N° 252 - Recherche et Technologie

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Athena 252 / Juin 2009 Métrologie Pour une uniformité mondiale des mesures S itué au pavillon de Breteuil (à Sèvres, dans le parc de Saint-Cloud, près de Paris) où il jouit d'un statut extraterritorial, le Bureau international des poids et mesures (BIPM) a pour mission d'assurer l'uniformité mondiale des mesures et leur traçabilité au Système international d'unités (SI). Il travaille sous l'autorité de la Convention du mètre, qui est un traité diplomatique conclu entre cinquante et une nations. Il exerce son activité avec l'aide d'un certain nombre de comités consultatifs, dont les membres sont des laboratoires nationaux de métrologie des États membres de la Convention du mètre, et par son travail de laboratoire. Le BIPM effectue des recherches liées à la métrologie. Il organise ou participe à des comparaisons internationales d'étalons nationaux de mesure et effectue des étalonnages pour les États membres. Il a aussi pour mission de maintenir le Temps atomique international (TAI) et le Temps universel coordonné (UTC), qui sont les échelles de temps à partir desquelles les fréquences de référence et les signaux horaires sont disséminés de manière coordonnée dans le monde. Les autres organismes de référence sont la Conférence générale des poids et mesures (CGPM) et le Comité international des poids et mesures (CIPM). Depuis le début du siècle dernier, les mesures sont passées à de nouvelles échelles. Nécessitant toujours plus de précision, elles ont effectué un bond prodigieux dans les échelles microscopiques et macroscopiques. D’emblée, le secteur de la recherche fondamentale, par ses incursions dans l’infiniment grand, l’infiniment petit et l’infiniment complexe, offre des illustrations impressionnantes des progrès qu’il a fallu réaliser, aussi bien dans la mesure de phénomènes lointains - en astrophysique, cela veut aussi dire loin dans le passé - que dans celle d’entités jusque-là seulement imaginées. C’est le cas avec la traque du boson de Higgs ou des composantes de la mystérieuse matière noire. La physique des particules fournit par ailleurs, avec la violation de parité dans l’interaction faible, à la fois l’exemple d’une mesure étonnamment précise et celui de l’utilisation d’une bizarrerie de la nature pour la mesure d’un autre sujet d’intérêt, le proton. Les mesures de l’extrême Les sciences de la Terre et de l’environnement ne sont pas en reste, qui offrent de magnifiques exemples de la mesure indirecte des températures du passé et de l’étude des phénomènes atmosphériques à grande échelle grâce aux infrasons. Dans le premier cas, les sciences 510 nucléaires fournissent un irremplaçable «thermomètre isotopique». Quant à l’énergie nucléaire de fission, le recours à des mesures de l’extrême y est monnaie courante. Ce sont des spécialistes de l’énergie nucléaire qui contribuent à améliorer sans cesse l’acuité des microscopes optiques afin de scruter les «verres nucléaires» ou qui participent, forts de leur expérience des mesures en conditions sévères sous rayonnements, au développement d’une méthode qui permettra d’analyser des roches «doublement à distance»: sur Mars et à plusieurs mètres du robot qui la mettra en œuvre. Dans un autre domaine, la convergence des biotechnologies et des technologies de l’information ouvre des perspectives de diagnostic et de thérapie personnalisées pour chaque patient. La performance de la détection de la molécule ou du récepteur unique se retrouve dans la mesure de traces d’explosifs ou de gaz toxiques dans l’environnement, notamment pour la sécurité des citoyens. La santé et la sécurité de l’homme profitent au premier chef des progrès de la mesure. Juste retour des choses puisque, comme l’a dit en substance le sophiste grec Protagoras (Abdère, 485-411 Av. J.-C.) «l’homme est la mesure de toute chose». Le kilo menacé ? La métrologie est la science de la mesure et la première chose que sait le métrologue, c’est… qu’il n’existe pas de mesures exactes. Même la masse du kilogramme étalon déposé au Bureau international des poids et mesures (BIPM) varie - et avec lui tous les autres étalons du kilogramme dans le monde - car le kilo est la seule unité de mesure à encore reposer sur un objet physique, un cylindre de platine iridié mesurant 39 mm de diamètre et 39 mm de longueur dont le poids est celui d’un décimètre cube d’eau pure à 0 °C. Appelé le K, le prototype international du kilogramme constitue l’unique référence internationale depuis 1889 et ses copies, disséminées à travers le monde, servent à étalonner tous les instruments de mesure du poids. Le problème, c’est que le poids de ces étalons a varié et, à de rares exceptions près, il semble qu’ils grossissent avec l’âge. C’est ainsi que lors de la campagne de comparaison entre le K et ses copies, au milieu des années 90, on s’est aperçu que le prototype espagnol avait pris 56 microgrammes, le russe en avait pris 32 et le norvégien 49. Par contre, l’anglais avait maigri de 17 microgrammes. Le K réalise donc la performance de modifier sa masse sans changer de poids puisque par définition, il pèse et pèsera ad vitam aeternam un kilo !
