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Nous venons à Toi !
Editorial
Vous savez, m'a-t-on dit à plusieurs reprises récemment, et cela sur le ton de la
confidence, il paraît que la moitié (ou un tiers, ou les trois-quarts, selon mes interlocuteurs) des
rabbins d'Israël ont le Nouveau Testament dans leur poche ! Et j'ai surpris parfois un éclair de
gourmandise dans les regards qui en disait long sur les pensées: "Enfin, ils y viennent ! Ça ne
va plus durer encore longtemps de les attendre !"
Cela va peut-être choquer certains de mes lecteurs, mais je ne partage pas cette
complice allégresse.
D'abord, parce que, et nous le verrons dans ce numéro de votre revue et les prochains,
cela fait longtemps que des juifs, et non des moindres, se sont penchés sur "nos" Ecritures, les
ont analysées, scrutées, y ont reconnu des textes non négligeables concernant leur propre
histoire. Certains nous ont même rappelé bien judicieusement à cette occasion que Jésus,
Marie, les apôtres, même Paul, furent tous juifs, ayant vécu à l'ombre de la Torah, et n'ayant
sans doute jamais eu la perspective de créer le Christianisme, en opposition, en rupture, avec le
Temple !
En second lieu, si je suis chrétien, c'est que j'ai découvert le salut, le pardon, la
réconciliation avec le Dieu vivant, certes. Mais j'ai aussi découvert que j'avais été "étranger aux
alliances", alors que le peuple juif est, et reste, au bénéfice d'une alliance contractée par le
Seigneur, alliance qui comporte certes des conditions, mais aussi des promesses, dont la
moindre n'est certes pas l'engagement définitif, éternel, indestructible du Seigneur. Ainsi, moi,
païen admis aussi à l'alliance avec le Seigneur, je puis venir vers le peuple juif pour me laisser
greffer sur le tronc: ce n'est pas "eux" qui viennent vers nous, mais nous qui, par grâce, héritons
des mêmes promesses qu'eux !
J'ajouterai à ces deux premières raisons un autre commentaire: si pendant seize siècles,
pour ne pas dire vingt, les chrétiens ont fermé vigoureusement la porte des Evangiles aux juifs,
ils se sont privés dramatiquement de clés de lecture qui, si nous osons persévérer dans la voie
actuelle, vont pouvoir nous être ouvertes. La lecture juive des Evangiles, du Nouveau
Testament, est un exercice dans lequel les chrétiens ne sont entrés, et bien timidement, que
depuis quelques décades d'années, au maximum. Le travail reste donc presque complètement
devant nous, et il est immense ! Il nous faudra, à nous comme à nos frères juifs, beaucoup de
persévérance, d'humilité, de confiance réciproques, pour accepter de nous y aventurer
ensemble.
Mais ce chantier de Dieu est par nature interdit à tous ceux qui laisseront traîner au
fond de leurs pensées des traces même infimes de désir de "conversion" des autres.
Ni d'un côté, ni de l'autre, nous ne devrons penser: "Ils y viennent !". Mais il nous
faudra apprendre à répéter inlassablement, dans une teshouva constamment renouvelée, et
ensemble: "Eternel , nous venons à Toi !"
H.L.
Yerushalaim n°23 - page 3