THÉRÈSE AUBERT - ADÈLE - Bibliothèque numérique romande
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« Cependant, ma véritable mère ne nous avait point retiré<br />
son cœur. Elle écrivait souvent à mon père, et lui faisait part de<br />
ses regrets et même de ses espérances. Il arriva que vers la troisième<br />
ou quatrième année de la révolution, son père la laissa<br />
seule à Saumur, pour aller servir le roi dans son armée de la<br />
Vendée, et qu’elle désira de profiter de la liberté dont elle jouissait<br />
pour me voir ; car il y avait déjà quelque temps qu’elle avait<br />
perdu sa mère. Ce fut un beau jour pour notre petite famille que<br />
celui où nous parvint la nouvelle inattendue de ce voyage.<br />
Quoique je fusse bien jeune pour entendre clairement ces<br />
choses, mon père me les fit comprendre de son mieux, et nous<br />
partîmes après de courts préparatifs, qu’il ne croyait pas pouvoir<br />
jamais abréger assez. Enfin, je fus rendue à celle de qui<br />
j’avais reçu le jour, et je lui reportai la tendresse qu’une autre lui<br />
avait dérobée si longtemps sans l’enlever tout entière à celle-ci.<br />
Ma mère ne s’en affligeait point, et me voyait avec plaisir allier<br />
les devoirs de la reconnaissance aux devoirs de la nature. J’étais<br />
bien heureuse et bien aimée ; pourquoi fallait-il que cela durât,<br />
si peu !…<br />
« Mon père avait conçu un projet digne d’une âme si noble,<br />
et ma mère l’avait approuvé. Les troubles civils, qui étaient parvenus<br />
au plus haut point, ouvraient une carrière facile aux<br />
hommes de résolution, et il ne désespérait pas d’acquérir, sous<br />
les yeux de mon grand-père, de tels titres à la gloire, qu’on ne<br />
crût pas déroger en approuvant son mariage. C’est pourquoi il<br />
nous avait quittées, emportant l’espoir de nous revoir bientôt et<br />
de ne plus nous quitter jamais.<br />
« Pendant son absence, ma mère m’avait placée dans une<br />
pension où elle venait me voir souvent. On me prenait pour une<br />
orpheline de ses parentes, et on me traitait avec les mêmes soins<br />
que si mes véritables rapports avec elle avaient été connus.<br />
Quand nous étions seules, nous parlions de mon père, et nous<br />
pleurions longtemps ensemble. Je m’aperçus, au bout de<br />
quelques mois, qu’elle avait encore d’autres chagrins qu’elle ne<br />
me disait pas, mais je me bornais à m’en affliger en secret sans<br />
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