<br />
du Trésor.<br />
D'autre part, la Banque recouvra la disposition de ses béné<br />
fices,<br />
en ce sens que les répartitions de dividendes cessèrent<br />
d'être soumises à l'approbation préalable du Ministre des Finan<br />
ces (1).<br />
La limite d'émission fut portée à 250 millions avec faculté<br />
pour le gouvernement de l'élever par décrets jusqu'à 400 mil<br />
lions (2).<br />
*<br />
* *<br />
La Banque de l'Algérie fut, à cette époque,<br />
secondée dans<br />
sa tâche non seulement par les différentes banques installées<br />
en Algérie (Compagnie Algérienne, Crédit Foncier d'Algérie et<br />
de Tunisie, Crédit Lyonnais, Comptoirs d'escompte locaux, Ban<br />
que Thibaut),<br />
mais encore par de nouveaux établissements de<br />
crédit métropolitains qui ouvrirent, en 1913, des agences en<br />
Algérie : la Société Générale et la Société Marseillaise.<br />
Le gouvernement se préoccupait, d'autre part, de favoriser le<br />
crédit commercial,<br />
en réglementant les nantissements de fonds<br />
de commerce qui donnaient lieu à bien des abus (3) , et le crédit<br />
(1) Sauf au cas où ces répartitions entraîneraient, sur le montant de la<br />
réserve extraordinaire, un prélèvement ayant pour conséquence de faire<br />
descendre le montant des réserves, tant ordinaire, qu'extraordinaire et<br />
immobilière, au-dessous de 25 millions, chiffre qu'elles atteignaient au<br />
bilan du 31 octobre 1911.<br />
(2) Le Gouvernement tunisien, s'appuyant sur les concessions faites par<br />
la Banque de l'Algérie, demanda et obtint que de nouveaux avantages<br />
similaires lui fussent également consentis.<br />
(3) La loi du 1" mars 1898 avait ajouté à l'article 2075 du Code Civil<br />
une disposition spécifiant que tout nantissement d'un fonds de commerce<br />
devait à peine de nullité vis-à-vis des tiers être inscrit sur un registre<br />
tenu au greffe du Tribunal de Commerce. Ce texte du Code civil applica<br />
ble à l'Algérie, se révéla insuffisant. Une nouvelle loi intervint en 1909<br />
pour régler la question en même temps que celle des ventes de fonds de<br />
commerce ; elle disposa notamment que les marchandises ne pourraient<br />
plus désormais être comprises dans les nantissements.<br />
Les Délégations financières (juin 1911) adoptèrent un vœu ayant pour<br />
objet de rendre applicable cette loi à l'Algérie, tout en faisant toutes<br />
réserves sur l'utilité d'étendre à la colonie une loi si peu satisfaisante<br />
dans son principe que la modification en était déjà proposée dans la<br />
Métropole. La loi de 1909 fut en effet modifiée par celles des 31 juillet<br />
1913, 22 mars 1924 et 12 juillet 1925. Elle ne fut étendue à l'Algérie que<br />
le 1" janvier 1926.
— 193<br />
—<br />
agricole, en améliorant, par la loi du 30 avril 1906,<br />
19 juillet 1898 qui avait institué les warrants agricoles.<br />
celle du \<br />
Mais c'est le crédit agricole mutuel qui tenait la plus grande<br />
place dans les préoccupations des Algériens. Il s'organisait peu<br />
à peu. Si la loi de 1901 n'avait pas rencontré dans la colonie,<br />
dès le premier jour, l'adhésion de tous les intéressés, et si, à<br />
la veille du vote de cette loi, les Délégations financières avaient<br />
émis un vœu témoignant que l'idée de la création d'une banque<br />
agricole était demeurée chère à beaucoup de colons (1),<br />
il n'en<br />
est pas moins vrai que les caisses régionales s'étaient constituées<br />
en nombre imposant.<br />
Ce résultat était d'autant plus intéressant que la situation du<br />
colon algérien, surtout au début de la colonisation,<br />
n'était pas<br />
comparable à celle de l'agriculteur métropolitain. Celui-ci, déten<br />
teur d'une vieille propriété venant de ses ancêtres, œuvre len<br />
tement perfectionnée de plusieurs générations de laborieux<br />
cultivateurs attachés à un sol généralement favorisé par la<br />
nature,<br />
est assuré d'une certaine régularité dans le rendement<br />
annuel de sa terre, les écarts qui se produisent d'une année<br />
sur l'autre ne dépassant que très exceptionnellement les prévi<br />
sions fondées sur des moyennes depuis longtemps observées.<br />
Il vit dans un village ou à proximité d'un centre lui offrant<br />
de multiples ressources qui, rendant son travail plus aisé, dimi-<br />
nuent,[par là même, certains de ses besoins.<br />
Le colon algérien, au contraire, a dû créer son exploitation,<br />
appeler sa terre à la vie, édifier les bâtiments, constituer outillage<br />
(1) Le vœu des Délégations financières était ainsi conçu :<br />
Qu'il soit sursis au vote du projet de loi sur l'organisation du crédit<br />
agricole en Algérie... afin d'y<br />
vantes :<br />
permettre l'introduction des mesures sui<br />
1° Qu'U soit créé à bref délai et au capital minimum de trois millions<br />
une Banque centrale de Crédit agricole avec succursales dans les loca<br />
lités où elles seront jugées nécessaires ;<br />
2° Qu'il soit fait remise à cette Banque centrale de l'avance de trois<br />
millions et des redevances annuelles versées par la Banque de l'Algérie ;<br />
3° Que les opérations de cette banque, limitées au crédit de campagne<br />
avec crédit de 9 à 12 mois de date, soient placées sous le contrôle de l'Etat;<br />
4°<br />
Qu'elle assure le réescompte du papier agricole provenant des insti<br />
tutions locales de crédit, basées ou non sur le principe de la mutualité,<br />
avec taux de faveur pour les caisses mutuelles ;<br />
5° Qu'il soit accordé à cette Banque centrale un privilège s'étendant<br />
au tiers des récoltes annuelles, jusqu'à due concurrence des prêts annuels<br />
qui auraient été consentis.<br />
crédit<br />
AGRICOLE.
—<br />
— 194<br />
et cheptel en entier ; la nature, par contre,<br />
ne lui assure ni une<br />
récolte immédiate, ni un rendement régulier. Il est généralement<br />
souvent loin des centres et devant tout faire lui-même.<br />
isolé,<br />
Il lui faut, par suite, pour s'établir, se maintenir, se développer,<br />
des capitaux parfois élevés et il n'est jamais certain de pouvoir<br />
rembourser ceux qu'il emprunte sur les produits de sa récolte<br />
annuelle.<br />
C'est dans ce milieu où l'individualisme régnait et semblait<br />
être le ressort principal de l'activité productrice, où,<br />
en cas de<br />
difficultés, l'appel à l'Etat providence était le recours normal,<br />
qu'il fallut, par une intense propagande, faire pénétrer l'idée<br />
d'une mutualité agissante. A vrai dire, il ne s'agissait guère<br />
effectivement d'une mutualité d'ordre pécuniaire,<br />
qui eût été<br />
insuffisante pour mettre à la disposition des intéressés les res<br />
sources dont ils avaient besoin. Mais au principe de la mutualité<br />
sont liés la notion de l'intérêt corporatif commun et l'esprit de<br />
coopération. C'est en ce sens principalement que les caisses agri<br />
coles peuvent être rattachées à la mutualité et justifient leur<br />
nom de caisses de crédit mutuel. Par ailleurs, elles assurent à<br />
leurs adhérents bien plus le secours de l'Etat que le concours<br />
de leurs pairs, et, à cet égard, si certains intéressés pouvaient<br />
être inquiets du principe de mutualité inscrit à la base de la<br />
législation nouvelle, la participation de l'Etat était de nature à<br />
!es rassurer et à leur inspirer confiance.<br />
Le Comité de propagande et de patronage des caisses locales<br />
du crédit agricole, créé en 1900 et comprenant surtout les fon<br />
dateurs des caisses régionales, s'employa utilement à développei<br />
l'esprit de coopération agricole et il y réussit pleinement.<br />
Peut-être le souvenir des anciens comptoirs d'escompte et des<br />
services qu'ils avaient rendus à la viticulture et à l'agriculture<br />
en général ne fut-il pas étranger au succès de la propagande<br />
entreprise. Déjà les comptoirs créés après la crise de 1885 avaient<br />
été un peu considérés par la Banque de l'Algérie comme des<br />
sociétés de crédit mutuel et M. Nelson-Chiérico disait, en par<br />
lant de l'un d'eux en 1889 : « C'est bien moins une société de<br />
crédit à proprement parler qu'une sorte de société de crédit<br />
mutuel gérée et administrée par ses pairs. » L'éducation des<br />
colons avait donc déjà pu être préparée par ces comptoirs et leur
- 195<br />
—<br />
esprit était acquis au principe de l'institution locale du crédit,<br />
s'il n'était guère encore accoutumé aux idées de mutualité et de<br />
coopération agricoles.<br />
Nous avons bien trouvé trace de ces idées,<br />
qui ont inspiré<br />
plus d'un apôtre, à diverses reprises à travers l'histoire du crédit<br />
depuis l'origine même de la colonisation française, mais il fallut,<br />
pour les rendre actives, toute la foi qui animait la propagande<br />
entreprise par les fondateurs des caisses régionales.<br />
Aussi, tandis qu'en France les intéressés avaient formé depuis<br />
longtemps d'actifs syndicats agricoles, que des caisses locales<br />
s'étaient créées avant que les pouvoirs publics se fussent sérieu<br />
sement occupés d'organiser le crédit agricole par la base, et que,<br />
par suite, les caisses régionales furent superposées à des caisses<br />
locales existantes et à d'autres qui étaient en voie de formation,<br />
il en fut tout différemment en Algérie. Dans la colonie,<br />
les caisses régionales qui ont —<br />
presque<br />
partout —<br />
précédé<br />
ce sont<br />
les<br />
caisses locales et ce sont les fondateurs mêmes des caisses régio<br />
nales qui ont, en fait, à défaut de syndicats agricoles dont il<br />
n'existait qu'un petit nombre,<br />
créé et organisé les cellules pri<br />
maires. En 1900, il n'existait pas de caisses locales en Algérie en<br />
dehors du département d'Oran où il s'en trouvait neuf (1). En<br />
1906, on en comptait 124, et en 1913, 259 comprenant 15.283<br />
adhérents.<br />
L'action créatrice exercée par les caisses régionales et par<br />
leurs fondateurs réduisit peut-être alors les caisses locales à un<br />
rôle plus effacé qu'en France. « Trop souvent, disait en 1909<br />
le gouverneur général, la caisse locale ne joue pas le rôle actif<br />
et principal qui lui est dévolu par la loi dans le fonctionnement<br />
du crédit mutuel. Certaines caisses régionales ont tendance à<br />
considérer la caisse locale comme un rouage inutile et même<br />
gênant et, ne pouvant le supprimer,<br />
nement. »<br />
en annihilent le fonction<br />
Peu à peu cette tendance disparut et, en 1914, le crédit agricole<br />
mutuel représentait déjà une organisation qui donnait naissance<br />
à bien des espérances et dont les résultats acquis étaient fort<br />
intéressants.<br />
(1) Cf. Emile Cuniac, Le crédit agricole en Algérie, Paris 1903.
196 —<br />
crise de 1912. Comme l'Algérie est tributaire de récoltes qui poussent sur<br />
*<br />
* *<br />
un sol inégalement et irrégulièrement arrosé et soumis aux<br />
variations d'un régime de vents inconstants, la grande prospérité<br />
dont elle jouit et qui, observée dans le temps,<br />
suivre d'une manière continue,<br />
périodes brusques de dépression. D'autre part,<br />
paraît se pour<br />
est parfois traversée par des<br />
comme elle n'est<br />
pas assurée de trouver chaque année sur son propre sol les den<br />
rées ahmentaires qui lui sont nécessaires, elle est placée vis-à-vis<br />
du monde entier, sinon dans une dépendance, du moins dans un<br />
état de solidarité qui grandit avec sa prospérité même, parce<br />
que celle-ci accroît ses besoins. Dès cette époque cette solidarité<br />
devenait plus étroite en raison du développement des échanges<br />
internationaux et l'Algérie ressentait plus directement, en dehors<br />
des crises qui lui sont propres, le contre-coup des crises inter<br />
nationales.<br />
Habitués à user largement du crédit, à compter sur les bonnes<br />
années à venir qui ne peuvent manquer de compenser un jour<br />
les pertes ressenties au cours des mauvaises, bien des colons ne<br />
se rendaient pas compte de ces perpétuelles menaces et plus<br />
d'un s'écartait des règles de la prudence et d'audacieux devenait<br />
téméraire.<br />
L'année 1910 avait été particulièrement favorable pour la<br />
colonie ; les récoltes, mauvaises en Europe,<br />
avaient été fort<br />
belles en Algérie. Céréales et raisins furent produits en abon<br />
dance et les colons purent profiter des hauts prix que provoquait<br />
la raréfaction générale du blé en Europe et du vin en France.<br />
Ils réalisèrent ainsi des bénéfices fort élevés et la balance du<br />
commerce fut, exceptionnellement, cette année-là,<br />
en faveur de<br />
l'Algérie. Il en résulta dans la colonie un afflux de capitaux dont<br />
l'abondance se manifesta par un accroissement très sensible des<br />
dépôts dans les banques ; ces dépôts ne tardèrent pas à s'em<br />
ployer —<br />
en dehors de quelques achats de caractère somptuaire,<br />
comme il s'en produit partout en pareil cas —<br />
dans<br />
des acquisi<br />
tions de nouveaux terrains, dans des travaux de mise en valeur<br />
du sol, dans l'amélioration du matériel de culture, dans des cons<br />
tructions d'immeubles ruraux et urbains.
I<br />
*<br />
au; ej< .<br />
LES MONNAIES EN 1911<br />
OH
— — 197<br />
C'est, en effet, un des traits caractéristiques du tempérament<br />
de l'Algérien de consacrer la presque totalité de ses bénéfices à<br />
étendre son domaine et à développer ses moyens de production ;<br />
c'esi grâce à cette disposition d'esprit qu'il a si rapidement et<br />
si heureusement créé tant de richesses en Algérie. Mais<br />
l'inconvénient de cette pratique est de provoquer une hausse<br />
continue des prix du sol et de l'outillage qui élève peu à peu le<br />
prix de revient des produits ainsi multipliés et réduit la mn^ge<br />
de bénéfices. Il faut donc perfectionner encore les méthodes pour<br />
augmenter les rendements, améliorer les qualités,<br />
assurer de<br />
meilleurs débouchés. Le colon algérien ne néglige rien pour<br />
accroître son activité productrice et, par là même, il développe<br />
constamment ses besoins en capitaux ou en crédit (1). Cet état<br />
d'esprit comporte parfois des excès qui engendrent des spécula<br />
tions inconsidérées. L'année 1911 s'en ressentit, mais, malgré<br />
les orages politiques et économiques qui s'amoncelaient en<br />
Europe,<br />
mande d'Agadir,<br />
malgré la crise provoquée par la manifestation alle<br />
l'Algérie maintint sa situation calme et pros<br />
père, sans éprouver immédiatement le contre-coup de la hausse<br />
générale du taux de l'escompte en Europe.<br />
Il ne devait pas en être de même en 1912. Cette hausse de<br />
l'escompte,<br />
que la guerre balkanique, succédant aux incidents<br />
d'Agadir, avait singulièrement accentuée, ne pouvait pas laisser<br />
insensibles les capitaux employés en Algérie. Ils en subirent bien-<br />
(1) « Il y a un lien étroit entre la viticulture et la Banque. La vigne<br />
n'atteint son plein rendement que quatre ou cinq ans après la plantation.<br />
Lorsqu'elle est en plein rendement, les frais sont énormes, surtout depuis<br />
que les maladies parasitaires exigent des sulfatages, des traitements chi<br />
miques préventifs. Si le colon était un paysan de chez nous, il s'en tire<br />
rait sans assistance. Mais le colon n'est pas un paysan de chez nous. Il<br />
compte ses hectares par dizaines et son fonds de roulement dépasse ses<br />
possibilités personnelles. Son fonds de roulement n'est pas à lui, il l'em<br />
prunte à la Banque. Il est vrai que, à la récolte, il fait bon an mal an<br />
d'énormes bénéfices excédant sa dette de beaucoup. S'il était sage, il arri<br />
verait à se constituer par l'épargne son propre fonds de roulement. Mais<br />
U ne peut pas être sage. Autour de lui, dans ce pays neuf, trop de terres<br />
en friches le sollicitent. Il est paysan par l'amour passionné de la terre,<br />
mais c'est un paysan aventureux. Il enfouit son bénéfice dans ses entre<br />
prises nouvelles, il s'endette davantage pour gagner plus. Ce sont là des<br />
sentiments très louables ;<br />
cela s'appelle l'esprit d'initiative. Mais la viti<br />
culture ainsi comprise devient matière éminemment spéculative. » (E. F.<br />
Gauthier, Le phénomène colonial de Boufarik, Revue de Paris, l°r novem<br />
bre 1929).<br />
13
— 198 —<br />
tôt l'attraction et les dépôts des Banques, comme les fonds<br />
métropolitains avec lesquels celles-ci travaillaient en partie, tra<br />
versèrent la Méditerranée et vinrent chercher en France et à<br />
l'Etranger une rémunération plus élevée. Les banques réescomp<br />
tèrent plus largement leur portefeuille à la Banque de l'Algérie<br />
de façon à maintenir à leur clientèle le concours qu'elles lui don<br />
aux fonds provenant des dépôts<br />
naient. Elles substituèrent ainsi,<br />
locaux ou de la Métropole, le crédit que leur assurait la Banque<br />
de l'Algérie par ce réescompte.<br />
Cette substitution n'entraînait aucun accroissement de la cir<br />
culation des billets, puisque les crédits faits aux colons par l'en<br />
semble des banques demeuraient les mêmes, mais les engage<br />
ments de la Banque n'en augmentaient pas moins d'un montant<br />
égal à celui de cette substitution. Le rapatriement en France des<br />
fonds jusqu'alors employés dans la colonie se traduisait par une<br />
augmentation dans l'émission des mandats-postaux sur la Métro<br />
pole, et le compte-courant du Trésor enflait, tout naturellement,<br />
par suite de l'accroissement de l'excédent de ces émissions sur les<br />
paiements (1).<br />
La situation devenait d'autant plus préoccupante qu'aux<br />
influences d'ordre général international,<br />
qui retournaient la<br />
balance des comptes, venaient s'ajouter les effets d'une récolte<br />
médiocre, déficitaire pour les céréales. La balance commerciale<br />
défavorable aggravait les difficultés de règlement et contribuait<br />
à grossir encore le solde exceptionnellement important du compte<br />
du Trésor . (2) Le<br />
commerce en général ressentait fâcheusement<br />
les effets de la crise et il fallait redouter les dangers auxquels<br />
entraîne l'abus du crédit.<br />
La Banque de l'Algérie dut élever le taux de l'escompte pour<br />
provoquer à la fois une diminution des demandes de crédit et un<br />
nouvel apport des capitaux dans la Colonie. De leur côté, la Com-<br />
(1) Voir chapitre IX.<br />
(2) Le Gouvernement, gêné dans sa trésorerie métropolitaine par l'im<br />
portance de ce solde immobilisé, demanda à la Banque de le rembourser<br />
à Paris et la Banque de France consentit à escompter une partie du por<br />
tefeuille de la Banque de l'Algérie, de façon à assurer à celle-ci des<br />
disponibilités immédiates en France. Mais finalement, ces mesures, se révé<br />
lant insuffisantes, la Banque de l'Algérie dut recourir à des expéditions<br />
de numéraire ; 12 millions d'or fu.ent ainsi expédiés par elle d'Algérie en<br />
France le 13 janvier 1914 (V. ch. IX).
— — 199<br />
pagnie Algérienne et le Crédit Foncier d'Algérie et de Tunisie<br />
procédèrent à des augmentations de capital,<br />
qui accrurent leurs<br />
ressources liquides, et l'emploi -de ces fonds par leurs agences de<br />
l'Afrique du Nord contribua à redresser la situation (1).<br />
Le Directeur général de la Banque expliqua en ces termes,<br />
le rôle que celle-ci dut remplir à ce moment : « L'opinion publi<br />
que, grisée par le rapide développement du pays, s'abandonnait<br />
à une complète quiétude. Une spéculation inconsidérée portait<br />
le prix des propriétés rurales et urbaines à des taux exorbitants<br />
et abusait du crédit sous toutes les formes, surtout dans l'indus<br />
trie du bâtiment. Le commerce de gros, si sage, si pondéré à<br />
l'ordinaire,<br />
se laissait peu à peu aller à proroger les échéances<br />
de ses débiteurs au delà des limites habituelles. Partout on cons<br />
tatait une diminution de l'épargne et un développement de<br />
l'amour du luxe... En outre des conseils et des avis qu'elle pro<br />
diguait depuis plusieurs mois à ses amis et à ses clients, la<br />
Banque de l'Algérie aurait pu refuser le papier à ses guichets :<br />
elle a préféré élever le taux de son escompte... Quant aux facilités<br />
d'escompte,<br />
nos clients ont continué à les trouver à nos guichets<br />
plus larges que jamais. Nous nous sommes bornés à refuser<br />
impitoyablement le papier de spéculation et principalement le<br />
papier basé sur des opérations immobilières,<br />
nous attachant à<br />
renfermer nos crédits directs et spéciaux dans l'ancienne et nor<br />
male formule des crédits de campagne. » (2).<br />
L'Algérie, dont le ressort est très grand,<br />
sortit de cette crise<br />
sans souffrance appréciable ; le bilan de la Banque, en juin 1914,<br />
indiquait le retour à une situation parfaitement normale (3).<br />
(1) Toute cette crise a été étudiée par M. Avenol, inspecteur des<br />
finances, devenu depuis secrétaire-général-adjoint de la Société des<br />
Nations, dans un article publié par la Revue des Sciences Politiques le<br />
15 décembre 1916.<br />
(2) Compte-rendu du Conseil d'administration de la Banque de l'Algérie<br />
à l'Assemblée générale des actionnaires. — 1913.<br />
(3) La Banque continuait à augmenter son réseau d'agences dans les<br />
conditions prévues, en ouvrant les bureaux de Saint-Denis-du-Sig, Bizerte,<br />
Aïn-Beïda, Aumale, Maison-Carrée (1911-1912).
SITUATION<br />
ÉCONOMIQUE<br />
DE L'ALGËRIE<br />
A LA VEILLE<br />
DE LA GUERRE<br />
DE 1914.<br />
200<br />
*<br />
* *<br />
A la veille des événements qui devaient marquer tragiquement<br />
l'année 1914, la situation économique de l'Algérie était donc des<br />
plus prospères.<br />
D'immenses progrès avaient été accomplis depuis l'époque où<br />
le drapeau français avait été planté à Sidi-Ferruch. Certes, ces<br />
progrès étaient dus à la vaillance de cette armée d'Afrique qui<br />
avait surmonté les premières difficultés et payé de son sang la<br />
pacification du pays qu'elle n'avait cessé d'étendre jusqu'au cœur<br />
du Sahara. Ils étaient dus à l'administration française qui avait<br />
su mettre en valeur la colonie, assurer ses communications, main<br />
tenir l'ordre et la justice,<br />
et dont la sage pohtique rapprochait<br />
les divers éléments ethniques réunis dans la colonie, les associant<br />
tous à la prospérité générale. Ils étaient dus à ces admirables<br />
colons dont les premières générations ont succombé, générale<br />
ment vaincues par la maladie et par une lutte inégale contre la<br />
nature, mais dont la mort a assuré la vie des générations<br />
suivantes ; ils étaient dus aux successeurs de ces pionniers de<br />
l'époque héroïque, qui à leur tour ont repris et revivifié la<br />
vieille terre africaine et lui ont rendu sa fertihté. Ils étaient dus<br />
à tous ceux, industriels, commerçants et agriculteurs, qui étaient<br />
venus dans la colonie avec la volonté d'y travailler, ayant pour<br />
guide ce mélange de bon sens et de goût d'aventures qui carac<br />
térise une grande partie de la race française.<br />
Mais il ne faut pas négliger le rôle important que le crédit a<br />
joué pendant la même période ; il fut souvent le levier nécessaire<br />
et toujours un instrument utile aux mains de ces hommes d'ac<br />
tion. Sans lui, leurs efforts auraient été encore plus durs et les<br />
résultats plus lentement acquis (1).<br />
Ceux dont on pouvait faire état en 1914 étaient remarquables.<br />
Les tableaux ci-dessous peuvent en donner quelque idée.<br />
(1) Voir la série de conférences données par la Société des Anciens Elè<br />
ves et Elèves de l'Ecole libre des sciences politiques sur Une œuvre fran<br />
çais* : l'Algérie. Paris-Alcan 1929.
Années<br />
1851 <br />
1870 (2)<br />
1895 (3)<br />
1906<br />
1913<br />
— - 201<br />
I. POPULATION ET COMMERCE<br />
POPULATION<br />
INDIGÈNE<br />
2.140.815<br />
2.125.052<br />
3.781.622<br />
4.477.792<br />
4.740.526<br />
Population<br />
POPULATION<br />
EUROPÉENNE<br />
155.123<br />
291.173<br />
578.907<br />
680.259<br />
752.043<br />
(1) Recens' terminé en 1854. (2) Année 1871. (3) Recens'<br />
Commerce extérieur (spécial)<br />
Années Importations Exportations Total<br />
Total<br />
2.295.938<br />
2.416.225<br />
4.360.529<br />
5.158.051<br />
5.492.569<br />
de 1891.<br />
Par<br />
habitant<br />
1851 64 millions de fr. 20 millions de fr. 84 m. 36fr.60<br />
1870 153 -<br />
1895 255 -<br />
1906 401 -<br />
1913 667 -<br />
ANNÉES<br />
1871-1875 (moyenne ann.).<br />
1891-1895<br />
1901-1905<br />
1906<br />
1913<br />
—<br />
—<br />
98<br />
284<br />
280<br />
501<br />
-<br />
-<br />
-<br />
-<br />
Mouvement des ports<br />
251<br />
539<br />
681<br />
1.168<br />
NAVIRES<br />
chargés entrés<br />
et sortis<br />
8.452<br />
7.160<br />
8.264<br />
7.798<br />
10.193<br />
—<br />
-<br />
-<br />
—<br />
104<br />
fr. 30<br />
123fr.62<br />
132<br />
fr.02<br />
212fr,67<br />
TONNAGE EFFECTIF<br />
1.923.300<br />
4 275 510<br />
6.497.779<br />
7.060.616<br />
13.081.655
1895<br />
1906<br />
1913<br />
ANNÉES<br />
1851<br />
1870<br />
189:.<br />
1906<br />
1913-14<br />
ANNÉES<br />
ANNÉUS<br />
NOMBRE<br />
des sociétésde crédit<br />
métropolitaines<br />
ou étrangères<br />
existant a Alger<br />
»<br />
2<br />
."><br />
5<br />
6<br />
— — 202<br />
Chemins de fer<br />
KILOMÈTRES<br />
exploités<br />
296 Km.<br />
2.905<br />
3 169<br />
3.337<br />
II. BANQUES<br />
Nombre de Banques<br />
NOMBRE<br />
des Agences<br />
de ces<br />
Sociétés en<br />
Algérie<br />
»<br />
2<br />
17<br />
62<br />
109<br />
RECETTES<br />
2.397.297<br />
24.817.666<br />
39 014.156<br />
58.127.793<br />
NOMBRE<br />
des<br />
sièges<br />
de la Banque de l'Algérie<br />
1<br />
4<br />
10 dont 4 Bureaux<br />
16-10 —<br />
25-19 —<br />
Effets da Commerce escomptés et remis à l'encaissement<br />
NOMBRE<br />
des efets<br />
escomptés<br />
a la Banque de l'Algérie li<br />
MONTANT<br />
des effets escomptés<br />
NOMBRE<br />
des elTels<br />
remis<br />
à l'encais<br />
sement<br />
•MONTANT<br />
des effets remis<br />
a l'encaissement<br />
fr fr.<br />
1852 11 906 8.755.964 13.487 8.381.648<br />
1870 178 757 153.151.647 44.577 22.2S7.517<br />
1895 343 249 434.499 121 146.612 55.338.215<br />
1906 794.119 846. 505. 213 395.133 146.573.614<br />
1913 1 213.102 1 840.262 279 575.234 283.558 193<br />
(1) Les renseignements statistiques étant pour le passé insuffisants en<br />
ce qui concerne les mouvements des autres banques, nous nous bornons.
203<br />
Mouvement des caisses de la Banque de l'Algérie<br />
ANNÉES Billets Numéraire Totaux<br />
ANNÉES<br />
PAIEMENTS<br />
fr. fr. fr.<br />
1852 4 096.450 8.880.388 12.976.838<br />
1870 198.881.300 75.892.279 274.773 579<br />
1895 517.750.265 22.672.634 540.422.899<br />
1906 1.373.477.780 133 434 662 1.506 932.442<br />
1913 3 250.593.080 294 513.831 3.545.106 911<br />
RECETTES<br />
1852 6 248 500 7.265.283 13.513.783<br />
1870 207.485.075 62.902.214 270.387.289<br />
1895 526.290.380 21 560.792 547.851.172<br />
1906 1.381. 269. 3S0 136.638 614 1.517.907.964<br />
1913 3.273.930.030 289.798 972 3 563.729.002<br />
III. PRODUCTIONS DU SOL (1)<br />
Céréales. —<br />
CÉRÉALES<br />
Vignes<br />
VIGNES<br />
Superficie Production Superficie Production<br />
hectares hectares hectolitres<br />
1853 121.658 965.775 hl. » »<br />
1870 1.727.315 12 575 905 qx. 12.516 127.094<br />
1895 2.75* 682 13.984 306 -<br />
Î906 2 821.755 21.471 366 —<br />
1913 3.070.195 24 661 829 —<br />
119.730<br />
174<br />
174.942<br />
4.502 371<br />
0'J5 7.347.149<br />
7.370 449<br />
à relever les chiffres certains des mouvements à la Banque de l'Algérie.<br />
Toutefois il y a lieu de noter qu'on pouvait évaluer, pour les autres prin<br />
cipales banques à un total de 1.134.324 le nombre des effets escomptés<br />
ou remis par elles à l'encaissement en 1906 pour un montant global de<br />
633.367.122 francs, tandis que ces chiffres s'élevaient en 1913 respective<br />
ment à 3.383.997 et à 1.997.277.124 francs.<br />
(1) Les statistiques officielles ne donnent pas pour les premières années<br />
de la colonisation des indications assez complètes ou assez concordantes
ANNÉES<br />
Tabac —<br />
— 204<br />
Oliviers<br />
TABAC OLIVIERS<br />
Superficie Production Nombre Production<br />
Hectares Qnintaax Hectolitres<br />
1851 447 3.093 (i) 98.000<br />
1870 4.291 35.002 » 118.623<br />
1895 7.943 47.203 6.016.422 127.555<br />
1906 7.459 61. 576 6.533.664 439.865<br />
1913 10.213 103.967 6.307.577 359.521<br />
pour permettre de dresser un tableau des développements de l'ensemble<br />
des produits du sol. Mais elles mettent en lumière quelques chiffres carac<br />
téristiques qui doivent être rapprochés de ceux que nous avons relevés<br />
ici.<br />
C'est ainsi que le nombre des arbres fruitiers s'élevait en 1896-97 à<br />
11.519.032, en 1905-1906 à 12.928.323 et en 1912-1913 à 14.956.034.<br />
Dans ces nombres, l'ensemble bananiers, orangers, citronniers, manda<br />
riniers comptait respectivement pour 1.849.806, 1.320.165, 1.782.726 ; les<br />
palmiers pour 2.279.574, 3.382.532 et 4.788.923 (dattes exportées : en 1906,<br />
25.022 qx, en 1913, 66.487 qx.)<br />
A ces mêmes époques, les superficies affectées à la culture des pom<br />
mes de terre et à celle des fèves ont varié de la façon suivante :<br />
Pommes de terre<br />
1896-97 13.676 Ha produisant 282.022 qx<br />
190506 14.335 -<br />
1912-13 17.382 -<br />
Fèves<br />
435.512<br />
»<br />
570.539 »<br />
1896-97 32.195 Ha produisant 134.767 qx<br />
1905-06 29.569 -<br />
1912-13 39.775 -<br />
179.144<br />
261.227<br />
»<br />
»<br />
La production de tous les produits alimentaires autres que les céréales<br />
était de 1.146.757 qx pour 73.073 ha. en 1905-1906 et de 1.466.777 qx pour<br />
109.625 ha en 1912-1913. La quantité des légumes frais exportés s'élevait<br />
à 104.809 qx en 1906 et 221.104 qx pendant les seuls dix premiers mois de<br />
1913.<br />
(1) A défaut du nombre, nous pouvons Indiquer la superficie plantée en<br />
oliviers en 1851 : 21.200 hectares.
AN<br />
NÉES<br />
CHE<br />
VAUX<br />
ESPÈCES<br />
asine<br />
et mulas-<br />
sière<br />
— — 205<br />
IV. CHEPTEL VIF<br />
ESPÈCE<br />
bovine<br />
ESPÈCES<br />
ovine<br />
et caprine<br />
CHA<br />
MEAUX PORCS<br />
1870 129 580 246.024 725 469 7.370.519 126.509 48.833<br />
1895 216.636 428 824 1.121.246 11.437 020 255 408 84.068<br />
1906 225.874 446.958 1.078.218 12.759.584 201.752 96.012<br />
1913 216.045 464.438 1.107.593 12.658 540 202 378 112.010<br />
AN<br />
NÉES<br />
NOMBRE<br />
d'ouvriers<br />
MINES<br />
Conces<br />
sions<br />
V. INDUSTRIE<br />
Exploita<br />
tions<br />
MINES<br />
et MINIÈRES<br />
Valeur de<br />
la production<br />
PHOS<br />
PHATES<br />
tonnes<br />
1851 » 11 » » »<br />
1872 1.688 21 6 4 586.980C) »<br />
1895 1.214 51 17 1.288 425(1) 156 857<br />
1906 » 85 41 18.700.000 333.531<br />
1913 10.242 100 56 26.100.000 370.934<br />
*<br />
* *<br />
Il serait intéressant de compléter ces tableaux du développe<br />
ment de l'Algérie par une évaluation des capitaux investis ou<br />
circulant dans la colonie et des revenus de la population euro<br />
péenne et indigène à la veille de la guerre.<br />
Il n'est malheureusement pas possible S'apporter sur ce point,<br />
nous ne dirons pas des précisions, mais des approximations ayant<br />
quelque valeur positive. Ceux qui ont étudié cette question et<br />
qui ont voulu réunir des éléments statistiques n'ont pu en géné<br />
ral que présenter des tableaux incomplets, dans l'établissement<br />
desquels ont dû prendre place bien des hypothèses et des suppo-<br />
(1) Il ne s'agit là que de la valeur de la production des mines. Celle<br />
minières en<br />
des<br />
1895 n'est pas indiquée dans les Statistiques du Gouver<br />
elle était peu importante : 135.000 francs.<br />
nement général. En 1872,<br />
LA FORTUNE<br />
DE L'ALGÉRIE<br />
EN 1914.
- 20ô<br />
—<br />
sitions. Néanmoins quelques études sérieuses et reposant autant<br />
que possible sur une documentation de réelle valeur ont été fai<br />
tes par M. Georges Cochery, rapporteur à la Chambre des Dépu<br />
tés du budget spécial de l'Algérie pour 1909, par M. le Président<br />
Gaston Doumergue,<br />
alors rapporteur au Sénat du budget spé<br />
cial en 1912, par M. le Professeur William Oualid, qui<br />
sxa-<br />
miné en 1910 les chiffres antérieurement réunis et qui en a<br />
ajouté d'autres recueillis ou évalués par lui avec une méthode<br />
scientifique des plus sérieuses,<br />
par M. le Professeur Alglave en<br />
1911, puis par M. le Professeur Chauvin en 1912, enfin par M. le<br />
Délégué financier Ch. Al. Joly, dans le rapport qu'il a présenté<br />
aux Délégations financières en 1913,<br />
au nom de la commis<br />
sion des finances chargée d'examiner le budget pour l'exercice<br />
1914 (1).<br />
M. W. Oualid avait très justement remarqué combien était<br />
imparfaite la documentation dont il pouvait disposer en 1910.<br />
Ce n'est, en effet,<br />
qu'à partir du moment où l'autonomie finan<br />
cière commença à être accordée à l'Algérie que celle-ci sentit<br />
l'intérêt « de procéder à une analyse attentive et approfondie<br />
du capital actuel de ses habitants, tant européens qu'indigènes ».<br />
« Nous nous sommes heurtés, dès l'abord, dit M. Oualid, à des<br />
difficultés spéciales à l'Algérie. Elles nous ont interdit l'emploi<br />
de toutes les méthodes généralement utilisées dans cet ordre de<br />
recherches, à savoir l'évaluation directe et l'annuité successo<br />
rale ». Cette dernière méthode était inutilisable en Algérie<br />
« faute de connaître les transmissions héréditaires de chaque<br />
année et par suite de la différence essentielle des modes de dévo<br />
lutions successorales indigène et européenne. Force nous a donc<br />
été de nous borner à la première sans nous dissimuler les dan<br />
gers d'un procédé unilatéral d'investigation en l'absence d'un<br />
contrôle par une méthode parallèle ».<br />
(1) Cf. Cochery. Rapport sur le budget spécial de l'Algérie pour 1909.<br />
— Documents parlementaires. Chambre des députés. G. Doumergue. Rap<br />
port sur le budget spécial de l'Algérie pour 1913. Documents parlemen<br />
— taires Sénat. William Oualid. La fortune mobilière de l'Algérie. Bulle<br />
tin de la réunion des études — algériennes, janvier, février 1910. La for<br />
tune immobilière de l'Algérie. Revue d'économie politique, mai 1910.<br />
Chauvin, articles parus dans — l'Echo d'Alger en 1912-1913. Ch. Al. Joly.<br />
Rapport général sur le budget de 1914. Délégations financières algérien<br />
—<br />
nes, session de mai 1913. Alglave, La fortune privée en Algérie, La<br />
France Africaine, décembre 19U,
— — 207<br />
Nous ne prétendons point apporter ici une méthode nouvelle,<br />
ni des résultats différents de ceux auxquels est arrivé M. Joly,<br />
après MM. G. Cochery, W. Oualid et G. Doumergue ; nous nous<br />
bornerons à essayer de dégager de ces études et des statistiques<br />
officielles de l'Algérie, quelques conclusions qui ne doivent pas<br />
être prises comme ayant une valeur certaine, mais qui peuvent,<br />
dans l'ensemble, être retenues à titre indicatif.<br />
On peut, pensons-nous, considérer qu'à la veille de la grande<br />
guerre, la fortune de l'Algérie, abstraction faite des richesses<br />
minières, exploitées ou non,<br />
se composait des éléments suivants :<br />
1° Valeurs mobilières : de 250 à 300 millions (1) ;<br />
2° Meubles meublants : environ 230 millions ;<br />
3° Numéraire (Espèces métalliques en Algérie) : environ 80<br />
ou 90 millions (2) ;<br />
4° Dépôts de fonds dans les banques, livrets de Caisses d'épar<br />
gne, de la Caisse Nationale des Retraites, Sociétés Indigènes de<br />
Prévoyance : de 375 à 425 millions (3) ;<br />
5° Valeur des fonds de commerce et des capitaux industriels:<br />
de 250 à 300 millions (4).<br />
6° Cheptel vif: Environ 750 millions (5);<br />
7° Propriété foncière non bâtie: 1.200 à 1.700 millions (6);<br />
(1) Le chiffre le plus voisin des réalités, en raison des documents sur<br />
lesquels il s'appuyait est celui que M. Oualid a établi pour 1907 et qu'il<br />
évaluait à 225.725.000 francs. La progression continue de la richesse de<br />
l'Algérie en valeurs mobilières, entre 1907 et 1914, justifie le chiffre que<br />
nous fixons entre 250 et 300 millions.<br />
(2) Nous retenons le chiffre de 80 millions en évaluant à une dizaine de<br />
millions les espèces thésaurisées.<br />
(3) Le chiffre donné par M. Gaston Doumergue pour l'année 1912 repose<br />
sur des données certaines et il s'élève, pour les seuls dépôts en Banque à<br />
367.267.593 francs.<br />
(4) Le capital industriel, compte non tenu de la valeur des fonds de<br />
commerce, était évalué en 1912 par M. Ch. Al. Joly à 250 millions.<br />
(5) L'évaluation de M. Ch. Al. Joly était, pour 1912, de 754 millions,<br />
M. Oualid retenait en 1910 le chiffre de 427 millions. Un tableau récapitu<br />
latif du Gouvernement général pour 1911 donne 714 millions. Nous avons<br />
pris comme base de notre évaluation le chiffre de M. Joly, qui s'appuie<br />
sur des données statistiques que ne possédait pas M. Oualid.<br />
(6) Il est très difficile de fixer un chiffre un peu précis, M. Gaston Dou<br />
mergue attribuait en 1911, à l'ensemble des terres cultivées ou non, une<br />
valeur de 1-66Q millipps ayant un revenu de 953 millions. M. Ch. Joly,
— 208 —<br />
8° Propriété bâtie : de 2.000 à 2.500 millions (1) ;<br />
9° Constructions agricoles et matériel agricole: de 400 à 450<br />
millions (2) ;<br />
10° Flotte : 5 millions.<br />
Le total varierait donc approximativement entre plus de 5 mil<br />
liards 1/2 et plus de 6 milliards 1/2.<br />
Evaluant pour l'année 1906 les mêmes éléments,<br />
mais en se<br />
limitant souvent aux biens possédés seulement par les colons.<br />
M. G. Cochery obtenait un résultat approchant de 3 milliards,<br />
et M. W. Oualid, faisant état des chiffres de l'année 1909 et éten<br />
dant son étude aux biens possédés par les indigènes, arrivait au<br />
total de 5 milliards 251 millions ; M. Ch. Al. Joly retenait pour<br />
1912 le chiffre de 5 milliards 260 millions.<br />
Un des traits caractéristiques de la composition de la fortune<br />
de l'Algérie est le faible rapport existant entre le montant des<br />
valeurs mobilières et la valeur totale des biens meubles et im<br />
meubles et, en particulier, de la propriété foncière.<br />
Cette proportion qui, en France, était vers cette époque éva<br />
luée pour l'ensemble à 32,5 % et, par rapport aux biens fonciers<br />
à 73,7 %,<br />
n'atteignait en Algérie respectivement qu'environ<br />
4,50 et 6 % : « Cette énorme différence, dit M. Oualid, trouve<br />
sa raison d'être dans un certain nombre de causes dont il est<br />
intéressant de dégager brièvement les principales. Il serait juste,<br />
au préalable, de ne mettre en parallèle dans notre comparaison<br />
admettant pour 1912 un revenu un peu plus élevé, soit 1 milliard, ne leur<br />
attribue qu'une valeur de 1.050.000.000 francs. M. Chauvin arrivait à 1.570<br />
millions, M. Oualid retenait en 1910 le chiffre de 1.543. Il nous semble<br />
que le chiffre de 1.050.000.000 francs est un peu faible, même en consi<br />
dérant que la moitié de la propriété est aux mains des indigènes et que<br />
la propriété indigène a, du fait d'une exploitation moins scientifique, une<br />
valeur inférieure de moitié. Nous n'avons pas fait état des créances ou<br />
des dettes hypothécaires. Elles se compensent en grande partie, prêteurs<br />
comme emprunteurs étant, surtout à cette époque, pour la presque tota<br />
lité Algériens. En mai 1914, M. Joly, rapportant le budget de 1915 devant<br />
les Délégations financières, donne prudemment diverses évaluations con<br />
cernant la dette hypothécaire estimée en 1912 par M. G. Doumergue à<br />
près de 800 millions.<br />
(1) M. G. Doumergue évaluait la propriété urbaine en 1912 à 1.569 mil<br />
lions, M. Alglave, en 1911, à 2 milliards, M. Oualid, en 1910, au même<br />
chiffre, que M. Joly a retenu pour 1913.<br />
(2) M. Joly donnait pour 1912 le chiffre de 401 millions.
— 209 -<br />
des deux éléments mobilier et immobilier de la richesse, que la<br />
part de propriété immobilière européenne. La possession de<br />
valeurs mobilières est chose complètement ignorée des indigènes.<br />
Quant aux Européens, leur répugnance pour les valeurs mobi<br />
lières à des motifs d'ordre psychologique et d'autres plus<br />
proprement économiques. A l'ignorance appartient la première<br />
place : ignorance qui fait considérer la terre comme la richesse<br />
essentielle et voue au mépris la « res mobilis » et plus encore<br />
la simple représentation fiduciaire de biens qui échappent aux<br />
yeux de leurs porteurs, mais ignorance aussi qu'excuse et justifie<br />
l'importance de la propriété foncière en une contrée exclusive<br />
ment agricole. De plus, l'Algérie est le pays des fortunes nou<br />
velles. Les nécessités économiques, à leur tour, sont loin d'être<br />
négligeables. Les capitaux en formation trouvent, à peine cons<br />
titués, un emploi rémunérateur dans les placements immobi<br />
liers... » (1).<br />
Un autre trait caractéristique de la composition de la fortune<br />
algérienne est la faible part qu'y tenait l'industrie à cette date.<br />
M. Georges Cochery disait à ce propos en 1908 : « Le Gou<br />
vernement général estime à environ 214 millions le capital créé<br />
par l'industrie (bâtiments et outillage). A part quelques heu<br />
reuses exceptions, la fabrique Altairac, à Maison-Carrée, et quel<br />
ques rares autres manufactures importantes, malgré le bon<br />
marché du charbon, malgré la présence de la matière première,<br />
la grande industrie n'existe pas en dehors des exploitations<br />
(1) W. Oualid Op. cit. ■— En<br />
fait, la valeur des titres en possession des<br />
Algériens n'a cessé de s'accroître au cours de cette période, c'est ainsi<br />
que le produit de la taxe sur le revenu des valeurs mobilières passa de<br />
275.000 francs en 1907 à 705.000 francs en 1913. Mais la tendance signa<br />
lée par M. Oualid s'est maintenue jusqu'à présent. Il existe en Algérie<br />
une étroite concordance entre la valeur des exportations de céréales et<br />
de vins au cours d'une période déterminée et les achats d'immeubles<br />
effectués au cours de cette période ou immédiatement après. En 1912,<br />
par exemple, la valeur des exportations considérées a atteint 284.102.000<br />
francs ; celle qui a servi de base à la perception des droits de mutation<br />
d'immeubles en 1913 s'est élevée à 212.077.000 francs. En 1927, la valeur<br />
des exportations étant de 1.589.729 francs, celle des mutations immobiliè<br />
res représentait, en 1928, 896.431.000 francs. Dans la période intermédiaire,<br />
chaque année, on retrouve à peu près le même parallélisme, que font net<br />
tement apparaître notamment les chiffres des années 1919-20 et 1920-21,<br />
qui sont respectivement de 777 millions à l'exportation contre 638.421.000<br />
francs pour les mutations et de 311.411.000 francs contre 308.210.000.<br />
(Voir page 197).
LA CIRCULA<br />
TION MONÉ<br />
TAIRE ET<br />
FIDUCIAIRE<br />
DE L'ALGÉRIE<br />
AU DÉBUT<br />
DE 1914.<br />
— — 210<br />
minières. En 1905, sur 32.000 établissements en activité, près<br />
de 19.000 occupaient des patrons travaillant seuls. La population<br />
ouvrière, comprenant 82.000 têtes,<br />
à raison de trois personnes par établissement.<br />
se répartissait en moyenne<br />
« L'industrie minière seule est prospère. Elle comptait, en<br />
1907, 52 exploitations et le produit net imposable des mines en<br />
exploitation était passé, de 1900 à 1907, de 593.110 francs à<br />
4.183.466 francs. Malheureusement beaucoup de ces entreprises<br />
sont entre des mains étrangères, anglaises et belges. Celles,<br />
d'ailleurs,<br />
qui sont exploitées par des métropolitains sont égale<br />
ment loin de laisser tous leurs profits dans la colonie. »<br />
*<br />
* *<br />
La gestion de cette fortune de l'Algérie, la mise en valeur du<br />
sol, l'importance des transactions courantes entraînaient un mou<br />
vement de monnaies toujours plus grand.<br />
Bien qu'une part chaque jour plus importante des paiements<br />
fût réglée par écritures, la circulation des billets de la Banque<br />
de l'Algérie ne cessait de s'accroître. Elle dépassait,<br />
émis en Algérie seulement, 200 millions,<br />
en billets<br />
et à cette circulation<br />
de monnaie fiduciaire s'ajoutait une circulation relativement<br />
importante en espèces métalliques, sinon d'or,<br />
guère, du moins d'argent et de billon.<br />
qu'on ne voyait<br />
Il est assez difficile d'évaluer le numéraire qui était utilisé<br />
pour les payements et de dénombrer celui qui était thésaurisé.<br />
M. G. Cochery disait, à ce sujet,<br />
en 1908 : « Le numéraire est<br />
certainement bien plus abondant qu'il ne l'était il y a dix ans.<br />
On ne voit plus se reproduire qu'avec une faible intensité les<br />
crises monétaires dont on se plaignait autrefois périodiquement<br />
dans l'intérieur de la colonie. L'installation de nombreux bureaux<br />
auxiliaires par la Banque de l'Algérie à Souk-Ahras, à Guelma,<br />
à Orléansville, à Mascara, à Tiaret, à Bel-Abbès, et dans d'autres<br />
localités moins importantes par la Compagnie Algérienne et le<br />
Crédit Foncier, ont été pour beaucoup dans la diffusion de la<br />
monnaie métallique à travers la colonie. Mais c'est surtout le
- 211<br />
-<br />
développement de la production et de l'activité des échanges<br />
qui y<br />
a appelé des stocks plus importants.<br />
« Depuis 1897, il a été importé en Algérie environ 33.373.000<br />
francs de monnaie française, dont 23.850.000 francs par la Ban<br />
que de l'Algérie et 9.523.000 francs directement par le Trésor.<br />
Comme, d'autre part, l'encaisse métallique de la Banque a<br />
diminué en Algérie (il a augmenté en Tunisie) de 10.160.000<br />
francs, c'est à 43.533.000 francs que ressort le numéraire versé<br />
pendant ces dix dernières années dans la circulation ; sur ces<br />
43.533.000 francs, environ 1.900.000 francs sont dans les caisses<br />
du Trésor, 7.000.000 francs ont été rapatriés en France par la<br />
Banque de l'Algérie et environ 1.300.000 francs de pièces<br />
anciennes démonétisées ont été retirées par le Ministère des<br />
Finances. Il reste donc une somme d'environ 33.300.000 francs<br />
qui, depuis dix ans, est venue accroître la circulation monétaire<br />
métallique algérienne.<br />
« Peut-être une faible partie de cette monnaie a-t-elle été<br />
enfouie dans les silos, suivant la coutume de moins en moins<br />
répandue des Arabes habitant loin des villes. Peut-être des<br />
bijoutiers juifs indigènes ont-ils passé quelques douros au creu<br />
set, à l'instigation d'Arabes retardataires. L'obligation pour les<br />
fidèles se rendant en pèlerinage à La Mecque de justifier de<br />
la possession de 1.000 francs est probablement aussi la cause<br />
d'un certain drainage de numéraire hors de l'Algérie. Mais, pour<br />
la plus grande part, les 33 millions de francs venus de France<br />
en écus et en monnaies divisionnaires sont restés dans la circu<br />
lation pour faciliter les échanges qui s'effectuent au jour le<br />
jour plus nombreux dans la colonie. »<br />
M. Oualid a remarqué que, dans le mouvement des caisses, re<br />
cettes et dépenses, malgré quelques resserrements passagers, une<br />
certaine constante existait dans les rapports entre les sommes<br />
encaissées ou payées en numéraire et celles encaissées ou payées<br />
en billets ; ayant établi,<br />
la Banque de l'Algérie,<br />
d'après les mouvements des caisses de<br />
que ce rapport constant était d'environ<br />
13 % entre la monnaie fiduciaire et la monnaie métallique, il<br />
concluait en 1910 que la quantité de numéraire en circulation<br />
devait être d'environ 18.200.000 francs. De son côté, l'Adminis<br />
tration des monnaies a procédé à des sondages périodiques dans
- 212<br />
-<br />
la circulation. Le résultat de ces sondages,<br />
sans s'écarter sen<br />
siblement de ceux auxquels le raisonnement avait conduit<br />
M. Oualid, fait ressortir un pourcentage inférieur à 13 %.<br />
En nous fondant sur les chiffres de la circulation de 1913-1914<br />
et en tenant compte des observations de M. Oualid et des cons<br />
tatations faites au cours des sondages de l'Administration des<br />
monnaies,<br />
nous pensons pouvoir évaluer à une vingtaine de<br />
millions la quantité de numéraire or et argent circulant en<br />
Algérie à la veille de la guerre. Les monnaies de billon « indis<br />
pensables à un pays de salaires peu élevés et de population pau<br />
vre, monnaies qui, moins souvent que celles de plus de valeur,<br />
rentrent dans les caisses des banques » doivent majorer ce<br />
chiffre d'environ 4 à 5 millions. A ces sommes il faut ajouter<br />
le montant de l'encaisse métallique de la Banque de l'Algérie,<br />
existant en Algérie même, à l'exclusion de la Tunisie, soit<br />
44.250.000 francs et une somme très difficile à apprécier repré<br />
sentant les espèces thésaurisées que nous évaluerons,<br />
nous devons le reconnaître —<br />
sans —<br />
pouvoir justifier ce chiffre par<br />
une documentation quelconque, à 10 ou 20 millions. Le total des<br />
espèces or, argent et billon existant en Algérie en 1913-14 devait<br />
être approximativement 80 ou 90 millions.<br />
Les espèces métalliques en circulation comprenaient surtout<br />
des écus et des monnaies divisionnaires d'argent, ainsi que des<br />
monnaies de billon ; l'or y tenait une place encore plus faible<br />
même qu'en Tunisie ou au Maroc et infiniment moindre qu'en<br />
France. L'Administration française n'avait introduit que peu<br />
d'espèces d'or dans la colonie ; lorsque la Banque avait dû<br />
importer du numéraire, elle avait fait venir en majeure partie<br />
des écus qui lui étaient plus utiles pour les paiements que l'or<br />
lui-même et qui avaient la même valeur au regard de la couver<br />
ture de ses billets. L'or pénétrait principalement par l'intermé<br />
diaire des négociants et des voyageurs qui avaient à régler des<br />
achats ou des dépenses dans la colonie et cet or ne restait pas<br />
longtemps dans la circulation. Une faible partie en était peut-<br />
être soit thésaurisée, soit fondue par les bijoutiers, mais la<br />
plus grande part entrait dans les caisses de la Banque de<br />
l'Algérie qui le conservait et qui se constitua ainsi une encaisse<br />
s'élevant, en juillet 1914, à 15.529.460 francs, malgré un envoi<br />
de 12 millions d'or effectué à Paris en janvier de la même année.
213 —<br />
Le tableau ci-dessous, dont nous empruntons les éléments aux<br />
enquêtes monétaires prescrites par le Ministre des Finances (1),<br />
indique la proportion approximative des billets, des pièces d'or,<br />
des écus, des monnaies divisionnaires et du billon dans la circu<br />
lation algérienne en 1897, 1903 et 1909.<br />
1897<br />
1903<br />
1909<br />
ALGER<br />
CONSTAN<br />
TINE<br />
ORAN<br />
ENSEMBLE<br />
dei<br />
Départe<br />
ments<br />
Algériens (2)<br />
ENSEMBLE<br />
des<br />
Départe<br />
ments<br />
Français<br />
et<br />
Algériens<br />
V. 7. •/. V. 7.<br />
83,53 78,20 85,24 81,68 82,91<br />
1,90 2,04 2,08 1,99 11,10<br />
11,47 17,32 9,92 13,57 4,45<br />
2,97 2,36 2,58 2,64 1,42<br />
0,13 0,08 0,18 0,12 0,12<br />
85,43 84,28 89,27 86,04 85,56<br />
2,09 2,05 0,88 1,71 9,13<br />
9,89 11,82 7.61 9,89 3,62<br />
2,54 1,74 2,15 2,21 1,58<br />
0,05 0,10 0,09 0,09 0,11<br />
92,23 88,08 87,36 90,51 87,44<br />
1,37 2,57 0,96 1,43 8,24<br />
4,89 5,89 10,72 6,21 2,88<br />
1,47 3,36 0,74 1,75 1,04<br />
0,04 0,10 0,22 0,10 0,09<br />
(1) Au début du rapport sur l'enquête de 1897, nous lisons ces lignes<br />
reproduites à peu près intégralement dans les rapports ultérieurs et qui<br />
précisent comment l'enquête fut faite. « Les Etablissements de crédit ont<br />
recensé leurs recettes de la journée. Il n'a pas semblé nécessaire de leur<br />
demander la composition de leurs réseryes, qui diffère d'ailleurs, dans une<br />
certaine mesure, de celle de la circulation courante. Un recensement de<br />
cette nature eût exigé un travail très considérable et extrêmement dis<br />
pendieux pour la Banque de France qui possède une encaisse de plus de<br />
3 milliards. Mais, pour les comptables publics, il n'existait pas de motifs<br />
de se limiter aux recettes de la journée : leurs encaisses sont peu élevées,<br />
et comme elles se renouvellent incessamment par l'encaissement des<br />
impôts et les versements à la Banque, on peut dire qu'elles donnent de la<br />
circulation Une idée aussi exacte que les recettes journalières. C'est pour<br />
quoi il a été prescrit aux comptables publics de fournir la décomposition<br />
de toutes les monnaies existant dans leurs caisses le 15 septembre au soir ».<br />
(2) Pourcentage entre le total des sommes relevées dans l'ensemble des<br />
départements algériens et chacun des éléments compris dans ce total.<br />
U
LA MONNAIE<br />
ALGÉRIENNE<br />
EN TUNISIE<br />
EN 1914.<br />
- 214<br />
-<br />
On voit que la proportion des billets était très forte dans la<br />
circulation algérienne,<br />
sence de billets de 20 francs,<br />
ce qui tenait particulièrement à la pré<br />
alors que la Banque de France<br />
n'émettait pas de coupures inférieures à 50 francs. Quant à la<br />
monnaie métallique,<br />
Et pourtant une part importante des écus introduits dans la<br />
elle était surtout représentée par des écus.<br />
colonie avait été utilisée pour le règlement des échanges avec la<br />
Tunisie et avait pénétré dans la Régence sans qu'il y eût réci<br />
procité.<br />
*<br />
* *<br />
Le régime monétaire de la Tunisie n'était pas le même que<br />
celui de l'Algérie ; avant le protectorat français, la circulation<br />
tunisienne se composait de piastres d'or et d'argent, de caroubes<br />
d'argent et de cuivre, d'aspres de cuivre ; on songea, au début,<br />
à donner cours légal aux monnaies françaises concurremment<br />
avec les piastres indigènes ; mais la population garda ses pré<br />
férences pour la monnaie indigène et la monnaie française fut<br />
dédaignée. Il fallut procéder à une réforme radicale qui eut lieu<br />
le 15 septembre 1891. Le franc devint l'unité monétaire de la<br />
Tunisie ; toutes les anciennes piastres furent retirées et rem<br />
placées par des monnaies spéciales, frappées à Paris pour le<br />
compte de la Régence, mais de valeurs correspondantes à celles<br />
de nos monnaies françaises, à l'exclusion des pièces de cinq<br />
francs.<br />
Les écus français pénétrèrent d'Algérie en Tunisie où ils<br />
furent assez facilement admis,<br />
quoi qu'ils n'eussent aucun pou<br />
voir libératoire ; par contre, TAlgérie ne recevait aucune monnaie<br />
d'argent de la Tunisie, puisque celle-ci n'avait pas frappé d'écus<br />
et que la pénétration de la monnaie divisionnaire était pratique<br />
ment insignifiante.<br />
Cet exode des écus algériens vers la Tunisie fut précipité par<br />
certaines mesures qui durent être prises dans la Régence au<br />
début de 1912. Au cours de l'année 1911 la Banque constata que<br />
son encaisse or en Tunisie diminuait considérablement. Il fut vite<br />
établi que la guerre, qui avait la Tripolitaine pour théâtre, en<br />
était la cause et que des tentatives étaient faites, de certains<br />
côtés, pour faire passer de l'or tunisien en Tripolitaine.
- 21<br />
-<br />
La Banque était tenue, en effet, légalement, de rembourser<br />
dans la Régence, ses billets en or, les pièces d'argent beylicales<br />
n'ayant pouvoir libératoire que jusqu'à 50 francs. Il était donc<br />
possible à l'un des belligérants de se procurer de l'or par cette<br />
voie et il ne se fit pas faute de le tenter. La Banque repoussa<br />
toute demande anormale d'échanges dont elle connaissait ou<br />
soupçonnait l'origine suspecte ; mais, en agissant ainsi, elle cou<br />
rait des risques d'ordre judiciaire, puisque ses billets étaient<br />
remboursables à vue en espèces, et si des raisons supérieures<br />
justifiaient son attitude, celle-ci était contraire à ses obligations<br />
monétaires. Tout autre eût été la situation de la Banque si les<br />
écus de l'union latine avaient eu cours dans la Régence. Mais<br />
l'adhésion de la Régence à l'Union latine pouvait entraîner, dans<br />
une certaine mesure, l'exode de l'or qui,<br />
pour les paiements locaux,<br />
n'étant plus nécessaire<br />
pouvait être remplacé par une mon<br />
naie d'argent de moindre qualité. On se contenta de décider, par<br />
un décret spécial du 30 mars 1912, que les monnaies d'or de<br />
20 francs et de 10 francs et les pièces d'argent de 5 francs de<br />
l'Union latine auraient désormais en Tunisie pouvoir libératoire<br />
illimité et, en même temps,<br />
pour conserver à la Tunisie un stock<br />
d'or, la Banque de l'Algérie accepta de maintenir dans ses caisses<br />
un montant de monnaies d'or tunisiennes ne devant pas descen<br />
dre pendant plus d'une année au-dessous de 12 millions. L'admis<br />
sion des écus de l'Union latine dans la Régence comme monnaie<br />
légale eut une répercussion certaine sur le stock monétaire algé<br />
rien. Elle détermina un courant monétaire naturel d'Algérie vers<br />
la Régence et la Banque de l'Algérie approvisionna la Tunisie<br />
des écus nécessaires au remboursement éventuel de ses billets<br />
tunisiens.<br />
*<br />
* *<br />
A la frontière occidentale de l'Algérie, la question de la péné<br />
tration des monnaies d'un pays dans l'autre se présentait d'une<br />
manière toute différente. A défaut de banque d'émission exis<br />
tant au Maroc et en présence d'un régime monétaire insuffisam<br />
ment organisé, des échanges de billets français ou algériens<br />
contre la monnaie marocaine n'avaient cessé d'être pratiqués<br />
entre les deux contrées. La main-d'œuvre marocaine, employée<br />
en Oranie, importait le billet à son retour au Maroc; des négo-<br />
LA MONNAIE<br />
ALGÉRIENNE<br />
AU MAROC<br />
EN 1914.
— — 216<br />
ciants marocains et algériens se rencontraient dans les marchés<br />
tenus des deux côtés de la frontière et échangeaient la monnaie<br />
des deux pays; puis l'armée, pénétrant au Maroc occidental,<br />
ouvrit enfin, dans cette région, un nouveau centre de circula<br />
tion de monnaies françaises.<br />
La création dans l'Empire chérifien d'une banque d'Etat ayant<br />
le privilège exclusif d'émettre des billets à dater du 31 décem<br />
bre 1906 —<br />
création<br />
décidée par la Conférence internationale<br />
réunie à Algésiras à la suite d'une manifestation tapageuse de<br />
l'empereur d'Allemagne —<br />
de choses.<br />
ne modifia pas sensiblement cet état<br />
La Banque d'Etat s'était constituée, elle avait commencé avec<br />
la plus grande prudence, on pourrait même dire avec une timidité<br />
explicable, les opérations qu'elle avait reçu, des puissances inter<br />
venantes, mission d'accomplir. Mais elle n'avait pas encore abordé<br />
effectivement la réforme du régime monétaire du Maroc et elle<br />
avait procédé à une émission de billets, moins « pour répondre<br />
à des nécessités de signes monétaires nouveaux, que pour affir<br />
mer sous une forme tangible son privilège d'émission » (1).<br />
Cette émission limitée n'empêchait pas le billet algérien d'être<br />
utilisé en fait dans bien des transactions courantes au Maroc.<br />
La Banque de l'Algérie estima qu'elle devait surveiller la circu<br />
lation de ses billets dans ce pays et se mettre en mesure de<br />
prêter un appui efficace à sa clientèle commerçante appelée à<br />
nouer avec tout le Maroc des relations de plus en plus actives.<br />
Le 20 février 1912, elle demanda, en conséquence, au Ministre<br />
des Finances de provoquer le décret prévu par la loi de 1911 (2)<br />
et devant l'autoriser à créer des agences au Maroc. Le Ministre<br />
des Affaires étrangères estima qu'il était plus opportun d'ajour<br />
ner à une date indéterminée la création des agences envisagées<br />
et la Banque, déférant naturellement à la volonté du gouver<br />
nement, renonça, pour le moment, à la réalisation de projets<br />
qui avaient été conçus quelques années auparavant d'accord avec<br />
lui. Elle favorisa la création d'une banque appelée « Banque<br />
Algéro-Tunisienne pour le commerce d'exportation » qui s'ins-<br />
(1) Banque d'Etat du Maroc. Assemblée générale 1911. Rapport des<br />
Censeurs.<br />
(2) Voir page 191.
— — 217<br />
talla sur certaines places du Maroc, y devint son correspondant<br />
et fit des opérations normales d'escompte dont, à défaut de<br />
billets marocains, elle remettait la contrevaleur à ses clients sous<br />
forme de billets de banque algériens. En janvier 1914 le gou<br />
vernement prit même la décision d'utiliser les disponibilités<br />
qu'il avait à son compte courant à Alger pour faire régler la<br />
solde des troupes du corps d'occupation en billets de la Banque<br />
de l'Algérie ;<br />
aussi ces billets se répandaient-ils en assez grande<br />
quantité au Maroc, assurant sans difficulté le transfert des fonds<br />
entre la France métropolitaine ou algérienne et ce pays (1).<br />
*<br />
* *<br />
Telle était, en 1914, la situation bancaire et monétaire de<br />
l'Algérie. Elle était en plein développement, suivant les progrès<br />
mêmes de la prospérité de la colonie. La Banque de l'Algérie,<br />
ayant reconquis depuis de longues années sa puissance d'action,<br />
avait fourni la preuve, au cours de la crise de 1912, qu'elle pou<br />
vait dominer les événements économiques,<br />
autant qu'il dépend<br />
d'une banque d'émission de le faire ; les indications qu'elle avait<br />
données au marché par ses avis et ses décisions avaient été<br />
comprises et l'Algérie se trouvait, à cette époque, bénéficier de<br />
conditions générales favorables au commerce et à l'agriculture.<br />
Bien que cette dernière n'eût pas encore à sa disposition une<br />
organisation définitive de crédit appropriée à tous ses besoins,<br />
elle ne souffrait que très exceptionnellement d'une insuffisance<br />
de fonds de roulement et elle avait la certitude que l'organisation<br />
naissante devait se perfectionner peu à peu et devenir réellement<br />
pratique.<br />
L'Algérie se consacrait avec confiance au travail ;<br />
on a vu<br />
plus haut les admirables résultats obtenus au cours des années<br />
précédentes et qui légitimaient cette confiance.<br />
Une situation générale si satisfaisante allait-elle être détruite,<br />
(1) D'une statistique des billets et numéraires compris dans certaines<br />
caisses au Maroc à la date du 25 juillet 1914, on peut retenir ce chiffre :<br />
sur 41.702.185 fr. 50 de monnaies françaises, on comptait 19.530.720 francs<br />
de billets algériens, le reste étant composé de métal et de billets de la<br />
Banque de France.<br />
L'ALGERIE<br />
ÉTAIT EN<br />
PLEIN<br />
PROGRÈS<br />
EN 1914.
— — 218<br />
un tel essor d'un crédit bienfaisant et producteur allait-il être<br />
arrêté par les événements qui devaient éclater brusquement, en<br />
pleine quiétude et en pleine prospérité du pays,<br />
monde ?<br />
et ébranler le
CHAPITRE VII<br />
LA BANQUE DE L'ALGÉRIE, LE CRÉDIT ET LA MONNAIE<br />
DEPUIS 1914<br />
LA DÉCLARATION DE GUERRE PAR L'ALLEMAGNE. Le COURS FORCÉ Le MORATO-<br />
r1um des dépôts. la prorogation des échéances. l.es banques et le<br />
Commerce penkant la Guerre. Rôle de la Banque de l'Algérie pendant la<br />
Guerre. Renouvellement du privilège dk la Banque. Le Commerce et les<br />
Banques après 1918. Dépréciation de la monnaie française. Les devoirs<br />
de la Banque de l'Algérie en face de la dépréciation monétaire et les<br />
besoins de crédit de l'agriculture. La circulation monétaire depuis 1914.<br />
La monnaie algérienne au Maroc. Situation économique et fortune<br />
actuelles de l'Algérie.
