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Et l’Eternel précise :
‘’Toutes les nations de la terre se béniront en ta
descendance …’’ (Genèse 22.18)
YERUSHALAÏM
Peut-on dire, à cet égard, qu’essentiellement
Israël a “gardé la maison” et maintenu vivante la
Lumière destinée aux nations et que l’Eglise,
dans le kérygme de sa foi, a annoncé ce don de
Lumière jusqu’aux extrémités de la terre ?
François THONIER
Ceci nous amène au problème de la
concurrence que l’Eglise a exercée aux dépens
d’Israël depuis l’origine jusqu’au 11 ème siècle,
l’époque de la première Croisade.
Cet esprit de concurrence est illustré par le
souci manifesté par de nombreux Conciles
(celui de Lyon notamment au 9 ème . siècle, où
l’évêque Agobart a joué un rôle important) et par
de nombreuses mesures épiscopales, qui
avaient pour objet de dissuader les chrétiens de
se convertir au Judaïsme.
De là une présentation des catéchèses
d’évangile établies comme si on pouvait couper
Jésus de sa racine juive. Les Evangiles ont été
lus en insistant sur une opposition entre Jésus
et ‘’les’’ Juifs (en généralisant abusivement), et
comme si Jésus n’était pas ou plus Juif ! On
oubliait qu’il n’y avait là qu’une manifestation,
parmi bien d’autres, des heurts parfois violents
entre les nombreux courants qui divisaient la
société juive de l’époque du Christ.
Par cette logique faussée, on en est venu dès
l’origine à mettre les disciples de Jésus en
concurrence avec ‘’les’’ Juifs.
YERUSHALAÏM
Cette volonté de séparation existait aussi,
semble-t-il, du côté juif.
François THONIER
Certainement. Vers l’an 90 les Maîtres de Yavné
et notamment Rabbi Akiva ont introduit dans la
prière quotidienne juive une 19 ème .
‘’Bénédiction’’ pour expulser de la Synagogue
les Juifs devenus disciples de Jésus, c’est à dire
les croyants en une autre annonce que celle de
la Torah elle-même.
Ensuite, à partir de la première Croisade, il n’est
plus question de concurrence puisqu’on en vient
du côté chrétien à la persécution tantôt larvée,
tantôt violente du Judaïsme. Il ne s’agit même
plus de rejeter les Juifs, mais de les éliminer !
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YERUSHALAÏM
Oui, et cela a duré de nombreux siècles.
Montesquieu,10 ans avant sa mort, c’est à dire
en 1745, se scandalisait de ce que des Juifs
étaient encore brûlés par l’Inquisition à
Lisbonne.
François THONIER
La Révolution Française a stoppé cette tentation
de persécution en donnant aux Juifs la
citoyenneté française. Il y a eu toutefois des
crises sporadiques d’antisémitisme plus ou
moins violent en France, avec par exemple
l’affaire Dreyfus et dans divers pays d’Europe,
notamment en Russie, Ukraine, Pologne.
YERUSHALAÏM
Par rapport à cette période relativement récente,
encore trouble et incertaine, le changement
d’aujourd’hui est spectaculaire. Quel en a été le
facteur principal ?
François THONIER
C’est, à mon avis, essentiellement le Concile de
Vatican II. Mais, il n’a pu accomplir ce qui l’a été
sur ce point, que par suite de la prise de
conscience par les chrétiens des horreurs de la
Shoah, survenue au centre d’un continent
chrétien, lequel a soudain réalisé les
conséquences humaines et les implications
spirituelles de cette barbarie.
Et c’est la visite de Jules Isaac à Jean XXIII le
30 Juin 1960 qui a constitué l’étincelle de cette
réaction en chaîne. Jules Isaac avait perdu sa
femme et sa fille brûlées à Auschwitz. Et cette
visite au Pape s’est située entre l’annonce par
celui-ci (le 25 Janvier 1959) de la réunion d’un
Concile et l’ouverture de ce dernier (le 11
Octobre 1962).
YERUSHALAÏM
Depuis lors, le changement de regard mutuel
entre Juifs et Chrétiens est profond. Mais les
processus suivis et les manifestations en sont
complexes.
François THONIER
Certes, mais il y a aussi beaucoup d’éléments
précieux : les contacts avec des Juifs ont
amené les Chrétiens à un nouveau mode de
lecture de la Bible et ce n’est encore que le
début de la vague. Les Chrétiens, dans leur
immense majorité ont, à cet égard, un retard