Yerushalaim 23 2000-2.pdf - Chretiens-juifs.org

Juif, chacun sait que Paul l’était, mais il demeure encore pour beaucoup une énigme. On sait que, à
l’instar de nombreux juifs de son temps, il était citoyen romain. On l’a dit « plus grec que juif » ou davantage
inspiré et imbu de lui-même que pharisien. Pour la plupart des juifs au cours des âges, Paul est devenu un juif qui
se serait perdu comme juif pour avoir adhéré à des idées non-juives. Il est demeuré le type de ce juif assimilé qui
a franchi le Rubicon et mieux vaut ne pas en parler. A partir de ce jugement sans appel, Paul a été oublié et
même occulté.
Dans l’essai que nous présentons, Schalom ben Chorin ne se reconnaît pas dans ce verdict, qu’il estime
contraire à l’esprit du judaïsme. Il se découvre une parenté avec Paul. Pour lui, Paul pose, certes, des questions
radicales, redoutables pour les juifs d’aujourd’hui, mais il n’est pas un étranger. Il fallait qu’il fût juif, et même
pharisien, pour que les questions qu’il a soulevées et qui sont fondamentales à l’expérience humaine puissent
être un jour exprimées. Ce ne sont pas des affirmations théologiques insensées ou des illusions qui l’habitaient
mais des interrogations que peut-être seuls des juifs peuvent comprendre. Selon Ben Chorin, les écrits de Paul ne
peuvent se comprendre qu’à partir des prophètes d’Israël et les appels qu’il a lancés aux juifs de son temps
ressortissent de quelque façon à la prophétie … Et il n’est guère possible d’oublier que sa pensée plonge dans les
Ecritures. Il rappelle sans cesse que dans la Bible, c’est Dieu qui parle et qui agit…
Un autre obstacle, également redoutable se présente aujourd’hui comme hier à la compréhension des
écrits de Paul. Il écrivait en grec. Il livrait sa pensée dans la terminologie de l’oikouménè du monde grec et latin
de son temps, qui était principalement stoïcienne…Ce juif connu comme tel a cherché à convaincre les grecs en
utilisant des arguments tirés de leur langage et de leur culture…Il a voulu se faire grec avec les grecs pour
pouvoir leur parler. Faudrait-il se faire grec pour le comprendre ?
Pour les juifs, la pensée de Paul, la foi de Paul demeure comme une terre inconnue, hors norme sinon
hors la loi : il n’est pas l’apôtre, il est cet apostat qui s’est détourné de la tradition de son peuple et lui a préféré la
culture étrangère…
Ce n’est qu’en notre siècle que ce jugement global et définitif a commencé d’être révisé. Plus d’un juif
de nos jours se risque à le lire, à le juger pour lui-même, et à tenter de lui faire un procès intellectuellement fondé
et éthiquement équitable.
Quant aux chrétiens, il n’est pas très surprenant qu’ils aient éprouvé depuis les origines plus d’une
difficulté pour comprendre Paul. Il était si facile et agréable d’en faire un théologien pagano-chrétien ! Pourtant
il est incontournable et il est impossible de s’approcher de Jésus sans la compréhension qu’il en eut. Mais les
Pères grecs qui l’ont souvent cité l’ont invoqué plus qu’ils ne l’ont commenté…Puis ils l’ont lu avec les lunettes
doctrinales de Thomas d’Aquin et de Jansénius, ou de Luther et Calvin, c’est à dire d’une façon qui demeure
assez étrangère aux juifs. Ils ont fini par faire de Paul un sujet de controverses et même, abusivement, le
fondement de leurs divisions, en ramenant sa pensée à un seul principe ‘’sola fide’’, dont tout juif allemand a
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Un Regard Juif
sur l’Apôtre des Gentils
Un livre de Schalom BEN CHORIN édité chez Desclée de Brouwer (1999)
Un livre à lire , et à faire lire !
Un livre qui marque une étape dans les rapports entre
Juifs et Chrétiens, et qui est de nature à faire réfléchir les
chrétiens sur la formulation de leur foi.
C’est le père Bernard Dupuy qui en a rédigé la préface
et qui nous a autorisé à en publier ci-dessous un condensé.