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THÉRÈSE AUBERT - ADÈLE - Bibliothèque numérique romande

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silence et l’obscurité de ma solitude. Il arrive une époque où<br />

l’âme a besoin de prendre enfin possession d’elle-même et de se<br />

recueillir dans des méditations imposantes, loin du chaos des<br />

affaires sociales, – bien loin – sur la pointe d’un mont qui déchire<br />

les nues et qui commande à des plaines immenses et à des<br />

mers sans rivages. Il me semble que le Créateur, en produisant<br />

son univers si accompli en beauté, en jetant une magnificence si<br />

merveilleuse sur les ouvrages de ses mains, et en faisant contraster<br />

leurs richesses d’une manière si humiliante avec la misère<br />

de nos sentiments, a voulu nous révéler par un objet de<br />

comparaison sensible le néant de tous les plaisirs que nous plaçons<br />

hors de lui, et de tous les jugements que nous fondons sur<br />

la vaine opinion de la multitude. Je me transporte quelquefois<br />

en idée à ce jour, où, bien jeune encore, mais déjà proscrit,<br />

j’atteignis pour la première fois les hauts sommets du Jura.<br />

Quand vous avez suivi sur le plus élevé de ses plateaux les sinuosités<br />

d’une route sévère et sauvage qui se prolonge sur les<br />

flancs de la Dôle ; quand à l’extrémité de cette promenade taciturne<br />

où vous n’êtes accompagné tout au plus que par le cri<br />

d’une vieille aigle effrayée pour ses petits et qui s’étonne<br />

d’entendre au-dessous de ses rochers le bruit depuis longtemps<br />

oublié d’une voix humaine, quand il semble que la terre va<br />

manquer sous vos pas, et que de votre bras étendu vous allez<br />

toucher l’azur solide du firmament, à cet endroit il se manifeste<br />

tout-à-coup un spectacle si peu vulgaire qu’il vous fait comprendre<br />

au même instant la nécessité d’une volonté divine dans<br />

le mystère de la création. Vous croiriez que le génie de la terre<br />

soulève la toile qui sépare d’un monde magique ce monde de<br />

fange et de pierre, et qu’il vous introduit dans une région de miracles.<br />

Je voudrais te décrire cela, mais avec quelles couleurs ?<br />

Imagine-toi qu’à l’extrémité des bois de Lavatay il y a là sur<br />

la dernière crête de la montagne une pauvre maison qui paraît<br />

de loin perdue dans le fond des nuages, et qu’on appelle le chalet<br />

des Faucilles, parce que les sentiers qui en descendaient autrefois<br />

sur le chemin escarpé de l’abîme se recourbaient sur euxmêmes<br />

comme la faucille du moissonneur. Aujourd’hui que<br />

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