EMBARQUEMENT DE TROUPES A ALGER EN 1914
La déclaration de guerre par l'Allemagne en 1914 et la confla<br />
gration générale qui s'en suivit, devaient placer l'Algérie en face<br />
des plus graves problèmes et la Banque en présence d'angois<br />
santes responsabilités.<br />
Comme la guerre de 1870, celle de 1914 imposa tout d'abord<br />
une série de mesures affectant le régime monétaire et le crédit.<br />
La loi du 5 août 1914,<br />
*<br />
* *<br />
qui éleva à 6.800.000.000 fr. la limite<br />
d'émission de la Banque de France,<br />
la Banque de l'Algérie en spécifiant qu'elle pouvait être élevée<br />
porta à 400 millions celle de<br />
au delà de ce chiffre par décrets rendus en Conseil d'Etat (1).<br />
Elle édicta également le cours forcé des billets de la Banque de<br />
France et de la Banque de l'Algérie et rendit publique la conven<br />
tion du 30 novembre 1911,<br />
aux termes de laquelle la Banque<br />
de l'Algérie s'était engagée à mettre à la disposition du gou<br />
vernement une avance de 100 millions en cas de mobilisation<br />
générale. Elle autorisa l'émission de coupures de 5 fr.<br />
Quelques jours avant, le gouvernement tunisien avait pro<br />
noncé le cours forcé du billet de banque dans la Régence (décret<br />
tunisien du 1er août 1914) ; et le lendemain, 6 août, le Sultan<br />
du Maroc donnait cours légal aux billets de la Banque de France<br />
et à ceux de la Banque de l'Algérie et interdisait, sous des<br />
sanctions pénales, à quiconque, d'exiger un change d'espèces<br />
françaises à billets des Banques de France et d'Algérie et réci<br />
proquement.<br />
La disparition de la monnaie ou, tout au moins,<br />
raréfaction,<br />
sa grande<br />
qui est un des premiers symptômes des réactions<br />
m En vertu de cette disposition, les décrets des 26 septembre 1914,<br />
97 novembre 1915, 27 juillet et 19 octobre 1918, 28 mars et 18 septembre<br />
1919 29 janvier 1920, 5 décembre 1925, portèrent successivement la limite<br />
d'émission de 400 millions à 1.700 millions. La loi du 30 juin 1926 abrogea<br />
cette<br />
disposition et l'autorisation d'élever le chiffre des émissions par<br />
décret se trouva ainsi supprimée.<br />
LA<br />
DÉCLARATION<br />
DE GUERRE<br />
PAR<br />
L'ALLEMAGNE.<br />
LE COURS<br />
FORCÉ.
LE MORATO-<br />
R1UM DES<br />
DÉPOTS.<br />
LA PROROGA<br />
TION DES<br />
ÉCHÉANCES.<br />
— — 222<br />
populaires en présence des graves événements politiques ébran<br />
lant la confiance, se produisit très vite. Pour y<br />
remédier la<br />
Banque émit rapidement des petites coupures qu'elle avait eu<br />
la précaution de préparer, bien que la législation antérieure n'eût<br />
pas prévu leur mise en circulation. Mais cette émission ne pou<br />
vait remplacer la petite monnaie disparue. On sait que, pour<br />
parer à cette disparition dans la métropole, des bons de<br />
monnaie furent émis sur des initiatives locales et que le gou<br />
vernement engagea les chambres de commerce à en créer dans<br />
les limites de leurs circonscriptions. Ces bons n'avaient natu<br />
rellement pas cours légal, mais,<br />
par une décision du directeur<br />
du Mouvement général des fonds du 28 août 1914, les comptables,<br />
se trouvant dans la circonscription de la chambre de commerce<br />
émettrice, étaient autorisés à les recevoir et à les donner en<br />
paiement. Ils rendirent donc, en fait, les plus grands services.<br />
Il en fut de même en Algérie où certaines villes et chambres<br />
de commerce créèrent des bons de monnaie en papier ou des<br />
bons en métal, destinés à tenir lieu principalement de monnaie<br />
de billon et même de monnaie divisionnaire d'argent ; la Banque<br />
de l'Algérie prêta son concours aux chambres de commerce pour<br />
cette émission qui se faisait par échange de billets de banque<br />
contre bons de monnaie (1).<br />
*<br />
* *<br />
Par un décret du 31 juillet 1914 les délais des protêts et des<br />
actes destinés à conserver les recours des valeurs négociables et<br />
les échéances des valeurs négociables furent l'objet d'une pre<br />
mière prorogation ; ce décret, pris en exécution des lois des<br />
27 janvier et 24 décembre 1910, concernant la matière, fut rendu<br />
applicable à l'Algérie par un décret du 2 août 1914. Entre temps,<br />
le 1er<br />
août, la prorogation avait été étendue aux dépôts d'espèces<br />
(1) Les billets de banque étaient versés à un compte-courant ouvert<br />
à la Chambre de Commerce et immobilisés en vue du remboursement ulté<br />
rieur des coupures. Une partie de ces sommes fut employée en bons de<br />
la Défense Nationale. Ultérieurement, en 1916 (lettre du 23 novembre 1916<br />
aux trésoriers-généraux), le Ministre des Finances, en raison de la durée<br />
et de l'importance de ces émissions, décida de comprendre toute nou<br />
velle émission dans la comptabilité de l'Etat, en payant aux Chambres de<br />
Commerce, pour les couvrir de leurs frais un intérêt de 2 %.
~ 223<br />
-<br />
et soldes créditeurs des comptes courants dans les banques et<br />
établissements de crédit et de dépôts sous certaines réserves<br />
destinées à faciliter le retrait des petites sommes. Ce décret du<br />
1er août avait spécifié, dans son article 3, que ses dispositions<br />
étaient applicables en Algérie. D'autres décrets, les 2 et 3 août,<br />
l'avaient modifié ou complété.<br />
Ces mesures provisoires firent ensuite l'objet de textes plus<br />
complets, lorsque la loi du 3 août 1914 accorda au Gouvernement<br />
le pouvoir de prendre, pendant la durée de la mobilisation et<br />
de la guerre, les mesures nécessaires pour faciliter l'exécution<br />
ou suspendre les effets des obligations commerciales ou civiles.<br />
En vertu de cette loi, le gouvernement décréta, le 9 août 1914,<br />
une prorogation des échéances de trente jours francs pour toutes<br />
les valeurs négociables échues depuis le 31 juillet 1914 inclu<br />
sivement ou venant à échéance avant le 1er septembre 1914 à<br />
condition que ces valeurs eussent été souscrites antérieurement<br />
au 4 août 1914. Cette prorogation s'appliquait aux lettres de<br />
change, billets à ordre ou au porteur, aux chèques, à l'exception<br />
de ceux présentés par le tireur lui-même, aux mandats, aux<br />
warrants. Elle était étendue,<br />
comme la prorogation prévue par<br />
le décret du 31 juillet, à toutes les sommes dues,<br />
avec ou<br />
sans échéance, pour toutes avances faites antérieurement au<br />
1er<br />
août 1914, en compte ou à découvert, ainsi que pour toutes<br />
avances faites antérieurement à la même date sur des titres<br />
de valeurs mobilières. Enfin, le décret précisait les mesures<br />
concernant le moratorium des dépôts d'espèces dans les banques<br />
et les établissements de crédit.<br />
En 1914, 1915, 1916, des décrets successifs prorogèrent ces<br />
dispositions pour de nouvelles périodes, tout en y apportant, au<br />
fur et à mesure des événements, des modifications destinées à<br />
préparer le retour à un régime normal. Dès le 29 août 1914, il<br />
fut spécifié que les prorogations étaient purement facultatives<br />
pour les débiteurs et un intérêt de 5 % fut mis à la charge de<br />
ceux qui en bénéficieraient. Puis, en décembre 1915, fuient<br />
exceptés du bénéfice de ces dispositions les fournisseurs de l'Etat<br />
français ou des Etats alliés qui, étant régulièrement payés pour<br />
les travaux qu'ils exécutaient, ne pouvaient assurément invoquer<br />
un motif valable pour ne pas régler eux-mêmes leurs dettes.
- 224<br />
-<br />
Au commencement de 1916 la situation économique de l'Algérie<br />
permit d'adopter dans les trois départements des mesures plus<br />
larges ; après avis du Gouvernement général et des corps<br />
consultatifs, le décret du 20 mars 1916 exclut des dispositions<br />
générales, pour les soumettre à un régime spécial, les sommes<br />
dues à raison d'effets de commerce, de fournitures de marchan<br />
dises, d'avances, de dépôts d'espèces et soldes créditeurs, de<br />
comptes courants payables ou remboursables en Algérie. Seuls<br />
les mobilisés continuèrent à bénéficier exceptionnellement de la<br />
prorogation générale. Ce décret souleva des protestations assez<br />
nombreuses ; le Ministère, pour les calmer, intervint auprès de<br />
la Banque de l'Algérie afin d'obtenir —<br />
ce<br />
qui lui fut accordé<br />
— sans peine qu'il fût fait preuve de la plus large bienveillance<br />
à l'égard des débiteurs. Un décret modifia les règles de compé<br />
tence relatives aux demandes de délais supplémentaires de paie<br />
ment et accorda un nouveau délai d'un mois à ceux qui voulaient<br />
solliciter des délais supplémentaires. D'autre part, les magis<br />
trats étaient avisés du désir des pouvoirs publics de voir appli<br />
quer le décret du 20 mars 1916 avec la plus grande bienveillance.<br />
Complété par le décret du 25 juillet 1916, le nouveau régime de<br />
prorogation assura la liquidation du moratorium des échéances<br />
en Algérie. L'échéance des valeurs négociables souscrites avant<br />
le 4 août 1914 et échues originairement depuis le 31 juillet 1914,<br />
fut prorogée de 23 mois, date pour date, à partir de leur échéance<br />
originaire. Des paiements partiels, dont l'échelonnement était<br />
déterminé, furent admis, des délais supplémentaires pouvant<br />
être accordés sur demande par le président du tribunal civil ; les<br />
protêts furent supprimés, les porteurs ne purent intenter de<br />
poursuites qu'avec l'autorisation du président, etc... Des dis<br />
positions plus décisives encore avaient été arrêtées, dès le<br />
1er<br />
mai 1915, en Tunisie et le portefeuille moratorié des banques<br />
fut liquidé sur toute l'étendue du territoire algérien et tunisien,<br />
dans des conditions satisfaisantes (1).<br />
Grâce aux mesures prises ainsi, à la fois par les pouvoirs<br />
(1) La Compagnie Algérienne et le Crédit Foncier d'Algérie et de Tuni<br />
sie se félicitaient, dans leurs comptes rendus de 1916, d'avoir pu liquider,<br />
grâce au concours de la Banque de l'Algérie, qui par des facilités d'es<br />
compte encouragea les arrangements avec les débiteurs de bonne volonté,<br />
leur portefeuille moratorié avec tous les ménagements nécessaires.
— — 225<br />
publics et par les banques françaises, dont la situation était<br />
heureusement très forte et qui trouvèrent le concours des ban<br />
ques d'émission en France comme en Algérie, —<br />
permit de se dégager rapidement du moratorium,<br />
ce<br />
qui leur<br />
— le<br />
com<br />
merce algérien n'eut pas à souffrir de l'épreuve redoutable que<br />
constitue une prorogation des échéances, rompant le cours régu<br />
lier des règlements qui, dans l'ensemble,<br />
des autres.<br />
sont solidaires les uns<br />
Comme en 1870, certains esprits se sont demandé, en 1914,<br />
s'il était bien nécessaire d'appliquer en Algérie le moratorium<br />
édicté en France ; il ne saurait y<br />
avoir aucun doute à cet égard.<br />
Toute la série de dispositions législatives ou réglementaires, se<br />
rattachant au moratorium, constitue un enchaînement fatal. Elle<br />
n'a pas exclusivement son origine dans les difficultés que crée<br />
au débiteur l'impossibilité où celui-ci se trouve souvent de tra<br />
vailler et de payer ses dettes. Des mesures individuelles d'ater<br />
moiement, des reports d'échéance consentis à bon escient suf<br />
fisent souvent pour dénouer de telles difficultés. La véritable<br />
cause de moratorium est la disparition de la confiance que pro<br />
voque, dans les masses, un grand événement venant bouleverser<br />
brusquement le cours normal de la vie et dresser devant elles<br />
un avenir plein d'inconnu. On saisit là sur le vif la loi de solida<br />
rité qui unit les plus grandes entreprises au plus humble des<br />
épargnants ; les banques, principalement les banques de dépôts,<br />
ne peuvent libéralement dispenser le crédit que dans une<br />
ambiance de confiance générale ; la confiance qu'elles font elles-<br />
mêmes à leur clientèle, en lui accordant du crédit,<br />
n'est qu'une<br />
individualisation de cette confiance générale. Du moment que<br />
celle-ci est ébranlée, l'argent se réserve, les dépôts perdent leur<br />
caractère de stabilité relative,la base générale du crédit devient<br />
d'une extrême fragilité et les banques, obligées de prévoir des<br />
retraits de dépôts, sinon d'y faire face, doivent resserrer le cré<br />
dit individuel au moment où les besoins de celui-ci s'exaspèrent.<br />
En présence de cet arrêt du mécanisme du crédit, on est tenté<br />
de se tourner vers la banque d'émission, dont les moyens d'action<br />
paraissent être indépendants de cette base incertaine et on<br />
attend parfois d'elle qu'elle prenne la charge de tout le crédit, de<br />
toute l'activité économique, qu'elle se substitue à son tour à la
LES BANQUES<br />
ET LE<br />
COMMERCE<br />
PENDANT<br />
LA GUERRE.<br />
- 226 —<br />
confiance défaillante et qu'elle accorde aux créanciers impayés<br />
les plus larges facilités de crédit. Elle ne peut le faire qu'avec<br />
mesure. C'est une erreur de croire que la banque d'émission,<br />
couverte par les dispositions du moratorium qui lui est propre<br />
et que constitue le cours forcé,<br />
est à l'abri des à-coups de la<br />
confiance. Elle a pour déposants tous les porteurs de billets ;<br />
ce sont eux qui lui font confiance ; parce que les réactions sont<br />
moins immédiates chez le porteur de billets que chez le déposant,<br />
elles n'en ont pas moins des répercussions encore plus graves,<br />
car elles atteignent, sans exception, le pays tout entier. Si, au<br />
cours de la guerre, l'inflation fiduciaire n'a pas fait sentir, dès<br />
le premier jour, ses néfastes effets, cela tient au grand crédit<br />
dont jouit le billet de banque et à la confiance du pays qui se<br />
refusait à une analyse trop précise de la situation. Mais, insen<br />
siblement, cette inflation agit sur les prix et vint ajouter aux<br />
difficultés créées par la guerre au commerce algérien. Il eût<br />
été imprudent de provoquer, par une trop large extension du<br />
crédit, destinée à écarter le moratorium de l'Algérie, une infla<br />
tion prématurée, alors que les nécessités de la défense nationale<br />
devaient imposer un accroissement fatal de la circulation dont<br />
les proportions ne pouvaient être mesurées dès 1914.<br />
*<br />
* *<br />
La guerre, qui constituait pour tous une si terrible épreuve,<br />
avait désorganisé, dès le début, les services des banques, comme<br />
ceux de bien des maisons de commerce, de bien des industries<br />
et exploitations agricoles ;<br />
un grand effort permit peu à peu<br />
d'assurer le fonctionnement normal de la vie du pays ; mais<br />
partout, hélas ! la guerre devait laisser des vides cruels et nous<br />
ne pouvons évoquer le souvenir des années tragiques sans rap<br />
peler ici que le personnel des banques paya largement de son<br />
sang la libération du pays et que la liste est longue de ceux<br />
qui sont tombés sur les champs de bataille ou à qui leur courage<br />
a valu des citations. A la Banque de l'Algérie, sur un personnel<br />
de 521 agents : 72 furent tués, 100 furent blessés ; 6 croix de<br />
la Légion d'honneur, 9 médailles militaires, 117 croix de guerre,<br />
8 décorations diverses témoignent de l'héroïsme des survivants.<br />
Pendant la guerre, le commerce algérien, souvent entravé, plus
- 227<br />
—<br />
peut-être par la difficulté des communications que par les mul<br />
tiples mesures restrictives qu'imposaient la situation économique<br />
du pays ou les intérêts supérieurs de la défense nationale, mar<br />
qua encore une grande activité ; toutefois, la législation com<br />
merciale de l'Algérie, « se conformant, pendant toute la durée<br />
de la guerre, à celle de la métropole, aboutit à une mainmise de<br />
plus en plus complète de l'Etat sur tous les organes de la vie<br />
économique » ; le commerce cessa de progresser et diminua<br />
même en réalité. Mais la balance commerciale se renversa<br />
et l'Algérie devint, de ce seul chef, créancière de la Métropole<br />
pendant les années de la guerre. Si, pour éliminer l'influence de<br />
la hausse des prix et de l'inflation monétaire,<br />
on essaie d'appli<br />
quer aux marchandises importées et exportées les taux d'évalua<br />
tion arbitrés pour 1913, on voit que, pour la plupart des produits,<br />
la période de guerre marque une courbe descendante de 1913<br />
à 1918,<br />
suivie d'une courbe ascendante qui ne ramène les volumes<br />
de tonnages de 1913 qu'aux environs de 1922 et 1923 (1) ; mais,<br />
d'une façon permanente, de 1915 à 1919, les exportations l'em<br />
portent sur les importations.<br />
La guerre constitua un stimulant pour l'Algérie. « L'isolement<br />
forcé de l'Afrique du Nord pendant la guerre et l'élévation du<br />
prix des frets l'amenèrent à chercher dans son sol ou son sous-<br />
sol des ressources encore inexploitées ou à développer un certain<br />
nombre d'industries. » L'industrie de la minoterie et celle des<br />
pâtes alimentaires, notamment, prirent un remarquable essor ;<br />
rendue intéressante par la fermeture<br />
la fabrication de l'alcool,<br />
des marchés de production et par l'emploi des alcools dans la<br />
fabrication des explosifs,<br />
fut entreprise et poursuivie activement<br />
jusqu'à la fin de la guerre ; une usine frigorifique fut installée ;<br />
des fonderies travaillèrent pour la guerre. La construction et<br />
l'entretien du matériel agricole, les réparations des navires pri<br />
rent une certaine extension. La plupart des industries ainsi<br />
créées<br />
qui ne devaient guère survivre aux événements qui<br />
leur avait donné naissance<br />
besoins de crédit de l'Algérie (2) .<br />
— augmentaient temporairement les<br />
(1) Cf. Augustin Bernard : l'Afrique du Nord pendant la guerre, Publi<br />
cation de la Dotation Carnegie pour la paix internationale, page 60. Paris<br />
1927.<br />
(2) Cf. Augustin Bernard,<br />
op. cit. pages 48 et suivantes.
ROLE DE LA<br />
BANQUE DE<br />
L'ALGÉRIE<br />
PENDANT<br />
LA GUERRE.<br />
— — 228<br />
Quelle que fût l'étendue de ces besoins, ils furent en général<br />
satisfaits,<br />
malgré les difficultés éprouvées par les banques au<br />
même moment et, en particulier, malgré les obligations multiples<br />
et parfois contradictoires que les circonstances imposaient à la<br />
Banque de l'Algérie.<br />
*<br />
Dès les premiers mois de la guerre, en janvier 1915, M. Mo<br />
reau résumait ainsi ces obligations devant les actionnaires :<br />
« La Banque de l'Algérie remplit d'abord un rôle monétaire ;<br />
elle est également banque d'Etat ; elle prête enfin son assistance<br />
à l'agriculture, à l'industrie, au commerce de l'Algérie et de la<br />
Tunisie.<br />
« Le premier devoir de notre établissement est de fournir au<br />
pays des moyens d'échange suffisants et de conserver à ces<br />
moyens d'échange leur pouvoir d'acquisition. Or,<br />
grâce aux<br />
fabrications importantes que nous avons fait exécuter depuis<br />
le début de l'année 1912, la guerre nous a trouvés disposant<br />
d'une réserve considérable de billets, même en coupures de cinq<br />
francs, coupures dont cependant le législateur n'avait pas prévu<br />
l'emploi en Algérie, comme il l'avait fait pour la France et dont<br />
l'émission a été autorisée seulement par la loi du 4 août 1914...<br />
« Notre billet a gardé jusqu'ici sa pleine valeur et il est accepté<br />
et même recherché au pair dans les pays qui avoisinent l'Algé<br />
rie et la Tunisie, notamment au Maroc et dans la ville interna<br />
tionale de Tanger. Vous connaissez par le Journal Officiel la<br />
convention qui nous lie à l'Etat français. Sur la demande du<br />
gouvernement marocain et sur celle du Trésor métropolitain,<br />
nous avons également, à diverses reprises, fait au Maroc des<br />
expéditions importantes de billets de banque. Enfin, nous avons<br />
consenti au gouvernement tunisien une avance éventuelle de<br />
plusieurs millions garantie par un dépôt de titres. Nous<br />
continuerons à l'Etat le concours le plus complet et le plus désin<br />
téressé. Tout doit s'incliner devant la nécessité d'aider notre<br />
patrie à obtenir la victoire.<br />
« L'obligation dans laquelle nous nous trouvons de limiter<br />
notre circulation et de surveiller la composition de notre porte<br />
feuille pour éviter la dépréciation de nos billets, jointe à notre
jl* Unir j.p ,<br />
;-.■<br />
-'i.*^Êrsi«^1
- 229<br />
—<br />
devoir d'apporter à l'Etat la collaboration qui lui est nécessaire,<br />
ne nous permettent pas d'étendre nos relations avec le com<br />
merce, l'industrie et l'agriculture autant que les administrations<br />
locales le demandent parfois. Cependant, l'aide que nous avons<br />
fournie aux intérêts privés au cours de la présente crise est<br />
considérable. Il suffit pour la mesurer de comparer sur nos<br />
bilans, au 30 juin et au 31 décembre 1914, le montant de notre<br />
portefeuille.<br />
« En premier lieu, nous nous sommes efforcés de maintenir<br />
à nos opérations leur caractère habituel. C'est ainsi que, malgré<br />
la pénurie de personnel, nous avons repris, dès les premiers jours<br />
du mois de septembre, la présentation régulière des effets de<br />
notre portefeuille ; que nous avons réduit notre taux d'escompte<br />
à 5 %, taux, qui, comme l'a écrit si justement le Ministre des<br />
Finances, représente à peine le prix réel de l'argent en France ;<br />
que nous avons continué des relations normales d'escompte avec<br />
tous ceux qui ne s'abritaient pas derrière le moratorium pour<br />
ne pas régler leurs échéances. Comme par le passé, la Banque<br />
a accordé des crédits de campagne, modérés il est vrai,<br />
et seu<br />
lement aux maisons dont la solvabilité ne paraissait pas avoir<br />
été entamée par les événements actuels,<br />
l'alimentation de la colonie,<br />
pour permettre soit<br />
soit l'exportation des produits<br />
récoltés. Votre Conseil a même étendu les facultés d'escompte<br />
aux warrants de diverses marchandises non périssables, telles<br />
que les minerais et les éponges, régulièrement entreposées dans<br />
des magasins généraux, afin de ne pas priver la main-d'œuvre<br />
indigène d'un travail auquel elle était habituée. En outre, tous<br />
ceux de nos clients dont la situation était restée satisfaisante<br />
ont pu trouver à notre établissement le concours dont ils avaient<br />
besoin pour la levée et la préparation de leurs récoltes. Enfin,<br />
nous avons fourni, par voie de réescompte, aux établissements<br />
de crédit, grands et petits, les moyens soit de rembourser leurs<br />
dépôts, soit de donner à leurs clients un concours analogue à<br />
celui que nous accordions directement aux nôtres. »<br />
Au cours de la guerre,<br />
au milieu de la crise spéciale que<br />
créaient en Algérie les difficultés de transport sur mer et sur<br />
terre, entravant non seulement les opérations commerciales mais<br />
le ravitaillement même de la colonie, la Banque seconda grande-<br />
15
— — 230<br />
ment le pays dans l'œuvre vitale de la défense nationale : elle<br />
s'y engagea avec toutes ses forces, toute son activité. En dehors<br />
des avances qu'elle consentit à l'Etat, le concours qu'elle donna<br />
à l'Algérie prit les formes les plus variées : avances aux monts-<br />
de-piété, aux chambres de commerce pour achat de blé, aux che<br />
mins de fer algériens de l'Etat pour achat de charbon, à l'Union<br />
des viticulteurs algériens, prêts ou escompte de bons de la<br />
Colonie au gouvernement général pour acheter des cargos et du<br />
sucre, et pour assurer le fonctionnement de la Caisse des céréales<br />
créée par décret du 12 novembre 1917, mesures diverses<br />
prises pour favoriser la souscription des nombreux emprunts de<br />
la Défense nationale (1).<br />
Les résultats de sa contribution à la Défense nationale se<br />
traduisirent à la veille de la victoire, dans son bilan du 31 octo<br />
bre 1918,<br />
par une réduction des opérations normales provenant<br />
du ralentissement de l'activité économique du pays et par un<br />
développement exagéré et parallèle de la circulation et des avan<br />
ces à l'Etat, à l'Algérie, à la Tunisie. La circulation tendait vers<br />
le milliard, les avances à l'Etat approchaient de 400 millions (2) ,<br />
tandis que l'Algérie et la Tunisie faisaient prévoir de nouveaux<br />
besoins auxquels la Banque devait satisfaire.<br />
« Cette inflation, disait le Directeur général, bouleverse la vie<br />
économique de l'Afrique du Nord,<br />
elle agit sur les prix et trou<br />
ble les échanges. Notre plus pressant devoir sera de comprimer<br />
notre circulation fiduciaire et de faire revivre le crédit com<br />
mercial...<br />
« Pendant toute la durée de la guerre, la balance commerciale<br />
a été favorable à l'Afrique du Nord. La paix trouve donc le<br />
pays largement créancier à l'extérieur. Ces créances forment la<br />
contrepartie d'une portion importante des billets de banque<br />
émis.<br />
« La défiance résultant de la pratique du moratorium, la<br />
surabondance des moyens monétaires et surtout la mainmise<br />
(1) Voir à ce sujet Douël,<br />
op. cit.<br />
(2) Quatre avances de cent millions chacune avaient été autorisées ;<br />
convention du 23 novembre 1911 sanctionnée par la loi du 5 août 1914.<br />
Conventions du 6 septembre 1915 (loi du 30 novembre 1915), du 3 juin 1918<br />
(loi du 24 juillet 1918), du 23 septembre 1918 (loi du 8 octobre 1918).
— 231 —<br />
progressive de l'Etat sur la plupart des échanges, ont bouleversé<br />
complètement l'ancien régime économique. Nos efforts tendront<br />
à restaurer ce régime avec toute sa souplesse et son ancienne<br />
prospérité. Dès que les mesures restrictives prises par le gou<br />
vernement sous la pression des nécessités de la guerre seront<br />
atténuées ou rapportées, les grands établissements de crédit,<br />
les banques locales, dont la connaissance exacte des hommes et<br />
des choses du pays est si utile au bien général, les commerçants<br />
gros ou petits, les agriculteurs et les industriels trouveront à<br />
nos guichets le concours moral et financier dont ils auront<br />
besoin pour développer leurs affaires. »<br />
Il faut rendre à l'Algérie et à sa banque d'émission cette jus<br />
tice qu'elles n'accomplirent aucun acte entraînant de leur part<br />
une inflation monétaire ou, que du moins, si la Banque dut tout<br />
naturellement donner à la défense nationale un puissant concours<br />
sous forme d'avances consenties à l'Etat, ces avances furent<br />
promptement remboursées et n'ajoutèrent aucune difficulté<br />
d'ordre monétaire à celles dont souffrait la France. Si la circu<br />
lation des billets s'accrut, ce fut principalement sous l'influence<br />
de la hausse des prix,<br />
monnaie nationale.<br />
manifestation de la dépréciation de la<br />
*<br />
* *<br />
Le privilège de la Banque fut renouvelé au lendemain de la<br />
cessation des hostilités, par la loi du 29 décembre 1918, pour<br />
une période de vingt-cinq ans qui doit finir le 31 décembre 1945.<br />
Une convention signée le 13 décembre 1917 fixa les conditions<br />
de ce renouvellement. Elle avait été étudiée entre l'Etat et la<br />
Banque, pendant la guerre, comme il avait été fait pour la Ban<br />
que de France (1). En dehors de dispositions spéciales repro<br />
duisant celles qui se trouvent dans la convention similaire du<br />
26 octobre 1917 entre l'Etat et la Banque de France (liquidation<br />
du portefeuille moratorié, amortissement de la dette de l'Etat,<br />
divers services de trésorerie à rendre à l'Etat) trois articles<br />
sont à signaler : l'article premier qui impose à la Banque la<br />
création d'un certain nombre de succursales et bureaux ; l'ar-<br />
(1) Voir à ce sujet Douël,<br />
op. cit.<br />
RENOUVEL<br />
LEMENT DU<br />
PRIVILÈGE<br />
DE LA<br />
BANQUE.
LE COMMER<br />
CE ET LES<br />
BANQUES<br />
APRÈS 1918.<br />
— — 232<br />
ticle 2 qui modifie le calcul de la redevance en établissant un tarif<br />
progressif ; l'article 5 qui porte à 18 millions le montant des<br />
avances permanentes et sans intérêt à l'Etat. Une convention<br />
additionnelle du 4 octobre 1918 introduisit dans les rapports<br />
de l'Etat avec la Banque de l'Algérie un principe nouveau qui<br />
devait être également appliqué à la Banque de France : celui<br />
d'une participation de l'Etat au dividende distribué au-dessus<br />
d'un certain montant (1).<br />
A côté des conditions fixées par la convention, la Banque en<br />
accepta d'autres qui furent consignées dans des actes annexes :<br />
engagement d'apporter son concours financier et moral à la<br />
création d'une banque industrielle de l'Afrique du Nord (lettres<br />
du Directeur général au Ministre des Finances des 11 décem<br />
bre 1917 et 14 octobre 1918) ; engagement de réserver aux<br />
demandes de renouvellement d'effets relatifs à des crédits d'ex<br />
portation ou à des crédits de campagne toutes les facilités<br />
compatibles avec les règles de prudence qui s'imposent à un<br />
institut d'émission (lettre du 11 décembre 1917) ; versement à<br />
l'Etat d'une somme représentant le montant des billets non<br />
encore remboursés des anciens types à impression noire émis<br />
avant le 3 avril 1880 (2) (convention du 4 mars 1918).<br />
Enfin, les statuts furent modifiés sur deux points : la Banque<br />
fut autorisée à faire pour sa clientèle toutes opérations de bourse<br />
par les intermédiaires officiels habituels ;<br />
et il fut prévu que<br />
les membres du Conseil et les censeurs des succursales pourraient<br />
comprendre —<br />
en<br />
protégés français.<br />
plus des citoyens français —<br />
des<br />
sujets ou<br />
Des accords analogues furent conclus avec la Tunisie (décret<br />
tunisien du 30 décembre 1918, convention du même jour, lettre<br />
du Directeur Général au Ministre des Finances du 28 janvier<br />
1919).<br />
*<br />
* *<br />
Après la guerre, le rôle des banques allait devenir, pendant<br />
quelque temps, plus difficile à bien remplir. Le commerce se<br />
trouvait dans une situation spéciale. Des circonstances et des<br />
(1) Voir chapitre X.<br />
(2) Le montant de ces versements s'est élevé à 307.485 francs.
— — 233<br />
mesures exceptionnelles avaient créé ou élargi temporairement<br />
certains débouchés ; la dépréciation progressive de la monnaie<br />
française faisait profiter la vente de nombreux produits d'une<br />
échelle de prix qui ne s'appliquait pas avec le même coefficient<br />
de hausse à la production elle-même ; certaines industries et<br />
certains commerces bénéficiaient ainsi d'une activité factice qui<br />
donnait à quelques esprits aveugles l'illusion d'un enrichissement<br />
général et d'un développement réel de la prospérité du pays.<br />
Perdant le sens de la mesure, entraînés par la réalisation de<br />
gains élevés à rechercher des gains plus élevés encore, d'aucuns,<br />
confondant la spéculation pure avec le commerce, se livrèrent<br />
alors à des opérations qui devaient fatalement les conduire aux<br />
plus cruelles épreuves. Cette fois encore des imprudents, en trop<br />
grand nombre, ne se préoccupèrent pas de l'éventualité de crises<br />
générales ou locales. Le lendemain de la guerre était pourtant<br />
plein de menaces et il était manifeste que le monde ne pouvait<br />
retrouver sans secousse un nouvel équilibre économique et une<br />
nouvelle sécurité monétaire internationale. Ces imprudents ne<br />
furent malheureusement pas seuls à souffrir d'une situation que<br />
leurs propres fautes avaient aggravée. De mauvaises récoltes<br />
survinrent, la mévente des vins et le déficit des céréales créèrent,<br />
à côté de la crise générale, une crise purement algérienne dont<br />
les effets se firent sentir dans toutes les branches du commerce<br />
de la colonie. Les importations,<br />
qui avaient diminué de 1914<br />
à 1919, au point que les exportations leur avaient été supérieures,<br />
l'emportèrent de nouveau sur celles-ci. La situation fut à cet<br />
égard retournée. M. Augustin Bernard a fort exactement résumé<br />
ces événements en ces termes : « En 1920, éclate une crise éco<br />
nomique des plus graves ;<br />
elle a des causes mondiales et des<br />
causes locales. L'instabilité des prix, le désordre monétaire, la<br />
rupture d'équilibre des changes, la hausse formidable des salaires<br />
et des denrées, la fermeture d'importants marchés sont des phé<br />
nomènes qui éprouvent le commerce dans le monde entier. La<br />
consommation se restreint, le crédit bancaire se resserre, les<br />
charges des impôts deviennent écrasantes. A ces causes générales<br />
viennent se joindre des récoltes très déficitaires. La détresse<br />
des indigènes est grande ; malgré toutes les mesures prises pour<br />
l'atténuer, la famine et le typhus sévissent. Le malaise persiste
— 234 —<br />
dans les années suivantes, bien qu'atténué, et les répercussions<br />
de la crise se font sentir dans toutes les branches de l'activité<br />
commerciale. Les années 1920-1924 forment la plus mauvaise<br />
série agricole que l'Afrique du Nord ait enregistrée depuis<br />
cinquante ans. » (1).<br />
De quel appui le crédit pouvait-il être, en ces circonstances,<br />
pour rétablir une situation si compromise et quel devait être<br />
le rôle des banques ? Dans YExposé annuel de la situation géné<br />
rale de l'Algérie, en 1920, le Gouverneur général s'exprime ainsi<br />
à ce sujet : « Au point de vue commercial,<br />
un remède efficace<br />
consisterait, de l'avis unanime des groupements intéressés, en<br />
l'organisation du crédit sur des bases appropriées à la situation<br />
actuelle. L'une des principales causes de la crise est que beau<br />
coup de commerçants ayant constitué à hauts prix des appro<br />
visionnements ne peuvent plus les écouler. Il faudrait donc leur<br />
donner le crédit nécessaire pour pouvoir supporter la perte qu'en<br />
traînera cette liquidation. Mais ce crédit doit être accordé avec<br />
circonspection après examen sérieux de chaque situation, car<br />
il ne doit pas être gaspillé au profit de ceux qui ont fait pendant<br />
la guerre des bénéfices considérables et qui se refusent aujour<br />
d'hui à les entamer pour faire face aux difficultés présentes.<br />
Certains d'entre eux ont tendance, après avoir réalisé et mis<br />
à l'abri de l'impôt et de leurs créanciers l'avoir obtenu à la faveur<br />
d'une calamité publique, à déposer purement et simplement leur<br />
bilan,<br />
pour demander un concordat. Les tribunaux ne doivent<br />
pas se prêter à cette manœuvre malhonnête et doivent frapper<br />
impitoyablement tous ceux qui s'en rendent coupables. Quant<br />
aux autres maisons, celles qui sont véritablement victimes des<br />
circonstances, il faudrait, après enquête sérieuse sur leur situa<br />
tion, leur ouvrir le crédit qui leur est nécessaire. » (2) .<br />
(1) Augustin Bernard. Op. cit. p. 62.<br />
(2) La loi du 2 juillet 1919 avait institué, sous le nom de Règlement<br />
transactionnel et à titre provisoire, une procédure exceptionnelle en fa<br />
veur des commerçants ne pouvant faire face à leurs engagements pour<br />
cause générale de guerre : pas de publicité ; la procédure de vérification<br />
et d'affirmation des créances était supprimée ; le concordat facilité. La<br />
loi du 2 juillet fut déclarée applicable à l'Algérie par le décret du 12<br />
février 1921. Ayant soulevé d'importantes protestations, elle fut modifiée<br />
par la loi du 28 avril 1922 qui réduisit les avantages accordés au débi<br />
teur. Cette nouvelle loi fut étendue à l'Algérie par décret du 27 juillet<br />
de la même année.
— — 235<br />
Les banques pensaient assurément sur cette question de la<br />
même façon que le Gouverneur général, mais, en pareille matière,<br />
ce n'est pas, le plus souvent,<br />
sur l'affirmation des principes que<br />
se manifestent des divergences, mais sur leur application. Les<br />
banques avaient à faire entre leurs clients une discrimination<br />
assez difficile et il était assez aisé de les critiquer lorsqu'elles<br />
se jugeaient dans l'obligation de restreindre certains crédits et<br />
de laisser se produire certaines liquidations. On ne manqua pas<br />
de leur reprocher d'être trop restrictives pendant la crise, après<br />
avoir été trop larges pendant la période de fièvre, de se refuser,<br />
après avoir favorisé indirectement par l'excès du crédit les<br />
entreprises téméraires, à utiliser de nouveau le crédit pour atté<br />
nuer le mal. Elles répondirent que les agriculteurs, commerçants<br />
et industriels qui se plaignaient de restrictions auraient refusé<br />
eux-mêmes tout crédit à leurs acheteurs ; ce qu'ils demandaient<br />
aux banques c'étaient donc des crédits directs qu'ils auraient<br />
souvent tendance à transformer en véritable commandite ; enfin,<br />
de nombreux crédits de campagne n'étant pas remboursés à<br />
l'échéance, il était très difficile aux banques de consentir des<br />
crédits aux débiteurs qui déclaraient ne pouvoir tenir leurs<br />
engagements anciens. Le Gouverneur général concluait ainsi :<br />
« Sur la question particulière du crédit, il semblerait donc<br />
qu'en général les banques ont prêté un concours financier très<br />
important, dans la mesure compatible, toutefois, avec la nécessité<br />
de limiter les avances de crédit à leurs forces réelles et d'éliminer<br />
de leur portefeuille tous les titres douteux. Quant aux avances<br />
sur titres, les divers établissements financiers de la colonie les<br />
ont consenties très largement pour engager de nombreux capi<br />
talistes algériens à souscrire aux emprunts... »<br />
En 1024, de nouvelles critiques furent adressées aux banques<br />
et trouvèrent leur écho dans YExposé du Gouvernement général<br />
sous cette forme : « Dans la colonie, comme dans la métropole, le<br />
développement de la production et du commerce a provoqué des<br />
besoins de numéraire d'autant plus impérieux que le niveau des<br />
prix intérieurs s'est élevé parallèlement sous l'influence de la<br />
tension des changes. Pour satisfaire les demandes, surtout celles<br />
des agriculteurs, les banques n'ont pas toujours apporté l'em<br />
pressement désirable,<br />
alors qu'il fallait seconder les initiatives
— — 236<br />
intelligentes et les efforts indispensables pour triompher de<br />
la résistance d'une terre exigeante et d'un climat capricieux... La<br />
Banque de l'Algérie élevait le taux de son escompte... jusqu'à<br />
7 1/2 %. Les autres sociétés de crédit majoraient ces relève<br />
ments de 1 et souvent de 2 %... Enfin, les banques ont pris<br />
des mesures nettement restrictives à l'égard des crédits de<br />
campagne, comme à l'égard des crédits commerciaux. La Banque<br />
de l'Algérie peut être considérée comme le régulateur en ce<br />
pays du crédit agricole,<br />
commercial et industriel. Son exemple<br />
est toujours suivi par les autres établissements financiers de<br />
la colonie. U faut d'ailleurs reconnaître qu'elle s'est fait une<br />
règle de n'émettre aucun billet dont la sortie ne soit réellement<br />
motivée par une opération d'ordre strictement économique. Ainsi<br />
a-t-elle pu conserver à son papier une valeur solide, renforcée<br />
encore par la récupération intégrale des avances consenties au<br />
budget algérien... »<br />
En fait, aux heures de crise, le devoir des banques est sin<br />
gulièrement ingrat. Il semble que toutes les erreurs commises<br />
pendant la période de prospérité constituent,<br />
pour ceux qui en<br />
sont responsables, comme un droit certain à l'assistance ban<br />
caire. II est nécessaire que les banques sachent alors distinguer,<br />
parmi les industries et les commerces qui souffrent, ceux qui<br />
conservent des éléments de vitalité suffisants pour profiter utile<br />
ment du concours que peut leur apporter le crédit ;<br />
si dure que<br />
soit souvent la nécessité de refuser aux autres une assistance<br />
qui ne ferait que prolonger et parfois qu'aggraver une situation<br />
irrémédiablement perdue, le devoir des banques n'en est pas<br />
moins, certain, mais il est très pénible à accomplir et, dans bien<br />
des cas, difficile à dégager. Le temps seul souvent permet de<br />
juger si elles l'ont bien discerné ; et, à cet égard, l'épreuve a été<br />
favorable, quoi qu'on en puisse dire, aux banques algériennes.<br />
Au surplus, l'Algérie était, à plus d'un point de vue, en<br />
meilleure situation que beaucoup d'autres pays pour résister à<br />
la crise générale qui sévit après 1920. Elle n'avait pas de dettes<br />
importantes à régler à l'étranger : elle était assurément inté<br />
ressée —<br />
mais<br />
par le seul fait de sa solidarité économique,<br />
aux difficultés que le<br />
financière et monétaire avec la France —<br />
déséquilibre des changes créait à la métropole pour ses règle-
ments extérieurs ;<br />
difficultés.<br />
— — 237<br />
elle n'avait guère pour elle-même de telles<br />
Bien au contraire, le renversement de la balance commerciale<br />
qui s'était produit pendant la guerre lui avait permis de se créer<br />
un avoir en France,<br />
qui avait été en partie investi dans des<br />
placements de titres achetés ou souscrits dans la métropole ou<br />
à l'étranger ; les banques disposaient de fonds en France pro<br />
venant de l'excédent du recouvrement des créances algériennes<br />
sur les paiements effectués pour le compte de la colonie, et la<br />
Banque de l'Algérie, notamment, avait pour cette raison d'im<br />
portantes disponibilités à Paris.<br />
Bien des colons agriculteurs ou commerçants, comme bien des<br />
propriétaires et négociants indigènes et quelques émigrés kabyles<br />
s'étaient individuellement enrichis (1). Ils pouvaient plus aisé<br />
ment qu'autrefois supporter les à-coups de la production, mieux<br />
résister également aux conséquences des crises générales.<br />
L'Algérie était donc prête,<br />
malgré les difficultés de l'après-<br />
guerre, à poursuivre, dans la sécurité, l'œuvre de développement<br />
entreprise depuis 1830 et que les événements avaient menacée<br />
et ralentie mais non interrompue.<br />
*<br />
* *<br />
Les questions économiques, commerciales ou bancaires qui se<br />
présentèrent entre 1918 et 1927 furent peu à peu dominées,<br />
sans que beaucoup de bons esprits s'en fussent, dès le début,<br />
bien rendu compte, par le problème de la monnaie française,<br />
qui se dépréciait de plus en plus sous des influences diverses :<br />
inflation de la circulation fiduciaire qui avait eu à supporter la<br />
plus grande partie du financement des dépenses de la guerre et<br />
qui avait pour contre partie une dette considérable de l'Etat vis<br />
à vis de la Banque de France ;<br />
règlement d'une balance défici-<br />
(1) Les travailleurs arabes, et particulièrement les Kabyles recrutés<br />
pendant la guerre par le Gouvernement économisaient des sommes impor<br />
tantes sur leurs salaires et expédiaient des économies en Algérie. On éva<br />
lue le montant de ces économies aux deux tiers des salaires touchés par<br />
les Kabyles, on cite, à titre d'exemple, la commune de Fort-National, dont<br />
le bureau de poste a payé aux indigènes les sommes suivantes provenant<br />
de France : en 1918, 3.702.207 francs ; en 1919, 4.236.308 francs ; pen<br />
dant le premier semestre 1920, 3.620.989 francs.<br />
DÉPRÉC1A-<br />
T10N DE LA<br />
MONNAIE<br />
FRANÇAISE.
- 238<br />
—<br />
taire ; inquiétude des esprits qui, après avoir pensé que la vic<br />
toire assurerait la juste réparation des dommages, s'apercevaient<br />
que la France supporterait en définitive des charges extrême<br />
ment lourdes et prenaient peur devant la perspective d'un far<br />
deau peut-être excessif pour les forces du pays ; chiffre très<br />
élevé d'une dette flottante dont on redoutait les échéances et<br />
qu'on rendait plus inquiétante par cette inquiétude même ;<br />
crainte du capital toujours prêt à escompter les pires mesures,<br />
toujours sensible aux menaces et s'efforçant d'échapper à<br />
l'étreinte d'une fiscalité qu'il jugeait trop exigeante ; opinion<br />
défavorable des pays étrangers sous-estimant les ressources du<br />
nôtre ; spéculations éhontées sur la monnaie française, savam<br />
ment mises à profit par certains ennemis de la France qui entraî<br />
naient dans leur jeu la foule aveugle du monde entier.<br />
L'Algérie subit le contre-coup d'un tel mouvement, dans lequel<br />
du moins elle n'eut pas de responsabilité. Le billet de la Banque<br />
de l'Algérie ne renfermait, nous l'avons vu,<br />
aucune cause de<br />
faiblesse qui lui fût propre : le gouvernement n'avait pas abusé<br />
vis-à-vis d'elle, ni pendant ni depuis la guerre, d'émissions de<br />
mandées pour couvrir des avances excessives. Les 360.960.000 fr.<br />
qu'elle lui avait prêtés étaient remboursés dès le 19 avril 1920.<br />
Il n'existait pas de dette flottante spéciale à l'Algérie. Celle-ci<br />
avait répondu plus largement même aux appels adressés par<br />
le gouvernement pour des souscriptions à des emprunts à long<br />
terme qu'aux offres de bons de la Défense nationale, dont l'émis<br />
sion fut d'ailleurs suspendue dans la colonie parce qu'ils ne<br />
présentaient presqu'aucun intérêt pour le Trésor en raison de<br />
l'impossibilité où il se trouvait de faire passer les fonds dans<br />
la métropole. La population algérienne n'en devait pas moins<br />
supporter, comme toute la population française, les conséquences<br />
générales des charges que la guerre avait imposées au pays. En<br />
particulier, la dépréciation monétaire atteignait durement les<br />
acheteurs de matières premières et les consommateurs. Pendant<br />
qu'elle s'accentuait, elle avait, par contre, favorisé certains<br />
exportateurs : d'une façon générale elle avait apporté le trouble<br />
dans les transactions internationales de l'Algérie. La hausse des<br />
prix qui n'était, en réalité, que l'adaptation de la valeur nominale<br />
des choses à leur valeur réelle, compte tenu de la dépréciation<br />
monétaire, menaçait l'équilibre des budgets individuels comme
- 239<br />
—<br />
ceux de toutes les entreprises aussi bien dans la colonie que<br />
dans la métropole. Cette situation ne pouvait se perpétuer sans<br />
les plus grands dommages pour le pays et,<br />
comme elle reposait<br />
en réalité sur une dépréciation exagérée de la monnaie française,<br />
que les divers éléments psychologiques qui étaient intervenus<br />
pour provoquer cette dépréciation pouvaient exercer à un mo<br />
ment donné leur influence en sens contraire, il en résultait un<br />
état d'instabilité et d'insécurité auquel le premier devoir du gou<br />
vernement était de mettre un terme,<br />
même au prix de grands<br />
sacrifices. Dès que l'opinion du monde parut mieux éclairée sur<br />
la réelle position financière de la France et que la confiance<br />
générale put être ramenée dans le pays lui-même par un ensem<br />
ble de mesures appropriées, les capitaux nationaux qui avaient<br />
fui la France, comme les capitaux étrangers qui avaient retiré<br />
leur concours, s'investirent de nouveau dans les devises et dans<br />
les affaires françaises, le change s'améliora très rapidement et,<br />
dans le courant du deuxième semestre 1926, la Banque de France<br />
disposa de ressources suffisantes pour maintenir sur le marché<br />
international le cours de la devise française à un certain niveau<br />
de stabilité qui consacra toutefois une grande partie de la dépré<br />
ciation de cette devise (1). La sorte de prime à l'exportation que<br />
constituait l'accroissement continu de cette dépréciation cessa<br />
de favoriser certaines industries. Il en résulta de nouvelles<br />
difficultés pour les exportateurs algériens, comme pour les expor<br />
tateurs métropolitains. C'était la rançon nécessaire du retour du<br />
pays à une situation monétaire normale ;<br />
mais la mesure de<br />
stabilisation que les circonstances avaient imposée à la France<br />
laissa diminué le pouvoir d'achat de tous ceux dont les revenus<br />
demeuraient payés en francs sur les bases antérieures à la<br />
guerre, et la capacité d'achat du marché intérieur s'en est trou<br />
vée profondément atteinte.<br />
Quelques personnes ont pu croire un moment qu'il eût été<br />
préférable pour l'Algérie de désolidariser sa monnaie de la mon<br />
naie métropolitaine. Elles ont estimé que le franc algérien avait<br />
conservé son principe vital que n'avait pas vicié, comme re billet<br />
français, une dette de l'Etat encore impayée à cette date (2).<br />
'1) Voir chapitre VTII.<br />
(2) Cf. St. Germes. La Banque de l'Algérie et le crédit pendant et<br />
après la guerre, Alger, 1925.
LES DE VOIRS<br />
DELA BANQUE<br />
DE L'ALGERIE<br />
EN FACE DE LA<br />
DEPRECIA IION<br />
DE LA MONNAIE<br />
ET LES BESOINS<br />
DE CREDIT DE<br />
L'AGRICULTURE.<br />
— — 240<br />
Nous pensons que cette idée, née au moment où se déroulaient<br />
dans la métropole les phases les plus inquiétantes du drame<br />
monétaire, n'est plus soutenue aujourd'hui avec la même convic<br />
tion. L'Algérie a tiré trop d'avantages de son union monétaire<br />
relative avec la France pour ne pas mesurer ce qu'a gagné son<br />
commerce à la suppression du change franco-algérien ;<br />
elle a<br />
trop le sentiment national pour ne pas se rendre compte qu'une<br />
monnaie indépendante ne l'aurait pas mise à l'abri des réper<br />
cussions d'une guerre qui a imposé à tout le pays les plus lourds<br />
sacrifices et qui menaçait l'existence de la colonie autant que<br />
celle de la métropole. Il eût fallu,<br />
même avec une monnaie<br />
indépendante, qu'elle supportât sa part du fardeau commun.<br />
Elle n'aurait pu le faire qu'en s'imposant les plus lourds impôts<br />
ou en chargeant sa propre circulation fiduciaire,<br />
si elle avait<br />
pu y contraindre la Banque. Dans les deux cas, le résultat eût<br />
été le même que celui devant lequel elle s'est trouvée placée.<br />
Chacun comprend à l'heure présente que la guerre, qui est des<br />
tructrice non seulement de vies humaines mais aussi de riches<br />
ses, appauvrit les pays qui la subissent, et qu'après ces cruelles<br />
épreuves ce qui importe le plus à l'ensemble d'une nation c'est<br />
de maintenir autant que possible les prix intérieurs et la capacité<br />
de paiement des habitants. Ces prix intérieurs et cette capacité<br />
de paiement auraient-ils été maintenus en Algérie au niveau<br />
d'avant-guerre si la colonie s'était assuré une entière autonomie<br />
monétaire et si elle avait établi entre elle et la métropole la<br />
barrière du change ? Dans quel pays éprouvé par la guerre<br />
peut-on dire qu'il en est ainsi à l'heure actuelle ?<br />
L'Algérie retrouve aujourd'hui, grâce à la solidarité entre le<br />
franc français et le franc algérien, les sécurités de négociations<br />
et de règlement qui ont si largement contribué à sa prospérité.<br />
En présence de cette question si angoissante de la dépréciation<br />
monétaire, la Banque de l'Algérie n'avait plus, au cours des<br />
années qui suivirent la guerre, une pleine liberté d'action. Elle<br />
était obligée de se préoccuper avant tout, dans un pareil péril<br />
national, de maintenir aussi sains que possible les divers élé<br />
ments de la couverture de ses billets.
— — 241<br />
La colonie, de son côté, avait toujours besoin du concours de<br />
la Banque, et l'agriculture, appelée au lendemain de la guerre à<br />
prendre un nouvel essor,<br />
souhaitait obtenir enfin un régime<br />
définitif lui assurant le crédit qui lui est nécessaire.<br />
Le réseau prévu par la loi qui avait organisé le crédit mutuel<br />
agricole s'était bien étendu. On comptait après la guerre, en 1919,<br />
43 caisses régionales et 296 caisses locales. Toutefois ces caisses<br />
n'étaient pas encore,<br />
en raison de l'insuffisance de leurs res<br />
sources, en situation de rendre aux agriculteurs tous les services<br />
que l'on pouvait en attendre.<br />
Elles n'étaient qu'au début de leur fonctionnement ; et dans<br />
leur constitution, dans la conception que certains de leurs fon<br />
dateurs se faisaient de leur rôle, dans leur gestion même, des<br />
erreurs purent être commises, comme il arrive aux premiers<br />
âges des institutions qui n'ont pas pour se guider l'expérience<br />
du passé. Il semble bien que le crédit n'échappe pas à cette loi<br />
fatale qui ne donne de véritable valeur aux yeux des hommes<br />
qu'à l'expérience personnelle. Il faut que, peu à peu, certaines<br />
initiatives exagérées se disciplinent,<br />
que des méthodes rigou<br />
reuses, des règles d'ordre absolu s'établissent. Ce doit être là<br />
l'œuvre du temps : elle s'accomplissait peu à peu. Mais, en<br />
attendant que cette mise au point fût réalisée, les caisses ne<br />
disposaient que de ressources insuffisantes ; la mutualité ne<br />
pouvait pas leur en assurer de positives et elles fonctionnaient<br />
surtout grâce aux avances que leur consentait l'Etat et qu'elles<br />
étaient chargées de répartir. Il leur fallut trouver des concours<br />
extérieurs, soit dans des dépôts,<br />
soit dans le réescompte des<br />
effets de leurs adhérents. Leur gestion n'inspirait pas encore<br />
assez de confiance aux banques et à la Banque de l'Algérie en<br />
particulier, pour qu'elles fussent assurées, dès la première heure,<br />
de trouver de ce côté toute l'aide qu'elles eussent souhaitée.<br />
C'est ainsi que pendant la période du début, que la guerre<br />
prolongea naturellement, la Banque de l'Algérie estima devoir<br />
observer vis-à-vis d'elles une attitude d'expectative ;<br />
elle ju<br />
geait sage de n'entrer en relations avec elles qu'après un temps<br />
d'épreuve permettant d'apprécier leur façon de travailler, leur<br />
prudence, leurs ressources (1).<br />
(1) Les escomptes du papier des Caisses avaient été jusqu'alors très<br />
limités et n'avaient pas nécessité l'adoption de règles générales. Pour la
— — 242<br />
Les besoins de crédit des caisses régionales n'étaient pas tou<br />
jours proportionnés à la qualité des effets qui entraient dans<br />
leur portefeuille ou à celle des garanties qu'elles pouvaient elles-<br />
mêmes offrir. Les banques qui escomptaient leurs effets et<br />
la Banque de l'Algérie, appelée à les réescompter, devaient donc<br />
soumettre à un examen sérieux le papier qui leur était présenté.<br />
Elles y apportaient d'ailleurs une grande bienveillance et sans<br />
doute, peu à peu, le régime d'escompte du papier des caisses<br />
mutuelles agricoles aurait-il pu s'établir dans des conditions<br />
satisfaisantes, si des circonstances d'ordre général n'avaient pas<br />
créé à la Banque de l'Algérie des difficultés particulières et ne<br />
lui avaient pas imposé alors des devoirs impérieux.<br />
La crise qui menaçait si gravement à cette époque la monnaie<br />
française, dont la dépréciation s'accentuait, avait sur la colonie<br />
une très sérieuse et très préoccupante réaction. La Banque<br />
devait élever le taux de l'escompte à 7,50 % et prendre des mesu<br />
res restrictives.<br />
Précisément, parce que la crise monétaire se précipitait, la<br />
Banque ne pouvait oublier que, parmi les missions qui lui étaient<br />
confiées par la loi, il en existait une qui devait prendre le pas<br />
sur les autres,<br />
c'était celle qui la constituait gardienne de la<br />
s*aine circulation monétaire. Elle devait donc veiller avant tout<br />
à la liquidité de son portefeuille,<br />
porter tout son soin à ne pas<br />
ajouter aux causes générales qui, en dehors d'elle,<br />
sans qu'elle<br />
pût personnellement s'opposer à leur action, venaient altérer<br />
la valeur de son billet, d'autres causes propres à sa gestion per<br />
sonnelle susceptibles de vicier sa circulation. Il était donc de son<br />
devoir de se montrer sévère, au moment même où cette sévérité<br />
pesait le plus durement sur la colonie.<br />
première fois en 1922, la Banque prit une décision de principe et soumit<br />
l'admission du papier des Caisses agricoles à l'escompte à une double<br />
condition : les engagements de chaque caisse ne devaient pas dépasser<br />
une fois et demie son capital et le papier devait être présenté sous l'endos<br />
d'une banque. Pour éviter que cette troisième signature vînt grever l'agri<br />
culture d'une charge spéciale, la Banque de l'Algérie réduisait dans ce<br />
cas le taux officiel de l'escompte de 1,50 %. Pour le surplus, la Banque<br />
appliquait aux effets de cette nature les règles suivies en matière de cré<br />
dit de campagne : les effets qui devaient être à échéance maxima de 100<br />
jours, pouvaient être l'objet de deux renouvellements d'égale durée. La<br />
disposition qui proportionnait la fiche d'escompte de chaque caisse, par<br />
l'intermédiaire des banques, à un montant égal à une fois et demie celui<br />
du capital de la Caisse parut constituer une limitation trop rigide, et les<br />
caisses obtinrent qu'elle fût supprimée.
— — 243<br />
Ce devoir n'apparut pas nettement aux yeux de tous. Pour<br />
mieux entraîner la Banque vers une politique plus libérale à<br />
l'égard du papier agricole, les caisses régionales se fédérèrent.<br />
En mai 1925, les chambres d'agriculture demandèrent l'escompte<br />
direct du papier agricole à la Banque de l'Algérie et, subsidiai-<br />
rement, la création d'une banque agricole. La Fédération des<br />
caisses régionales adopta le principe de cette création, mais<br />
en demandant que,<br />
par un accord avec la Banque de l'Algérie,<br />
cette banque agricole fût assurée de réescompter le papier agri<br />
cole de campagne en quantités proportionnelles aux besoins de<br />
l'agriculture et à des conditions de taux plus favorables que les<br />
conditions alors en vigueur. Les Délégations financières don<br />
nèrent leur adhésion à ce projet.<br />
La Banque de l'Algérie se rallia au principe de la création<br />
d'une banque spéciale agricole, mais elle estima que cette ban<br />
que devait être dotée de ressources suffisantes pour qu'elle se<br />
chargeât seule du réescompte du papier des caisses agricoles. A<br />
cet effet, elle se déclara prête à participer,<br />
sous une forme à<br />
déterminer, à la constitution de son capital et suggéra qu'on<br />
lui assurât des ressources supplémentaires au besoin par l'émis<br />
sion d'obligations. Elle envisageait d'ailleurs de compléter l'orga<br />
nisation du crédit agricole par une caisse de crédit immobilier,<br />
analogue à celle qui existe au Maroc depuis 1923.<br />
Le projet ainsi préparé fut étudié par les colons,<br />
par le Gou<br />
vernement général et par les Délégations financières, amendé<br />
et transformé de manière à prendre place plus exactement dans<br />
les cadres de l'organisation existante du crédit agricole. La Ban<br />
que fut autorisée par la loi du 31 décembre 1925 à prêter à<br />
TAlgérie 20 millions au taux réduit de 2 %<br />
pour l'organisation<br />
du crédit agricole dans la colonie. L'on put un moment penser<br />
que le projet serait sanctionné par la loi et que c'est sous cette<br />
forme que se résoudrait, au moins pour le moment, la très<br />
ancienne et très délicate question à laquelle les circonstances<br />
critiques que traversait le pays donnaient alors un caractère<br />
particulièrement aigu.<br />
Divers incidents firent prendre aux événements une autre<br />
tournure et, parmi eux, il convient de noter la nécessité dans<br />
laquelle se trouvèrent alors les pouvoirs publics, principalement
- 244<br />
-<br />
en raison de la dépréciation monétaire, d'élever la limite fixée<br />
aux émissions de la banque. Les adversaires d'une banque<br />
spéciale réclamèrent que cette élévation fût subordonnée à<br />
l'admission à l'escompte du papier agricole et une campagne<br />
extrêmement violente, comportant des distributions de tracts,<br />
des affiches, des souscriptions publiques, fut entreprise.<br />
Comme il arrive souvent en pareil cas la discussion s'enve<br />
nima par les malentendus ; des expressions, des formules tech<br />
niques sont mal comprises ; chacun couvre du même mot des<br />
idées ou des faits différents et le temps passé en querelles de<br />
cette nature est perdu pour le travail utile.<br />
Mais, fin mars 1926, tous se retrouvèrent d'accord pour recon<br />
naître que, si la Banque de l'Algérie pouvait escompter le papier<br />
des caisses régionales, elle ne pouvait pas le faire aveuglément,<br />
qu'elle devait être éclairée sur la nature de chaque opération<br />
pour écarter celles qui constituent des immobilisations et prêter<br />
au contraire son concours à l'escompte du papier de campagne<br />
portant, comme le veulent ses statuts, des signatures solvables ;<br />
enfin on reconnut qu'il importait de créer un organisme — une<br />
caisse foncière agricole — destinée<br />
à assurer la mobilisation<br />
du papier qui ne pouvait pas être admis à la Banque de l'Algérie<br />
parce qu'il représente des opérations dépassant la durée normale<br />
d'une campagne agricole. La Banque fut autorisée à porter à<br />
30 millions l'avance prévue par la loi du 30 décembre 1925.<br />
Sur ces trente millions, 18 devaient être affectés à la caisse<br />
foncière<br />
d'une<br />
terme,<br />
agricole. Une solution raisonnable, permettant de régler<br />
manière pratique la question du crédit agricole à court<br />
intervenait<br />
encore et mettait fin à un débat né dès<br />
avant 1851, qui a souvent paru, depuis, mettre en conflit la<br />
Banque d'émission et les milieux agricoles où elle trouve depuis<br />
longtemps,<br />
quoi qu'on en ait dit, d'excellents et fidèles clients.<br />
Mais cette fois la solution n'était pas une transaction, elle repo<br />
sait sur une rationnelle organisation du crédit et une judicieuse<br />
risques (1).<br />
distinction des<br />
(1) Voir chapitre XII.
245 —<br />
*<br />
Pendant la guerre, comme au cours de la période qui la suivit,<br />
la circulation monétaire de l'Algérie fut exclusivement composée,<br />
en dehors des jetons des chambres de commerce et de la monnaie<br />
de billon,<br />
par les billets de la Banque. L'or et les écus disparurent<br />
de la colonie comme de la métropole ou s'y cachèrent. La circula<br />
tion des billets ne cessa, par contre, de s'accroître (1). A un<br />
moment donné, la circulation de la Banque de l'Algérie comprit<br />
un nombre relativement assez élevé de billets ayant pénétré au<br />
Maroc. Ces billets ont cessé depuis lors de circuler dans ce pays<br />
et la courbe de l'augmentation propre de la circulation en Algé<br />
rie aurait été plus accentuée au cours des années 1925 à 1927 si<br />
cette accentuation n'avait pas été compensée pour partie par les<br />
retraits de billets algériens au Maroc.<br />
Ces retraits eurent lieu à la suite de mesures adoptées par<br />
le gouvernement marocain et d'un accord intervenu entre la<br />
Banque de l'Algérie et la Banque d'Etat du Maroc.<br />
Les traités de paix ne continrent pas de disposition modifiant,<br />
dans son principe, la charte internationale que la Banque d'Etat<br />
du Maroc tenait de l'acte d'Algésiras du 7 avril 1906 ; ils mirent<br />
seulement à la disposition de la France la part allemande<br />
(art. 145 du traité de Versailles)<br />
et la part autrichienne d'ac<br />
tions de cette Banque (art. 100 du Traité de Saint-Germain) (2).<br />
La Banque de l'Algérie, devant la confirmation que le pri<br />
vilège de la Banque d'Etat recevait ainsi après la guerre, ne<br />
pouvait plus songer à installer des agences au Maroc ; elle devait<br />
se borner, en vue de tendre à assurer une union bancaire néces<br />
saire à la bonne distribution du crédit et à la saine circulation<br />
monétaire dans l'Afrique du Nord, à conclure avec la Banque<br />
privilégiée du Maroc des accords pour cet objet. La loi du<br />
3 août 1920 eut pour but de rendre possible ces accords en<br />
posant le principe que la Banque de l'Algérie pourrait être<br />
autorisée à prendre des participations dans le capital des ban-<br />
(1) La loi du 26 juin 1926 ayant supprimé la faculté d'élever par décrets<br />
la limite d'émission, les élévations successives et nécessaires de cette<br />
limite, portée à 2.400 millions, furent faites par les lois du 6 août 1926<br />
et 1" août 1929.<br />
(2) Ces parts, n'étant plus dans les mains de leurs premiers propriétai<br />
res, perdaient le droit de désignation d'un administrateur qui y était atta<br />
ché et ce droit revenait à l'Assemblée générale des actionnaires.<br />
16<br />
LA<br />
CIRCULATION<br />
MONÉTAIRE<br />
DEPUIS 1914.<br />
LA MONNAIE<br />
ALGÉRIENNE<br />
AU MAROC.
SITUATION<br />
ÉCONOMIQUE<br />
ET FORTUNE<br />
ACTUELLES<br />
DE L'ALGÉRIE.<br />
— — 246<br />
ques d'émission établies dans les colonies et protectorats français<br />
en Afrique du Nord et à se faire représenter dans les conseils<br />
de ces banques. « Il appartiendra au Ministre des Finances,<br />
disait la loi, de fixer les conditions dans lesquelles la Banque<br />
de l'Algérie désignera,<br />
pour la représenter dans le conseil d'ad<br />
ministration de ces banques d'émission, son directeur général,<br />
son sous-directeur général ou ses propres administrateurs. »<br />
Par un décret du 25 avril 1921 la Banque de l'Algérie fut<br />
autorisée à acquérir, dans les conditions prévues à l'article 145<br />
du traité de Versailles, les actions constituant la part du groupe<br />
allemand dans le capital de la Banque d'Etat au Maroc. Cette<br />
acquisition fut réalisée le 2 juin 1921.<br />
De son côté, le gouvernement français concluait le 4 mars 1922,<br />
avec la Banque d'Etat du Maroc, une convention monétaire en<br />
conséquence de laquelle un arrêté viziriel retira « la tolérance<br />
accordée à titre transitoire à la circulation des billets de la<br />
Banque de France et de la Banque de l'Algérie ».<br />
C'est dans ces conditions que la Banque de l'Algérie négocia<br />
avec la Banque d'Etat du Maroc des accords qui, finalement, se<br />
réduisirent en pratique à la dissolution de la Banque algéro-<br />
tunisienne, à une reconnaissance réciproque des droits de chaque<br />
banque et à une entente sur l'échange et le rapatriement des<br />
billets (1). Il est permis d'espérer que cette entente se dévelop<br />
pera pour le bien de l'Afrique du Nord dans l'esprit qui a présidé<br />
à la loi du 3 août 1920.<br />
Malgré les épreuves que l'Algérie dut subir au cours de cette<br />
période qui s'étend de 1914 à l'heure présente, la prospérité du<br />
pays et son développement agricole et commercial ne furent<br />
pas arrêtés ; un renversement de la balance des comptes entre<br />
la métropole et la colonie rendit même celle-ci largement crédi<br />
trice et l'industrie algérienne progressa d'une manière remar<br />
quable.<br />
Cette fois encore, il ne faut pas méconnaître que le crédit,<br />
distribué judicieusement par les banques, a été pour beaucoup<br />
(1) Cf. De Roux : La Réforme monétaire au Maroc, Paris. Les Presses<br />
Universitaires, 1928.
— — 247<br />
dans d'aussi brillants résultats. Certes, le commerce algérien,<br />
dont il faut louer, en général, la claire conscience qu'il garde<br />
de son rôle capital dans la colonie, n'a pas oublié,<br />
entraînements qui égaraient quelques-uns,<br />
malgré les<br />
que les transactions<br />
régulières et normales assurent seules un profit permanent et<br />
définitivement acquis. Il ne se laissa que très exceptionnellement<br />
entraîner aux opérations spéculatives directes ou indirectes ayant<br />
pour base les cours de la monnaie nationale ; mais les banques,<br />
en s'attachant à mesurer ou même à refuser leur concours à<br />
ceux de leurs clients qu'elles savaient enclins à se livrer à de<br />
telles opérations,<br />
ont été pour tous de bonnes conseillères. On<br />
a pu trouver qu'elles restreignaient à certains moments les<br />
crédits d'une manière excessive, et on l'a dit,<br />
en ce qui concerne<br />
particulièrement la Banque de l'Algérie ; en agissant comme elles<br />
l'ont fait, elles ont, en réalité, évité à une partie de leur clientèle<br />
les chutes graves que devait fatalement entraîner,<br />
au jour du<br />
redressement monétaire, une pratique dont les dangers n'ap<br />
paraissaient pas aux yeux de ceux qui s'y livraient et qui<br />
croyaient souvent y<br />
voir une mesure de prudence. L'excès de<br />
crédit, qui eût favorisé de telles opérations, eût été bien plus<br />
dangereux pour le pays que le resserrement dont on a paru se<br />
plaindre parfois et qui ne fut pas à proprement parler un res<br />
serrement réel, mais un contrôle très serré du crédit.<br />
C'est grâce à la sagesse du commerce algérien,<br />
comme à celle<br />
des banques, que sont demeurées intactes, dans la tourmente,<br />
des forces qui ne demandaient qu'à s'épandre ; l'Algérie les<br />
retrouve en action au moment où, l'ordre monétaire étant enfin<br />
rétabli, une ère nouvelle s'ouvre devant elle.<br />
La population totale de l'Algérie s'élève aujourd'hui à près<br />
de 6 milions d'habitants (5.981.231 au recensement de 1926,<br />
parmi lesquels 658.000 Français). Le<br />
dont 833.000 Européens,<br />
commerce extérieur atteint environ 9 milliards (3.996 millions<br />
d'exportation et 4.968 millions d'importation en 1928),<br />
ce qui<br />
représente par habitant 1.500 francs. Si nous prenons pour<br />
commune mesure monétaire le poids d'or contenu dans le franc<br />
défini par la loi de germinal an XI, la comparaison entre 1913<br />
et 1928 s'établit ainsi : commerce extérieur : en 1913, 1.168<br />
millions ; en 1928 : 1.800 millions ; par tête d'habitant, 212
— — 248<br />
francs en 1913, 300 francs en 1928. Rappelons qu'en 1851 le<br />
commerce ne dépassait guère 84 milhons, soit 36 francs environ<br />
par tête d'habitant (1).<br />
Les productions du sol, malgré les difficultés de main-d'œuvre<br />
créées par la guerre et l'exode d'une partie de cette main-d'œuvre<br />
dans la métropole après la guerre, marquent également un pro<br />
grès qui donne la preuve que l'Algérie a poursuivi méthodique<br />
ment son merveilleux développement : la superficie des terres<br />
cultivées pour la production des céréales a légèrement augmenté<br />
(3.130.695 hectares contre 3.070.195),<br />
celle des vignes s'est<br />
considérablement accrue (221.776 contre 174.942). Le nombre<br />
des palmiers en rapport a presque doublé, celui des oliviers a<br />
passé de 6.307.000 à 14.601.900, la superficie consacrée à la<br />
culture du tabac de 10.213 hectares à 26.450 ; le coton qui,<br />
au moment où le déséquilibre des changes favorisait les prix<br />
de vente à l'intérieur,<br />
paraissait devoir prendre une grande<br />
extension, donne lieu même actuellement à des cultures intéres<br />
santes faisant honneur à l'initiative de ceux qui les poursuivent<br />
avec méthode.<br />
Seul le cheptel vif n'avait pas dans l'ensemble retrouvé, l'an<br />
dernier, les chiffres de 1913 ; mais, malgré les méfaits de mau<br />
vaises saisons qui ont diminué considérablement ce cheptel, il se<br />
reconstitue rapidement et de grands efforts sont faits pour en<br />
assurer le développement.<br />
Enfin, l'industrie elle-même progresse d'une façon très sen<br />
sible. La production du minerai de fer a passé de 1.348.899 ton<br />
nes en 1913 à 2.006.092 tonnes ; celle des phosphates de<br />
370.934 à 814.074. Dans les industries, comme dans les mines, la<br />
population ouvrière a, à peu près, triplé. Elle atteint dans l'en<br />
semble actuellement environ 175.000 ouvriers.<br />
Ce développement a une répercussion sur les opérations des<br />
banques, compte tenu de la nouvelle valeur du franc. Le mouve<br />
ment des caisses de la Banque de l'Algérie a atteint, au cours<br />
(1) A ce progrès est lié celui du mouvement de la navigation. Si en<br />
1928, le nombre des navires qui ont fréquenté les ports de l'Algérie est<br />
moins élevé qu'en 1913 (9.500 au lieu de 10.193) leur tonnage est très supé<br />
rieur (16.042.065 tonnes contre 10.696.097), Le développement des chemins<br />
de fer s'est poursuivi également (4.789 kilomètres exploités contre 3.337<br />
en 1913).
