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THÉRÈSE AUBERT - ADÈLE - Bibliothèque numérique romande

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au hameau, je m’en suis informé, dis-je, avec tous les ménagements<br />

qu’exigeait l’abord d’une question si délicate ; et comme<br />

ce récit ne serait pas sans intérêt pour les personnes même les<br />

plus étrangères à tout ce qui m’intéresse, je veux te le faire entendre<br />

de la propre bouche d’Adèle, ainsi que je l’ai entendu.<br />

Pardonne-moi si, avec la simplicité de ses paroles, je n’ai pas eu<br />

le bonheur de conserver leur grâce naturelle, et cette effusion si<br />

facile et si touchante de sentiments qui leur prête le charme le<br />

plus entraînant. Il y a des choses qu’il faut désespérer<br />

d’exprimer.<br />

« Mon père, me dit Adèle, était né à Valency, d’une famille<br />

de très riches laboureurs. Il s’appelait Jacques Évrard, et<br />

comme il annonçait un esprit et des manières au-dessus du<br />

commun, ses parents résolurent de lui donner une éducation<br />

honorable qui pût le rendre propre à parcourir dans le monde<br />

une carrière plus brillante que celle qu’ils avaient suivie. Ses<br />

progrès répondirent à toutes les espérances, mais inutilement.<br />

Des malheurs multipliés qui survinrent dans ce temps-là à mon<br />

aïeul ; plusieurs mauvaises années de suite qui épuisèrent ses<br />

récoltes sans les remplacer ; deux incendies qui consumèrent<br />

successivement sa grange et sa maison, la perte enfin d’un procès<br />

considérable, duquel dépendait tout le reste, changèrent sa<br />

fortune en misère. Il était impossible de donner des suites aux<br />

projets qu’on avait formés pour mon père ; on y renonça, et,<br />

plus malheureux que s’il n’avait jamais pensé à sortir de sa condition,<br />

il s’engagea de désespoir.<br />

« Le régiment où il entra était alors en garnison à Saumur.<br />

À cette époque, mon père était très jeune encore, d’une figure<br />

aimable et qu’on trouvait distinguée, d’une bravoure à toute<br />

épreuve, et il joignait à cela une foule de ces talents agréables<br />

qui ouvrent à ceux qui les possèdent l’accès de toutes les sociétés.<br />

Estimé de son colonel et de ses officiers, il avait déjà monté<br />

deux fois en grade avec une rapidité inouïe dans le service, mais<br />

sans qu’il en résultât la moindre plainte de la part de ses camarades,<br />

qui rendaient sincèrement justice à ses avantages. Enfin,<br />

– 96 –

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