Sauf si on trouve un autre moyen de définir le kilo. Deux grands axes de recherche sont actuellement en cours dans ce domaine. Le premier, appelé «balance de Wat», le K servant à définir le champ magnétique qui pèserait un kilo. Il s’agirait schématiquement de mettre sur l’un des bras d’une balance un kilo étalon et de placer l’autre bras dans un champ magnétique: si les deux bras sont immobiles, le kilo est égal à la valeur du courant électrique générateur du champ magnétique. L’autre projet est d’une simplicité extrême mais requiert de bons yeux. Il s’intitule Avogadro. Un kilo serait un nombre très précis d’atomes d’un certain corps, la difficulté étant évidemment d’énumérer les atomes car il faudrait pouvoir compter 50 milliards d’atomes (à 2 500 près) pour être au moins aussi précis que les mesures actuelles ! Évaluer ses connaissances Aujourd’hui où tout est mesuré, pesé, calculé, calibré, réglementé, standardisé, certifié, mis en conformité, le métrologue évalue la qualité d’une mesure en cherchant à connaître les incertitudes, à l’aide d’étalons de mesure (et nous savons leurs défauts) ou en procédant à des tests d’intercomparaisons ou de quantifica- Amesurons-nous ! Grandeurs, unités et Cie Tel est le nom de l’exposition qui se tient actuellement et jusqu’en fin d’année au Centre de culture scientifique (CCS) de l’Université libre de Bruxelles, au Campus de Parentville, rue de Villers, 227 à 6010 Charleroi. Téléphone: 071/60.03.00. Télécopie: 071/60.03.05. Internet: http://www.ulb.ac.be/ccs Courriel: ccs@ulb.ac.be Cette vulgarisation, conçue par le CCS et la Maison des sciences de l’Université de Liège, offre aux jeunes (et aux moins jeunes) un voyage ludique dans le monde des mesures en permettant à chacun de s’amuser, de réaliser de très nombreuses expériences plus interactives les unes que les autres et de découvrir l’importance des mesures dans la vie scolaire, quotidienne et professionnelle. En marge de l’expo, sont également organisés des conférences et des ateliers spécialement conçus pour les élèves de l’enseignement primaire et secondaire. L’exposition est ouverte du lundi au vendredi, de 9h30 à 17h30 et le dimanche de 10 à 18h. Elle est fermée le samedi. Droit d’entrée: pour les moins de 6 ans, gratuit; moins de 10 ans, 2 euros, étudiants et seniors, 3 euros et, pour les adultes, 4 euros. 511 Métrologie tions. Selon le BIPM, les opérations liées aux mesures représentent plus de 4% du produit intérieur brut des pays industrialisés et on estime qu’il y a actuellement dans le monde plus de 60 000 laboratoires accrédités pour les étalonnages, essais et certifications. Si aucune démarche scientifique «honnête» ne peut plus se passer de la mesure, si les instruments de mesure (horloge, thermomètre, balance, etc.) et leurs récentes métamorphoses ont fondé la «civilisation» et scandent nos modes de vie, existe-t-il malgré tout, des disciplines vouées à l’incommensurable ? Le droit ? Évidemment non. Rien n’incarne autant que la loi la référence à un ordre. Pas plus que l’histoire, qui se repaît de chronologie. La psychanalyse ? Peut-être, encore que les neurobiologistes s’échinent à quantifier les phénomènes cérébraux. Et l’art, peut-il se passer de l’idée d’une unité ? En musique, le solfège repose sur un système complet de mesure: jusqu’à l’invention du métronome au XVII e siècle, le pouls a servi de référence aux chanteurs. La peinture n’a-t-elle pas fait son miel du nombre d’or et de la perspective ? Il suffit de prendre la toile de Velásquez «Les Ménines» et de voir ce que Picasso en a fait ! L’art a tout simplement les moyens de nous faire oublier, provisoirement et agréablement, la mesure. La politique, au diapason des sciences contemporaines, est le lieu où le rapport à la mesure est le plus caricatural: l’inflation des sondages et les soirées d’élections sont, à cet égard, un pur régal pour pythagoriciens pervers. Mais… il faut bien que «mesure se fasse». Paul DEVUYST Le «K», cylindre de platine qui sert de référence internationale à la mesure du kilogramme depuis 1889. Il est conservé dans une pièce climatisée, sous trois cloches de verre au pavillon de Breteuil, à Sèvres, près de Paris, en France. La Métrologie Française Histoire, unités et recherches sur les mesures. À voir, le chapitre "Quelques +" http://www. metrologiefrancaise.fr/ Athena 252 / Juin 2009
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