— 249 —<br />
de l'exercice 1927-28, environ 60 milliards, contre un peu plus<br />
de 7 en 1913. La circulation de la Banque de l'Algérie qui, à<br />
la veille de la Guerre, s'élevait au total à 219.785.480 francs<br />
dont 185.881.370 pour l'Algérie, est aujourd'hui en moyenne<br />
d'environ 2.100 millions, dont 1.500 pour l'Algérie seule. Sur<br />
cette circulation algérienne environ soixante millions sont cons<br />
titués en billets de 5 francs,<br />
qui se sont substitués à la monnaie<br />
d'argent disparue : les éléments comparables de la circulation<br />
algérienne sont donc respectivement de 186 millions en 1913 et<br />
1.440 millions en 1929,<br />
soit un accroissement de 1.254 millions<br />
représentant une proportion de 674 %, à peu près la même que<br />
celle que l'on constate dans le mouvement des caisses de la Ban<br />
que (1).<br />
Les très grandes disponibilités qui viennent actuellement ali<br />
menter les affaires algériennes ont une action sur la circulation<br />
et sur le volume de l'escompte. Elles tendent à augmenter la<br />
première et à réduire le second.<br />
Un certain montant de billets de la Banque a désormais une<br />
contrepartie qui n'existait guère en 1913 : ce sont les fonds<br />
dont dispose l'institut d'émission dans la métropole et à l'étran<br />
ger et qui, pour l'Algérie seule, atteignent une moyenne d'environ<br />
800 millions. Les billets émis en Algérie, en contrepartie de ces<br />
disponibilités qui représentent la fraction principale du solde<br />
de la balance des comptes entre la colonie et la métropole (2),<br />
servent aux transactions algériennes au même titre que les<br />
billets émis en contrepartie de l'encaisse, des dépôts et du por<br />
tefeuille.<br />
Les besoins de ces transactions peuvent donc être satisfaits<br />
avec un moindre recours à la fois à l'escompte direct par les<br />
commerçants et agriculteurs dont la trésorerie est plus aisée, et<br />
au réescompte par les banques et les caisses agricoles qui reçoi<br />
vent de nombreux dépôts. Le mouvement du portefeuille de la<br />
Banque de l'Algérie et des principales banques locales présente<br />
(1) Dans la métropole la circulation a augmenté entre 1913 et 1929<br />
de 5.713.651.290 fr. (24 décembre) à 68.266.824.615 fr. (31 octobre). Si de<br />
ce dernier total on retire 3 milliards environ de petites coupures qui ne<br />
font que remplacer la monnaie métallique, on constate que l'accroissement<br />
net de la circulation est de 1.160 %.<br />
(2) Voir chapitre IX.
— 250 —<br />
bien une augmentation très importante, sinon en nombre<br />
d'effets (5.744.441 contre 5.174.336) du moins en sommes :<br />
19.120.500.000 contre 4.127.000.000 ; le portefeuille de la Banque<br />
de l'Algérie au 31 juillet 1929 s'élevait bien à 1.223 millions<br />
contre 279 millions au 31 juillet 1913,<br />
mais ces augmentations<br />
n'atteignent pas, pour les raisons que nous venons d'indiquer,<br />
la même proportion que celle des mouvements des caisses et de<br />
la circulation et ne correspondent même pas à la nouvelle valeur<br />
officielle du franc.<br />
Cette proportion correspond d'autant moins à celle de l'en<br />
richissement de l'Algérie, que cet enrichissement a sinon modi<br />
fié le caractère de la fortune algérienne, tel que nous l'avons<br />
défini au chapitre précédent, du moins accru sa liquidité.<br />
Il est très difficile d'évaluer le montant de la richesse de<br />
l'Algérie, nous l'avons démontré, et cette difficulté est plus<br />
grande aujourd'hui qu'en 1913-1914, parce que la valeur de bon<br />
nombre de ses éléments n'est pas appréciée selon l'étalon nou<br />
veau de la monnaie ; toute une adaptation se poursuit, inégale<br />
ment et souvent par saccades, entre les prix nominaux anciens<br />
et les prix nominaux nouveaux, et la spéculation vient fausser<br />
encore souvent cette adaptation, comme cela se produit, sem<br />
ble-t-il,<br />
ruraux.<br />
sur les prix de certains terrains urbains ou même<br />
Nous nous garderons donc bien, dans une période où tant<br />
d'incertitude existe encore sur la valeur relative des divers<br />
éléments de la fortune algérienne, d'en donner,<br />
en la décomoo-<br />
sant, une évaluation approximative, comme nous avons pu le<br />
faire pour 1913 ; toutefois, si nous avancions un chiffre, nous<br />
le fixerions au total autour de 40 milliards, soit un peu moins<br />
de huit fois le chiffre de 1913 (1).<br />
L'Algérie s'est assurément enrichie d'une façon sensible depuis<br />
quinze ans. Les plaies matérielles de la guerre sont, dans l'en<br />
semble, cicatrisées dans la colonie et, si nous nous reportons<br />
à 1851, il est aisé de mesurer le chemin parcouru et de garder<br />
sa foi dans l'avenir.<br />
(1) On peut évaluer de 1.500 millions à 2 milliards les valeurs mobiliè<br />
res possédées par les Algériens, à 3 milliards environ les dépôts en ban<br />
que, à la Caisse d'épargne et dans les caisses des particuliers, à 3 milliards<br />
la valeur du cheptel vif, de 15 à 20 milliards la propriété foncière non<br />
bâtie, à 10 milliards celle des propriétés bâties, etc...
TITRE II<br />
LA MONNAIE ET LE CRÉDIT EN ALGERIE<br />
EN 1930
CHAPITRE VIII<br />
LA CIRCULATION MONETAIRE ET FIDUCIAIRE<br />
EN 1929<br />
Régime monétaire de l'Algérie. Régime monétaire français antérieur<br />
au 25 juin 1928. Loi du 25 juin 1928. L'étalon d'or. Cessation du cours<br />
forcé. Statut monétaire de la Banque de France et de la Banque de<br />
l'Algérie. Retrait des petites coupures. Rétablissement de la circula<br />
tion d'or et d'argent. Système du Gold-bullion standard. Consé<br />
quence de l'application a l'Algérie de la loi du 25 juin 1928. Le billet<br />
de la Banque de France en Algérie. Règlements par écritures : chè<br />
ques et virements.
CONCOURS OUVERT POUR LA GRAVURE DES COINS<br />
DES MONNAIES D'OR<br />
Projet retenu par le Ministre des Finance»<br />
Turin<br />
CArrèté du 30 ianvjer 1929)<br />
Bazor<br />
tiuilberr La Fleur Lavriilier<br />
Yenccsse
Le système monétaire algérien est le même que celui de la<br />
Métropole. La monnaie métallique ayant cours en France et<br />
en Algérie est la même, seule est différente la monnaie fidu<br />
ciaire, émise par une banque propre à la colonie. L'Etat français<br />
seul a le droit de fabriquer la monnaie (1)<br />
et la Banque de<br />
l'Algérie seule a le droit d'émettre sur le territoire de la colonie<br />
des billets de banque.<br />
* *<br />
Depuis 1795 jusqu'à la loi du 25 juin 1928, l'unité monétaire<br />
française a été déterminée par la loi du 18 germinal an III qui<br />
a substitué le franc à la livre antérieurement en usage. Le franc<br />
fut ensuite ainsi défini par la loi du 17 germinal an XI<br />
(28 mars 1803) : « Cinq grammes d'argent au titre de 9/10 de<br />
fin constituent l'unité monétaire qui conserve le nom de franc. »<br />
On ne doit pas conclure de cette définition que l'étalon moné<br />
taire fût exclusivement l'argent,<br />
car la loi de germinal pres<br />
crivait la fabrication de pièces d'or de 20 francs et de 40 francs<br />
(2)<br />
en spécifiant que les pièces de 20 fr. seraient à la taille de 155<br />
pièces au kilogramme,<br />
au titre de 9/10 de fin. Un rapport<br />
de 1 à 15 1/2 était ainsi établi entre l'or et l'argent. Le kilo<br />
gramme d'or valait 3.100 francs et le kilogramme d'argent<br />
200 francs. Le franc contenait donc 0 gr. 32258 d'or au titre<br />
de 900/1000, soit : 0 gr. 290322 d'or fin. Le titre des monnaies<br />
divisionnaires d'argent fut ultérieurement modifié et fixé<br />
à 835/1000 en 1864 pour les pièces de 0 fr. 20 (3)<br />
et de<br />
(1) Cette fabrication est concentrée à l'Hôtel des Monnaies à Paris.<br />
Pendant la dernière guerre, de la monnaie divisionnaire d'argent fut fabri<br />
quée à Castelsarrasin.<br />
(2) Des pièces d'or de 5, 10, 50 et de 100 francs furent également<br />
frappées.<br />
(3) La frappe des pièces de 0 fr. 20 a cessé depuis longtemps. Après<br />
la démonétisation des pièces à l'effigie de Napoléon III en 1918, il n'en<br />
avait été frappé qu'une centaine d'exemplaires au type de la République.<br />
RÉGIME<br />
MONÉTAIRE<br />
DE L'ALGÉRIE.<br />
REGIME<br />
ANTÉRIEUR<br />
AU 25 JUIN 1928.
— — 254<br />
0 fr. 50 et, en 1866, pour les pièces de 1 à 2 francs, le titre<br />
de 900/1000 ayant été conservé pour les pièces de 5 francs.<br />
La loi de germinal avait laissé libre la frappe de la monnaie<br />
d'argent et de la monnaie d'or en fixant à 9 francs par kilo<br />
gramme d'or et 3 francs par kilogramme d'argent les frais de<br />
frappe. A partir de 1876, la frappe libre de l'argent fut sus<br />
pendue et il|ne fut plus émis de pièces de 5 francs. Il n'a pas<br />
été frappé de pièces d'or depuis 1915,<br />
depuis 1920.<br />
ni de pièces d'argent<br />
La loi fondamentale avait donné pouvoir libératoire illimité<br />
aux pièces d'or, d'argent et même de cuivre. En 1810, le pouvoir<br />
libératoire des pièces de cuivre a été limité à 5 francs et, en<br />
1866,<br />
celui des pièces d'argent de 1 et 2 francs à 50 francs.<br />
Seules les pièces de 5 francs gardèrent, même après la suspension<br />
un pouvoir libératoire illimité.<br />
de la frappe libre de l'argent,<br />
A partir de 1865, la France fit partie de l'Union latine, cons<br />
tituée à la suite du traité intervenu le 23 décembre entre la<br />
Belgique, la France, l'Italie, la Suisse, traité auquel la Grèce<br />
adhéra en 1874. Ce traité avait réuni des pays ayant longtemps<br />
joui d'une uniformité monétaire, rompue en 1860 et en 1862<br />
par la Suisse et par l'Italie, qui avaient abaissé le titre des<br />
monnaies divisionnaires d'argent. Le traité de 1865 rétablissait<br />
cette uniformité en consacrant le bimétallisme pour tous ces<br />
Etats ; il fut plusieurs fois renouvslé et modifié dans certaines<br />
de ses clauses,<br />
tallisme un étalon effectif d'or. Un décret du 31 octobre 1866<br />
qui ont permis de substituer de fait au bimé<br />
rendit exécutoire en Algérie la loi du 14 juillet 1866 relative<br />
à la convention monétaire conclue le 23 décembre 1865 et le<br />
décret du 20 juillet 1866 portant promulgation de cette conven<br />
tion; en conséquence les monnaies de ces divers visées<br />
dans la convention, circulèrent depuis lors en Algérie. La guerre<br />
ayant modifié profondément la situation monétaire des princi<br />
paux Etats de l'Union latine, l'intercirculation des monnaies<br />
fut d'abord pratiquement supprimée puis, par étapes, l'Union<br />
même se trouva dissoute.<br />
Ce régime monétaire a été modifié par la loi du 25 juin 1928<br />
loi du<br />
2.5 juin 1928. qui n'a pas encore reçu son entière application pratique, et la
— — 255<br />
circulation monétaire de l'Algérie traverse actuellement, comme<br />
celle de la Métropole,<br />
une période transitoire.<br />
Elle est exclusivement composée,<br />
en dehors des monnaies<br />
de billon (cuivre ou nickel : 0 fr. 05, 0 fr. 10, 0 fr. 25) et de<br />
jetons en bronze d'aluminium (0 fr. 50, 1 franc, 2 francs) frap<br />
pés au nom des chambres de commerce de France (1), de<br />
coupures émises par la Banque de l'Algérie et qui ont cours<br />
légal : 5 francs, 20 francs, 50 francs, 100 francs, 500 francs,<br />
1.000 francs (2).<br />
La monnaie métallique d'or et d'argent, qui avait cours avant<br />
la guerre et qui, thésaurisée, fondue ou exportée, avait disparu<br />
(1) Ces jetons ont remplacé les bons de monnaie en papier, carton, fer<br />
ou zinc qui avaient été émis à concurrence de plus de 16.365.000 fr.<br />
par les Chambres de Commerce dans les conditions indiquées plus haut<br />
(Chapitre VII). Ils ont été frappés à la Monnaie de Paris à par<br />
tir de 1922. En juillet 1923, sur la demande pressante de l'Union des<br />
Chambres de Commerce de l'Algérie, et après entente avec la Banque de<br />
l'Algérie, le Ministre des Finances faisait adresser aux succursales de la<br />
Banque un contingent de 15 millions de francs en jetons métalliques. Ces<br />
jetons étant destinés à remplacer les bons en circulation, il fut d'abord<br />
décidé que la Banque ne les échangerait que contre ces bons ; puis dès le<br />
1"<br />
août, on reconnut qu'il était utile d'en assurer une plus large diffusion<br />
et ils furent échangés également contre des billets de banque. Dès le<br />
15 novembre 1923, 10.406.583 fr. 50 avaient été émis en jetons de bronze<br />
d'aluminium et 8.394.471 fr. 50 de bons de monnaie retirés de la circula<br />
tion ; au 31 décembre 1925, ces retraits avaient atteint près de 14 mil<br />
lions. Il restait encore en circulation moins de 4.500.000 francs. Comme les<br />
retraits s'étaient poursuivis avec la même rapidité dans la Métropole, il<br />
fut possible de fixer une date pour le retrait définitif et la loi du 12 jan<br />
vier 1926 régla la question, en laissant au Ministre, pour la France, et au<br />
Gouverneur général, pour l'Algérie, le soin de fixer le point de départ d'un<br />
délai de 3 mois à l'expiration duquel les porteurs ne pourraient plus se<br />
faire rembourser, la prescription libératoire étant acquise aux Chambres<br />
de Commerce. Le Gouvernement général ps.r arrêté du 25 février 1926<br />
fixa au 1er avril le point de départ du délai de trois mois prévu par la<br />
loi. A l'expiration de ce délai, la Banque de l'Algérie remit aux Chambres<br />
de Commerce le reliquat des provisions qui avaient été constituées dans<br />
ses caisses.<br />
(2) Dans la circulation algérienne, ces coupures se répartissent ainsi,<br />
à la date du 15 juin 1929 :<br />
1.000 fr. 500 fr. 100 fr. 50 fr. 20 fr. 5 fr.<br />
60S.042 000 160.559.500 302.180.400 123.159.550 126.504.040 57.940.395<br />
Circulation fiduciaire totale en Algérie : 1.378.385.8S5 francs.
— — 25G<br />
de la circulation depuis 1914, a été démonétisée par la loi du<br />
25 juin 1928 (1). Un nouvel étalon monétaire a été fixé, une nou<br />
velle monnaie doit être frappée, mais elle ne circule pas encore.<br />
L'exposé des motifs de la loi du 25 juin 1928 explique ainsi<br />
la raison de ces mesures : «Après la stabilisation de fait qui<br />
succéda à de longues années de fluctuations des changes, une<br />
revalorisation n'aurait été réalisable qu'au prix de pertur<br />
bations que l'économie nationale,<br />
si profondément troublée<br />
depuis la guerre et adaptée maintenant, semble-t-il, à la situa<br />
tion résultant du maintien des cours des changes pratiqués<br />
depuis la fin de l'année 1926, se serait trouvée dans l'impossi<br />
bilité de supporter. » (2). Il a donc fallu créer un nouvel étalon<br />
monétaire d'une valeur métallique moindre consacrant aussi<br />
exactement que possible les cours du franc que la Banque de<br />
Frarce avait maintenus depuis dix-huit mois sur le marché des<br />
changes.<br />
L'étalon Pour la première fois en France cet étalon est un véritable<br />
D'0R- étalon d'or. Désormais l'unité de compte se trouve définie par<br />
un poids d'or : 0 gr. 0655 monnayés au titre de 900/1000 (3).<br />
Le kilogramme d'or à ce titre vaut 15.267 fr. 17 et le kilo<br />
gramme de fin 16.963 fr. 52. « La monnaie d'or doit natu<br />
rellement occuper dans la circulation une place prééminente.<br />
(1) Les rentrées de monnaies d'or et d'argent à la Banque de l'Algérie<br />
depuis la guerre ont été peu importantes et n'ont guère fait que compenser<br />
les sorties qu'elle dut effectuer lors de la mobilisation (8 millions d'écus et<br />
3 millions d'or). Toutefois, l'Algérie a pu apporter à la Métropole une<br />
contribution de 3 millions d'or pour la Défense Nationale.<br />
(2) Les moyennes mensuelles des cours des changes ont été entre juillet<br />
1926 et le 25 juin 1928, les suivantes :<br />
Moyennes mensuelles<br />
De juillet 1926 à juillet 1927 : les plus hautes :<br />
les dus basses *<br />
De juillet 1927 au 25 juin 1928 : les plus hautes :<br />
les plus basses :<br />
Les parités monétaires s'établissent désormais ainsi :<br />
1" Dollar : 25,52386;<br />
2»<br />
Livre-sterling : 124,21340;<br />
3» Franc Suisse : 4,92489;<br />
4»<br />
Reichmark : 6,08012;<br />
5°<br />
Florin Hollandais : 10,25954.<br />
Livre-<br />
sterling Dollar<br />
199 03 40 96<br />
122 80 25 32<br />
124 05 25 55<br />
122 58 25 26<br />
(3) L'ancien franc était de 0 gr. 32258, le rapport du nouveau franc à<br />
l'ancien est de 4,92.
257<br />
Seule, en effet, elle doit avoir un cours légal illimité. Il sera<br />
frappé seulement des pièces de 100 francs au titre de 900/1000.<br />
La tolérance du titre est fixée à un millième en dehors, autant<br />
en dedans ; ces règles sont traditionnelles. » (1) .<br />
La fabrication des pièces d'or ne sera provisoirement effectuée<br />
que pour le compte de la Banque de France. La frappe libre<br />
ne sera reprise qu'ultérieurement en vertu d'un décret pris en<br />
Conseil des ministres. « Il est aisé de voir quelle valeur symbo<br />
lique s'attacherait au rétablissement d'une circulation d'or.<br />
L'expérience seule, quoi qu'il en soit,<br />
permettra d'apprécier s'il<br />
est ou non opportun de remettre des pièces d'or entre les mains<br />
du public. »<br />
Les billets français de 5, de 10 et 20 francs actuels doivent être<br />
retirés de la circulation avant le 31 décembre 1932 et échangés<br />
contre des pièces divisionnaires d'argent de 20 et 10 francs (2) .<br />
A la fin de 1927, le montant des petites coupures de la Banque<br />
de France en circulation atteignait 2.700 millions, soit 70 francs<br />
par tête d'habitant. L'article 7 de la loi prévoit qu'il pourra<br />
être frappé des pièces divisionnaires pour un montant de<br />
3 milliards. Cet accroissement du contingent actuel apparaît<br />
d'ailleurs justifié,<br />
si l'on songe que les nouvelles monnaies doi<br />
vent circuler non seulement en France, mais également dans<br />
les colonies. Le poids des pièces de 10 francs sera de 10 gram<br />
mes, celui des pièces de 20 francs de 20 grammes avec tolérance<br />
de 5/1000, leur titre sera seulement de 680/1000, alors qu'il était<br />
avant la guerre de 900/1000 pour les écus de 5 francs et de<br />
835/1000 pour les pièces de 0,50, 1,<br />
2 francs. Presque tous les<br />
pays ont adopté un titre inférieur (en Angleterre et en Alle<br />
magne on a même fabriqué depuis 1925 des pièces au titre de<br />
500/1000). « Notre circulation d'argent portait encore avant<br />
la guerre la marque du bimétallisme,<br />
c'est-à-dire que les mon-<br />
—<br />
(1) Exposé des motifs. Un concours a été ouvert pour la gravure des<br />
pièces d'or et d'argent. Le choix du Ministre s'est porté sur des modèles<br />
présentés par MM. Bazor et Turin (voir planches 21 et 22).<br />
(2) Le projet déposé par le Gouvernement prévoyait des pièces d'argent<br />
de 5 francs et de 10 francs. La Chambre des députés l'a modifié sur ce<br />
point en supprimant les pièces de 5 francs et en prévoyant des pièces de<br />
20 francs. Un projet de loi a été déposé en vue de la création de pièces de<br />
5 francs en nickel. Il rencontre diverses oppositions, notamment de la part<br />
des Chambres de commerce.<br />
CESSATION<br />
DU<br />
COURS FORCÉ.
STATUT<br />
MONÉTAIRE<br />
DE LA BANQUE<br />
DE FRANCE<br />
ET DE<br />
LA BANQUE<br />
DE L'ALGËRIE.<br />
— — 258<br />
naies avaient presque une valeur égale à leur force libératoire.<br />
Aujourd'hui, au contraire, les pièces d'argent n'apparaissent<br />
plus comme une survivance du passé, mais comme une création<br />
répondant aux besoins primordiaux des échanges. La monnaie<br />
blanche est définitivement reléguée parmi les monnaies de<br />
caractère fiduciaire dont la force libératoire est largement<br />
supérieure à la valeur intrinsèque. » Ces pièces ne sont accep<br />
tées obligatoirement dans les payements entre particuliers que<br />
jusqu'à concurrence d'un maximum de 250 francs, les monnaies<br />
de bronze d'aluminium que jusqu'à concurrence d'un montant<br />
de 50 francs, les monnaies en nickel et en bronze que jusqu'à<br />
10 francs. Les jetons des chambres de commerce seront pro<br />
gressivement retirés et remplacés, type pour type,<br />
monnaies émises par l'Etat.<br />
par des<br />
La monnaie d'argent, étant reléguée, comme le dit l'exposé<br />
des motifs, parmi les monnaies de caractère fiduciaire, au même<br />
titre que les monnaies de nickel, de bronze d'aluminium ou de<br />
bronze, se trouve mise, comme celles-ci,<br />
en dehors du système<br />
général de l'émission bancaire. La seule partie de l'encaisse<br />
métallique de la Banque de France admise en couverture des<br />
billets est l'<br />
encaisse-or ; la monnaie d'argent est exclue de cette<br />
couverture.<br />
La Banque de France est tenue de conserver une encaisse en<br />
lingots et monnaies d'or égale au minimum à 35 % du montant<br />
des billets au porteur en circulation et de ses comptes courants<br />
créditeurs. « Ce système d'une couverture minima de la circu<br />
lation et des engagements à vue par l'encaisse est appliqué<br />
lui aussi pour la première fois à la Banque de France. De<br />
puis 1870, en effet, les émissions de billets devaient être<br />
maintenues dans la limite d'un contingent fixé par la loi. Il<br />
en résultait des inconvénients assez graves tenant essentielle<br />
ment au manque de souplesse de ces dispositions. Qu'une période<br />
d'intense activité se présentât et la Banque se trouvait con<br />
trainte soit de paralyser prématurément l'essor des affaires en<br />
tentant de réduire ses émissions de billets par un relèvement de<br />
son taux d'escompte, soit de solliciter des pouvoirs publics une
— — 259<br />
augmentation du contingent d'émission. Le système nouveau<br />
permet, au contraire, de proportionner constamment le volume<br />
de la circulation à l'importance des avoirs métalliques de l'insti<br />
tut d'émission. Ses avantages sont d'ailleurs universellement<br />
reconnus puisqu'à quelques variantes près, il a été adopté par<br />
tous les grands pays, à l'exception de l'Angleterre. »<br />
Un projet de loi déposé par le gouvernement, le 5 juillet 1929,<br />
concernant la Banque de l'Algérie, tend à imposer à celle-ci un<br />
régime d'émission analogue en fixant, en principe, à 35 % la<br />
couverture des billets et des sommes déposées chez elle en<br />
compte courant. Cette couverture devrait être constituée pour un<br />
tiers, au moins, en or, le surplus pouvant être représenté par des<br />
billets de la Banque de France ou des sommes en compte courant<br />
à vue en France, c'est-à-dire en dépôts immédiatement converti<br />
bles en or (1) .<br />
La loi monétaire de 1928 prévoit pour son application deux<br />
périodes, la première qui doit prendre fin en principe le 31 décem<br />
bre 1932, pendant laquelle les petites coupures de la Banque de<br />
France continueront à avoir cours légal ; la seconde qui doit com<br />
porter le rétablissement de la circulation métallique or et argent,<br />
la cessation du cours légal des petites coupures de 20, 10 et 5<br />
francs de la Banque de France qui devront être retirées et,<br />
éventuellement, la reprise de la frappe libre. En principe, les<br />
mêmes dispositions concernant le retrait des petites coupures<br />
devront être appliquées en Algérie, lorsque la circulation métal<br />
lique y<br />
sera assurée d'une façon convenable. En attendant le<br />
rétablissement d'une circulation d'or, les billets de la Banque de<br />
France et ceux de la Banque de l'Algérie cessent d'avoir cours<br />
forcé et sont échangeables contre des lingots d'or, dans des con<br />
ditions qui ont été déterminées d'accord entre le Ministre des<br />
Finances et ces banques, en conformité de l'article 1er de la loi du<br />
25 juin 1928 (2).<br />
(1) Voir chapitre X.<br />
(2) Voir chapitre X.<br />
RETRAIT<br />
DES PETITES<br />
COUPURES.<br />
RÉTABLIS<br />
SEMENT<br />
DE LA<br />
CIRCULATION<br />
D'OR<br />
ET D'ARGENT.
SYSTÈME<br />
DU<br />
GULD-BULLION<br />
STANDARD.<br />
— — 260<br />
Le régime actuel est bien celui de l'étalon d'or ; toutefois, ce<br />
n'est pas la représentation monétaire de cet étalon, mais seu<br />
lement sa représentation fiduciaire, qui circule pour le moment<br />
à l'intérieur du pays ; la monnaie n'en est pas moins établie<br />
sur une base d'or et le billet émis par la Banque de France comme<br />
par la Banque de l'Algérie est convertible pratiquement en<br />
lingots d'or, pour assurer, le cas échéant, les règlements exté<br />
rieurs. Ce système est connu sous le nom de Gold Bullion Stan<br />
dard, l'étalon or lingots, par opposition au Gold Specie Standard,<br />
l'étalon or avec circulation interne de l'or.<br />
L'Angleterre a donné l'exemple de l'adoption de ce système<br />
après la guerre. Le régime monétaire anglais de 1925 n'est pas<br />
le même que celui de 1914 ; la monnaie d'or ne circule pas dans<br />
les Iles Britanniques ; la frappe libre est supprimée ; les billets<br />
de la Banque d'Angleterre, émis aujourd'hui à l'exclusion de bil<br />
lets d'Etat, sont remboursables en lingots d'or.<br />
Cette réforme est considérée par beaucoup d'économistes<br />
comme constituant un progrès très important dans la pratique<br />
monétaire ; ils font observer qu'il en résulte un emploi plus<br />
judicieux de l'or dont toute la quantité se trouvant dans un pays<br />
peut être utilisée rationnellement pour assurer les règlements<br />
internationaux et pour gager une monnaie de remplacement,<br />
ce qui évite les pertes de valeur résultant notamment de la thé<br />
saurisation individuelle. Certains vont plus loin encore. Ils voient,<br />
dans l'or, qu'il soit monnayé ou en lingots, un étalon manquant<br />
de stabilité parce qu'ils redoutent la raréfaction du minerai et<br />
que le métal subit des variations propres de valeur ; ils lui<br />
substituent un système de « monnaie dirigée selon les prix », que<br />
nous n'avons pas à exposer ici (1) ; on peut dire, toutefois,<br />
qu'il s'agit là pour le moment d'une conception théorique, sédui<br />
sante assurément, mais dont les bases mêmes sont bien incer<br />
taines et dont la mise en pratique se heurte déjà à de redoutables<br />
épreuves. L'Angleterre, tout en reconnaissant qu'il est précieux<br />
(1) Le système de la monnaie dirigée consiste à proportionner exacte<br />
ment la quantité de la monnaie en circulation et le montant des crédits<br />
bancaires au volume des affaires.
La Fleur /'*Y*k l b THJffljïJ»<br />
CONCOURS OUVERT POUR LA GRAVURE DES COINS<br />
DES MONNAIES D'ARGENT<br />
Projet retenu par le Ministre des Finances<br />
Bénard<br />
(Arrêté du 30 janvier 1929)<br />
Popineau<br />
Rasumny
— — 261<br />
pour une nation d'avoir une monnaie basée sur une valeur uni<br />
versellement reconnue, a écarté à la fois la « monnaie dirigée »<br />
et le régime classique du Gold Standard absolu. Pour mieux<br />
ressaisir peut-être son rôle de grand centre des règlements inter<br />
nationaux et de marché de l'or, elle a maintenu l'étalon or, mais<br />
elle a suivi l'opinion de ceux qui voient dans la circulation inté<br />
rieure de l'or le « signe d'une civilisation arriérée », pensée<br />
que le chancelier de l'Echiquier traduisait en disant, en 1925,<br />
que l'emploi de l'or dans la circulation intérieure serait aujour<br />
d'hui parfaitement inutile et constituerait du gaspillage (1).<br />
La loi française n'a pas été aussi catégorique. Elle n'a adopté<br />
le Gold Bullion Standard qu'à titre provisoire et elle a prescrit,<br />
dès à présent, la frappe d'une nouvelle monnaie d'or. Le légis<br />
lateur français a pensé qu'il convenait de tenir compte en<br />
France d'un certain état d'esprit de l'opinion publique qui a, au<br />
moins en principe et pour le moment plus qu'ailleurs, « la mysti<br />
que de l'or ». Au surplus, une circulation métallique or présente,<br />
sur toute monnaie purement conventionnelle, cette incontestable<br />
supériorité que la quantité de métal existant, à chaque moment,<br />
est une donnée que, du moins jusqu'à présent, nul pouvoir n'a le<br />
moyen de modifier et qui, dans l'état actuel des exploitations<br />
minières , varie lentement ; en excluant l'or de la circulation,<br />
n'aboutit-on pas en fait à le démonétiser, à en faire une mar<br />
chandise dont les seuls acheteurs importants seraient les ban<br />
ques d'émission, ce qui risque d'altérer en partie sa qualité essen<br />
tielle d'avoir une valeur réelle fixée par le jeu naturel de la<br />
loi de l'offre et de la demande ? Sans doute, aussi, le législateur<br />
français a-t-il pensé que l'autonomie monétaire de la France<br />
serait mieux affirmée symboliquement par une monnaie d'or<br />
propre au pays, que si elle se limitait à des interventions sur le<br />
marché mondial du métal qui oscille entre Londres et New-<br />
York.<br />
On peut se demander si les mêmes raisons psychologiques,<br />
qui justifiraient la reprise dans la Métropole d'une circulation<br />
effective de monnaies d'or,<br />
se présentent également en Algé-<br />
(1) M. Keynes a dit : « En vérité l'or est aujourd'hui une relique bar<br />
bare. Les défenseurs de l'ancien étalon ne remarquent pas comme il<br />
est éloigné de l'esprit et des besoins des temps nouveaux. »<br />
17
CONSÉQUENCE<br />
DE<br />
L'APPLICA<br />
TION<br />
A L'ALGÉRIE<br />
DE LA LOI<br />
DU 25 JUIN 1928.<br />
— — 262<br />
rie. Il a toujours été très difficile de maintenir dans la colonie<br />
une telle circulation. Ne peut-on pas dire de l'Afrique du Nord,<br />
comme on l'a dit de l'Inde, que ce pays est le tombeau des métaux<br />
précieux ? De fortes quantités d'or et d'argent y sont constam<br />
ment absorbées par la thésaurisation et la confection des bijoux.<br />
C'est un gros obstacle à l'établissement d'une circulation effec<br />
tive des monnaies d'or et d'argent, surtout des monnaies d'or.<br />
La monnaie d'argent, moins intéressante que l'or pour les thé<br />
sauriseurs et les trafiquants, subsiste mieux dans la circulation.<br />
On en a eu la preuve avant la guerre. La monnaie d'argent avait<br />
rempli un rôle très utile en Afrique du Nord. Faut-il considérer<br />
que la loi du 25 juin 1928 met un terme à ce rôle ? N'est-ce<br />
pas là une question dont l'étude peut être reprise,<br />
en tenant<br />
compte de la situation particulière de l'Algérie, de la Tunisie<br />
et du Maroc et sans porter atteinte à l'unité monétaire entre la<br />
métropole et la colonie ?<br />
Quoi qu'il en soit, la loi du 25 juin 1928 est, d'ores et déjà,<br />
entrée en application en Algérie et le rapport annuel de 1928<br />
à l'assemblée générale des actionnaires de la Banque de l'Algérie<br />
a exposé ainsi la situation nouvelle qui en résulte :<br />
« Grâce aux mesures prises par les pouvoirs publics, le calme<br />
monétaire a été maintenu au cours de l'exercice ; la valeur de<br />
notre monnaie a pu se fixer à un cours assez stable pour que<br />
la loi déterminât son nouveau statut,<br />
consacrant un état de fait<br />
auquel s'était peu à peu adaptée, dans l'ensemble, l'économie<br />
nationale.<br />
« La nouvelle loi monétaire a réduit la quantité d'or comprise<br />
dans l'unité monétaire nationale et elle a institué le régime de<br />
l'étalon d'or, reléguant la monnaie d'argent,<br />
qui sera elle-même<br />
frappée à un titre réduit, au rôle de monnaie d'appoint.<br />
« Cette modification décisive du régime monétaire français<br />
s'est accomplie, dans la colonie comme dans la métropole, sans<br />
heurt et sans difficulté. La France a affirmé sa forte vitalité<br />
au cours de la crise monétaire si grave qu'elle a traversée après<br />
la guerre. Son crédit demeure intact au sortir de cette crise et<br />
la monnaie française reprend son rôle normal.
— — 263<br />
« Cette situation entraîne pour les banques d'émission diverses<br />
conséquences ; la première est le retour à la convertibilité en or<br />
du billet de banque.<br />
« Comme la nouvelle monnaie d'or n'est pas encore frappée<br />
et qu'il ne saurait être question de remettre actuellement des<br />
pièces d'or en échange des billets, la convertibilité est effective<br />
ment assurée par la remise de lingots d'or qui constituent par<br />
excellence une valeur internationale permettant aux porteurs de<br />
billets de régler leurs dettes dans tous pays.<br />
« Le cours forcé de nos billets a donc cessé en Algérie dans<br />
les mêmes conditions que pour les billets de la Banque de France,<br />
c'est-à-dire que les échanges peuvent être effectués contre des<br />
lingots pesant en moyenne 12 kg. 600, d'une valeur d'environ<br />
215.000 francs.<br />
« Ces échanges doivent se faire à Paris, ce qui est à l'avantage<br />
des commerçants qui auraient à expédier de l'or à l'étranger.<br />
« Pratiquement, les porteurs de billets nous demandent de<br />
préférence, pour leurs règlements sur France, des chèques sur<br />
la Métropole et, pour leurs règlements à l'étranger, des devises<br />
convertibles en or. Nous nous en sommes approvisionnés dans<br />
des conditions qui sont de nature à satisfaire les besoins des<br />
intéressés. Lorsque la nouvelle monnaie d'or sera frappée, cette<br />
convertibilité sera complétée par des mesures destinées à assurer<br />
le retour au régime d'avant-guerre.<br />
« La loi monétaire devait avoir, en ce qui concerne la Banque<br />
de l'Algérie,<br />
une autre conséquence. L'encaisse or de la Banque<br />
s"élevait, à la veille de la promulgation de la loi du 25 juin 1928,<br />
à francs : 30.245.653,20 et l'encaisse argent avait une valeur<br />
nominale de francs : 23.873.723,50. La loi monétaire nouvelle,<br />
en substituant un nouveau franc à l'ancien, a donné à l'encaisse<br />
or une valeur nouvelle et, en démonétisant les pièces d'argent,<br />
elle a substitué à la valeur monétaire de ces pièces la valeur<br />
réelle du métal argent.<br />
« De cette double substitution un écart est résulté entre la<br />
valeur de notre encaisse, telle qu'elle est calculée conformément<br />
à la loi de germinal, an XI, et sa valeur nouvelle résultant de<br />
la loi du 25 juin 1928. Cet écart, qui s'élevait pour l'or à francs :<br />
113.808.250,01 et pour l'argent à francs : 27.765.322,24, soit au
— — 264<br />
total francs : 141.573.572,25 a été appelé, assez improprement,<br />
« plus value de l'encaisse ».<br />
« En réalité, la valeur intrinsèque de l'encaisse n'a pas varié<br />
et la loi monétaire en a seulement modifié la valeur nominale,<br />
tandis qu'elle maintenait celle des billets.<br />
« Votre Conseil n'a pas eu à rechercher quel aurait pu être,<br />
sous l'empire du droit existant, l'emploi qui devait être fait<br />
de l'écart que faisait ressortir la réévaluation de l'encaisse.<br />
« Il a été placé en présence d'un texte de loi qui a tranché<br />
la question dans les termes suivants :<br />
« Art. 10 de la loi du 25 juin 1928: Les encaisses d'or et<br />
« d'argent,<br />
actuellement détenues par les banques ayant reçu<br />
« de l'Etat un privilège d'émission dans les colonies et pays<br />
« de protectorat où le franc a cours légal, feront l'objet d'une<br />
« réévaluation sur la base de la nouvelle parité monétaire.<br />
« Le Ministre des Finances est autorisé à conclure avec les<br />
« banques d'émission désignées ci-dessus des conventions fixant<br />
« les conditions dans lesquelles l'Etat recevra le montant des<br />
« plus-values. »<br />
« Votre Conseil ne pouvait que se conformer aux dispositions<br />
légales ; il s'est toutefois préoccupé d'éviter que les dispositions<br />
de cette loi exceptionnelle, statuant sur un cas tout particulier<br />
et dans des circonstances spéciales,<br />
ne pussent un jour être<br />
invoquées comme un précédent permettant de discuter le droit<br />
absolu de la Banque de disposer de tous les postes de son actif.<br />
M. le Président du Conseil, Ministre des Finances, a bien voulu<br />
préciser que ce droit incontestable n'était pas en cause et que<br />
seul le caractère particulier de la modification du régime moné<br />
taire expliquait une mesure qui était appliquée à la Banque<br />
de France comme elle l'avait été antérieurement aux banques<br />
d'émission des divers pays ayant apporté des modifications<br />
similaires à leur régime monétaire.<br />
« C'est dans ces conditions que votre Conseil a été appelé<br />
à conclure avec l'Etat la convention d'exécution prévue par la<br />
loi du 25 juin 1928.<br />
« Cette convention devait régler diverses questions tenant à<br />
la situation spéciale de la Banque à l'égard de l'Etat et à l'emploi<br />
de la somme mise, en vertu de la loi, à la disposition de celui-ci.
— -- 265<br />
La Banque de l'Algérie, à la différence de la Banque de France<br />
et des banques d'émission des divers pays ayant modifié leur<br />
étalon monétaire, n'était pas créancière de l'Etat de sommes<br />
supérieures au montant de la plus-value nominale de son encaisse.<br />
Il en résultait que cette plus-value ne pouvait être, comme pour<br />
ces banques, affectée intégralement à l'extinction de la dette<br />
de l'Etat vis-à-vis d'elle et que, par suite, la Banque devenait<br />
à son tour débitrice de l'Etat pour des sommes élevées devant<br />
entraîner à un moment donné une émission de billets. Or, il<br />
est incontestable que lorsqu'une banque d'émission remet à<br />
l'Etat,<br />
pour faire face à des dépenses non couvertes par des res<br />
sources réelles, des billets émis sans contre-partie —<br />
et, en<br />
l'espèce, on ne peut considérer comme une contre-partie une<br />
soi-disant plus-value d'encaisse qui n'est qu'une différence de<br />
valeur nominale,<br />
— elle<br />
crée en principe une inflation monétaire<br />
et que toute inflation est pernicieuse dans son essence et engen<br />
dre de néfastes effets qu'il est superflu de rappelée.<br />
« La Banque s'est toujours attachée à refuser toute émission<br />
de cette nature et si, pendant la guerre, au moment où le salut<br />
de la France devenait la loi suprême, elle a donné, même sous<br />
cette forme, tout son concours à l'Etat, elle a du moins obtenu<br />
sans délai le règlement d'une telle dette.<br />
« En dehors d'une avance gratuite de trésorerie de 18 millions<br />
fixée par la convention du 12 décembre 1917, relative au renou<br />
vellement du privilège, la Banque n'a consenti d'avances à l'Al<br />
gérie et à la Tunisie que dans les limites de ses propres réserves<br />
disponibles. Elle a ainsi, non pas créé des billets contre une<br />
créance sur l'Etat, mais mis à la disposition de celui-ci des<br />
ressources déjà existantes et placées en réserve par elle.<br />
« L'application de la loi nouvelle entraînait des conséquences<br />
contraires à cette sage politique et conduisait à une certaine<br />
inflation,<br />
pour des chiffres il est vrai peu élevés et dans des<br />
conditions qui devaient en atténuer considérablement l'effet.<br />
Néanmoins, il a paru qu'il était nécessaire de la réduire, dans le<br />
présent, au chiffre le plus faible possible et il a été convenu que<br />
les avances consenties à l'Algérie et à la Tunisie, aussi bien que<br />
l'avance de trésorerie, seraient amorties à l'aide du produit de<br />
là réévaluation. De plus, l'Etat français a décidé, comme il<br />
l'avait fait vis-à-vis de la Banque de France, d'appliquer une
— — 266<br />
part de ce produit au rachat de notre encaisse métallique argent.<br />
Ainsi se trouvent assez sensiblement réduites les sorties actuelles<br />
de nouveaux billets.<br />
« L'Etat a dû se préoccuper — sans que la Banque ait eu à<br />
intervenir dans cette question — de<br />
l'emploi qu'il ferait des<br />
sommes ainsi disponibles. Il nous a fait connaître qu'il avait<br />
décidé de faire participer l'Algérie et la Tunisie,<br />
un tiers, au produit de la réévaluation.<br />
chacune pour<br />
« En conséquence, à la date du 29 septembre 1928, la conven<br />
tion d'exécution prévue par la loi monétaire a été arrêtée. »<br />
Le produit total de la réévaluation s'étant élevé à francs :<br />
141.573.572,25, les comptes de chaque gouvernement intéressé<br />
ont été ainsi fixés par application de cette convention :<br />
1/3 du produit total,<br />
A déduire :<br />
1° ETAT FRANÇAIS<br />
soit Frs 47.191.190 75<br />
Avance de 18 millions (lois des 5 juillet<br />
1900, 29 décembre 1911 et 29 décembre<br />
1918) Frs 18.000.000 »<br />
Reste net Frs 29.191.190 75<br />
Cette somme est appliquée au rachat d'une partie de l'en<br />
caisse argent de la Banque de l'Algérie, le surplus de cette<br />
encaisse argent devant être repris par l'Etat avant la fin de<br />
l'année 1929.<br />
2° ALGERIE<br />
1/3 du produit total, soit Frs 47.191.190 75<br />
A déduire :<br />
Avance de 30 millions (Loi du 26 juillet<br />
1927) Frs 30.000.000 »<br />
Reste net au crédit de l'Algérie Frs 17.19L190 75
1/3 du produit total,<br />
A déduire :<br />
— — 267<br />
3° TUNISIE<br />
soit Frs 47.191.190 75<br />
Avance de Frs 4.000.000 »)<br />
(décrets des 7 mai 1904 et 30<br />
décem. 1918).<br />
Avance de Frs 3.100.000 A<br />
(décret du 16 juillet 1927).<br />
Frs 7.100.000 »<br />
Reste net au crédit de la Tunisie Frs 40.091.190 75<br />
En dehors de la monnaie ayant cours en Algérie, on trouve<br />
dans la circulation un certain nombre de billets de la Banque<br />
de France apportés par les voyageurs ou expédiés par la poste.<br />
Ces billets n'ont pas cours légal et ni les caisses de l'Etat, ni<br />
la Banque de l'Algérie ne sont tenues de les accepter ou de les<br />
échanger au pair. Toutefois,<br />
en ce qui concerne la Banque<br />
de l'Algérie, des engagements ont été pris par elle à ce sujet,<br />
en 1918, vis-à-vis du gouvernement. Lorsque les voyageurs veu<br />
lent disposer de sommes tant soit peu importantes, ils peuvent<br />
utiliser l'intermédiaire des banques en se faisant délivrer<br />
notamment des chèques, lettres de crédit, etc... Mais,<br />
pour les<br />
sommes peu élevées, il a paru que des mesures d'exception s'im<br />
posaient et la Banque de l'Algérie s'est engagée à échanger,<br />
jusqu'à concurrence de 4.000 francs, ses propres billets au pair,<br />
contre des billets de la Banque de France à toute personne<br />
justifiant de son départ d'Algérie, dans chacune des villes d'Al<br />
ger, d'Oran, de Bône, de Philippeville et à donner, dans certains<br />
ports d'embarquements métropolitains, aux voyageurs justifiant<br />
de leur départ pour l'Algérie, les mêmes facilités d'échange au<br />
pair des billets de la Banque de France contre des billets de la<br />
Banque de l'Algérie. Elle s'est entendue avec la Banque de<br />
France pour assurer ces échanges, qui ne donnent lieu en pra<br />
tique à aucune difficulté, de même que les billets de la Banque<br />
LE BILLET<br />
DE LA<br />
BANQUE<br />
DE FRANCE<br />
EN ALGÉRIE.
RÈGLEMENTS<br />
PAR<br />
ÉCRITURES :<br />
CHÈQUES<br />
ET<br />
VIREMENTS.<br />
- 268<br />
--<br />
de France qui peuvent se trouver en circulation en Algérie, en<br />
raison d'une tolérance de fait, ne sont cause d'aucune gêne pour<br />
le public (1) ; l'on ne saurait plus dire qu'il y<br />
ait lieu dé se<br />
préoccuper, dans ce cas, du change manuel entre la France et<br />
l'Algérie.<br />
Les règlements des transactions ne S'effectuent pas seule<br />
ment au moyen de la monnaie et du billet de banque. Le déve<br />
loppement des comptes de dépôts dans les banques a grande<br />
ment facilité l'usage des chèques et virements, sinon dans toute<br />
l'Algérie, du moins dans les grands centres.<br />
Il est difficile de se rendre un compte exact de la part qui<br />
revient, dans les règlements, à ces procédés plus perfectionnés<br />
de payement. Quelques chiffres, toutefois, donnent, à cet<br />
égard, d'intéressantes indications.<br />
A la Banque de l'Algérie, les payements d'effets, réglés par<br />
virements et chèques, représentent à Alger plus de 60 % du total<br />
des sommes payées, la part des règlements par virements étant,<br />
dans cette proportion, de beaucoup la plus forte, celle des règle<br />
ments par chèques étant au contraire très faible.<br />
Du 16 janvier au 15 février 1929, sur 46.714 effets payés,<br />
pour un total de 265.544.178 fr. 86, 9.965 effets d'un montant<br />
global de 173.969.302 fr. 56 ont été réglés par virements ou<br />
chèques (dont seulement 176 par chèques) et 36.749 en espèces<br />
pour un montant global de 91.574.876 fr. 88.<br />
La grande importance des virements,<br />
qui est loin d'atteindre<br />
encore il est vrai, toutes proportions gardées, celle que l'on<br />
constate dans les écritures de la Banque de France, ne cesse de<br />
s'accroître (2). Elle donne la preuve que, dans l'état de l'orga-<br />
(1) il pénètre aussi des billets marocains en Algérie comme il entre du<br />
reste des billets algériens au Maroc ; les Uns et les autres sont féèxpé*diés<br />
dans leurs pays respectifs par les soins des deux instituts d'émission.<br />
Le montant des billets marocains rapatriés par la Banque de l'Algérie<br />
s'est élevé en 1927, à 23.414.200 et eh 1928, à 8.065.870. Celui des billets<br />
algériens rapatriés par la Banque d'Etat du Maroc s'est élevé en 1927,<br />
à 7.138.880 et en 1928, à 16.388.420.<br />
(2\ À Londres le total des paiements* par1 chèques faits chaque jour est
— - 269<br />
nisation bancaire algérienne, la Banque de l'Algérie suffit à<br />
jouer le rôle de chambre de compensation, ce qui explique qu'il<br />
n'existe pas encore à Alger de groupements spéciaux de com<br />
pensation, comme dans la France métropolitaine.<br />
La Banque de l'Algérie s'attache d'ailleurs à faciliter, autant<br />
qu'il peut dépendre d'elle, les règlements par écritures, qui<br />
demeureront naturellement encore limités tant que les habitudes<br />
de thésaurisation du numéraire par les indigènes n'auront pas<br />
pu céder devant les avantages que présenterait pour beaucoup<br />
d'entre eux le dépôt en banque.<br />
supérieur à 1 milliard de francs. Les paiements s'effectuent avec une telle<br />
économie de numéraire qu'on peut considérer ce dernier comme n'étant<br />
qu'en quantité infinitésimale. Aux Etats-Unis, 80 à 85 % du montant<br />
des transactions sont réglés au moyen de chèques. A la Banque de France,<br />
en 1928, la proportion des règlements par virements atteint 89 %.
CHAPITRE IX<br />
LE CHANGE<br />
Caractéristiques du change extérieur algérien. Il est avant tout<br />
franco-algérien. éléments de la balance des comptes entre la france<br />
et l'Algérie. Difficultés que rencontre spécialement en Algérie le<br />
règlement de la balance des comptes extérieurs. l.es besoins du thésor<br />
et ceux du Commerce. Ouverture et fonctionnement du compte-courant<br />
du Trésor a la Banque de l'Algérie. Rôle du service des Postes. Le<br />
taux de l'escompte demeure le régulateur suprême des règlements exté<br />
RIEURS de l'Algérie. Valeur des indications que peuvent donner pour la<br />
FIXATION DU TAUX DES ESCOMPTES CERTAINS INDICES ÉCONOMIQUES. HEU<br />
REUX EFFET D'UN ACCORD ENTRE LE TRÉSOR ET LA BANQUE ABOUTISSANT A LA<br />
SUPPRESSION DU CHANGE ENTRE LA FRANCE MÉTROPOLITAINE ET L'ALGÉRIE.
Il existe en Algérie, comme dans tous les pays, une question<br />
du change extérieur, c'est-à-dire du règlement des dettes con<br />
tractées vis-à-vis des autres pays et réciproquement.<br />
La France étant le principal créancier et le principal débiteur<br />
de l'Algérie, et les Algériens, lorsqu'ils ont à régler des dettes<br />
dans un pays autre que la France, se procurant la plupart du<br />
temps la monnaie de ce pays non pas directement, mais par<br />
l'intermédiaire de la Métropole, le change extérieur algérien<br />
offre cette particularité d'avoir été longtemps presque exclusi<br />
vement et de demeurer encore essentiellement un change franco-<br />
algérien (1). La question du change en Algérie se ramène donc<br />
(1) A un moment donné, de 1882 à 1889, il s'est présenté une question<br />
spéciale de change entre l'Algérie et l'Espagne. Jusqu'au mUieu de l'an<br />
née 1882, U ne circulait en Algérie qu'une quantité relativement restreinte<br />
de monnaies espagnoles. Cette circulation ne créait d'aUleurs aucune dif<br />
ficulté, le public accueillant facilement cette monnaie en raison des débou<br />
chés assurés tant par les échanges réguliers de la région d'Oran avec l'Es<br />
pagne, où les Oranais s'approvisionnaient alors de primeurs, de fruits et de<br />
vin, que par le paiement de la main-d'œuvre espagnole qui venait chaque<br />
année effectuer la moisson et la cueillette de l'alfa. Mais bientôt, sous<br />
l'influence de la baisse du prix du métal argent, le Gouvernement espagnol,<br />
pour profiter des bénéfices immédiats que lui offrait le marché du métal<br />
blanc à Londres, frappa de la monnaie d'argent, non seulement comme<br />
monnaie courante, mais en dehors de toutes proportions justifiées par des<br />
besoins réels. Tant en pièces de 5 pesetas qu'en monnaies divisionnaires,<br />
il frappa de 1876 à 1885 près de 600 millions de pièces d'argent, dont près<br />
de 70 millions de pièces de 5 pesetas et de 80 millions de petite monnaie<br />
dans les seules années de 1882 à 1885. Cette monnaie d'argent se substitua<br />
dans la circulation intérieure espagnole à la monnaie d'or qui fut exportée<br />
et bientôt le change extérieur devint défavorable à l'Espagne. Comme, par<br />
suite de la tolérance ancienne, la circulation de la monnaie espagnole ne<br />
rencontrait pas plus d'entrave dans la région d'Oran que dans l'Espagne<br />
elle-même, les règlements des achats faits par les Espagnols dans cette<br />
région furent effectués avec cette monnaie dépréciée. L'invasion des piè<br />
ces espagnoles fut d'autant plus abondante que d'une part les récoltes de<br />
la péninsule ibérique firent à peu près défaut à cette époque, en particu<br />
lier à la suite de l'épidémie de choléra qui y sévit en 1885 et qui, paraly<br />
sant les travaux agricoles, entraîna de forts achats de céréales en Oranie,<br />
et que, d'autre part, les achats de l'Algérie en Espagne cessèrent par suite<br />
du développement de la culture de la vigne et de la prohibition de l'in<br />
troduction de tous végétaux édictée dans la colonie comme mesure de<br />
défense contre le phylloxéra. Au moment où les pièces espagnoles entraient<br />
en grande quantité en Algérie, toutes voies de rapatriement leur étaient<br />
fermées. La circulation monétaire de l'Algérie menaça bientôt d'être<br />
CARACTÉ<br />
RISTIQUES<br />
DU CHANGE<br />
EXTÉRIEUR<br />
ALGERIEN.<br />
IL EST AVANT<br />
TOUT FRANCO-<br />
ALGÉRIEN.
— - 274<br />
à peu près à celle-ci : dans quelles conditions,<br />
avec quels frais<br />
et quels risques, les Algériens peuvent-ils se procurer la monnaie<br />
française dont ils Ont besoin pour régler leurs dettes ; dans<br />
quelles conditions, avec quels frais et quels risques, les Français<br />
peuvent-ils se procurer la monnaie algérienne nécessaire pour<br />
régler les leurs ?<br />
Lorsqu'il existe, comme c'était le cas avant la guerre, une<br />
circulation métallique en Algérie,<br />
ces règlements se trouvent<br />
facilités par le fait que la même monnaie d'or et d'argent est<br />
utilisée dans les deux pays ;<br />
départements algériens sont, vis-à-vis de l'ensemble de la France,<br />
dans la même situation que tout autre département. Mais les<br />
pour l'emploi de cette monnaie les<br />
monnaies fiduciaires sont indépendantes et les billets de banque<br />
spéciaux à chacun des deux groupes de départements n'ont pas<br />
cours dans l'autre. Aussi, lorsque les règlements ne peuvent plus<br />
être exécutés par compensation de créances et qu'il faut avoir<br />
recours à un transport de numéraire, le billet de banque n'est<br />
pas utilisable pour cet objet et ce transport ne peut être réalisé<br />
que sous forme de métal monétaire, comme entre deux pays<br />
étrangers,<br />
latine, ayant des monnaies de même valeur circulant indiffé<br />
par exemple entre deux pays de l'ancienne Union<br />
remment dans l'un comme dans l'autre. Depuis que la monnaie<br />
métallique a disparu, la difficulté est devenue plus grande et la<br />
situation est celle de deux pays qui n'auraient aucun signe moné<br />
taire commun et n'auraient même pas le moyen d'effectuer entre<br />
eux des envois d'espèces. En temps normal et d'une façon géné<br />
rale, le prix du change franco-algérien est donc, en principe, sus<br />
ceptible d'évoluer entre deux points extrêmes déterminés par<br />
les seuls frais de transport et d'assurances des espèces métalli-<br />
viciée par cette monnaie dépréciée ; le Gouvernement dut concerter avec<br />
la Banque de l'Algérie diverses mesures pour mettre obstacle à cette inva<br />
sion. L'ancienne tolérance cessa ; les caisses refusèrent peu à peu toute<br />
monnaie espagnole ; la Banque de l'Algérie ne les admit que sous déduc<br />
tion d'un change judicieusement calculé, ou profita des occasions qui<br />
purent, par accident, se présenter pour réexpédier ces pièces, mais la liqui<br />
dation du stock fut longue. Elle créa des difficultés au commerce local,<br />
entraîna des protestations de la part des intéressés qui subissaient des<br />
pertes assez appréciables en réalisant leur monnaie. Elle provoqua une<br />
raréfaction temporaire de monnaie d'appoint dans le pays, qu'il fallut<br />
réapprovisionner en espèces nationales. Elle ne se termina qu'en 1899, non<br />
sans avoir entraîné pour la Banque de l'Algérie des frais et des pertes<br />
dont le montant atteignit plusieurs centaines de milliers de francs.
— — 275<br />
ques ayant cours dans les deux pays; mais, à toute époque, la<br />
rareté de la monnaie en Algérie et, depuis la guerre, sa dispari<br />
tion constituent un élément particulier qui complique les données<br />
du problème.<br />
L'admission réciproque au pair des billets de banque français<br />
et algériens par les deux banques d'émission pourrait trancher<br />
cette dernière difficulté ; mais, si elle se généralisait, elle aurait<br />
pour conséquence, comme l'attribution du cours légal aux billets<br />
de la Banque de France en Algérie et réciproquement, de créer<br />
une circulation incontrôlable de part et d'autre, chacune des<br />
banques intéressées n'ayant guère le moyen de restreindre, en<br />
cas de nécessité, par le procédé normal de l'élévation du taux<br />
de l'escompte, la partie extérieure de sa circulation fiduciaire<br />
et de faire rentrer dans ses caisses ceux de ses billets qui com<br />
poseraient cette circulation. Chaque banque, liée par une limi<br />
tation légale ou par la proportion qu'elle doit maintenir à la<br />
couverture de ses billets, risquerait de ne plus disposer d'un<br />
pouvoir d'émission suffisant pour répondre aux besoins du com<br />
merce de son pays. La présence d'une circulation parasitaire<br />
pourrait, de plus, en certains cas, exercer une influence analogue<br />
à celle d'une inflation monétaire d'or et agir sur les prix dans<br />
le sens de la hausse (1). Quel que soit le but qu'elle veuille<br />
(1) Nous écartons l'hypothèse où, pour des raisons spéciales, les biUets<br />
circulant à la fois en France et en Algérie n'auraient pas la même valeur<br />
réelle et où il s'établirait entre eux un change. L'une de ces raisons serait<br />
notamment une différence dans la valeur de la contre-partie de ces bil<br />
lets. Cette contre-partie est constituée par le portefeuille et l'encaisse,<br />
sans parler des autres éléments de l'actif. C'est la valeur du portefeuille<br />
qui est déterminante ; l'encaisse joue un rôle de trésorerie et exerce sub-<br />
sidiairement une action d'ordre psychologique ; il est important qu'elle<br />
soit assez élevée pour que la Banque soit assurée de faire face à toutes<br />
les demandes de remboursement de ses billets qui peuvent pratiquement<br />
se produire, surtout en vue de règlements internationaux, et c'est pour<br />
cela qu'on estime en général qu'il est sage de disposer d'une encaisse ou<br />
de comptes-courants immédiatement convertibles en or dans une proportion<br />
d'environ 30 % des engagements à vue. Mais cette proportion, qui est tout<br />
empirique, ne présente qu'un intérêt secondaire ; elle n'a jamais à elle<br />
seule été suffisante pour déterminer la valeur d'un billet. La variété des<br />
règles, suivies à cet égard depuis leur fondation par les banques d'émission<br />
dont les billets ont gardé une valeur indiscutée, en est une preuve certaine.<br />
Ce n'est pas sur une différence plus ou moins légère de pourcentage que<br />
s'établit la comparaison entre les billets des banques d'émission. La véri<br />
table couverture du billet, ce qui détermine sa valeur, c'est le portefeuille;<br />
lorsque celui-ci comprend des éléments douteux, ou insuffisamment liqui<br />
des, sa valeur est compromise. C'est ce qui arrive lorsqu'à des créances
— — 276<br />
atteindre, soit qu'elle s'efforce de maintenir dans les limites<br />
légales sa propre circulation, soit qu'elle cherche à agir sur la<br />
circulation totale du pays pour combattre une inflation moné<br />
taire, la banque d'émission devrait relever le taux de son<br />
escompte plus fréquemment et surtout plus fortement que si<br />
elle n'avait à tenir compte que de sa seule émission. Comprimer<br />
sa propre circulation intérieure serait pour elle l'unique moyen<br />
de réduire la circulation monétaire et fiduciaire totale du pays.<br />
Mais cette mesure risquerait elle-même d'être inefficace lorsqu'il<br />
s'agirait de combattre l'inflation monétaire provenant d'une<br />
inflation de crédit, car il demeurerait dans le pouvoir de l'autre<br />
banque d'émission de maintenir ou même d'aggraver cette infla<br />
tion,<br />
en accordant des facilités de crédit et en augmentant sa<br />
propre circulation extérieure. A défaut d'entente entre elles,<br />
chacune des banques d'émission risquerait donc de perdre le<br />
contrôle de l'escompte et celui de la circulation. Pour les ressai<br />
sir, elle serait exposée à multiplier ou à aggraver des mesures<br />
de défense dont les conséquences pourraient être défavorables au<br />
crédit. En fait,<br />
ce serait la Banque de l'Algérie et non la Banque<br />
de France qui se trouverait en face de ces difficultés. Le com<br />
merce algérien serait le premier à en souffrir et le remède serait<br />
sans doute pire que le mal.<br />
Il faudrait donc aller au delà et substituer la Banque de<br />
France à celle de l'Algérie. Mais serait-ce, à l'heure actuelle,<br />
une solution profitable à la Colonie ? On a vu plus haut pourquoi<br />
il existe dans les deux pays deux banques d'émission différentes,<br />
dont les rôles n'ont pas été, dès l'origine, exactement les mêmes,<br />
dont le régime d'émission a été soumis à des règles qui ont été<br />
commerciales s'ajoutent ou se substituent des créances immobilières, des<br />
commandites, du papier de spéculation, des créances sur l'Etat pour un<br />
chiffre exagéré, ou des créances sur un Etat trop obéré. On s'en est bien<br />
rendu compte depuis la guerre : c'est la crainte de voir l'Etat français<br />
devenir incapable de rembourser intégralement et rapidement sa dette à<br />
la Banque de France qui a aggravé brusquement les reculs du change fran<br />
çais, déterminés, dans leur mouvement général, par l'excès d'une émission<br />
qui ne représentait pas des opérations commerciales et qui avait multiplié<br />
à l'excès, pour les besoins de l'Etat, les signes monétaires. Dans ce cas, peu<br />
importe qu'il existe ou qu'il n'existe pas une double circulation de bil<br />
lets différents. Si l'un des billets était vicié dans son origine, U se dépré<br />
cierait de lui-même et la circulation commune des billets ne créerait<br />
qu'une difficulté locale, en rendant plus visible la dépréciation subie par<br />
le billet vicié, mais ce n'est pas elle qui la provoquerait.
- 277<br />
—<br />
bien souvent dissemblables et qui répondent encore à des situa<br />
tions économiques difficilement comparables.<br />
Le dualisme bancaire est un fait d'origine ancienne et parfai<br />
tement explicable, dont nous ne voulons retenir ici qu'une<br />
conséquence : la transformation en une sorte de change extérieur<br />
du change intérieur entre les départements français d'Algérie<br />
et les départements métropolitains.<br />
Pour mesurer exactement la difficulté que doivent,<br />
en prin<br />
cipe, éprouver les débiteurs d'un des deux pays à se procurer<br />
la monnaie nécessaire aux paiements à effectuer dans l'autre,<br />
en un mot pour apprécier les besoins de change réciproques de<br />
l'Algérie et de la Métropole, il faudrait établir leur compte annuel<br />
en doit et en avoir, et même en déterminer le solde périodique,<br />
sinon quotidien.<br />
Il n'existe guère de compte plus difficile à dresser. Le premier<br />
élément qui retient l'attention est le mouvement du commerce<br />
d'importations et d'exportations. Les statistiques douanières ne<br />
le retracent qu'incomplètement ; elles peuvent donner une indi<br />
cation approximative ; mais combien d'éléments d'erreurs ne<br />
doivent-elles pas nécessairement contenir,<br />
en dehors même de<br />
celles qui peuvent se produire dans la détermination des valeurs<br />
en douane ? Si, dans l'ensemble,<br />
on peut tenir pour relativement<br />
exactes les indications données sur les produits agricoles et les<br />
matières premières dont le transport est facile à contrôler, il<br />
n'en est pas de même en ce qui concerne les produits fabriqués,<br />
les colis postaux, les bagages même des voyageurs, touristes ou<br />
commerçants, qui contiennent des bijoux, des étoffes, des articles<br />
de Paris, etc., échappant à presque tout recensement. Même si<br />
ces statistiques avaient une réelle valeur indicative concernant<br />
l'existence des dettes et des créances commerciales entre les deux<br />
pays, elles ne donneraient qu'imparfaitement la mesure de l'im<br />
portance des règlements provoqués par ces dettes et ces créan<br />
ces. Les exportations et les importations de marchandises ne sont<br />
pas nécessairement accompagnées d'un mouvement de fonds cor<br />
respondant. Il n'y a pas, dans le temps,<br />
correspondance exacte<br />
entre les achats et les paiements. Il n'y a pas non plus identité<br />
18<br />
ÉLÉMENTS<br />
DE LA<br />
BALANCE DES<br />
COMPTES<br />
ENTRE LA<br />
FRA NCE ET<br />
L'ALGÉRIE.
- 278<br />
-<br />
cle montant entre les encaissements effectués par le commerce<br />
extérieur dans un pays acheteur et le rapatriement au pays<br />
vendeur des fonds ainsi encaissés.<br />
D'autre part, le mouvement des capitaux n'est pas déterminé<br />
seulement par celui des marchandises. Il est, en grande partie,<br />
alimenté par des fonds investis ou par les dépenses effectuées<br />
sur place par les Algériens en France ou à l'étranger et par<br />
les Français ou les étrangers en Algérie ; il l'est également par<br />
les gains réalisés dans un des pays par les habitants de l'autre :<br />
paiements de commissions et de services divers, assurances,<br />
salaires des ouvriers et employés,<br />
produits des placements de<br />
fonds, profits des entreprises, dont les bénéficiaires rapatrient<br />
une partie, parfois même la totalité, dans leur pays d'origine.<br />
Enfin, dans les rapports entre l'Algérie et la France, à ce<br />
mouvement des capitaux privés viennent s'ajouter les règle<br />
ments de dépenses et recettes pour compte réciproque de la<br />
Colonie et de la Métropole ; si, jusqu'à ces derniers temps,<br />
l'Algérie n'avait qu'une dette publique extérieure insignifiante,<br />
par contre, les dépenses effectuées par la France dans la colo<br />
nie y ont été, longtemps proportionnellement des plus élevées et<br />
demeurent encore considérables.<br />
Le mouvement des capitaux joue un rôle très important dans<br />
les rapports entre l'Algérie et la France. Il n'est pas possible<br />
d'en établir une statistique ayant une valeur quelconque com<br />
parable même à celle des statistiques du commerce. Ce mouve<br />
ment se manifeste par des règlements par écritures, des ouver<br />
tures de crédit en banque, des envois d'espèces ou de valeurs,<br />
d'effets de commerce, de chèques,<br />
par des émissions de mandats<br />
divers, en particulier des mandats et chèques postaux,<br />
qui ne<br />
peuvent être distingués de ceux auxquels donne lieu le règle<br />
ment des importations et des exportations. Il faudrait, de plus,<br />
rapprocher de ces sortes de règlements le mouvement des<br />
espèces (1) et des billets, soit envoyés par la poste, soit apportés<br />
ou remportés par les voyageurs et par les navires étrangers<br />
(1) Les statistiques douanières donnent seulement l'indication des mou<br />
vements des monnaies d'or et d'argent expédiées par groups. Ces mouve<br />
ments, pour les années qui ont précédé la guerre, ss traduisent par un<br />
excédent d'importation d'environ 6 millions par an.
