N° 252 - Recherche et Technologie
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superforce électronucléaire, ancêtre commun des forces à<br />
l'œuvre aujourd'hui: électromagnétique, nucléaire forte <strong>et</strong><br />
nucléaire faible. Mais comme ces trois forces ne sont pas<br />
encore différenciées, tout est aggloméré <strong>et</strong> les particules<br />
n'ont pas encore de masse mais se comportent comme un<br />
rayonnement.<br />
Le choc suivant, <strong>et</strong> qui nous intéresse au premier chef, se<br />
produit 10 -35 seconde après le Big Bang: la superforce se<br />
scinde à son tour. L'interaction forte prend son autonomie<br />
<strong>et</strong> cohabite avec la force électrofaible (qui donnera naissance<br />
bien plus tard à l'électromagnétisme <strong>et</strong> à la force<br />
faible).<br />
Inracontable !<br />
Mais la naissance de l'interaction<br />
forte s'accompagne<br />
d'un événement inouï, inracontable<br />
par nos mots:<br />
l'Univers subit une expansion<br />
fulgurante, exponentielle<br />
disent les scientifiques.<br />
En un laps de temps<br />
presqu'infiniment bref (10 -32<br />
seconde !), il se dilate à une<br />
vitesse supérieure à la vitesse<br />
de la lumière - les particules<br />
ne se sont pas déplacées<br />
plus vite que la lumière,<br />
c'est la trame sur<br />
laquelle elles se trouvaient qui a enflé à c<strong>et</strong>te allure -, ses<br />
dimensions doublant au moins une centaine de fois (2 100 ).<br />
Il est impossible de s'imaginer ce qui s'est passé à ce<br />
moment. Disons, à titre de comparaison, forcément boiteuse,<br />
que depuis que les atomes existent <strong>et</strong> que l'Univers<br />
est devenu visible, c'est-à-dire à peu près 400 000 ans<br />
après le Big Bang, les échelles de grandeur de l'Univers<br />
n'ont été multipliées que par 1 000 !<br />
C<strong>et</strong> épisode a longtemps été contesté, remis en cause. Mais<br />
ce sont justement les observations du prédécesseur du<br />
satellite Planck, l'américain WMAP, qui ont apporté des<br />
éléments en faveur de c<strong>et</strong>te théorie de l'inflation exponentielle.<br />
Et les scientifiques attendent beaucoup de Planck <strong>et</strong><br />
de ses mesures de la polarisation magnétique du rayonnement<br />
fossile car celle-ci serait liée à l’apparition des ondes<br />
gravitationnelles. Lesquelles sont justement prévues par le<br />
modèle de l’inflation exponentielle. C<strong>et</strong>te phase du développement<br />
de notre Univers pose cependant beaucoup plus<br />
de questions qu’elle n’apporte de réponse.<br />
Selon certains cosmologistes, il n’est pas exclu de penser<br />
que c<strong>et</strong>te hyperexpansion a démarré à des moments différents<br />
avec des amplitudes différentes. C’est le modèle de<br />
Linde dans lequel le Cosmos aurait été une sorte de<br />
«mousse de savon», composée de beaucoup de bulles. Ce<br />
sont ces bulles qui auraient connu l’expansion avec<br />
comme conséquence qu’il y aurait autant d’univers que<br />
de bulles. Une multitude d’univers dont le nôtre n’est<br />
Athena <strong>252</strong> / Juin 2009<br />
Info-Physique<br />
jamais qu’un cas particulier... Non seulement la Terre<br />
n’est pas au centre du monde, mais notre monde luimême<br />
n’en serait qu’un parmi une multitude... Dur !<br />
Rayonnement fossile<br />
L’expansion de l’Univers, du Bing Bang jusqu’à nos jours:<br />
(13,7 milliards d’années).<br />
1. Bing Bang; 2. fluctuations quantiques; 3 Inflation; 4. Fonds diffus cosmologique;<br />
5. Premières étoiles; 6. Formation de galaxies, planètes, <strong>et</strong>c.<br />
7. Accélération de l’expansion de l’Univers.<br />
506<br />
Sautons allègrement quelques étapes - apparition des neutrons<br />
<strong>et</strong> des protons au premier cent millième de seconde;<br />
formation des premiers noyaux d’atomes légers à la troisième<br />
minute; avènement de l’hélium après un quart<br />
d’heure - pour faire un bond considérable dans le temps.<br />
Environ 380 000 à 400 000 ans après le Big Bang, la température<br />
de l’Univers a<br />
chuté: elle n’est plus que de<br />
3 000 degrés environ. Auparavant,<br />
à une température<br />
supérieure, dans un milieu<br />
très dense, les particules surchauffées<br />
ém<strong>et</strong>tent <strong>et</strong> absorbent<br />
les photons, les grains<br />
de lumière.<br />
Avec le refroidissement, les<br />
photons vont cesser d’interagir<br />
avec la matière. Cela<br />
veut dire que les électrons<br />
(charge négative) vont pouvoir<br />
s’apparier avec des<br />
noyaux (charge positive)<br />
pour former des atomes.<br />
Mais cela signifie aussi que<br />
la lumière se libère du piège dont elle n’a pu sortir jusqu’à<br />
ce moment. Elle est enfin libre de cheminer dans l’espace<br />
- l'Univers est devenu visible...- <strong>et</strong> de parvenir jusqu’à<br />
nous: c’est ce qu’on appelle le rayonnement cosmique<br />
primordial ou rayonnement fossile. Bien sûr, il nous parvient<br />
de manière très faible, sous forme d’un rayonnement<br />
à 3 kelvins, à peine supérieur au zéro absolu. Mais<br />
tout le monde peut le voir: il représente environ 1% de la<br />
«neige» qui envahit l’écran de nos téléviseurs lorsqu’ils<br />
ne sont pas réglés sur une chaîne. C’est la carte de ce<br />
rayonnement, déjà dressée par COBE puis WMAP, que va<br />
préciser Planck.<br />
C'est grâce à COBE que les physiciens ont repéré de<br />
minuscules irrégularités dans le rayonnement fossile,<br />
bientôt précisées par les mesures de WMAP. Ces irrégularités<br />
ont été identifiées comme les traces des fluctuations<br />
primordiales, de quoi préciser le contenu de l'Univers.<br />
Les simulations ont ainsi permis de déterminer que les<br />
fameux grumeaux originels seraient bien à l'origine de<br />
l'organisation de l'Univers, dominée par la gravité exercée<br />
par des amas de ce qu'on appelle aujourd'hui la<br />
matière noire, présente en bien plus grande quantité que<br />
la matière «visible». Planck devra prendre le relais en<br />
déterminant avec encore plus de précisions la taille des<br />
fluctuations, apportant peut-être ainsi une réponse à la<br />
question de leur origine.<br />
Henri DUPUIS<br />
dupuis.h@belgacom.n<strong>et</strong>