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THÉRÈSE AUBERT - ADÈLE - Bibliothèque numérique romande

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l’esclavage et le travail en ont fait des routes somptueuses pour<br />

les échanges corrupteurs du commerce et pour les invasions de<br />

la guerre, les Faucilles se développent d’une manière moins<br />

menaçante dans les profondeurs du précipice, et la chevrette de<br />

montagne, surprise qu’une main servile ait osé embellir sa demeure,<br />

ne se hasarde plus dans ces voies de l’homme. Elle reste<br />

immobile à l’angle le plus saillant d’une roche taillée à pic et<br />

contemple tristement le ciel, seul désert que la civilisation nous<br />

ait laissé. Toutes les parties du tableau qui se présentent ensemble<br />

à vos regards préoccupent d’abord si puissamment la<br />

pensée, que vous êtes longtemps à mettre de l’ordre dans vos<br />

sensations et à distinguer des détails : à vos pieds, où finissent<br />

le Jura et la France, un lac qui, dans son immensité, présente<br />

l’aspect d’une mer ; – sur ses bords, les campagnes romantiques<br />

du pays de Vaud, les paysages agrestes du Valais, les âpres solitudes<br />

de la Savoie ; – à votre horizon, une chaîne vaste comme<br />

lui, celle des Alpes dont les coupoles innombrables se groupent<br />

sur toute la demi-circonférence du ciel, diverses de formes, de<br />

caractère, de physionomie, de couleurs, mais toutes affectant<br />

aux feux du soleil l’éclat de divers métaux ; les unes resplendissantes<br />

comme de l’argent poli ; les autres, selon l’effet des<br />

ombres qui se projettent sur leurs contours, mates comme un<br />

plomb grossier, ou brillantes, comme l’acier bruni, de reflets<br />

bleus et violets ; certaines si éblouissantes, quand la lumière du<br />

couchant les inonde tout entières, qu’on les prendrait pour des<br />

masses de fer qui blanchissent dans la fournaise. Ce jour-là, par<br />

exemple, le soleil se couchait avec tant de magnificence et dans<br />

un ciel si pur ! Les vapeurs du lac, aspirées par le crépuscule,<br />

suspendues à ses rayons, se balançaient sur les eaux comme un<br />

crêpe léger teint du rose le plus doux, se relevaient peu à peu<br />

des pieds du voyageur jusqu’au sommet des montagnes, et déployaient<br />

devant lui, sur l’horizon, un rideau enflammé qui répandait<br />

sur tous les objets le prestige de sa lumière ; puis, devenues<br />

plus denses et plus obscures, couronnaient enfin tout ce<br />

magnifique spectacle d’un dais de pourpre et d’or dont la splendeur<br />

ne pâlit qu’au lever des astres de la nuit.<br />

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