— 27<br />
qui viennent se ravitailler et effectuent des ventes ou des achats<br />
dans les ports algériens et inversement. Ces derniers mouve<br />
ments de numéraire ne sont pas négligeables et, lorsque la<br />
circulation des monnaies métalliques était assurée en Algérie,<br />
ils n'étaient pas sans exercer une influence très appréciable sur<br />
le stock monétaire existant dans le pays. En ce qui concerne<br />
les billets,<br />
on peut en mesurer l'importance en constatant que<br />
depuis la guerre la Banque de l'Algérie a reçu dans ses caisses<br />
plus de 300 millions de billets de la Banque de France. Il y a,<br />
on le voit, bien des chiffres qui nous échappent et d'autres qui<br />
font double emploi : il serait donc assez vain de prétendre dresser<br />
un bilan comptable détaillé des échanges entre la France et<br />
l'Algérie (1) ; et il faut reconnaître que le problème du change<br />
franco-algérien est, par la nature même de ses données, au<br />
moins aussi complexe que tout autre problème de change inter<br />
national.<br />
La variété des époques auxquelles se produisent les mouve<br />
ments —<br />
souvent<br />
opposés<br />
— du<br />
change,<br />
aggrave encore cette<br />
complexité. Elle tient avant tout à la nature différente des<br />
produits exportés et des produits importés. L'Algérie, —<br />
toujours revenir à cette vérité première,<br />
agricole et, de plus,<br />
— est<br />
il faut<br />
surtout un pays<br />
un pays dont la production agricole est<br />
instable, irrégulière, dépendant d'une nature capricieuse. La<br />
plupart des produits algériens ne se présentent pas à l'exporta<br />
tion avec une certaine régularité,<br />
comme cela peut se produire<br />
lorsqu'il s'agit, par exemple, de marchandises manufacturées ou<br />
de matières premières . (2) Ils<br />
peuvent, certaines années, s'offrir<br />
(1) Dans son rapport sur le budget spécial de l'Algérie pour 1909 M.<br />
Cochery, avec une louable conscience et une forte documentation, s'est<br />
efforcé, sinon de dresser ce bilan, du moins d'en présenter les principaux<br />
éléments. Les chiffres qu'il relève sont incomplets et n'ont qu'une valeur<br />
indicative.<br />
(2) Le fait que les mines sont, pour la presque totalité, exploitées par<br />
des Sociétés métropolitaines ou étrangères, dont la trésorerie se centralise<br />
hors de l'Algérie, diminue l'action régulatrice que lss ventes de minerais<br />
devraient en principe assurer à la balance des comptes. Elles n'exer<br />
cent cette action que sur la balance du commerce extérieur, dans les<br />
statistiques douanières, mais non complètement dans les règlements.<br />
sauf par le paiement des frais locaux d'exploitation.<br />
DIFFICULTÉS<br />
QUE<br />
RENCONTRE<br />
SPÉCIA<br />
LEMENT<br />
EN ALGÉRIE<br />
LE RÈGLE<br />
MENT DE LA<br />
BALANCE<br />
DES COMPTES<br />
EXTÉRIEURS.
— — 280<br />
très abondamment sur le marché extérieur ; dans d'autres,<br />
au contraire, ils sont assez rares ou même complètement absent*.<br />
Les marchandises importables sont, au contraire, en général,<br />
des matières premières ou des produits fabriqués nécessaires<br />
à l'existence ou à la mise en valeur du pays ; la plupart des<br />
marchandises sont donc importées selon un rythme relativement<br />
régulier si on le compare aux brusques variations des exporta<br />
tions. Le rythme des importations est seulement accéléré ou<br />
ralenti selon l'importance des ressources que les exportations<br />
mettent à la disposition du pays,<br />
selon les besoins de son ali<br />
mentation lorsque les récoltes sont insuffisantes,<br />
ou selon ceux<br />
de son développement agricole et industriel. De ce fait, le change<br />
entre les deux pays est normalement exposé à d'amples varia<br />
tions,<br />
non prévisibles à longue échéance.<br />
Mais il y a plus encore ; les deux pays en présence ont des<br />
capacités de règlement bien différentes ; d'un côté, la France<br />
qui est un grand marché international de capitaux et qui, avant<br />
la guerre, jouissait d'une abondante circulation de monnaies d'or<br />
et d'argent, d'un stock d'or exceptionnellement élevé dans les<br />
caves de sa banque d'émission, de réserves métalliques égale<br />
ment très importantes dans les caisses ou dans les bas de laine<br />
des particuliers, qui, enfin, était, à cette date, créancière du<br />
monde ; de l'autre, l'Algérie,<br />
qui est généralement débitrice<br />
de la France et qui n'en est que très exceptionnellement et tem<br />
porairement créancière, bien qu'elle le soit en général de quel<br />
ques pays étrangers. Sa banque d'émission, exerçant son privi<br />
lège dans un pays neuf, n'a pu trouver, ni dans les ressources<br />
locales ni dans les mouvements de capitaux entre la Colonie<br />
et la Métropole, des éléments suffisants pour constituer des<br />
réserves d'or importantes ou de larges disponibilités à Paris<br />
ou sur les grandes places étrangères. Le pays ne dispose, en<br />
fait, ni d'espèces,<br />
ni souvent de créances extérieures. On com<br />
prend que le règlement du solde des dettes de la France vis-à-vis<br />
de l'Algérie puisse se faire en principe par des envois d'espèces<br />
d'or ou d'argent, mais qu'il est au contraire beaucoup plus<br />
difficile de réaliser de la même manière le règlement du solde<br />
des dettes de l'Algérie vis-à-vis de la France.<br />
Enfin la. guerre a, par deux fois, en moins d'un demi-siècle,
- 281<br />
—<br />
faussé les données complexes du problème par l'établissement du<br />
cours forcé, par la disparition complète des espèces métalliques,<br />
par un bouleversement des échanges.<br />
A défaut de statistique fournissant des conclusions positives,<br />
le raisonnement conduit donc à penser que le change franco-<br />
algérien doit être dans une position d'équilibre instable, rendant<br />
incertaines toutes prévisions à échéance un peu lointaine.<br />
En fait, il n'en est pas ainsi, parce que la question du change<br />
franco-algérien a été résolue en pratique dans des conditions<br />
telles que le public en général, que la plupart des intéressés<br />
eux-mêmes ne se doutent pas qu'elle existe.<br />
Tout problème de change se ramenant à une question de<br />
compensation à établir entre dettes et créances et de solde à<br />
régler, il est possible de le simplifier, d'atténuer son caractère<br />
en quelque sorte quotidien,<br />
par un aménagement rationnel du<br />
règlement des dettes et des créances existantes ou prévisibles ;<br />
à cet égard, la première difficulté à résoudre, en Algérie, est<br />
celle qu'entraîne l'absence de synchronisme entre les exporta<br />
tions et les importations.<br />
Un élément régulateur a été trouvé dans les dépenses mêmes<br />
que l'Etat français est obligé de faire en Algérie, et dans l'or<br />
ganisation de la trésorerie française dans la colonie. L'Etat<br />
effectue en Algérie un ensemble de dépenses qui,<br />
avant l'au<br />
tonomie financière dont jouit aujourd'hui la colonie, s'étendait<br />
à tous les services militaires et civils. Encore actuellement les<br />
dépenses de souveraineté effectuées par le Trésor métropolitain<br />
en Algérie s'élèvent à un total considérable qu'on peut évaluer<br />
entre 600 et 700 millions. Par contre, les services de trésorerie<br />
encaissent des sommes de plus en plus importantes,<br />
mais pro<br />
venant pour la presque totalité de l'impôt qui rentre à des épo<br />
ques déterminées. Il n'y<br />
a pas concordance entre ces paiements<br />
et ces perceptions et, comme il arrive presque toujours, il est<br />
nécessaire, en attendant les rentrées de fonds, d'assurer l'alimen<br />
tation des caisses par des « moyens de trésorerie ». Pendant<br />
longtemps,<br />
ces moyens de trésorerie ont consisté dans les<br />
émissions de traites du Trésor à court délai,<br />
payables à Paris<br />
LES BESOIN<br />
DU TRÉSOl<br />
ET CEUX DI<br />
COMMERCE
— - 282<br />
et à Marseille. Le Trésor évitait ainsi d'avoir à faire venir<br />
des fonds de la Métropole et le commerce se procurait de son<br />
côté les sommes qui lui étaient nécessaires pour payer en France<br />
ses importations. La Banque de l'Algérie, pour régler en France<br />
les correspondants dont elle recevait des effets payables dans<br />
la colonie, utilisait elle-même ces traites, soit qu'elle se les fît<br />
délivrer directement,<br />
soit qu'elle les escomptât aux porteurs<br />
qui n'en avaient pas l'emploi en France. Le Trésor ne se bornait<br />
pas à émettre des traites au fur et à mesure de ses besoins. II<br />
en émettait au delà de ceux-ci et en prévision de ses besoins<br />
futurs, mais il prélevait dans ce cas un change soit directement,<br />
soit en allongeant les délais de paiement des traites. Enfin,<br />
lorsque ses besoins présents et futurs lui paraissaient satisfaits,<br />
il en suspendait complètement l'émission (1). De son côté, la<br />
Banque de l'Algérie mettait à la disposition du commerce, par<br />
des tirages sur la France, les fonds qu'elle pouvait se procurer<br />
elle-même dans la Métropole,<br />
soit par suite du recouvrement des<br />
effets qui lui avaient été remis sur la France et sur l'étranger,<br />
soit en contre-partie des fonds qui lui étaient versés en vue<br />
de leur transfert en Algérie, soit au besoin,<br />
en se faisant con<br />
sentir à Paris des ouvertures de crédit. A défaut de telles<br />
disponibilités,<br />
qui se trouvaient vite épuisées lorsque le Trésor<br />
suspendait ses émissions ou les frappait de conditions jugées<br />
trop onéreuses par le commerce, il lui fallait,<br />
demandes de celui-ci,<br />
pour répondre aux<br />
envoyer du numéraire en France. On a vu<br />
que le régime d'émission auquel elle était soumise et la rareté<br />
de numéraire circulant en Algérie lui créaient à cet égard de<br />
(1) Jusqu'en 1884,<br />
ces traites étaient émises par le Caissier-payeur<br />
central. Les payeurs algériens en étaient approvisionnés et les endos<br />
saient au profit des bénéficiaires. Elles étaient d'un minimum de 500<br />
francs. Depuis 1884, ces traites furent remplacées par des mandats émis<br />
directement par les payeurs sur la Caisse centrale. Ces mandats sont<br />
uun minimum de 500 francs. Leur échéance fut à l'origine de 15 jours.<br />
Ils portaient alors un timbre de 0,50 •/„ ; en calculant les intérêts à 3 %,<br />
ces traites coûtaient 1,75 •/.,. En 1885, leur échéance fut portée à 30<br />
jours, ce qui élevait leur prix à 3 •/,». En 1894, leur échéance fut réduite<br />
à 6 jours, mais elles furent frappées d'une commission de 2,50 •/„„ ce qui<br />
porta leur prix à 3,50"/.. En 1895, l'échéance fut portée à 20jours, 'et leur<br />
coût revint à4,66'/.. ; enfin, en 1896, l'échéance fut de nouveau de 30 jours,<br />
toutes les autres conditions étant maintenues. Elles coûtaient alors 5,50<br />
•/•„ Depuis le développement pris par les mandats et chèques postaux,<br />
ces mandats du Trésor ne sont plus guère émis dans la pratique.
— -r- 283<br />
réelles difficultés. Quand elles devenaient trop fortes, la Banque<br />
devait, pour défendre son encaisse ou réduire des charges<br />
excessives, soit élever le taux de l'escompte,<br />
taines opérations de commissions spéciales.<br />
soit frapper cer<br />
Dans de telles conditions, le change se tendait si les besoins<br />
de règlement du commerce algérien à l'extérieur s'accentuaient<br />
et il se détendait si les besoins de fonds du Trésor en Algérie<br />
augmentaient ; ces phénomènes de tension et de détente se<br />
traduisaient dans les cas extrêmes, comme il est normal, par<br />
la hausse du taux de l'escompte ou par la diminution du prix<br />
des traites du Trésor.<br />
On comprit bientôt qu'il y avait dans l'influence exercée ainsi<br />
en sens contraire, par les besoins du commerce algérien en<br />
France et par ceux du Trésor français en Algérie, les éléments<br />
d'un rapprochement permettant de neutraliser en partie les<br />
effets des pointes extrêmes des besoins de l'un et de l'autre.<br />
Le Trésor français se fit ouvrir à Alger un compte par la<br />
Banque de l'Algérie (1). Au crédit de ce compte furent portées<br />
toutes les sommes qu'il encaissait à un titre quelconque et qui<br />
excédaient les besoins de la trésorerie journalière. Le compte<br />
constituait ainsi un réservoir, dans lequel venaient indistincte<br />
ment se déverser le montant des impôts, consignations, percep<br />
tions diverses, celui des sommes qu'il recevait de la Métropole,<br />
soit directement par des expéditions de numéraire,<br />
l'intermédiaire des banques,<br />
soit par<br />
enfin celles qui lui étaient seulement<br />
confiées contre délivrance de traites ou mandats payables en<br />
France et qui devaient être remboursées par le Trésor métro<br />
politain contre présentation de ces traites ou mandats. Par<br />
contre, le Trésor puisait dans ce réservoir les sommes néces<br />
saires pour faire face à tous ses paiements en Algérie. Il demeure<br />
aujourd'hui la source commune où s'alimentent la trésorerie de / '<br />
l'Etat français et celle de l'Algérie (2). y<br />
(1) Voir chapitre IV et V. Conventions de 1868, 1869, 1877.<br />
(2) Le compte du Trésor est alimenté par deux séries de ressources :<br />
1°<br />
Ressources ordinaires : Impôts, avances permanentes de la Banque de<br />
l'Algérie. Soldes créditeurs des correspondants du Trésor. Fonds libres<br />
des communes et des établissements publics ; comptes-courants cais-<br />
des<br />
OUVERTURE<br />
ET FONCTION<br />
NEMENT DU<br />
COMPTE-<br />
COURANT DU<br />
TRÉSOR A LA<br />
BANQUE DE<br />
L'ALGÉRIE.
./<br />
— 284 —<br />
Grâce à l'ouverture de ce compte, le Trésor dispose de res<br />
sources plus régulièrement aménagées et la Banque de l'Algérie<br />
fait rentrer dans ses caisses des billets qui diminuent sa cir<br />
culation ou du numéraire qui lui assure un accroissement de<br />
ses possibilités d'émission. Elle est moins exposée à se trouver<br />
dans l'obligation de faire venir du numéraire de France pour<br />
alimenter la circulation ou d'en immobiliser pour renforcer son<br />
encaisse ; il lui est plus aisé de consacrer les fonds dont elle<br />
dispose dans la Métropole au paiement des dispositions de la<br />
France ou de l'étranger sur l'Algérie ; les règlements extérieurs<br />
s'en trouvent facilités.<br />
Le mécanisme du change franco-algérien apparaît, dès lors,<br />
dass sa simplicité. Lorsqu'il s'agit de régler une dette de l'Al<br />
gérie en France, le Trésor ou la Banque reçoivent en Algérie les<br />
billets algériens destinés au paiement de cette dette et les<br />
correspondants de la Banque ou le Trésor métropolitain remet-<br />
ses d'épargne. Mandats-poste et chèques-postaux. Consignations adminis<br />
tratives et judiciaires. Cautionnements des comptables et entrepreneurs<br />
de travaux publics. Vente des produits des monopoles ; 2° Ressources<br />
Extraordinaires : Emprunts, Bons et Obligations du Trésor, fonds parti<br />
culiers des Trésoriers généraux. Sur ces ressources, le produit des émis<br />
sions de valeurs du Trésor, celui de la vente des produits des monopoles<br />
reviennent au Trésor métropolitain qui récupère, en outre, sur les ressour<br />
ces propres à l'Algérie la contribution de celle-ci aux charges militaires.<br />
Ces ressources sont employées par le Trésor algérien pour le paiement<br />
des dépenses budgétaires qui lui incombent, et par le Trésor métropolitain<br />
pour le service des valeurs du Trésor, le paiement des pensions de guerre<br />
et des pensions civiles à sa charge ; les dépenses de l'armée et de la<br />
marine, les achats pour le compte des monopoles, etc.. Le Trésor algérien<br />
dispose, d'autre part, dans la Métropole de recettes spéciales : produits<br />
encaissés pour le compte du budget algérien, annuités des chemins de<br />
fer, emprunts émis dans la Métropole ; il y dépense, par contre, les som<br />
mes nécessaires pour le service de ces emprunts, les traitements des fonc<br />
tionnaires algériens en résidence dans la Métropole (détachés, en congé)<br />
enfin les achats de matières, les fournitures pour les services administra<br />
tifs de la colonie.<br />
En général, la Trésorerie algérienne est à l'aise ; le budget de l'Algé<br />
rie lui assure des ressources qui excèdent ses dépenses. Le Trésor métropo<br />
litain a, au contraire, à faire face le plus souvent à des paiements qui<br />
excèdent ses recettes en Algérie. Les encaissements effectués par la Tré<br />
sorerie générale pour le compte de la Métropole se sont élevés en 1923,<br />
1924, 1925, à 375 millions, 194 millions et 250 millions, tandis que les<br />
décaissements ont atteint respectivement 949 millions, 849 millions et 720<br />
millions. Par contre, en atténuation, les trésoriers généraux de France et<br />
la Caisse centrale du Trésor à Paris effectuent dans la Métropole des<br />
paiements pour compte des comptables d'Algérie. Ces paiements s'éle<br />
vaient pour les mêmes années à une moyenne de 100 à 125 millions.
Le Port<br />
D'ORAN<br />
Ancien
— — 285<br />
tent en France au créancier métropolitain des billets de la<br />
Banque de France. Lorsqu'au contraire il s'agit de payer une<br />
dette de la France sur l'Algérie, les correspondants de la Banque<br />
ou le Trésor reçoivent des billets de la Banque de France destinés<br />
au paiement de cette dette et la Banque ou le Trésor remettent<br />
en Algérie au créancier algérien des billets de la Banque de<br />
l'Algérie.<br />
Dans le premier cas, au fur et à mesure de la délivrance, en<br />
Algérie, des mandats, traites ou chèques payables en France,<br />
le Trésor métropolitain ou la banque se substituent, vis-à-vis<br />
de la Métropole,<br />
aux débiteurs particuliers algériens. Le Trésor<br />
métropolitain effectue lui-même en France les paiements dont<br />
la trésorerie métropolitaine supporte le poids et il conserve<br />
à Alger les fonds reçus dans la colonie. La Banque charge ses<br />
correspondants de payer pour son compte dans la Métropole<br />
le montant des traites ou chèques tirés sur la France et elle<br />
les approvisionne à cet effet au moyen des fonds dont elle peut<br />
disposer hors de l'Algérie. En résumé, lorsqu'il s'agit de régler<br />
les dettes de l'Algérie en France, le solde créditeur du compte<br />
du Trésor s'élève ou les fonds dont la Banque de l'Algérie dispose<br />
à l'extérieur diminuent.<br />
Dans le cas contraire,<br />
au fur et à mesure de la délivrance<br />
en France des mandats, traites ou chèques payables en Algérie,<br />
le Trésor<br />
métropolitain ou la Banque se substituent vis-à-vis<br />
de l'Algérie aux débiteurs<br />
particuliers métropolitains. Le Trésor<br />
règle sa dette à Alger par le débit de son compte courant à la<br />
Banque. La Banque paie elle-même les traites ou chèques trans<br />
mis par ses<br />
correspondants qui la couvrent en créditant son<br />
lorsqu'il s'agit de régler des dettes<br />
compte chez eux. En résumé,<br />
de la France en Algérie, le solde créditeur du compte du Trésor<br />
diminue, ou les fonds dont la Banque de l'Algérie dispose à l'ex<br />
térieur s'accroissent.<br />
En dernière analyse,<br />
lorsqu'il s'agit de régler effectivement<br />
après compensation les dettes d'un pays dans l'autre, c'est la<br />
circulation fiduciaire du<br />
pays créancier qui se substitue au<br />
numéraire que devrait expédier le pays débiteur ; lorsqu'il s'agit<br />
our<br />
l'Algérie de payer la France, c'est la monnaie fiduciaire<br />
française qui est<br />
appelée à remplacer dans la Métropole la
- ?86-<br />
monnaie métallique qui aurait dû être envoyée d'Algérie ; à des<br />
rentrées de billets algériens dans les caisses de la Banque de<br />
l'Algérie —<br />
rentrées qui ont en général, leur contre-partie dans<br />
les écritures du compte courant du Trésor à Alger —<br />
correspon<br />
dent des sorties de billets de la Banque de France qui ont en<br />
général, leur contre-partie dans les écritures du compte courant<br />
du Trésor à la Banque de France à Paris. C'est la circulation<br />
fiduciaire algérienne qui joue le même rôle dans le cas contraire ;<br />
à des entrées de monnaies françaises dans les caisses du Tréso*-<br />
ou dans celles de la Banque de l'Algérie à Paris, correspondent<br />
des sorties de billets algériens.<br />
Il y a là, en quelque sorte, une application du système du<br />
Gold Exchange Standard. Les billets reçus en Algérie pour être<br />
remboursés en France en monnaies françaises constituent une<br />
créance sur l'or de la Banque de France,<br />
comme les billets reçus<br />
en France pour être remboursés en Algérie en monnaie algé<br />
rienne constituent une créance sur l'or de la Banque de l'Algérie.<br />
Si ces règlements ne sont pas effectués par le jeu d'un compte<br />
direct entre les deux banques d'émission, s'ils n'atteignent<br />
celles-ci que par le canal d'un intermédiaire qui est le Trésor,<br />
ils n'en exe-rcent pas moinn une action réciproque sur leurs bilans<br />
respectifs.<br />
Pour que cô système soit réellement efficace, il faut que le<br />
Trésor consente à ne pas réclamer le règlement en France de<br />
son solde créditeur à Alger et que la Banque conserve en France<br />
les soldes créditeurs provenant des règlements extérieurs effec<br />
tués par ses correspondants. Le Trésor a mis au non rapa<br />
triement du solde de son compte une double condition ; il a<br />
voulu à la fois que ce solde ne demeurât pas improductif et que<br />
la Banque prît toutes dispositions pour rendre son règlement<br />
possible à Paris. Pour obtenir un tel résultat, il a imposé à la<br />
Banque de lui payer un int&vt sur ce solde (1). Cet intérêt a<br />
été calculé de telle sorte que le taux en augmente avec le mon<br />
tant du solde et que la Banque peut souvent avoir avantage,<br />
(1) Il faut remarquer qu'en acceptant cette clause, la Banque a con<br />
senti un important sacrifice, puisqu'elle ne tire guère profit des fonds<br />
ainsi détenus par elle pour le compte du Trésor. Elle ne travaille pas<br />
comme les autres banques, avec des dépôts mais avec ses billets, elle n'a<br />
pas besoin d'attirer de3 dépôts par l'attrait d'un intérêt.
- -:h:<br />
—<br />
soit à utiliser ses disponibilités, soit à expédier du numéraire<br />
lorsqu'elle en a le moyen, pour régler le Trésor en France,<br />
soit, lorsque ces disponibilités sont insuffisantes ou que le<br />
numéraire risque de faire défaut, à élever le taux de l'escompte<br />
pour provoquer un renversement de la balance des comptes. En<br />
imposant cet intérêt à la Banque, l'Etat a repassé à celle-ci la<br />
charge pécuniaire indirecte résultant pour lui d'une immobili<br />
sation de fonds. Il a fourni l'instrument nécessaire au fonction<br />
nement du système et il a remis à la Banque le soin d'en payer<br />
elle-même les frais (1).<br />
La Banque, de son côté, est exposée à conserver en France<br />
des sommes dont elle aurait un emploi plus avantageux en Algé<br />
rie. Dans ce cas, par conséquent, elle supporte également le poids<br />
du change, non plus sous la forme d'un intérêt payé au Trésor,<br />
mais sous celle d'une diminution du rendement de son émission.<br />
Il peut même arriver que le Trésor soit appelé à recevoir en<br />
France pour être payées en Algérie des sommes excédant le<br />
montant du solde créditeur de son compte à Alger. Il doit y pour<br />
voir par un envoi de numéraire, à moins que la Banque ne<br />
consente à recevoir de lui en France de la monnaie française<br />
contre laquelle elle émettra des billets en Algérie, au risque<br />
d'accroître son avoir en France si peu productif qu'il soit. L'envoi<br />
du numéraire étant parfois matériellement à peu près impos<br />
sible —<br />
comme<br />
c'est le cas à l'heure actuelle —<br />
la<br />
Banque a<br />
généralement accédé aux demandes de cette nature que le Trésor<br />
a eu à maintes reprises l'occasion de lui adresser.<br />
Mais, il est juste d'ajouter que si les opérations qui donnent<br />
naissance à ces disponibilités en France ou à l'étranger sont<br />
peu productives pour la Banque, si l'emploi qu'elle en peut faire<br />
est lui-même peu rémunérateur (2), l'existence de ces disponi<br />
bilités présente l'avantage de lui permettre d'assurer non<br />
seulement la couverture de ses tirages sur la France et sur<br />
l'étranger,<br />
mais aussi celle de ses billets (3).<br />
(1) Ces frais ont été à certains moments si élevés qu'en 1907, par exem<br />
ple, ils ont représenté 40 % des bénéfices net3.<br />
(2) L'article 12 des statuts de la Banque interdit de faire au siège<br />
social de l'escompte et des avances sur titres.<br />
(3) Voir chapitre X,
ROLE<br />
DU SERVICE<br />
DES POSTES.<br />
— — 288<br />
L'intervention du service des postes a apporté de très impor<br />
tantes et très heureuses modifications dans le mécanisme des<br />
règlements tel qu'il avait été conçu à l'origine. Ce ne sont plus<br />
aujourd'hui des traites ou des mandats émis par le Trésor de<br />
l'Algérie sur la France qui servent aux paiements du commerce<br />
de la colonie dans la métropole ; ce sont des mandats et chèques<br />
postaux ; aux trésoriers-payeurs se sont substitués les agents<br />
des postes, dont les guichets, répandus sur tout le territoire,<br />
ont mis à la portée de tous, à un tarif uniforme, qui ne varie<br />
pas comme le taux d'émission des traites ou mandats du Trésor,<br />
des instruments de paiement utilisables à l'intérieur de l'Algé<br />
rie, aussi bien que dans tous les départements français. Chèques<br />
postaux, virements postaux, mandats postaux permettent à qui<br />
conque de régler ses dettes envers n'importe lequel de ses<br />
créanciers, n'importe où en France métropolitaine ou algérienne.<br />
Le commerce a trouvé là un instrument très supérieur aux<br />
anciennes traites du Trésor et il l'utilise soit directement, en<br />
s'adressant aux guichets de la poste,<br />
soit indirectement en<br />
s'adressant aux guichets des banques qui de leur côté ont re<br />
cours, le cas échéant,<br />
aux services de la poste. L'intervention<br />
de la poste a rendu effective et consacré la suppression du<br />
change entre la France et l'Algérie (1).<br />
Les règlements des opérations commerciales de l'Algérie s'ins<br />
crivent désormais, mieux que partout ailleurs, dans les comptes<br />
(1) Le Trésor alimente, à Alger, les caisses des postes par des fonds de<br />
subvention et les receveurs des Postes versent au Trésor leurs excédents.<br />
Si l'on compare, au cours des trois dernières années, l'écart entre les<br />
fonds de subvention et les versements, on constate que les versements<br />
excèdent chaque année d'un chiffre beaucoup plus élevé les fonds de<br />
subvention :<br />
Du 1" Mars 1926 au 28 Février 1927<br />
1927 au 29 — 1928<br />
— 1928 au 28 — 1929<br />
Versements<br />
1.254 millions<br />
1.573 -<br />
1.768 —<br />
Fonds de<br />
subvention<br />
1.207 millions<br />
— 1.331<br />
1.342 -<br />
Différences<br />
47 millions<br />
La différence en faveur des versements tend à établir que les disponi<br />
bilités dans les bureaux de Postes en Algérie ont augmenté considérable<br />
ment. Cela peut tenir au développement des comptes-postaux à l'intérieur,<br />
mais il faut y voir surtout la preuve que les règlements entre l'Algérie<br />
242<br />
426<br />
et la France se font de plus en plus par cet intermédiaire ; on y relève<br />
souvent de très importants mouvements effectués par les banques pour<br />
assurer des envois de fonds de France en Algérie et réciproquement.<br />
—<br />
—
—<br />
— 289<br />
courants postaux, mais la base du système n'en est pas changée<br />
et ce sont toujours ces règlements qui alimentent, aujourd'hui<br />
comme autrefois, la caisse dans laquelle le Trésor puise les<br />
fonds nécessaires au paiement de ses dépenses en Algérie et qui<br />
commandent en majeure partie les mouvements de son compte<br />
à la Banque de l'Algérie. Les seules différences qu'on puisse<br />
relever entre le système primitif et celui qui fonctionne actuelle<br />
ment proviennent, d'une part, de l'importance des chiffres et,<br />
d'autre part, de la substitution de services postaux aux guichets<br />
des trésoriers-payeurs.<br />
L'ouverture du compte du Trésor ne résout toutefois pas la<br />
difficulté principale à laquelle aboutit toute question de change:<br />
comment transférer le solde des comptes d'un pays débiteur<br />
au pays créancier ? Comment, en la circonstance, lorsque l'Algé<br />
rie est débitrice de la Métropole,<br />
est-il possible de mettre le<br />
Trésor à même de recevoir en France le solde de son compte<br />
à Alger, comment éviter que les disponibilités extérieures de la<br />
Banque ne s'épuisent ? Comment, dans le cas contraire, est-il<br />
possible de transférer de France en Algérie les sommes dont<br />
le Trésor a besoin dans la colonie et celles que la Banque pourrait,<br />
de son côté, avoir éventuellement en excès à l'extérieur.<br />
Il n'existe pour atteindre chacun de ces buts que deux moyens ;<br />
soit expédier ou faire venir, selon les cas, du numéraire, soit<br />
provoquer artificiellement un renversement de la balance des<br />
comptes par des mesures entraînant, selon les cas, la diminution<br />
ou l'augmentation des besoins de règlement du pays envisagé.<br />
Ce résultat est normalement obtenu par la modification du<br />
taux de l'escompte. Dans le premier cas,<br />
c'est au relèvement du<br />
taux que la banque d'émission doit recourir. Ce relèvement agit<br />
d'une double manière : en déterminant dans l'ensemble du pays<br />
une élévation du taux de l'intérêt, il doit y attirer des capitaux<br />
étrangers en quête de placements avantageux ;<br />
onéreux le crédit, il doit en restreindre l'emploi, et,<br />
en rendant plus<br />
parce qu'il<br />
ralentit ainsi l'activité du commerce en général, il doit réduire<br />
les besoins de celui-ci. Il est également possible de renverser<br />
la balance des comptes par un moyen tout différent, en dévelop<br />
pant la production du pays débiteur et en accroissant ainsi la<br />
LE TAUX<br />
D'ESCOMPTE<br />
DEMEURE LE<br />
RÉGULA TEUR<br />
SUPRÊME DES<br />
RÈGLEMENTS<br />
EXTÉRIEURS<br />
DE L'ALGÉRIE.
- 290<br />
—<br />
quantité des marchandises exportables. La banque d'émission<br />
peut parfois y aider en prenant la mesure contraire, c'est-à-dire<br />
en abaissant le taux de son escompte ; mais on voit qu'il faut<br />
dans ce cas la collaboration du temps et qu'il s'agit là d'une<br />
solution à échéance éloignée. En réalité, de ces deux remèdes, de<br />
nature opposée, le premier répond à des nécessités immédiates<br />
et agit sur les effets du mal ; le second intéresse l'avenir et<br />
agit sur les causes. L'un risque d'entraver le développement du<br />
pays ou même de provoquer sa régression, l'autre,<br />
ce développement,<br />
en activant<br />
et par suite en donnant naissance à de nou<br />
veaux besoins, risque d'aggraver sur le moment les difficultés<br />
qu'il faut précisément essayer de surmonter. Aussi,<br />
malgré son<br />
influence, parfois fâcheuse, sur la prospérité du pays, le premier<br />
s'impose seul dans bien des cas. Lorsque, par contre, il s'agit<br />
de provoquer une augmentation des besoins de règlement pour<br />
absorber l'excès des fonds immobilisés à l'extérieur, la Banque<br />
doit réduire le taux de ses escomptes. Par une telle mesure, elle<br />
incite les capitaux,<br />
qui ne trouvent plus dans le pays qu'une<br />
rémunération qu'ils jugent insuffisante, à s'exporter vers des<br />
places où le taux de placement est plus élevé ; elle assure, d'autre<br />
part,<br />
au commerce des facilités de crédit qui se substituent à<br />
ces capitaux défaillants et qui, si elles sont assez largement et<br />
judicieusement assurées, peuvent utilement contribuer au déve<br />
loppement des échanges. Avant que le commerce d'exportation<br />
ne puisse développer ses ventes, le commerce d'importation<br />
accroît ses achats et les besoins de règlements extérieurs sont<br />
augmentés sur le moment. Mais de tels mouvements ne peuvent<br />
être provoqués que dans la mesure où il existe à l'étranger des<br />
disponibilités trop abondantes, dépassant les besoins de règle<br />
ment normaux. Aucun arbitraire n'est permis dans de tels cas à<br />
la banque d'émission. Si elle dépasse la mesure dans le sens de la<br />
hausse, le commerce est frappé, l'économie générale du pays s'en<br />
ressent ; si elle la dépasse dans le sens de la baisse, la couverture<br />
de ses billets risque d'être compromise et elle peut entraîner le<br />
commerce dans des opérations aléatoires. Enfin, dans un cas<br />
comme dans l'autre, la Banque doit, pour apprécier les mesures<br />
qu'il lui convient de prendre, prévoir comment ces mesures seront<br />
secondées ou combattues par l'action des capitaux disponibles<br />
aux mains des particuliers ou dans les caisses des banques.
— — 291<br />
Ce mécanisme des variations des taux de l'escompte est donc<br />
toujours très délicat à mettre en mouvement en raison de ses<br />
conséquences immédiates ou lointaines et il est encore plus dif<br />
ficile à manier dans les pays dont la richesse n'a qu'un nombre<br />
restreint de sources et dont l'activité s'exerce dans un seul sens<br />
ou dans un sens dominant. Plus les éléments, dont se compose<br />
la fortune d'un pays ou sur lesquels s'exerce son activité, sont<br />
variés, plus ils offrent de ressources pour les règlements inté<br />
rieurs et permettent de ne pas faire porter trop lourdement ni<br />
trop longuement sur l'ensemble du commerce et de l'industrie<br />
l'effet d'une tension du change. Il en est ainsi notamment lors<br />
qu'un pays détient un grand stock de valeurs mobilières ou est<br />
doté d'une organisation bancaire puissante, disposant de fonds<br />
pouvant être prêtés à l'étranger.<br />
Les valeurs mobilières, dont Léon Say comparaît si joliment<br />
la mobilité à celle du reflet qu'un miroir enverrait d'un lieu<br />
à un autre, sans que l'objet reflété se déplaçât, peuvent jouer,<br />
en effet, pour le règlement entre pays, un rôle très actif. Lors<br />
qu'il existe sur une place un grand marché de valeurs mobi<br />
lières, la moindre différence entre les taux d'escompte du pays<br />
et ceux du reste du monde permet des arbitrages qui créent<br />
un mouvement de capitaux capable à lui seul de renverser<br />
rapidement la balance des comptes. Si une spéculation irraison<br />
née ne venait pas, trop souvent, fausser le libre jeu de la loi<br />
de l'offre et de la demande des capitaux, il n'y aurait pas de<br />
meilleur régulateur des comptes internationaux. Les réactions<br />
en sont rapides et les résultats que l'on n'obtient parfois qu'à<br />
longue échéance sur les capitaux commerciaux sont presque<br />
immédiats sur les valeurs mobilières. Les mouvements inter<br />
nationaux de valeurs mobilières peuvent donc accentuer très<br />
utilement les effets qu'une banque d'émission cherche à obtenir<br />
par les modifications du taux de l'escompte et rendre par suite<br />
ces modifications moins accentuées et moins fréquentes.<br />
L'Algérie, malheureusement, ne possède pas encore un por<br />
tefeuille de valeurs mobilières suffisant pour constituer une<br />
réserve utilisable par des arbitrages pouvant exercer une in<br />
fluence déterminante sur le change. Elle n'est pas encore arrivée<br />
à ce degré de jouissance de la richesse acquise où le capitaliste<br />
est satisfait par la seule possession du reflet dont parlait Léon
— 292 -<br />
Say. Il lui faut encore, en général,<br />
la possession effective de la<br />
richesse visible : terre, outillage, marchandises (1) .<br />
(1) La question se pose dès à présent de l'ouverture à Alger d'une<br />
bourse de valeurs mobilières avec parquet d'agents de change. Elle a été<br />
soulevée à diverses reprises, notamment en 1909 et 1920, par les Déléga<br />
tions financières, la Chambre de Commerce d'Alger et le Syndicat<br />
Commercial Algérien. On fait observer, non sans raison, à l'appui<br />
de ce projet, que les placements mobiliers ne se développeront pas dans<br />
ce pays aussi longtemps que la négociation des titres ne pourra se faire<br />
qu'à grands frais sur un marché lointain. Actuellement il existe diverses<br />
banques, spécialisées dans les opérations de bourse et servant d'intermé<br />
diaires entre les Algériens et les marchés extérieurs ; mais, il semble<br />
bien que la plupart des opérations qui sont traitées par leur entremise<br />
revêtent beaucoup plus le caractère d'opérations spéculatives que de véri<br />
tables placements. Les portefeuilles de valeurs mobUières des capitalistes<br />
algériens se composent, en dehors de quelques valeurs éruptives, d'un très<br />
petit nombre de valeurs de placement proprement dites, sauf quelques<br />
rentes françaises, reliquat des souscriptions aux emprunts de guerre, aux<br />
quels l'Algérie a participé beaucoup plus par devoir patriotique que par<br />
goût et que dans la pensée de faire un placement. L'esprit de spéculation<br />
serait à lui seul insuffisant pour justifier l'existence d'une bourse. Il cons<br />
titue même un élément qui doit être contenu et qu'il faudrait redouter de<br />
développer par une organisation de bourse ne possédant pas une base assez<br />
solide. Mais l'institution d'une bourse peut d'autant mieux se concevoir<br />
qu'il existe sur place les éléments nécessaires à son fonctionnement et<br />
qu'on peut notamment y coter les valeurs locales importantes que dévelop<br />
pent peu à peu la transformation d'anciennes affaires en Sociétés Ano<br />
nymes. Alger compte plus d'un millier de sociétés, dont 322 anonymes ;<br />
Il existe environ 250 sociétés à Oran et à Constantine. 400 à 500 valeurs<br />
différentes sont émises par des sociétés ayant pour objet des affaires inté<br />
ressant l'Afrique du Nord. Les seules sociétés par actions ayant leur<br />
siège à Alger représentent, pour 182 entreprises diverses, un capital de plus<br />
de 1.800 millions. A ce premier noyau d'opérations viendraient s'ajouter les<br />
transactions sur des valeurs cotées sur d'autres marchés. Enfin les em<br />
prunts de la Colonie et des villes atteignent un capital de 805.305.000 fr.<br />
L'étude de la création d'une bourse à Alger soulève donc des problèmes<br />
délicats. Il n'est pas trop tôt pour l'entreprendre, sans doute même n'est-<br />
il pas trop tôt pour aboutir — peut-être<br />
— progressivement et le vœu<br />
des Délégations financières émis en ce sens vient à son heure : « Con<br />
sidérant que la richesse mobilière s'est largement développée en Algérie ;<br />
qu'il importe de favoriser la constitution de sociétés nouvelles suscepti<br />
bles de grouper les capitaux et de contribuer efficacement à la mise en<br />
valeur du pays ; que le budget de l'Algérie sera le premier bénéficiaire<br />
de ce développement de l'activité économique algérienne ; consi<br />
dérant que le meilleur moyen de favoriser les sociétés est de leur<br />
donner sur place un marché où elles pourront écouler leurs titres et qui<br />
permettra aux contribuables algériens d'investir sur place leurs capitaux<br />
disponibles au lieu de les investir à l'étranger ; qu'il n'y a aucune raison<br />
de refuser à l'Algérie ce qui est accordé à un grand nombre de villes<br />
métropolitaines dont l'importance n'est pas supérieure à celle de la ville<br />
d'Alger ; que d'ailleurs la situation géographique d'Alger impose à cet<br />
égard une mesure de décentralisation ; la Délégation des Non-Colons émet<br />
le vœu que soit créée à Alger une bourse des valeurs ». Ce vœu a été<br />
adopté le 23 mai 1929. Il l'a été également par l'Assemblée plénièrc<br />
des Délégations financières le 17 juin 1929 et par le Conseil supérieur<br />
du *<br />
Gouvernement le 28 juin 1929.
; i LE PORT DE BONE MODERNE
293<br />
D'autre part, la position si longtemps débitrice de l'Algérie<br />
n'a pas permis aux banques algériennes de s'assurer, dans la<br />
Métropole, des fonds suffisants pour faire face aisément à tous<br />
les besoins de règlements. A cet égard aucune comparaison<br />
ne peut être établie entre les banques françaises, par exemple,<br />
dans leurs rapports avec l'étranger, et les banques algériennes<br />
dans leurs rapports avec la Métropole.<br />
Le renversement de la balance des comptes doit donc être<br />
obtenu par les seuls efforts du producteur et par les restrictions<br />
imposées au consommateur. Pour qu'une modification du taux<br />
de l'escompte agisse utilement,<br />
soit pour attirer des capitaux<br />
extérieurs, soit pour restreindre la consommation, la Banque<br />
a parfois le devoir de décider des relèvements importants et de<br />
prendre des mesures de resserrement de crédit qui paraissent<br />
contre-indiqués par les nécessités du développement économique<br />
de la colonie.<br />
Et c'est ainsi que, malgré le compte courant du Trésor, malgré<br />
la suppression pratique du change entre la France et l'Algérie,<br />
la question du règlement des comptes extérieurs, qui par ailleurs<br />
détermine la cote des changes et par là commande la politique<br />
d'escompte des banques d'émission, domine aussi la volonté de<br />
la Banque de l'Algérie et exerce une influence décisive sur la<br />
fixation du taux de l'escompte dans la colonie. Les variations<br />
que subissent ces taux ne sont donc pas,<br />
malgré les liens qui<br />
unissent si étroitement la monnaie algérienne à la monnaie fran<br />
çaise, dans la dépendance complète des taux fixés par la Banque<br />
de France. Les rapports économiques entre la Colonie et la Mé<br />
tropole sont indépendants de ceux qui existent entre la France<br />
et l'étranger ; ils exercent sur le taux de l'escompte, en Algérie,<br />
une influence propre qui peut ne présenter aucune concordance<br />
avec celle qu'exercent ces derniers sur le taux de l'escompte<br />
en France.<br />
*<br />
* *<br />
Avant la guerre de 1914, le solde du règlement des comptes<br />
a été généralement défavorable à l'Algérie, mais il n'en est pas<br />
résulté de trop importants transferts de fonds de la colonie<br />
en France,<br />
ni des relèvements ^du taux de l'escompte capables<br />
d'arrêter le développement du pays,<br />
parce qu'il s'est produit<br />
constamment un afflux de capitaux venant de France et de,<br />
19<br />
VALEUR DES<br />
INDICA TIONS<br />
QUE PEUVENT<br />
DONNER POUR<br />
LA FIXATION<br />
DU TAUX<br />
D'ESCOMPTE<br />
CERTAINS<br />
INDICES ECO<br />
NOMIQUES.
— — 2s>4<br />
l'étranger qui se sont investis dans les affaires et les propriétés<br />
algériennes et qui ont contribué à sa mise en valeur. Tout au<br />
plus, s'est-il produit parfois de grandes et assez longues immo<br />
bilisations du solde du compte courant du Trésor et quelques<br />
expéditions d'espèces ; mais, en réalité,<br />
on peut dire que le<br />
système a permis des compensations très importantes qui ont<br />
considérablement atténué les effets de ce solde défavorable.<br />
Puis la guerre a renversé la balance et l'Algérie est devenue<br />
créditrice de la France. Depuis quelque temps, les règlements<br />
entre l'Algérie et la France se sont équilibrés à peu près et<br />
même, parfois, le solde en est encore au profit de l'Algérie.<br />
Il ne faut pas conclure de cette situation que la colonie soit<br />
à l'abri d'un revirement — il<br />
s'en produit un en ce moment<br />
—<br />
même; et les besoins de change peuvent encore exercer sur<br />
la fixation du taux de l'escompte leur influence dans le sens de<br />
l'élévation. Le système, remarquable par sa simplicité, qui mas<br />
que à l'Algérie l'existence même du problème, ne saurait anni<br />
hiler tous les effets d'une balance des comptes déficitaire. C'est<br />
le taux de l'escompte qui demeure le suprême régulateur du<br />
change et la Banque se trouve dans l'obligation d'y recourir,<br />
notamment lorsque le compte du Trésor présente un solde trop<br />
élevé, ou lorsque les fonds dont elle dispose en France, en cou<br />
verture de son émission, en présentent un trop faible. Ce sont<br />
là, en effet, en général,<br />
défavorable à l'Algérie.<br />
les indices d'une balance des comptes<br />
Ces indices ne sont pas, au surplus, d'une rigoureuse exac<br />
titude ; ils sont loin d'être aussi précis que ceux qui résultent<br />
d'une variation dans les cours des devises entre deux pays consi<br />
dérés ou d'expéditions d'or d'un de ces pays dans l'autre.<br />
Le compte du Trésor, tout en étant le principal volant régu<br />
lateur du change, traduit dans ses écritures beaucoup d'éléments<br />
qui n'ont rien de commun avec celui-ci.<br />
Les diverses dettes réciproques de l'Algérie et de la France<br />
sont bien réglées principalement par la poste et, après compen<br />
sation, il en résulte un solde dans les écritures de celle-ci, mais<br />
ce solde ne représente qu'une fraction de l'écart entre les dettes<br />
et les créances de l'Algérie. Une partie des règlements s'effectue,<br />
en effet, par l'intermédiaire de la Banque de l'Algérie, d'autres<br />
par le jeu des comptes ouverts entre les succursales des éta-
— - 295<br />
blissements de crédit et leurs sièges, ou par les banques entre<br />
elles ; d'autres par des ouvertures de crédit en banque ou entre<br />
maisons de commerce algériennes et françaises ou étrangères,<br />
d'autres encore au moyen du transport matériel de numéraire<br />
effectué autrefois par le Trésor et la Banque et que pratiquent<br />
actuellement les particuliers en expédiant des billets de banque<br />
ou en les transportant au cours de leurs voyages,<br />
etc. D'autre<br />
part, si le solde que fait ressortir l'écart entre les émissions et<br />
les paiements de la poste s'inscrit dans les écritures du Trésor<br />
et, influençant le solde de celui-ci, lui donne la valeur d'un indice<br />
relatif de la balance des comptes, si le compte du Trésor sup<br />
porte les dépenses de souveraineté effectuées par la France et<br />
s'il est par suite affecté par des opérations qui, relevant de<br />
la trésorerie métropolitaine, doivent être considérées comme<br />
se rattachant au change entre la France et l'Algérie, il est par<br />
contre influencé par des mouvements de recettes et de dépenses<br />
intérieures qui relèvent aujourd'hui de la trésorerie algérienne<br />
proprement dite et qui n'ont aucun rapport avec le change.<br />
Les montants journaliers du solde du compte du Trésor décri<br />
vent donc une courbe qui s'infléchit ou se redresse sous des<br />
influences variées, n'ayant entre elles aucun lien direct ; cette<br />
courbe ne traduit pas les seuls besoins de règlements extérieurs<br />
et encore moins les seuls besoins de règlement du commerce pro<br />
prement dits ; ce n'est pas celle que tracerait un exact baromètre<br />
du change (1).<br />
Au surplus, les mouvements des disponibilités de la Banque<br />
de l'Algérie, en France et à l'étranger,<br />
de ceux du solde du compte du Trésor. Il existe entre ces dispo<br />
nibilités et le compte du Trésor un lien très étroit,<br />
ne peuvent être isolés<br />
comme nous<br />
l'avons dit plus haut. Lorsque la Banque reçoit des versements<br />
ou effectue des paiements en France,<br />
ces versements ou ces<br />
paiements ont pour contre-partie des paiements effectués ou des<br />
versements reçus par elle en Algérie ; le compte du Trésor n'a<br />
(1) M. Bernard Lavergne, dans son étude sur la Banque de l'Algérie,<br />
parue dans La Revue d'Economie politique en 1918, a fort bien fait res<br />
sortir la signification exacte du compte du Trésor : « il est manifeste,<br />
dit-il, que le compte du Trésor n'exprime à aucun degré l'état des dettes<br />
et des créances de l'Etranger et de la France avec l'Algérie. » Peut-être,<br />
toutefois, est-il excessif de dire qu'il n'exprime cet état à aucun degré.<br />
Il est influencé par lui, dans une mesure difficile à dégager, mais incon<br />
testable.
— — 296<br />
pas dans ce cas à supporter les paiements qu'aurait effectués<br />
la Poste ou à encaisser les fonds que celle-ci aurait reçus ; il<br />
perd donc un élément de débit ou de crédit et son solde tend<br />
a demeurer, selon les cas, plus élevé ou plus faible d'un montant<br />
égal à l'accroissement ou à la diminution des disponibilités de la<br />
Banque. Lorsque le solde créditeur du Trésor devient trop élevé,<br />
c'est avec ses disponibilités extérieures que la Banque peut l'at<br />
ténuer par des remboursements effectués au Trésor en France ;<br />
et, dans le cas contraire, lorsque le Trésor ne dispose plus en<br />
Algérie d'un solde suffisant et qu'il verse à la Banque, à Paris,<br />
des fonds à transférer dans la colonie, il augmente les disponi<br />
bilités métropolitaines de la Banque.<br />
De 1919 à 1928 la Banque a versé ainsi au Trésor métropoli<br />
tain 2.479.000.000 et le Trésor métropolitain à la Banque<br />
1.117.000.000 (1). Si ces versements n'avaient pas été faits,<br />
le solde du compte du Trésor, au 31 octobre 1928, aurait atteint<br />
1.436.000.000 au lieu de 74.000.000 et les disponibilités de la<br />
Banque 2.247.000.000 au lieu de 885.000.000. Des compensations<br />
partielles ont été ainsi opérées entre les disponibilités de la<br />
Banque qui représentent une créance et le solde créditeur du<br />
compte du Trésor, qui représente une dette de l'Algérie, sans<br />
que la différence entre ces deux éléments en ait été changée.<br />
Enfin,<br />
pour avoir une vue plus précise de la position du<br />
change, il faudrait connaître notamment comment s'équilibrent<br />
les ouvertures de crédit dont peuvent disposer de part et d'autre<br />
les débiteurs algériens et les débiteurs métropolitains.<br />
Pour fixer les idées,<br />
on peut rapprocher quelques soldes de<br />
compte, sans leur donner une valeur absolue,<br />
ni perdre de vue<br />
qu'ils constituent une documentation incomplète. Nous en don<br />
nons ci-contre un tableau résumé.<br />
(1) Versements a Paris :<br />
de la Banque au Trésor du Trésor a la Banque<br />
1919 » 55.000.000<br />
1920 340.000.000 »<br />
1921 562.000.000 »<br />
1922 769.000.000 »<br />
1923 326.000.000 »<br />
1924 335.000.000 »<br />
1925 147.000.000 »<br />
1926 » 332.000.000<br />
1927 » 390.000.000<br />
1928 » 340.000.000
m<br />
M<br />
SB<br />
Z<br />
Z<br />
<<br />
1905<br />
06<br />
07<br />
08<br />
09<br />
1910<br />
11<br />
12<br />
13<br />
14<br />
15<br />
16<br />
11<br />
18<br />
19<br />
1920 1.717.335.000<br />
21<br />
h<br />
23<br />
24<br />
25<br />
26<br />
27<br />
28<br />
MOUVEMENT<br />
de la Balanoe<br />
Commerciale.<br />
Commerce<br />
spécial.<br />
Différence<br />
entre les Expor<br />
tations et les Im<br />
portations (1)<br />
155.124.000<br />
ISI.338. 000<br />
109.731.000<br />
130.064.000<br />
1 25. 530. 000<br />
1.300.000<br />
61 .878.000<br />
1i3.S39.000<br />
106.436.000<br />
149. 485. 000<br />
64.896.000<br />
61.211.000<br />
176.610.000<br />
59.093.000<br />
333.280.000<br />
4S5.023.000<br />
533.777.000<br />
693.648.000<br />
982.399.000<br />
1 .006.745.000<br />
104.055.000<br />
852.707.000<br />
972.464.000<br />
MOUVEMENT<br />
des opéra<br />
tions Postales<br />
Différence en<br />
tre les Man<br />
dats et Chè<br />
ques émis en<br />
Algérie, etles<br />
Mandats et<br />
Chèques émis<br />
de France sur<br />
l'Algérie<br />
130.727.595<br />
131.004.868<br />
129.802.060<br />
131.233.741<br />
136.167.703<br />
137.362.516<br />
151.436.082<br />
234.088.508<br />
219.869.959<br />
218.020.666<br />
167 046.346<br />
160.862 788<br />
152.999.872<br />
300.278.744<br />
267199.355<br />
461.280.322<br />
850.206.461<br />
860.327.856<br />
791.752 177<br />
951.958.874<br />
819.534.542<br />
297<br />
162.772.594 129.534.943<br />
231.975.467<br />
515.943.784<br />
MOUVE<br />
MENT<br />
du oompte<br />
courant<br />
du Trésor.<br />
Différences<br />
entre les<br />
soldes au<br />
31 octobre<br />
de chaque<br />
année<br />
24.075.756<br />
8 648.679<br />
20.936.886<br />
10.870.591<br />
11.965.958<br />
5.927.478<br />
10.628.449<br />
51.486.878<br />
888.830<br />
114.887 .134<br />
10.637.394<br />
13.135.603<br />
8.124.199<br />
46.729.985<br />
51.813.355<br />
107.360<br />
38.413.145<br />
18 066.592<br />
26.327.903<br />
42.581.680<br />
79.781.351<br />
47.080.271<br />
•2.736.385<br />
MOUVE<br />
MENT<br />
de l'Encaisse<br />
et des Dispo<br />
nibilités de la<br />
Banque en<br />
France et a<br />
l'Etranger.<br />
Différences<br />
au 31 octobre<br />
de chaque<br />
année (2)<br />
11. 521.450<br />
3. 626 692<br />
2. 284.364<br />
12<br />
4<br />
11<br />
1<br />
35 489.594<br />
150<br />
160 000.000<br />
60<br />
120<br />
160<br />
100<br />
85<br />
350<br />
155<br />
75<br />
789.022<br />
674.068<br />
985 664<br />
824.108<br />
232.442<br />
112.084<br />
783.186<br />
781.670<br />
886.776<br />
.000.000<br />
.000.000<br />
.000.000<br />
.000.000<br />
.000.000<br />
.000.000<br />
.000.000<br />
.000.000<br />
.000.000<br />
290 000.000<br />
TAUX<br />
d'Escompte<br />
de la Banque<br />
de l'Algérie<br />
4 V.<br />
»<br />
4 V„ 3<br />
4%<br />
»<br />
4V,.3.»V.,6<br />
4%, 5V„ 6, 5<br />
5<br />
»<br />
»<br />
»<br />
»<br />
6<br />
»<br />
5 7,<br />
»<br />
i, 6VVS,<br />
6 V.<br />
5V„ 1 V„ 7<br />
6 V.. 6<br />
5%<br />
(Les chiffres en caractères ordinaires représentent les dif<br />
férences en plus ; ceux en italique les différences en moins) .<br />
(1) Ces chiffres sont pris dans les Documents statistiques réunis par<br />
l'Administration des Douanes sur le commerce de l'Algérie sauf les chif<br />
fres de 1928 relevés dans le Bulletin de la Chambre de Commerce d'Alger.<br />
(2) Jusqu'en 1918 les chiffres relevés comprennent les variations du mon<br />
tant total des disponibilités de la Banque, qu'elles aient pour origine des
f<br />
— — 298<br />
Il ressort de ce tableau que, de 1919 à 1928,<br />
sauf la première<br />
année, la balance commerciale a toujours été déficitaire et que<br />
l'Algérie aurait eu de ce chef à payer au cours des dix ans<br />
près de 7 milliards. Pendant la même période, le total des excé<br />
dents annuels des émissions postales n'a été que d'environ<br />
6 milliards et, cependant, les disponibilités de la Banque à l'exté<br />
rieur ont augmenté d'environ 625 millions, tandis que le solde<br />
du compte du Trésor ne s'est accru au total que d'environ 80<br />
millions.<br />
On doit en conclure que, pendant ces dix années, la France<br />
et l'étranger ont, d'une façon ou d'une autre, fourni les fonds<br />
nécessaires — après règlement du solde de leurs créances — et<br />
même investi en Algérie un excédent de capitaux de près de<br />
600 millions.<br />
M. Avenol et M. Bernard Lavergne, étudiant chacun la période<br />
d'avant-guerre, avaient déjà remarqué l'importance du rôle joué,<br />
dans ces mouvements, par les dépenses de l'Etat français dans<br />
la Colonie et par les capitaux métropolitains : « De 1904 à 1913,<br />
écrivait notamment M. Avenol, en 1916, le total des excédents<br />
annuels des émissions postales a atteint un milliard et demi,<br />
dont la Banque est devenue débitrice vis-à-vis du Trésor. Cette<br />
dette ne s'est pas accumulée, puisque le solde créditeur du<br />
Trésor —<br />
sauf<br />
dans une courte période critique —<br />
constamment inférieur à 100 millions.<br />
est<br />
demeuré<br />
) « Par quels moyens la Banque a-t-elle donc pu se libérer ?<br />
« Le plus important et le plus régulier lui est fourni par le<br />
Trésor lui-même ; il doit chaque année assurer en Algérie, au<br />
titre du budget métropolitain, le paiement de 100 millions en<br />
moyenne pour dépenses militaires, annuités de chemins de fer,<br />
rentes, pensions (1).<br />
opérations faites en Algérie ou en Tunisie ; au contraire, étant donné leur<br />
importance depuis la fin de la guerre, nous donnons depuis 1918 le mon<br />
tant des variations des seules disponibilités pouvant être considérées<br />
comme proprement algériennes.<br />
(1) Le chiffre cité par M. Avenol se réfère à des années antérieures à<br />
la période actuelle et à la dépréciation monétaire. Le montant des dépen<br />
ses s'élève maintenant à plus de 600 millions. D'autre part, il convient<br />
de remarquer que, dès la fin de cette période, des dépenses exceptionnelles<br />
engagées par la France pour les opérations du Maroc étaient en partie<br />
réglées par le Payeur principal à Oran au débit du compte du Trésor &
— — 299<br />
« Voilà donc, dans la période considérée, un allégement d'un<br />
milliard, expliqué par les reprises du créancier lui-même : c'est<br />
bien, si l'on veut, dans la balance des comptes, une créance de<br />
l'Algérie sur la France, mais qui n'est point négociable sur le<br />
marché, dont dispose seule la Banque, correspondante du Tré<br />
sor. Et le surplus, les cinq cents autres millions ? La Banque de<br />
l'Algérie, à défaut de créances sur la France,<br />
n'a pas d'autres<br />
moyens de paiement que les Algériens eux-mêmes : elle ne peut<br />
offrir que ses propres billets. Si donc elle n'a pu se libérer hors<br />
de l'Algérie, c'est en Algérie qu'elle a fait emploi de sa dette ;<br />
ces cinq cents millions n'ont pas quitté la colonie, ce sont des<br />
capitaux nouveaux qui ont été appliqués à son développement :<br />
emprunts publics, banques, chemins de fer, mines,<br />
prêts hypo<br />
thécaires, etc.. Quel moyen plus économique, en effet, pour les<br />
transférer en Algérie que de disposer sur le principal débiteur<br />
de la France, la Banque, qui convertit en ses billets les capitaux<br />
métropolitains (1). L'Algérie, en effet, a de grands besoins de<br />
capitaux dus aux nécessités de sa mise en valeur. Qu'elle puisse<br />
les recevoir et les rembourser au pair, cela donnera une prime<br />
de sécurité à ses relations financières ;<br />
sa Banque d'émission. »<br />
elle en est redevable à<br />
Dans de telles conditions, il faut des balances commerciales<br />
extraordinairement déficitaires pour qu'elles entraînent d'une<br />
façon durable élévation du solde créditeur du Trésor ou diminu<br />
tion des disponibilités de la Banque. Cela est arrivé en 1920,<br />
année de mauvaise récolte : les importations dépassèrent les<br />
exportations de 1.700.000.000. Le solde du Trésor s'éleva en 1921<br />
jusqu'à 393 millions (solde journalier moven : 243 millions)<br />
et les disponibilités de la Banque de l'Algérie diminuèrent de<br />
120 millions. Cela se produit actuellement par suite d'un ralen<br />
tissement considérable des ventes de blé et de vin, et, en décem<br />
bre 1929, le solde du compte du Trésor dépassa 850 millions.<br />
la Banque de l'Algérie. En outre une partie des dépenses de la France en<br />
Tunisie furent également réglées par le débit du compte du Trésor à la<br />
Banque de l'Algérie.<br />
(1) Les dispositions auxquelles fait allusion M. Avenol entraînaient dans<br />
la métropole des versements au crédit de la Banque de l'Algérie et celle-ci<br />
pouvait ainsi verser des sommes importantes au Trésor à Paris en atté<br />
nuation du solde du compte ouvert à Alger.
HEUREUX<br />
EFFET<br />
D'UN ACCORD<br />
ENTRE<br />
TRESOR<br />
ET LA BANQUE<br />
ABOUTISSANT<br />
A LA<br />
SUPPRESSION<br />
DU CHANGE<br />
ENTRE LA<br />
FRANCE<br />
METROPOLI<br />
TAINE<br />
ET L'ALGERIE.<br />
| entre les deux pays. Ainsi se trouve réduite au minimum l'in<br />
— — 300<br />
Nous trouvons ainsi confirmée par les chiffres cette vérité d'évi<br />
dence : l'Algérie est avant tout, aujourd'hui encore, presque<br />
autant que dans le passé, tributaire de ses récoltes ; elle l'est<br />
de la quantité et de la qualité produite comme du cours mondial<br />
des vins et des céréales. Ce sont encore, chez elle, les caprices<br />
de la nature, plus que l'activité des hommes,<br />
le change.<br />
* *<br />
qui commandent<br />
Le régime que nous venons d'analyser dure depuis plus de<br />
cinquante ans. Bien des retouches y ont été apportées,<br />
mais il<br />
demeure immuable dans son principe et il a annihilé presque<br />
complètement les conséquences du dualisme bancaire au regard<br />
du change.<br />
* ~~<br />
La Banque de l'Algérie n'a pas eu à sa disposition sur place<br />
un marché du change où se pussent traiter, sous la loi de l'offre<br />
et de la demande, les moyens de règlement entre la France et<br />
l'Algérie ;<br />
elle était donc appelée à ressentir plus directement<br />
que toute autre banque d'émission le contre-coup des règlements<br />
extérieurs et, par suite, elle était exposée,<br />
pour assurer ces<br />
règlements, à se trouver contrainte de faire peser sur le com<br />
merce le poids d'un taux d'escompte élevé et instable, tant que<br />
le développement économique de l'Algérie n'aurait pas assuré<br />
à celle-ci le moyen d'équilibrer normalement ses comptes avec<br />
l'extérieur.<br />
Le Trésor métropolitain a fort heureusement consenti à faire<br />
servir ses propres besoins en francs algériens à la compensation<br />
des besoins du commerce en francs métropolitains et à différer,<br />
le cas échéant, jusqu'à des circonstances plus favorables, le<br />
règlement des sommes qui pourraient lui être dues dans la<br />
métropole. En assurant, par le service des postes, l'application<br />
aux mouvements de fonds entre la Métropole et l'Algérie des<br />
mêmes tarifs qu'entre tous autres départements français, il a<br />
encore été plus loin ; il a stabilisé lui-même le change au pair<br />
fluence que doivent fatalement exercer sur les taux d'escompte<br />
les variations d'équilibre de la balance des comptes entre la<br />
France et l'Algérie.
— — 301<br />
Mais il ne faut pas perdre de vue qu'il n'a été possible au<br />
Trésor d'intervenir dans de telles conditions que parce que la<br />
banque d'émission a accepté, de son côté, de supporter les consé<br />
quences pécuniaires du système,<br />
le numéraire nécessaire,<br />
s'accumuler des fonds au compte du Trésor,<br />
jun intérêt,<br />
soit qu'elle expédie à ses frais<br />
soit qu'en évitant cet envoi et en laissant<br />
elle bonifie à celui-ci<br />
soit enfin qu'elle immobilise en France des sommes<br />
qui ne lui assurent qu'un profit réduit.<br />
Il faut voir là une heureuse entente, profitable au pays, entre<br />
V le Trésor et la banque d'émission. On pourrait en citer d'autres ;<br />
celle-ci est une des plus intéressantes et elle a servi d'exemple<br />
aux accords du même ordre,<br />
conclus en Afrique du Nord parti<br />
culièrement, entre la Tunisie et la Banque de l'Algérie, comme<br />
entre le Trésor français et la Banque d'Etat du Maroc.
CHAPITRE X<br />
LA BANQUE DE L'ALGÉRIE EN 1929<br />
Capital. Administration. Privilège. Charges du privilège. Opérations<br />
dr la Banque. Statistiques graphiques. Sièges de la Banque. Tableau<br />
des taux d'escompte et d'avances pratiqués par la banque depuis 1851.<br />
Bilan de la Banque.
La Banque de l'Algérie, à la suite du renouvellement de son<br />
privilège en 1918 et des diverses lois qui sont intervenues concer<br />
nant le régime de ses émissions,<br />
organisée (1) :<br />
se trouve actuellement ainsi<br />
Le capital de la Banque est fixé, depuis la loi du 11 avril 1907,<br />
à 25 millions et divisé en 50.000 actions nominatives ou au por<br />
teur. A ce capital, il y a lieu d'ajouter les réserves qui figurent<br />
au bilan du 31 octobre 1929 pour 95.744.116,26 (2).<br />
Le siège social est à Paris. C'est là que se tiennent, au moins<br />
une fois par mois, les séances du Conseil d'administration.<br />
L'administration est confiée à un Conseil composé d'un direc<br />
teur général, d'un sous-directeur général (tous deux nommés par<br />
décret du Président de la République,<br />
sur la proposition du<br />
Ministre des Finances), de neuf administrateurs et de trois<br />
censeurs (nommés par l'assemblée des actionnaires pour trois<br />
ans et rééligibles) .<br />
(1) Les textes qui régissent la Banque de l'Algérie sont réunis en un<br />
recueil, constamment tenu à jour : Lois et Statuts. Les autres documents<br />
officiels sont les Rapports Parlementaires qui ont précédé les lois et que<br />
nous avons cités au cours de notre étude et les comptes-rendus des exer<br />
cices de la Banque.<br />
Outre les ouvrages généraux de législation algérienne, notamment celui<br />
de A. Girault (Principes de colonisation et de législation coloniales. Tome<br />
IV. L'Afrique du Nord. I l'Algérie. 5e éd. Rec. Sirey 1927) dont plusieurs<br />
pages sont consacrées à la Banque de l'Algérie, des études particulières<br />
sur celle-ci ont paru récemment : Bonifay, La Banque de l'Algérie,<br />
Paris, 1926. G. Dumesnil, La Banque de l'Algérie, Paris 1927. Saint.<br />
Germes, La Banque de l'Algérie et le crédit pendant et après la guerre,<br />
Alger 1925. Voir aussi le chapitre II de l'Encyclopédie de Banque et de<br />
Bourse publiée en collaboration sous la direction de F. François-Marsal<br />
(tome I. Paris 1928).<br />
Signalons enfin parmi les livres relatifs au crédit agricole en Algérie<br />
ceux qui, traitant du rôle joué par la Banque en cette matière, donnent<br />
des indications générales sur son organisation et sur son développement.<br />
—<br />
Jaïs, La Banque de l'Algérie et le crédit agricole, Paris 1902. Philippar,<br />
— Contribution à l'étude du crédit agricole en Algérie. Paris 1902. SALphati,<br />
Le crédit agricole mutuel en Algérie, Paris 1924.<br />
{ Statutaire 8.333.333 33<br />
(2) Réserves ' Immobilière 43.115.407 39<br />
f Extraordinaire 44.295.375 54<br />
95.744.116 26<br />
CAPITAL.<br />
ADMINISTRA<br />
TION.
— — 306<br />
Le directeur général préside le Conseil d'administration et<br />
tous les Comités ; nulle délibération ne peut être exécutée si<br />
elle n'est revêtue de sa signature. Il fait exécuter, dans toute<br />
leur étendue, les lois relatives à la Banque, les statuts et les<br />
délibérations du Conseil d'administration. Aucune opération<br />
d'escompte ou d'avance ne peut être faite sans son approbation.<br />
Le Conseil d'administration, dont certaines attributions se<br />
trouvent ainsi limitées par les prérogatives du directeur général,<br />
a, par contre, le pouvoir de fixer, sans en référer préalablement<br />
à l'assemblée générale, le dividende et les sommes à porter aux<br />
réserves.<br />
L'assemblée générale se compose des actionnaires propriétaires<br />
d'au moins dix actions depuis quatre mois révolus (1). Chaque<br />
actionnaire a autant de voix qu'il possède de fois dix actions,<br />
sans qu'il puisse avoir plus de dix voix en son nom personnel<br />
et plus de vingt, tant à ce titre que comme mandataire. Nul ne<br />
peut faire partie de l'assemblée des actionnaires s'il ne jouit<br />
des droits de citoyen français. Le directeur général rend compte<br />
à l'assemblée de toutes les opérations de la Banque et soumet<br />
à son approbation le compte des dépenses de l'administration<br />
pour l'année écoulée. Les censeurs rendent compte de la sur<br />
veillance qu'ils ont exercée.<br />
L'administration de chaque succursale est confiée à un conseil<br />
local présidé par le directeur de la succursale (nommé par le<br />
Ministre des Finances sur la proposition du directeur général)<br />
et composé d'administrateurs et de censeurs, nommés chaque<br />
année par le Conseil d'administration de la Banque. Le trésorier-<br />
payeur général d'Alger, les payeurs principaux d'Oran et de<br />
Constantine et les payeurs particuliers des villes où sont établies<br />
des succursales de la Banque remplissent les fonctions de com<br />
missaires du gouvernement, avec toutes les attributions des<br />
censeurs.<br />
Indépendamment du Conseil d'administration il existe, dans<br />
chaque succursale, un comité d'escompte, exclusivement chargé<br />
d'examiner les valeurs présentées à l'escompte. Il est composé<br />
(1) Jusqu'à la loi du 3 avril 1880, l'Assemblée générale était composée<br />
des 100 plus forts actionnaires, de même qu'à la Banque de France, elle<br />
est encore composée des 200 plus forts actionnaires. (Voir chapitre IV).
