N° 252 - Recherche et Technologie
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Athena <strong>252</strong> / Juin 2009<br />
Dico-Bio<br />
Rien de ce qu’on mange n’est sans<br />
danger ? Je n’ai pas dit ça ! Il faut toutefois<br />
se rappeler que ce qui vient des productions<br />
«industrielles» a généralement subi des traitements<br />
pesticides divers <strong>et</strong>, de tous les fruits <strong>et</strong><br />
légumes, le raisin est apparemment celui qui en<br />
a le plus accumulé. Il a notamment reçu de la<br />
vinclozoline - un fongicide - qui est un perturbateur<br />
endocrinien reconnu. Quel que soit le<br />
légume ou le fruit que vous consommez - sauf<br />
s’il vient de votre potager <strong>et</strong> que vous en avez<br />
intégralement assumé la production sans «produit»<br />
ajouté - vous devez le laver abondamment<br />
<strong>et</strong>, tant qu’à faire, le peler. Toujours. Les fruits<br />
<strong>et</strong> légumes attirent naturellement les insectes<br />
qui viennent y pondre leurs œufs <strong>et</strong> perm<strong>et</strong>tre à<br />
leurs larves de s’y développer. S’il n’y a aucune<br />
trace d’attaque, c’est que le traitement pesticide<br />
a été effectué <strong>et</strong> qu’il s’est montré efficace.<br />
Et l’eau ? On dit que des poissons changent<br />
de sexe ? Ce n’est pas faux, mais il faut<br />
également nuancer. D’abord, l’eau de surface<br />
n’est pas celle qu’on boit. En général en tout<br />
cas. Il faut donc faire la part des choses entre<br />
l’eau de surface, l’eau des nappes <strong>et</strong> celle que<br />
l’on consomme, qui est parfois la même que la<br />
précédente. L’eau de surface est effectivement<br />
celle dans laquelle on a vu des poissons, des<br />
batraciens changer de sexe ou, en tout cas, participer<br />
à des populations où un des deux sexes<br />
est apparu particulièrement majoritaire. J’en ai<br />
évoqué un exemple surprenant avec des<br />
effluents de pap<strong>et</strong>eries. Ce qui est vrai pour de<br />
p<strong>et</strong>its poissons n’est pas forcément à rapporter à<br />
l’homme comme certains le font parfois un peu<br />
vite. Une question de taille, d’abord, <strong>et</strong> d’équilibre<br />
hormonal, ensuite; des espèces notamment<br />
aquatiques sont naturellement hermaphrodites,<br />
c’est–à-dire qu’elles possèdent les deux<br />
sexes <strong>et</strong> peuvent passer de l’un à l’autre pour<br />
des raisons «sociales» au sein de leur population,<br />
ou suite à des variations thermiques,<br />
notamment. 10% des espèces vivant dans l’eau<br />
seraient dans ce cas.<br />
Des perturbateurs endocriniens peuvent donc<br />
modifier l’équilibre des sexes au sein des populations<br />
comme cela a été observé chez le sau-<br />
486<br />
mon Chinookn, au Nord canadien en particulier,<br />
<strong>et</strong> on a incriminé les hormones sexuelles humaines<br />
qui se r<strong>et</strong>rouvent dans les eaux usées. Il<br />
existe sans doute bien d’autres cas de ce genre<br />
qui restent à découvrir. Tant que l’ensemble des<br />
populations d’une espèce n’est pas menacé, ce<br />
n’est pas fondamentalement dramatique; ce<br />
sont toutefois des signaux qu’il faut percevoir <strong>et</strong><br />
qui servent d’alerte ou d’avertisseur pour nous<br />
m<strong>et</strong>tre en garde contre des problèmes plus<br />
importants qui pourraient aussi concerner l’humain.<br />
Ben oui, <strong>et</strong> l’humain, justement. On est<br />
menacés ? J’ai déjà évoqué le cas des<br />
embryons mâles dès la 6e semaine de grossesse.<br />
Il faut prévenir les futures mamans qu’elles doivent<br />
autant que possible se m<strong>et</strong>tre à l’abri de ces<br />
substances qui pourraient induire sur le long<br />
terme une réduction de la fertilité, voire des<br />
anomalies des voies génitales, comme on l’observe<br />
malheureusement de plus en plus à la<br />
naissance. Mais l’humain adulte est lui aussi à<br />
m<strong>et</strong>tre en garde; nombre d’infertilités sont à<br />
m<strong>et</strong>tre au passif de polluants professionnels<br />
parmi lesquels les pesticides en tous genres se<br />
taillent une part importante; des études l’ont<br />
montré, ainsi que l’expérience de centres de<br />
procréation assistée qui «récupèrent» ces cas<br />
d’infertilité dans leur pratique. On sait aussi<br />
- d’autres études l’ont mis en évidence - qu’un<br />
lien étroit existe entre certains de ces pesticides<br />
<strong>et</strong> la survenue de cancers, en particulier chez<br />
des enfants.<br />
P<br />
ratiquement, il faut faire quoi, alors ?<br />
Tout simplement être mesuré dans l’emploi<br />
de tous ces produits d’utilisation courante<br />
dont on ne maîtrise pas toujours les eff<strong>et</strong>s. Les<br />
protections recommandées (port de gants, de<br />
masque) ne sont pas du luxe. Et puis on peut<br />
changer ses habitudes. Croquer une pomme est<br />
un plaisir recommandé… mais il faut penser à<br />
l’éplucher auparavant, sauf si elle vient du verger<br />
dont on maîtrise la gestion sans pesticide,<br />
bien entendu. À titre de simple exercice, regardez<br />
aussi au dos du flacon de savon liquide que<br />
vous utilisez sans doute quotidiennement par<br />
facilité <strong>et</strong> parce qu’il sent bon le frais: pensezvous<br />
maîtriser les eff<strong>et</strong>s de la vingtaine de constituants<br />
qui le composent ? Autant vous le dire:<br />
il y a des candidats perturbateurs endocriniens<br />
parmi eux !<br />
La vigilance est donc de mise, au même titre<br />
que la mesure dans l’utilisation. Et quand vous<br />
lirez l’étiqu<strong>et</strong>te des produits que vous envisagez<br />
d’ach<strong>et</strong>er, ne vous contentez plus dorénavant<br />
d’y consulter le seul prix !<br />
Jean Michel DEBRY<br />
j.m.debry@skyn<strong>et</strong>.be