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THÉRÈSE AUBERT - ADÈLE - Bibliothèque numérique romande

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et, je tremble de le penser, une expression plus triste qu’à<br />

l’ordinaire. Elle releva doucement mes paroles en me reprochant,<br />

d’une manière affectueuse, l’ardeur que je portais dans la<br />

discussion, et l’enthousiasme avec lequel j’embrassais les idées<br />

les plus extraordinaires et souvent les plus funestes. Elle se plaignit<br />

de la facilité qu’ont les hommes de cette génération à saisir<br />

et propager les sophismes dont ils n’apprécient pas les conséquences,<br />

et qui tendent à dénaturer successivement tous les véritables<br />

rapports des choses. En m’accordant qu’il y avait des<br />

vérités noblement senties dans ce que je venais de dire, elle me<br />

recommanda de réfléchir sur l’origine et les effets de ces convenances<br />

morales, si respectables d’ailleurs par l’autorité qu’elles<br />

ont exercée sur nos ancêtres, et par la consécration presque religieuse<br />

qu’elles ont reçue des siècles, dont le jugement définitif<br />

est, en dernière analyse, toute la raison sociale ; ajoutant, du ton<br />

d’une résignation modeste, et non d’une conviction impérieuse,<br />

que le devoir d’un bon citoyen est de se soumettre aux institutions<br />

établies sans les discuter, et que, puisque l’imperfection<br />

des hommes les rend tributaires essentiels de certaines erreurs<br />

sanctionnées par la nécessité ou par le temps, l’intérêt du genre<br />

humain prescrit aux cœurs sages et droits le devoir de plier leur<br />

raison à la déférence commune.<br />

Il est possible que cela soit vrai. – Et combien ne donnerais-je<br />

point pour qu’il n’en restât pas de souvenir, de cette<br />

faible démarcation que le hasard de la naissance a tracée entre<br />

quelques familles et la grande famille des hommes ; de cette circonstance<br />

si étrangère à ma volonté, qui m’a soumis à un ordre<br />

particulier d’habitudes et d’obligations ; qui a restreint, comprimé,<br />

brisé l’indépendance de mon cœur ; qui m’a interdit les<br />

affections les plus simples et les plus heureuses ; qui me sépare<br />

d’Adèle et du bonheur !<br />

Séparé ! – Préjugé barbare ! je te voue à l’indignation des<br />

âmes fortes et sensibles !<br />

– 94 –

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