— — 307<br />
du directeur président, de deux administrateurs et de deux à<br />
quatre membres choisis chaque semaine sur une liste de dix<br />
à seize actionnaires de la Banque, désignés chaque année par<br />
le Conseil d'administration de la Banque de l'Algérie,<br />
sentation du Conseil de la succursale.<br />
sur pré<br />
Dans le Conseil de chaque succursale une place au moins est<br />
réservée à un membre indigène, citoyen, sujet ou, en Tunisie,<br />
protégé français (1).<br />
Le privilège de la Banque, qui consiste, en Algérie, dans privilège.<br />
l'autorisation d'émettre, à l'exclusion de tous autres établis<br />
sements, des billets au porteur remboursables à vue, lui est<br />
actuellement concédé jusqu'au 31 décembre 1945 (loi du 29 dé<br />
cembre 1918).<br />
Depuis la loi du 25 juin 1928 et jusqu'à ce que, à la suite<br />
de la fabrication de la nouvelle monnaie française, il soit devenu<br />
matériellement possible de mettre en circulation des espèces<br />
métalliques, les billets de la Banque sont remboursables à vue<br />
à Paris, dans les mêmes conditions que les billets de la Banque<br />
de France,<br />
contre des lingots d'or (2).<br />
Le privilège de la Banque s'exerce actuellement sur le ter<br />
ritoire de l'Algérie et sur celui de la Régence de Tunis.<br />
Les billets de la Banque de l'Algérie y<br />
ont cours légal (art. 1er<br />
de la loi du 12 août 1870, art. 2 de la loi du 5 avril 1880 et décret<br />
tunisien du 8 janvier 1904).<br />
L'article 2 de la loi du 5 juillet 1900 dispose que les émissions<br />
de billets de la Banque de l'Algérie doivent être maintenues<br />
dans des proportions telles,<br />
qu'au moyen du numéraire réservé<br />
dans les caisses de la Banque et des échéances du papier de son<br />
(1) L'article 65 des statuts a été modifié par la loi du 29 décembre 1918<br />
de manière à permettre l'accession aux Conseils des succursales des sujets<br />
ou protégés français.<br />
(2) Jusqu'à nouvel avis, la Banque de l'Algérie assure la convertibilité<br />
de ses billets en les échangeant contre des lingots d'or, livrables à Paris,<br />
à raison de 65,5 milligrammes d'or au titre de neuf cent millièmes de fin<br />
par franc. Chaque lingot livré à Paris est d'un poids de 12 kgs 600<br />
environ d'or fin, c'est-à-dire d'une valeur de 215.000 francs environ.<br />
Si un porteur de billets désire échanger ses billets contre des lingots,<br />
il peut s'adresser à cet effet à toutes succursales ou bureaux de la Ban<br />
que de l'Algérie. En échange de ses billets, il lui est remis un bon à déli<br />
vrer au profit de la personne désignée pour retirer le ou les lingots à<br />
Paris.
CHARGES<br />
DUPRIVILÈGE.<br />
— 308<br />
—<br />
portefeuille, elle ne puisse dans aucun temps être exposée à<br />
différer le paiement de ses engagements au moment où ils lui<br />
seraient présentés. D'autre part, la loi du 1er août 1929 fixe à<br />
l'émission un maximum de 2.400 millions.<br />
Un projet de loi,<br />
Parlement (1), tend à modifier les dispositions de l'art. 2 de<br />
la loi du 5 juillet 1900.<br />
actuellement soumis aux délibérations du<br />
1° Redevances<br />
La Banque paye deux redevances, l'une à l'Etat français qui<br />
bénéfice à l'Algérie, l'autre au Gouvernement tunisien.<br />
La redevance à l'Etat français ne peut jamais être inférieure<br />
à 750.000 francs. Elle est calculée sur le montant des billets<br />
constituant la circulation algérienne, déduction faite des encais<br />
ses en numéraire et, éventuellement, des avances consenties<br />
(1) Ce projet de loi est ainsi conçu :<br />
— Art. 1. La Banque de l'Algérie est tenue de conserver une encaisse<br />
en lingots d'or, monnaies d'or françaises ou tunisiennes, billets de la Ban<br />
que de France et disponibilités à vue sur France pour un total minimum<br />
égal à trente-cinq pour cent (35 %) du montant cumulé de ses billets au<br />
porteur en circulation et de ses comptes courants créditeurs.<br />
L'encaisse de garantie ainsi définie doit être constituée à raison d'un<br />
tiers au minimum par aes lingots d'or ou des monnaies d'or françaises ou<br />
tunisiennes.<br />
— Art. 2. La proportion de l'encaisse de garantie aux engagements à<br />
vue fixée à l'article premier de la présente loi pourra temporairement être<br />
inférieure à trente-cinq pour cent (35 %) tout en restant supérieure à<br />
trente pour cent (30 %), à charge pour la Banque de l'Algérie de payer<br />
à l'Etat une redevance spéciale progressive conformément à l'échelle ci-<br />
après :<br />
Montant des engagements à vue dépassant<br />
le total couvert à raison de 35 %, par<br />
l'intégralité de l'encaisse définis à i'art. 1".<br />
Taux annuel de la redevance<br />
Moins de 50 millions Le taux d'escompte minoré de 4 points<br />
et au minimum 1 "/,.<br />
— 100 Le taux d'escompte minoré de 3 points<br />
et au minimum 2 */o.<br />
Le taux d'escompte minoré de 2 points 1/2<br />
et au minimum 2 1/2 •/..<br />
Le taux d'escompte minoré de 2 points<br />
et au minimum 3 "j,.<br />
Le taux d'escompte minoré de 1 point 1/2<br />
et au minimum 3 1/2 "/••<br />
Le taux d'escompte minoré de 1 point<br />
—<br />
— 200 —<br />
— 300 -<br />
— 400 —<br />
Plus de 400 —<br />
et au minimum 4 •/•• .
LA BANQUE DE L'ALGÉRIE A ALGER<br />
A BANQUE DE L'ALGÉRIE A BOUGIE
- 309<br />
-<br />
gratuitement ou à un taux réduit à l'Etat ou à la Colonie dans<br />
un intérêt public ;<br />
elle est de 1/8 du taux officiel moyen de l'es<br />
compte lorsque ce dernier n'excède pas 5 %, de 1/7 lorsqu'il est<br />
supérieur à 5 %, sans excéder 6 %, et de 1/6 au-dessus de 6 %.<br />
Cette redevance est payée en sus de tous les impôts qui sont<br />
dus par la Banque, dans les conditions d'assiette et de taux<br />
déterminées par les lois existantes au moment où fut signée<br />
la convention du 12 décembre 1917 sanctionnée par la loi du<br />
29 décembre 1918. Toute majoration ou addition aux impôts<br />
frappant le montant ou le produit de l'émission doit être com<br />
pensée avec le montant de la dite redevance. L'excédent serait<br />
perçu en sus le cas échéant.<br />
La redevance à l'Etat tunisien est égale au cinquième de<br />
la redevance payée par la Banque de l'Algérie sur le<br />
montant de la circulation algérienne, sans qu'elle puisse être<br />
inférieure à 150.000 francs. Toutefois,<br />
le calcul de la redevance due à la Tunisie,<br />
si à un moment donné<br />
effectué en prenant<br />
pour base la circulation particulière à la Régence et comme<br />
taux celui pratiqué en Algérie, conduit à des résultats plus<br />
avantageux pour le Protectorat, c'est ce mode de calcul qui<br />
est employé pour la Tunisie au lieu du calcul forfaitaire du<br />
cinquième de la redevance (1) (2).<br />
(1) Pour la Tunisie, les redevances ont produit de 1924 à 1928, 19.980.629<br />
francs et l'ensemble des sommes payées par la Banque de l'Algérie atteint<br />
ainsi le chiffre de 101.191.690 francs à la fin de 1928.<br />
(2) Par une convention du 4 juillet 1929, soumise pour ratification au<br />
Parlement par le projet de loi déposé le 5 juillet 1929, la Banque a con<br />
senti à modifier de la façon suivante les bases de la redevance, pour le cas<br />
où le régime de la limite d'émission serait supprimé et remplacé par<br />
les dispositions du projet de loi déposé devant le Parlement.<br />
« Le texte des deux premiers alinéas de l'article 2 de la convention du<br />
12 décembre 1917 entre l'Etat et la Banque de l'Algérie sera, à compter<br />
de la promulgation de la loi approuvant la présente convention, remplacé<br />
par les dispositions ci-après :<br />
« La Banque de l'Algérie versera à l'Etat français chaque semestre,<br />
jusqu'au 31 décembre 1945, une redevance qui sera calculée sur le mon<br />
tant cumulé des billets constituant la circulation algérienne et des comp<br />
tes courants créditeurs algériens à l'exclusion de la fraction productive<br />
d'intérêts du compte courant du Trésor, après déduction de l'ensemble des<br />
encaisses algériennes en lingots d'or ou en espèces métalliques ayant<br />
cours légal, des disponibilités algériennes en billets de la Banque de France<br />
ou en compte courant dans cet établissement et des avances consenties<br />
gratuitement ou à taux réduit à l'Etat ou à la colonie dans un intérêt<br />
public.<br />
« Le total ainsi obtenu sera réparti entre deux cédules correspondant<br />
20
— — 310<br />
Depuis 1901, date où pour la première fois la redevance a été<br />
prévue, jusqu'en 1928, le produit total s'en est élevé :<br />
Pour l'Algérie seulement,<br />
de 1901 à 1917 à francs : 10.264.156 58<br />
1918 à 1928 à » 70.946.904 51<br />
dont en 1928<br />
Total<br />
81.211.061 09<br />
7.455.977 56<br />
Les redevances doivent être employées par l'Etat en Algérie,<br />
au profit :<br />
1° de sociétés coopératives agricoles ;<br />
2° du crédit individuel agricole à long terme, à moyen terme<br />
ou à court terme ;<br />
3° des sociétés d'assurances mutuelles agricoles ;<br />
4° des études, expérimentations et vulgarisations agricoles ;<br />
5° de la propagande industrielle, commerciale et touristique ;<br />
6° des sociétés d'habitations à bon marché ;<br />
7° de la recherche et de la mise en valeur des richesses artis<br />
tiques, archéologiques et historiques ;<br />
8° des instituts de sciences appliquées à l'industrie et à l'agri<br />
culture.<br />
2° Partage du dividende<br />
Toute répartition d'un dividende annuel supérieur à 150 francs,<br />
net d'impôts, par action au porteur, oblige la Banque à verser à<br />
l'Etat français une somme égale à l'excédent net réparti, mul-<br />
l'une aux escomptes et aux avances sur titres, l'autre aux fonds placés<br />
en France et à l'étranger. Le tarif de la redevance sera constitué, dans<br />
chaque cédule, par le huitième de la moyenne des taux réels d'intérêts<br />
pratiqués pour les opérations de ladite cédule, lorsque cette moyenne ne<br />
dépassera pas 5 %, par le septième de ladite moyenne lorsqu'eUe sera<br />
supérieure à 5 % sans excéder 6 %, par le sixième, lorsqu'elle s'élèvera<br />
au-dessus de 6 %.<br />
« Le produit de la redevance ne pourra être inférieur à dix millions de<br />
francs par an. Toutefois, si ce montant représentait un prélèvement supé<br />
rieur à celui qui résulterait de l'application aux éléments d'assiette, visés<br />
au premier alinéa du présent article, d'un tarif égal dans chaque cédule<br />
au cinquième de la moyenne des taux réels d'intérêts pratiqués ou au<br />
sixième de cette moyenne, dans le cas où elle serait inférieure à 4 % dans<br />
la première cédule et à 1,50 % dans la seconde, la Banque de l'Algérie<br />
ne serait tenue de verser que la somme résultant de ces derniers tarifs. »
- 311<br />
-<br />
tiplié par le rapport existant entre le montant des billets de la<br />
circulation algérienne et celui de la circulation totale de la<br />
Banque.<br />
La même règle a été adoptée pour la Tunisie, proportion<br />
nellement au montant de la circulation des billets tunisiens.<br />
Depuis 1918, ce partage de dividende a produit pour l'Etat,<br />
au profit de l'Algérie, un total de 24.484.039 fr. 07, dont<br />
5.901.622 fr. 16 pour l'exercice 1927-1928 (1).<br />
3° Impôt spécial sur la circulation des billets<br />
La circulation des billets est soumise à un impôt du timbre<br />
qui est perçu par abonnement à raison de 0,50 0/00 sur la partie<br />
de la circulation productive et de 0,20 0/00 sur le complé<br />
ment (2).<br />
Pour l'exercice 1927-1928, cet impôt s'est élevé à 535.508 fr. 55.<br />
4° Intérêt versé à l'Etat sur le solde créditeur<br />
de son compte courant<br />
La Banque paye à l'Etat français et à l'Etat tunisien un<br />
intérêt variable sur les sommes que les Trésors ont en dépôt<br />
chez elle. Le montant des intérêts ainsi payés à l'Etat français<br />
s'élève, depuis 1918 jusqu'en 1928, à 14.170.986 fr. 97, dont<br />
668.093 fr. 46 pour l'année 1928 (3).<br />
En 1929, les sommes payées par la Banque, à titre de rede<br />
vances, intérêt au profit de l'Etat, ou impôts spéciaux, en dehors<br />
des impôts généraux demeurés à sa charge, s'élèveront à envi<br />
ron, 29 millions, dont :<br />
(1) Pour la Tunisie, le superdividende a produit 7.015.960 fr. 93 depuis<br />
1918.<br />
(2) L'article 3 du projet de loi déposé le 5 juillet 1929 dispose :<br />
« Le droit de timbre institué par l'article 10 de la loi du 5 juillet 1900<br />
portera dorénavant sur la quotité moyenne des billets en circulation et des<br />
comptes-courants créditeurs correspondant à des opérations productives.<br />
Un arrêté du Ministre des Finances déterminera les bases et les modali<br />
tés du calcul à effectuer pour déterminer ladite quotité. »<br />
(3) Pour l'Etat tunisien, les intérêts du solde créditeur ont produit<br />
9.717.396 fr. 85 dont 494.228 fr. 83 pour l'année 1928.
- 312<br />
—<br />
1° au titre de la redevance algérienne 9.831.633 fr. 09 ;<br />
2° au titre de la redevance tunisienne 3.371.745 fr. 92 ;<br />
3° au titre de la participation au dividende à l'Algérie<br />
6.554.619 fr. 72, à la Tunisie 2.195.380 fr. 28;<br />
4° au titre de l'impôt du timbre 632.435 fr. 66;<br />
5° au titre des intérêts versés au Trésor français sur le solde<br />
de son compte-courant 4.000.000 francs et des intérêts versés<br />
au Trésor tunisien au même titre 2.500.000 francs.<br />
5° Opérations gratuites effectuées pour le compte du Trésor<br />
La Banque doit effectuer gratuitement le paiement des chèques<br />
et virements émis par les comptables du Trésor et prêter son<br />
concours pour faciliter le règlement par virement des mandats<br />
établis aux noms des créanciers de l'Etat, de la Colonie, des<br />
départements et des communes qui ont des comptes ouverts,<br />
soit à la Banque de l'Algérie, soit dans une maison de banque<br />
elle-même titulaire d'un compte à la Banque de l'Algérie. Elle<br />
doit procéder sans frais à l'encaissement des chèques tirés ou<br />
passés à l'ordre des comptables du Trésor.<br />
La Banque paye gratuitement,<br />
concurremment avec les cais<br />
ses publiques, pour le compte du Trésor, les coupons au porteur<br />
des rentes françaises et des valeurs du Trésor français. Elle doit<br />
ouvrir gratuitement ses guichets à l'émission des rentes fran<br />
çaises et valeurs du Trésor (1).<br />
Les comptables directs du Trésor et les comptables des admi<br />
nistrations financières peuvent opérer des versements et des<br />
prélèvements dans les succursales et bureaux auxiliaires.<br />
(1) Souscriptions aux emprunts effectués aux guichets de la Banque :<br />
En Algérie En Tunisie<br />
5 •/. 1915 23.241.926 40 676.931 20<br />
5 •/. 1916 37 . 747.848<br />
75 593 . 853 75<br />
4 •/. 1917 32.461.429 70<br />
4 •/. 1918 .... 235.451.803 80<br />
372.914 10<br />
21.155.337 60<br />
5"/. 1920<br />
6'/. 1920<br />
179.267.177 »<br />
75.051.548 70<br />
15.585.803 »<br />
5.400.796 70<br />
583.221.734 35 43.785.636 35<br />
Les souscriptions effectuées aux guichets du Trésor et de tous les éta<br />
blissements financiers installés en Algérie (Banque de l'Algérie comprise)<br />
se sont élevées à 1.768.396.610 francs sur lesquels la Banque de l'Algérie
— — 313<br />
6° Avances sans intérêts à l'Algérie<br />
Par une convention signée le 4 juillet 1929 et actuellement sou<br />
mise aux délibérations du Parlement, la Banque s'est engagée<br />
à mettre à la disposition de l'Algérie,<br />
si le projet concernant la<br />
réforme du statut monétaire est voté, une avance de 30 millions<br />
sans intérêts jusqu'à l'expiration de son privilège, c'est-à-dire<br />
jusqu'en 1945. Les Délégations financières ont émis le vœu que<br />
cette avance fût plus élevée.<br />
Les opérations de la Banque de l'Algérie sont définies par<br />
les articles 11 à 24 des statuts. Elles sont limitées à l'Algérie et<br />
à la Tunisie (2).<br />
a) Opérations d'escompte. —<br />
Toute<br />
personne notoirement sol-<br />
vable peut être admise aux escomptes de la Banque de l'Algérie.<br />
Les demandes d'admission sont soumises à l'examen des conseils<br />
d'administration locaux, qui donnent leur avis,<br />
et doivent être<br />
approuvées par les directeurs des succursales. Elles sont ensuite<br />
transmises, pour ratification,<br />
au Conseil d'administration de la<br />
Banque à Paris, qui procède au vote définitif des crédits.<br />
Les effets négociables aux guichets de la Banque doivent<br />
avoir une échéance ne pouvant excéder cent jours et être revêtus<br />
de deux signatures notoirement solvables ; pour les effets paya<br />
bles à l'étranger et dans les colonies françaises, les délais de<br />
route peuvent s'ajouter à l'échéance maxima de cent jours.<br />
Un régime spécial est appliqué aux warrants commerciaux.<br />
S'ils sont accompagnés du récépissé, ils sont dispensés de l'une<br />
des signatures statutaires, mais, dans ce cas, l'échéance des war<br />
rants ne doit pas dépasser 60 jours et le montant des sommes<br />
avancées ne peut excéder les deux tiers de la valeur des mar<br />
chandises warrantées.<br />
Les effets documentaires sont également dispensés de la<br />
figure pour : 583.221.734 fr. 35. La Banque a donc recueilli à peu près<br />
le tiers des souscriptions effectuées en Algérie, ce qui est une proportion<br />
équivalente à celle des placements de valeurs de la Défense Nationale<br />
effectués, pendant la même période, par la Banque de France dans la<br />
Métropole.<br />
(2) n est interdit à la Banque de faire au siège social de l'escompte,<br />
des avances sur titres et d'ouvrir des comptes-courants.<br />
OPÉRATIONS<br />
DE LA<br />
BANQUE
- 314<br />
-<br />
deuxième signature par la remise des connaissements et, dans<br />
ce cas, l'escompte peut être consenti à concurrence de la moitié<br />
de la valeur de la marchandise.<br />
Le taux des escomptes est réglé par délibération du Conseil<br />
d'administration, mais les bénéfices résultant de l'élévation au-<br />
dessus de 6 %<br />
naire ».<br />
sont portés à un compte de « Réserve extraordi<br />
La Banque de l'Algérie n'accueille pas seulement le papier que<br />
peuvent lui réescompter les banques (1) ; elle a également pour<br />
(1) Elle ouvre largement ses guichets même à la petite clientèle, ainsi<br />
qu'il ressort de l'examen de ses cotes d'escompte. On entend par cotes d'es<br />
compte les chiffres fixés par le Conseil d'administration, suivant la sol<br />
vabilité présentée ainsi que suivant l'importance des affaires traitées et<br />
celle des sûretés offertes, pour limiter les engagements autorisés des<br />
clients. Ces chiffres ne peuvent être dépassés par les directeurs et les<br />
Conseils d'administration de la Banque. Le groupement de ces cotes reflète<br />
ainsi, avec une approximation suffisante, la progression et la réparti<br />
tion selon leur importance, des affaires des clients de la Banque. Le tableau<br />
ci-dessous montre que la petite clientèle a largement accès à ses guichets.<br />
Nombre et répartition des cotes d'escompte à la Banque de l'Algérie<br />
0 so ooa 100.000 200 000 500.000 1.000.000 Snpérienres<br />
Exercices à à à a a a a Totaux<br />
49.999 99.999 199.999 499.999 999.999 4.999.999 5 millions<br />
1899-1900 408 136 135 72 46 25 5 827<br />
1905-1906 1.174 313 222 134 42 24 5 1.914<br />
1912-1913 1.991 795 443 330 131 84 13 3.787<br />
1919-1920 1.468 481 441 343 141 104 29 3 007<br />
1924-1925 1.191 566 478 384 177 165 13 2.974<br />
1928-1929 1.168 670 667 564 275 322 48 3.714<br />
Il est remarquable que malgré les réductions des 4/5 de la valeur de<br />
l'unité monétaire, le nombre des cotes inférieures à 50.000 francs n'ait<br />
diminué que de 40 % environ depuis 1913 et que plus de la moitié des<br />
cotes soient inférieures à 100.000 francs.<br />
En janvier 1929, les effets inférieurs à 1.000 francs représentent plus de<br />
la moitié en nombre des effets compris dans le portefeuille de la Banque<br />
à Alger, ainsi qu'il ressort du relevé ci-joint :<br />
Sur 46.695 effets escomptés, du 16 au 31 janvier 1929, pour 192.746.119 fr. :<br />
4.775 effets sont inférieurs a 100 fr. pour un total de 263.150 fr.<br />
23.305 supérieurs a 100 fr. et inférieurs ù 1.000 fr. pour un total de<br />
9.555.404 fr.<br />
15.919 supérieurs a 1.000 fr.et inférieur» a 10.000 fr. pour un total de<br />
43.816.663 fr.<br />
'2.386 —<br />
supérieurs a 10.000 fr. et inférieurs a 100.000 fr. pour H un total<br />
de 57.452.482 fr.<br />
310 —<br />
supérieurs à 100.000 fr. pour un total de 81.658.420 fr.
— — 315<br />
mission, nous l'avons expliqué en remontant à ses origines et en<br />
retraçant son histoire, d'escompter directement les effets créés<br />
à la suite d'opérations d'achats et de ventes, et revêtus seule<br />
ment de deux signatures, en principe celles du vendeur et de<br />
l'acheteur ; elle escompte également tous effets représentant<br />
des opérations réelles, pourvu qu'ils soient revêtus de deux signa<br />
tures notoirement solvables et qu'ils ne dépassent pas l'échéance<br />
prescrite ; elle accepte, dans certains cas,<br />
que ces effets soient<br />
renouvelés dans les conditions précisées par le directeur général,<br />
dans une lettre du 11 décembre 1917 adressée au Ministre des<br />
Finances,<br />
au moment de la signature de la convention relative<br />
au renouvellement du privilège, et ainsi conçue : « La Banque<br />
de l'Algérie réservera aux demandes de renouvellement d'effets<br />
relatifs à des crédits d'exportation ou à des crédits de campa<br />
gne toutes les facilités compatibles avec les règles de prudence<br />
qui s'imposent à un institut d'émission. »<br />
b) Encaissements. —<br />
La Banque se charge, pour le compte<br />
des particuliers ou pour celui des établissements publics, de<br />
l'encaissement des effets qui lui sont remis. Elle paie, à concur<br />
rence des sommes encaissées, tous mandats et assignations<br />
(art. 11, paragraphe 4) (1).<br />
c) Comptes courants garantis par nantissements de titres. —<br />
La Banque met à la disposition de toute personne qui désire<br />
entrer en relations avec elle,<br />
pour traiter un ensemble d'opé<br />
rations, des comptes courants garantis par des nantissements<br />
de titres.<br />
Ces comptes fonctionnent exactement comme les comptes cou<br />
rants de banques et permettent, par le jeu des remises auxquelles<br />
ils peuvent donner lieu, toutes les opérations usuelles : virements,<br />
(1) Le nombre des localités sur lesquelles la Banque de l'Algérie peut<br />
recevoir des valeurs à l'escompte ou à l'encaissement s'est élevé à :<br />
100 en 1857 1.750 en 1910<br />
500 en 1877 2.000 en 1922<br />
800 fln 18S8 2.261 en 1929<br />
Les recouvrements, dans un certain nombre de localités comprises dans<br />
ces chiffres, sont assurés par le service des Postes, par application d'un<br />
décret du 31 mars 1880, qui a étendu au service algérien les dispositions<br />
de l'arrêté ministériel du 11 mai 1879 concernant le recouvrement des<br />
effets de commerce par la poste.
- 316<br />
—<br />
chèques, découverts, dépôts *et retraits directs, domiciliation, etc.<br />
En cas de découvert, le client ne supporte d'intérêts que sur<br />
les sommes dont il a besoin et il peut à tout moment augmenter<br />
ou diminuer son découvert dans les limites stipulées lors de<br />
l'ouverture du compte.<br />
Le compte courant donne, en outre,<br />
aux propriétaires de<br />
valeurs mobilières tous les avantages, facilités et sécurités, reti<br />
rés généralement du dépôt de titres et, ce, sans payer de droits<br />
de garde, tout au moins chaque fois que le mouvement du<br />
compte a produit un chiffre d'arrérages relativement minime.<br />
Il peut enfin être pour le commerçant qui a un portefeuille<br />
de valeurs mobilières un auxiliaire précieux de l'escompte.<br />
La Banque admet en nantissement, à concurrence de 80 %<br />
de leur valeur en bourse au jour du contrat : les rentes sur<br />
l'Etat, les bons et obligations du Trésor, de la Défense nationale<br />
et du Crédit national, les emprunts de l'Algérie, de la Tunisie,<br />
et des colonies et pays de protectorats, les bons et obligations<br />
des Chemins de fer français, algériens, tunisiens et de diverses<br />
colonies, les obligations du Crédit Foncier de France (foncières<br />
et communales), les emprunts des villes, départements et cham<br />
bres de commerce et, à concurrence de 50 %, les actions des<br />
grands réseaux de chemins de fer français.<br />
Ce poste de son bilan est très peu développé en raison de<br />
la faible quantité de titres de cette nature détenus en Algé<br />
rie (1).<br />
d) Opérations de bourse. —<br />
La<br />
Banque effectue, moyennant<br />
couverture préalable, toutes opérations de bourse par les inter<br />
médiaires officiels habituels.<br />
e) Comptes courants. —<br />
Elle reçoit en comptes courants, sans<br />
intérêts, les sommes qui lui sont déposées. Aucune opposition<br />
n'est admise sur ces sommes (loi du 4 août 1851, art. 7).<br />
(1) Le total des Avances sur titres atteignait en :<br />
1880<br />
1914<br />
1929<br />
753.635 Frs.<br />
1.447.908 Frs.<br />
20.637.984 Frs.<br />
La valeur des titres en dépôt à la Banque s'élevait au 15 avril 1929 à<br />
•<br />
304.629.826 francs pour 169.244 titres.
BILLETS DE BANQUE ACTUELS I<br />
Réduction 400/1000
GRAPHIQUES
1852-1913<br />
Echelle :0m m 015 par million<br />
„ moyennes semestrielles<br />
par périodes décennales<br />
MOUVEMENT des CAISSES<br />
1914-1926<br />
Echelle: Om.m.003par?millions<br />
L<br />
chiffres su 31 octobre<br />
-«#■<br />
y^wruiyjfr<br />
1926-1929<br />
Echelle ^Omm.OOJ par million<br />
■<br />
p<br />
ni<br />
i 4<br />
■<br />
il<br />
I u<br />
il<br />
i I<br />
f<br />
1 1<br />
II<br />
■'■■•"<br />
v "'<br />
'<br />
Chiffres semestriels<br />
i<br />
j<br />
ï<br />
» jwwn .
18521913<br />
Echelle: 0mm25 par million<br />
5 oo<br />
CIRCULATION<br />
ALGERIE TUNISIE<br />
S 2<br />
moyennes<br />
ptr périodes décennales<br />
C3T<br />
1914-1926<br />
- Echelle Omm 05 par2millions<br />
t M 2 & | 9<br />
Chiffres au 3/ Octobre<br />
J*<br />
1926 •<br />
1929<br />
£che!le:0mm 05 par million<br />
|<br />
L2.<br />
Chiffres semestriels<br />
f/tfSfA*tWlét,4/»„,<br />
1<br />
Ï
f<br />
oPÉRATioNSd-ESCOMPTEeu-ENCAISSEMENT<br />
1852-1913<br />
Echelle :0m.m.OS par million .<br />
I 1<br />
4*<br />
** r« î» *» •*« S; ê^<br />
§ i s i i ? li /il<br />
moyennessemestrielles<br />
ptr périodes décennales<br />
1914-1926<br />
Echelle :0m.m.0i par? militons<br />
AD)0ie)Vift«)Pi
ENSEMBLE des ENGAGEMENTS àVUE<br />
CIRCULATION TOTALE^mh-tuhisie)» DÉPOTS "TRÉSOR FRANÇAIS<br />
etTRÉSOR TUNISIEN ■<br />
1852-1913<br />
Echelle: 0mm25 par million<br />
5 S<br />
i<br />
■ ' ■ V<br />
moyennes<br />
par périodes décennales<br />
I<br />
i<br />
CHÈQUES et BORDEREAUX à PAYER<br />
1914-1926<br />
Echelle : Om.m.05 par2miilions<br />
iO)0)ii)(i)0)i)i o> Oj S S)<br />
.» 5 -* ç<br />
à 4. o ^<br />
V<br />
Chiffres seaiestrieib
PROPORTION DES ÉLÉMENTS COMPOSANT<br />
L'ENSEMBLE DU PASSIF IMMÉDIATEMENT EXIGIBLE<br />
a : 3.000.000 fr.<br />
b . 315.000 „<br />
C<br />
- 0 „<br />
a = 72.000.000 fr.<br />
b -- 9.866.000 .<br />
C ■- 21.233.000<br />
MB a _<br />
I I b _<br />
t^^a C _<br />
a = 2.073. 000. 000 fr.<br />
b . 187. 000. 000<br />
C . 633. 000. 000 .<br />
*'<br />
II! Mi j -5S£<br />
Vjrt<br />
Circulation<br />
Dépôts.<br />
Comptes<br />
,<br />
Chèques et bordereaux à payer,<br />
du Trésor public , du Trésor<br />
tunisien , de la Banque de France .<br />
1852 -1861<br />
moyenne<br />
décennale<br />
1882-1891<br />
mojenne<br />
décennale<br />
a = 154. 359. OOO fr.<br />
b = 14 047.000 .<br />
C 94.444.000 .<br />
a ± 855.998.000 fr.<br />
b = 55.560.000 -<br />
C , 111.042.000 _<br />
1902 1913<br />
mojenne<br />
duodécennale<br />
1914-1325<br />
moyenne<br />
duodécennale<br />
1929<br />
31 octobre
S3.<br />
ooooOooo<br />
O o o o a o o o<br />
NO I IVI HO U 13<br />
siaMaaiAia<br />
ISlIlAluano SJObVHD<br />
>--, «» Il S' -".'.'SA1'<br />
El
— — 317<br />
*<br />
* *<br />
Les tableaux que l'on trouvera ci-contre donnent le dévelop- statistiques<br />
pement des opérations d'escompte et d'encaissement de la Ban-<br />
que de l'Algérie depuis sa création jusqu'à ce jour.<br />
Nous les avons divisés en trois périodes : La première s'étend<br />
de 1851 à 1914 et fait l'objet de graphiques établis sur une<br />
échelle de base ; la dernière,<br />
tre 1926 au deuxième semestre 1929,<br />
qui s'étend du deuxième semes<br />
c'est-à-dire depuis le<br />
moment où la devise française se redressa puis fut stabilisée<br />
en fait pour permettre la détermination nouvelle du poids d'or<br />
de l'unité monétaire, fait l'objet de graphiques établis sur une<br />
échelle cinq fois moindre que la précédente, de façon à rendre<br />
plus sensibles les comparaisons des chiffres relevés au cours<br />
de ces deux périodes, en tenant compte de la valeur relative<br />
des deux monnaies. La période intermédiaire, qui comprend les<br />
années de 1914 à 1926,<br />
a fait l'objet d'un graphique spécial<br />
présenté sous une forme toute différente des précédents et selon<br />
une échelle n'ayant pas de rapport avec celles de ces graphiques.<br />
Le caractère instable de la valeur de l'unité,<br />
monétaire fran<br />
çaise pendant cette période ne nous paraît pas permettre d'utiles<br />
comparaisons entre les chiffres relevés à ce graphique et ceux<br />
des autres tableaux. Dans ce graphique lui-même, les chiffres<br />
du début ne peuvent être considérés comme ayant la même<br />
valeur que ceux qui sont inscrits à la fin. L'unité monétaire<br />
de 1914 et celle de 1926 ne constituent pas une même mesure<br />
des valeurs.<br />
Les tableaux graphiques concernent :<br />
i"<br />
Le mouvement des caisses<br />
Pour les périodes 1852-1913 et 1926-1929, les chiffres portés<br />
sont ceux des mouvements d'un semestre. Pour la première<br />
période il s'agit de la moyenne semestrielle au cours de dix<br />
années,<br />
sauf pour 1913 où la moyenne semestrielle de l'année<br />
a été relevée. On remarquera l'importance prise au cours de<br />
cette année par les mouvements des caisses de la Banque, par<br />
graphiques.
— 318<br />
—<br />
rapport aux moyennes décennales antérieures. La période 1914-<br />
1926 a été marquée par une progression continue du montant<br />
en francs de ces mouvements, par un ralentissement en 1920,<br />
une chute en 1921, une reprise en 1922, puis une nouvelle chute<br />
en 1925,<br />
■(•/■<br />
suivant ainsi les fluctuations des crises mondiales et de<br />
la crise propre à la monnaie française. Le mouvement des cais<br />
ses au début de la période commençant au deuxième semestre<br />
1926, se trouve à peu près pouvoir être comparé, en valeur abso<br />
lue, à celui de la moyenne semestrielle de 1913, et marque ensuite<br />
la reprise d'une progression normale.<br />
2°<br />
La circulation<br />
Depuis 1904, la circulation se compose de deux éléments, la<br />
circulation algérienne et la circulation tunisienne.<br />
Ces deux éléments ont été distingués sur le graphique par des<br />
hachures différentes : rapprochées et placées à la base de cha<br />
que colonne, lorsqu'il s'agit de figurer la circulation algérienne ;<br />
espacées et placées au sommet lorsqu'il s'agit de la circulation<br />
tunisienne. Les chiffres de chacune de ces circulations sont ins<br />
crits dans le même ordre, au-dessus de chaque colonne. Pour le<br />
tracé de la courbe 1914-30 avril 1926, les circulations ont été<br />
additionnées, chaque point étant obtenu par le total des deux<br />
chiffres dont il est surmonté.<br />
On observera que la circulation a suivi dans l'ensemble, comme<br />
il est naturel, une progression sensiblement égale à celle qui est<br />
marquée par le graphique du Mouvement des caisses ; toutefois,<br />
tandis que ce mouvement est seulement au deuxième<br />
semestre 1926 à peu près le même en valeur absolue que<br />
celui de 1913, la circulation au contraire a accusé un accrois<br />
sement bien plus considérable. Il y avait, semble-t-il, un excès<br />
de billets qui a été rapidement résorbé dès que la valeur du<br />
franc a été stabilisée ; la réduction de la circulation est, en<br />
effet, au premier semestre 1927 bien plus accentuée que ne l'a<br />
été la réduction correspondante du Mouvement des Caisses. Elle<br />
ne paraît donc pas devoir être expliquée par le seul ralentisse<br />
ment temporaire des affaires qui a accompagné la stabilisation,<br />
mais par un retour aux modes normaux de règlements.
3°<br />
319 —<br />
Les opérations d'escompte et d'encaissement<br />
La caractéristique du mouvement de ces opérations est la<br />
dépression qu'elles ont marquée en réalité pendant et après la<br />
guerre. Ce n'est qu'en 1929 et non en 1926-27,<br />
comme pour les<br />
mouvements des caisses et la circulation, qu'on retrouve, en<br />
valeur absolue, les chiffres de 1913, et le ralentissement tem<br />
poraire des affaires qui a accompagné la stabilisation y est éga<br />
lement beaucoup plus nettement sensible que dans les deux<br />
tableaux précédents.<br />
!y°<br />
L'ensemble des engagements à vue<br />
Sous cette rubrique ont été réunis la circulation totale (Algé<br />
rie et Tunisie) ; les dépôts, le compte-courant du Trésor, celui<br />
du Trésor Tunisien, le compte-courant d'avances sur titres de<br />
la Banque de l'Algérie à la Banque de France ; les dispositions<br />
diverses à payer (chèques, bordereaux, etc..)<br />
Le même mode de représentation a été adopté que pour les<br />
tableaux 1 et 2. La base des colonnes (hachures rapprochées)<br />
représente la circulation totale ; le sommet (hachures espa<br />
cées) représente le total de tous les autres comptes. Pour le tracé<br />
de la courbe 1914-30 avril 1926, tous les comptes ont été totali<br />
sés ; les deux chiffres inscrits au-dessus de chaque point indi<br />
quent, le premier la circulation totale, le second l'ensemble des<br />
autres comptes.<br />
On remarquera que l'ensemble des engagements à vue a suivi<br />
les mêmes mouvements que celui des opérations d'escompte et<br />
d'encaissement, et qu'une des caractéristiques des chiffres de<br />
la période commençant au deuxième semestre 1926 est la part<br />
prépondérante prise dans ces engagements à vue par la circula<br />
tion. Cette part prépondérante tend à diminuer en ce moment,<br />
en raison de l'accroissement considérable du solde créditeur du<br />
compte-courant du Trésor, et, dès le deuxième semestre 1929,<br />
cette réduction est très sensible.
5°<br />
— — 320<br />
Proportion des éléments<br />
composant V ensemble du passif immédiatement exigible<br />
Ces éléments sont 1° la circulation; 2° les dépôts, chèques et<br />
bordereaux à payer ; 3° les comptes-courants du Trésor public<br />
et du Trésor Tunisien,<br />
ainsi que le compte-courant d'avances sur<br />
titres de la Banque de l'Algérie à la Banque de France.<br />
L'ensemble est représenté par un demi-cercle, dans lequel le<br />
secteur noir figure la circulation, le secteur blanc les dépôts,<br />
chèques et bordereaux à payer ; le secteur hachuré les comp<br />
tes du Trésor public et du Trésor tunisien,<br />
ainsi que le solde<br />
du compte d'avances sur titres à la Banque de France. Ce solde<br />
est d'ailleurs insignifiant et doit être tenu pour négligeable dans<br />
l'appréciation des valeurs relatives des divers éléments compo<br />
sant l'ensemble des engagements à vue. On remarquera qu'au<br />
fur et à mesure du développement des affaires en Algérie, la<br />
part représentée par le solde créditeur des comptes du Trésor<br />
est devenue plus forte. La guerre a arrêté ce développement et<br />
la circulation a pris bientôt une place prépondérante ; le compte<br />
du Trésor n'était plus alimenté, en effet,<br />
par un excédent de la<br />
balance des paiements de l'Algérie. Au contraire en 1929, cette<br />
balance devient de nouveau déficitaire pour l'Algérie, —<br />
doute exceptionnellement —<br />
et<br />
sans<br />
la part du solde créditeur du<br />
compte-courant du Trésor dans les engagements à vue de la<br />
Banque tient, dès le 31 octobre 1929, une place beaucoup plus<br />
importante, qui s'est accentuée d'ailleurs depuis,<br />
et qui tend à<br />
rappeler les proportions qu'elle avait atteinte dans la période<br />
1902-1913.
BILAN<br />
DE LA BANQUE DE L'ALGÉRIE<br />
AU 31 OCTOBRE 1929 (D<br />
(1) La Situation de la Banijue est publiée chaque mois au Journal Officiel Algérien.
Numéraire en Caisse<br />
Disponibilités à l'Etranger<br />
Disponibilités en France<br />
Rentes sur l'Etat<br />
Portefeuille<br />
Effets remis par la Banque<br />
— 322 —<br />
ACTIF<br />
Or (lingots et monnaies) 206.336.057,95<br />
Divers 18.445 393,91<br />
Effets escomptés ... 1.727.425.360,65<br />
Effets à l'encaissement 40.063.330,40<br />
Warrants 6.672.802,40<br />
Effets en recette 96.573.271,00<br />
Comptes courants garantis par des nantissements de titres.<br />
Succursales (leur compte avec la Banque)<br />
Bureaux Auxiliaires<br />
Correspondants d'Algérie<br />
Correspondants de France et de l'Etranger<br />
Hôtels de la Banque<br />
Titres appartenant à la Caisse des Retraites<br />
Avance à la Banque Industrielle de l'Afrique du Nord (Loi<br />
du 29 décembre 1918)<br />
Actions de la Banque d'Etat du Maroc (Loi du 3 août 1920<br />
et décret du 25 avril 1921)<br />
Comptes Divers<br />
224.781.451,86<br />
265.256 673,88<br />
285.517.207,42<br />
23 666.763,75<br />
1.870.736.764,45<br />
112.808.485,79<br />
26 967.456,72<br />
5.386.993.159,83<br />
387.438.633,75<br />
128.591.170,51<br />
208.820.137,26<br />
43.115.407,39<br />
35.894.999,75<br />
5.000.000,00<br />
1.467.675,00<br />
102.697.988,78<br />
9.109753.976,14
Capital<br />
Billets au porteur en circulation<br />
Bordereaux à payer<br />
Comptes courants sur place<br />
Réescompte du dernier semestre<br />
— — 323<br />
PASSIF<br />
Banque de l'Algérie (son compte avec les Succursales).<br />
Effets envoyés en recouvrement<br />
Banque de France<br />
Dividendes à payer<br />
Chèques à payer<br />
Recouvrements à effectuer<br />
Profits et Pertes<br />
Caisse des Retraites<br />
Trésor Public<br />
Trésor Tunisien<br />
Réserves<br />
'<br />
Statutaire<br />
| Immobilière<br />
Extraordinaire<br />
25.000 000,00<br />
2.072.979 890,00<br />
98.<br />
142.087.<br />
9.371.<br />
5.322.434<br />
482.580<br />
87<br />
1.392 847,82<br />
44.949 253,38<br />
17.861<br />
25.104 460,85<br />
37.407<br />
584.246<br />
248.407<br />
8.333 333,33<br />
43.115<br />
,401,85<br />
,655,13<br />
.459,00<br />
.639,60<br />
.795,71<br />
.520,54<br />
.921,74<br />
.336,87<br />
149,73<br />
.527,66<br />
407,39<br />
44.295 375,54<br />
9.109.753.976,14
— — 324<br />
Relevé des taux d'escompte pratiqués par la Banque de l'Algérie<br />
DATES<br />
1" novembre 1851 6 •/.<br />
24 octobre 1857 7 '/.<br />
14 novembre 1857 6 7.<br />
5 octobre 1861 7 •/.<br />
11 novembre 1861 6 7„<br />
14 mai 1864 1 7.<br />
24 mai 1864 6 V.<br />
18 octobre 1864 7 7.<br />
8 novembre 1864 6 •/.<br />
29 décembre 1868 —<br />
26 juillet 1870 —<br />
3 avril 1878 —<br />
24 avril 1878 —<br />
COMMERCIAL<br />
Algérie France<br />
4<br />
6<br />
5<br />
4<br />
7.<br />
7.<br />
7.<br />
7.<br />
9 octobre 1878 5 7. —<br />
8 octobre 1879 4 7. 3 7.<br />
26 mai 1880<br />
10 octobre 1881 5 7»<br />
2 1/2 7.<br />
3 7.<br />
8 février 1882 6 •/. 4 7.<br />
29 mars 1882<br />
8 juillet 1884<br />
13 février 1894 —<br />
14 août 1894<br />
15 mars 1898<br />
5 »/.<br />
1<br />
—<br />
— 3<br />
11 avril 1899 4 •/.<br />
2 janvier 1900<br />
9 janvier 1900<br />
30 janvier 1900<br />
19 novembre 1900<br />
4 lévrier 1902<br />
21 mars 1907<br />
4 1/2 •/.<br />
5 '/.<br />
4 1/2 7.1<br />
(Létaux p'<br />
4 V.<br />
4 1/2 7.<br />
3 1/2 7.<br />
3 7„<br />
CAMPAGNE AVANCES<br />
7» ef . ayant moins de 31 j. à courir<br />
2 V. _<br />
de<br />
31 à 100 -<br />
17. ef.ayantde là 15 jours à courir<br />
27. -<br />
16<br />
à 30<br />
7. 31 à 100<br />
5 7.<br />
être abaisséjusqu'i1<br />
3 "/.se Ion les c irconstances)<br />
3 V.<br />
7. novembre 1907 5 7. —<br />
5 •/.<br />
—<br />
—<br />
I
BILLETS DE BANQUE ACTUELS II<br />
ANQUE DE L'ALGÉRIE<br />
VINGT 'FRANCS<br />
PAYABLES LES AU PORTEUR ET r.T A VUE<br />
32-0-1092<br />
Réduction 400 1 000
DATES<br />
325<br />
COMMEKCIAL<br />
Algérie<br />
Fiance<br />
CAMPAGNE AVANCES<br />
9 janvier 1908 4 1/2 7. 3 7. 5 1/2 7. 4 7.<br />
27 septembre 1911 3 7. —<br />
5 janvier 1912 41/2 7.<br />
17 octobre 1912 5 V. —<br />
4 novembre 1912 5 1/2 7. —<br />
14 décembre 1912 —<br />
6<br />
—<br />
6<br />
6<br />
— — 5<br />
7. 4 1/2 7.<br />
o 1/2 7. 4 7.<br />
7. 4 1/2 7,<br />
1/2 7, 5 7.<br />
1/2 7.<br />
27 décembr- 1912 6 V. 4 1/2 7. 7 7. 6 7.<br />
15 mai 1913 5 1/2 v.<br />
11 août 1913 5 •/.<br />
30 janvier 1914 4 1/2 7. —<br />
30 juillet 1914 5 1/27. —<br />
1" août 1914 6 7. —<br />
— 6<br />
— 6<br />
5<br />
6<br />
7<br />
1/2 7, 5 1/2 •/.<br />
V. 5 7.<br />
1/2 7.<br />
—<br />
1/2 7. 6 V.<br />
7. 7 7.<br />
24 septembre 1914 5 7. 6 v. 6 V.<br />
3 mai 1920 6 7. —<br />
7<br />
7. 6 1/2 7.<br />
15 mars 1922 5 1/2 •/. 5 7. 6 1/2 7. 6 7.<br />
11 janvier 1924 6 7. —<br />
7<br />
7. 6 1/2 V,<br />
18 janvier 1924 6 1/2 7. 5 1/2 7. 7 1/2 7, 7 7.<br />
15 septembre 1924 —<br />
— - 8<br />
12 décembre 1924 7 1/2 7. 6 1/2 7. 8 1/2 7.<br />
15 décembre 1924 —<br />
14 mai 1925<br />
— — 8<br />
— 7<br />
7.<br />
10 juillet 1925 6 1/2 7. 6 '/. 7 1/2 7.<br />
16 décembre 1925<br />
3 juin 1926<br />
2 août 1926<br />
5 1/2 7.<br />
7 1/2 7.<br />
6 1/2 7.<br />
6 7.<br />
7 1/2 7.<br />
—<br />
6 1/2 V.<br />
8 1/2 7.<br />
18 décembre 1926 7 7. 7 •/. 8 V.<br />
7.<br />
—<br />
1/2 7*<br />
—<br />
—<br />
8 7.<br />
9 1/2 7°<br />
5 février 1927 6 1/2 7. 6 1/2 7. 7 1/2 % 9 7.<br />
16 avril 1927 6 7. 6 7. —<br />
13 juin 1927 —<br />
8 septembre 1927<br />
9 décembre 1927<br />
6 janvier 1928<br />
—<br />
:<br />
20 janvier 1928 5 1/2 «/o<br />
13 avril 1928<br />
1" novembre 1928<br />
-<br />
1<br />
5 7.<br />
'4 7.<br />
3 1/2 7.<br />
—<br />
—<br />
— 8<br />
7.<br />
7 7. 7 7.<br />
6 1/2 •/.<br />
— 6<br />
—<br />
1/2 7.
— — 326<br />
Succursales et Bureaux de la Banque de l'Algérie<br />
ALGERIE<br />
Datée cle création<br />
Alger-Escompte succursale Ancien siège social transformé en succursale<br />
— Oran<br />
— Constantine<br />
— Bône<br />
— Philippeville<br />
— Tlemcen<br />
13<br />
3<br />
11<br />
22<br />
22<br />
après le transfert de l'administration cen<br />
trale de la Banque à Paris. (Statuts<br />
annexés à la loi du 5 juillet 1900.)<br />
août 1853.<br />
décembre 1856.<br />
juillet 1868.<br />
avril 1875.<br />
avril 1875.<br />
Blida bureau 2 juillet 1891.<br />
Mostaganem succursale Bureau le 1er mars 1893, érigé en succursale<br />
le 1" juin 1923.<br />
Bougie succursale Bureau le 1" avril 1893, érigé en succursale<br />
le 1" juin 1922.<br />
Tizi-Ouzou bureau<br />
1"<br />
mai 1894<br />
— Orléansville<br />
— Setif<br />
— Guelma<br />
— Souk-Aharas<br />
— Mascara<br />
— Boufarik<br />
— Tiaret<br />
16<br />
16<br />
6<br />
15<br />
16<br />
juillet 1898.<br />
décembre 1898.<br />
novembre 1900.<br />
janvier 1901.<br />
mars 1902.<br />
Sidi-Bel-Abbès succursale<br />
31 octobre 1904.<br />
16 mai 1907.<br />
Bureau le 16 août 1908, érigé en succursale<br />
le 1" juin 1922.<br />
Aïn-Temouchent bureau 20 janvier 1910.<br />
Saïda — 21 février 1910.<br />
Bordj-Bou-Arréri dj<br />
-<br />
1*'<br />
mars 1910.<br />
St-Denis-du-Sig. 3 juillet 1911.<br />
—<br />
Aïn-Beïda<br />
15 Juin 1912.<br />
— Aumale<br />
— Maison-Carrée<br />
Algem-Titres succursale<br />
1"<br />
août 1912.<br />
lor<br />
septembre 1912<br />
10 mars 1921.<br />
Affreville bureau 16 octobre 1924.<br />
Belizane — 16 novembre 1926.<br />
Djidjelli — 11 avril 1927.<br />
Bouïra — 1"<br />
août 1927.<br />
1"<br />
Cherchell<br />
octobre 1927.<br />
TUNISIE<br />
Tunis succursale 8 janvier 1904.<br />
Sfax bureau 3 janvier 1905.<br />
— Sousse<br />
— Bizerte<br />
— Béja<br />
1"<br />
février 1905.<br />
22 avril 1912.<br />
1"<br />
février 1926.
MM. Paul Ernest-Picard<br />
327 —<br />
Administration de la Banque<br />
(C^),'<br />
Directeur général, Président du Conseil.<br />
Jules Lévy (0.&), Sous-Directeur général.<br />
MM . Billiard (Louis) (O . &),<br />
Administrateur* :<br />
Président de la Chambre de Commerce d'Alger.<br />
Boyer (Paul) (O. $), Président du Conseil d'Administration du<br />
Comptoir National d'Escompte de Paris.<br />
Brincard (C.&) (Baron G.), Président du Conseil d'Administration<br />
du Crédit Lyonnais.<br />
Celier (Alexandre) (C.^), Directeur général honoraire au Ministère<br />
des Finances, ancien Conseiller d'Etat.<br />
Galicieh (Albert) (G. 0.&), Administrateur de la Société des Phos<br />
phates Tunisiens et des Mines de zinc du Guergour, Président<br />
du Conseil d'Administration des Manufactures de tabacs Bastos<br />
Le Bourdais des Touches (0.&) iComte), Administrateur des Chemins<br />
de fer de l'Ouest Algérien.<br />
Moatti, ancien Avoué près la Cour d'Appel d'Alger.<br />
Sabatier (Elisée) (0.^), ancien Président des Délégatious financières<br />
Algériennes.<br />
Tirard (Paul) (C.#), Président de la Compagnie des Chemins de fer<br />
du Midi.<br />
Censeurs :<br />
MM. Boulogne (Gaston) (C.&), Conseiller de Gouvernement Honoraire à<br />
Alger.<br />
Delamotte (Gabriel) (0.&), Inspecteur général des Finances hono<br />
raire, Directeur honoraire au Ministère des Affaires étrangères.<br />
Rodocanachi (Emmanuel) (0.*), Banquier.<br />
M. Camille Mo\se (0.&), Secrétaire général.<br />
Siège social : 217, boulevard Saint-Germain, Paris<br />
Directeurs et Directeurs Généraux de la Banque de l'Algérie<br />
depuis sa fondation<br />
MM. Edouard Lichtlin, 0. * Directeur 1"<br />
novembre 1851.<br />
Adolphe Villiers, 0. *<br />
— 16 juin 1859.<br />
...<br />
Ernest Chevallier, 0. *<br />
— 16 août 1875.<br />
.. .<br />
Félix Nelson-Chiérico, &<br />
Amédée Rihouet, 0. #<br />
Marc Lafon, »fè<br />
Emile Moreau, C *<br />
—<br />
—<br />
—<br />
—<br />
26 octobre 1886.<br />
16 mars 1897.<br />
18 mai 1898<br />
20 février 1906.<br />
— Directeur<br />
Paul Ernest-Picard, C &.. —<br />
général. 29 décembre 1911.<br />
—<br />
• 26 juin 1926.
CHAPITRE XI<br />
BANQUES PRIVÉES, ÉTABLISSEMENTS DE CRÉDIT<br />
ET BANQUES LOCALES<br />
Rapports des Banques Métropolitaines et Etrangères avec l'Algérie.<br />
Sociétés de Crédit ayant des Agences en Algérie. Banquiers particuliers<br />
locaux. Comptoirs d'Escompte locaux. Crédit a l'Industrie. Banques<br />
d'affaires. Monographies.
Le réseau bancaire de l'Algérie s'étend tous les jours ; il ne<br />
suffirait 'pas, pour mettre en lumière le rôle des banques dans<br />
le développement du pays, de parler de celles qui ont des sièges<br />
dans la colonie ; il faudrait aussi déterminer quelle part revient<br />
dans cette mise en valeur aux banques métropolitaines, comme<br />
aux banques étrangères. Combien, en effet, parmi celles-ci, ne<br />
pratiquant pas l'escompte sur place,<br />
accordent néanmoins aux<br />
affaires algériennes un concours puissant : commandite, place<br />
ment de titres, ouvertures de crédit ?<br />
Il n'entre pas dans le cadre de notre étude de le déterminer<br />
et de rechercher les liens qui unissent en Algérie ces banques<br />
aux multiples sociétés d'études ou d'entreprises, aux omniums,<br />
aux syndicats, aux sociétés d'exploitations minières ou agricoles,<br />
aux sociétés foncières ou immobilières, dont le nombre s'accroît<br />
sans cesse et qui, dans l'état de division et de groupement des<br />
fortunes actuelles, représentent une des formes les plus actives<br />
du travail des capitaux. Il convient, du moins, de mentionner que<br />
le crédit est maintenant assuré aux entreprises algériennes par<br />
les voies les plus diverses, que le capital algérien, le capital mé<br />
tropolitain et le capital étranger y contribuent largement ;<br />
l'Algérie constitue aujourd'hui un débiteur recherché : le temps<br />
n'est plus où les capitaux n'osaient pas traverser la Méditer<br />
ranée.<br />
Même en nous bornant à parler ici des banques ayant un siège<br />
en Algérie, nous ne saurions passer sous silence les rapports<br />
qui existent entre elles et les banques de la Métropole ou de<br />
l'étranger. Les effets de commerce créés en Algérie sont payables<br />
sur les places les plus variées du monde. Il est donc nécessaire<br />
que les banques algériennes aient des correspondants dans tous<br />
les pays (1)<br />
(1) La Banque de l'Algérie,<br />
les divers pays,<br />
et ces correspondants constituent un des rouages<br />
compte 470 correspondants.<br />
pour assurer l'encaissement des effets dans<br />
rapports<br />
des banques<br />
métropo<br />
litaines<br />
ET ÉTRAN<br />
GÈRES<br />
AVEC<br />
L'ALGÉRIE.
SOCIÉTÉS<br />
DE CRÉDIT<br />
AYANT DES<br />
AGENCES<br />
EN ALGÉRIE.<br />
— — 332<br />
essentiels et chaque jour plus important, du mécanisme du cré<br />
dit.<br />
Depuis quelque temps, les grandes banques étrangères, parti<br />
culièrement celles de la Grande-Bretagne et de l'Amérique du<br />
Nord et du Sud, multiplient leur contact avec les banques, l'in<br />
dustrie et le commerce. L'Algérie est ainsi appelée à participer<br />
sans cesse plus activement au mouvement des capitaux du monde<br />
entier.<br />
Parmi les établissements d'escompte ayant des sièges en Algé<br />
rie, le plus ancien dans la colonie est la Compagnie Algérienne,<br />
qui date de 1877 et qui a été créée pour exercer son activité en<br />
Algérie même. Le premier, parmi les établissements d'escompte<br />
et de dépôts métropolitains, qui ouvrit une agence dans la colonie<br />
fut le Crédit Lyonnais, dont le siège d'Alger date de 1878. Puis<br />
vint, en 1880, le Crédit Foncier et Agricole d'Algérie, aujourd'hui<br />
Crédit Foncier d'Algérie et de Tunisie, qui poursuivit, sous une<br />
forme nouvelle et sur un champ d'action beaucoup plus vaste, les<br />
opérations du Crédit Foncier de France dont les privilèges<br />
avaient été étendus à l'Algérie en 1860. Il est à la fois une banque<br />
d'escompte et de dépôts et une banque de prêts fonciers.<br />
En 1913, la Société Générale et la Société Marseillaise ouvri<br />
rent des agences à Alger, en 1919, la Banque Cox et C° vint<br />
également mettre ses services à la disposition des Algériens,<br />
et fut bientôt remplacée par la Barclays Bank.<br />
Le Comptoir national d'escompte de Paris,<br />
qui est depuis sa<br />
création le .correspondantde la Banque de l'Algérie, comme l'était<br />
depuis l'origine l'ancien comptoir dont il prit la suite, se trouve<br />
mêlé très intimement à l'activité de l'Algérie, sans y avoir créé<br />
d'agences.<br />
Nous reproduisons plus loin (1)<br />
ou nous résumons les notices<br />
que les divers établissements nous ont remises sur notre de<br />
mande, pour préciser, en relatant quelques dates de leur histoire,<br />
le rôle qu'ils jouent dans l'organisation générale du crédit.<br />
(1) Voir Monographies page 339.
— 333<br />
*<br />
* *<br />
A côté d» ces établissements de crédit, il existe en Algérie<br />
des banquiers locaux, dont le rôle ne doit pas être négligé, et des<br />
banques privées locales qui ont utilement contribué à la mise<br />
en valeur des régions où s'exerce leur action. Leur nombre est<br />
relativement peu élevé et leurs maisons sont de création assez<br />
récente. Il y en a peu, parmi celles qui existent actuellement,<br />
dont l'origine remonte à plus d'une cinquantaine d'années.<br />
On ne trouve que très exceptionnellement de vieilles banques<br />
particulières dont la vie ait été intimement mêlée à celle du pays<br />
et dont le nom s'évoque de lui-même quand on parle d'une ville<br />
ou d'une région,<br />
comme c'est le cas si fréquemment dans la<br />
France métropolitaine. Ce ne sont pas, en effet, des capitalistes<br />
qui sont venus, à la première heure, dans la colonie avec le des<br />
sein d'y faire fructifier des capitaux,<br />
opérations bancaires le développement économique ;<br />
en favorisant par des<br />
ce sont des<br />
colons, qui ont apporté leur intelligence, leur ténacité, leurs bras<br />
et leurs besoins. A cette époque héroïque c'est l'emprunteur qui<br />
est venu de France plus souvent que le prêteur.<br />
Il y eut bien et il y a encore, par places, des escompteurs<br />
particuliers, des prêteurs individuels et il est peu de négociants<br />
qui, à un moment donné, n'aient été plus ou moins les banquiers<br />
de leurs acheteurs ; le besoin a créé l'organe et, sous une forme<br />
élémentaire, la banque a fonctionné un peu partout et de tout<br />
temps. Nous écartons d'ici, bien entendu, les prêteurs qui pra<br />
tiquent l'usure et exploitent la misère ou l'indolence des emprun<br />
teurs. Ceux là ne jouent qu'un rôle néfaste et le développement<br />
du réseau bancaire doit avoir pour effet de les faire peu à peu<br />
disparaître,<br />
ou tout au moins de réduire de plus en plus leur<br />
action. Nous ne voulons parler que des véritables escompteurs<br />
ou des capitalistes qui, tout en recherchant un emploi productif<br />
des fonds dont ils disposent, pratiquent loyalement la banque.<br />
Quelques-uns de ces escompteurs ont fait des opérations très<br />
importantes pour des montants élevés et ont trouvé bientôt le<br />
concours de la Banque de l'Algérie qui, en étendant leurs moyens<br />
d'action,<br />
leur a permis de faire œuvre plus utile encore. Dans<br />
BANQUIERS<br />
PARTICU<br />
LIERS<br />
LOCAUX.
— — 334<br />
plus d'une région, il en existe aujourd'hui dont les opérations,<br />
très divisées, se rapprochent souvent plus du prêt direct que<br />
de l'escompte et qui constituent des auxiliaires indispensables<br />
du crédit. Quelques-uns même occupent des situations prépon<br />
dérantes ; ce sont d'actifs banquiers,<br />
leur région, mais ils ne sont, en général,<br />
véritables animateurs de<br />
pas exclusivement<br />
spécialisés dans la banque et ils exercent souvent un commerce<br />
qui absorbe parfois le principal de leur activité. C'est fréquem<br />
ment l'exercice même de ce commerce et la nécessité d'accorder<br />
des avances aux producteurs et des crédits aux acheteurs qui<br />
les a conduits à organiser des services bancaires. Toutefois, peu<br />
de maisons existent qui maintiennent un nom connu, honoré<br />
pour les services traditionnellement rendus,<br />
et dont le souvenir<br />
se perpétue de générations en générations. Aussi ne trouve-t-on<br />
en Algérie qu'un petit nombre de banques locales proprement<br />
dites constituées sous la forme de sociétés en nom collectif ou<br />
en commandite simple.<br />
comptoirs Les banques locales actuelles, constituées sous forme de socié-<br />
locaux<br />
*<br />
* *<br />
^S anonymes, sont, sauf quelques exceptions, l'œuvre de grou<br />
pements de personnes et de capitaux. Presque toutes ont une<br />
clientèle en majeure partie agricole. La plupart ont précédé<br />
l'organisation des caisses de crédit agricole mutuel. Elles ont<br />
été les pionniers du crédit agricole. Toutes,<br />
sauf une d'entre<br />
* elles qui porte lo titre de Caisse Agricole et Commerciale, ont<br />
pris l'appellation de comptoirs d'escompte, soit que leur origine<br />
remonte à l'époque où la Banque de l'Algérie, s'inspirant de<br />
l'exemple du Comptoir d'escompte de Saint-Denis-du-Sig, favo<br />
risa, dans diverses parties du territoire, l'ouverture de banques<br />
locales agricoles auxquelles ce nom fut donné (1), soit que les<br />
établissements de création plus récente se soient naturellement<br />
rattachés par cette appellation à la tradition des anciens comp<br />
toirs pour marquer par là le rôle qu'ils entendaient jouer.<br />
Ces banques ont peu à peu gagné la confiance d'une clientèle<br />
étendue et fidèle dans la région où s'exerce leur action. Elles<br />
(1) Voir chapitre V.
— — 335<br />
sont aujourd'hui au nombre de douze, dont deux seulement sont<br />
postérieures à 1904.<br />
Ces comptoirs ne sont pas les seuls qui aient été créés ; on<br />
en comptait dix-huit en 1884, dont quelques-uns cessèrent leurs<br />
opérations ; de 1884 à nos jours, de nouvelles sociétés avaient été<br />
fondées qui disparurent à leur tour.<br />
Un certain nombre de comptoirs, datant de l'époque où se pré<br />
parait l'essor économique de l'Algérie par la création du vignoble,<br />
ne purent résister à la crise qui la suivit (1). Ils furent liquidés<br />
par la Banque de l'Algérie avec de grands ménagements à l'égard<br />
des débiteurs. D'autre part,<br />
quelques comptoirs furent absorbés<br />
par le Crédit Foncier d'Algérie et de Tunisie, alors qu'ils étaient<br />
en pleine activité (2).<br />
Les ressources des banques locales existantes ne proviennent<br />
pas exclusivement de leur capital qui, pour l'ensemble des douze<br />
établissements,<br />
s'élève à 12.845.000 francs porté à 38.522.782<br />
francs si l'on ajoute leurs réserves. Elles ont des dépôts impor<br />
tants atteignant, en 1928, un total de 141.614.326 francs. Enfin,<br />
elles sont admises au réescompte de la Banque de l'Algérie qui<br />
assure ainsi à leur trésorerie la souplesse nécessaire : elles sont,<br />
dans l'ensemble,<br />
en mesure de présenter au réescompte du bon<br />
papier prélevé dans leur portefeuille qui, pour elles toutes, a<br />
atteint, au 31 décembre 1928, le chiffre de 133.274.805 francs.<br />
Ces banques locales, qui sont près de leurs clients, dont elles<br />
connaissent les ressources, les qualités et les défauts,<br />
sont en<br />
situation de remplir un rôle très important dans la distribution<br />
du crédit en Algérie. Elles le font, en général,<br />
activité.<br />
*<br />
* *<br />
avec sagesse et<br />
Le crédit à l'industrie n'avait pas fait, jusqu'à ces dernières<br />
années, l'objet d'une étude spéciale en Algérie et l'on ne s'était<br />
pas préoccupé, dans la colonie, de le doter d'une organisation<br />
particulière.<br />
Les grands travaux de construction de chemins de fer ont été<br />
(1) Voir chapitre V.<br />
(2) Douera en 1920, Rouïba en 1921 et Tizi-Ouzou en 1922.<br />
crédit<br />
A L'INDUS<br />
TRIE.
— — 336<br />
exécutés avec le concours de puissants établissements de crédit<br />
métropolitains ou de consortiums spéciaux ; en 1881, le Crédit<br />
Algérien s'est fondé et a apporté également à ces travaux un<br />
concours actif. L'industrie extractive, qui joue en Afrique du<br />
Nord un rôle très important, s'est principalement développée<br />
de même avec des capitaux métropolitains ou étrangers. Elle ne<br />
fait que peu appel au crédit sur place ; toutefois certaines ban<br />
ques, travaillant en Algérie, comme la Compagnie Algérienne<br />
I et le Crédit Foncier d'Algérie et de Tunisie, lui avaient donné un<br />
j<br />
concours des plus utiles. Les industries de transformation se<br />
sont d'abord réduites aux moulins à grain ou à huile,<br />
et la<br />
nature saisonnière de leurs opérations leur a fait bien souvent<br />
trouver auprès des grandes banques, comme auprès de la Banque<br />
de l'Algérie, sous la forme de crédits de campagne, les fonds<br />
qui leur étaient nécessaires. Les autres industries sont demeurées<br />
longtemps peu nombreuses ou peu actives et leurs besoins de<br />
crédit n'ont pris d'extension que plus tard. Il était donc normal<br />
que le crédit à l'industrie n'eût pas sollicité, pendant de longues<br />
années, l'attention spéciale de la colonie, dominée par la question<br />
du crédit agricole.<br />
La guerre de 1914 permit à certaines industries de se créer<br />
ou de se développer et fit apparaître plus nettement la néces<br />
sité de mettre en œuvre toutes les ressources du pays. Elle rendit<br />
sensible l'avantage que peut, dans certaines circonstances, pré<br />
senter l'existence d'industries indépendantes des grands centres<br />
métropolitains. Elle posa en quelque sorte,<br />
pour la première<br />
fois en Algérie, d'une manière pressante, le problème du crédit<br />
à l'industrie. Les chambres de commerce s'en préoccupèrent<br />
et, dès 1917, le directeur général de la Banque de l'Algérie<br />
disait dans son compte rendu annuel : « Par suite des circons<br />
tances, le développement de la production nord-africaine est<br />
devenu un problème d'ordre national. Pendant les hostilités,<br />
l'agriculture et l'industrie de nos colonies doivent suppléer aux<br />
insuffisances de la Métropole. Après, il nous faudra utiliser, avec<br />
le maximum d'intensité possible, toutes nos ressourses d'outre<br />
mer si nous voulons nous redresser sous le formidable fardeau<br />
que la guerre aura fait peser sur nos épaules. Nous considérons<br />
comme un impérieux devoir d'aider à la prospérité de l'agricul-
— — 337<br />
ture, du commerce et de l'industrie du Nord de l'Afrique. Sous<br />
les auspices des chambres de commerce d'Algérie, nous avons<br />
fait procéder, par un de nos meilleurs agents, M. Laboubée, à<br />
une enquête sur la situation de l'industrie en Algérie. Les résul<br />
tats de cette enquête,<br />
consignée dans une brochure de 158 pa<br />
ges (1), paraissent donner raison à ceux qui, comme nous, pen<br />
sent que le moment est venu d'accélérer l'évolution économique<br />
algérienne vers l'industrie. Mais on comprendra que, dans ce rôle<br />
d'éducateur et de stimulateur notre action soit limitée. »<br />
Le crédit à l'industrie relève en effet des banques d'affaires<br />
et non des instituts d'émission, ni des banques travaillant exclu<br />
sivement avec des dépôts à court terme ; mais la spécialisation<br />
du travail bancaire n'était pas, à cette époque, réalisée d'une<br />
façon assez nette en Algérie pour que cette vérité économique<br />
apparût dans toute sa clarté et les chambres de commerce, par<br />
ticulièrement celles de Bougie et de Bône, demandèrent que la<br />
Banque de l'Algérie apportât un concours plus efficace à l'ex<br />
tension de l'outillage économique ; celle de Bône émit même le<br />
vœu que la Banque de l'Algérie organisât le crédit industriel<br />
à long terme.<br />
L'enquête à laquelle avait fait procéder la Banque était donc<br />
venue à son heure ; l'inventaire des fabriques, les indications<br />
statistiques détaillées données sur la force motrice employée<br />
et la main-d'œuvre occupée, ainsi que sur les résultats obtenus,<br />
l'étude des productions locales comme des importations, ne<br />
devaient pas seulement permettre de préparer « une documen<br />
tation pouvant servir à examiner la possibilité de développer<br />
certaines industries existant déjà en Algérie et à rechercher<br />
celles dont la création était à préconiser »,<br />
mais ils avaient<br />
en outre l'avantage de préciser la nature et l'étendue des besoins<br />
financiers de ces industries et, par suite, le concours qu'elles<br />
pouvaient attendre des banques.<br />
L'auteur, M. Laboubée,<br />
actuellement directeur général de la<br />
Banque Industrielle de l'Afrique du Nord à Alger, combattait<br />
le pessimisme de ceux qui exprimaient d'excessives réserves sur<br />
l'avenir industriel de l'Algérie et affirmait : « Tout est possible<br />
(1) Notes sur l'industrie en Algérie par S. Laboubée. Chambres de Com<br />
merce de l'Algérie, Alger 1917.
—<br />
— 338<br />
ici », appuyant son optimisme d'une longue liste « des entreprises<br />
multiples et variées qui se sont jusqu'à ce jour épanouies dans<br />
la colonie et qui étaient déjà, pour celïe-ci,<br />
des. éléments impor<br />
tants de production et de richesse ». « Nous avons dressé,<br />
ajoutait-il, un inventaire qui, bien que très incomplet, a été pour<br />
nous presque une révélation. Nous avons trouvé l'Algérie plus<br />
avant que nous le supposions dans la voie que nous cherchons<br />
à lui tracer. » La liste dressée par M. Laboubée contenait la<br />
désignation de 716 usines et ateliers répartis en 57 catégories,<br />
utilisant une force motrice de 16.252 H.P. et occupant 23.584<br />
ouvriers. L'auteur pouvait justement conclure : « Les Algériens<br />
sont des travailleurs, des hommes de progrès hardis. Il n'est<br />
pas nécessaire de les aiguillonner. Il suffit de ne pas entraver<br />
leurs initiatives par des lenteurs ou des subtilités administra<br />
tives, de mettre à leur portée tout l'outillage économique public<br />
nécessaire,<br />
surtout en moyens de transport avec tarifs raison<br />
nables ; enfin, de les doter d'un système de crédit approprié<br />
à tous leurs besoins industriels justifiés ».<br />
banques La nécessité de développer le rôle des banques d'affaires<br />
D'AFFAIRES. , ., ,, ., , ., ,. .<br />
,.,,,,,,<br />
ressortait d une manière évidente de cette étude et c est pour<br />
tenir compte de cette nécessité et du mouvement d'opinion dont<br />
les chambres de commerce avaient rendu publique l'expression,<br />
que la Banque de l'Algérie avait pris, en 1918, l'engagement d'ap<br />
porter son concours financier et moral à la création d'une banque<br />
industrielle pour l'Afrique du Nord (1).<br />
« La Banque industrielle aura pour objet principal, disait le<br />
directeur général dans sa lettre au Ministre des Finances, de<br />
faire des prêts à long<br />
et moyen terme aux entreprises indus<br />
trielles et commerciales de l'Afrique du Nord. »<br />
Elle complète donc une organisation bancaire d'affaires, encore<br />
insuffisamment évoluée pour venir en aide, sur place, aux<br />
moyennes entreprises industrielles dont le développement cons<br />
titue un des éléments les plus stables de la prospérité d'un<br />
pays.<br />
Depuis lors de nouveaux groupements bancaires, ayant un<br />
caractère plus particulièrement algérien, se sont constitués et<br />
(1) Voir chapitre VII.
s'occupent,<br />
— — 339<br />
concurremment avec les banques d'affaires métro<br />
politaines ou coloniales, du crédit à l'industrie.<br />
Parmi ces groupements, il convient de signaler l'Union Nord-<br />
Africaine pour la finance, l'agriculture et l'industrie, dont le<br />
siège est à Alger et qui réunit des capitaux presque exclusive<br />
ment algériens.<br />
I —<br />
Établissements<br />
1!<br />
MONOGRAPHIES<br />
de crédit (1)<br />
1. Compagnie Algérienne,<br />
2. Crédit Foncier d'Algérie et de Tunisie,<br />
3. Crédit Lyonnais,<br />
4. Société Générale,<br />
5. Société Marseillaise,<br />
6. Barclays Bank.<br />
COMPAGNIE ALGERIENNE<br />
Société anonyme au capital de 105 millions entièrement versés<br />
Siège social à Paris<br />
Fondée en 1877 (2), la Compagnie Algérienne a été créée<br />
au moment où, les colons algériens commençant à recueillir les<br />
premiers fruits de leurs efforts, il devenait nécessaire de mettre<br />
à leur disposition des moyens d'échange modernes et les services<br />
d'une organisation bancaire appropriée à leurs besoins. Elle s'est<br />
ainsi trouvée appelée à collaborer, dès le début, au développement<br />
de régions auxquelles leurs richesses naturelles et leur puissance<br />
de production agricole devaient assurer une splendide prospérité.<br />
Favorisée par l'étendue des opérations qu'autorisaient ses sta<br />
tuts, elle a pu, dès la première heure, envisager un large avenir<br />
et la possibilité d'un essor puissant.<br />
Son réseau d'agences, tout en s'étendant sans cesse en Algérie,<br />
a englobé successivement la Tunisie, où elle s'est installée l'une<br />
(1) Notices remises par les établissements cités.<br />
(2) Voir chapitre V.
des premières,<br />
— — 340<br />
et le Maroc où son agence de Tanger fut ouverte<br />
dès 1904 et celle de Casablanca deux ans après. Ce réseau enserre<br />
dans ses mailles étroites toute l'étendue du territoire nord-<br />
africain français.<br />
Pour que cette organisation fût à même de donner tous les<br />
résultats qu'on était en droit d'attendre d'elle, il restait à assurer<br />
d'une manière commode et facile les relations avec la Métropole.<br />
Le port de Marseille d'abord, celui de Bordeaux ensuite, appe<br />
laient la création des deux agences.<br />
Enfin, d'autres agences furent installées dans les principales<br />
places en relations particulièrement suivies avec l'Afrique du<br />
Nord (1).<br />
La Compagnie Algérienne ne pouvait réaliser un tel pro<br />
gramme avec ses ressources primitives. Son capital à l'origine<br />
de dix millions, augmenté successivement en 1881, 1901, 1912,<br />
1913, 1914, 1920, fut finalement porté en 1928 au chiffre actuel<br />
de cent cinq millions (2).<br />
Ainsi, depuis sa fondation, la Compagnie Algérienne a pu<br />
mettre progressivement à la portée des colons européens d'abord,<br />
puis, peu à peu, de l'élément indigène, avec les capitaux qui leur<br />
étaient nécessaires, un organisme bancaire dont les rouages<br />
s'étendaient et se perfectionnaient au fur et à mesure que s'ac<br />
croissait la puissance économique des pays dans lesquels s'exer<br />
çait son activité.<br />
tèle.<br />
Elle s'est appliquée à satisfaire aux besoins variés de sa clien<br />
Aux colons, propriétaires et fermiers,<br />
(1)<br />
bre de 168,<br />
elle apporte son concours<br />
Les agences de la Compagnie Algérienne sont actuellement au nom<br />
se répartissant comme suit :<br />
En France 38<br />
En Algérie 94<br />
En Tunisie 13<br />
Au Maroc 23<br />
(2) Le capital fut porté :<br />
En 1881 de 10.000.000 à 15.000.000<br />
En 1901 de 15.000.000 a 25.000.000<br />
En juin 1912 de 25.000.000 a 30.000.000<br />
En décembre 1912 de 30.000.000 a 40.000 000<br />
En 1913 de 40.000.000 a 50.000.000<br />
En 1914 de 50.000.000 a 62.500.000<br />
En 1920 de 62.500.000 a 100.000.000<br />
En 1928 de 100.000.000 a 105.000.000<br />
)
*Y» LJ6THJ<br />
D<br />
1869<br />
UN DES ASPECTS DU DÉVELOPPEMENT D'ALGER<br />
1929
— - 341<br />
au moment où les travaux agricoles exigent de plus larges dis<br />
ponibilités, n'hésitant pas à prolonger cet appui et à accorder<br />
des facilités de toutes sortes lorsque, par suite de récoltes défi<br />
citaires, la situation de ses clients le commande.<br />
Par des avances de plus longue durée et généralement sous<br />
forme de crédits garantis,<br />
elle met à leur disposition les fonds<br />
nécessaires à l'exécution de travaux de longue haleine pour<br />
assurer la mise en valeur de leurs terres.<br />
Dans les régions plus particulièrement productrices de céréales,<br />
elle a créé de vastes magasins où les agriculteurs peuvent entre<br />
poser leurs récoltes et, au cas de besoin,<br />
se créer des ressources<br />
en les warrantant. Il est ainsi possible aux colons d'entreprendre<br />
leur nouvelle campagne agricole sans être obligés de réaliser,<br />
à tout prix, les produits de la campagne précédente.<br />
A l'égard des commerçants,<br />
elle a su s'adapter à l'essor rapide<br />
de leurs affaires et à leur extension au delà du territoire nord-<br />
africain ;<br />
elle a mis à leur disposition des services organisés<br />
pour tout ce qui concerne les opérations documentaires et le<br />
change.<br />
Elle a également doté ses agences de services d'ordres de<br />
bourse et apporté une importante contribution au placement des<br />
emprunts de l'Etat et de l'industrie.<br />
CREDIT FONCIER D'ALGERIE ET DE TUNISIE<br />
Société anonyme au capital de 150 millions entièrement versés<br />
Siège social à Alger —<br />
Siège<br />
administratif à Paris<br />
A côté d'un établissement fondé dans un but commercial et<br />
monétaire, la mise en valeur de l'Algérie réclamait l'intervention<br />
d'un organisme spécial destiné à satisfaire aux importants<br />
besoins de crédit qu'éprouvait son agriculture naissante. Aussi,<br />
le privilège du Crédit Foncier de France avait-il été, dès 1860,<br />
étendu à la colonie.<br />
Mais cette extension avait été entourée de conditions parti<br />
culières et la rigueur de règles très strictes avait suscité des<br />
objections des colons (1). L'opinion publique se manifesta donc<br />
(1) Voir chapitre V.<br />
22
— — 342<br />
rapidement en faveur d'une institution de crédit agricole, plus<br />
en rapport avec les nécessités locales,<br />
d'autant que l'activité de<br />
l'établissement métropolitain se développait très lentement en<br />
raison des difficultés de recouvrement des annuités et de sur<br />
veillance des gages. Le siège central était trop<br />
prunteurs.<br />
éloigné des em<br />
Ces raisons motivèrent l'étude d'un organisme bénéficiant des<br />
prérogatives du Crédit Foncier et possédant la faculté de con<br />
trôler sur place la bonne fin des opérations. La première<br />
assemblée constitutive du Crédit Foncier et Agricole d'Algérie<br />
fut donc tenue le 30 novembre 1880 sous la présidence du gou<br />
verneur du Crédit Foncier en France.<br />
Cette création était commandée par le désir de fournir à l'Al<br />
gérie une institution de crédit agricole plus souple que celle<br />
fonctionnant dans la Métropole,<br />
d'un pays neuf,<br />
pouvant se plier aux exigences<br />
mais à laquelle la société mère prêterait son<br />
appui en mettant à sa disposition les ressources provenant des<br />
obligations à lots et en la faisant profiter des avantages résultant<br />
de ses privilèges.<br />
Le capital de la nouvelle société et les ressources procurées<br />
par ses dépôts devaient être utilisés pour des opérations agricoles<br />
à court terme, de manière à préparer pour le Crédit Foncier<br />
de France les opérations qui lui seraient remises quand les gages<br />
auraient pris une valeur suffisante.<br />
La Société Nord-Africaine pouvait, afin de favoriser la coloni<br />
sation, contribuer à la fondation de magasins généraux, consentir<br />
des prêts sur warrants, et en général effectuer toutes opérations<br />
de banque.<br />
Il s'établissait ainsi entre les deux sociétés une collaboration<br />
qui permettait d'accomplir toutes les opérations ayant trait à<br />
l'agriculture jusques et y compris les prêts à long terme amor<br />
tissables en 30 ans.<br />
La conception porta ses fruits et l'établissement algérien se<br />
développa progressivement, suivant lui-même l'évolution agricole<br />
de l'Algérie, participant vers 1880 à la création du vignoble,<br />
subissant à son tour le contre-coup de la crise, acquérant un<br />
domaine qu'il devait liquider plus tard et développant constam<br />
ment ses moyens d'action. Le capital fixé à 60.000.000 au début
— — 343<br />
s'élevait progressivement au chiffre actuel de 150.000.000, tan<br />
dis que le chiffre des dépôts dépassait le milliard en 1928, pour<br />
atteindre au début de 1929 plus de 1.600.000.000.<br />
En 1907, la Société, après l'absorption du Crédit Foncier de<br />
Tunisie, devenait le Crédit Foncier d'Algérie et de Tunisie et son<br />
activité, suivant l'expansion française, débordait ensuite sur tout<br />
le Maroc.<br />
En 1881, le Crédit Foncier d'Algérie n'avait que 8 succursa<br />
les en Afrique et en France. En 1918, il possédait 52 sièges en<br />
Algérie, sans compter le siège social et les bureaux d'Alger.<br />
Aujourd'hui, 7 succursales et 71 agences sont réparties entre<br />
les trois départements algériens ; il faut ajouter à ce nombre le<br />
siège social et les 4 bureaux d'Alger.<br />
La Société,<br />
qui possède un siège administratif à Paris et 4 suc<br />
cursales en France, dispose de 19 sièges en Tunisie, de 20 sièges<br />
au Maroc et de 5 succursales ouvertes à l'Etranger,<br />
en Syrie et<br />
dans les places les plus directement en rapport avec l'Afrique du<br />
Nord : Gibraltar, Malte et enfin Londres, soit au total 132 sièges.<br />
Le caractère spécialement algérien du Crédit Foncier d'Algérie<br />
et de Tunisie se manifeste par la composition de son Conseil,<br />
dont un tiers réside dans l'Afrique du Nord, tandis qu'un com<br />
missaire, délégué du Crédit Foncier de France, assiste avec voix<br />
consultative à celles des séances du Conseil d'Alger au cours des<br />
quelles sont examinées les affaires traitées en participation par]<br />
les deux établissements. Il est le chef du service de l'inspection<br />
foncière, dont les membres sont chargés de l'étude des demandes<br />
de prêts hypothécaires et de l'évaluation des gages.<br />
Les formes d'activité de la société africaine sont extrêmement<br />
variées.<br />
Les prêts à long terme sont financés avec les ressources pro<br />
venant des obligations à lots émises par le Crédit Foncier de<br />
France.<br />
Ces prêts, garantis par une hypothèque de premier rang sur<br />
un immeuble de revenu durable et certain, consentis pour une<br />
durée de 10 à 30 ans,<br />
sont remboursables par annuités.<br />
Le volume des prêts en participation n'a cessé de croître depuis<br />
1881. Après un ralentissement sensible durant les hostilités, le<br />
mouvement a repris son ampleur. C'est ainsi qu'au cours des dix
— — 344<br />
derniers exercices près de 80 millions furent consacrés aux<br />
prêts hypothécaires réalisés en Algérie,<br />
et le montant total des<br />
prêts réalisés en participation dans l'Afrique du Nord depuis<br />
1881 dépasse 300 millions.<br />
Les prêts aux communes, aux établissements publics, et spécia<br />
lement aux Chambres de commerce, dont on connaît le rôle dans<br />
la vie économique de l'Algérie,<br />
de France avec le concours du Crédit Foncier d'Algérie et de<br />
Tunisie,<br />
sont traités par le Crédit Foncier<br />
et donnent lieu à un mouvement sans cesse croissant de<br />
recouvrement d'annuités.<br />
Quant aux opérations qu'il traite seul, le Crédit Foncier d'Al<br />
gérie et de Tunisie dispose, pour les financer, des 150 millions<br />
de son capital et surtout des dépôts de sa clientèle, dont l'impor<br />
tance a été mentionnée plus haut.<br />
Le montant des opérations d'escompte, ainsi réalisé, dépasse<br />
actuellement le chiffre annuel de huit milliards de francs.<br />
Ces opérations comportent les ouvertures de crédit aux colons<br />
et la masse des opérations d'escompte nécessitées par l'activité<br />
économique de la Colonie. Ce sont les crédits de campagne des<br />
tinés à la préparation de toutes les récoltes algériennes : céréales,<br />
vigne, oliviers, bétail, lièges, orangers, plantes à parfum, dat<br />
tiers, puis l'escompte de toutes les traites nécessitées par le com<br />
merce de tous ces produits avec la Métropole et l'Etranger ; les<br />
crédits accordés aux mines réparties sur tout le territoire, et<br />
en sens inverse les opérations d'escompte relatives à tous les<br />
objets manufacturés importés dans la colonie : tissus, matériaux<br />
de construction, automobiles, machines, etc...<br />
Grâce à la création de docks silos et de magasins ouverts à<br />
partir de 1910 dans les contrées particulièrement agricoles, des<br />
avances peuvent être consenties en prenant comme gages les pro<br />
duits entreposés. Des effets sont souscrits en représentation de<br />
ces marchandises et escomptés ensuite par le Crédit Foncier d'Al<br />
gérie et de Tunisie qui réalise ainsi l'octroi des crédits nécessai<br />
res sous la forme d'avances sur marchandises qui, dès leur entrée<br />
en magasin font l'objet d'un contrat de nantissement.<br />
Le Crédit Foncier d'Algérie et de Tunisie a, d'autre part, lar<br />
gement contribué au développement et à l'organisation des maga<br />
sins généraux en Tunisie et au Maroc.
— — 345<br />
A côté de l'aide ainsi apportée directement à l'agriculture, le<br />
Crédit Foncier d'Algérie et de Tunisie a favorisé, de diverses<br />
manières, la mise en valeur du territoire de la colonie. Des parti<br />
cipations ont été prises lors de la constitution ou de l'accroisse<br />
ment du capital d'un certain nombre d'entreprises algériennes.<br />
En 1921, d'accord avec la direction de l'Agriculture, fut admis<br />
le principe du concours à apporter au fonctionnement des caisses<br />
régionales et locales du crédit agricole mutuel.<br />
Par la multiplication des formes de crédit qu'il peut offrir, il<br />
s'efforce, en effet, de satisfaire aux besoins de capitaux si variés<br />
dans tout pays en voie de développement. Le Crédit Foncier d'Al<br />
gérie et de Tunisie se trouve donc mêlé de la manière la plus<br />
intime à toutes les manifestations du développement économique<br />
de l'Algérie et de toute l'Afrique du Nord.<br />
CREDIT LYONNAIS<br />
Société Anonyme au capital de 408 millions<br />
Siège Social à Lyon<br />
Siège Central à Paris<br />
Le Crédit Lyonnais a été constitué à Lyon le 6 juillet 1863<br />
par Henri Germain,<br />
œuvre jusqu'à sa mort (1905).<br />
qui devait présider aux destinées de son<br />
Primitivement cantonnée dans la région lyonnaise et dans le<br />
Sud-Est, l'activité de cet établissement allait s'étendre progres<br />
sivement à toute la France. L'Algérie ne fut pas omise dans le<br />
programme que s'était tracé le fondateur de l'établissement ;<br />
en 1878, n'ayant pas encore quinze ans d'existence et ne comp<br />
tant encore que douze sièges, le Crédit Lyonnais s'installait, le<br />
premier parmi les grands établissements de crédit, sur les deux<br />
places d'Alger et d'Oran. Depuis lors,<br />
son développement en Algé<br />
rie s'est poursuivi d'après les mêmes méthodes que dans la<br />
France métropolitaine.<br />
Le Crédit Lyonnais a mis à la disposition des colons qui avaient<br />
la capacité et la volonté de réussir,<br />
sous forme le plus souvent<br />
de crédits de campagne, les capitaux indispensables à la mise en<br />
valeur de leurs exploitations. Le développement de l'établisse-
— — 346<br />
ment et la création d'agences dans toutes les régions de la<br />
Métropole lui permettaient de disposer de capitaux importants<br />
dont il pouvait faire, pour partie, un emploi à moyen terme, l'ori<br />
gine variée à l'infini de ceux-ci assurant une certaine stabilité<br />
au montant des dépôts effectués dans ses caisses.<br />
Il serait certes intéressant de suivre pas à pas la fortune des<br />
premières agences du Crédit Lyonnais en Algérie, de montrer<br />
comment chacune d'elles a su s'attacher une clientèle de plus en<br />
plus nombreuse et d'indiquer à quelles nécessités nouvelles a<br />
répondu la création des nouveaux sièges. Il suffira de dire qu'en<br />
1896, trois Agences étaient créées à Constantine, Philippeville,<br />
et Sidi-Bel-Abbès. En 1900, l'établissement ouvrait les guichets<br />
de Bône et en 1913 ceux de Mostaganem.<br />
La guerre survenant devait arrêter ce mouvement. Cependant<br />
le fonctionnement de tous les sièges existants put être assuré<br />
malgré la mobilisation de nombreux employés. En 1920, le<br />
programme d'expansion fut repris par la création de l'Agence<br />
de Guyofadlle et depuis cette date le nombre des nouveaux sièges<br />
alla s'accentuant concurremment avec le développement rapide de<br />
l'Algérie ; en 1923, l'Etablissement s'installe à Maison-Carrée<br />
et à Aïn-Témouchent, en 1924, à Blida, en 1927, à Tlemcen ;<br />
enfin tout récemment à Mascara, Boufarik, Orléansville et Sétif.<br />
En résumé, cent ans après le début de la pénétration française<br />
en Algérie, le Crédit Lyonnais y compte vingt-sièges, la seule<br />
Agence d'Alger ayant trois bureaux de quartier sous sa dépen<br />
dance.<br />
La situation économique actuelle de l'Algérie n'est en rien com<br />
parable à ce qu'elle était lorsque, il y a 52 ans, le Crédit Lyonnais<br />
ouvrait son premier guichet en Afrique du Nord. D'un pays en<br />
friche l'activité de nos colons a fait un gros producteur de vin<br />
et de céréales et un centre d'élevage important : c'est dire qu'il<br />
se traite maintenant dans ces départements des affaires com<br />
merciales portant sur des chiffres élevés et dans lesquelles la<br />
banque a aussi son rôle à jouer. Si le Crédit Lyonnais apporte<br />
encore aux colons l'appui de capitaux nouveaux toujours néces<br />
saires à la mise en valeur et à l'outillage de ces riches contrées,<br />
il met aussi à la disposition de la clientèle de ses agences algé<br />
riennes les nombreux services bancaires qui fonctionnent dans
— — 347<br />
tous ses sièges : escompte, encaissement, placement, paiement<br />
de coupons, avances sur titres, garde de titres, coffres-forts, etc.<br />
et toutes les facilités qui résultent d'un réseau de plus de 1.100<br />
agences tant en France qu'à l'Etranger et de l'existence de<br />
correspondants sur toutes les places importantes du monde<br />
entier.<br />
Le Crédit Lyonnais, conçu principalement sur le type d'une<br />
banque de dépôts,<br />
s'est adapté en Algérie aux nécessités toutes<br />
particulières d'un pays neuf et il a ensuite secondé l'évolution<br />
commerciale qui a succédé à l'effort de colonisation exclusive<br />
ment agricole du début.<br />
SOCIETE GENERALE<br />
POUR FAVORISER LE DEVELOPPEMENT DU COMMERCE<br />
ET DE L'INDUSTRIE EN FRANCE<br />
Société Anonyme au capital de 625 millions. Siège social à Paris<br />
La Société Générale pour favoriser le développement du Com<br />
merce et de l'industrie en France a été fondée en 1864.<br />
Toute son activité fut consacrée à l'organisation du crédit et<br />
à l'adaptation de ses services financiers aux besoins variés et<br />
toujours plus grands de l'économie nationale ;<br />
et cette partici<br />
pation ininterrompue à l'accroissement des forces productrices<br />
de la France devait avoir son prolongement naturel dans l'un de<br />
nos plus beaux domaines coloniaux : l'Algérie.<br />
La Société Générale n'était pas demeurée indifférente aux<br />
progrès considérables de la mise en valeur de l'Afrique du Nord :<br />
elle connaissait les abondantes sources de richesses offertes par<br />
une terre fertile à une population entreprenante et laborieuse ;<br />
elle voulait apporter au développement et à la prospérité des<br />
transactions de la colonie les crédits qui sont l'indispensable<br />
soutien de toute exploitation agricole ou commerciale.<br />
Elle fonda d'abord, en 1913, la Société Générale de l'Afrique du<br />
Nord, dont le siège social était h Tunis. Le rôle de cette société<br />
filiale devait être de mesurer l'étendue de l'œuvre qu'il serait<br />
possible d'accomplir dans l'Afrique du Nord et plus spécialement<br />
en Algérie. Quelques mois d'études et d'expérience suffirent à
— - 348<br />
décider la Société Générale à installer une succursale à Alger et<br />
une autre à Oran au début del'année 1914. *<br />
La guerre franco-allemande vint arrêter l'exécution d'un plus<br />
vaste programme qui ne put être reprise qu'en 1919. Les plus<br />
importantes places de l'Algérie, telles que Constantine, Bône,<br />
Bougie, Philippeville, Mostaganem,<br />
Sidi-bel-Abbès furent presque<br />
simultanément dotées chacune d'une agence autonome et orga<br />
nisée pour répondre aux principaux besoins financiers de la<br />
région.<br />
Dans un très court espace de temps, la Société Générale avait<br />
mis ainsi à la disposition de l'Algérie des crédits dont l'utilité<br />
était d'autant plus grande que l'instabilité du marché des capi<br />
taux constituait une menace constante pour l'exploitation métho<br />
dique de la terre et la réalisation de ses produits.<br />
Aujourd'hui la coopération de cet établissement de crédit à<br />
toute l'activité économique de l'Algérie a pris l'extension qu'il<br />
désirait. Le mouvement des escomptes et des encaissements du<br />
papier de commerce né des transactions avec la France, qui est<br />
le meilleur fournisseur et le meilleur client de l'Algérie, a mar<br />
qué chaque année une nouvelle augmentation pour atteindre dans<br />
le cours de 1928 les chiffres imposants de :<br />
228.650.000 francs en 39.500 effets, pour le papier sur France<br />
et 1.112.580.000 francs en 546.000 effets, pour le papier sur l'Al<br />
gérie.<br />
A ce total de 1.341.230.000 francs de papier de commerce, il<br />
faudrait ajouter les ouvertures de crédit que provoquent les<br />
exportations sur l'Etranger et les importations, car la Société<br />
Générale, forte de la situation privilégiée que lui crée l'organisa<br />
tion de son service de correspondance sur toutes les places du<br />
monde, est en mesure d'apporter tout le concours nécessaire à<br />
assurer les mouvements de fonds auxquels donnent lieu les règle<br />
ments avec l'extérieur.<br />
Ce n'est pas sous le seul aspect de la vie commerciale qu'il faut<br />
envisager le concours que la Société Générale a voulu apporter<br />
à l'Algérie. L'exportation est nécessairement conditionnée par le<br />
rendement de la terre et, sans négliger les risques provenant des<br />
conditions climatériques, la mise en valeur de la terre nécessite<br />
un apport constant de capitaux sans lesquels toute l'énergie et<br />
la ténacité de l'exploitant risqueraient de demeurer stériles.
— 349-<br />
Aussi un très large appui financier n'a-il pas été ménagé à<br />
l'agriculture. Qu'il se soit agi de seconder les initiatives indivi<br />
duelles ou les efforts des collectivités, tels les divers organismes<br />
coopératifs qui ont si puissamment contribué à la prospérité de<br />
l'Algérie, la Société générale s'est employée à assouplir ses cré<br />
dits en leur donnant la forme qui s'adaptait le mieux aux besoins<br />
de chacun. Elle voit avec satisfaction se développer chaque année<br />
cet ensemble de ses opérations qui contribuent à la production<br />
abondante de toutes les richesses agricoles : céréales, vins,<br />
tabacs, olives, pour ne rappeler que les principales et parmi les<br />
quelles il ne faudrait pas omettre le bétail, et plus particulière<br />
ment les moutons.<br />
SOCIETE MARSEILLAISE DE CREDIT INDUSTRIEL<br />
ET COMMERCIAL ET DE DEPOTS<br />
Société Anonyme au capital de 100 millions<br />
Siège Social à Marseille<br />
La Société Marseillaise de Crédit a été fondée en 1865.<br />
Son capital fixé, à l'origine, à 20 millions de francs, a été élevé<br />
successivement au chiffre de 100 millions (le 23 mars 1929).<br />
Les réserves dépassent 50 millions.<br />
Pendant de nombreuses années cet établissement limita son<br />
activité à la place de Marseille, mais,<br />
par suite du développement<br />
de ses opérations et de l'accroissement de sa clientèle, il fut con<br />
duit à créer, en 1881, une succursale à Paris. C'est seulement de<br />
1913 que date l'évolution de la Société Marseillaise de Crédit. A<br />
cette époque, facilitée par l'influence régionale déjà acquise, elle<br />
commença la mise en application d'un programme méthodique<br />
d'extension dans la France méridionale. C'est ainsi qu'elle créa<br />
un noyau important d'agences dans le Sud-Est et le Sud-Ouest<br />
de la France, absorbant plusieurs banques locales ou régionales,<br />
notamment les diverses succursales de la très ancienne banque<br />
Arnaud Gaidan, fondée elle-même en 1848.<br />
Puis,<br />
en raison des liens étroits qui unissent la Société Mar<br />
seillaise de Crédit avec de puissantes et anciennes sociétés colo<br />
niales et de navigation et en raison aussi de l'importance des
— — 350<br />
rapports d'échange existant, dans toutes les branches de l'indus<br />
trie et du commerce, entre Marseille et nos belles colonies nord-<br />
africaines — Algérie,<br />
Tunisie et Maroc —<br />
elle<br />
fut amenée à<br />
envisager une nouvelle extension de son réseau d'agences dans<br />
la zone d'influence méditerranéenne. Et, dès [1919,/ répondant<br />
ainsi aux besoins comme aux desiderata de son importante clien<br />
tèle des régions vinicoles — régions où cette société occupait<br />
déjà une situation privilégiée grâce à l'absorption des sièges de<br />
la Banque Arnaud Gaidan —<br />
sièges dans l'Afrique du Nord.<br />
elle décida la création de nouveaux<br />
Nous ne parlerons ici que des agences créées en Algérie et en<br />
Tunisie,<br />
mentionnant que le réseau de succursales de la Société<br />
Marseillaise de Crédit n'est cependant pas aussi étendu que celui<br />
des établissements de crédit dont ces colonies sont le principal<br />
rayon d'action : la Société Marseillaise de Crédit s'est bornée,<br />
jusqu'ici, à rechercher quelques points d'appui, visant unique<br />
ment à faciliter les opérations de ses clients de la Métropole.<br />
Dans le département d'Alger, la Société Marseillaise de Crédit<br />
a ouvert sa première agence à Alger, en février 1920, dans un<br />
immeuble situé rue Dumont-d'Urville. Ce siège n'a pas tardé à<br />
prendre un développement intéressant à la suite duquel fut<br />
décidée la création d'un bureau dans le quartier industriel de<br />
l'Agha. Ce bureau, ouvert en février 1925, est situé à proximité<br />
de la gare de marchandises et des terre-pleins de l'arrière port.<br />
Actuellement un deuxième bureau a été créé dans l'important<br />
quartier de Bab-el-Oued.<br />
Enfin, pour parfaire ses moyens d'action dans l'intérieur même<br />
du département, la Société Marseillaise de Crédit a décidé la<br />
création d'une sous-agence à Blida, qui fonctionne depuis novem<br />
bre 1927.<br />
Dans le département d'Oran, l'agence d'Oran a commencé ses<br />
opérations en novembre 19jt9^ Ce siège a pris, lui aussi, rapide<br />
ment, un développement appréciable, développement qui a motivé<br />
la création en octobre 1927_d'une sous-agence à Sidi-bel-Abbès.<br />
Dans le département de Constantine, la Société Marseillaise a<br />
ouvert cette année une agence à Constantine et des sous-agences<br />
à Philippeville et à Bône.<br />
En Algérie comme en Tunisie où elle possède des agences, la
— 351 —<br />
Société Marseillaise de Crédit a prêté son concours à toutes les<br />
branches économiques en général (plus spécialement aux vins,<br />
huiles, futailles, céréales, fruits, primeurs, bois, alfas, pépinières,<br />
tabacs, denrées coloniales, tissus, cuirs et peaux, machines agri<br />
coles, produits œnologiques, crin végétal, etc..)<br />
La Société Marseillaise de Crédit —<br />
qui possédait déjà à Paris,<br />
un bureau de quartier au numéro 24 de la rue de Paradis où<br />
sont établies presque toutes les grandes maisons d'exportation —<br />
a créé, il y a quelques mois, pour faciliter les affaires de sa très<br />
importante clientèle vinicole, un nouveau bureau de quartier dans<br />
les entrepôts même de Bercy, centre du commerce des vins en<br />
gros de la capitale.<br />
Enfin, cet établissement possède des agences dans les princi<br />
pales villes de — saison du centre de la France Vichy, La Bour-<br />
boule, Vals-les-Bains —<br />
dités à sa clientèle de l'Afrique du Nord.<br />
offrant ainsi les plus grandes commo<br />
BARCLAYS BANK (FRANCE) LIMITED<br />
Cette banque, dont le siège principal est à Paris et qui pos<br />
sède en France 14 agences, est également installée à Alger depuis<br />
novembre 1919 et à Oran depuis novembre 1920,<br />
Elle est uneTïliale de Barclays Bank Limited, de Londres, qui<br />
est un des plus importants et des plus anciens établissements de<br />
crédit du Royaume-Uni et dont les dépôts atteignaient à fin 1928<br />
£ 335.881.222., et le nombre des succursales en Angleterre et<br />
Pays de Galles plus de 1.950.<br />
Les deux agences algériennes de Barclays Bank (France)<br />
Limited furent tout d'abord fondées à la demande de la maison-<br />
mère de Londres pour répondre aux besoins de sa clientèle de<br />
touristes Anglais se rendant en Algérie et qui chaque année<br />
devenait plus nombreuse.<br />
Tout en contribuant par les facilités données à sa clientèle<br />
anglaise, à développer cette intéressante branche d'activité qu'est<br />
le tourisme en Algérie, Barclays Bank (France) Ltd. commença<br />
ces dernières années à s'intéresser au commerce et à l'industrie<br />
locale dont la prospérité ne cessait de s'affirmer.<br />
Barclays Bank (France)<br />
Ltd. commença alors à prêter son
- 352<br />
—<br />
concours aux maisons algériennes travaillant plus spécialement<br />
avec l'Angleterre (exportation d'alfa, céréales, minerais de fer,<br />
phosphates, etc., importation de charbon, machines, produits<br />
chimiques, etc..) puis, devant les besoins croissants d'une agri<br />
culture en plein développement,<br />
aide financière.<br />
n'hésita pas à lui apporter son<br />
C'est ainsi que dans l'exposé de la situation générale de l'Al<br />
gérie en 1927 présenté par M. Pierre Bordes, gouverneur géné<br />
ral, nous voyons figurer Barclays Bank (France) Ltd. au hui<br />
tième rang (après la Banque de l'Algérie, la Compagnie Algé<br />
rienne, le Crédit Foncier Agricole d'Algérie et de Tunisie, le<br />
Crédit Lyonnais, la Société Générale, la Société Marseillaise et<br />
la Banque Industrielle de l'Afrique du Nord)<br />
de ses escomptes :<br />
pour l'importance<br />
Papier sur la France Frs 86.857.198 40<br />
Papier sur l'Algérie Frs 83.475.195 69<br />
Soit au total,<br />
pour l'année 1927 Frs 170.332.394 09<br />
et au sixième rang pour l'importance de ses opérations d'encais<br />
sement :<br />
Papier sur la France Frs 15.403.367 50<br />
Papier sur l'Algérie Frs 43.793.158 45<br />
Soit au total, pour l'année 1927 Frs 59.196.525 95
II. — Banques<br />
353 —<br />
locales<br />
Comptoirs d'escompte locaux<br />
COMPTOIR D'ESCOMPTE DE MARENGO<br />
Société anonyme constituée le 3 octobre 1879<br />
Capital Le capital, fixé à 80.000 francs,<br />
a été successive<br />
ment porté à 200.000 en 1881, à 400.000 en 1885, à 500.000<br />
en 1890, à 1.000.000 en 1926. Les actions sont de mille francs<br />
et libérées de moitié.<br />
Réserves. —<br />
A<br />
gnaient 1.865.901 francs.<br />
Portefeuille et dépôts. —<br />
la fin de l'exercice 1928, les réserves attei<br />
Au<br />
31 décembre 1928, le porte<br />
feuille et les dépôts s'élevaient respectivement à 7.356.369 et<br />
4.678.910 francs.<br />
Capital. —<br />
COMPTOIR D'ESCOMPTE DE BEL-ABBES<br />
Le<br />
Société anonyme fondée en 1880<br />
capital, fixé à 200.000 francs, a été porté suc<br />
cessivement à 500.000 francs en 1882, à 1.500.000 en 1921, à<br />
5.000.000 en 1926. Il est représenté par :<br />
1° 1.500 actions de 1.000 francs entièrement libérées ;<br />
2° 3.500 actions de 1.000 francs sur lesquelles il n'a été appelé<br />
que le premier quart, le deuxième quart a été libéré par prélè<br />
vement sur les bénéfices de l'année 1928.<br />
Réserves. —<br />
A<br />
gnaient 10.400.000 francs.<br />
la fin de l'exercice 1928 les réserves attei
Portefeuille et dépôts. —<br />
— — 354<br />
Au<br />
31 décembre 1928, le porte<br />
feuille et les dépôts s'élevaient respectivement à 38.318.688 et<br />
27.820.899 francs.<br />
COMPTOIR D'ESCOMPTE DE MASCARA<br />
Société anonyme créée en 1880<br />
— Capital. Le capital, fixé à 300.000 francs, s'élève actuelle<br />
ment à 600.000 francs représenfé par 1.200 actions libérées du<br />
quart.<br />
Réserves. —<br />
A<br />
gnaient 2.520.401 francs.<br />
Portefeuille et dépôts. —<br />
la fin de l'exercice 1928, les réserves attei<br />
Au<br />
31 décembre 1928, le porte<br />
feuille et les dépôts s'élevaient respectivement à 13.298.235 et<br />
17.340.216 francs.<br />
Capital. —<br />
COMPTOIR D'ESCOMPTE DE RELIZANE<br />
Le<br />
Société anonyme constituée en 1880<br />
capital, fixé à 150.000 francs, a été porté à<br />
300.000 francs en 1883, représenté par 600 actions de 500 francs<br />
libérées du quart.<br />
Réserves. —<br />
A<br />
gnaient 1.750.000 francs.<br />
Portefeuille et dépôts. —<br />
la fin de l'exercice 1928, les réserves attei<br />
Au<br />
31 décembre 1928, le porte<br />
feuille et les dépôts s'élevaient respectivement à 10.473.140 et<br />
8.360.243 francs.<br />
Capital. —<br />
COMPTOIR D'ESCOMPTE DE L'ARBA<br />
Le<br />
Société anonyme constituée en 1880<br />
capital, fixé à 100.000 francs, a été porté à<br />
200.000 en 1887, puis à 600.000 en 1927, représenté par<br />
1.200 actions de 500 francs entièrement libérées.
Réserves. —<br />
A<br />
gnaient 456.012 francs.<br />
Portefeuille et dépôts. —<br />
- 355<br />
—<br />
la fin de l'exercice 1928, les réserves attei<br />
Au 31 décembre 1928, le portefeuille<br />
et les dépôts s'élevaient respectivement à 5.752.596 et 6.133.901e<br />
francs.<br />
Capital. —<br />
COMPTOIR D'ESCOMPTE DE MEDEA<br />
Société Anonyme constituée le 26 mars 1881<br />
Le capital fixé à 100.000 fr. a été porté à 200.000<br />
en 1882, à 400.000 en 1885 et à 1.200.000 en 1921, divisé en<br />
actions de 500 fr. entièrement libérées.<br />
Réserves. —<br />
A<br />
gnaient 3.370.000 francs.<br />
Portefeuille et dépôts. —<br />
la fin de l'exercice 1928, les réserves attei<br />
Au<br />
31 décembre 1928, le porte<br />
feuille et les dépôts s'élevaient respectivement à 21.920.763 et<br />
17.247.733 francs.<br />
Capital. —<br />
COMPTOIR D'ESCOMPTE D'AIN-TEMOUCHENT<br />
Le<br />
Société Anonyme créée en 1881<br />
capital fixé à 154.000 francs a été porté à<br />
300.000 francs en 1882, à 600.000. francs en 1884,<br />
ramené à<br />
300.000 francs en 1891 et reporté à 600.000 francs en 1900,'<br />
représenté par 1.200 actions de 500 francs dont 1/4 versé.<br />
Réserves. —<br />
A<br />
gnaient 3.116.245 francs.<br />
Portefeuille et dépôts. —<br />
la fin de l'exercice 1928, les réserves attei<br />
Au<br />
31 décembre 1928, le portefeuille<br />
et les dépôts s'élevaient respectivement à 10.878.612 francs et<br />
35.807.232 francs.
— — 356<br />
CAISSE AGRICOLE ET COMMERCIALE DE GUELMA<br />
Capital. —<br />
Société Anonyme fondée en 1885 par Louis Lavie<br />
Le<br />
capital fixé à 200.000 francs a été porté à<br />
400.000, puis à 800.000 francs en 1927, divisé en 1.600 actions<br />
de 500 francs entièrement libérées.<br />
Réserves. —<br />
A<br />
gnaient 202.996 francs.<br />
— Portefeuille et dépôts. Au<br />
la fin de l'exercice 1928, les réserves attei<br />
31 décembre 1928, le portefeuille<br />
et les dépôts s'élevaient respectivement à 6.292.816 et 5.407.539<br />
francs.<br />
NOUVEAU COMPTOIR D'ESCOMPTE DE BATNA<br />
Capital. —<br />
Société Anonyme constituée le 16 mars 1891<br />
Le<br />
capital fixé à 160.000 francs est représenté par<br />
400 actions de 400 francs, libérées du quart.<br />
Réserves. —<br />
A<br />
gnaient 877.764 francs.<br />
la fin de l'exercice 1928' les réserves attei<br />
— Portefeuille et dépôts. Au 31 décembre 1928, le portefeuille<br />
et les dépôts s'élevaient respectivement à 5.335.840 et 6.713.640<br />
francs.<br />
Capital. —<br />
COMPTOIR D'ESCOMPTE D'AFFREVILLE<br />
Société Anonyme constituée le 9 mars 1892<br />
Le<br />
capital fixé à 200.000 francs a été porté à<br />
300.000 francs en 1920, à 652.000 francs en 1924 et à<br />
1.500.000 francs en 1926, divisé en 1.500 actions de 1.000 francs.<br />
Réserves. —<br />
A<br />
gnaient 518.460 francs.<br />
la fin de l'exercice 1928, les réserves attei<br />
— Portefeuille et dépôts. Au 31 décembre 1928, le portefeuille<br />
et les dépôts s'élevaient respectivement à 8.587.814 et 7.949.352<br />
francs.
»'<br />
àWE* ^* f<br />
FABRICATION DE TAPIS
— 357<br />
—<br />
COMPTOIR D'ESCOMPTE DE LOURMEL<br />
Fondé en janvier 1905, le Comptoir d'Escompte n'a pas revêtu<br />
la forme d'une société anonyme, mais celle d'une association<br />
particulière en participation dont le capital a été fixé à 85.000<br />
francs.<br />
COMPTOIR D'ESCOMPTE DE LA GRANDE KABYLIE<br />
Société Anonyme constituée en juin 1923<br />
Capital Le capital a été fixé à 1.000.000 en 2.000 actions<br />
de 500 francs, libérées de moitié.<br />
Réserves. —<br />
A<br />
gnaient 600.000 francs.<br />
Portefeuille et dépôts. —<br />
«<br />
la fin de l'exercice 1928, les réserves attei<br />
Au<br />
31 décembre 1928, le portefeuille<br />
et les dépôts s'élevaient respectivement à 5.059.927 et 4.154.651<br />
francs.<br />
23'
1. Crédit Algérien.<br />
— — 358<br />
111.— Banques d'affaires<br />
2. Banque Industrielle de l'Afrique du Nord.<br />
CREDIT ALGERIEN<br />
pour favoriser le développement agricole, commercial<br />
et industriel de l'Algérie<br />
Société Anonyme au capital de 16 millions<br />
Siège social à Paris<br />
Le Crédit Algérien, constitué en 1881, n'a pas limité son champ<br />
d'activité à l'Algérie. Il a dirigé également ses efforts vers les<br />
autres régions françaises de l'Afrique du Nord, la plupart des<br />
colonies et naturellement la Métropole.<br />
Renonçant aux opérations courantes d'escompte qui, lors de<br />
sa création, étaient déjà largement assurées tant par les établis<br />
sements algériens que par les établissements métropolitains ins<br />
tallés dans le Nord de l'Afrique,<br />
il a porté ses premiers efforts<br />
vers le développement de la propriété foncière en Algérie et en<br />
Tunisie et vers la réorganisation puis le développement pro<br />
gressif de la Compagnie des Chemins de Fer de l'Ouest-Algérien,<br />
dont le réseau s'étendait, dès 1910, jusqu'à la frontière du Maroc<br />
et qui fut chargée, en 1916,<br />
de la frontière à Oudjda.<br />
de l'exploitation de la ligne allant<br />
Dès 1887, le Crédit Algérien apporte largement son concours<br />
aux villes et départements algériens, traitant au fur et à mesure<br />
des besoins des intéressés de nombreux emprunts : villes de<br />
Mostaganem, Oran, Constantine, Souk-Ahras, Orléansville, Blida,<br />
Bône, Sidi-bel-Abbès, Médéa, Saïda, Aumale, Aïn-Temouchent,<br />
Perrégaux, départements d'Alger, d'Oran et de Constantine.<br />
En accord avec d'autres établissements il a, un peu plus tard,<br />
participé largement aux emprunts du Gouvernement général de<br />
l'Algérie, de la Régence de Tunis, de la Caisse des Prêts Com<br />
munaux de Tunisie, du Gouvernement général de Madagascar,<br />
aux emprunts du Gouvernement impérial du Maroc, des Gouver-
— 359 —<br />
ments généraux de l'Afrique Occidentale française et de l'Afri<br />
que Equatoriale française.<br />
Le Crédit Algérien a traité également les emprunts des colo<br />
nies de la Guadeloupe, de la Martinique, de la Nouvelle-Calédo<br />
nie, de Saint-Pierre et Miquelon et de La Réunion, des villes de<br />
Dakar, de Rufisque, etc.; il a apporté un concours constant à<br />
la Compagnie des Ports de Tunis, Sousse et Sfax qui a joué un<br />
rôle de premier plan dans le développement de la Tunisie, en<br />
procédant à l'émission de ses diverses séries d'obligations, et par<br />
ticipé notamment à la constitution de la Banque d'Etat du Maroc,<br />
de la Compagnie générale du Maroc, de la Compagnie générale<br />
des Colonies.<br />
Il a pris part également à de nombreuses émissions d'obliga<br />
tions faites par des sociétés exploitant des services publics au<br />
Maroc (Chemins de fer, Ports, Electricité, etc..)<br />
et a apporté<br />
son appui financier à des entreprises dont le développement ne<br />
peut manquer d'avoir d'heureux résultats pour l'Algérie et les<br />
diverses régions africaines administrées par la France.<br />
BANQUE INDUSTRIELLE DE L'AFRIQUE DU NORD<br />
Société Anonyme au capital de 12.500.000 francs.<br />
Siège social à Paris<br />
La Banque Industrielle de l'Afrique du Nord fut constituée<br />
le 11 août 1919 au capital de 12.500.000 francs. En dehors de ce<br />
capital, les ressources de la Banque devaient provenir d'une<br />
dotation et d'une avance de la Banque de l'Algérie de cinq mil<br />
lions chacune qui furent réalisées, et éventuellement d'émissions<br />
d'obligations.<br />
Le président, M. Rodocanachi,<br />
administrateur de la Banque<br />
de l'Algérie, s'exprimait ainsi, lors de la première assemblée des<br />
actionnaires de la Banque Industrielle de l'Afrique du Nord :<br />
« Les hommes actifs et entreprenants qui,<br />
pendant ces derniè<br />
res années, alors que nos colonies africaines n'étaient pas encore<br />
sorties du stade agricole,<br />
ont su conduire le Nord de l'Afrique<br />
au haut degré de prospérité qu'il a atteint, seront,<br />
sans aucun<br />
doute, aptes à créer une industrie locale florissante. Ils peuvent
— — 360<br />
compter sur notre concours pour les aider dans leur œuvre ;<br />
d'une part, nous sommes prêts à faciliter l'extension des entiv<br />
prises déjà existantes par des prêts à moyen et à long terme ou<br />
par des méthodes usitées dans les pays de formation financière<br />
plus ancienne ; d'autre part, nous accorderons notre plus sérieuse<br />
attention à toutes les suggestions qui nous seront présentées<br />
pour la création d'affaires nouvelles qui nous paraîtront suscep<br />
tibles de s'adapter aux conditions économiques du pays ».<br />
L'objet de la Banque Industrielle de l'Afrique du Nord a été<br />
défini en termes très larges par ses statuts. Elle peut notam<br />
ment : « prêter son concours à des associations déjà constituées,<br />
sous la forme de sociétés ou de participations<br />
ou à constituer,<br />
de toutes natures, civiles ou commerciales, se charger de la cons<br />
titution de ces sociétés, de l'émission de leur capital, du place<br />
ment de leurs actions et obligations...,<br />
accepter tout mandat de<br />
contrôle et de surveillance sur les opérations... en un mot cons<br />
tituer, suivre dans leur développement, comme actionnaire ou<br />
intéressée de manière quelconque, patronner et contrôler d'au<br />
tres établissements commerciaux, industriels, agricoles ou finan<br />
ciers. »<br />
L'organisme créé avec la collaboration de la Banque de l'Algé<br />
rie fut donc prêt, dès le lendemain de la signature de la paix, à<br />
donner son concours à l'industrie ; mais il faut reconnaître qu'il<br />
était doté d'assez faibles moyens d'action,<br />
qu'il commençait ses<br />
opérations à une période d'activité industrielle un peu factice, née<br />
des besoins de la guerre puis des illusions de l'inflation, et qu'en<br />
fin le marché de l'argent ne se prêtait guère à l'émission d'obli<br />
gations, lui permettant d'étendre immédiatement son influence.<br />
Toutefois, cette création marque une étape intéressante dans<br />
l'évolution bancaire algérienne, et la Banque Industrielle de<br />
l'Afrique du Nord a pu, peu à peu, développer son action et<br />
contribuer efficacement au développement des industries de la<br />
Colonie.<br />
Dès 1920,<br />
outre le concours régulier qu'elle donnait à diver<br />
ses sociétés industrielles devenues ses clientes, elle réalisait la<br />
réorganisation de certaines industries locales (manufactures de<br />
tabac,<br />
chaux et ciments).<br />
Puis, les années suivantes, elle donna son concours notamment
— — 361<br />
à une importante société pour le traitement des sous-produits de<br />
la vigne et de l'olivier ; à des coopératives de tabacs dont l'action<br />
s'est heureusement exercée pour le développement de la produc<br />
tion du tabac et l'ouverture de débouchés ; à des entreprises<br />
chargées de construire des barrages devant permettre d'irri<br />
guer les plaines les plus intéressantes de la colonie ; à des<br />
industries diverses : pâtes alimentaires, minoteries, pêche, con<br />
serves, produits chimiques et engrais, matériel agricole et indus<br />
elle a étendu<br />
triel, meubles, lièges, tapis, mines et carrières ;<br />
son action en Tunisie et au Maroc.<br />
Le montant des effets négociés par elle est passé de 35.000.000<br />
la première année (1920) à 601 millions en 1928.<br />
Elle est administrée par un Conseil dont la Banque de l'Algé<br />
rie a le droit de désigner un tiers des membres,<br />
sans que les<br />
administrateurs communs à la Banque de l'Algérie et à la Ban<br />
que Industrielle de l'Afrique du Nord puissent se trouver en<br />
majorité. Le Directeur général de la Banque de l'Algérie est<br />
Commissaire du Gouvernement auprès de cette Banque.
CHAPITRE XII<br />
INSTITUTIONS DE CRÉDIT CRÉÉES OU SOUTENUES<br />
PAR L'ÉTAT OU PAR LES COMMUNES<br />
Intervention de l'Etat en faveur de certaines instituions de cré<br />
dit. Ressources dont l'État dispose pour cet objet. Elles proviennent<br />
pour la plus grande part de la banque de l'algérie.<br />
1* Le Crédit Agricole. —<br />
Objet<br />
du crédit agricole. Crédit a court<br />
terme. Concours donné par les Banques pour le crédit a court terme.<br />
Crédit a moyen terme, crédit a long terme. Bases de la législation<br />
spéciale du crédit agricole mutuel. Caisses locales et Caisses régionales.<br />
Sociétés coopératives de production agricole- Caisse foncière agricole<br />
d'Algérie. Statistiques des Caisses régionales et locales et des sociétés<br />
coopératives agricoles. Crédit agricole aux indigènes. Sociétés de<br />
prévoyance et de prêts mutuels aux indigènes.<br />
2° Les Banques populaires. — Origine<br />
des Banques populaires. Prin<br />
cipes sur lesquels repose la législation concernant les Banques popu<br />
laires. Attributions générales et devoirs des Banques populaires.<br />
Attributions spéciales dévolues aux Banques populaires (Crédit aux<br />
démobilisés. Crédit a l'artisanat. Crédit hôtelier. Crédit maritime).<br />
Statistique et monographies des Banques populaires algériennes. Sociétés<br />
spéciales pour le crédit a la construction d'immeubles a bon marché.<br />
3* Les Caisses de Crédit Municipal. —<br />
Prêts sur gages mobiliers.
Une minoterie<br />
»^Y%L>1"<br />
TH J. !? t7>Chambre à Cviindre* dans une Minoterie
A côté des établissements de crédit et des banques privées<br />
dont nous avons parlé dans le chapitre précédent, il existe en<br />
Algérie des institutions de crédit en faveur desquelles les pou<br />
voirs publics interviennent,<br />
en leur accordant des exonérations<br />
spéciales d'impôts, des subventions et des avances. Cette inter<br />
vention se justifie par le rôle spécial que la loi assigne à ces<br />
institutions dans un intérêt général, économique et social.<br />
Certes, le crédit mis par les établissements bancaires privés à<br />
la disposition de ceux qui en sont jugés dignes n'est pas réservé<br />
à une catégorie sociale. Chacun peut en bénéficier, du moment<br />
qu'il présente, tant par lui-même,<br />
dispose d'autre part, les garanties que ces établissements ont le<br />
que par les ressources dont il<br />
devoir de prendre en considération avec d'autant plus d'attention<br />
d'engager les fonds de<br />
qu'il s'agit, pour les banques de dépôt,<br />
leurs clients ou, pour la banque d'émission, la couverture des<br />
billets de banque.<br />
Ces garanties sont relativement faciles à apprécier quand l'exa<br />
men qu'il en faut faire porte sur de grandes maisons dont<br />
l'activité s'exerce sous le contrôle quotidien du public ou se tra<br />
duit dans les écritures de bilans<br />
plus difficile à<br />
contrôlables. Leur valeur est<br />
déterminer lorsqu'elles concernent la petite agri<br />
culture, le petit commerce, la petite industrie et l'artisanat.<br />
précédemment l'évolution de la question du<br />
On a pu suivre<br />
crédit agricole. C'est la première qui se soit posée à cet égard en<br />
Algérie ; mais elle ne fut pas la seule.<br />
Pendant longtemps, le petit commerçant et le petit industriel,<br />
aussi bien dans la métropole que dans la colonie,<br />
des besoins de<br />
n'eurent que<br />
crédit limités. Ils se contentaient souvent d'un<br />
outillage réduit, utilisé jusqu'à l'usure, de gains leur assurant,<br />
conditions modestes, une vie suffisamment indépen<br />
dans des<br />
conforme<br />
dante et à leur goût. Leur clientèle leur demeurait<br />
lorsqu'elle trouvait auprès d'eux une certaine régularité<br />
attachée,<br />
INTERVEN<br />
TION<br />
DE L'ÉTAT<br />
EN FAVEUR<br />
DE CERTAI<br />
NES INSTI<br />
TUTIONS<br />
DE CRÉDIT
— — 866<br />
dans la production. Le crédit individuel que pouvaient leur faire<br />
les vendeurs de matières premières répondait, en général, aux<br />
nécessités du fonctionnement de leurs petites entreprises, et, leur<br />
clientèle n'exigeant pas d'eux de crédits excessifs et effectuant<br />
ses paiements avec une certaine régularité, le fonds de roulement<br />
dont ils avaient besoin était assez faible. Puis, peu à peu, au fur<br />
et à mesure que le machinisme se développa, que la fabrication<br />
en séries imposa des types uniformes et des prix moins élevés,<br />
que les moyens de communication plus répandus activèrent la<br />
concurrence en facilitant le rapprochement des vendeurs et des<br />
acheteurs, que les goûts se modifièrent, que les procédés de<br />
fabrication et que les méthodes de vente se transformèrent, les<br />
petits industriels, les petits commerçants se trouvèrent entraînés<br />
dans ce mouvement général. Il leur fallut des ressources plus<br />
étendues et plus souples. Le crédit leur devint nécessaire, soit<br />
pour compléter leur installation, soit pour assurer leur fonds<br />
de roulement et le rendre indépendant du crédit que leur faisaient<br />
leurs fournisseurs et qui, les plaçant sous la dépendance de<br />
ceux-ci, leur enlevait toute liberté dans leurs achats, soit enfin<br />
pour mobiliser leurs créances, c'est-à-dire le crédit qu'ils consen<br />
taient eux-mêmes à leurs propres acheteurs.<br />
En France métropolitaine, beaucoup trouvèrent accès aux<br />
guichets des banquiers locaux qui, connaissant bien la clientèle<br />
de leur région, pouvaient donner au crédit personnel une part<br />
souvent prépondérante. En Algérie, un tel concours ne pouvait<br />
guère venir, à défaut de banquiers locaux trop peu nombreux<br />
ou trop spécialisés,<br />
que de la part de particuliers recherchant<br />
pour leurs capitaux un intérêt élevé, ou de grands établissements<br />
bancaires sollicités d'autre part par toutes les activités mises<br />
en œuvre pour la colonisation et le développement économique<br />
du pays. On peut donc en conclure que le petit commerce et la<br />
petite industrie ne trouvaient pas, en Algérie, les mêmes facilités<br />
qu'en France et que, dans la colonie, plus encore que dans la<br />
métropole, il existait de ce chef, depuis plusieurs années, une<br />
lacune dans l'organisation bancaire ; mais il ne faut pas croire<br />
que cette lacune eût des conséquences bien graves ; les banques<br />
et la Banque de l'Algérie elle-même s'efforçaient d'y remédier et<br />
le faisaient avec succès : la division du papier escompté, le faible
— — 367<br />
montant moyen des effets, le très grand nombre de petites som<br />
mes figurant sur la plupart de ces effets témoignent du libé<br />
ralisme qui inspirait à cet égard la banque d'émission. On doit<br />
trouver là, sans doute, l'explication de ce fait que des banques<br />
spéciales n'aient pas pris antérieurement une grande extension<br />
en Algérie (1).<br />
Au surplus le fonctionnement de telles banques n'est pas sans<br />
présenter des difficultés qui leur sont propres. Les risques de<br />
pertes, inhérents à une clientèle composée de petits commer<br />
çants, de petits industriels ou artisans comme de petits colons,<br />
sont nombreux et difficiles à suivre. La banque ne peut guère<br />
les éviter que si elle a le moyen de recueillir sur chaque client<br />
des informations continues, détaillées et précises, et elle ne peut<br />
le faire que si elle est sur place, si elle suit pas à pas elle-même<br />
sa clientèle. Le crédit de cette nature doit donc avoir une base<br />
locale. Il existe bien, nous l'avons vu, dans chaque région, des<br />
escompteurs ou des prêteurs locaux, mais ils n'ont pas tous une<br />
conception assez élevée de leur rôle pour voir au delà du gain<br />
qu'ils peuvent réaliser immédiatement et ils calculent ce gain<br />
d'après les risques éventuels qu'ils courent qui, bien souvent, il<br />
faut le reconnaître,<br />
sont considérables. Une prime d'assurance<br />
est justifiée en présence de ces risques ; mais qui ne sait combien<br />
est parfois difficile à discerner la nuance qui distingue une telle<br />
prime d'un taux usuraire. L'escompteur, usurier de race ou seu<br />
lement trop méfiant de nature,<br />
s'assure d'abord en quelques<br />
semestres, par la seule perception des intérêts, la rentrée du<br />
capital prêté qu'il sait incertaine à l'échéance et ce n'est pas<br />
sur le bon crédit que s'établit en pareil cas le taux de l'intérêt,<br />
c'est sur le pire.<br />
La Banque de l'Algérie,<br />
secondée par les grandes banques<br />
(1) On trouve il est vrai plusieurs types anciens de Banques populaires<br />
(les premiers datent dans la Métropole de 1830). A Alger, un Crédit<br />
Mutuel d'Alger fut fondé le 16 avril 1864 et définitivement constitué le<br />
19 mars 1865 sous la forme d'une société anonyme à capital variable. Le<br />
capital souscrit fut d'abord très faible, puis augmenta successivement<br />
jusqu'à 100.000 francs divisé en 2.000 parts de 50 francs au 1er janvier<br />
1889. Cette banque consentait des prêts et faisait également des opérations<br />
d'escompte. (Albeztini : Le développement des Banques -populaires en<br />
Franc&~Pa.ris 1926).Cet exemple fut suivi dans toute la Mitidja. En 1868,<br />
il existait des Sociétés de crédit mutuel à Boufarik, Bou-Ismaël, Coléa.
RESSOURCES<br />
DONT<br />
DISPOSE<br />
L'ÉTAT POUR<br />
CET OBJET.<br />
ELLES PRO<br />
VIENNENT<br />
POUR<br />
LA PLUS<br />
GHANDE PART<br />
DELA BANQUE<br />
DE L'ALGÉRIE.<br />
— — 368<br />
et par les comptoirs locaux, a combattu avec succès cette ten<br />
dance qui ruine le pays et brise bien des initiatives ; mais elle<br />
ne peut étendre son action partout. Là se trouve la justification<br />
d'une législation spéciale concernant particulièrement le crédit<br />
agricole, la petite industrie, le petit commerce.<br />
Cette législation a pour objet : 1° de mettre à la disposition<br />
de certains organismes spéciaux des sommes qui peuvent non<br />
seulement constituer un fonds de roulement,<br />
mais éventuelle<br />
ment un fonds de réserve provisoire ; 2° d'assigner à ces orga<br />
nismes un rôle déterminé et spécialisé ; 3° d'assurer sur leur<br />
fonctionnement un contrôle nécessaire.<br />
Elle a existé dans la métropole avant de fonctionner dans la<br />
colonie ;<br />
nous en avons vu les raisons en ce qui concerne le crédit<br />
agricole. Elle ne pouvait, au surplus, y être introduite avant que<br />
l'Algérie disposât de ressources nécessaires pour alimenter les<br />
avances ou subventions devant permettre la création et le fonc<br />
tionnement de ces organismes.<br />
*<br />
* *<br />
Là encore, la Banque de l'Algérie a joué un rôle tutélaire.<br />
D'un côté, les ressources directes ont été fournies par elle,<br />
au moyen de la redevance qui lui est imposée annuellement et<br />
de la part que l'Etat s'est assurée dans ses bénéfices, ainsi que<br />
des avances qu'elle a consenties à la Colonie, de l'autre, elle<br />
accepte à l'escompte le bon papier commercial ou le bon papier<br />
de campagne qui se trouve dans le portefeuille de ces organismes<br />
spéciaux et les banques ou sociétés de crédit accueillent égale<br />
ment ce papier, sachant qu'elles pourront le réescompter à la<br />
Banque de l'Algérie.<br />
Nous rappelons ici pour mémoire (1) le montant des sommes<br />
mises par la Banque à la disposition de l'Etat pour l'Algérie à<br />
la fin de l'année 1928.<br />
(1) Voir chapitre IX.
1° Produit de la redevance :<br />
— — 369<br />
a) Ressources permanentes<br />
Depuis 1900 jusqu'à fin 1928 81.211.061 09<br />
(dont 7.455.977,56 pour l'année 1928).<br />
2° Partage de dividendes :<br />
Depuis l'exercice 1920-1921 au cours duquel le<br />
dividende servi par la Banque a été, pour la<br />
première fois, supérieur à 150 francs, le<br />
partage du dividende a donné 24.484.039 07<br />
3° Affectation de la réévaluation de l'encaisse<br />
au remboursement d'avances :<br />
Sur le produit de la réévaluation de l'encaisse<br />
de la Banque, l'Algérie a remboursé à celle-ci<br />
les avances de 18 millions (loi du 29 décem<br />
bre 1918) et de 30 millions (loi du 28 juillet<br />
1927) affectées par les lois des 5 avril 1921<br />
et 28 juillet 1927 aux caisses régionales de<br />
crédit agricole mutuel, à des sociétés coopé<br />
ratives et à diverses œuvres d'intérêt général,<br />
ce qui a pour résultat de transformer en res<br />
sources définitives les ressources provisoires<br />
provenant de ces avances 48.000.000 00<br />
4° Solde du produit de la réévaluation de l'en<br />
caisse<br />
Total des ressources permanentes acquises dès<br />
1928<br />
b)<br />
Ressources temporaires<br />
Par la convention du 4 juillet 1929, la Banque a<br />
pris l'engagement, à l'occasion de la réforme<br />
de son statut monétaire (1) de mettre gratui<br />
tement à la disposition de l'Algérie, lorsque<br />
cette réforme entrera en application, une<br />
avance remboursable seulement à l'expiration<br />
17.194.190 75<br />
170.889.290 91<br />
de son privilège en 1945 30.000.000 00<br />
(1) Voir chapitre X.
OBJET DU<br />
CRÉDIT<br />
AGRICOLE.<br />
CRÉDIT<br />
A COURT<br />
TERME.<br />
— — 370<br />
Le total des ressources permanentes et temporaires, mises<br />
par la Banque à la disposition de l'Algérie était donc à la fin de<br />
1928 de 200.889.290 fr.; à ce chiffre viennent s'ajouter, dès cette<br />
année, environ 16 millions, montant de la redevance et de la<br />
participation au dividende pour 1929, ce qui fait un total de<br />
plus de 216 millions.<br />
LE CREDIT AGRICOLE<br />
Le crédit agricole a pour objet de mettre à la disposition des<br />
agriculteurs, propriétaires ou fermiers, et des groupements<br />
d'agriculteurs, sous forme d'avances ou de subventions, des fonds<br />
destinés à être utilisés pour l'exercice de leur profession.<br />
La doctrine distingue trois sortes de crédit agricole, selon<br />
la nature des opérations auxquelles il s'applique : crédit à court<br />
terme, crédit à moyen terme, crédit à long terme. La pratique<br />
a adopté la même division en fixant empiriquement la durée<br />
de chacun de ces crédits. On a vu, dans les chapitres précédents,<br />
que cette distinction n'a été faite, en Algérie, qu'à une époque<br />
relativement récente (1) et nous avons signalé les retards que ce<br />
défaut d'analyse a apportés à une rationnelle organisation du<br />
crédit agricole. Nous n'y reviendrons pas.<br />
Nous nous bornerons à préciser ici les opérations qui doivent<br />
être considérées comme entrant dans chacune de ces trois caté<br />
gories.<br />
*<br />
* *<br />
Le crédit à court terme est nécessaire à tout agriculteur qui<br />
ne dispose pas de moyens suffisants pour effectuer ses achats<br />
de bétail, d'engrais et de semence, ou pour payer les travaux<br />
de la préparation, de l'entretien et de la rentrée de sa récolte.<br />
(1) Cette distinction a été légalement consacrée en France par la loi du<br />
5 août 1920, en Algérie par le décret du 26 novembre 1925.
371<br />
Ce sont là des opérations pour lesquelles il a des besoins bien<br />
déterminés et temporaires, compris dans la durée de ce que<br />
l'on est convenu d'appeler une campagne agricole. Si les ressour<br />
ces que donne la récolte ne sont pas appliquées au règlement<br />
de la dette contractée en vue de cette récolte, il ne s'agit plus<br />
d'un crédit de campagne et l'opération prend le caractère d'une<br />
commandite, plutôt que d'une opération proprement bancaire.<br />
Elle ne peut pas être traitée au moyen d'effets escomptables<br />
susceptibles d'être admis par une banque ne devant s'engager<br />
que dans des opérations à court terme.<br />
Parfois, le crédit à court terme peut être nécessaire pout<br />
répondre à des besoins exceptionnels ou permettre à un agri<br />
culteur de faire face à une situation temporairement difficile ;<br />
mais, même dans ce cas, il ne conserve ce caractère que s'il ne<br />
dépasse pas la durée d'une campagne.<br />
Le crédit à court terme joue un rôle capital,<br />
en ce sens que<br />
c'est lui qui fournit le fonds de roulement nécessaire à l'exploi<br />
tation agricole ;<br />
annuelles,<br />
c'est lui qui permet de faire face aux dépenses<br />
qui régularise la trésorerie de l'agriculteur et qui<br />
agit le plus directement sur les prix des produits agricoles, en<br />
écartant la nécessité où le producteur peut se trouver d'ajourner<br />
ses achats ou de précipiter ses ventes.<br />
Quoi qu'on ait pu dire parfois,<br />
il a généralement été assuré<br />
à l'ensemble des agriculteurs algériens dans des conditions avan<br />
tageuses,<br />
soit que les banques le consentissent directement aux<br />
colons, soit que ceux-ci en bénéficiassent par l'intermédiaire de<br />
leurs vendeurs ou de leurs acheteurs qui, profitant eux-mêmes<br />
du crédit bancaire, peuvent,<br />
pres acheteurs,<br />
deurs (1).<br />
soit accorder des délais à leurs pro<br />
soit faire des avances à leurs propres ven<br />
Ces facilités, qui reposent sur le principe,<br />
de l'Algérie,<br />
admis par la Banque<br />
qu'une opération liquidée pendant la durée d'une<br />
campagne conserve un caractère bancaire, étaient nécessaires<br />
dans un pays agricole en cours de mise en valeur. Elles n'ont<br />
pas toujours été accordées aussi libéralement ailleurs,<br />
et en<br />
(1) Les crédits de campagne accordés par la Banque de l'Algérie aux<br />
agriculteurs algériens ont toujours atteint un chiffre élevé : 60 millions<br />
par an environ avant la guerre : 300 à 350 millions aujourd'hui.<br />
CONCOURS<br />
DONNÉ<br />
PAR LES<br />
BANQUES<br />
POUR LE<br />
CRÉDIT<br />
A COURT<br />
TERME.
- 372<br />
-<br />
France, pendant longtemps, les banques ne reconnaissaient le<br />
caractère de papier bancable qu'à celui qui, effectivement payé<br />
au bout de 90 jours,<br />
ne doit jamais donner lieu à un renou<br />
vellement. La Banque de France fit, dans la région de Nevers,<br />
vers 1880, une expérience de crédit agricole de campagne qu'elle<br />
généralisa depuis, mais sans lui donner une extension compa<br />
rable à celle que ces crédits ont pris en Algérie.<br />
Dans la colonie, au contraire, les agriculteurs ont eu en prin<br />
cipe, de bonne heure, accès direct aux guichets non seulement<br />
des comptoirs d'escompte, mais encore des grandes banques,<br />
ainsi qu'à ceux de la Banque de l'Algérie pour l'escompte d'effets<br />
représentant des opérations se dénouant dans la durée d'une<br />
campagne.<br />
Les grands établissements de crédit accueillent volontiers ces<br />
effets et parfois même ceux qui proviennent d'opérations dépas<br />
sant ce terme. Pour beaucoup d'entre eux, les cultivateurs, les<br />
viticulteurs, les horticulteurs, les primeuristes constituent une<br />
clientèle recherchée,<br />
qui est assurée de trouver à leurs guichets<br />
toutes facilités d'escompte et d'obtenir d'importantes ouvertures<br />
de crédit. Depuis de longues années, certains même, comme la<br />
Compagnie Algérienne et le Crédit Foncier d'Algérie et de<br />
Tunisie, ont créé, dans les régions productrices de céréales, de<br />
vastes magasins où les agriculteurs peuvent entreposer leurs<br />
récoltes et les warranter.<br />
Nous ne répéterons pas ce que nous avons exposé précédem<br />
ment concernant les difficultés que présente la distribution du<br />
crédit agricole dans un pays de colonisation. Ce crédit<br />
renferme des risques d'immobilisation qui constituent un<br />
danger pour la trésorerie des banques et n'offre pas la garantie<br />
que présente, en matière commerciale, l'existence d'une marchan<br />
dise qui peut faire ici défaut, puisque cette marchandise est en<br />
voie de création et qu'un vent trop chaud ou trop vif, qu'une<br />
pluie trop rare ou trop violente peuvent la détruire. Nous enten<br />
dons seulement, en rappelant ces risques, montrer qu'en Algérie<br />
les banques, se rendant compte que la prospérité du pays est<br />
intimement liée à celle de l'agriculture, ont eu le courage de ne<br />
pas les écarter de leur portefeuille et que, dès avant l'organi<br />
sation actuelle, les colons avaient trouvé auprès d'elles, pour le
crédit à court terme,<br />
résultats acquis.<br />
— — 373<br />
un appui dont l'efficacité se juge aux<br />
Si parfois des restrictions de crédit ont pu être constatées,<br />
elles n'ont pas eu —<br />
sauf<br />
nelles de guerre l'exigeaient —<br />
lorsque des circonstances exception<br />
de<br />
caractère général. Elles ont<br />
pu porter atteinte à des situations individuelles ; mais ces<br />
accidents n'étaient-ils pas, la plupart du temps, explicables par<br />
des erreurs de jugement, des imprudences ou même des spécu<br />
lations téméraires de la part de ceux qui en furent les victimes ?<br />
N'était-ce pas aussi parce que le crédit à court terme avait<br />
dégénéré en crédit à long terme, l'escompte en commandite ?<br />
* *<br />
A côté du crédit à court terme, les agriculteurs ont souvent<br />
besoin, en effet, d'un concours de plus longue durée : tout d'abord<br />
l'aménagement ou la reconstitution d'exploitations rurales exi<br />
gent parfois certaines dépenses immédiates qui ne peuvent être<br />
payées avec les produits de la récolte annuelle. Il faut en répartir<br />
l'amortissement sur une période plus longue et y<br />
consacrer une<br />
partie des produits de plusieurs années d'exploitation : tels sont<br />
les achats d'animaux ou de matériel nécessaires à la culture<br />
ou à l'élevage, les améliorations foncières, l'extension ou la répa<br />
ration des bâtiments. Ce sont là des opérations qui nécessitent<br />
des avances de fonds que l'agriculteur ne peut se procurer qu'au<br />
près de prêteurs qui consentent à immobiliser un capital pendant<br />
plusieurs années,<br />
ou auprès de banques qui sont en mesure de<br />
consacrer à de telles opérations des sommes qu'elles ne sont pas<br />
exposées à se voir elles-mêmes réclamer à vue. C'est ce qu'on<br />
est convenu d'appeler le crédit à moyen terme. On l'a parfois<br />
qualifié de crédit industriel agricole, par opposition aux prêts à<br />
court terme, appelés prêts commerciaux agricoles.<br />
Enfin, certains prêts de plus longue durée constituent la caté<br />
gorie du crédit à long terme ; ils correspondent à des acquisi<br />
tions, transformations profondes, reconstitutions d'exploitations<br />
agricoles. C'est là le domaine du Crédit Foncier ou d'organismes<br />
spéciaux disposant de ressources constituées en vue d'atteindre<br />
ce*<br />
but.<br />
24<br />
CREDIT<br />
A MOYEN<br />
TERME.<br />
CRÉDIT<br />
A LONG<br />
TERME.
BASES DE LA<br />
LÉGISLATION<br />
SPECIALE<br />
DU CRÉDIT<br />
AGRICOLE<br />
MUTUEL.<br />
CAISSES<br />
LOCALES.<br />
374<br />
*<br />
* *<br />
L'organisation du crédit agricole mutuel comprend tout un<br />
ensemble d'institutions qui ont pour objet d'assurer aux agri<br />
culteurs le crédit à court, à moyen et à long terme (1).<br />
Elle repose essentiellement sur trois idées fondamentales :<br />
1° Il faut que la cellule initiale du crédit ait un caractère<br />
local ;<br />
2° Le crédit doit avoir une base de mutualité ou plus exacte<br />
ment de coopération (2) ;<br />
3° L'Etat donne un concours financier aux organismes du cré<br />
dit agricole et exerce un contrôle sur ceux qui bénéficient de<br />
ce concours.<br />
*<br />
* *<br />
A la base du crédit agricole se trouvent les caisses locales<br />
qui sont en contact direct avec les intéressés. Ce sont elles qui,<br />
pour la réalisation des prêts à court terme, escomptent les effets<br />
souscrits par les sociétaires en vue d'opérations exclusivement<br />
agricoles. La durée des prêts ne doit ni dépasser celle de l'opé<br />
ration à laquelle ils s'appliquent, ni excéder un an. Pour les prêts<br />
à moyen terme, les caisses locales font signer à leurs sociétaires<br />
des engagements spéciaux qui fixent les conditions du prêt, les<br />
garanties fournies, les conditions de remboursement par amor-<br />
(1) La législation relative au Crédit Mutuel et à la Coopération agricole<br />
en Algérie, remonte à la loi métropolitaine du 5 novembre 1894, qui a<br />
doté les caisses de crédit agricole mutuel de France et d'Algérie d'un sta<br />
tut légal resté en vigueur en France jusqu'à la promulgation de la loi du<br />
5 août 1920, et en Algérie jusqu'à l'apparition du décret du 26 novembre<br />
1925. Les textes fondamentaux sont à l'heure actuelle: la loi du 20 décem<br />
bre 1924, qui a décidé notamment qu'à l'avenir les questions relatives au<br />
crédit agricole seraient tranchées directement en Algérie par décret, le<br />
décret du 26 novembre 1925, pris en vertu de cette loi, l'arrêté du Gouver<br />
neur général du 5 décembre 1925, la loi du 28 juillet 1927, créant la<br />
Caisse foncière agricole d'Algérie.<br />
(2) Les caisses de crédit agricole ont exclusivement pour objet de faci<br />
liter et de garantir les opérations concernant la production agricole, effec<br />
tuées par leurs sociétaires individuels ou collectifs. Les prêts doivent être<br />
exclusivement consentis aux sociétaires. Le capital des caisses ne peut<br />
être formé par des souscriptions d'actions, il doit l'être par les socié<br />
taires au moyen de parts nominatives. (Article 2 de la loi du 5 août 1920.)
— 375 —<br />
tissements annuels. La durée maxima de ces prêts est de six<br />
ans.<br />
Le taux d'intérêt des prêts à court et à moyen terme ne doit<br />
pas être inférieur au taux d'intérêt servi aux parts sociales<br />
(lequel ne peut dépasser 6 %) ni supérieur de plus de 3 %<br />
au taux officiel d'escompte de la Banque de l'Algérie.<br />
Enfin, les caisses locales sont autorisées à consentir des prêts<br />
individuels à long terme (1) sous réserve que le contractant<br />
s'engage « à exploiter lui-même ou avec l'aide de sa famille, la<br />
petite propriété qu'il se propose d'acquérir, d'aménager, de trans<br />
former ou de reconstituer avec les fonds qui lui sont prêtés ».<br />
Ces prêts ne sont consentis que contre une garantie consistant<br />
en une inscription hypothécaire ou un contrat d'assurances en<br />
cas de décès. Ils ne peuvent excéder 40.000 francs et la duré?<br />
de leur remboursement est de vingt-cinq ans au maximum. Le<br />
taux d'intérêt (minimum 2 %, maximum 6 %) est fixé par le<br />
Gouverneur général sur avis de la commission consultative du<br />
crédit agricole (2) ,<br />
*<br />
* *<br />
Les caisses locales sont rattachées à des caisses régionales. caisses<br />
Ces caisses régionales n'ont pas de rapports directs avec les<br />
agriculteurs emprunteurs. Elles sont avant tout les intermé<br />
diaires, pour la répartition des prêts, entre l'Etat d'une part<br />
et, d'autre part, les caisses locales, les coopératives et autres<br />
groupements agricoles..Elles ont une autre fonction très impor<br />
tante ; elles réescomptent, après endossement par les caisses<br />
locales qui leur sont affiliées, les effets souscrits par les sociétai<br />
res de ces caisses. Elles font, enfin, directement aux caisses<br />
locales les avances nécessaires à la constitution d'un fonds de<br />
roulement.<br />
(1) Le crédit à long terme n'est pas une création de la loi de 1920 en<br />
France et du décret de 1925 en Algérie. Il apparaît pour la première i<br />
fois dans la loi du 19 mars 1910 instituant des prêts individuels à long /<br />
terme de 8.000 francs au taux maximum de 2 %. Cette loi fut rendue '<br />
applicable à l'Algérie par un décret du 25 mars 1915.<br />
(2) Pour les pensionnés de guerre le taux est réduit à 1 % et l'Algérie<br />
contribue aux amortissements lorsque le pensionné de guerre est chargé<br />
de famille.<br />
régionales.
— — 376<br />
En dehors de leur capital, les ressources propres des caisses<br />
régionales proviennent du réescompte qu'elles peuvent faire de<br />
leur portefeuille, composé des effets qu'elles ont elles-mêmes<br />
réescomptés aux caisses locales ; elles trouvent également, en<br />
particulier à l'heure actuelle, de larges disponibilités dans les<br />
sommes qui leur sont confiées en dépôt.<br />
Toute caisse régionale peut demander à la Banque de l'Algérie<br />
son admission directe à l'escompte et, en outre, éventuellement,<br />
l'ouverture d'une cote sous l'endos d'un établissement finan<br />
cier (1).<br />
Une expérience de trois années a démontré que les facilités<br />
d'escompte et de réescompte accordées ainsi par les banques<br />
et par l'institut d'émission répondent aux besoins du crédit<br />
agricole à court terme ; la Banque de l'Algérie ne se refuse pas,<br />
au surplus, à les étendre chaque fois qu'elle est certaine de faire<br />
entrer dans son portefeuille des effets présentant les sécurités<br />
statutaires et dont le paiement est assuré à l'expiration de la<br />
campagne.<br />
Les caisses régionales ont trouvé, d'autre part, d'importantes<br />
ressources dans les dépôts de leurs adhérents ou de leurs amis.<br />
L'extrême abondance des disponibilités constituant le résidu<br />
flottant de l'inflation, les heureux résultats de certaines récoltes<br />
en céréales et surtout de celles des vignobles qui ont augmenté<br />
très sensiblement la richesse générale en Algérie dans ces derniè<br />
res années,<br />
ont permis aux caisses de recevoir de nombreux<br />
dépôts pour des sommes élevées. C'est là, pour elles,<br />
une res<br />
source précieuse. Mais elle est précaire et, à plus d'un point de<br />
vue, dangereuse. Les dépôts à vue sont toujours instables, même<br />
lorsqu'ils sont d'origines variées. Ils le sont encore plus lorsqu'il<br />
(1) Lorsque les Caisses régionales présentent directement leur papier<br />
aux guichets de la Banque de l'Algérie, le taux officiel du papier com<br />
mercial leur est appliqué ; mais lorsque leurs négociations sont effectuées<br />
indirectement par voie de réescompte, sous l'endos d'un établissement<br />
financier, ce réescompte bénéficie d'une réduction de 1 1/2 % sur le taux<br />
du papier commercial, sans que le minimum applicable puisse toutefois<br />
être inférieur 15%. (Cette décision a été prise en août 1926 alors que<br />
le taux du papier commercial était fixé à 7 1/2). Ces dernières conditions,<br />
ayant eu pour objet de faciliter aux petits agriculteurs l'accès aux éta<br />
blissements financiers installés en Algérie, ne concernent que les négocia<br />
tions qui, pour un même client d'une caisse agricole, ne dépassent pas<br />
40.000 francs.
— — 377<br />
s'agit de dépôts d'agriculteurs qui peuvent se trouver, sous l'in<br />
fluence d'une récolte particulièrement mauvaise,<br />
exposés à avoir<br />
au même moment besoin de reprendre leurs disponibilités et de<br />
faire appel au concours de leurs banquiers. Il est, en tout cas,<br />
souhaitable que les caisses évitent de les immobiliser dans des<br />
opérations ayant un caractère d'insuffisante liquidité.<br />
Il est également nécessaire que les caisses régionales se pénè<br />
trent bien de cette idée que, dans les circonstances actuelles,<br />
si le crédit à bon marché est un idéal vers lequel il convient de<br />
tendre, il n'en est pas de même du crédit gratuit ou à trop bon<br />
marché, et qu'elles doivent, sauf exceptions justifiées, suivre la<br />
loi commune, d'ailleurs assez souple, du loyer de l'argent, qui<br />
n'est pas arbitrairement imposé dans un grand pays où la con<br />
currence bancaire écarte les abus. En 1907, le Gouverneur<br />
général, dans l'exposé de la situation générale de l'Algérie, leur<br />
donnait à cet égard de très utiles avertissements, dont elles ont<br />
d'ailleurs sagement fait leur profit. « Certaines caisses, disait-il,<br />
ont tendance à prêter au-dessous du cours normal de l'argent....<br />
Elles faussent la notion du crédit agricole et donnent une déplo<br />
rable éducation financière »,<br />
et il faisait observer que l'objectif<br />
du crédit agricole est de mettre les cultivateurs sur un pied<br />
d'égalité avec les industriels et les commerçants. Sans doute<br />
peut-il se présenter des cas où de petits et moyens colons ne<br />
peuvent être aidés que par un crédit à meilleur marché et les<br />
conditions de gratuité dans lesquelles la Banque de l'Algérie a<br />
mis d'importantes ressources à la disposition de la colonie,<br />
comme le régime de faveur qu'elle a admis pour le réescompte<br />
du papier des petits agriculteurs,<br />
peuvent faciliter l'adoption de<br />
mesures exceptionnelles ; mais il ne serait pas sage de trans<br />
former l'escompte en prêts gratuits et d'habituer les bénéficiai<br />
res à n'y voir que des subventions temporaires.<br />
Les caisses régionales et les caisses locales, maintenant cons<br />
cientes de leur rôle, de l'importance comme de la difficulté de<br />
leur tâche,<br />
constituent un des éléments actifs d'une organisation<br />
bancaire bien adaptée aux besoins du pays.<br />
Leur fonctionnement donne satisfaction aux adhérents et<br />
atteint le but que le gouvernement s'était proposé en les créant.<br />
Elles contribuent,<br />
par l'ensemble des institutions qui gravitent
SOCIÉTÉS<br />
COOPÉRA<br />
TIVES DE<br />
PRODUCTION<br />
AGRICOLE.<br />
autour d'elles,<br />
— 378 -<br />
et notamment par le développement des assuran<br />
ces agricoles (1), à donner au crédit des agriculteurs une base<br />
plus stable ; leur action s'exerce donc directement et indirecte<br />
ment en faveur de ceux-ci.<br />
*<br />
* *<br />
Les institutions de crédit agricole mutuel sont complétées<br />
par une organisation coopérative qui est aujourd'hui l'auxiliaire<br />
très utile non seulement de l'agriculture proprement dite, mais<br />
encore de l'industrie agricole. Les sociétés coopératives de pro<br />
duction agricole ont pour objet de venir en aide aux petits<br />
producteurs, de les grouper, de créer des services d'intérêt<br />
collectif, achats d'engrais, traitements de sous-produits, fourni<br />
tures d'électricité, organisation de ventes en commun (2). Elles<br />
effectuent ou facilitent toutes opérations concernant la produc<br />
tion, la transformation, la consommation ou la vente des produits<br />
provenant exclusivement des exploitations agricoles des coopé-<br />
rateurs. Elles peuvent être constituées en vue d'achats en<br />
commun de matériel nécessaire à l'agriculture ou, d'une façon<br />
générale, de fournitures. Ces sociétés coopératives,<br />
comme les<br />
associations syndicales ayant un objet exclusivement agricole<br />
et les sociétés agricoles de fabrication, d'exéeution de travaux<br />
agricoles, d'intérêt collectif et d'hygiène sociale, peuvent de<br />
même que les agriculteurs adhérents bénéficier d'avances à long<br />
(1) Le législateur a affranchi les sociétés d'assurances mutuelles agri<br />
coles de certaines formalités de constitution. Il leur a permis d'obtenir du<br />
crédit auprès des caisses locales dont elles sont membres. Il leur accorde<br />
des avances et des subventions, prélevées en Algérie sur la redevance de<br />
la Banque. L'assurance fortifie puissamment le crédit de l'agriculteur et<br />
l'organisation des assurances mutuelles fait, en quelque sorte, partie<br />
intégrante du système du crédit mutuel agricole.<br />
(2) Les sociétés coopératives ont été longtemps régies par la loi du<br />
26 février 1909, autorisant l'attribution à ces sociétés d'avances à 2 %,<br />
limitant leurs opérations et leur interdisant la réalisation de bénéfices<br />
commerciaux,<br />
en raison des subventions et avantages fiscaux accordés<br />
par l'Etat et leur assurant des conditions d'exploitation mettant vis-à-vis<br />
d'elles en état d'infériorité les entreprises similaires dues à l'initiative pri<br />
vée et le commerce en général. Depuis lors, est intervenue en France la<br />
loi du 5 août 1920 modifiant le statut légal de ces sociétés dans des con<br />
ditions précisées par un règlement d'administration publique du 9 février<br />
1921, puis en Algérie, leur régime a été réglé par le décret du 26 novem<br />
bre 1925 et l'arrêté du Gouverneur général du 5 décembre 1925,
— — 379<br />
terme. Leurs demandes d'avances sont présentées par l'intermé<br />
diaire des caisses régionales (1).<br />
Les sociétés coopératives furent d'abord utilisées par les cul<br />
tivateurs pour la constitution du matériel agricole et par les<br />
viticulteurs pour l'organisation rationnelle de caves. Puis les<br />
planteurs de tabac en créèrent, ensuite il s'en constitua pour<br />
la transformation et la conservation des fruits et légumes, etc...<br />
Les caves coopératives, dont la première fut créée à Dupleix<br />
en 1905, ont rendu de très grands services ; elles permettent<br />
une vinification aussi soignée que possible dans un pays où cette<br />
opération exige toute une science, une surveillance et des moyens<br />
perfectionnés que ne peuvent réaliser seuls les petits et moyens<br />
viticulteurs. Il en a été de même avec les coopératives de tabac<br />
(tabacoops)<br />
qui ont puissamment aidé à améliorer la produc<br />
tion, assuré un classement méthodique des produits, créé en<br />
fait un type apprécié dont la vente à l'étranger s'est beaucoup<br />
développée (2).<br />
Enfin, grâce à ces coopératives, de très importants docks<br />
à céréales sont en voie de donner aux récoltes l'abri temporaire<br />
et sûr qui peut permettre aux producteurs de mieux régler leurs<br />
ventes.<br />
Pressés parfois,<br />
soit par la nécessité de disposer en vue de<br />
la campagne d'un fonds de roulement qui leur fait défaut, soit<br />
par la difficulté de conserver par devers eux le grain dans de<br />
bonnes conditions (3), les agriculteurs sont exposés à réaliser<br />
(1» L'article 24 du décret du 26 novembre 1925 règle les conditions de<br />
ces prêts.<br />
(2) Voir chapitre XI. La Banque Industrielle de l'Afrique du Nord.<br />
(3) Dans une communication faite au Congrès des docks et silos à céréa<br />
les de l'Afrique du Nord tenu à Marseille en 1928, M. Boyer-Banse, chef<br />
du service du crédit et de la coopération agricole au Gouvernement géné<br />
ral, a signalé que cette difficulté était grande en Algérie. « La caractéris<br />
tique de la situation dit-il, c'est que le logement manque presque d'une<br />
façon absolue chez le producteur. Nous n'avons pas l'équivalent des res<br />
sources de logement qui existent en France, dans ces milliers de petits<br />
greniers qu'on trouve chez les producteurs. Ce n'est pas à la construction<br />
de silos ou de greniers individuels que le producteur algérien met son<br />
argent, il a bien d'autres dépenses urgentes à envisager. En règle géné<br />
rale, le producteur est tout à fait incapable de conserver chez lui ses<br />
récoltes surtout lorsqu'elles sont importantes. Les minotiers eux dispo<br />
sent de plus de facilités de logement que les agriculteurs, beaucoup d'en<br />
tre eux ont de très beaux silos qui sont tout de même insuffisants par
STATISTIQUE<br />
DES CAISSES<br />
RÉGIONALES<br />
ET LOCALES<br />
ET DES<br />
SOCIÉTÉS<br />
COOPÉRA<br />
TIVES<br />
AGRICOLES.<br />
382 —<br />
hypothécaires, emprunts avec ou sans garantie de la colonie,<br />
prélèvement de 18 millions sur les avances consenties par la<br />
Banque de l'Algérie.<br />
Le Conseil d'administration de la Caisse foncière agricole,<br />
investi des pouvoirs les plus étendus, est composé de douze<br />
membres ;<br />
six représentent l'Algérie et sont nommés par le<br />
Gouverneur général ; les six autres sont désignés par les caisses<br />
régionales (1).<br />
Les Caisses régionales de crédit agricole mutuel sont groupées<br />
en une Fédération dont le siège est à Alger, et qui coordonne<br />
leurs efforts, inspire leur politique générale de crédit et se fait<br />
l'interprète de leurs besoins et de leurs vœux.<br />
Nous ne pouvons donner ici une monographie de chacune<br />
d'elles,<br />
en raison de leur nombre. Quelques-unes toutefois se<br />
détachent de l'ensemble par leur caractère plus général, par l'ac<br />
tion qu'elles ont exercée sur le développement de la Mutualité<br />
Agricole, par l'importance des concours qu'elles donnent à l'agri<br />
culture et, en particulier, aux petits colons.<br />
(1) Dans sa séance du 14 mai 1929, le Conseil a, dans la limite de ses<br />
attributions, soit émis les vœux, soit pris les décisions suivantes, en<br />
matière de prêts à moyen et à long terme :<br />
1° — A l'égard des maxima des prêts à long terme. Le Conseil émet<br />
le vœu que le montant maximum fixé à 40.000 francs par l'article 8 du<br />
décret du 26 novembre 1925, soit porté à 120.000 francs, et, en même<br />
temps, décide de relever les conditions de fortune des emprunteurs, ainsi<br />
que la valeur des propriétés susceptibles de faire l'objet de prêts, à un<br />
maximum de :<br />
200.000 francs pour un célibataire.<br />
300.000 francs pour un emprunteur marié avec majoration de<br />
30.000 francs par enfant.<br />
2° — A l'égard des maxima des prêts à moyen terme. Le Conseil décide<br />
de porter de 60.000 à 120.000 francs, le montant maximum des prêts à<br />
moyen terme, tout en maintenant les maxima des conditions de fortune<br />
des emprunteurs, et de la valeur des propriétés susceptibles de faire l'ob<br />
jet de prêts, qui seront ainsi les mêmes que ceux des prêts à long terme,<br />
savoir :<br />
200.000 francs pour un célibataire.<br />
300.000 francs pour un emprunteur marié, avec majoration de<br />
30.000 francs par enfant.<br />
3°<br />
A l'égard de la durée des — prêts à moyen terme. Le Conseil émet<br />
le vœu de voir porter de 6 à 10 ans, comme en France, le maximum de<br />
durée de ces prêts, précédemment fixé à 6 ans, par l'article 6, alinéa 6<br />
du décret du 28 novembre 1925.<br />
4° A l'égard du taux d'intérêt. —<br />
En ce qui concerne le taux d'inté<br />
rêt des prêts à long terme (actuellement 5,50 %) et à moyen terme 7 %<br />
le Conseil demande à M. le Gouverneur général de fixer le premier à 5 %,<br />
et il se propose lui-même de ramener le second à 6,50 %, le cas échéant.
Nous signalons seulement :<br />
— 383 -n-<br />
La Caisse régionale de Crédit Agricole mutuel d'Alger, fondée<br />
en 1901 et dont la circonscription territoriale s'étend sur le<br />
département d'Alger et les arrondissements limitrophes. Son<br />
capital variable s'élève aujourd'hui à 8.150.000 francs et ses<br />
réserves statutaires atteignent 3.247.821 fr. 67. Elle groupe<br />
4.218 sociétaires répartis en 105 Caisses locales, 117 Coopérati<br />
ves affiliées. Elle a été fondée par un des hommes dont l'activité<br />
s'est le plus longuement et le plus ardemment employée en<br />
faveur du mouvement coopératif agricole, M. Pasquier-Bronde.<br />
Le Crédit Central Agricole, fondée en 1917 et dont le siège est<br />
également à Alger. Sa circonscription territoriale est l'Algérie<br />
tout entière ; mais il limite en fait son action à certaines régions<br />
des départements d'Alger et d'Oran. Son capital variable s'élève<br />
aujourd'hui à 6.305.600 francs et ses réserves statutaires attei<br />
gnent 1.874. 313 fr. Elle groupe 1.000 sociétaires répartis en lf;<br />
Caisses locales, 20 Coopératives affiliées. Cette Caisse régionale<br />
a été l'auxiliaire directe du service du Crédit agricole du Gouver<br />
nement général pour faciliter la réalisation des initiatives prises<br />
par celui-ci concernant le crédit, l'assurance et la coopération<br />
agricole sous toutes leurs formes.<br />
La Caisse régionale de Crédit Agricole mutuel de Tlemcen,<br />
créée en 1901, se rattache à une des plus anciennes organisations<br />
agricoles de l'Algérie. Elle a été fondée, en effet, par le Syndicat<br />
agricole de Tlemcen dont l'origine remonte à 1885, et qui fut<br />
constitué pour assurer la défense du vignoble contre les atteintes<br />
du phylloxéra. A son action se rattache le souvenir de M. Havard<br />
père, qui en fut l'animateur, comme l'est aujourd'hui son fils,<br />
Délégué financier et Président de la Fédération des Caisses<br />
régionales de Crédit agricole mutuel d'Algérie. Son capital<br />
variable est actuellement de 808.600 francs. Ses réserves s'élè<br />
vent à 1.525.972 fr. 50. Elle groupe 1.417 sociétaires dont 983<br />
européens et 434 indigènes répartis en 18 Caisses locales, dont<br />
8 européennes et 10 indigènes, 9 Coopératives affiliées.<br />
Nous reproduisons ci-après les tableaux statistiques officiels<br />
concernant le mouvement des Caisses de Crédit mutuel agricole.<br />
Ces statistiques, qui s'arrêtent à l'année 1928, permettent de
— — 384<br />
mesurer l'effort considérable de ces Caisses. Les résultats de<br />
1929 seront encore plus probants et les circonstances qui ont,<br />
en cette fin d'année, créé à l'agriculture une situation délicate,<br />
mettront encore mieux en lumière l'action utile du Crédit agri<br />
cole mutuel secondé par les banques de réescompte et en particu<br />
lier par la Banque de l'Algérie.<br />
Le montant total des prêts des Caisses régionales, qui était de<br />
244 millions au 30 septembre 1928, a atteint 381 millions au 30<br />
septembre 1929, pour dépasser 400 millions.<br />
En 1920, le montant des prêts des Caisses régionales ne dépas<br />
sait pas 10 millions de francs. L'aide apportée à l'agriculture<br />
algérienne par ces institutions s'est donc accrue en 9 ans, ainsi<br />
que le faisait remarquer le Gouvernement Général en novembrt<br />
1929, dans la proportion de 1 à 40.
SITUATION<br />
DES<br />
CAISSES RÉGIONALES
ANNEES DEPARTEMENTS<br />
Alger<br />
1913 Constantine.<br />
1919<br />
1925.<br />
1928.<br />
ANNEES<br />
Oran.<br />
Alger<br />
Constantine.<br />
Oran<br />
Alger<br />
Total.<br />
Total.<br />
DEPARTEMFNTS<br />
Constantine ....<br />
Oran<br />
Alger<br />
Constantine<br />
Oran<br />
Total<br />
Total<br />
— 386 -<br />
18<br />
13<br />
10<br />
41<br />
19<br />
14<br />
10<br />
43<br />
u<br />
es<br />
es<br />
S<br />
O<br />
14<br />
13<br />
14<br />
41<br />
13<br />
12<br />
14<br />
CAPITAL<br />
»ersé<br />
617.702<br />
431.023<br />
630.150<br />
1.698.877<br />
751.80b<br />
648 210<br />
Ô81750<br />
2 081.765<br />
CAPITAL<br />
Tersé<br />
4.338 080<br />
1.707 150<br />
3.101 800<br />
9.147.030<br />
13.795.550<br />
5.984.563<br />
Caisses locales<br />
affiliées<br />
»ox régionales<br />
Nombre<br />
8 136.170<br />
39 27.976.283<br />
118<br />
60<br />
81<br />
259<br />
139<br />
70<br />
87<br />
Adhé<br />
rents<br />
Années<br />
Montant<br />
Reçues<br />
5.406 2 012.360<br />
4.829 1.665.200<br />
5.048 1.634.400<br />
15 283 5.311 960<br />
6 093 2.810.160<br />
6 915 2 003200<br />
3 784 1.809.800<br />
296 16.792 6.623.<br />
Années<br />
Caisses locales<br />
affiliées ani<br />
Caisses régionales<br />
Nombre<br />
158<br />
66<br />
86<br />
310<br />
188<br />
66<br />
101_<br />
355<br />
Adhérents<br />
6.579<br />
7.267<br />
6337<br />
20.183<br />
6.578<br />
7.480<br />
9.118<br />
23.176<br />
(1) Mi.as reproduisons "<br />
les tableaux publiés dans les Exposas de la situation générale<br />
sont pas comparables a ceux relatifs aux maximum des prêts Jans les statistiques établis<br />
Un prêt renouvelé deux fois pendant l'année était ainsi compté pour un chiffre éiral h trois<br />
moment choisi pour la ststistique (3* trimestre). Les chiffres fournis chaque année depuis 1922
1913 -<br />
des Avances<br />
Caisses Régionales<br />
Remboor-<br />
sées<br />
1910<br />
Ditlérences<br />
452.460 1.559.900<br />
29.700 1.635.500<br />
127 200 1.507.200<br />
609.360 4.702.600<br />
373 860 2.496.300<br />
174.700 1. 828.300<br />
470 600 1.339 200<br />
1.019.160 5.664.000<br />
1985 -<br />
19S8<br />
MONTANT DES RESERVES<br />
des régionales<br />
2 962.014<br />
1 606.155<br />
2.352.681<br />
6.920.850<br />
6.168 929 78<br />
3.506.583 96<br />
5.896 764 48<br />
15.572.278 22<br />
Montant<br />
des dépôts<br />
faits par les<br />
particuliers<br />
1.829.739<br />
186. 8C6<br />
2.337.034<br />
4.353.579<br />
13.131.290<br />
256.494<br />
4 152.508<br />
17.540.292<br />
des locales<br />
1.505.887<br />
439.238<br />
765.097<br />
2.710.222<br />
1.974.004 50<br />
443 532 73<br />
1.910.349 50<br />
4.327.886 73<br />
— 387<br />
Montant des<br />
réserves<br />
287.668<br />
261.366<br />
193.403<br />
742 437<br />
964.609<br />
614.013<br />
528.577<br />
2.107.199<br />
Maximum des prêtï<br />
a conrt terme<br />
consentis par les<br />
Caisses régionaW-s<br />
an'<br />
cours dn<br />
3* trimestre<br />
43.872.081<br />
15.182.370<br />
30.332.148<br />
89.386 590<br />
117.659.792 15<br />
45.341.226 90<br />
81.944.801 37<br />
244 945.820 42<br />
Nombre<br />
des eflets<br />
5.913<br />
5 612<br />
5.314<br />
16.839<br />
ESCOMPTE<br />
732<br />
1.694<br />
922<br />
Montant<br />
4.573. 108<br />
4.403.958<br />
4.371.564<br />
13.350.630<br />
2.357.336<br />
1.548.006<br />
1.505.883<br />
RENOUVELLEMENT<br />
Nombre<br />
des<br />
effets<br />
3 673<br />
4.733<br />
8.134<br />
16.540<br />
1.655<br />
1.102<br />
270<br />
Montant<br />
3.045.362<br />
2.362.690<br />
3.817.633<br />
9.225.687<br />
2.206.060<br />
1.239 109<br />
1.240.237<br />
3.348 5.411.225 3 027 4.685.406<br />
AVANCES DE LA COLONIE<br />
Court terme<br />
8.318 167<br />
4025.787<br />
7.215 983<br />
19 739 937<br />
9214.774<br />
5 287.687<br />
9 961.119<br />
24.463.580<br />
Long<br />
Prêts ordinaires<br />
terme individuel<br />
1.225.107 22 1 000.554 99<br />
36 600<br />
509.111 11<br />
1.770.818 33 2 383. 170 83<br />
2 357 672 25 2.400.588 54<br />
961.239 37<br />
714.343 44<br />
Prêts spécianx<br />
aox mntilés<br />
450.340 77<br />
932.275 07<br />
320 300 50<br />
1.808.293 93<br />
4.033.255 06 4.729.182 97<br />
de l'Algérie ". Les chiffres relatifs à l'escompte des effets pendant la période 1901-1921 ne<br />
dépuis 1922. Dans le premier cas on additionnait tous les effets escomptés ou renouvelés.<br />
fois son montant réel. Dans le second cas, au contraire, chaque prêt n'est compté qu une t..is<br />
au représentent vraiment ainsi, pour chaque Caisse, son effort maximum au cours de 1 année.
1<br />
1<br />
— - 388<br />
SITUATION DES SOCIÉTÉS COOPÉRATIVES AGRICOLES<br />
ANNÉES<br />
(31 décem*<br />
bre)<br />
DÉPARTEMENTS<br />
i<br />
NOMBRE<br />
de<br />
coopératives<br />
1913 21<br />
1919 32<br />
1925 69<br />
Constantine<br />
Oran<br />
3<br />
»<br />
NOMBRE<br />
d'adhérents<br />
770<br />
46<br />
o<br />
MONTANT<br />
des<br />
avances<br />
614.000<br />
24 816 614 000<br />
13<br />
1<br />
»<br />
»<br />
966.200<br />
323.100<br />
150.000<br />
46 1.439.300<br />
27<br />
45<br />
1928 124<br />
3 711<br />
4.415<br />
1.435<br />
13.427.628<br />
5.676.850<br />
3.671 075<br />
141 9.561 22.775.553<br />
31<br />
57<br />
5.829<br />
7.654<br />
1.982<br />
32.970.928<br />
53.280.208<br />
12 520.930<br />
212 15.465 98.772.066
DEPAR<br />
TEMENTS<br />
Alger.<br />
Constantine.! .<br />
Oran ,<br />
Caves<br />
DESIGNATION<br />
des<br />
Sociétés<br />
Docks à céréales .<br />
Docks à tabacs. . .<br />
Sociétés de maté<br />
riel agricole . . .<br />
Sociétés diverses.<br />
Caves<br />
Totaux 124<br />
Docks à céréales.<br />
Docks à tabaes.<br />
Sociétés du maté<br />
riel agricole<br />
.<br />
Sociétés diverses.<br />
Caves<br />
Totaux .<br />
Docks à céréales .<br />
Docks à tabacs. ..<br />
Sociétés de maté<br />
riel agricole. . . .<br />
Sociétés diverses.<br />
Totaux..<br />
Totaux pour l'Algérie.<br />
389<br />
II<br />
1988<br />
-s -s<br />
s °<br />
o»<br />
«S<br />
59<br />
11<br />
2<br />
41<br />
11<br />
13<br />
Ed S<br />
05 .b<br />
o '3<br />
1.537|<br />
510,<br />
2.309J<br />
870<br />
603<br />
CAPACITÉ DE LOGEMENT<br />
Caves<br />
Hectolitres<br />
940.110<br />
»<br />
5.829 940.110<br />
269j<br />
1581 »<br />
6.816!<br />
219<br />
192!<br />
31 7.654<br />
57<br />
362<br />
1.079<br />
»<br />
193<br />
348<br />
1.982<br />
!<br />
171.675<br />
171.675<br />
174.471<br />
»<br />
174.471<br />
Docks<br />
à Céréales<br />
Quintaux<br />
336.000<br />
336.000<br />
126.000<br />
Docks<br />
à Tabacs<br />
Quintaux<br />
90.000<br />
»<br />
B<br />
90.000<br />
110.000<br />
126.000 110.000<br />
212 15.465,1.286.256 1.123.000 200.000<br />
»<br />
661.000<br />
661.000
CRÉDIT<br />
AGRICOLE<br />
AUX<br />
INDIGÈNES.<br />
— 35)0 —<br />
De bonne heure, le Gouvernement général de l'Algérie se<br />
préoccupa d'étendre aux indigènes les bienfaits du crédit agri<br />
cole. Il y avait là une œuvre d'autant plus intéressante à entre<br />
prendre que la situation particulière dans laquelle se trouvent<br />
bien des indigènes, leur état civil parfois imparfait, la fréquente<br />
indivision de leurs propriétés, leur éloignement des centres, sou<br />
vent même leur instabilité,<br />
sont autant de difficultés pour le<br />
prêteur qui calcule dès lors le loyer de son prêt sur les risques<br />
courus.<br />
Quatre caisses locales, ne comprenant que des adhérents indi<br />
gènes, furent créées en 1907 à Berrouaghia, Aïn-Boucif, Boghari<br />
et Chellala et rattachées à une caisse régionale établie au chef-<br />
lieu de la commune mixte ; le mouvement ne fut pas suivi spon<br />
tanément ; mais, sous les efforts des fonctionnaires de l'admi<br />
nistration,<br />
on constata en 1912 un progrès intéressant dans 'e<br />
nombre, sinon dans l'activité des caisses ; il y avait à cette<br />
date une soixantaine de caisses locales indigènes et huit caisses<br />
régionales. En réalité, ces caisses étaient en quelque sorte des<br />
organismes complémentaires des sociétés de prévoyance plutôt<br />
que de véritables établissements de crédit. C'est, en effet, aux<br />
administrateurs des communes mixtes que fut confiée la charge<br />
de leur fonctionnement; tout en se dévouant à une œuvre dont<br />
l'intérêt ne leur échappait pas,<br />
ceux-ci lui donnèrent bientôt un<br />
caractère plus administratif que bancaire et, finalement, les<br />
caisses ne répondirent pas aux espérances qu'on avait placées en<br />
elles. Quelques-unes réussirent néanmoins à fonctionner normale<br />
ment, comme celles de Sidi-Aïssa et de Médéa, mais aucune ne<br />
prospéra.<br />
On songea alors à affilier les caisses locales indigènes aux<br />
caisses régionales européennes ; mais quelques-unes de celles-ci<br />
ne consentirent pas à laisser s'unir à elles des organismes dont<br />
le fonctionnement ne leur paraissait sans doute pas suffisamment<br />
assuré et, dans l'ensemble, les caisses régionales marquèrent<br />
une préférence pour l'affiliation directe des adhérents des caisses<br />
indigènes aux caisses européennes.
- 3»!<br />
—<br />
La fusion sous cette forme des organismes indigènes avec les<br />
caisses européennes s'est heureusement effectuée, assurant le<br />
rapprochement si souhaitable entre les éléments indigènes e1<br />
français. Sur quarante et une caisses régionales en 1926, on<br />
en comptait trente-trois mixtes et huit exclusivement indigènes :<br />
en 1928, il n'existait plus que quatre caisses purement indigènes.<br />
On peut donc dire à présent que la grande majorité des indigènes<br />
agriculteurs,<br />
qui n'offrent pas une surface suffisante pour être<br />
admis directement à l'escompte par les banques, trouvent par<br />
l'intermédiaire des caisses agricoles le crédit qui leur est néces<br />
saire.<br />
*<br />
* *<br />
Au surplus, des institutions spéciales donnent aux cultivateurs<br />
indigènes, sous une forme qui correspond à leurs traditions, des<br />
concours qui ne sont pas nécessaires, sous la même forme, aux<br />
agriculteurs européens : mutuelles-labours qui, moyennant une<br />
prestation en nature (touïza), garantissent aux sociétaires<br />
l'assurance de leurs récoltes ou de leurs cheptels en cas de sinis<br />
tre ; sociétés mutuelles indigènes de cultures (Djemaat-el-Felaha)<br />
dont le but est de donner à leurs membres des connais<br />
sances agricoles indispensables et qui reçoivent à cet effet des<br />
avances (semences, cheptel, etc..) nécessaires à leurs cultu<br />
res (1). La première société de cette dernière sorte a été créée<br />
en 1918 aux Eulmas, près Sétif, sur l'initiative de M. Lévy,<br />
délégué financier.<br />
Les plus importantes parmi ces institutions spéciales aux<br />
indigènes,<br />
en même temps que les plus anciennes par leurs ori<br />
gines, sont les sociétés indigènes de prévoyance.<br />
Elles dérivent du silo de réserve. Le Coran a prescrit aux<br />
croyants de prélever sur leurs biens une part pour les miséreux,<br />
et les musulmans aisés ne manquaient pas de suivre à cet égard<br />
les préceptes de leur religion, en réservant,<br />
pour être distribuée<br />
(1) Des crédits importants ont été consentis par la Banque de l'Algérie<br />
à certaines époques, notamment aux communes indigènes de Biskra et de<br />
Djelfa, avec les signatures des Djemaas ou des chefs indigènes de la<br />
région, pour permettre la mise en valeur de vastes terrains agricoles<br />
dont la propriété était indivise.<br />
SOCIÉTÉ<br />
D<br />
PREVOYANC<br />
ET DE PRÊT<br />
MUTUEL<br />
AU<br />
INDIGÈNE:
— 392 —<br />
aux plus nécessiteux dans les années de disette,<br />
de leur récolte qui était conservée dans des silos.<br />
une petite part<br />
Cette coutume tomba en désuétude après notre occupation.<br />
Elle avait pu être détournée de son véritable but pendant la<br />
période où nos troupes se trouvaient en présence d'une résistance<br />
qu'elles devaient avant tout faire céder. Certains officiers n'en<br />
avaient pas moins compris l'utilité que présentaient les silos en<br />
cas de mauvaise récolte. Le futur général Lapasset avait conçu<br />
une organisation de silos des tribus, dont les événements de 1848<br />
empêchèrent la réalisation. Le général Liébert, qui commandait<br />
à Miliana, reprit ces idées lors de la famine qui sévit dans la<br />
colonie en 1867-1868. Il fit creuser des silos dans toutes les tribus<br />
des centres de Teniet-el-Haâd, de Miliana, de Cherchell,<br />
temps qu'il ouvrit des souscriptions en argent. Le général Lié<br />
en même<br />
bert eut des imitateurs dans les départements d'Oran et d'Alger<br />
et le Gouvernement autorisa, à cet effet, la création de caisses<br />
de prévoyance (Miliana 1869, Boghar 1874, etc..) En mai 1884,<br />
il prescrivit la création de sociétés de prévoyance dans toutes<br />
les communes de l'Algérie et ces sociétés reçurent un,statut juri<br />
dique par la loi du 14 avril 1893 (1)<br />
qui leur octroya la person<br />
nalité civile. Elles ont pour but de venir en aide, par des secours<br />
temporaires, aux indigènes, ouvriers agricoles ou cultivateurs<br />
pauvres, gravement atteints par les maladies ou les accidents ;<br />
de permettre, par des prêts annuels en argent ou en nature, aux<br />
indigènes, fellah ou khammès, de maintenir et de développer<br />
leurs cultures, etc... Pour utiliser leurs fonds de réserve, qui<br />
peuvent excéder leurs besoins dans certains cas, elles sont autori<br />
sées à consentir, jusqu'à concurrence du dixième de leurs fonds<br />
disponibles, des prêts à d'autres sociétés indigènes de prévoyance,<br />
etc.. Elles sont administrées par des Conseils où siègent les<br />
(1) Cette loi a pour objet la reconnaissance comme établissement d'uti<br />
lité publique des sociétés de prévoyance et de prêts mutuels des communes<br />
mixtes de l'Algérie. Elle fut votée à la suite d'une enquête prescrite par<br />
le Gouvernement général et sur le rapport, très documenté, présenté par<br />
M. Charles Bourlier, député, le 31 décembre 1891.<br />
Le projet avait été combattu en Algérie même par diverses personnes,<br />
qui voyaient dans le retour à une pratique ancienne une erreur, une solu<br />
tion contraire au progrès, et qui proposaient de créer des banques agricoles<br />
régionales, avec dépôt des fonds disponibles à la Banque de l'Algérie o » qui m<br />
leur accorderait des crédits.
— 393 —<br />
adjoints indigènes, chefs des douars. Le président est nommé<br />
par le préfet. Les prêts sont en général consentis pour la durée<br />
d'une campagne agricole (huit à dix mois) et ne doivent pas<br />
dépasser trois ans. L'actif de ces sociétés, qui était de 6 millions<br />
en 1896-97, atteignait en 1928, 89 millions. Elles étaient, fin 1928<br />
au nombre de 199, comprenant 1.520.476 adhérents et les prêts<br />
consentis à cette date se montaient, pour l'année, à 27.143.217<br />
francs. Les avances qu'elles avaient reçues de l'Etat atteignaient<br />
4.024.130 francs. Le rôle de ces sociétés en fait de véritables et<br />
bienfaisants auxiliaires du crédit agricole ; grâce à leur prospé<br />
rité, elles mettent chaque année à la disposition des sociétaires<br />
une somme plus considérable pour leur alimentation et les ense<br />
mencements ; jouant le rôle de coopératives de production, elles<br />
achètent à des prix relativement bas,<br />
grâce à l'importance des<br />
commandes, des instruments aratoires modernes et les revendent<br />
à bon compte à leurs sociétaires ; leur action produit ainsi les<br />
meilleurs effets sur le rendement cultural indigène.<br />
II<br />
LES BANQUES POPULAIRES<br />
Le crédit au moyen et au petit commerce, à la moyenne et<br />
à la petite industrie est avant tout un crédit personnel, consenti<br />
en considération des qualités du bénéficiaire et non de garanties<br />
effectives qui lui font en général défaut. Aussi a-t-il été conçu<br />
sous la forme d'un crédit de coopération. Les coopérateurs, qui<br />
sont appelés éventuellement à être les bénéficiaires du crédit, doi<br />
vent être l'objet d'un choix rigoureux s'exerçant dans un rayon<br />
assez restreint, de telle sorte que chacun soit aussi exactement<br />
que possible renseigné sur ses co-s.ociétaires. Enfin, pour diviser<br />
les risques, il est bon que les coopérateurs appartiennent à des<br />
professions aussi diverses que possible.<br />
Partant de ces principes, la loi fondamentale du crédit au<br />
moyen et au petit commerce, à la moyenne et à la petite indus<br />
trie,<br />
qui date du 13 mars 1917 et qu'un décret du 12 mai 1921 a<br />
rendu applicable à l'Algérie (1),<br />
prévoit la création de deux<br />
(1) La loi du 13 mars 1917 a été modifiée par la loi du 7 août 1920,<br />
rendue applicable en Algérie par le décret du 22 octobre 1923.<br />
ORIGINES<br />
DES<br />
BANQUES<br />
POPULAIRES.
PRINCIPES<br />
SUR<br />
LESQUELS<br />
REPOSE LA<br />
LÉGISLATION<br />
CONCERNANT<br />
LES BANQUES<br />
POPULAIRES.<br />
— 394 -s-<br />
types de sociétés commerciales, chargées d'assurer ce crédit<br />
aux intéressés : 1° La société de caution mutuelle,<br />
sorte de<br />
syndicat de garantie qui, à l'exclusion des opérations de crédit,<br />
se borne à avaliser ou à endosser les effets de ses adhérents<br />
pour en faciliter l'escompte en Banque; 2° la banque populaire,<br />
apte à toutes les opérations de dépôts, de crédit et d'egcompte.<br />
Il n'existe pas encore en Algérie de sociétés de caution<br />
mutuelle ;<br />
seules se sont constituées des banques populaires.<br />
Nous nous bornerons donc à résumer les fonctions de celles-ci.<br />
*<br />
* *<br />
« Les banques populaires, dit la loi de 1917, ne peuvent faire<br />
d'opérations qu'avec les commerçants, les industriels, fabri<br />
cants, artisans et sociétés commerciales, pour l'exercice normal<br />
de leur industrie, de leur commerce et de leur métier ».<br />
Elles peuvent être constituées sous forme de sociétés anony<br />
mes ordinaires ou sous forme de sociétés à capital variable (1).<br />
Bien qu'elles soient des institutions essentiellement coopératives,<br />
leurs actions peuvent être souscrites par des membres ne parti<br />
cipant pas aux avantages de la banque et n'ayant droit par suite<br />
qu'à la rémunération de leurs apports.<br />
Le capital souscrit ne peut recevoir un intérêt supérieur à 6 %<br />
des versements effectués (2). Après service de cet intérêt, le<br />
surplus des bénéfices est versé pour une part aux réserves et<br />
réparti pour une autre part entre les clients de la Banque « au<br />
prorata des prélèvements de toutes sortes qu'ils ont subis »,<br />
ce qui est la simple application du principe coopératif.<br />
Le Conseil d'administration détermine pour chaque client le<br />
montant maximum des escomptes et des avances qui peuvent<br />
être consentis,<br />
effets admis à l'escompte.<br />
et limite la durée des avances et l'échéance des<br />
Pour assurer le fonctionnement de ces banques, il est prévu<br />
(1) La loi du 7 août 1920 autorise les banques populaires, par déroga<br />
tion a. la loi du 24 juillet 1867, à fixer leur capital Initial à 500.000 francs<br />
(au lieu de 300.000) et à l'augmenter de la même somme d'année en année<br />
(au lieu de 200.000).<br />
(2) La loi de 1917 fixait l'intérêt maximum & 5 % ; c'est la loi de 1920<br />
qui l'a porté à 6 %.
395<br />
qu'elles peuvent recevoir des dépôts de toutes personnes et socié<br />
tés, et de plus, que les Caisses d'épargne peuvent leur consentir<br />
des prêts.<br />
Enfin l'Etat leur vient en aide en leur consentant pour cinq<br />
ans au minimum des avances qui ne peuvent excéder le double<br />
du capital versé en espèces (1). A cet effet, des crédits spé<br />
ciaux sont inscrits au budget de l'Algérie. Ces crédits n'ont jus- ,<br />
qu'à ce jour rien coûté à la colonie, puisqu'ils n'ont pas<br />
excédé'<br />
le montant des sommes mises pour cet objet à sa disposition par<br />
la Banque de l'Algérie (2) .<br />
Les banques populaires bénéficient d'autre part de privilèges<br />
fiscaux (exonération de l'impôt sur le revenu des valeurs mobi<br />
lières, de l'ancien impôt de la patente, de l'impôt sur les bénéfi<br />
ces des professions industrielles et commerciales). Elles sont<br />
enfin soumises à des formalités de publicité plus simples et beau<br />
coup moins onéreuses que celles qui sont de droit commun.<br />
*<br />
* *<br />
Les banques populaires doivent, au moyen de leur capital<br />
social, des dépôts de leur clientèle, des avances de l'Etat, du rées<br />
compte de leur portefeuille, recueillir les fonds destinés à satis<br />
faire les besoins de crédit de leurs membres et mettre ces fonds<br />
à la disposition de ceux-ci à titre d'avances directes ou contre<br />
escompte d'effets.<br />
L'Etat a entendu que les avances consenties aux banques<br />
populaires n'eussent que le caractère d'une aide initiale : « C'est<br />
en elles-mêmes, précise le commentaire général de la loi, dans<br />
(1) Ces avances peuvent être consenties sans intérêt. Dans la pratique<br />
le Gouvernement général accorde la gratuité d'intérêts dans la période de<br />
début, puis U pergoit des intérêts au taux de 2 %. Même après l'expiration<br />
du délai de 5 ans, ces avances peuvent être renouvelées.<br />
(2) La loi du 5 avril 1921 a disposé que 4.500.000 francs à prélever sur<br />
l'avance de 18 mUlions consentie par la Banque à l'Etat, aux termes de<br />
la convention du 12 décembre 1917, seraient attribués à titre d'avances<br />
aux Banques populaires, aux Sociétés coopératives de production et de<br />
consommation ainsi qu'aux Sociétés ouvrières de production et de crédit<br />
Cette avance de 18 millions a été consolidée par l'abandon que la loi du<br />
25 juin 1928 et la convention du 20 décembre 1928 ont fait à l'Etat du<br />
montant du tiers de la réévaluation de l'encaisse de la Banque, qui a été,<br />
jusqu'à due concurrence, compensée avec cette avance.<br />
ATTRIBU<br />
TIONS<br />
GÉNÉRALES<br />
ET DEVOIRS<br />
DES BANQUES<br />
POPULAIRES.
— — 396<br />
leur capital social et autour d'elles, dans les dépôts que fera<br />
affluer vers elles la confiance qu'elles inspireront, ainsi que dans<br />
les facilités d'escompte qu'elles rencontreront.... que les banques<br />
populaires trouveront les éléments essentiels et permanents de<br />
leur activité... L'Etat n'entend intervenir en leur faveur que<br />
pour les encourager et soutenir leurs premiers pas,<br />
et compte<br />
qu'elles deviendront majeures assez rapidement pour pouvoir<br />
se passer de son concours. »<br />
Elles doivent donc veiller comme les autres banques à la liqui<br />
dité de leur actif, à la saine composition de leur portefeuille ;<br />
elles ne sont pas des organismes de bienfaisance, mais des ins<br />
titutions de crédit soumises aux règles qui s'imposent à cet<br />
égard à toutes les banques. La connaissance de leur clientèle,<br />
connaissance des qualités morales de celle-ci, connaissance de<br />
sa façon de travailler, de ses débouchés, de ses ressources comme<br />
de ses besoins réels, est leur premier devoir. Il est souvent dif<br />
ficile à remplir en raison de l'extrême variété des métiers, du<br />
grand nombre de petites maisons que les banques populaires<br />
doivent étudier et suivre ; mais si elles se maintiennent bien<br />
dans le rôle qui leur est assigné, si elles écartent les trop forts<br />
engagements de clients trop exigeants,<br />
si elles recrutent leur<br />
clientèle d'escompte dans le milieu connu d'elles, elles évitent par<br />
là même les gros incidents, les lourdes pertes que peuvent faire<br />
subir à toute autre banque la défaillance d'un client important<br />
trop grandement engagé.<br />
Parfois, dans la Métropole, certaines banques populaires ont<br />
rencontré cet écueil, parce qu'elles avaient accepté des risques<br />
excessifs sur un seul client, sur une seule catégorie d'affaires.<br />
Des pertes sévères ont été éprouvées par quelques-unes d'entre<br />
elles. Cette situation a préoccupé les pouvoirs publics et une loi<br />
réformant le statut des banques populaires a été votée le 24<br />
juillet 1929 et suivie d'un décret du 21 août 1929.<br />
Il a paru nécessaire de constituer sur leurs opérations un con<br />
trôle purement autonome à caractère technique et d'assouplir<br />
les modalités du concours financier de l'Etat. A cet effet, il<br />
est créé une Chambre Syiuiicade éluejpar les banques populaires<br />
et qui représentera çeilçs-çi vis-à-yis3ëTEtàt. La Chambre<br />
Syndicale recevra les avances et les répartira, elle exercera un
— — 397<br />
contrôle sur les opérations des banques. Nous ne doutons pas<br />
que les banques populaires algériennes, de fondation plus récen<br />
te, et qui dans l'ensemble sont dirigées avec sagesse, gardent<br />
dans leur esprit le souvenir des expériences malheureuses de<br />
ces banques métropolitaines et en fassent leur profit. Leur mis<br />
sion est trop importante, au point de vue général, pour qu'elles<br />
s'en écartent.<br />
D'autre part, leur-nombre relativement peu élevé ne justifie<br />
pas encore en Algérie la création d'une Caisse centrale des ban<br />
ques populaires comme il en existe une en France, où une telle<br />
caisse, fondée en 1921, doit fonctionner à la fois comme cham<br />
bre de compensation et comme organe de crédit, par le jeu du<br />
réescompte. La Banque de l'Algérie, qui réescompte le papier des<br />
banques populaires, lorsqu'il présente les qualités et conditions<br />
statutaires, remplit en fait, d'ailleurs, auprès de ces banques,<br />
une partie du rôle dévolu à cet organisme centralisateur.<br />
En dehors, de leur rôle purement bancaire, les banques popu<br />
laires ont été désignées par le législateur comme intermédiaires<br />
entre l'Etat et certains bénéficiaires d'avancés consenties pour<br />
des raisons d'intérêt social.<br />
C'est ainsi que la loi du 24 octobre 1919,<br />
qui a pour objet<br />
d'instituer le crédit à long terme au profit des petits commer<br />
çants, petits industriels, petits fabricants et artisans démobili<br />
sés, ainsi qu'aux veuves de cette catégorie de travailleurs béné<br />
ficiant d'une pension, leur a confié la mission de consentir aux<br />
intéressés des prêts d'un montant et d'une durée déterminés.<br />
La loi a voulu faciliter aux bénéficiaires de ces prêts la reprise<br />
de leurs affaires et, d'une façon générale, l'exercice de leur acti<br />
vité professionnelle. La loi du 24 octobre 1919 avait ouvert au<br />
Ministre du Commerce un crédit de 50 millions à cet effet, pour<br />
être attribué, sous forme d'avances sans intérêt,<br />
aux banques<br />
populaires constituées en France. Un décret du 12 mai 1921,<br />
qui rend cette loi applicable à l'Algérie, prévoit que dans la<br />
colonie ces avances seront prélevées sur le crédit ouvert au bud<br />
get spécial de l'Algérie,<br />
sous la rubrique « Prêts aux petits com-<br />
ATTRIBUTl<br />
SPÉCIA<br />
DÉ VOL<br />
AUX BANQ<br />
POPULAL<br />
CRÉDIT<br />
DÉMOBILi
merçants et industriels,<br />
— — 398<br />
aux petits fabricants démobilisés ainsi<br />
qu'à leurs veuves » (1). Les avances consenties au titre de cette<br />
dernière loi ne peuvent, pour chaque banque, excéder le sextuple<br />
de leur capital versé. L'application de la loi du 24 octobre 1919<br />
est limitée dans le temps : les avances ne sont consenties aux<br />
banques populaires que pour une durée de 14 années au maxi<br />
mum, sans prorogation. En ce qui concerne les prêts faits aux<br />
bénéficiaires,<br />
elle est limitée à la fois dans le temps et quant<br />
au montant des sommes prêtées : les prêts consentis au taux<br />
de 3 % ne peuvent excéder 10.000 francs,<br />
de dix années.<br />
ni dépasser la durée<br />
La distribution de ces prêts par les banques populaires algé<br />
riennes est aujourd'hui terminée et les derniers remboursements<br />
doivent être effectués dans une huitaine d'années environ. Alors,<br />
la loi, qui était une loi temporaire et de circonstance, n'aura plus<br />
d'application en Algérie.<br />
Ces prêts qui se sont élevés au nombre de 142, ont atteint un<br />
montant de 1.226.993 francs. Ils sont en décroissance<br />
depuis,<br />
par suite des remboursements effectués. La Banque<br />
Populaire d'Alger, qui avait prêté 741.000 francs, avait déjà<br />
reversé à l'Etat, en décembre 1928, sur cette somme, 280.000<br />
francs remboursés par ses emprunteurs.<br />
crédit a Les banques populaires servent également d'intermédiaires<br />
l'artisanat.<br />
*<br />
entre yEtat et leg intéresséS) pour la distribution du Crédit à<br />
l'artisanat.<br />
Dans ce cas, leur mission n'est pas temporaire comme celle<br />
que leur a confiée la loi du 24 octobre 1919, elle est au con<br />
traire permanente et elle a une très grande importance.<br />
On entend par artisanat l'industrie dans laquelle le travail de<br />
direction n'absorbe pas les maîtres au point de les empêcher de<br />
travailler manuellement dans leurs entreprises, tandis que, dans<br />
la grande industrie, la direction est séparée de l'exécution, elle-<br />
(1) Le crédit est alimenté par le prélèvement de 4.500.000 francs sur<br />
les fonds provenant originairement de l'avance de la Banque de l'Algérie»
— 3i->9 —<br />
même scindée en de multiples tâches réglées par la loi de la divi<br />
sion du travail. Le législateur a voulu créer au profit de l'artisan<br />
un régime de faveur par rapport aux autres petits industriels ;<br />
il a été guidé par l'idée d'assurer, pour un but social, la renais<br />
sance des métiers. En Algérie cette organisation présente une<br />
utilité incontestable, non seulement parce que la grande indus<br />
trie y fait à peine son apparition, mais aussi parce que cette<br />
forme d'organisation de la production correspond parfaitement<br />
au caractère et aux mœurs de la population indigène et que la<br />
rénovation de certains métiers, notamment le tissage, doit assu<br />
rer des moyens d'existence à une fraction importante de la<br />
population.<br />
L'artisan a rarement besoin d'un fonds de roulement impor<br />
tant et il ne fait guère appel au crédit à court terme ; d'ailleurs<br />
sa clientèle est trop peu importante, offre trop peu de surface,<br />
ou effectue des achats d'un montant trop peu élevé, pour qu'il<br />
puisse pratiquement émettre des traites sur elle. Il a surtout<br />
besoin de crédit à moyen et à long terme,<br />
parce qu'il faut qu'il<br />
se procure des ressources lui permettant de perfectionner son<br />
outillage, et il ne présente dans ce cas au prêteur éventuel que<br />
des garanties personnelles assez faibles.<br />
Pour renforcer la situation des artisans, le législateur a cher<br />
ché à les grouper, à les associer, et le système de la coopération<br />
est à la base du Crédit artisanal, comme à la base du Crédit<br />
agricole ,<br />
à celle du Crédit à la petite industrie et au petit com<br />
merce ; mais ce système est ici en quelque sorte plus serré.<br />
C'est une loi du 27 décembre 1923 (1), rendue applicable à l'Al<br />
gérie par décret du 2 avril 1925, qui organise le crédit à l'arti<br />
sanat, et elle a pris ce titre suggestif : « Loi portant organisation<br />
du crédit aux sociétés coopératives et unions de sociétés coo<br />
pératives d'artisans, ainsi qu'aux petits artisans » (2).<br />
Il est prévu que des prêts peuvent être accordés, sur les fonds<br />
(1) Un décret portant règlement d'administration publique était prévu<br />
par l'article 7 de cette loi. Il a été rendu le 27 juillet 1924.<br />
(2) Cette loi avait été préparée par une commission instituée en décem<br />
bre 1922 par le Gouvernement, désireux de faire bénéficier les artisans du<br />
crédit organisé par la loi du 18 décembre 1915 sur les sociétés coopérati<br />
ves ouvrières de production et de crédit et par la loi du 7 mai 1917 sur les<br />
sociétés coopératives de consommation.
— 400 —<br />
spécialement affectés à cet objet par l'Etat, aux sociétés coopé<br />
ratives ou unions de sociétés coopératives d'artisans, ainsi qu'aux<br />
artisans individuellement.<br />
Les prêts collectifs peuvent être accordés aux sociétés coopé<br />
ratives ayant pour but l'achat, la fabrication, la répartition des<br />
marchandises, matières premières, machines ou objets quelcon<br />
ques intéressant directement ou indirectement l'exercice de la<br />
profession artisanale de leurs membres,<br />
et aux unions de ces<br />
sociétés (1). Ces unions peuvent être constituées sous la forme<br />
de sociétés à personnel et à capital variables ;<br />
elles ne doivent<br />
comprendre que des artisans, travailleurs indépendants, recou<br />
rant à elles pour certaines opérations accessoires n'intéressant<br />
que l'exercice de la profession artisanale. Les prêts faits aux<br />
collectivités peuvent atteindre une durée maxima de dix ans.<br />
Ils sont renouvelables. Les avances accordées à ces unions et<br />
sociétés ne peuvent dépasser le triple de l'actif de la société.<br />
Elles leur sont consenties par l'intermédiaire d'Une union<br />
agréée par arrêté du Gouverneur général. Les unions agréées<br />
mettent en relation la Colonie et les groupes emprunteurs ; elles<br />
encaissent le produit des intérêts payés par ceux-ci, constituant<br />
ainsi, après couverture des frais,<br />
une réserve de garantie pour<br />
le remboursement des avances consenties par le Gouvernement<br />
général. Lorsque les prêts sont intégralement soldés, les réser<br />
ves restent acquises aux unions.<br />
Les prêts individuels ne sont consentis qu'à des artisans, mem<br />
bres d'un syndicat professionnel, sociétaires de sociétés coopéra-<br />
ves artisanales, elles-mêmes membres d'une union agréée.<br />
C'est pour la répartition de ces prêts qu'interviennent les<br />
banques populaires Les demandes de prêts individuels doivent<br />
être présentées à la banque populaire, chargée spécialement de<br />
ces opérations, par l'intermédiaire d'une union agréée. La banque<br />
populaire est libre de remettre le montant du prêt aux béné<br />
ficiaires, soit directement, soit indirectement,<br />
en payant leurs<br />
fournisseurs. Ce dernier procédé, qui présente l'avantage d'un<br />
contrôle, est généralement adopté.<br />
(1) Les unions de sociétés sont soumises au régime juridique établi par<br />
la loi du 7 mai 1917 étendue à l'Algérie par décret du 12 avril 1922 et par<br />
celle du 13 mars 1917, citée plus haut.
— - 401<br />
Les prêts individuels sont réservés aux petites entreprises<br />
n'excédant pas en importance certaines limites fixées d'après<br />
le nombre de travailleurs étrangers à la famille (1). Ils sont des<br />
tinés à être affectés à la constitution, l'aménagement, l'instal<br />
lation, la réfection totale ou partielle, la dotation en outillage<br />
d'une petite entreprise. Le montant de chaque prêt individuel<br />
ne peut dépasser 10.000 francs. Leur durée est de cinq ans et<br />
ils sont frappés d'un intérêt égal à celui des avances sur titres<br />
de la Banque de l'Algérie.<br />
Comme les unions, pour les prêts collectifs, les banques popu<br />
laires, pour les prêts individuels, constituent avec les intérêts<br />
encaissés, après couverture des frais, une réserve de garantie.<br />
En outre, les engagements des banques doivent être liquidés dans<br />
un délai de six ans, ce qui laisse aux organismes créanciers une<br />
année pour poursuivre jusqu'à complet paiement les débiteurs<br />
bénéficiaires de prêts d'une durée maxima de cinq ans.<br />
*<br />
,( C'est aussi par l'intermédiaire des Banques populaires que s'est<br />
7organisé en Algérie le crédit hôtelier ; mais toutes les banques<br />
populaires ne s'en chargent pas. Une seule,<br />
cet effet,<br />
qui a été créée à<br />
est spécialisée dans ces opérations et elle a pris le<br />
titre de « Crédit Hôtelier Algérien ».<br />
L'Algérie attirant des visiteurs chaque jour plus nombreux,<br />
il était nécessaire de jalonner d'installations hôtelières, suscep<br />
tibles de correspondre à tous les besoins, les chemins parcourus<br />
par ces visiteurs.<br />
Le crédit devait hâter cette organisation, que l'on pensa d'a<br />
bord pouvoir être assurée, soit par les établissements bancaires<br />
déjà créés,<br />
soit par l'administration elle-même. Celle-ci devait<br />
s'occuper de l'amélioration des hôtels existants et des installa-<br />
(1) Sont considérés comme petits artisans les travailleurs de l'un ou<br />
l'autre sexe exerçant une profession indépendante, exerçant eux-mêmes<br />
les travaux manuels qui font l'objet de ce métier, et n'occupant en dehors<br />
de leur famille que deux personnes au plus. Le nombre peut être porté<br />
à trois s'il y a parmi eux un apprenti ayant passé un contrat d'appren<br />
tissage.<br />
crédit<br />
hôtelier
— 402 —<br />
lions à réaliser; s'il ne lui était pas possible, en cette matière,<br />
de se substituer aux initiatives privées, elle était du moins en<br />
mesure de les susciter par l'intermédiaire des syndicats d'initia<br />
tive qui, à ce point de vue, ont une action directe à exercer.<br />
L'aide de la colonie, prenant sa source dans les redevances de<br />
la Banque de l'Algérie (1), pouvait être réalisée sous deux for<br />
mes différentes : la subvention ou la garantie d'intérêt. La sub<br />
vention est destinée à récompenser l'hôtelier de la bonne tenue<br />
de son établissement ; elle est accordée à titre de participa<br />
tion aux travaux d'aménagements, d'améliorations et d'embel<br />
lissements effectués dans l'intérêt du tourisme. Les sommes<br />
allouées ne dépassent pas la moitié des dépenses effectuées<br />
et sont maintenues à des chiffres inférieurs à 50.000 francs.<br />
Il fallut, en effet, apporter une limite aux demandes qui affluè<br />
rent de toutes parts, dès que les hôteliers furent informés de<br />
l'affectation possible des fonds qui leur étaient réservés.<br />
La garantie d'intérêt couvre jusqu'à concurrence du taux de<br />
5 %, pendant sept années,<br />
— durant<br />
sont soumis au contrôle de l'administration —<br />
lesquelles les intéressés<br />
et pour une frac<br />
tion ne dépassant pas 200.000 francs, les capitaux engagés dans<br />
des entreprises hôtelières intéressant le développement du tou<br />
risme. Le bénéfice de ces dispositions est accordé après avis préa<br />
lable d'une commission spéciale.<br />
Ces moyens administratifs ne tardèrent pas à se révéler insuf<br />
fisants,<br />
car ils étaient très loin de correspondre au vrai crédit.<br />
L'organisation du tourisme algérien exigeait plus et mieux que<br />
des subventions à maximum de 50.000 francs et des garanties<br />
d'intérêt pour des fractions de capitaux ne dépassant pas 200.000<br />
francs. Ces procédés ne pouvaient permettre de « provoquer, dans<br />
une mesure suffisante, les initiatives hardies nécessaires à l'es<br />
sor de l'industrie hôtelière. » L'on pensa alors à organiser le<br />
crédit hôtelier suivant les principes adoptés en France par la<br />
loi de finances du 30 juin 1923, pour le Crédit national hôte<br />
lier.<br />
(1) Loi du 5 avril 1921, portant affectation des sommes à provenir<br />
de la redevance annuelle que la Banque de l'Algérie doit verser à l'Etat<br />
en vertu de la loi du 29 décembre 1918, article 2, paragraphe 5, Propa<br />
gande industrielle, commerciale et touristique.
— — 403<br />
En fait, le Crédit national hôtelier, dont les opérations s'éten<br />
dent à la France et à la Corse, n'est autre qu'une banque popu<br />
laire régie par les lois des 13 mars 1917 et 7 août 1920 ; il<br />
fonctionne comme une banque ordinaire pour toutes les opéra<br />
tions courantes de ses membres, mais il est organisé en même<br />
temps pour consentir des avances à court et à long terme.<br />
Les prêts à court terme ne peuvent dépasser deux années et<br />
sont accordés sous forme de billets à 90 jours souscrits par<br />
l'hôtelier et renouvelables jusqu'à l'échéance. Les prêts à long<br />
terme,<br />
le plus souvent accompagnés de garanties réelles ou de<br />
contrats d'assurances en cas de décès, sont accordés pour une<br />
durée maximum de 14 années, et destinés à la construction, à<br />
l'agrandissement ou à de notables perfectionnements d'hôtels,<br />
suivant un programme dicté par les besoins du tourisme. Les<br />
fonds mis par le Trésor français à la disposition du Crédit<br />
national hôtelier sont destinés à la petite et à la moyenne hôtel<br />
lerie seulement, à l'exclusion de la grande industrie.<br />
C'est sur ce modèle que l'on a créé le « Crédit Hôtelier Algé<br />
rien », banque populaire au même titre que l'organisme français.<br />
Pour constituer son capital, on a fait appel à tous les groupe<br />
ments intéressés au développement de l'industrie hôtelière : com<br />
pagnies de navigation et de chemins de fer, sociétés de tourisme,<br />
en particulier le Crédit Foncier d'Algérie et de Tuni<br />
banques,<br />
sie. La Banque de l'Algérie est intervenue à sa création par une<br />
appréciable dotation. Les ressources de cet institut, société à<br />
capital variable, se composent du capital s'élevant actuellement<br />
à 1 million entièrement versé et d'une avance de 2 millions con<br />
sentie par la colonie. Elles doivent être affectées soit aux cré<br />
dits à moyen terme qui ne peuvent excéder cinq ans et sont des<br />
tinés aux travaux d'améliorations et d'aménagement d'instal<br />
lations existantes, soit aux crédits à long terme, consentis pour<br />
15 ans au plus et prévus pour les constructions d'hôtels nouveaux<br />
ou agrandissements d'hôtels existants. Les garanties se compo<br />
sent, en général, du nantissement du fonds de commerce et du<br />
matériel des hôtels, et, éventuellement,<br />
si l'hôtelier est proprié<br />
taire de l'immeuble, d'une hypothèque venant en premier rang.
404 —<br />
crédit C'est enfin par l'intermédiaire de Banques populaires spécia-<br />
maritime.<br />
* *<br />
iisées que les pêcheurs et certaines industries maritimes béné<br />
ficient en Algérie du Crédit maritime.<br />
Ce crédit a été organisé dans la Métropole par une loi du 4<br />
décembre 1913,<br />
mais aucun des organismes essentiels prévus par<br />
cette loi ne fonctionne encore en Algérie,<br />
sauf dans le départe<br />
ment de Constantine. On ne trouve guère dans la colonie que<br />
quelques syndicats et d'assez rares coopératives maritimes.<br />
Ce sont ces sociétés qui,<br />
par l'intermédiaire des Banques popu<br />
laires spécialisées, peuvent obtenir du Gouvernement général un<br />
concours qui se traduit par des subventions et des avances. Un<br />
quart du capital de chaque société peut être constitué au moyen<br />
d'une subvention et la moitié au moyen d'une avance. Les fonds<br />
nécessaires à ces subventions et à ces avances sont prélevés<br />
sur les crédits inscrits spécialement au budget de l'Algérie.<br />
On sait que la législation française a organisé le crédit mari<br />
time sur des bases analogues à celles qui ont fait leur preuve<br />
pour le crédit agricole. La loi fondamentale du 4 décembre 1913<br />
codifie et complète les mesures prises antérieurement à cet<br />
égard. Son application à l'Algérie a été spécifiée par son article<br />
27 (1).<br />
Elle précise que l'institution du crédit maritime mutuel ne<br />
(1) Cette loi a été complétée par les décrets des 12 avril 1914 et 22<br />
janvier 1915. L'idée première de ces dispositions législatives remonte à<br />
une trentaine d'années. En 1899, le Gouvernement prévoyait, dans une cir<br />
culaire relative au fonctionnement des Sociétés mutuelles entre marins,<br />
que « des prêts pourraient être accordés aux marins-pêcheurs, grâce à<br />
une application du Crédit mutuel qui pourrait, dans l'avenir, être féconde<br />
en résultats utiles ». En 1905, le département de la marine fit adopter la<br />
création d'une Caisse nationale de prêts qui fut dotée d'une première mise<br />
de 760.000 francs prélevés sur les primes à la marine marchande. En 1906,<br />
(loi du 23 avril) furent instituées des sociétés locales de crédit maritime.<br />
Mais ces sociétés ne purent rendre que des services limités ; le papier<br />
souscrit par leurs membres, et qu'elles cherchaient à escompter, ne trou<br />
vait guère preneur, en raison des insuffisantes garanties qu'il parais<br />
sait offrir. En attendant que la loi organisât des caisses régionales de<br />
crédit maritime, une association fut fondée sous le régime de la loi de<br />
1901 ; elle reçut une avance de 100.000 francs prélevée sur la dotation de<br />
760.000 francs, précédemment constituée. Puis la loi du 18 juin 1909 créa<br />
les caisses régionales, et celle du 20 mars 1910, autorisa l'Etat à consentir<br />
des avances à ces caisses.
—<br />
— 405<br />
s'applique qu'aux marins-pêcheurs, aux concessionnaires d'éta<br />
blissements de pêche sur le domaine maritime exploitant eux-<br />
mêmes ces établissements, ainsi qu'à leurs veuves, et aux fem<br />
mes exerçant la même profession. Elle a exclusivement pour<br />
objet de faciliter aux bénéficiaires les opérations se rattachant à<br />
la capture, à l'élevage, au parcage, à la conservation et à la vente<br />
des produits des eaux maritimes ou du domaine maritime.<br />
Le crédit maritime mutuel est accordé par l'intermédiaire de<br />
caisses régionales et de caisses locales qui peuvent être consti<br />
tuées sous la forme de sociétés à capital variable (1). Ces cais<br />
ses peuvent être formées par les bénéficiaires désignés plus<br />
haut, sous réserve qu'il soient affiliés à un syndicat profession<br />
nel maritime, à une société coopérative maritime, à une société<br />
d'assurances mutuelles contre les risques du matériel de pêche<br />
ou enfin à une prud'homie de pêche. Elles peuvent principale<br />
ment l'être par ces groupements eux-mêmes.<br />
Les opérations des caisses de crédit maritime se répartissent<br />
en quatre groupes : Les prêts individuels à court et à long terme<br />
et les prêts collectifs à court et à long terme ; les caisses locales<br />
sont chargées de la répartition des prêts individuels à court et à<br />
long terme,<br />
ainsi que des prêts collectifs à court terme aux syn<br />
dicats professionnels maritimes, sociétés d'assurance mutuelle,<br />
prud'homies de pêche. Les prêts collectifs à long terme sont<br />
répartis par les caisses régionales seules ; ils sont consentis aux<br />
sociétés coopératives maritimes (2) .<br />
Ces sociétés coopératives maritimes sont régies par la même<br />
(1) Le capital des caisses est constitué à l'aide de souscriptions formées<br />
de parts nominatives transmissibles seulement par voie de cession et avec<br />
l'agrément de la société. Il doit être réalisé pour les 2/3 au moins par<br />
des membres actifs, et peut l'être pour un tiers par des membres hono<br />
raires. Il ne peut jamais être réduit, par les reprises des apports des socié<br />
taires sortants, au-dessous du capital de fondation.<br />
(2) Le montant des avances faites aux caisses régionales, pour les prêts<br />
de cette nature, ne peut excéder le quintuple de leur capital versé, ni<br />
dépasser une durée de cinq années. Pour les prêts individuels à long terme,<br />
les subventions sont limitées en principe au quintuple du capital versé. Un<br />
même bénéficiaire ne peut recevoir plus de 40.000 francs s'il s'agit d'un<br />
prêt consenti en vue de l'industrie de la pêche, ni plus de 5.000 francs<br />
s'il s'agit d'un prêt accordé en vue de l'exploitation du domaine maritime;<br />
les avances mises ainsi à sa disposition ne peuvent être faites pour une<br />
durée supérieure à dix ans.<br />
Le prêt à long terme maritime doit être entouré de plusieurs garanties<br />
26
— — 40tj<br />
loi. Elles sont formées par un ou plusieurs groupements profes<br />
sionnels maritimes ou par des membres de ces groupements, en<br />
vue de l'achat en commun d'engins de pêche, d'instruments nau<br />
tiques, d'appâts, de combustibles, etc...<br />
Les sociétés coopératives peuvent se concerter de manière<br />
à permettre aux membres de l'une de s'approvisionner dans les<br />
magasins de l'autre. Ces groupements sont constitués le plus<br />
souvent sous la forme de sociétés anonymes à capital variable •<br />
ils peuvent obtenir des prêts de caisses régionales variant, quant<br />
à leur montant et à leur durée, suivant les diverses opérations<br />
auxquelles ils sont affectés (1).<br />
Ce régime de crédit maritime mutuel rend en France d'ap<br />
préciables services aux gens de mer.<br />
Il semble que, soit sous cette forme, ainsi que le département<br />
de Constantine en a pris l'initiative par la création d'une caisse<br />
régionale au chef-lieu et d'une caisse locale à Philippeville, soit<br />
sous la forme de banques populaires spécialisées, comme il est de<br />
pratique dans le département d'Alger,<br />
un effort utile puisse<br />
être tenté pour donner à la pêche une impulsion qui lui manque<br />
en général et pour développer les industries maritimes qui ne<br />
tiennent pas encore dans le pays une place correspondante à<br />
l'étendue de ses côtes poissonneuses. Les gens de mer ne sont<br />
en Algérie qu'au nombre de 10.000 environ,<br />
ce qui représente à<br />
peine l/12e de la population maritime française. Ce petit nombre<br />
et la dispersion des gens de mer le long de la côte algérienne,<br />
suffit à expliquer les difficultés que rencontre, en Algérie, l'ap<br />
plication de la loi métropolitaine. L'important, au surplus, n'est-il<br />
variant suivant que les crédits sont affectés à l'industrie de la pêche ou<br />
aux opérations autres que l'industrie de la pêche proprement dite.<br />
Dans le premier cas, elles sont constituées par une hypothèque maritime,<br />
un contrat d'assurances maritimes et un contrat d'assurance en cas de<br />
décès ; dans le second, par un warrant sur les produits de l'exploitation,<br />
consenti au profit de la caisse locale jusqu'à concurrence de la somme due,<br />
un contrat d'assurance et un contrat d'assurance en cas de décès.<br />
(1) S'il s'agit d'un prêt à long terme, pour les opérations générales spé<br />
cifiées à l'article premier de la loi, il ne peut être consenti pour une<br />
durée supérieure à 5 ans et son montant ne peut excéder le triple du capi<br />
tal versé en espèces sous forme de parts, par la Société coopérative à la<br />
caisse régionale. S'il s'agit d'un prêt à court ternie uniquement réservé<br />
à l'achat d'appâts, il ne peut excéder le quintuple du capital versé et sa<br />
durée ne peut dépasser un an.
— — 407<br />
pas que son esprit soit appliqué sous une forme adaptée au pays<br />
et que le crédit maritime se développe au profit des petits<br />
pêcheurs et des petits industriels marins qui ne présentent pas<br />
individuellement assez de surface pour obtenir directement le<br />
concours des grandes banques ?<br />
*<br />
* *<br />
Il existe, en Algérie, quatre banques populaires principales<br />
non spécialisées, déjà relativement anciennes: celles d'Alger, de<br />
Constantine, de Bône et de Bougie. Dans le département d'Oran,<br />
une banque populaire vient d'être créée à Montgolfier, une autre<br />
a été projetée à Tlemcen.<br />
A côté de ces banques populaires, dont les opérations, tout<br />
en se renfermant dans le cadre de la loi,<br />
les branches de l'activité industrielle et commerciale pour les<br />
sont étendues à toutes<br />
quelles ces institutions ont été créées, certaines banques popu<br />
laires se sont constituées en vue d'opérations spéciales, en dehors<br />
même de celles dont nous avons parlé concernant le crédit mari-<br />
time^et le crédit hôtelier. Elles sont, en général, issues des<br />
puissantes mutualités agricoles du département d'Alger et elles<br />
diffusent le crédit par l'entremise de filiales coopératives en<br />
contact avec les particuliers.<br />
Nous donnons ci-après quelques indications sur chacune de ces<br />
banques. :<br />
statisti<br />
ET MONOl<br />
Pl<br />
DES BANQ<br />
POPULA1<br />
A LGÉRIEN
— — 408<br />
Monographies des Banques populaires<br />
a) Banques populaires non spécialisées<br />
1° Banque Populaire d'Alger<br />
Société anonyme coopérative au capital variable de 1 million<br />
Créée en août_1924,<br />
entièrement versé<br />
cette Banque populaire a très heureuse<br />
ment développé ses opérations dans le petit commerce et la<br />
petite industrie. La moyenne des effets escomptés par elle<br />
en 1928 est de 527 francs.<br />
Ses escomptes se sont élevés :<br />
en 1924, pour 3.084 effets, à Fr. 1.035.690 50<br />
— 1925<br />
— 1926<br />
— 1927<br />
— 1928<br />
—<br />
—<br />
—<br />
—<br />
28.977<br />
53.356<br />
63.265<br />
70.555<br />
—<br />
—<br />
—<br />
—<br />
11.658.875<br />
23.163.008<br />
27.449.317<br />
37.212.137<br />
39<br />
38<br />
»<br />
04<br />
Le nombre de ses clients est de 450 : ceux qui ont recours<br />
à l'escompte sont en moyenne de 234 par mois. Les avances et<br />
les escomptes sont limités individuellement à 40.000 francs.<br />
Déjà de nombreux petits commerçants et industriels ont trouvé<br />
auprès de cette Banque un concours qui leur permet d'échapper<br />
à l'usure.<br />
C'est également cette Banque qui a appliqué dans le départe<br />
ment d'Alger, dans les conditions que nous avons indiquées plus<br />
haut (1), les dispositions de la loi du 24 octobre 1919.<br />
Le montant de ses réserves atteint 437.010,61.<br />
2° Banque Populaire de Bône<br />
Société anonyme coopérative au capital variable<br />
de 300.000 francs<br />
Créée en octobre 1922, le développement de cette Banque a été<br />
le suivant d'après le mouvement de ses escomptes :<br />
(1)<br />
Voir page 397.
— — 409<br />
en 1923 Fr. 2.070.838 80<br />
— 1924<br />
— 1925<br />
— 1926<br />
— 1927<br />
— 1928<br />
—<br />
—<br />
—<br />
—<br />
—<br />
6.493.466<br />
7.070.253<br />
9.043.536<br />
9.825.486<br />
13.825.486<br />
30<br />
05<br />
10<br />
90<br />
»<br />
Le montant de ses réserves est de 107.058,05.<br />
3° Banque Populaire de Bougie<br />
Société anonyme coopérative au capital variable<br />
de 76.000 francs<br />
Créée en juin 1923, le développement de cette banque a été<br />
le suivant d'après le mouvement de ses escomptes :<br />
en 1925 Fr. 2.412.847 90<br />
— 1926<br />
— 1927<br />
— 1928<br />
—<br />
—<br />
—<br />
4.329.024<br />
6.500.000<br />
9.307.325<br />
80<br />
»<br />
»<br />
Le montant de ses réserves est de francs : 27.702,61.<br />
4° Banque Populaire de Constantine<br />
Société anonyme coopérative au capital variable<br />
de 452.000 francs<br />
Créée en juin 1924, le développement de cette banque a été<br />
le suivant d'après le mouvement de ses escomptes :<br />
en 1924 Fr. 365.551 30<br />
— 1925<br />
— 1926<br />
— 1927<br />
— 1928<br />
—<br />
—<br />
—<br />
—<br />
4.402.112<br />
7.894.250<br />
16.357.455<br />
30.112.825<br />
69<br />
77<br />
49<br />
»<br />
Le montant de ses réserves atteint 126.578,30.<br />
5° Caisse Populaire de Montgolfier<br />
Société anonyme à capital variable,<br />
créée le 27 mars 1929 au<br />
capital de 4.700 francs actuellement porté à 6.700.
— 410 —<br />
b) Banques populaires spécialisées<br />
1° Crédit Mutuel Algérien<br />
Société anonyme au capital variable de 697.000 francs<br />
Créée en 1909, sous le nom de « Banque Populaire d'Alger »,<br />
cette société céda ce nom à la Banque Populaire d'Alger actuelle<br />
ment existante, au moment de la création de celle-ci.<br />
Bien que spécialisée dans des catégories de crédit déterminé,<br />
elle est placée sous le régime de la loi du 13 mars 1917. Elle<br />
s'occupe de crédit au profit d'institutions sociales : sociétés<br />
coopératives de consommation et de production, crédit maritime,<br />
habitations à bon marché. Elle prête son concours à des coopé<br />
ratives du bâtiment, à des coopératives de pêcheurs, à des coopé<br />
ratives de fabrication de conserves de poissons ; elle fait des<br />
avances aux sociétés d'habitations à bon marché pour leur per<br />
mettre d'engager leurs projets de constructions, en attendant<br />
le versement des concours de l'Etat, quand ces concours leur<br />
sont acquis.<br />
Le montant de son portefeuille était au 31 décembre 1928<br />
de francs : 3.685.132,10. Celui de ses réserves de francs :<br />
80.736,39.<br />
2° Crédit Populaire Algérien<br />
Société anonyme au capital variable de 130.000 francs<br />
Cette société, créée en juin 1928 en est à ses débuts. Comme<br />
la précédente, elle se spécialise dans certaines opérations et spé<br />
cialement dans le crédit maritime (1).<br />
3° Société de Crédit Hôtelier Algérien<br />
Société anonyme au capital de 1 million de francs<br />
Créée en 1928,<br />
cette banque populaire a pour objet d'aider<br />
au développement et à l'amélioration de l'industrie hôtelière en<br />
Algérie et à cet effet de faire, avec des hôteliers ou sociétés<br />
(1) Voir page 404.
—<br />
— 411<br />
hôtelières, des opérations commerciales de banque pouvant inté<br />
resser les dites personnes ou sociétés à raison de l'exercice de<br />
leur profession, notamment l'escompte de warrants hôteliers<br />
et l'ouverture de crédit, avec ou sans nantissement, ainsi que<br />
des prêts de plus longues durées, en vue de la réfection, l'amé<br />
nagement, la modernisation ou la construction d'hôtels à voya<br />
geurs.<br />
La Société peut recevoir des dépôts de fonds, mais avec un<br />
minimum de trois mois de préavis.<br />
La Société a obtenu du Gouvernement général de l'Algérie des<br />
avances au taux de 2 % égales à deux millions, c'est-à-dire<br />
deux fois le capital versé.<br />
Les débuts de cette Société ont été satisfaisants ;<br />
elle a déjà<br />
rendu d'utiles services pour l'amélioration des hôtels algériens.<br />
4° Crédit Mutuel pour l'industrie du crin végétal en Algérie<br />
Société anonyme au capital variable de 592.500 francs<br />
Cette société, créée en mai 1928,<br />
exerce surtout son activité<br />
dans la région de Tlemcen et de Nemours où l'industrie du crin<br />
végétal est très active. Son siège social est à El-Affroun.<br />
5° Banque Populaire de la Mitidja<br />
Société anonyme à capital variable de 200.000 francs<br />
Cette Société a été créée à Boufarik le 14 juin 1928 au capital<br />
initial de 1.800 francs. Ce capital a été porté successivement à<br />
150.000 et à 200.000 francs.<br />
En dehors des avances consenties individuellement aux petits<br />
commerçants, cet organisme prête également son concours à la<br />
Distillerie coopérative de Boufarik et à la Coopérative de la<br />
Mitidja,<br />
spécialisée dans le traitement des sous-produits de la<br />
vigne et de l'olivier à Boufarik. Son siège social est à Boufarik.
SOCIÉTÉS<br />
SPÉCIALES<br />
POUR LE<br />
CRÉDIT A LA<br />
CONSTRUC<br />
TION D'IMMEU<br />
BLES A BON<br />
MARCHÉ.<br />
412 —<br />
*<br />
* *<br />
Pour faciliter l'accession de toute une classe sociale à la pro<br />
priété, par la construction d'immeubles à bon marché, les pou<br />
voirs publics ont édicté une série de dispositions législatives<br />
dont le texte fondamental remonte au 10 avril 1908 (1).<br />
Mais, si libérales que soient ces dispositions, il faut que ceux<br />
qui sont appelés à en bénéficier puissent trouver les fonds néces<br />
saires à leur mise en application ; là aussi le crédit est utile.<br />
On a vu, plus haut, que le « Crédit Mutuel Algérien » s'occupait<br />
d'opérations de cette nature. Il n'est pas le seul et, sous l'ins<br />
piration du même groupement qui l'a créé, une « Société Ano<br />
nyme de Crédit Immobilier d'Alger », dont le capital initial était<br />
de 100.000 francs, a pris pour objet de consentir aux emprun<br />
teurs remplissant les conditions prévues par l'article 3 de la loi<br />
du 10 avril 1908, des prêts hypothécaires individuels destinés,<br />
soit à l'acquisition de champs ou jardins dans les termes de<br />
ladite loi,<br />
soit à l'acquisition ou à la construction de maisons<br />
individuelles à bon marché ; de faire des avances aux sociétés<br />
auxquelles la législation sur la matière autorise à consentir des<br />
prêts.<br />
Le capital de cette Société a été porté à 1 million. La Colonie<br />
lui donne son concours sous diverses formes et, notamment, en<br />
souscrivant des actions. En dehors des ressources qui lui pro<br />
viennent de son capital et des avances de l'Etat, la Société de<br />
Crédit Immobilier d'Alger contracte des emprunts à intérêt<br />
réduit à la Caisse nationale des retraites pour la vieillesse et à<br />
la Caisse des retraites des chemins de fer algériens de l'Etat.<br />
Au 31 décembre 1928 les prêts en cours s'élevaient à environ<br />
3.500.000 francs et 224 maisons avaient été acquises ou édifiées<br />
avec son concours en mars 1929.<br />
(1) Voir loi du 5 décembre 1922.
- 413<br />
—<br />
III<br />
LES CAISSES DE CREDIT MUNICIPAL<br />
A côté des institutions de crédit que l'Etat soutient pour venir<br />
en aide aux producteurs, agriculteurs ou industriels, et aux com-<br />
merçants, ou aux acquéreurs d'habitations à bon marché, il<br />
existe en Algérie, comme dans presque tous les pays, des institu<br />
tions spéciales ayant pour objet de venir en aide aux habitants<br />
pauvres ou peu aisés, en leur permettant de contracter des prêts<br />
sur gages mobiliers. Ce sont là de très anciens établissements<br />
connus du monde entier sous le nom de monts-de-piété et qui<br />
ont pour effet de combattre utilement les pratiques usuraires<br />
dont sont trop facilement victimes tant de personnes pressées<br />
par le besoin.<br />
"Ces monts-de-piété sont des institutions municipales ; elles ont<br />
d'ailleurs pris en France, depuis le décret du 18 octobre 1920,<br />
le nom de caisses de crédit municipal. Le conseil d'administration<br />
est composé, sous la présidence du maire, de neuf membres, dont<br />
trois sont pris dans le conseil municipal, trois parmi les adminis-<br />
teurs du bureau de bienfaisance, trois parmi les notables de la<br />
commune. L'établissement des monts-de-piété en Algérie remonte<br />
à peu près à la même époque que la création de la Banque de<br />
l'Algérie et de la Caisse d'épargne. Dès 1847, Garnier-Pagès<br />
réclamait à la Chambre des députés de bonnes institutions de<br />
crédit pour l'Algérie :<br />
« Aux colonisateurs, il faut offrir des banques,<br />
et ceci est<br />
l'œuvre de capitaux individuels ; l'Etat doit aux habitants pau<br />
vres ou malaisés des villes des caisses d'épargne et des monts-<br />
de-piété. »<br />
Le prêt sur gage donnait lieu en Algérie à des exactions par<br />
ticulièrement scandaleuses que soulignait le Ministre de la<br />
Guerre en 1852, dans son rapport au Prince-Président sur l'ha<br />
bitude de l'usure.<br />
« La justice, disait-il, a constamment l'œil ouvert sur ceux qui<br />
se livrent à ce genre d'industrie dont la base est toujours une<br />
impitoyable exploitation de la détresse par la cupidité ; mais<br />
elle voit souvent ses investigations et ses poursuites sans résultat<br />
£*<br />
mobili.
— 414 —<br />
parce que les victimes elles-mêmes se taisent sur les dommages<br />
qu'elles éprouvent ; le pauvre craindrait de tarir la seule source<br />
de crédit qui lui soit ouverte en dénonçant l'usurier qui le pres<br />
sure ou en confirmant par son témoignage les soupçons trop<br />
légitimes de la justice. »<br />
C'est pour ruiner l'industrie des prêteurs sur gage que fut créé<br />
le mont-de-piété d'Alger par le décret du 8 septembre 1852 (1).<br />
150.000 francs, prêtés à 3 % par la caisse locale et municipale,<br />
furent les premiers fonds du nouvel établissement. Puis, il fut<br />
émis une série d'obligations garanties par la ville qui en fixait<br />
le maximum. De 500.000 francs,<br />
à 5 millions (décret du 8 novembre 1925) .<br />
celui-ci fut porté peu à peu<br />
Le Conseil d'administration, dont la première séance eut lieu<br />
le 3 janvier 1853, sous la présidence de M. Lechêne,<br />
maire d'Al<br />
ger, décida d'installer le mont-de-piété au dépôt des ouvriers,<br />
faubourg Bab-Azoun,<br />
et les opérations purent commencer au<br />
mois de juillet sous la direction de M. Descous.<br />
Les débuts du mont-de-piété ont rencontré plus d'un obstacle ;<br />
les usuriers, les uns puissants, d'autres de petite envergure mais<br />
représentant une masse considérable, lui faisaient une sourde<br />
guerre. D'autre part, les indigènes, ignorants des formes admi<br />
nistratives du nouveau mode d'emprunt qui était mis à leur<br />
disposition, demeurèrent longtemps méfiants. Puis,<br />
peu à peu.<br />
la confiance des intéressés fut acquise à la nouvelle institution.<br />
En 1859, la construction d'un immeuble, place d'Isly, fut entre<br />
prise et le mont-de-piété, réorganisé par décret du 28 avril 1860,<br />
s'y installa ; c'est encore là que sont aujourd'hui ses bureaux et<br />
ses magasins.<br />
En 1867,<br />
si nous comptons ensemble les engagements et les<br />
renouvellements, 1.254.744 francs furent prêtés à 70.242 em<br />
prunteurs.<br />
En 1878, les prêts s'élevèrent à 1.786.441 francs pour 79.497<br />
articles. Ces résultats étaient satisfaisants. Mais il était évident<br />
qu'un seul mont-de-piété ne pouvait suffire à toute l'Algérie.<br />
Toutefois, si l'on en créa un à Oran en 1881 (décret du 9 sep<br />
tembre), celui de Constantine ne fut établi qu'en 1898 (décret<br />
du 24 octobre).<br />
(1) Vers la même date fut créée la Caisse d'épargne d'Alger.
— — 415<br />
Les caisses de crédit municipal se sont sans cesse développées.<br />
Le montant de leurs prêts s'éleva en 1900 à 5.705.761 francs<br />
pour 234.911 articles ; en 1905, à 7.019.340 francs pour 269.424<br />
articles ; en 1910, à 8.237.848 francs pour 304.680 articles et<br />
en 1913 à 9.567.891 francs pour 321.162 articles. En 1918,<br />
4.448.267 francs furent prêtés à 130.539 emprunteurs et<br />
20.472.615 francs à 179.639 emprunteurs en 1928.<br />
M. Eudel signalait, dans son livre sur l'Orfèvrerie algérienne<br />
et tunisienne, que si la clientèle des monts-de-piété se recrutait<br />
dans toutes les parties de la population : colons, indigènes ou<br />
étrangers, les Arabes formaient néanmoins une clientèle parti<br />
culière. Pour beaucoup d'entre eux, le mont-de-piété n'est pas<br />
comme pour tant d'autres « le bazar de la misère », mais une<br />
banque de dépôt où ils remettent les parures qu'ils ont acquises<br />
avec le bénéfice de leur récolte : « C'est un coffre-fort qui leur<br />
coûte bon marché. Moyennant une faible commission, ils peuvent<br />
ainsi n'emprunter qu'une petite partie du gage. » A Alger, en<br />
1928, les Israélites tenaient la tête dans la clientèle de la Caisse<br />
avec une moyenne de prêt de 145,09, ensuite venaient les Euro<br />
péens avec 112,41 ; puis les musulmans avec 84,35, mais ceux-ci<br />
représentaient 56 % des emprunteurs.<br />
Les caisses de crédit municipal reçoivent des dépôts (à Alger,<br />
à la fin de 1928, ces dépôts répartis entre 616 déposants, attei<br />
gnaient 9.346.542 francs). Elles ne se bornent pas au prêt sur<br />
objets,<br />
elles font également des avances sur valeurs mobilières<br />
libérées, au porteur (lois des 25 juillet 1891, 10 juin 1916 et<br />
décret du 25 juillet 1917). Le maximum des prêts — qui ne<br />
peuvent excéder une durée de six mois —<br />
est<br />
de 3.000 francs.
CONCLUSION<br />
Cent ans après la prise d'Alger, sur ce vaste territoire qui,<br />
sous l'administration française, a trouvé la paix intérieure et<br />
l'unité, une organisation bancaire solide et souple, s'améliorant<br />
chaque jour, assure le crédit au commerce, à l'agriculture, à l'in<br />
dustrie, sans distinction entre les divers éléments de la popula<br />
tion, qu'il s'agisse de citoyens ou sujets français ou d'étrangers<br />
établis dans le pays. Il n'est plus une forme de l'activité humaine<br />
qui ne puisse, en principe, trouver ici le concours du crédit,<br />
depuis les chefs des grandes entreprises jusqu'au petit commer<br />
çant, au petit cultivateur, à l'artisan, pourvu qu'à la base se<br />
placent le travail et l'honnêteté.<br />
L'usure, qui était, à l'arrivée des Français, une plaie de l'Afri<br />
que du Nord, n'est certes pas encore entièrement et partout<br />
vaincue : mais son domaine se réduit, son rôle devient peu à peu<br />
plus négligeable. Pourra-t-elle jamais disparaître ? « Certes,<br />
disait Burdeau, dans son célèbre rapport sur le budget de l'Al<br />
gérie en 1891, la suppression de l'usure n'est pas chose aisée ;<br />
tant qu'il y aura des gens imprévoyants et des gens avides, et<br />
qu'ils pourront se rencontrer, l'usure saura s'introduire dans<br />
leurs transactions ». Elle a essayé de profiter de la législation<br />
française pour prendre des formes nouvelles, mais ce renouveau<br />
n'a eu qu'un moment. Elle est actuellement en recul très net,<br />
même dans les campagnes et bientôt sa clientèle se réduira « aux<br />
mauvais débiteurs qui sont ses victimes désignées par la<br />
nature ».<br />
Le développement des banques, la plus grande abondance des<br />
capitaux, la création de banques populaires, l'organisation du<br />
Crédit mutuel agricole, le fonctionnement des sociétés de pré<br />
voyance contribuent à hâter l'heure où ce résultat sera acquis ;<br />
de leur côté, l'Administration et la Justice française veillent à
— 418<br />
—<br />
empêcher le renouvellement des abus que les vieux contrats de<br />
la Rahnia et de la Tsénia entraînaient si fâcheusement. Un<br />
sérieux progrès est donc accompli,<br />
un grand bienfait réalisé au<br />
profit des populations algériennes dont la vie devient chaque<br />
jour plus aisée et mieux assurée.<br />
L'action des banques a de même secondé celle du Gouverne<br />
ment en hâtant la pénétration française dans les milieux du<br />
négoce indigène,<br />
en rapprochant les races dans les transactions<br />
fructueuses d'un commerce régulier et sûr,<br />
en créant entre elles<br />
des liens d'intérêts communs. Elle a aidé à la constitution de la<br />
fortune des plus actifs, des plus laborieux et des plus économes.<br />
Ella n'a pas pas été moins heureuse auprès des colons. D'abord<br />
timidement, pour les raisons que nous avons indiquées,<br />
puis plus<br />
largement et parfois même avec une hardiesse que d'aucuns ont<br />
pu juger excessive, elle a puissamment aidé à la colonisation<br />
algérienne, à la mise en valeur du sol, à l'exploitation du sous-<br />
sol, à la naissance de l'industrie.<br />
Les bénéficiaires de cette action ont quelquefois méconnu<br />
l'heureuse influence des banques, et comme « ces enfants, drus<br />
et forts d'un bon lait qu'ils ont sucé,<br />
qui battent leur nourrice »<br />
il s'en est trouvé qui ont voulu les rendre responsables des crises<br />
dont elles étaient elles-mêmes les victimes ; au lieu de reconnaî<br />
tre en elles les auxiliaires de la production, ils prétendirent qu'el<br />
les se bornaient à en tirer profit et qu'elles étaient de simples<br />
intermédiaires rapprochant, moyennant d'avantageuses commis<br />
sions, le capital et le travail. Ils les accusèrent de mal remplir<br />
ce rôle de courtier, en apparence si aisé et sans risque, et d'ac<br />
corder le crédit, selon les cas, avec trop de parcimonie ou trop<br />
de facilité, mais toujours à un prix trop élevé. Il y a beaucoup<br />
d'injustice dans ces reproches et une évidente méconnaissance<br />
des devoirs des banques.<br />
La mission des banques —<br />
dignes de ce nom —<br />
nous<br />
parlons de celles qui sont<br />
comporte des responsabilités plus grandes<br />
que celles d'un courtier, et elle est loin d'être aussi aisée et aussi<br />
simple que se l'imaginent ceux qui sont prompts à s'en prendre<br />
aux « puissances d'argent », dès que leurs espérances se brisent<br />
devant des réalités économiques. Dépositaires des capitaux d'au<br />
trui, elles n'ont le droit de les engager qu'à bon escient ; elles
— — 419<br />
en sont comptables vis-à-vis de ceux qui les leur ont confiés,<br />
c'est-à-dire des déposants, s'il s'agit des banques privées, et des<br />
porteurs de billets de banque, s'il s'agit de banques d'émission.<br />
Elles doivent donc proportionner le crédit, non pas aux besoins<br />
et encore moins aux désirs de chacun, mais à leurs propres<br />
moyens, qui ne sont pas infinis et que viennent encore limiter<br />
leurs responsabilités vis-à-vis de leurs déposants. Il leur faut,<br />
pour être en mesure de rembourser à tous moments leurs dépôts<br />
ou leurs billets, avoir la certitude de retrouver à l'échéance pré<br />
vue les fonds qu'elles ont prêtés à leur clientèle ; comme les<br />
Banques d'émission,<br />
les Banques privées doivent par là même<br />
écarter autant que possible les risques d'immobilisation, chaque<br />
fois qu'elles ne peuvent disposer que de fonds provenant de<br />
dépôts à vue ou à court terme, et pour cela, elles doivent, avant<br />
tout, avoir le sentiment du risque.<br />
Il leur faut avoir d'abord celui du risque individuel ; nous ne<br />
parlons pas seulement de celui qui peut dériver de l'incapacité<br />
ou de la malhonnêteté des individus. C'est un risque profession<br />
nel qu'il est possible de réduire par un ensemble de précautions<br />
appropriées, de même qu'un industriel,<br />
par l'application de<br />
mesures de sécurité, écarte certains risques d'accidents. Nous<br />
voulons seulement retenir l'insolvabilité qui termine parfois la<br />
carrière de gens honnêtes, intelligents et travailleurs, mais trop<br />
entreprenants. Ce risque existe dans tous les pays. Il se rencon<br />
tre sans doute plus fréquemment dans une colonie qui attire<br />
des hommes d'énergie, des audacieux, des téméraires aussi, dans<br />
un pays neuf qui demeure longtemps une terre d'expérience, où<br />
les initiatives ne sont pas disciplinées et s'exercent en plusieurs<br />
sens par des voies parfois inconnues. Quel redoutable problème<br />
lorsqu'elles se trouvent en face de cette race<br />
se pose aux banques,<br />
d'homme pour qui « il n'est pas nécessaire d'espérer pour entre<br />
prendre,<br />
ni de réussir pour persévérer » et surtout lorsque de<br />
premiers succès viennent donner à ces mêmes hommes des rai<br />
sons d'espérer et la volonté d'entreprendre plus encore !<br />
Ce sont eux souvent qui sont les grands artisans des progrès<br />
agricoles ou industriels. Il faut donc que,<br />
chaque fois que leurs<br />
efforts peuvent être fructueux et sont dignes d'être encouragés,<br />
l'appui du<br />
les banques leur assurent, si elles en ont le moyen,
— - 420<br />
crédit, sans lequel trop souvent ces efforts seraient vains ; mais,<br />
il faut aussi qu'elles évitent de les inciter, par des excès de cré<br />
dit, à s'engager plus avant dans des expériences vouées à l'échec.<br />
Il leur faut, à cet égard, beaucoup de discernement et beaucoup<br />
de prudence. Elles ne doivent pas perdre de vue que le succès<br />
n'absout pas toutes les erreurs, et que les facilités exagérées de<br />
crédit, si elles excitent l'esprit d'initiative,<br />
faussent les condi<br />
tions normales d'existence des entreprises et risquent de créer<br />
des illusions sur la valeur des résultats obtenus ; c'est ainsi que<br />
souvent un débiteur trop confiant s'engage au delà de ses forces.<br />
Les banques doivent se garder mieux que leurs clients de cer<br />
tains entraînements et il faut autant redouter pour un pays<br />
l'excès de leur confiance que celui de leur prudence.<br />
Elles doivent également avoir le sentiment du risque général.<br />
Il leur faut se rappeler que des crises économiques mondiales<br />
se produisent plus ou moins périodiquement, et que,<br />
si l'on ne<br />
peut en discerner les causes et souvent en relever les signes pré<br />
monitoires, on n'a pas encore le pouvoir de les neutraliser entiè<br />
rement. Lorsque ces crises se révèlent, les banques doivent, tout<br />
en ménageant leur clientèle et en évitant les mesures qui seraient<br />
de nature à aggraver le mal, s'attacher à conserver à leur porte<br />
feuille le caractère de liquidité nécessaire.<br />
A ces risques, la nature en ajoute un autre en Algérie : outre<br />
les crises générales,<br />
qui de plus en plus feront sentir leurs réper<br />
cussions dans la colonie, l'Algérie agricole est soumise à des<br />
crises propres, qui ne sauraient être pressenties au seul examen<br />
des statistiques et des indices économiques,<br />
mais qu'une mau<br />
vaise saison, qu'un brusque cataclysme peuvent soudainement<br />
déchaîner,<br />
ou qu'une hausse continue des prix de revient peut<br />
faire éclater un jour. Il ne faut pas que de telles éventualités<br />
demeurent en dehors des prévisions de ceux qui ont mission d'as<br />
surer le crédit comme de ceux qui y font appel.<br />
La préoccupation constante du banquier soucieux de ses res<br />
ponsabilités n'est donc pas, comme le pensent trop facilement des<br />
esprits irréfléchis, celle du gain à réaliser, mais celle de la perte<br />
à éviter. C'est ce qu'exprimait devant nous, un jour, un vieux<br />
banquier parisien dont le souci de l'échéance troublait jusqu'au<br />
sommeil : « Les effets de mon portefeuille sont à 90 jours ; mais<br />
ils ont hélas ! aussi 90 nuits à courir ».
- 421<br />
—<br />
Il ne faut pas toutefois que de telles craintes paralysent l'ac<br />
^<br />
tion des banques. Dans un pays en plein développement, elles ne<br />
peuvent se borner à l'application des règles étroites d'un rigou-<br />
risme excessif. Connaissant les dangers, elles doivent prendre<br />
les précautions qui s'imposent, mais elles ne sauraient trouver<br />
ni profits ni, sans doute, sécurité même dans l'inaction. Elles<br />
sont donc appelées à montrer dans la Colonie plus d'allant peut-<br />
être que dans la Métropole, et par suite à s'y exposer à plus de<br />
risques, et ceci explique dans une certaine mesure que le taux<br />
de l'escompte courant y soit en général plus élevé qu'en France.<br />
Cette situation se modifie d'ailleurs peu à peu au profit de<br />
l'Algérie.<br />
Les risques des banques diminuent à mesure que s'améliore<br />
la moralité des pays où elles sont établies et que la méfiance cesse<br />
d'être de règle à l'égard de l'ensemble des débiteurs. De ce point<br />
de vue, l'histoire algérienne des cent dernières années est récon<br />
fortante.<br />
S'il faut reconnaître que ces risques demeurent plus élevés<br />
dans la Colonie que dans la Métropole, il est incontestable que de<br />
grands progrès ont été réalisés en ce sens.<br />
La première préoccupation du Comptoir National d'Escompte<br />
d'Alger, puis de la Banque de l'Algérie, a été, on l'a vu, de s'ef<br />
forcer d'obtenir des débiteurs le respect de l'échéance. C'est le<br />
mérite du commerce algérien d'avoir répondu à ces efforts,<br />
c'est son honneur d'avoir maintenu depuis lors ce principe essen<br />
tiel. Il a établi ainsi son crédit sur une base solide.<br />
Dans le même ordre d'idées, la seconde préoccupation de la<br />
Banque de l'Algérie et des banques algériennes en général a été<br />
d'établir leurs relations avec leur clientèle dans la confiance<br />
réciproque. Même sur cette terre d'Afrique du Nord, où la vie<br />
n'apparaît souvent que comme une lutte contre la nature, con<br />
tre les idées, contre les hommes,<br />
où depuis la plus haute anti<br />
quité se créent si facilement tant de groupements opposés,<br />
l'union s'impose pour assurer le progrès ;<br />
elle se fait très heu<br />
reusement peu à peu entre banquiers et clients, dont la collabora<br />
tion est féconde, parce que, grâce à elle, le crédit devient l'auxi<br />
liaire de l'intelligence, de la loyauté, du travail.<br />
Certes, nous ne prétendons pas que, dans toutes circonstan-
— — 422<br />
ces, toutes les banques aient eu une notion exacte de leurs<br />
devoirs et que de très regrettables erreurs ne puissent être<br />
signalées. Il existe dans le monde une proportion variable, mais<br />
qu'on ne peut négliger, d'hommes qui n'ont ni une conscience<br />
assez haute, ni une intelligence assez claire pour honorer la pro<br />
fession qu'ils exercent ;<br />
et même parmi ceux qui comprennent<br />
le mieux et le plus dignement leur rôle, il n'en est guère qui puis<br />
sent se prétendre infaillibles. Les banquiers ne font pas, même<br />
en Algérie, exception à cette règle ;<br />
pons pas ici de cas particuliers ;<br />
mais nous ne nous occu<br />
nous apprécions d'ensemble<br />
l'œuvre du crédit et nous devons constater que, si elle a été dif<br />
ficile,<br />
elle n'en a pas moins été singulièrement féconde.<br />
Par les ouvertures de crédit, par l'escompte,<br />
par les avances<br />
sur titres ou sur marchandises, par les prêts fonciers, les ban<br />
ques privées ou les institutions de crédit soutenues par l'Etat<br />
sont en situation actuellement de répondre aux besoins du pays.<br />
La Banque de l'Algérie garde le contact avec tous ; bien que<br />
des établissements spécialisés soient préposés à certaines opé<br />
rations bancaires qu'elle ne peut effectuer elle-même, elle prend<br />
sa large part de l'activité générale et elle demeure le grand<br />
organisme de secours éventuel en cas de crise. Elle maintient<br />
dans le pays une saine circulation fiduciaire, elle lui évite, avec<br />
le concours du Trésor public, les charges d'un change extérieur ;<br />
elle lui assure les avantages d'un taux d'escompte modéré et<br />
stable.<br />
Enfin, l'Etat lui-même et la Colonie participent à son activité<br />
en associés privilégiés, puisque les sommes payées par elle au<br />
titre des redevances, partage de dividendes, impôts divers, inté<br />
rêts sur le compte créditeur du Trésor, représentent, pour l'exer<br />
cice 1928-1929, plus de 200 % des sommes distribuées aux<br />
actionnaires. La Banque de l'Algérie se trouve ainsi collaborer<br />
efficacement aux mesures inspirées au Gouvernement général<br />
et aux Délégations financières par leur généreuse et clair<br />
voyante volonté de faire profiter des avantages du crédit toutes<br />
les classes sociales, européennes et indigènes, contribuant à la<br />
prospérité du pays.<br />
Ces résultats ont été obtenus malgré des difficultés de toutes<br />
sortes et parfois même malgré les événements tragiques qui ont
- 423 —<br />
marqué l'espace d'un siècle. En cette matière comme dans les<br />
autres domaines de l'activité humaine, la colonisation française<br />
a été grandement profitable au pays et l'organisation du crédit<br />
tient une place intéressante dans l'œuvre de civilisation pacifique<br />
et de collaboration des races accomplie par la France en Algérie.
TABLE DES MATIÈRES<br />
AVANT-PROPOS 5<br />
PRÉFACE<br />
i°<br />
TITRE I<br />
Histoire de la Monnaie et du Crédit en Algérie depuis 1830<br />
CHAPITRE I<br />
Le Crédit et la Monnaie dans la Régence d'Alger<br />
Le Commerce et le Crédit. —<br />
Le<br />
commerce intérieur de la<br />
Régence en i83o. Le commerce local et l'industrie à Alger. Le<br />
crédit et le commerce intérieur. L'usure. Le prêt. Les contrats de<br />
Société et de Commande. Le prêt sur gage immobilier. Les écrits<br />
constatant l'existence des dettes. Le commerce extérieur. Les mo<br />
nopoles du Dey<br />
et les concessionnaires de monopoles. Les Livour-<br />
nais. Le crédit et le commerce extérieur 19<br />
20<br />
— La Monnaie.<br />
Système<br />
monétaire de la Régence. Les mon<br />
naies étrangères circulant en Algérie. La fausse monnaie. Activité<br />
de la monnaie d'Alger. Le Trésor de la Casbah. Œuvre qui s'im<br />
posait à la France,<br />
i°<br />
rienne.<br />
en matière bancaire et monétaire 42<br />
CHAPITRE II<br />
Les premiers temps de l'Occupation française<br />
i83o-i848<br />
Substitution de la Monnaie Française à la Monnaie Algé<br />
— L'entrée<br />
des Français à Alger ne détermine aucun trou<br />
ble monétaire immédiat. Raréfaction progressive de la monnaie.<br />
Mesures envisagées pour remédier à la crise monétaire. La Mon<br />
naie française pénètre peu à peu dans le Pays 5g<br />
20<br />
Le Crédit. ■—<br />
Les<br />
besoins de crédit du commerce algérien<br />
après i83o. Projets de création de banques algériennes. Interven<br />
tion de la Banque de France. Le taux de l'intérêt en 1848 70<br />
7
i°<br />
— 426<br />
CHAPITRE III<br />
Le Comptoir National d'Escompte d'Alger<br />
et la Création de la Banque de l'Algérie<br />
Le Comptoir National d'Escompte. —<br />
Origine<br />
et utilité des<br />
Comptoirs Nationaux d'Escompte en 1848. Démarches en vue de<br />
la création d'un Comptoir National d'Escompte à Alger. Création<br />
du Comptoir National. Fonctionnement du Comptoir National.. 87<br />
20 Création<br />
de la Banque de l'Algérie. —<br />
Modifications<br />
appor<br />
tées en i85i dans le régime douanier et dans celui de la Colonisa<br />
tion. L'idée s'impose de la nécessité d'une Banque d'émission spé<br />
ciale à l'Algérie. Principes sur lesquels est fondée la Banque de<br />
l'Algérie. Projet de loi relatif à la création d'une banque d'émis<br />
sion spéciale à l'Algérie. Vote de la loi. L'Algérie accueille avec<br />
une grande satisfaction la promulgation de la loi<br />
CHAPITRE IV<br />
La Banque de l'Algérie et le Crédit de i85i a 1870<br />
Insuffisance des moyens d'action de la Banque de l'Algérie à<br />
ses débuts. La Banque éprouve de grandes difficultés à maintenir<br />
une encaisse proportionnelle à la circulation des billets. Dévelop<br />
pement de la circulation des billets. Création des premières suc<br />
cursales de la Banque de l'Algérie. Docks Algériens. Crédit Fon<br />
cier de France. Société Générale Algérienne. La crise de 1867-<br />
1868 et le crédit agricole. Le développement de l'Algérie et le<br />
crédit. Services rendus par la Banque de l'Algérie de i85i à 1870.<br />
Critiques adressées à !a Banque de l'Algérie. Situation de l'Algérie<br />
et de la Banque de l'Algérie en 1870 117<br />
CHAPITRE V<br />
La Banque de l'Algérie et le Crédit de 1871 a ioo5<br />
La Guerre de 1870-71. Insuffisance des moyens d'action de la<br />
Banque de l'Algérie après la guerre. Ouverture du compte courant<br />
du Trésor sous la forme actuelle. La Banque de l'Algérie à la veille<br />
du renouvellement de son privilège. Le renouvellement du privi<br />
lège en 1880. La création du vignoble algérien et le crédit. Les<br />
Comptoirs d'Escompte. Le Crédit Agricole. La crise viticole. Cri<br />
tiques adressées à la Banque de l'Algérie. Sa défense par M. Nel<br />
son-Chiérico. Des mesures énergiques sent prises pour rétablir la<br />
situation compromise de la Banque. Ajournement du renouvelle<br />
ment du privilège de la Banque en 1897 et en l&99- Rétablisse-<br />
102
— 427 -<br />
ment de la situation de la Banque. Renouvellement du privilège<br />
en 1900. Le crédit agricole de 1890 à 1905. La Banque de l'Algé<br />
rie de 1900 à igo5. Son privilège est étendu à la Régence de Tu<br />
nis. Rôle du crédit de 1871 à 1905 147<br />
CHAPITRE VI<br />
La Banque de l'Algérie, le Crédit et la Monnaie<br />
de 1906 a 1914<br />
Prospérité de l'Algérie en 1906. Rétablissement définitif de la<br />
situation de la Banque de l'Algérie. Maintien du privilège de la<br />
Banque en 191 1. Le crédit de 1906 à 1914 : crédit commercial,<br />
crédit agricole. Crise de 1912. Situation économique de l'Algérie<br />
à la veille de la guerre de 1914. La fortune de l'Algérie en 1914.<br />
La circulation monétaire et fiduciaire en Algérie au début de<br />
1914. La monnaie algérienne en Tunisie en 1914. La monnaie<br />
algérienne au Maroc en 1914. L'Algérie était en plein progrès<br />
au début de 1914 187<br />
La Banque de l'Algérie,<br />
CHAPITRE VU<br />
depuis 1914<br />
le Crédit et la Monnaie<br />
La déclaration de guerre par l'Allemagne. Le cours forcé. Le<br />
moratorium des dépôts. La prorogation des échéances. Les ban<br />
ques et le commerce pendant la guerre. Rôle de la Banque de<br />
l'Algérie pendant la guerre. Renouvellement du privilège de la<br />
Banque. Le commerce et les banques après 1918. Dépréciation de<br />
la monnaie française. Les devoirs de la Banque de l'Algérie en<br />
face de la dépréciation monétaire et les besoins de crédit de l'agri<br />
culture. La circulation monétaire depuis 1914. La monnaie algé<br />
rienne au Maroc. Situation économique et fortune actuelles de<br />
l'Algérie 221<br />
TITRE II<br />
La monnaie et le crédit en Algérie en 1930<br />
CHAPITRE VIII<br />
La circulation monétaire et fiduciaire en 1929<br />
Régime monétaire de l'Algérie. Régime monétaire français an<br />
térieur au 25 juin 1928. Loi du 25 juin 1928. L'étalon d'or. Ces<br />
sation du cours forcé. Statut monétaire de la Banque de France<br />
et de la Banque de l'Algérie. Retrait des petites coupures. Réta-
— — 428<br />
blissement de la circulation d'or et d'argent. Système du Gold-<br />
bullion standard. Conséquence de l'application à l'Algérie de la<br />
loi du 25 juin 1928. Le billet de la Banque de France en Algé<br />
rie. Règlements par écritures : chèques et virements 253<br />
CHAPITRE IX<br />
Le Change<br />
Caractéristiques du change extérieur algérien. Il est avant<br />
tout franco-algérien. Eléments de la balance des comptes entre<br />
la France et l'Algérie. Difficultés que rencontre, spécialement en<br />
Algérie, le règlement de la balance des comptes extérieurs. Les<br />
besoins du Trésor et ceux du Commerce. Ouverture et fonction<br />
nement du compte courant du Trésor à la Banque de l'Algérie.<br />
Rôle du service des Postes. Le taux de l'escompte demeure le<br />
régulateur suprême des règlements extérieurs de l'Algérie. Valeur<br />
des indications que peuvent donner pour la fixation du taux des<br />
escomptes certains indices économiques. Heureux effet d'un accord<br />
entre le Trésor et la Banque aboutissant à la suppression du<br />
change entre la France métropolitaine et l'Algérie 273<br />
CHAPITRE X<br />
La Banque de l'Algérie en 1929<br />
Capital. Administration. Privilège. Charges du privilège. Opé<br />
rations de la Banque. Statistiques graphiques. Sièges de la Ban<br />
que. Tableau des taux d'escompte et d'avances pratiqués par la<br />
Banque depuis i85i . Bilan de la Banque 3o5<br />
CHAPITRE XI<br />
Banques privées, Etablissements de crédit<br />
et Banques locales<br />
Rapports des Banques Métropolitaines et Etrangères avec l'Al<br />
gérie. Sociétés de Crédit ayant des agences en Algérie. Banquiers<br />
particuliers locaux. Comptoirs d'Escompte locaux. Crédit à l'In<br />
dustrie. Banques d'affaires. Monographies , 33i<br />
CHAPITRE XII<br />
Institutions de crédit créées ou soutenues<br />
par l'Etat ou par les Communes<br />
Intervention de l'Etat en faveur de certaines institutions de cré<br />
dit. Ressources dont l'Etat dispose pour cet objet. Elles provien<br />
nent pour la plus grande part dé la Banque de l'Algérie 365
i°<br />
— Le Crédit Agricole.<br />
Objet<br />
— 429 —<br />
du crédit agricole. Crédit à court<br />
terme. Concours donné par les Banques pour le crédit à court ter<br />
me. Crédit à moyen terme, crédit à long terme. Bases de la légis<br />
lation spéciale du crédit agricole mutuel. Caisses locales et Caisses<br />
régionales. Sociétés coopératives de production agricole. Caisse fon<br />
cière agricole d'Algérie Statistiques des Caisses régionales et locales<br />
et des sociétés coopératives agricoles. Crédit agricole aux indigè<br />
nes. Sociétés de prévoyance el de prêts mutuels aux indigènes 370<br />
20<br />
Les Banques populaires.<br />
— Origine<br />
des Banques populaires.<br />
Principes sur lesquels repose la législation concernant les Ban<br />
ques populaires. Attributions générales et devoirs des Banques po<br />
pulaires. Attributions spéciales dévolues aux Banques populaires<br />
(Crédit aux démobilisés. Crédit à l'artisanat. Crédit Hôtelier. Cré<br />
dit maritime). Statistique et monographies des Banques popu<br />
laires algériennes. Sociétés spéciales pour le crédit à la construc<br />
tion d'immeubles à bon marché 3g3<br />
3° Les Caisses de Crédit Municipal. —<br />
Prêts<br />
sur gages mo<br />
biliers 4i3<br />
CONCLUSION 417
2 . Vue<br />
TABLE DES ILLUSTRATIONS<br />
Alger. Vue prise en avion<br />
CONTENUES DANS CE VOLUME<br />
(Photographie du Service de l'Aviation du 'premier groupe<br />
d'Algérie).<br />
CHAPITRE I<br />
Frontispice<br />
Pages<br />
ancienne de la Ville d'Alger 20<br />
(Dessinée sur les lieux, en 1830, par D. M., ingénieur géo<br />
graphe, gravée par J.-B. Verzi, à Paris, chez Bence) (1).<br />
3. Incendie de l'Etablissement français de la Calle (18 juin 1827). 36<br />
(Gravure extraite de l'Atlas de l'aperçu historique, statis<br />
tique et topographique sur l'Etat d'Alger, à l'usage de<br />
l'Armée Expéditionnaire d'Afrique. Paris, 1830)<br />
4 et 5. Types de monnaies algériennes frappées dans la Régence<br />
d'Alger de n44 à 1240 de l'Hégire (1731-1824) (2 planches). 44<br />
(Extrait de l'Etude de J.-J. Marcel. Monnaies diverses ayant<br />
cours en Algérie). Un abrégé (Je cette étude 'parut en 1842<br />
dans l'Annuaire algérien et elle fut publiée d'abord par<br />
•<br />
M. Berbrugger L'Algérie historique, pittoresque et mo<br />
numentale, puis en édition particulière en 1844 (Impri<br />
merie orientale).<br />
6. Le Trésor de la Casbah<br />
(Gravure extraite de l'ouvrage de Berbrugger, op. cit.).<br />
(1) Des numéros inscrits au-dessus de certaines parties de la gravure renvoient<br />
a une légende sur laquelle on peut lire :<br />
« 1. Fort de l'Empereur, ce fut Charlemagne qui en jetta (sic) les fondemens. —<br />
2. Le Palais du Dey, il n'offre rien de remarquable. — 3.<br />
— —<br />
par l'effet du bombardement. 4. Forteresse de la marine qui bat toute la Rade.<br />
—<br />
5. Fort des sept heures. 6. Cimetière et Tombeau des sept Deys qui régnèrent<br />
52<br />
Le phare presque détruit<br />
successivement et furent massacrés dans l'espace d'une journée. —7. Marabou ou<br />
— — Saint du Pays. 8. Fort et Jardin de Mustapha ] Pacha. 9. Port d'Alger.—<br />
10. Maison de campagne du Consul de France.<br />
Tous les Endroits où est arboré un Pavillon sont autant de fortifica<br />
« Nota. —<br />
tions, les Maisons de la Ville sont toutes surmontées d'une terrasse et n'ont point<br />
de toit. »
7<br />
— — 432<br />
CHAPITRE II<br />
Pagas<br />
et 8. Les monnaies françaises introduites en Algérie de i83o<br />
68 et 84<br />
à i848 (2 planches)<br />
CHAPITRE III<br />
9. Portrait de M. Ed. Lichtlin, premier Directeur de la Ban<br />
que de l'Algérie (i85i-i85g)<br />
(Collection de M. A. Chassériau).<br />
10. Les premiers billets de la Banque de l'Algérie (i85a)<br />
11. La Banque de l'Algérie à Oran :<br />
i°<br />
20<br />
CHAPITRE IV<br />
Vue de la première installation à Oran (i853)<br />
Nouvel immeuble en construction 132<br />
(Projet dressé >par M. Umbdenstock, Architecte en chef du<br />
Gouvernement, Professeur à l'Ecole des Beaux-Arts et à<br />
l'Ecole Polytechnique).<br />
12. Les monnaies françaises sous le Second Empire 140<br />
CHAPITRE V<br />
i3. Vue de la place du Gouvernement à Alger vers 1870 148<br />
(Gravure communiquée par M. J. Carbonel, éditeur à Alger).<br />
14. Les premières monnaies de la Troisième République 136<br />
i5. Vue de Constantine prise le i3 octobre 1837, jour de l'en<br />
trée des Français 172<br />
(Dessin inédit communiqué par M. J. Carbonel, éditeur à<br />
Alger).<br />
Constantine en 1929 172<br />
(Photographie communiquée par le Gouvernement Général<br />
de l'Algérie).<br />
16. Industrie vinicole :<br />
i°<br />
20<br />
1890 iso<br />
ig3o 180<br />
(Photographie Luck et Fils à Oran).<br />
CHAPITRE VI<br />
17. Les monnaies en 1913. 196<br />
100<br />
124<br />
132
— — 433<br />
Pages<br />
18. Vignoble algérien 204<br />
(Photographie Luck et Fils à Oran).<br />
Cuverie 204<br />
(Photographie communiquée par le Gouvernement Général<br />
de l'Algérie).<br />
CHAPITRE VII<br />
19. Embarquement de troupes à Alger en 191 4-<br />
(Cliché communiqué par l'Illustration).<br />
20. Monument commémoratif de la guerre de igi4-igi8, érigé<br />
à la Banque de l'Algérie (1)<br />
(1) Noms des agents de la Banque de l'Algérie, morts pour la Patrie, inscrits<br />
sur ce Monument :<br />
Alberty, Emile.<br />
Arroyo, Richard.<br />
Attard, Léon.<br />
Aubert, Ernest.<br />
Audouin, Pascal.<br />
Ballet, Joseph.<br />
Ballet, Louis.<br />
Bazac, Fernand.<br />
Bonneau, Edouard.<br />
Bonnet, Jean.<br />
Borelly, Marie.<br />
Bourduge, Albert.<br />
Candiard, Claude.<br />
Carayon, Julien.<br />
Carron, Gaston.<br />
Cazals, Abel.<br />
Chevauchée, Alphonse.<br />
Clément, Edouard.<br />
Cocheux, Maurice.<br />
Collignon, Alfred.<br />
Couillard, Antoine.<br />
Coulond, Louis.<br />
Delaporte, Richard.<br />
Di Costanzo, Frédéric.<br />
Dupré, Louis.<br />
Dupuy, Jean.<br />
Dusserre, Henri.<br />
Faur, Fernand.<br />
Fleury, Octave.<br />
Gantés, Edouard.<br />
Garde, Alphonse.<br />
Garnier, Célestin.<br />
Gautier, Adrien.<br />
Giudicelli, René.<br />
Hertrich, Victor.<br />
Hilaire, Aimé.<br />
Imbert, Emile.<br />
Imbert, Ernest.<br />
Jany, Auguste.<br />
Jaquard, Albert.<br />
Joffard, Prudent.<br />
Kespi, Simon.<br />
Kœnig, Louis.<br />
Kriskris, Léon.<br />
Labbé, Joseph.<br />
Lapène, Amédée.<br />
Le Clezio, Louis.<br />
Lévy, Jules.<br />
Loaisel de Saulnays, Victor.<br />
Malartic, René.<br />
Malka, Abraham.<br />
Marchal, Pierre.<br />
Martin, Amédée.<br />
Martin, Charles.<br />
Martin, René.<br />
Meichler, René.<br />
Minier, Emile.<br />
Monatte, Jean.<br />
Nadame, Emile.<br />
Natal, Henri.<br />
Normand, Joseph.<br />
Ortéga, Joseph.<br />
Ourière, Victor.<br />
Pantin, Georges.<br />
Pelenc, Albert.<br />
Puydupin, Fernand.<br />
Richaud, Louis.<br />
Sattori, Emile.<br />
Thouati, Maurice.<br />
Trouillot, Jean.<br />
Vitrac, Camille.<br />
Weber, Jean.<br />
220<br />
228
— — 434<br />
CHAPITRE VIII<br />
, Pagps<br />
ai. Les nouvelles monnaies françaises :<br />
22.<br />
i°<br />
2°<br />
Reproduction des avers des projets présentés au con<br />
cours ouvert pour la gravure des coins des monnaies<br />
d'or 252<br />
En tête, projet retenu par le Ministre des Finances (Arrêté<br />
du 30 janvier 1929).<br />
Reproduction des revers des projets présentés au con<br />
cours ouvert pour la gravure des coins des monnaies<br />
d'argent 260<br />
En tête, projet retenu par lé Ministre des Finances (Arrêté<br />
du 30 janvier 1929).<br />
23. Le port d'Alger :<br />
i °<br />
2Q<br />
a4. Le port d'Oran :<br />
CHAPITRE IX<br />
Le port d'Alger ancien 276<br />
(Une des Esquisses africaines dessinées pendant un voyage<br />
à Alger et lithographiêes par Adolphe Otth, Berne, chez<br />
J.-F. Wagner, lithographe, 1839).<br />
Le port d'Alger moderne 276<br />
'Photographie communiquée par le Gouvernement Général<br />
de l'Algérie).<br />
r Le port d'Oran ancien 284<br />
2°<br />
(Photographie Luck et fils à Oran, reproduisant une gra<br />
vure extraite de l'ouvrage de Léon Galibert l'Algérie an<br />
cienne et moderne, édité en 1843 par Fume et Cie, à<br />
Paris).<br />
Le port d'Oran moderne<br />
(Cliché Luck et Fils à Oran).<br />
a5. Le port de Bône :<br />
i"<br />
2°<br />
Le port de Bône ancien 292<br />
(Extrait de la France maritime, Grehan, Paris, 1848).<br />
Le port de Bône moderne 292<br />
(Photographie communiquée par le Gouvernement Général<br />
de l'Algérie).<br />
CHAPITRE X<br />
26. La Banque de l'Algérie a Alger 308<br />
La Banque de l'Algérie à Bougie. 308<br />
(Projet dressé et réalisé par M. Umbdenstock, Architecte en<br />
chef du Gouvernement, Professeur à l'Ecole des Beaux-<br />
Arts et à l'Ecole Polytechnique).<br />
284
— — 435<br />
Billets de Banque actuels (2 planches) :<br />
27. Billets de 1.000 fr., de 5oo fr., de 100 fr. (1)<br />
Pages<br />
28. Billets de 5o fr., de 20 fr., de 5 fr. (2) 324<br />
CHAPITRE XI<br />
?9- Un des aspects du développement d'Alger :<br />
Vue prise en 1869<br />
Vue prise en 1 929<br />
(Clichés Eichacker, photographe à Alger).<br />
3o. Une huilerie 336<br />
3 1 . Une<br />
Fabrication de tapis 356<br />
(Photographies communiquées par le Gouvernement Général<br />
de l'Algérie).<br />
CHAPITRE XII<br />
minoterie 364<br />
(Photographie communiquée par le Gouvernement Général<br />
de l'Algérie).<br />
Une chambre à cylindres dans une minoterie<br />
32. Un silo 396<br />
(Photographie de Docks Silos coopératifs communiquée par<br />
le Gouvernement Général de l'Algérie).<br />
Motoculture 396<br />
(Photographie Luck et Fils à Oran).<br />
(1) Le type de billet de 1.000 fr. reproduit n'est pas encore en circulation. Usera<br />
émis prochainement.<br />
(2) Les billets émis en Tunisie sont frappés d'une estampille spéciale Tunisie.<br />
(Cette estampille figure sur les reproductions des billets de 100 fr. (planche 27) et de<br />
50 fr. (planche 28). Voir page 182. A l'origine, les billets émis dans les différentes<br />
succursales de la Banque étaient également estampillés au nom du siège d'émission<br />
(voir page 126). *<br />
N. B. Les hors-texte ont été tirés par les procédés héliographiques de l'Impri<br />
merie Astracolor (63-65, rue de la Maine, Vanves, Seine).<br />
316<br />
340<br />
340<br />
364
Alger —<br />
—<br />
Typographie Julbs Carbonel Alger